Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
2. candidatures à une commission mixte paritaire
3. Communication d’un avis sur un projet de nomination
4. Candidatures à trois organismes extraparlementaires
5. Conventions internationales – Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
6. Droit des étrangers en France – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 13 quinquies (supprimé)
Amendement n° 134 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 quinquies
Amendement n° 78 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 34 rectifié de M. Jacques Mézard. – Non soutenu.
Amendement n° 171 rectifié bis de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 sexies
Amendement n° 188 de M. Éric Doligé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 140 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 135 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Rectification.
Amendement n° 13 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles additionnels après l’article 13 octies
Amendement n° 6 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 172 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 112 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 136 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 120 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 121 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 79 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 198 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 81 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 122 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 82 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 62 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 193 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 139 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 175 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 83 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 49 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 84 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 17, 17 bis A (nouveau) et 17 bis – Adoption.
Amendement n° 137 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 199 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 85 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 18
Amendement n° 178 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 177 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 176 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 61 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 60 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 138 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
7. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
8. Nominations de membres de trois organismes extraparlementaires
9. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
10. Droit des étrangers en France – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 179 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Non soutenu.
Amendement n° 86 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 180 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 50 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 147 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 87 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 200 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 20
Amendement n° 201 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 88 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 89 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 22 bis A (nouveau) – Adoption.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
Adoption de l’article.
Amendement n° 40 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 22 ter
Amendement n° 106 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 197 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 154 rectifié bis de Mme Natacha Bouchart
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 154 rectifié bis de Mme Natacha Bouchart. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 181 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 35 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 37 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 47 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 183 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 194 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 26 et 26 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 192 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 145 de Mme Sylvie Robert. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 91 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 124 de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 184 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 92 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 28 quater
Amendement n° 125 rectifié de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet par scrutin public.
Articles additionnels après l'article 30
Amendement n° 59 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 58 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Articles additionnels après l’article 30 bis
Amendement n° 10 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Article additionnel après l’article 31
Amendement n° 187 rectifié de M. Abdourahamane Soilihi. – Retrait.
Amendement n° 93 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 34 bis A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 39 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
M. François-Noël Buffet, rapporteur
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la santé.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
3
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. Lors de sa réunion du 7 octobre 2015, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un vote favorable sur le projet de nomination de M. Michel Cosnard aux fonctions de président du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (37 voix pour, 0 voix contre).
Acte est donné de cette communication.
4
Candidatures à trois organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Gilbert Barbier.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
M. le Premier ministre a également demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a proposé les candidatures :
– d’une part, de M. Gérard César pour siéger au conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
– d’autre part, de M. Joël Labbé pour siéger comme titulaire au sein de l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.
Les candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voies.
accord entre la communauté européenne et l'afrique du sud
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, modifiant l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, signé à Kleinmond le 11 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Afrique du Sud, d’autre part, modifiant l’accord sur le commerce, le développement et la coopération (projet n° 561 [2014-2015], texte de la commission n° 704 [2014-2015], rapport n° 703 [2014-2015]).
(Le projet de loi est adopté définitivement)
accord de partenariat économique entre la côte d'ivoire et la communauté européenne
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part (ensemble deux appendices, deux annexes, un protocole), signé à Abidjan le 26 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part (projet n° 560 [2014-2015], texte de la commission n° 706 [2014-2015], rapport n° 705 [2014-2015]).
(Le projet de loi est adopté définitivement)
6
Droit des étrangers en France
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (projet de loi n° 655 [2014-2015], texte de la commission n° 717 [2014-2015], rapport n° 716 [2014-2015]), avis n° 2.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
TITRE Ier (SUITE)
L’ACCUEIL ET LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre II (SUITE)
La carte de séjour pluriannuelle
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 13 quinquies.
Article 13 quinquies
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 316-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-13 du code civil en raison de la menace d'un mariage forcé. Cette carte de séjour temporaire arrivée à expiration est renouvelée de plein droit à l'étranger qui continue de bénéficier d'une telle ordonnance de protection. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à rétablir l'article 13 quinquies relatif à la protection en cas de mariage forcé, supprimé par la commission des lois au motif que ces personnes sont éligibles à la protection subsidiaire, voire au statut de réfugié.
Il existe pourtant une jurisprudence fournie du Conseil d'État – il s’agit des arrêts du 3 juillet 2009 et du 7 décembre 2011 – qui considère que « les femmes qui ont quitté leur pays de naissance afin d'échapper à un mariage forcé, n'appartiennent pas à un groupe social victime de persécutions au sens de l'article 1er de la convention de Genève et ne peuvent, par conséquent, bénéficier de la qualité de réfugié ». C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement est importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les victimes de menace d’un mariage forcé sont éligibles à la protection subsidiaire – c’est la décision n° 11008510 C de la Cour nationale du droit d’asile, ou CNDA, en date du 9 novembre 2011 –, car il s’agit d’un « traitement dégradant » au sens de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
Ces personnes reçoivent sur ce motif la protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et un titre de séjour spécifique.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Le Gouvernement émet un avis favorable, car il s’agit d’une avancée dans la protection de ces personnes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle qu’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ne fait pas jurisprudence.
M. le président. En conséquence, l’article 13 quinquies demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 quinquies
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 13 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 171 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Desessard, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 316-3 du même code, les mots : « commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son » sont remplacés par les mots : « exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est la reprise de l’article 13 sexies nouveau du projet de loi transmis au Sénat, article que la commission des lois du Sénat a supprimé sur proposition du rapporteur.
Les dispositions proposées s’attachent à permettre à l’autorité administrative de délivrer une carte de séjour temporaire à la personne étrangère victime de violences au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire de PACS ou un ancien concubin.
Le CESEDA ne prévoit aujourd’hui que les cas de violences de la part du conjoint, du partenaire lié par PACS ou du concubin.
Dans le dessein d’assurer une meilleure protection des personnes étrangères victimes de violences au sein du couple, la notion de « couple » doit être élargie aux anciens conjoints, anciens partenaires liés par un PACS ou anciens concubins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, rejoignant l’avis – une fois n’est pas coutume – de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement visant à renforcer la protection des personnes, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 13 sexies demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 13 sexies
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par MM. Doligé et Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 13 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Les visas uniformes délivrés aux étrangers dans les chancelleries diplomatiques et consulaires en application du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire pour les visas. »
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Richard Yung et moi-même menons actuellement, en tant que rapporteurs spéciaux, des travaux de contrôle budgétaire sur la procédure de délivrance des visas.
Cet amendement de simplification administrative a pour objet de supprimer l’obligation de signature des vignettes-visas apposées par l’administration consulaire sur les visas délivrés aux étrangers.
En effet, le projet de loi relatif au droit des étrangers doit être également l’occasion d’améliorer les conditions d’accueil des étrangers qui sollicitent un visa pour venir en France dans le cadre d’un séjour touristique.
Or, la durée de la procédure d’attribution de visa, qui est un élément-clé de l’attractivité de notre pays, est allongée par des tâches inutiles d’instruction dans les postes consulaires. En particulier, les vignettes-visas apposées lors de la délivrance d’un visa uniforme « Schengen » de court séjour sont ensuite signées par une autorité consulaire.
Cette obligation de signature crée ainsi un goulet d’étranglement au sein de la phase d’instruction, en particulier lorsque l’une ou l’autre des personnes ayant délégation de signature est absente.
Or comme vous le savez, une restructuration des consulats est en cours. Il y a donc parfois relativement peu de personnel, ce qui peut poser des problèmes de signature des visas.
Pourtant, cette signature n’est pas rendue obligatoire par le droit communautaire. Comme toujours, nous ajoutons des contraintes supplémentaires ! Nos homologues, en particulier allemands, ont déjà supprimé l’obligation de signature, la remplaçant par une impression sur la vignette du nom de la personne décisionnaire.
En outre, cette signature n’apporte pas de garantie supplémentaire en termes de contrôle de la décision ou de réduction du risque de fraude.
En conséquence, Richard Yung et moi-même préconisons de supprimer l’obligation de signature des vignettes-visas, afin d’accélérer le traitement des demandes de visas déposées dans les consulats, d’améliorer la productivité des services consulaires et, ainsi, de renforcer l’attractivité touristique de la France.
Cet amendement s’inspire d’un des constats que, en tant que rapporteurs spéciaux, nous avons dressés dans le cadre de nos travaux de contrôle budgétaire en cours sur la procédure de délivrance des visas. Nous avons en effet pu constater que, dans certains consulats, cette remarque était faite systématiquement par les personnels, lesquels regrettent de perdre un temps fou sur un travail qui n’est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. En tant que secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, je salue l’intention louable qui motive cet amendement.
Cette intention rejoint celle du Gouvernement, puisqu’une politique de simplification concernant l’ensemble du champ des procédures de l’État est actuellement menée. « France visa » est ainsi en préparation, et ce programme sera mis en place au début de l’année 2017. Et il est prévu que la suppression de cette signature des vignettes-visas intervienne à ce moment-là.
Cette suppression étant inscrite dans les nouveaux processus à mettre en œuvre, alors que, pour le moment, la signature intervient à l’issue de la procédure et de tous les contrôles qui sont effectués, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable, étant entendu que les choses sont de toute façon amenées à changer. Ce point est en effet déjà inscrit dans notre calendrier.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Voici un visa néerlandais ! (M. Richard Yung brandit la copie d’un visa) Il n’y a pas de signature car, selon les règles communautaires, ce n’est pas obligatoire !
La France met toujours ceinture et bretelles ! Chacun sait que cette procédure de visa est une chaîne très lourde, extrêmement bureaucratique, qui se termine chez le consul ou le consul-adjoint. Or tout cela ne sert absolument à rien ! C’est du temps perdu !
Les autres pays apposent un tampon, qui n’est pas falsifiable et présente toutes les garanties.
Il y a donc une mesure extrêmement simple à prendre, qui relève du bon sens. Je ne sais pas ce que va décider mon collègue Éric Doligé, mais le retrait de cet amendement ne me semble pas constituer une bonne idée. Ne peut-on pas avancer dans le bon sens ?
M. le président. Monsieur Doligé, l’amendement n° 188 est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Je partage l’avis de mon collègue Richard Yung. Nous avons d’ailleurs, je le répète, travaillé ensemble.
Le Gouvernement nous a confirmé que cet amendement était intéressant, indiquant que la suppression de la signature interviendrait dans un certain temps… Toutefois, dans l’intervalle, nous allons demeurer dans la complication, dans les délais, dans les coûts inutiles, avec de moins en moins de capacités de gérer cette problématique dans les consulats.
En outre, un certain nombre d’étrangers qui disposent d’un pouvoir d’achat important et que l’on aimerait accueillir dans le cadre d’un séjour touristique sont souvent freinés dans leur démarche du fait de complexités administratives n’ayant aucun sens. Il faut donc supprimer le plus tôt possible l’obligation de cette signature plutôt que d’attendre une hypothétique décision gouvernementale.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13 sexies.
Article 13 septies (nouveau)
À l’article L. 411-1 du même code, les mots : « dix-huit mois » sont remplacés par les mots : « vingt-quatre mois ».
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, MM. Courteau, Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. La commission des lois a repoussé de dix-huit à vingt-quatre mois le délai à l'issue duquel un étranger peut présenter une demande de regroupement familial, alors même qu’il a été souligné à plusieurs reprises que la vie familiale est l’une des conditions d’intégration de toute la famille.
Tel est l’objet de cet amendement visant à rétablir le texte initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués hier sur la question de l’immigration familiale.
Permettez-moi simplement de rappeler que la possibilité de relever la durée de résidence de dix-huit à vingt-quatre mois est prévue par la directive européenne, qui laisse évidemment chaque État membre libre de déterminer la durée de séjour nécessaire pour être éligible au regroupement familial, dans la limite de vingt-quatre mois maximum.
Par ailleurs, l’allongement de la durée ne fait pas obstacle au droit des étrangers à mener une vie familiale normale.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’amendement n° 140 vise à réduire le délai exigé pour la reconnaissance du droit au regroupement familial.
Il s’agit d’un principe constitutionnel : notre pays est engagé par le bloc de constitutionnalité et les conventions – je n’y reviens pas.
Certes, il est possible, aux termes de la directive européenne, de prévoir un délai maximal de vingt-quatre mois pour présenter une demande de regroupement familial. Toutefois, je tiens à rappeler que la représentation nationale s’est prononcée, en 2006, de façon consensuelle, pour une période de dix-huit mois. Aussi le Gouvernement ne voit pas ce qui justifierait aujourd'hui un retour en arrière.
C’est un principe constant : si la règle européenne s’applique, rien n’empêche un État membre d’adopter des dispositions plus favorables.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 140.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis quelque peu étonné par les explications de M. le rapporteur : comme la directive européenne permet d’aller jusqu’à vingt-quatre mois, il faut prévoir un tel délai. Mais alors, qu’il aille jusqu’au bout de ses convictions ! Qu’il nous dise ce qu’il pense du regroupement familial !
Le regroupement familial fait-il, oui ou non, partie non seulement des droits des étrangers, mais aussi des moyens permettant à un étranger, à une famille de s’intégrer en France le plus vite possible ?
Si le rapporteur repousse le délai à l’issue duquel un étranger peut présenter une demande de regroupement familial, c’est bien parce qu’il pense que le regroupement n’est pas utile à l’intégration. Sinon il conviendrait plutôt de débattre de la question de savoir s’il faut raccourcir ce délai.
Je le répète, je suis un peu étonné. Cela nous donne l’impression que vous appliquez le délai maximum prévu par la directive européenne parce que, au fond, vous ne voulez pas du regroupement familial. Or refuser le regroupement familial, c’est refuser l’intégration !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas si simple !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, vous ne pouvez pas tenir de tels propos !
Dès le début de notre débat, dans le cadre de l’examen de l’amendement présenté par notre excellent collègue Roger Karoutchi, nous avons tenu compte non seulement du droit d’asile, mais aussi du regroupement familial.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Aucun de nos collègues ne remet en cause le principe du regroupement familial ! Bien sûr, on peut parler des modalités de ce regroupement, et on a parfaitement le droit de le faire. On peut avoir une conception plus ou moins large de la famille. On peut considérer que le mot « famille » ne signifie pas la même chose sur tous les continents.
Nous nous accordons tous à dire, par exemple, que le droit à la réunion des conjoints ne s’applique pas aux couples polygames, si l’on peut parler de « couples » ! Nous sommes tous d’accord sur ce point. Cela signifie que nous avons déjà l’habitude de distinguer les familles. Ainsi, la famille pouvant faire l’objet d’un regroupement familial correspond, d’une certaine façon, à la définition de la famille figurant dans le code civil français.
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas l’objet de mon amendement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Sinon, on ne sait plus où s’arrêter, au nom de la famille !
Mon cher collègue, par respect pour chacun de nos collègues, vous ne pouvez pas dire que certains sénateurs seraient contre le principe du regroupement familial. Je pense que vous vous êtes laissé emporter…
M. Jean-Yves Leconte. Mais vous allez jusqu’au bout du délai prévu par la directive européenne !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En réalité, nous sommes favorables à des restrictions concernant, notamment, la durée de séjour de la personne qui souhaite faire entrer sur notre territoire des membres de sa famille. Nous avons proposé un délai de deux ans parce que c’est une possibilité offerte par la directive européenne. Nous ne nous écartons pas du droit européen, que nous voulons respecter. Dans tout droit, il y a le droit et l’abus de droit. Nous faisons en sorte que les règles relatives au regroupement familial soient adaptées pour éviter tout abus de droit.
Ne nous mettez pas en cause en affirmant que nous sommes contre le regroupement familial ! Ce n’est pas le cas ! Nous voulons simplement éviter, je le répète, tout abus de droit.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai un peu de mal à comprendre.
De quoi s’agit-il ? Nous parlons du délai à partir duquel un étranger peut déposer une demande de regroupement familial. La seule question qui vaille est celle de savoir si la demande est recevable sur le fond. C’est tout. Pourquoi repousser le délai à vingt-quatre mois, contrairement à ce qui se fait actuellement ?
Hier soir, au cours de longs débats concernant le pouvoir d’appréciation des préfets, vous avez soutenu la thèse selon laquelle il ne fallait pas changer ce qui fonctionne. Or là, ce serait une jurisprudence inverse ! Franchement…
On aura à se prononcer sur le fond du dossier. Si les éléments du dossier ne sont pas très clairs, l’étranger n’aura pas l’autorisation de bénéficier du regroupement familial. Mais pourquoi repousser le délai à vingt-quatre mois ? Cela n’a rigoureusement aucun sens ! Et cela laisse soupçonner des choses qui sont bien évidemment fausses…
Pour la sérénité des débats, il vaudrait mieux que nous soyons favorables à cette proposition.
M. Roger Karoutchi. On serait presque convaincu ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 13 septies.
(L'article 13 septies est adopté.)
Article 13 octies (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : « , sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret ».
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour l'étranger de s'acquitter d'un forfait pour pouvoir bénéficier de l'aide médicale de l'État.
L'expérience a démontré que ce forfait, supprimé par le Gouvernement en 2012, avait, d'une part, des conséquences négatives en termes de prise en charge médicale, et, d'autre part, n'avait aucun effet positif sur les comptes publics.
À cet égard, permettez-moi de citer les termes du rapport sur le projet de loi de finances pour 2015 de notre collègue Francis Delattre, rapporteur spécial sur la mission « Santé » : « Avec le recul, le bilan de la mise en œuvre du droit de timbre et de la procédure d’agrément préalable semble mitigé. Le droit de timbre a procuré une recette relativement modeste – environ 5,5 millions d’euros – sans empêcher les dépenses de progresser de 4,9 % en 2011 alors même que les effectifs connaissaient une baisse sensible – moins 8,4 %. La direction de la sécurité sociale explique ce phénomène par l’augmentation du coût moyen d’un bénéficiaire de l’AME liée à l’aggravation des pathologies et à un déport vers des soins hospitaliers en raison de prises en charge plus tardives. La procédure d’agrément pour la délivrance des soins hospitaliers coûteux a quant à elle été abrogée avant sa mise en œuvre effective. Cette disposition s’est en effet avérée très complexe à appliquer, tant par les hôpitaux que par les CPAM, et induisait une charge de gestion importante. »
On peut effectivement persister dans l’erreur, en revenant à la situation antérieure. Mais on peut aussi comparer la situation antérieure à 2012 avec la situation actuelle.
Cet amendement vise à maintenir les dispositions en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens avant tout à rappeler les conditions pour bénéficier de l’aide médicale de l’État, l’AME.
Aux termes de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles, l’étranger en situation irrégulière doit séjourner en France depuis au moins trois mois de manière ininterrompue et ne doit pas disposer de revenus supérieurs au plafond de ressources permettant de bénéficier de la part complémentaire de la couverture maladie universelle. Cette demande doit être renouvelée chaque année.
Dans le rapport qu’il avait publié en 2014 en tant que rapporteur spécial de la mission « Santé » dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, notre collègue Francis Delattre indiquait : « Depuis l’entrée en vigueur du dispositif en 2001, les dépenses d’AME ont crû chaque année à un rythme soutenu, en particulier pour l’AME de droit commun. Aussi, entre 2002 et 2013, les dépenses d’AME de droit commun sont passées de 377 millions d’euros à 715 millions d’euros, soit une progression de près de 90 %. »
Notre collègue avait également relevé que le nombre de bénéficiaires de l’AME s’établissait à 282 425 personnes au 31 décembre 2013, contre 100 000 lors de la création de cette aide en 2001.
L’idée est de revenir au principe retenu en 2010, à savoir l’établissement d’un droit annuel, dont le montant sera fixé par décret. Le forfait permettrait aussi de contribuer un peu, si je puis dire, aux finances publiques.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Ne nous trompons pas de débat. Je ne pense pas qu’il faille avancer le critère financier.
Mme Éliane Assassi. Absolument !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. En effet, qui peut imaginer que des étrangers viendraient en France pour bénéficier de l’AME ?
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Ben voyons !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. La réalité, c’est que la suppression de cette aide médicale d’urgence pour les étrangers ne présente que des inconvénients dans la mesure où l’on retarde les choses. Il est ici question de santé. Les personnes concernées doivent se soigner, sauf à créer des problèmes sanitaires, dans un premier temps, et…
M. Roger Karoutchi. Il faut arrêter !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … humanitaires, dans un second temps. En outre, en raison du retard pris dans l’administration des soins, certaines personnes auront des problèmes de santé plus graves qu’au départ, ce qui entraînera des coûts plus élevés.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas le sujet !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Tous les arguments avancés ne correspondent à rien et ne sont que pure construction. Quand on n’explique pas les choses, comment avoir un écho positif dans l’opinion publique ? (M. Philippe Dallier s’exclame.) Il faut expliquer à nos concitoyens que la suppression de l’AME conduira à aggraver les conditions sanitaires et mettra en danger leur santé. Il faut leur dire la vérité, et leur réponse sera tout autre !
M. Roger Karoutchi. N’importe quoi !
M. Philippe Dallier. Personne ne parle de supprimer l’AME !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Si je comprends bien le raisonnement, on voudrait limiter en quelque sorte l’accès des personnes en situation irrégulière, travailleurs ou non, à l’AME, en instaurant un ticket modérateur de trente euros.
Mais réfléchissons. Ces personnes sont en situation irrégulière. Comment déterminer si elles sont sur notre sol depuis trois mois ou non ? C’est impossible à savoir.
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Richard Yung. Cette condition fait partie de ces règles bureaucratiques, administratives, qui n’ont aucun sens. Il en est de même pour ce qui concerne le plafond de ressources.
D’ailleurs, chers collègues de droite, vous êtes un peu gênés aux entournures, car on ne trouve dans le rapport aucune raison justifiant le rétablissement du ticket modérateur de trente euros ou l’instauration d’un ticket modérateur plus élevé. Le rapport ne renseigne même pas sur le produit de cette mesure lorsqu’elle était en vigueur.
M. Christian Cambon. C’est une question de principe !
M. Richard Yung. Bref, on nage dans le flou : voilà bien la preuve que la restauration du ticket modérateur est l’une de ces propositions purement formelles que vous avancez à des fins de simple affichage, mais dont la mise en œuvre n’aurait aucun effet réel. Je voterai donc l’amendement n° 135.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’appuie sans réserve les propos de M. Yung et de Mme la secrétaire d’État. Je regrette que la commission des lois aborde ce sujet par le prisme de l’argent, et non de l’individu. (M. Roger Karoutchi soupire.) C’est ainsi, monsieur Karoutchi : nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs !
Voici ce qu’on lit dans le rapport : « La prise en charge totale des frais médicaux des étrangers en situation irrégulière ne s’inscrit pas seulement dans un objectif d’assistance aux personnes, mais a aussi un objectif essentiel de santé publique, dans la mesure où, comme le constatent l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales dans leur rapport conjoint relatif à l’analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’État, ″la rupture avec les réseaux de soins et de prévention majore, en cas de maladies infectieuses, les risques de transmission, voire favorise l’apparition de souches virales ou de bactéries résistantes″ ». Voilà autant de raisons, mes chers collègues, de voter l’amendement présenté par les membres du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Avant de défendre dans quelques instants un amendement de portée plus large, je tiens à répondre aux orateurs qui viennent de prendre la parole.
Madame Assassi, vous dites que la droite ne s’intéresse qu’à l’argent… On a compris ! Passons ! Il reste que, lorsqu’on veut sauver un système, il faut arrêter de porter des œillères.
M. Yung a cité en exemple le visa néerlandais. Pour ma part, je m’apprête à défendre une aide médicale d’urgence inspirée du système en vigueur en Allemagne. Je ne pense pas que le système allemand soit particulièrement dur ; la preuve, c’est qu’il a été étendu.
Mais, à un moment, il faut arrêter ! Mme la secrétaire d’État s’offusque que l’on parle d’argent. Ah bon ? Mais quand le Gouvernement annonce aux citoyens français que les réformes de l’assurance maladie vont réduire les remboursements des médicaments, des frais d’hospitalisation et augmenter les tickets modérateurs,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la faute des étrangers !
M. Roger Karoutchi. … je pourrais m’offusquer qu’il ose parler d’argent quand il s’agit de la santé des Français ! Je pourrais m’exclamer que c’est inadmissible, scandaleux !
M. Christian Cambon. Cela, ça ne les gêne pas !
M. Roger Karoutchi. Pour sauver un système, il importe à un moment de le rationaliser ! Que l’on cesse de nous prêter des intentions qui ne sont pas les nôtres. Nous ne demandons pas que le traitement des maladies graves, les examens de médecine préventive afin de savoir si des personnes doivent suivre un traitement, les soins d’urgence et le suivi des femmes enceintes ne soient plus pris en charge. Nous proposons de nous inspirer du système allemand, qui fonctionne parfaitement, pour rationaliser notre système afin de le sauver.
Je répète que, à force de refuser le moindre changement, de ne rien vouloir savoir et de fermer les yeux sur l’explosion de la dépense, soulignée par le rapport Delattre, on fera exploser le système. Nous proposons, nous, de le rationaliser pour le sauver. Si, un jour, on doit tout arrêter parce qu’on n’y arrive plus, ce sera bien pis que d’avoir rationalisé !
Rationaliser, mais maintenir la dimension humanitaire : telle est notre intention véritable. Il n’est évidemment pas question de toucher à la prise en charge de base des personnes, fussent-elles en situation irrégulière. Seulement, on voit bien ce qui se passe dans nos hôpitaux, du fait de la généralisation de l’AME. Nous voulons en refaire ce qu’elle était au départ, c’est-à-dire un système d’urgence.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Guy-Dominique Kennel. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je conçois bien, monsieur Karoutchi, qu’il soit compliqué d’expliquer pourquoi l’aide médicale d’État est nécessaire. Seulement, il est de notre responsabilité à tous de le faire, et de constater que le système actuel doit être conservé : parce que l’AME répond à des objectifs humanitaires, à des objectifs de santé publique, dans la mesure où elle vise à prévenir des épidémies et l’aggravation de situations qui deviendraient dès lors plus coûteuses, et parce que la politique entreprise en 2012 corrige un certain nombre de dérives financières antérieures. Sans doute, l’AME coûte ; mais sa suppression ou sa limitation coûterait plus cher !
Notre responsabilité est de ne pas fuir devant la nécessité de l’expliquer à nos concitoyens, la tâche fût-elle difficile ; elle est de représenter à ces derniers que la santé publique est à la fois une économie et une démarche humaniste.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Yves Leconte. Notre responsabilité, sur cette question de l’aide médicale comme sur l’ensemble de l’immigration, n’est pas de courir après l’opinion publique ; c’est de faire en sorte que l’opinion publique comprenne les impératifs liés à la gestion de cette situation. Il n’y a pas de contradiction entre l’humanisme et l’économie : les deux convergent, ainsi que l’ont montré les faits de ces dernières années. Pour mener ce travail d’explication, nous aurions besoin de toutes les forces politiques. Il est dommage que certains préfèrent courir au-devant de l’opinion !
M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. Je suis médecin et j’habite à côté de Calais, où nous côtoyons des étrangers en situation irrégulière non pas depuis trois mois, mais depuis vingt ans. Ces personnes vont se faire soigner à l’hôpital ou dans des dispensaires où travaillent des médecins à titre bénévole.
En pratique, que voyons-nous ? Des cachexies, c’est-à-dire des personnes en mauvais état général, des cas de gale, des dermatoses, des grossesses à risque, souvent avec accouchement prématuré, des parasitoses, de la tuberculose, diverses blessures. Le médecin ne demande pas à ces malades s’ils ont de l’argent, s’ils perçoivent l’aide médicale ou s’ils sont en règle avec l’État ! Le médecin soigne, quelle que soit la pathologie !
Dans le Calaisis, mais aussi ailleurs, nous ne faisons qu’appliquer une éthique médicale dans un esprit humaniste. Ce n’est donc pas la peine de demander des sous !
M. Philippe Dallier. Il n’y a qu’à annoncer que tout est gratuit !
M. Christian Cambon. Qu’on le fasse donc pour les Français !
Mme Éliane Assassi. N’opposez pas les gens entre eux !
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Président du conseil d’administration de l’hôpital de Roubaix, je sais très bien que, en effet, certains titres ne sont pas recouvrés dans le cadre des prises en charge. Néanmoins, le bilan précis que j’ai réalisé il y a quelques semaines dans cet hôpital prouve qu’il y a plus d’avantages à conserver le système actuel qu’à s’en priver.
Des fraudes, assurément, il s’en commet ; mais il faut savoir où : les fraudes sont commises via les urgences, qui représentent 60 % des entrées à l’hôpital. De fait, il arrive que des personnes entrent à l’hôpital par les urgences, par exemple pour des dialyses, et ne fassent pas l’objet de contrôles suffisants.
Il est certain que, dans le système actuel, les conditions de lutte contre la fraude restent encore à préciser ; mais cet inconvénient est moindre que ceux qui résulteraient de son abandon.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, Grand, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Bouvard, Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« Aide médicale d’urgence.
« Art. L. 251-1. – Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l’article L. 161-14 et des 1° à 3° de l’article L. 313-3 dudit code, à l’aide médicale d’urgence.
« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale d’urgence dans les conditions prévues par l’article L. 251-2.
« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale d’urgence, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 251-2. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais, concerne :
« 1° Le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;
« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;
« 3° Les vaccinations réglementaires ;
« 4° Les examens de médecine préventive.
« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 du présent code d’un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.
« Art. L. 251-3. – Sauf disposition contraire, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le chapitre II est abrogé ;
3° Le chapitre III est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Dispositions financières
« Art. L 253-1. – Les prestations prises en charge par l’aide médicale d’urgence peuvent être recouvrées auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard des bénéficiaires de cette aide. Les demandeurs de l’aide médicale d’urgence sont informés du recouvrement possible auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à leur égard des prestations prises en charge par l’aide médicale.
« Art. L. 253-2. – Les dépenses d’aide médicale sont prises en charge par l’État.
« Lorsque les prestations d’aide médicale ont pour objet la réparation d’un dommage ou d’une lésion imputable à un tiers, l’État peut poursuivre contre le tiers responsable le remboursement des prestations mises à sa charge.
« Lorsqu’une provision a été versée à un établissement de santé pour couvrir des frais de soins et de séjour ou qu’un engagement de versement a été souscrit, la partie des frais correspondant à la provision ou à l’engagement reste à la charge des bénéficiaires.
« Art. L. 253-3. – Les demandes en paiement des prestations fournies au titre de l’aide médicale par les médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, établissements de santé et autres collaborateurs de l’aide sociale doivent, sous peine de forclusion, être présentées dans un délai de deux ans à compter de l’acte générateur de la créance.
« Art. L. 253-4. – Sauf disposition contraire, les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. M. Poher a souligné que certaines personnes en situation irrégulière étaient atteintes de maladies graves. Les auteurs du présent amendement, que j’ai annoncé il y a quelques instants, ne proposent nullement de remettre en cause la prise en charge de telles affections. Ils entendent sauver le système en définissant les soins qui doivent être assurés, que la personne soit en situation régulière ou non : le traitement des maladies graves, la prise en charge des femmes enceintes et les vaccinations réglementaires et examens de médecine préventive à l’arrivée, qui sont nécessaires aussi bien pour ceux qui sont directement menacés que pour l’ensemble de la société française, laquelle a intérêt à ce qu’une surveillance s’exerce.
On a cité à plusieurs reprises le rapport de Francis Delattre. Je vous rappelle que notre collègue s’y prononce en faveur d’un recentrage de l’AME. De fait, du temps où l’assurance maladie et le système de santé français étaient, sinon bénéficiaires, du moins en meilleur état qu’aujourd’hui, on a élargi les publics de l’AME et, surtout, on lui a ajouté des strates, de sorte que, d’année en année, on s’est éloigné du périmètre originel de la prise en charge ; c’est à ce périmètre, qui correspond à celui en vigueur en Allemagne, que je vous propose de revenir.
En 2013, le coût de l’AME s’est élevé à un peu plus de 700 millions d’euros. Aujourd’hui, il est compris entre 800 et 900 millions d’euros. Compte tenu de cette tendance, il n’y a pas de raison qu’il ne s’établisse pas, dès 2016, aux alentours de 1 milliard d’euros. Le moment viendra où les Français diront : c’est trop. Pour éviter que cela ne se produise, je propose de conserver la définition des publics de l’AME, mais de revenir au périmètre initial de la prise en charge, qui correspond au périmètre en vigueur en Allemagne aujourd’hui. Cette solution permettrait de préserver la santé de tout le monde, y compris celle des clandestins, tout en limitant la prise en charge au périmètre d’origine, et donc en supprimant les différentes strates qui ont été ajoutées par la suite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission des lois a décidé de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée. Même si M. le rapporteur l’aurait très bien fait à ma place, je vais vous exposer les deux raisons de notre hésitation, deux raisons que je crois d’ailleurs solubles.
M. Roger Karoutchi. Dans ce cas…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En premier lieu, la commission a souhaité l’instauration, pour l’accès à l’aide médicale, d’un droit annuel dont le montant soit fixé par décret. Notre assemblée vient de confirmer ce principe, et que l’on parle d’aide médicale d’État ou d’aide médicale d’urgence ne change rien à l’affaire. Or l’amendement n° 13 rectifié bis, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit pas ce droit annuel, sans doute du fait d’une omission.
En second lieu – et sur ce point je rejoins Mme la secrétaire d’État –, mon tropisme d’ancien ministre de la sécurité sociale puis de la santé me conduit à considérer que nombre de maladies graves commencent par des maladies ordinaires, si j’ose dire. Il n’y a pas de maladie qui ne doive éveiller chez le médecin le soupçon d’une dérive possible vers une maladie plus grave. Il faudrait donc tenir compte, dans la formulation de cet amendement, de la prophylaxie des maladies graves, c’est-à-dire des prescriptions qui sont nécessaires pour éviter qu’une maladie grave, très coûteuse pour la sécurité sociale ou pour l’aide médicale, ne résulte du défaut de traitement d’une maladie qu’on avait d’abord crue ordinaire.
Je suggère donc aux auteurs de cet amendement de rectifier ce dernier sur deux points.
Premièrement, je propose d’ajouter, à la fin du premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles, le membre de phrase suivant : « , sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret. ». Ainsi, nous rétablissons sa rédaction, conformément à ce que nous venons de voter.
Deuxièmement, au 1° du texte proposé pour l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles, il conviendrait d’insérer les mots : « La prophylaxie et » avant les mots : « le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës » .
Si les auteurs du présent amendement acceptaient ces deux rectifications, j’y serais alors favorable.
M. le président. Monsieur Karoutchi, que pensez-vous des rectifications suggérées par M. le président de la commission ?
M. Roger Karoutchi. Il n’y a pas de souci sur la question du droit annuel. Par ailleurs, si M. le président de la commission des lois considère qu’il faut introduire le terme « prophylaxie », cela ne me pose pas de problème.
Pour ma part, je pensais que la médecine préventive permettait de déceler les risques de maladie grave et qu’il n’était donc pas nécessaire d’apporter plus de précisions à cet égard. Cependant, si cela peut rassurer certains sur le fait que nous n’avons pas l’intention de laisser sur le bord du chemin les gens qui risquent de contracter une maladie grave, ajoutons ces termes !
Je rectifie par conséquent l’amendement n° 13 rectifié bis dans le sens suggéré par M. le président de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 13 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, Grand, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Bouvard, Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« Aide médicale d’urgence.
« Art. L. 251-1. – Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l’article L. 161-14 et des 1° à 3° de l’article L. 313-3 dudit code, à l’aide médicale d’urgence, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret.
« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale d’urgence dans les conditions prévues par l’article L. 251-2.
« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale d’urgence, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 251-2. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais, concerne :
« 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;
« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;
« 3° Les vaccinations réglementaires ;
« 4° Les examens de médecine préventive.
« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 du présent code d’un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.
« Art. L. 251-3. – Sauf disposition contraire, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le chapitre II est abrogé ;
3° Le chapitre III est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Dispositions financières
« Art. L 253-1. – Les prestations prises en charge par l’aide médicale d’urgence peuvent être recouvrées auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard des bénéficiaires de cette aide. Les demandeurs de l’aide médicale d’urgence sont informés du recouvrement possible auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à leur égard des prestations prises en charge par l’aide médicale.
« Art. L. 253-2. – Les dépenses d’aide médicale sont prises en charge par l’État.
« Lorsque les prestations d’aide médicale ont pour objet la réparation d’un dommage ou d’une lésion imputable à un tiers, l’État peut poursuivre contre le tiers responsable le remboursement des prestations mises à sa charge.
« Lorsqu’une provision a été versée à un établissement de santé pour couvrir des frais de soins et de séjour ou qu’un engagement de versement a été souscrit, la partie des frais correspondant à la provision ou à l’engagement reste à la charge des bénéficiaires.
« Art. L. 253-3. – Les demandes en paiement des prestations fournies au titre de l’aide médicale par les médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, établissements de santé et autres collaborateurs de l’aide sociale doivent, sous peine de forclusion, être présentées dans un délai de deux ans à compter de l’acte générateur de la créance.
« Art. L. 253-4. – Sauf disposition contraire, les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je salue le fait que M. Bas se soit rendu à nos arguments en raison, justement, de son expérience des responsabilités ministérielles.
En effet, il existe à la fois un risque sanitaire lié à la contagion et un risque que le retard de la prise en charge d’un malade n’entraîne une aggravation de l’état de santé de ce dernier, avec, pour conséquence, un éventuel alourdissement des coûts pour la sécurité sociale, ainsi que vous l’évoquiez, monsieur le président.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement demeure certes défavorable, mais je tenais vraiment à saluer les propos de M. le président de la commission des lois.
Monsieur Karoutchi, j’attire votre attention sur un point supplémentaire : vous avez parlé de l’Allemagne. L’Allemagne a certes un système différent du système français, mais elle réfléchit également sur ce sujet ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Heureusement qu’elle réfléchit ! C’est mieux !
M. Éric Doligé. En France aussi, on devrait réfléchir à beaucoup de choses !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. En tout cas, je pense que l’Allemagne ne prévoit pas de s’orienter dans le même sens que vous !
Si je tenais à évoquer la situation de l’Allemagne, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce qu’il faut être précis et ne pas considérer que tout le monde reste campé sur ses positions !
M. Roger Karoutchi. Et vous faites bien !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. En définitive, M. Bas a souligné le fait que votre réflexion n’était pas complètement aboutie, et que certains d’entre vous étaient capables de prendre en compte l’expérience des responsabilités, ce que je salue de nouveau.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est le baiser qui tue ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 octies est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 13 octies
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Mayet, B. Fournier, Retailleau et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Nougein, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Kammermann et Duchêne, M. Falco, Mmes Procaccia et Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Grand, Laménie, Lenoir, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mme Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne et Duranton et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 13 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « à tout Français et à tout étranger résidant sur le territoire national dans des conditions légales depuis au moins cinq ans qui ».
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement s’inspire des principes évoqués par notre collègue Roger Karoutchi et concerne la mise en œuvre du droit au logement opposable, ou DALO, réforme que notre majorité avait mise en place en 2007.
Le constat s’impose : cette politique entraîne une paralysie du système, tant les demandes sont nombreuses et insatisfaites. En effet, je rappelle que, à l’heure actuelle, 60 000 ménages relevant du DALO sont en attente de l’attribution d’un logement !
Je rappelle également que les étrangers en situation légale ont le droit de bénéficier du DALO lorsqu’ils sont titulaires depuis au moins deux ans soit d’une carte de résident, soit d’une carte de séjour.
Nous voulons que l’accès au DALO puisse profiter aux étrangers qui résident légalement en France depuis au moins cinq années, de sorte que les familles en grande difficulté de relogement puissent effectivement se voir attribuer un logement.
Il y a d’autant plus urgence à agir que notre pays s’est vu condamné récemment pour ne pas avoir respecté la mise en œuvre de ce droit. Ce fut notamment le cas, en mai 2015, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à la suite du recours d’une famille camerounaise qui attendait son relogement depuis plus de cinq ans.
En restreignant ce droit au logement opposable aux étrangers qui séjournent de manière légale depuis au moins cinq années, il est évident que l’on évitera un afflux de demandes qui, de toute façon, ne peuvent pas être satisfaites et exposent la France à des condamnations de plus en plus fréquentes, soit de la part d’instances judiciaires nationales, soit désormais de la part de la Cour européenne des droits de l’homme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Le dispositif de ce dernier présente en effet un risque à la fois d’inconstitutionnalité et de non-conformité aux conventions internationales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet comme la commission, et pour les mêmes motifs, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne veux pas manquer l’occasion de faire observer que voter des lois inapplicables, pour des raisons décoratives, peut aussi avoir des inconvénients !
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Roger Karoutchi. Vous dites cela parce que vous êtes opposé à la loi DALO !
M. Pierre-Yves Collombat. Pas du tout ! La loi DALO ne règle rien du tout. Pour régler le problème du logement, il faut construire des logements, voilà tout !
M. Christian Cambon. On peut au moins corriger le système !
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. César, Dallier et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Mandelli, Mayet, Retailleau et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Fontaine, Nougein, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Procaccia et Duchêne, M. Duvernois, Mme Kammermann, MM. Falco et Bonhomme, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel, D. Laurent, A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Laménie, Lenoir, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mme Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 13 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier du droit à un logement décent et indépendant et de l’aide personnalisée au logement, les étrangers, hors ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, doivent résider régulièrement en France depuis au moins deux ans. »
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement s’inspire des mêmes principes que le précédent : seuls les étrangers qui résident en France depuis au moins deux ans doivent pouvoir bénéficier du droit à un logement décent et indépendant et de l’aide personnalisée au logement, l’APL.
À l’heure où le Gouvernement multiplie les annonces sur la nécessité de baisser le montant de l’APL, il me semble nécessaire de ne pas créer un appel d’air et de ne pas laisser entendre à un certain nombre de populations étrangères qu’elles pourraient bénéficier d’une telle aide.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que M. Michel Sapin a lui-même demandé, le 11 mai dernier, que de très importantes économies soient réalisées sur ces aides personnalisées au logement et que, en outre, de très nombreuses familles françaises voient leurs aides diminuer.
Un dispositif plus juste permettrait donc de ne pas gonfler artificiellement les demandes d’APL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 6 rectifié ter, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je ne peux m’empêcher de lancer une petite pique à mes collègues de droite à propos de cet amendement mais aussi du prochain !
M. Roger Karoutchi. Vous ne savez pas encore ce que je vais dire…
Mme Éliane Assassi. Monsieur Karoutchi, si l’on suivait votre logique, on pourrait tout autant demander aux étrangers de ne pas payer leurs impôts locaux, de ne payer ni taxe foncière ni impôt sur le revenu, etc.
J’espère qu’il ne s’agit là que d’une absurdité de votre part, mon cher collègue ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. César, Dallier et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier, Frassa et J. Gautier, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Mandelli, Mayet, Retailleau, Saugey et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Fontaine, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Procaccia, Duchêne et Kammermann, M. Falco, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mme Deseyne, M. J.P. Fournier, Mmes Duranton et Primas et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 13 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier des allocations familiales, les étrangers, hors ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, doivent résider régulièrement en France depuis au moins deux ans. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Voyez l’influence de Mme Assassi ! Je vais retirer mon amendement, monsieur le président ! (Sourires.)
En effet, je m’inscris dans la même logique que celle que j’ai adoptée lors de l’examen de l’amendement n° 1 rectifié quater sur les plafonds d’étrangers admis en France : je souhaite respecter la réglementation en vigueur en matière de regroupement familial. Par cohérence, je ne veux donc pas revenir sur ce principe en prenant le problème par un autre bout ! Cela n’aurait aucun sens !
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié ter est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
Chapitre Ier
Mesures d’éloignement applicables aux étrangers en situation irrégulière
Article 14
I. – L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le 6° du I, sont insérés des 7° et 8° ainsi rédigés :
« 7° Si le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public ;
« 8° Si l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l’article L. 5221-5 du code du travail. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « et » est remplacé par les mots : « pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne ou avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen où il est légalement admissible. Toutefois, lorsqu’il est accompagné d’un enfant mineur ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse dont il assure seul la garde effective, il ne peut être tenu de rejoindre qu’un pays membre de l’Union européenne ou avec lequel s’applique l’acquis de Schengen. L’étranger obligé de quitter le territoire français » ;
a bis A) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « sept » ;
a bis) La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« L’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à sept jours s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de départ volontaire accordé à l’étranger peut faire l’objet d’une prolongation par l’autorité administrative pour une durée appropriée, s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L’étranger est informé par écrit de cette prolongation. » ;
c) À la seconde phrase du premier alinéa du 3°, le mot : « est » est remplacé par les mots : « peut être » ;
d) Au dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
3° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’autorité administrative, par une décision motivée, assortit l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français, d’une durée maximale de cinq ans à compter de sa notification, lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti.
« Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prenne pas d’interdiction de retour.
« Sauf s’il n’a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l’ordre public, le présent III n’est pas applicable à l’étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l’article L. 316-1 n’a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d’un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre État membre de l’Union européenne, il n’a pas rejoint le territoire de cet État à l’expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire.
« Lorsqu’elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de cinq ans. » ;
a bis) À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, la référence : « l’article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » est remplacée par la référence : « l’article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) » ;
b) Les quatrième et cinquième alinéas sont supprimés ;
c) Au début du septième alinéa, les mots : « L’interdiction de retour et sa durée sont décidées » sont remplacés par les mots : « La durée de l’interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l’interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés » ;
d) (nouveau) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf menace grave pour l’ordre public, la durée totale de l’interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. »
II. – L’article L. 512-1 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du I, après les mots : « quitter le territoire français », sont insérés les mots : « sur le fondement des 1° à 5°, du 7° ou 8° du I de l’article L. 511-1 ou sur le fondement de l’article L. 511-3-1 » ;
1° bis À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sur le fondement du 6° du I de l’article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article peut, dans un délai de quinze jours suivant sa notification, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine.
« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil, s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.
« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. » ;
3° À la fin du deuxième alinéa du II, la référence : « au I » est remplacée par les mots : « , selon les cas, aux I ou I bis » ;
3° bis Le deuxième alinéa du III est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf si l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend, s’y oppose, l’audience peut se tenir dans cette salle et le juge siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d’audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d’audience située à proximité du lieu de rétention et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public. » ;
4° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Lorsque l’étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III. »
III (Non modifié). – Le chapitre III du titre III du livre V du même code est abrogé.
IV (Non modifié). – À la fin de l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, les mots : « du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et sur ceux formés contre les arrêtés de reconduite à la frontière » sont remplacés par les références : « des III et IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 172 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumère les cas dans lesquels un étranger en situation irrégulière peut faire l’objet d'une obligation de quitter le territoire français.
L’alinéa 4 de l’article 14 du présent projet de loi introduit un nouveau cas, celui où l’étranger en situation irrégulière a exercé une activité professionnelle salariée en France sans avoir préalablement obtenu l'autorisation de travail prévue à l’article L. 5221-5 du code du travail.
Autrement dit, l’autorité administrative aurait désormais la possibilité de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière qui aurait commis une infraction au droit du travail.
Or l’article L. 5221-5 du code du travail dispose que l’interdiction d’exercer une activité professionnelle sans autorisation de travail ne concerne qu’« un étranger autorisé à séjourner en France ». Par conséquent, cet article ne devrait pas s’appliquer à un étranger en situation irrégulière.
En toute logique, nous proposons donc de supprimer cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung, Mmes Espagnac et Yonnet, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation de visa, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, l’étranger a méconnu l’article L. 5221-5 du code du travail. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement tend à préciser le champ de la décision d’obligation de quitter le territoire français, en modifiant la rédaction - prévue à l’article 14 du présent projet de loi – du 8° du I de l’article L. 511-1 du CESEDA.
Ce motif d’OQTF concerne les seuls étrangers présents en France depuis moins de trois mois. Il est proposé de revenir à une rédaction plus explicite de cet article, plus proche de celle qui figurait au 8° du II de l’article L. 511-1 avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Il s’agit notamment d’éviter que des personnes présentes un long moment en situation régulière sur le territoire et dont le titre de séjour a expiré depuis moins de trois mois ne soient concernées.
Cette clarification s’impose du fait du nombre d’interprétations divergentes existant sur l’alinéa 4 de l’article 14, tel qu’il est rédigé actuellement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Il existe aujourd'hui un dispositif d’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, ou APRF, appliqué aux étrangers ayant violé les dispositions du droit du travail. Il convient d’utiliser le dispositif de l’OQTF, qui donne beaucoup plus de cohérence à l’ensemble de la réglementation relative aux obligations de quitter le territoire national.
Par ailleurs, il faut rappeler que l’OQTF permet un départ forcé, mais aussi un départ volontaire, ce qui n’est pas prévu dans le dispositif de l’APRF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Madame Benbassa, le Gouvernement considère que la rédaction de votre amendement n° 172 rectifié pose des difficultés d’interprétation. Je vous suggère donc de le retirer au profit de l’amendement n° 112 rectifié, sur lequel j’émets un avis favorable.
Le Gouvernement souhaite effectivement préciser le champ de la mesure, en excluant les personnes présentes en France depuis plus de trois mois, leur éloignement relevant d’autres fondements juridiques. La rédaction utilisée dans l’amendement n° 112 rectifié rejoint l’esprit et la lettre du 8° du II de l’article L. 511-1 du CESEDA avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2011. Celui-ci visait à sanctionner les comportements détournant de son but la libre circulation dans les trois premiers mois de l’entrée sur le territoire.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 172 rectifié est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 9
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
trente
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement concerne le délai de départ volontaire, que la commission a souhaité abaisser à sept jours, contre trente, actuellement.
Le rapporteur a effectivement considéré que cet abaissement permettrait d’accélérer le retour de personnes faisant l’objet d’OQTF. Toutefois, en réalité, un départ volontaire doit être préparé pour qu’il se déroule dans de bonnes conditions, ce qui limite les retours.
La réduction du délai à sept jours est donc source de complexifications. Elle pourrait entraîner, parce que le départ aura été précipité, une multiplication des échecs et, en conséquence, une augmentation du risque de retour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Le délai de départ volontaire est aujourd'hui fixé à trente jours, sachant que, selon la directive européenne, les gouvernements peuvent l’établir librement dans une fourchette comprise entre sept et trente jours.
Que constate-t-on ? En réalité, le dispositif actuel ne fonctionne pas très bien et, objectivement, le but est souvent de rester le plus longtemps possible sur le territoire. Donc, plus le délai est important, plus l’éloignement est difficile à mettre en œuvre.
C’est sur le fondement de ce constat de fait que la commission a souhaité établir le délai à sept jours.
Je précise que des recours peuvent ensuite être engagés par les migrants contre cette obligation de quitter le territoire dans un délai de sept jours. Les procédures seront traitées dans de meilleurs délais et, selon leurs résultats, les étrangers seront ou ne seront pas éloignés plus rapidement.
Notre décision témoigne donc d’un souci d’efficacité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement n° 136, la réduction du délai à sept jours n’étant effectivement pas appropriée.
Le délai de trente jours, institué par la loi du 16 juin 2011, s’inscrit dans le cadre de la transposition de la directive européenne et répond au principe de priorité accordée aux retours volontaires.
Sa réduction à sept jours n’est pas réaliste dans les faits. Ce délai permet en effet de préparer les conditions du retour et d’en garantir la réussite. En le restreignant, nous multiplierions les recours et contentieux destinés à obtenir une prorogation.
Les trente jours prévus actuellement constituent un délai raisonnable, contribuant au développement souhaité des retours volontaires.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à transposer le 2. de l’article 7 de la directive Retour. Il s’agit de préciser ce qu'il faut entendre par les « circonstances propres à chaque cas » motivant l’accord pour une prolongation du délai de départ volontaire. Cette précision facilitera la compréhension des nouvelles dispositions et en garantira une application uniforme sur le territoire national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a estimé qu’il n’était pas opportun de fixer une liste non exhaustive de ces circonstances. Cela alourdirait à la fois les contraintes et le texte, et ce sans utilité pratique. En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est favorable dès lors qu’il s’agit ici de reprendre les termes mêmes de la directive dans la loi. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, vous vous êtes référé à la directive lors de l’examen d’un précédent amendement… Vous êtes donc dans une forme de contradiction !
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Les deuxième à quatrième alinéas du 3° sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement vise à mieux encadrer les critères définissant le risque de fuite.
Actuellement, celui-ci s'établit, pour l'essentiel des cas, sur la seule irrégularité du séjour. Le but serait de ne conserver, pour le caractériser, que les cas dans lesquels l'étranger a, de façon délibérée et caractérisée, manifesté une volonté de se soustraire à ses obligations dans le but de prendre la fuite. Les caractéristiques fondées sur le seul maintien irrégulier sur le territoire sont donc supprimées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement qui a pour objet de supprimer trois des quatre critères permettant de caractériser un risque de fuite est contraire à la position de la commission.
Je tiens à rappeler que la faible effectivité des mesures d’éloignement s’explique par la soustraction des étrangers aux mesures d’éloignement. Le taux d’exécution des OQTF – il est question ici, non pas des personnes placées en rétention, mais uniquement de celles qui ont une obligation de quitter le territoire national – est de 19 %. Efficacité : 19 %, mes chers collègues ! Or l’adoption de cet amendement affaiblirait fortement ce taux d’exécution des OQTF.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis est défavorable, car cet amendement tend à réduire trop nettement les critères.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 43 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mmes Yonnet, Jourda et Espagnac, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 16
1° Remplacer le mot :
assortit
par les mots :
peut assortir
2° Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 14 du projet de loi tend à prévoir que l’autorité administrative a compétence liée s’agissant du prononcé d’une interdiction de retour sur le territoire lorsque aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque celui-ci n’a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti.
Le présent amendement vise à laisser au préfet – M. le rapporteur aime souvent ce genre de dispositions – une marge d’appréciation concernant le prononcé de l’interdiction de retour, afin qu'elle ne soit pas automatique.
L'automaticité d'une telle mesure encourt effectivement l'inconstitutionnalité. Ainsi, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré l'interdiction de retour automatique liée, à l'époque, aux arrêtés de reconduite à la frontière pris « sans égard à la gravité du comportement » de l’intéressé.
En outre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, indique, dans son avis du 21 mai 2015 relatif au présent projet de loi, qu'elle « ne peut que déplorer cette automaticité de principe de l'interdiction de retour, ce d'autant qu'elle est de nature à nourrir une augmentation du contentieux ».
Cet amendement tend également à rétablir le délai maximal de trois ans, contre celui de cinq ans qui est prévu dans le texte issu de la commission des lois du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer le mot :
assortit
par les mots :
peut assortir
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vais considérer cet amendement comme défendu, puisque nous nous inscrivons dans la même philosophie que celle qui vient d’être présentée par notre collègue Jean-Yves Leconte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements tendant à prévoir une possibilité de prononcer l’interdiction de retour, l’amendement n° 43 rectifié bis visant également à réduire la durée maximale de cette mesure de cinq à trois ans.
La directive Retour prévoit plusieurs cas dans lesquels l’interdiction de retour doit être prononcée. L’administration sera alors tenue de prendre en compte un certain nombre d’éléments, relatifs notamment à la vie privée et familiale, pour en moduler la durée.
L’amendement contredit l’esprit de la directive. Il a d’ailleurs été repoussé par la commission à l’Assemblée nationale.
En outre, le retour à une durée de trois ans, au lieu de cinq, est contraire à la position de la commission, qui a souhaité rétablir le délai prévu par la directive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis est défavorable, l’automaticité étant prévue par la directive.
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 26
Remplacer les références :
des 1° à 5°, du 7° ou 8°
par les références :
des 3°, 5°, 7° ou 8°
II. – Alinéa 29
Remplacer la référence :
du 6°
par les références :
des 1°, 2°, 4° ou 6°
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile a donné lieu à un long échange, dans cette assemblée, sur la question de l’éloignement des déboutés du droit d’asile. Le ministre de l’intérieur avait alors pris l’engagement que ce sujet serait traité sérieusement, et après un examen attentif, dans le cadre du présent projet de loi.
Le Gouvernement a proposé d’accélérer la procédure contentieuse des obligations de quitter le territoire français prises après rejet définitif d’une demande d’asile par l’OFPRA ou par la Cour nationale du droit d’asile. Ces recours seraient jugés deux fois plus vite, le débouté ayant un délai de recours de deux semaines, contre quatre actuellement, le recours devant être jugé en juge unique en six semaines, contre trois aujourd'hui.
Pour sécuriser ce dispositif, l’analyse juridique que nous avions faite - validée par le Conseil d’État, qui n’a soulevé aucune objection au moment où il a été saisi du texte pour avis -, c’est qu’il fallait étendre cette nouvelle voie de recours à tous les cas dans lesquels l’OQTF n’assortit pas une décision de rejet d’une demande de titre de séjour.
Dans ce type de situations, le préfet tire les conséquences d’une situation de séjour irrégulier, qui, selon les cas, procède de l’entrée irrégulière ou du maintien sans droit sur le territoire.
Dans tous les cas, le préfet procède certes à un examen individuel de situation, mais il n’a pas été saisi d’une demande de titre de séjour. La procédure contentieuse peut donc être plus rapide.
La commission des lois du Sénat a modifié l’équilibre de cette disposition en réduisant son champ d’application aux seuls déboutés du droit d’asile. Cela conduit dès lors à instituer, sans justification, une différence de traitement à l’égard des demandeurs d’asile déboutés, ce qui présente en conséquence un risque d’inconstitutionnalité au titre de la rupture d’égalité.
C’est donc la disposition du projet de loi consacrée aux déboutés du droit d’asile que vous avez fragilisée dangereusement. Vous l’aviez pourtant longuement appelée de vos vœux lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.
Le présent amendement vise à rétablir la disposition votée à l’Assemblée nationale en première lecture, qui assure la constitutionnalité du texte et qui, en outre, est cohérente avec l’esprit de simplification des procédures juridictionnelles présidant à la réforme contentieuse concernant le placement en rétention que nous soutenons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons que je voudrais expliciter de manière à la fois concise et précise.
Le Gouvernement entend, par ce projet de loi, modifier les délais et moyens de recours contre les obligations de quitter le territoire français.
On distingue trois types d’OQTF : les obligations de quitter le territoire français sans délai, les obligations de quitter le territoire français avec délai et les obligations de quitter le territoire français après placement en rétention. Sans entrer dans le détail, j’indique que le Gouvernement propose de modifier les délais de recours et les délais accordés aux magistrats pour se prononcer. Au final, cela reviendrait à créer quatre régimes différents.
À vouloir agir sur tous les fronts en même temps, on n’est pas efficace, surtout en matière de procédure accélérée. C’est pourquoi la commission des lois a essayé de cibler une action particulière à une procédure accélérée pour un sujet particulier.
Nous avons évoqué ensemble à plusieurs reprises dans cet hémicycle la problématique des déboutés du droit d’asile : 66 000 demandes, 14 000 accords, 50 000 déboutés du droit d’asile. Dans la loi relative à la réforme du droit d’asile, que nous avons examinée au printemps dernier, nous avions voté une disposition aux termes de laquelle le préfet délivre une OQTF dès lors que la personne a été définitivement déboutée de sa demande. Si l’on veut rendre cette OQTF vraiment efficace et lutter effectivement contre les déboutés du droit d’asile, il est nécessaire de préciser les termes de cette procédure accélérée (M. Roger Karoutchi opine.), à savoir un recours possible pendant un délai de quinze jours et un jugement intervenant dans un délai d’un mois.
Cibler ainsi une action est probablement le gage d’une bien plus grande efficacité. Cela vaut mieux que de créer quatre procédures accélérées différentes, source de complexité.
Sans trahir la pensée des uns et des autres, en particulier celle de l’une des personnes que nous avons auditionnées, je peux dire que l’administration reconnaît qu’elle est plus efficace lorsqu’un objectif précis lui est assigné, car elle peut alors s’organiser.
Dès lors, on peut espérer qu’avec le dispositif proposé par la commission les déboutés du droit d’asile pourront être éloignés plus rapidement ; c’est notre objectif et nous le croyons.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 81, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 33
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du II, les mots : « les quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « un délai de deux jours ouvrés » ;
II. – Après l’alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « quarante-huit heures »
sont remplacés par les mots : « un délai de deux jours ouvrés » ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En 2013, 69,3 % des personnes placées en rétention l’étaient sur la base d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
Malgré l’accompagnement des associations chargées de l’aide à l’exercice des droits, comme le révèle La Cimade, le délai de recours de quarante-huit heures contre ces OQTF entrave considérablement les droits de la défense. Rassembler des pièces, mobiliser les proches, rédiger les recours et faire le lien avec les avocats est bien difficile dans un délai aussi court.
Cette difficulté devient une impossibilité notamment pour des personnes placées en rétention le vendredi soir, dont le délai de recours expire le dimanche soir. La présence réduite des associations, des avocats, des travailleurs sociaux susceptibles d’intervenir contrarie grandement le droit à un recours effectif.
La situation est encore plus délicate pour les personnes enfermées dans des locaux de rétention – 3 309 en 2013 –, qui ne bénéficient pas de l’aide à l’exercice des droits des associations et sont souvent transférées vers des centres de rétention administrative alors que le délai de recours est bien entamé, voire expiré.
C’est pourquoi nous vous proposons de remplacer le délai de quarante-huit heures par un délai de deux jours ouvrés afin de rétablir un minimum de possibilité de contester cette mesure d’éloignement.
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 33
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du II, les mots : « les quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « un délai de deux jours ouvrés » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement étant quasi identique au précédent, je considère qu’il a été défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 123 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 173 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « les quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « un délai de deux jours ouvrés » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 123.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 173 rectifié.
Mme Esther Benbassa. En vertu de l’article L. 561-2 du CESEDA, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence dans les quarante-huit heures suivant sa notification.
Cet amendement a pour objet de porter ce délai de quarante-huit heures contre les assignations à résidence à un délai de deux jours ouvrés. Il s’agit par cette mesure de permettre la mise en œuvre effective de ce droit de recours durant le week-end.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
L’objectif des auteurs de ces quatre amendements, selon les cas, est de substituer au délai de quarante-huit heures un délai de deux jours ouvrés s’agissant du délai de recours contre une OQTF sans délai de départ volontaire, une décision de placement en rétention ou une assignation à résidence, au motif que ce droit peut difficilement être exercé le week-end.
En matière de procédure, le samedi est considéré comme un jour normal. C’est donc seulement le dimanche qui pourrait poser problème. Or, en la circonstance, dès lors que le délai de quarante-huit heures s’applique, l’inclusion éventuelle d’un dimanche ne soulève pas de difficulté particulière.
Il importe de donner toute leur efficacité aux procédures sans remettre en cause le droit des justiciables à faire valoir devant la juridiction administrative leurs points de contestation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 et 173 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 35 et 36
Supprimer cet alinéa.
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…- La dernière phrase du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimée.
…- La dernière phrase de l’article L. 552-1 du même code est supprimée.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Les alinéas 35 et 36 de cet article permettent la mise en place de salles d’audience reliées aux tribunaux en direct par des moyens de communication audiovisuels.
La délocalisation de ces audiences est une idée ancienne que le précédent gouvernement avait tenté de mettre en œuvre à l’intérieur même des centres de rétention de Marseille et de Toulouse. Ces tribunaux délocalisés avaient dû fermer à la suite de la censure de la Cour de cassation en 2008. Malgré cela, des salles ont subsisté, à quelques pas cette fois des centres de rétention de Coquelles et de Marseille.
Depuis le 14 octobre 2013, malgré l’opposition marquée d’un certain nombre de parlementaires, dont moi-même, de personnalités, de magistrats, etc., des justiciables sont jugés dans un tribunal délocalisé sur la même parcelle que le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot – que je connais bien –, qui est accolé à une caserne de CRS. Rien que cela devrait amener à réfléchir ! (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)
Le gouvernement actuel projette par ailleurs d’ouvrir prochainement une autre salle au sein de la zone d’attente des personnes en instance de Roissy, la fameuse ZAPI, une annexe du tribunal de grande instance de Bobigny…
M. Philippe Dallier. Effectivement !
Mme Éliane Assassi. … pour juger les personnes étrangères non admises sur le territoire.
Sous le prétexte, pourtant non formellement établi, de rationaliser – encore rationaliser ! – la procédure et de réduire les coûts des escortes de police, le Gouvernement est disposé à sacrifier les principes fondamentaux de la justice.
Que dire de l’effectivité de la publicité des débats lorsqu’une audience est organisée loin de la cité et à proximité des zones aéroportuaires, souvent mal desservies par les transports en commun ?
J’invite en particulier nos collègues parisiens à se rendre par les transports en commun à la zone de Roissy ; ils verront que ce n’est guère évident.
Il est légitime de se demander si l’apparente indépendance est assurée lorsque des audiences ont lieu dans l’enceinte commune au centre de rétention et aux services de police, derrière des grillages et sous haute surveillance policière.
En outre, que reste-t-il du respect de l’égalité des armes entre l’étranger et l’administration dans un tribunal éloigné du palais de justice et de la cité ?
Pour toutes ces raisons, vous aurez compris que je suis formellement opposé à ce qui est dans le texte, qui a malheureusement été soutenu par le gouvernement actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Ce dispositif, on peut en convenir, ne fonctionne pas forcément très bien ; en revanche, il est intéressant que cette possibilité existe et c’est pourquoi il faut la maintenir.
Certains magistrats y sont favorables, d’autres ne le sont pas, mais quand les uns et les autres font l’effort d’utiliser ces salles d’audience, cela permet un moindre recours aux escortes, ce qui n’est pas sans intérêt.
Il en va de même pour les audiences par vidéotransmission : en pratique, elles commencent à être assez souvent utilisées et, à certains égards, appréciées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je partage l’avis du rapporteur.
J’ai visité le centre de rétention du Mesnil-Amelot il y a une dizaine de jours ; j’y ai rencontré aussi bien le personnel que, à l’annexe du tribunal, les magistrats.
Les effectifs de police affectés à ce centre ont été réduits considérablement depuis 2012, pratiquement de 25 %. Si on leur assigne comme mission d’assurer le transfert des justiciables jusqu’à un tribunal éloigné, cela rendra en pratique extrêmement difficile la présentation de ces personnes devant les magistrats et l’exercice de la justice.
La proximité immédiate de l’annexe du tribunal et du centre de rétention réduit d’autant la durée des missions des effectifs de police, lesquels, je le répète, sont en baisse.
Il faut faire les choses avec cohérence et humanité. D’ailleurs, les magistrats que j’ai rencontrés m’ont expliqué que l’existence de ces annexes de tribunal ne changeait rien à la nature des arguments mis en avant aussi bien par les avocats et les magistrats que par les justiciables.
Par conséquent, il faut, comme l’estime le rapporteur, maintenir cette possibilité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Comme Éliane Assassi, je suis élu de Seine-Saint-Denis. Certes, je ne suis pas retourné récemment au Mesnil-Amelot, mais je m’y étais rendu voilà quelques années, dans le cadre d’un contrôle budgétaire. À cette occasion, j’avais pu voir les belles salles dont il est équipé, salles à l’époque complètement inutilisées, certains, dont vous, ma chère collègue – et encore aujourd’hui – (M. Roger Karoutchi sourit.),…
Mme Éliane Assassi. Je suis cohérente !
M. Philippe Dallier. … considérant alors qu’on ne pouvait pas, pour des raisons de principe, y siéger.
Vous savez bien, ma chère collègue, et même si les choses ont un peu changé depuis lors, que, dans ce département de la Seine-Saint-Denis, les forces de police passent un temps considérable dans ces missions d’accompagnement des personnes devant les tribunaux. Sans compter qu’à l’époque la direction départementale de la sécurité publique était aussi chargée de la surveillance du Stade de France !
Il vaut mieux que les forces de l’ordre de Seine-Saint-Denis, qui ne sont déjà pas en nombre suffisant eu égard à la problématique que nous avons à traiter, se concentrent sur la priorité des priorités. Ces salles, qui sont tout à fait opérationnelles, doivent être utilisées.
J’ai donc un peu de mal à comprendre que vous continuiez à défendre cette position. Ce département est si particulier – nous sommes sans doute d’accord sur ce point (Mme Éliane Assassi opine.) – qu’il faut rationaliser le plus possible les missions des forces de police en faisant en sorte qu’elles se concentrent sur l’essentiel.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 48 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mmes Yonnet, Jourda et Espagnac et M. Durain.
L'amendement n° 80 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 174 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 37 et 38
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à supprimer l’instauration d’un délai de recours de quarante-huit heures seulement contre les OQTF prises à l'encontre des personnes étrangères détenues, car un délai si bref, s’il était adopté, priverait automatiquement ces personnes du délai de départ volontaire, ce qui serait contraire à la directive 2008/115/CE.
Une telle disposition porte gravement atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au droit à être entendu, et elle constitue une entrave au droit à l'accès au juge. Aussi, il convient de revenir sur cette disposition, qui privera tous les détenus du droit à un recours effectif.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 80.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement identique est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 174 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer des dispositions insérées dans le texte à l’Assemblée nationale et prévoyant que, pour les détenus faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, le régime contentieux est bien celui des personnes retenues ou assignées à résidence, soit quarante-huit heures pour contester la mesure et, pour le juge, soixante-douze heures pour statuer.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis, 80 et 174 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 14 bis (nouveau)
Après l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 511-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-1-1. – Ne peut être regardée comme une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 que l’attestation d’hébergement, signée par l’hébergeant, accompagnée des pièces justificatives déterminées par décret en Conseil d’État et présentée pour validation au maire de la commune du lieu d’hébergement ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d’arrondissement, agissant en qualité d’agent de l’État. »
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung, Mme Yonnet, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement vise à supprimer l’article 14 bis ajouté par la commission des lois du Sénat et qui confie au maire le rôle de garantir l’hébergement d’un étranger assigné à résidence chez un tiers. Cet article prévoit que l’attestation d’hébergement sera désormais « présentée pour validation au maire de la commune du lieu d’hébergement ».
Cette disposition, si elle était adoptée, aurait pour effet de surcharger les services municipaux, qui ont déjà du mal à libérer du personnel afin de valider les attestations d’accueil signées par l’hébergeant pour les demandes de visa de court séjour et qui sont également sollicités dans le cadre de la vérification des conditions de ressources des personnes déposant une demande de regroupement familial.
Alors que les mairies ont déjà beaucoup à faire, le rôle du maire n’est pas de garantir l’hébergement d’un étranger assigné à résidence chez un tiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur un constat : le taux d’éloignement des personnes assignées à résidence est de 19 %, contre 57 % pour celles qui sont placées en rétention. Telle est la réalité. Cela signifie que, actuellement, la très grande majorité des personnes assignées à résidence fuient. (M. Philippe Kaltenbach s’exclame.) On n’éloigne pas 80 % d’entre elles.
L’objectif de cet article est de sécuriser juridiquement la procédure d’assignation à résidence, d’une part, en instaurant un cautionnement et, d’autre part, en permettant de vérifier la réalité du lieu déclaré par la personne assignée à résidence, ainsi que sa présence. La solution la plus simple est de demander au maire de la commune d’établir une attestation d’hébergement. On assurerait ainsi des garanties de représentation. J’insiste sur ce point, car en l’état actuel l’assignation à résidence est un outil qui ne fonctionne pas et qui n’est donc pas utile.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je m’autoriserai une petite escapade législative en présentant dès à présent l’amendement n° 193. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui porte lui aussi sur l’assignation à résidence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
J’en profite pour dire à M. le rapporteur que si le taux d’exécution des assignations à résidence n’est pas satisfaisant, c’est parce qu’il fallait clarifier le rôle des forces de l’ordre dans ce dispositif. C’est ce que nous faisons à l’article 18 et à l’article 22. Ce n’est pas en renvoyant la responsabilité sur les maires, dont ce n’est pas la mission, que nous allons régler le problème.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Que l’on veuille s’assurer de la réalité de l’hébergement, quoi de plus normal ? Mais que, une fois encore, on en charge les maires me paraît pour le moins contestable. Alors que nous passons notre temps ici à dénoncer les transferts de charges aux communes, on en rajoute : c’est tout de même quelque peu paradoxal !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que le dispositif que nous proposons est identique à celui qui existe déjà pour les visas.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas une raison pour en rajouter !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Par ailleurs, s’agissant des moyens de police, la commission a renforcé le dispositif amorcé par le Gouvernement. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Les forces de police peuvent ainsi intervenir au domicile de l’hébergeant de la personne assignée à résidence.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Ne peut être regardée comme une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 551–1 que l'attestation d'hébergement, signée
par les mots :
Pour valoir garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 551–1, une attestation d'hébergement doit être signée
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées voilà un instant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.
(L'article 14 bis est adopté.)
Article 14 ter (nouveau)
Après l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 511-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 511–1–2. – Constitue une garantie de représentation effective propre à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 le dépôt d’une garantie financière dont le montant est fixé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret. Lors du dépôt de la garantie financière, l’autorité administrative remet en échange un récépissé. La garantie financière est restituée au départ de l’étranger. Si l’étranger se soustrait à la mesure d’éloignement, la somme déposée en garantie est versée au Trésor public. »
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à supprimer l’article 14 ter introduit par la commission des lois et qui prévoit qu’un étranger peut être assigné à résidence contre une garantie financière au lieu d’être placé en rétention.
Ce système de caution, outre le fait qu’il crée une distorsion entre étrangers selon qu'ils ont des moyens financiers ou pas, risquerait de produire des effets pervers. Le risque est grand qu’il encourage les étrangers à se tourner vers des filières qui paieraient pour eux et dont ils deviendraient par la suite les obligés.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Philippe Kaltenbach. Celui qui a les moyens financiers paierait une caution et serait assigné à résidence, tandis que celui qui ne les aurait pas serait placé en centre de rétention. C’est une logique à laquelle nous ne pouvons adhérer.
Aussi, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. Philippe Dallier. Les cautions existent déjà !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer une disposition introduite par la commission et visant à permettre à un étranger en instance d’éloignement de pouvoir déposer une garantie financière comme garantie de représentation, l’objectif étant évidemment d’éviter les risques de fuite. Cette faculté est ouverte par la directive Retour, au 3. de son article 7.
Il ne m’a pas paru opportun de prévoir un système de tiers garant, comme cela existe dans d’autres pays européens, précisément pour prévenir le risque que signalent les auteurs de l’amendement, à savoir des détournements de cette possibilité au profit des groupes mafieux.
En tout état de cause, il reviendra au préfet de définir au cas par cas, puisque c’est lui prend la décision d’assignation à résidence, le niveau de la garantie financière.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14 ter.
(L'article 14 ter est adopté.)
Article 15
I (Non modifié). – Le 3° de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société. »
II (Non modifié). – Après le même article L. 511-3-1, il est inséré un article L. 511-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-3-2. – L’autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l’article L. 511-3-1 d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de circulation sur le territoire français. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de circulation sur le territoire français, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France depuis un an au moins.
« Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2.
« Les quatre derniers alinéas de l’article L. 511-3-1 sont applicables. »
III. – Le livre V du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé : « L’obligation de quitter le territoire français, l’interdiction de retour sur le territoire français et l’interdiction de circulation sur le territoire français » ;
2° L’intitulé du chapitre Ier du même titre Ier est ainsi rédigé : « Cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, d’une interdiction de retour sur le territoire français et d’une interdiction de circulation sur le territoire français » ;
3° L’article L. 512-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I et au premier alinéa du II, après les mots : « retour sur le territoire français », sont insérés les mots : « ou d’interdiction de circulation sur le territoire français » ;
b) Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l’étranger qui, ayant bénéficié d’un délai de départ volontaire en application de l’article L. 511-3-1, fait l’objet de l’interdiction de circulation sur le territoire français prévue à l’article L. 511-3-2. » ;
c) (Supprimé)
3° bis À la première phrase du second alinéa de l’article L. 512-4, les mots : « , la décision de placement en rétention » sont supprimés ;
4° L’intitulé du chapitre III du titre Ier est ainsi rédigé : « Exécution des obligations de quitter le territoire français, des interdictions de retour sur le territoire français et des interdictions de circulation sur le territoire français » ;
5° Au II de l’article L. 513-1, après le mot : « retour », sont insérés les mots : « ou d’une interdiction de circulation » ;
6° À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction de circulation sur le territoire français en vigueur, ».
IV (Non modifié). – À l’avant-dernier alinéa de l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après la référence : « L. 511-3-1, », est insérée la référence : « L. 511-3-2, ».
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, Grand, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société
par les mots :
un trouble à l’ordre public ou une menace pour la sécurité publique
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. À la réflexion, monsieur le président, je vais me rallier à la rédaction de la commission et donc retirer cet amendement.
J’indique juste que je m’interroge sur la formulation retenue dans le texte de la commission. Si je sais ce que sont l’ordre public et la sécurité publique, je ne comprends pas bien ce qu’est la mise en cause d’un « intérêt fondamental de la société » pouvant conduire à restreindre la liberté de circulation d’un ressortissant européen, même si je vois bien l’idée, mais je suis sûr que M. le rapporteur ou M. le président de la commission vont me l’expliquer.
Cela étant dit, nous n’allons pas débattre de ce sujet en détail. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 175 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le II de l’article 15 prévoit la possibilité d’assortir une obligation de quitter le territoire français frappant un ressortissant de l’Union européenne de l’interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans.
Cette possibilité est ouverte si l’intéressé a abusé de sa liberté de circulation ou bien s’il constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société française.
Les motifs sur lesquels se fonde cette décision me semblent très flous. En effet, la référence à l’abus de liberté de circulation est très imprécise, voire dangereuse, tout comme la référence à la menace à l’ordre public. Aucune précision n’est apportée pour définir la menace à l’ordre public alors même que l’article 27.2 de la directive 2004/38/CE impose de respecter le principe de proportionnalité, et la nécessité de se fonder exclusivement sur le comportement personnel de l'individu pour assortir les décisions d’éloignement et d’interdiction du territoire.
Le présent amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 22 de l’article 15. L’objectif est de ne pas interdire la circulation des Européens sur le territoire français pendant une durée maximale de trois ans au motif qu’ils auraient abusé de leur liberté de circulation ou qu’ils constitueraient une menace pour l’ordre public.
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 9.
Le 23 avril 2013, les ministres allemand, anglais, autrichien et néerlandais en charge des affaires intérieures ont envoyé une lettre à la présidence irlandaise de l’Union européenne dans laquelle ils expliquent que certains ressortissants d’autres États membres abusent de leur droit à la libre circulation pour bénéficier des avantages sociaux et ils proposent de modifier le droit existant afin de prévoir des sanctions plus fortes, telle l’interdiction de retour après une décision d’éloignement.
La France, qui n’a pas pris part à cette initiative, se trouve pourtant à l’avant-garde puisqu’elle instaure dans le présent projet de loi une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans pour les personnes qui en seront éloignées pour « abus de droit » ou pour des motifs d’ordre public. Cette interdiction de circulation pourrait néanmoins être abrogée par l’autorité administrative l’ayant prononcée, à condition que l’intéressé démontre être hors du territoire français depuis au moins un an.
Il est difficile de ne pas considérer que cette disposition vise en réalité les citoyens roumains et bulgares, d’origine rom réelle ou supposée, comme le soulignent le Défenseur des droits et les représentants de toutes les associations de ce secteur.
Ainsi, le gouvernement français se place dans la continuité des politiques restrictives appliquées aux droits des citoyens de l’Union.
Après la loi du 16 juin 2011 et l’introduction dans notre droit interne de la notion d’abus de droit, des citoyens de l’Union pourront, si le présent texte est adopté, être éloignés et interdits de circulation sur le territoire français, si l’on estime qu’ils ont abusé de leur droit de circulation ou qu’ils constituent une menace pour l’ordre public, menace qui doit être réelle, actuelle et suffisamment grave, portant atteinte à un intérêt fondamental de la société .
Il s’agirait ainsi de l’atteinte maximale portée à l’exercice d’un droit qualifié, tant par la Cour de justice de l’Union européenne que par le Parlement européen, de « liberté fondamentale ».
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer ces alinéas.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour et Mmes Jourda, Espagnac et Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les références :
des 2° et 3°
par la référence :
du 2°
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. À travers cet amendement, c’est la même préoccupation qui est exprimée.
La directive semble ouvrir la possibilité d’interdire l’entrée et la circulation de ressortissants de l’Union européenne sur le territoire français, uniquement pour des motifs d’ordre public.
Mes collègues ont déjà souligné la difficulté qui se fait jour dans cette affaire : le droit interne et la jurisprudence européenne diffèrent quant aux notions de menace à l’ordre public et d’abus de droit.
Si nous conservons le texte tel qu’il est rédigé, nous serons donc, dans tous les cas, hors des clous eu égard à la jurisprudence européenne. Mieux vaut l’éviter.
Le recours au motif d’ordre public figure très clairement dans la directive, même s’il y est défini de manière restrictive. En revanche, le motif de l’abus de droit n’est pas prévu. Il est donc préférable d’en rester à une rédaction qui ne nous exposerait pas à des problèmes au regard du droit et de la jurisprudence européenne. Il ne sert à rien d’aller à l’encontre de celle-ci : on ne ferait que susciter des contentieux inutiles !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’interdiction de circulation qui permet d’interdire l’accès au territoire national de citoyens ressortissants de l’Union européenne pour des motifs d’ordre public ou d’abus de droit.
Aux yeux des auteurs de ces amendements, ce second motif ne serait pas autorisé par la directive européenne. Cet argument est inexact : la directive précise expressément que l’abus de droit a pour effet de faire disparaître les droits conférés par son intermédiaire, et donc la libre circulation sur le territoire européen.
M. le ministre de l’intérieur l’a utilement souligné au cours de la discussion générale : si l’on veut que les OQTF et les mesures d’éloignement bénéficient d’une réelle efficacité – en la matière, les statistiques parlent d’elles-mêmes –, il est nécessaire de les assortir d’une interdiction de revenir sur le territoire national.
Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’article 15 du projet de loi assure une transposition exacte et proportionnée des dispositions de la directive de 2004. Il rend effectives et plus dissuasives les OQTF prises à l’égard de ressortissants de l’Union européenne qui ne respectent pas les prescriptions de liberté de circulation.
L’État doit être à même de prononcer une mesure d’éloignement, en s’assurant que le citoyen européen considéré ne se contente pas de faire un aller-retour vers un autre pays membre de l’espace Schengen, dans le but de jouir à nouveau d’un droit de circulation faisant abstraction totale de son comportement.
Étant donné que la mesure se fonde sur des considérations d’ordre public, l’intérêt de s’opposer au retour des individus concernés sur le territoire national s’impose de lui-même.
Quant au motif de l’abus de droit, il est bien mentionné à l’article 35 de la directive, lequel indique : « Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. »
L’interdiction de circulation sera bien sûr exceptionnelle. Elle sera contrôlée par le juge, au regard des dispositions de la directive de 2004, qui, je tiens à le rappeler, sont très protectrices des libertés fondamentales.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. À travers la mesure qu’ils visent à supprimer, il s’agit de réprimer les détournements que subit le droit de libre circulation. Or, je le répète, ces cas d’abus de droit sont rares et ne peuvent être sanctionnés que par des restrictions à la liberté de circulation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'amendement n° 49 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, vous précisez vous-même que, dans la directive, l’abus de droit est mentionné à l’article 35. Or l’ordre public figure à l’article 15. Si ces deux motifs emportaient les mêmes conséquences, ils seraient placés dans le même article.
Au demeurant, il me semble que les mariages de complaisance sont sans lien avec les abus de droit commis au titre de la liberté de circulation.
On n’a pas attendu la transposition de cette directive pendant plus de dix ans pour s’exposer, aujourd’hui, à un risque de contentieux : les notions d’abus de droit et de menace à l’ordre public ne sont pas les mêmes en droit européen et dans notre droit interne. Par conséquent, cette interprétation de la directive en fonction de notions strictement françaises risque de nous exposer à un certain nombre de risques juridiques.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
Le code de l’entrée et séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 514-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour la mise en œuvre du présent titre, sont applicables en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, les dispositions suivantes : » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° L’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office, si l’étranger a saisi le tribunal administratif d’une demande sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du même code, ni, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
2° (nouveau) L’article L. 514-2 est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est retiré, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 84 est retiré.
Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 531-1 du même code est ainsi modifié :
1° La référence : « L. 211-2, » est supprimée ;
2° Les références : « L. 311-1 et L. 311-2 » sont remplacées par la référence : « et L. 311-1 » ;
3° Sont ajoutés les mots : « , en vigueur au 13 janvier 2009 ». – (Adopté.)
Article 17 bis A (nouveau)
L’article L. 531-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Il en est de même de l’étranger et des membres de sa famille, admis à séjourner sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne et bénéficiant d’un transfert temporaire intragroupe conformément à la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe, lorsque :
« 1° Le titre de séjour a expiré ou a été retiré par l’État membre qui l’a délivré, au cours de la période de mobilité ;
« 2° L’autorité administrative compétente n’a pas reçu la notification de l’intention de cet étranger de travailler dans l’un des établissements de son groupe d’entreprises d’origine implanté sur le territoire français ;
« 3° L’autorité administrative compétente a fait objection à la mobilité d’une durée inférieure ou égale à quatre-vingt-dix jours de cet étranger ;
« 4° L’autorité administrative compétente a rejeté une demande de mobilité d’une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours de cet étranger ;
« 5° Les conditions de délivrance du titre de séjour n’ont pas été respectées ;
« 6° Les conditions auxquelles la mobilité de cet étranger entre deux États membres de l’Union européenne a été autorisée ne sont plus réunies. » – (Adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
L’article L. 513-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au 2°, après le mot : « Ou », sont insérés les mots : « , en application d’un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, » ;
2° Au 3°, après le mot : « Ou », sont insérés les mots : « , avec son accord, ». – (Adopté.)
Chapitre II
Conditions de mise en œuvre des décisions d’éloignement
Article 18 A (nouveau)
Le III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2 peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le président du tribunal administratif dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, un recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation. Toutefois, si l’étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, il peut saisir le président du tribunal administratif en vue de l’annulation de l’obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire pour présenter un recours contre la décision de placement en rétention. Toutefois, l’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office. »
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de placement en rétention en application de l’article L. 551-1, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français ou d’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu’il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l’article L. 552-1.
« L’étranger faisant l’objet d’une décision d’assignation à résidence prise en application de l’article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu’elles sont notifiées avec la décision d’assignation. »
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à rétablir la compétence du juge des libertés et de la détention pour l’examen du placement en rétention.
En effet, la commission des lois a remis en cause la réforme du régime contentieux applicable aux étrangers en cas de placement en rétention, tel que l’avait fixé le Gouvernement.
Le dispositif qui s’est substitué au texte de l’Assemblée nationale est identique au régime en vigueur quant à l’ordonnancement de l’intervention des juges et au séquençage de la rétention. Il n’en diffère que par l’ouverture d’un recours de pleine juridiction devant le juge administratif.
Dès lors, ce dispositif n’est qu’une variante d’un simple statu quo, qui ne répond aucunement aux objectifs de la réforme.
En fait, en confiant un recours de pleine juridiction au juge administratif, la commission se prévaut de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a dégagé l’exigence d’une plénitude du contrôle du juge à la date à laquelle il statue sur la contestation d’une mesure privative de liberté.
Toutefois, nous considérons que la Cour européenne des droits de l’homme place avant toute autre exigence la protection effective des libertés. Nous considérons également que le dispositif tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale répond mieux à cette exigence, en confiant au juge judiciaire l’intégralité du contrôle de la mesure de rétention. D’ailleurs, le juge des libertés et de la détention peut d’ores et déjà prononcer une assignation à résidence, en substitution de la mesure de placement en rétention.
Aussi, le présent amendement tend à rétablir le dispositif initial en ce qui concerne le rôle du juge judiciaire, qui est le gardien des libertés individuelles, s’agissant de la régularité de la mesure de placement en rétention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la compétence de juge des libertés et de la détention pour apprécier de la légalité du placement en rétention.
Je vais m’efforcer de présenter simplement les termes du débat.
Dans le processus d’éloignement des personnes placées en rétention, deux magistrats interviennent, l’un appartenant à l’ordre judiciaire, l’autre à l’ordre administratif.
En l’état, le juge judiciaire n’a en réalité à connaître que du prolongement de la durée de la rétention et doit apprécier les conditions dans lesquelles l’étranger a été arrêté – ce que l’on appelle plus communément les conditions d’arrestation. Ce sont là les attributions que nous souhaitons lui laisser.
Parallèlement, nous avons confié au juge administratif le soin d’apprécier les motifs du placement en rétention : il a toute latitude pour le faire.
En outre, nous avons complété le dispositif en prévoyant la possibilité, pour le juge administratif, d’être dans une procédure de plein contentieux, ce qui n’est pas possible à ce jour. Il doit pouvoir non seulement décider de maintenir ou non en rétention l’étranger en question, mais aussi, dès lors qu’il décide de ne pas le laisser en rétention, l’assigner à résidence, ce qu’il ne peut faire actuellement.
Tel est le dispositif qu’a conçu la commission et qui a, selon elle, le mérite de la clarté. En effet, il définit nettement les compétences du juge des libertés et de la détention quant au respect des libertés individuelles, conformément à son rôle constitutionnel. Dans le même temps, il donne au juge administratif les moyens de décider pleinement de prolonger la rétention, de l’interrompre ou de lui substituer une assignation à résidence.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement tend à revenir à la rédaction votée par l’Assemblée nationale, laquelle nous paraît équilibrée. En effet, cette solution renforce à la fois les droits des personnes et l’efficacité de nos procédures d’éloignement. L’avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je vais suivre M. le rapporteur.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. René Vandierendonck. J’ai assisté à l’audition au cours de laquelle M. le vice-président du Conseil d’État a déclaré que, dans le cadre d’une bonne interprétation du contrôle de plein contentieux, cette proposition assouplissait, simplifiait et clarifiait la situation, en limitant le risque que représente le partage de compétences entre les deux ordres juridictionnels. Je vous renvoie, à cet égard, au compte rendu de cette audition.
Aussi, je voterai contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 18 A.
(L'article 18 A est adopté.)
Article 18
I. – Le chapitre III du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 513-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 513-5. – Si l’étranger assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 n’a pas déféré, sans motif légitime, à une demande de présentation aux autorités consulaires du pays dont il est raisonnable de penser qu’il a la nationalité, en vue de la délivrance d’un document de voyage, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le conduire auprès des autorités consulaires.
« Le juge des libertés et de la détention, saisi par requête, statue dans les vingt-quatre heures. À peine de nullité, sa décision est motivée. Le juge s’assure du caractère exécutoire de la décision d’éloignement dont la mesure vise à préparer l’exécution et de l’obstruction volontaire de l’étranger à ladite exécution, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant de la non-présentation, sans motif légitime, aux autorités consulaires. La décision mentionne l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées.
« L’ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire pendant quatre-vingt-seize heures au seul vu de la minute. Elle est notifiée sur place à l’étranger dans une langue qu’il comprend ou, à défaut, à l’occupant des lieux, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé. L’acte de notification comporte mention des voies de recours.
« Les opérations de visite sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures. Elles ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que l’exécution de la mesure d’éloignement visée dans la décision du juge des libertés et de la détention.
« Il est dressé un procès-verbal mentionnant les dates et heures de début et de fin des opérations et les conditions de leur déroulement. Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger ou, à défaut, de l’occupant des lieux ; en cas de refus, mention est faite de ce refus et de ses motifs déclarés. Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention, copie en ayant été remise à l’étranger ou, à défaut, à l’occupant des lieux.
« Les ordonnances mentionnées au présent article sont susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué, qui est saisi sans forme et doit statuer dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. L’appel n’est pas suspensif. »
II. – Le même livre V est ainsi modifié :
1° L’article L. 523-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’article L. 513-5 est applicable. » ;
1° bis (Supprimé)
2° Après l’article L. 531-2, il est inséré un article L. 531-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 531-2-1. – Pour l’exécution des mesures prévues aux articles L. 531-1 et L. 531-2, les articles L. 513-5 et L. 561-1 sont applicables. » ;
3° Au dernier alinéa de l’article L. 531-3 et à l’article L. 541-3, la référence : « de l’article L. 561-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 513-5 et L. 561-1 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 199, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 7
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 513-5. – Si l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 n'a pas déféré, sans motif légitime, à une demande de présentation aux autorités consulaires du pays dont il est raisonnable de penser qu'il a la nationalité, en vue de la délivrance d'un document de voyage, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou les unités de gendarmerie en vue de cette démarche, dans les conditions et pour le temps strictement nécessaires à celle-ci.
« En cas d’impossibilité de faire conduire l’étranger auprès des autorités consulaires résultant d’une obstruction volontaire de sa part, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le conduire auprès des autorités consulaires et, si les conditions en sont remplies, de lui notifier une décision de placement en rétention.
« Le juge des libertés et de la détention, saisi par requête, statue dans les vingt-quatre heures. À peine de nullité, sa décision est motivée. Le juge s’assure de l’obstruction volontaire de l’étranger à la demande de présentation aux autorités consulaires, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant de la non-présentation, sans motif légitime, aux autorités consulaires en vue de préparer une décision d’éloignement. La décision mentionne l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est exécutoire dans les conditions fixées aux troisième à sixième alinéas du II de l’article L. 561-2. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. La commission des lois, suivant un amendement de son rapporteur, a aligné la nouvelle procédure d’escorte pour présentation aux autorités consulaires, prévue à l’article 18, sur le régime d’autorisation par le juge des libertés et de la détention pour pénétrer au domicile d’un étranger assigné à résidence en cas d’obstruction volontaire à l’éloignement, introduit, quant à lui, à l’article 22. De ce fait, il permet aux forces de l’ordre de pénétrer au domicile de l’étranger afin de le mener à l’audition consulaire.
Cependant, la procédure d’escorte pour une présentation consulaire et celle qui permet l’appréhension forcée au domicile, prévues respectivement aux articles 18 et 22 du projet de loi, n’emportent pas les mêmes conséquences au regard du respect des libertés individuelles et ne requièrent donc pas des modalités identiques d’intervention du juge des libertés et de la détention. L’autorisation du juge pour l’escorte de l’étranger à la présentation consulaire n’est pas nécessaire, alors qu’elle est requise dans le cas d’une atteinte à l’inviolabilité du domicile privé.
Il en va toutefois autrement dans la situation particulière où l’impossibilité de l’audition consulaire résulte de l’obstruction au domicile de l’étranger assigné à résidence. Dans ce cas, il convient effectivement, pour éviter qu’un tel comportement ne bloque la poursuite de la mise en œuvre de l’éloignement, de permettre aux forces de l’ordre de pénétrer au domicile de l’étranger. La même procédure juridictionnelle que celle prévue à l’article 22 a donc vocation à s’appliquer.
L’objet de cet amendement est de rétablir la possibilité de conduire l’étranger à une présentation consulaire sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention lorsque aucune atteinte n’est portée à la protection du domicile, tout en complétant le texte pour répondre à la situation dans laquelle il est nécessaire, pour procéder à sa présentation, de pénétrer au domicile de l’étranger.
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’alinéa 2 introduit la contrainte policière pour l’obtention des documents de voyage. L’étranger assigné à résidence qui refuse sans motif légitime de se présenter aux autorités consulaires de son pays pour solliciter un document de voyage peut y être conduit par les services de police ou les unités de gendarmerie en vue d’effectuer cette démarche.
Le Défenseur des droits dénonce cette disposition, qu’il considère comme surprenante à plusieurs titres.
Cette disposition n’offre aucune garantie d’obtention réelle des documents de voyage. Elle ne peut être comprise que comme une mesure d’intimidation injustifiée.
Outre les doutes qu’il suscite quant à son efficacité, ce texte implique de contraindre une personne à entrer elle-même en contact avec les autorités de son pays. Le champ de cette disposition inclut notamment les personnes déboutées de leur demande d’asile.
Bien que l’article 18 permette à l’intéressé d’invoquer un « motif légitime » pour refuser d’entrer en contact avec les autorités consulaires de son pays, il ne contient pas de définition précise de cette notion. De surcroît, le texte fait peser sur l’intéressé la charge de démontrer qu’il ne peut entrer en contact avec les services consulaires.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer l’alinéa 2 de l’article 18.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 199, qui distingue les cas où l’intervention du juge des libertés et de la détention est nécessaire. Nous avions omis d’apporter cette précision.
Je remercie le Gouvernement de s’inscrire pleinement dans le cadre que nous avons défini en réécrivant l’article 18. Cet ajout utile sera de nature à faciliter la mise en œuvre de l’escorte jusqu’au service consulaire du pays dont relève l’étranger qu’il s’agit d’éloigner.
La commission est en revanche défavorable à l’amendement n° 85.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85 ?
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 85 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 18, modifié.
(L’article 18 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers mentionnés au présent article se voient délivrer une carte de séjour temporaire mention “vie privée et familiale”. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumère les cas dans lesquels un étranger ne peut pas faire l’objet d’une mesure d’expulsion. Il permet donc de protéger certaines catégories de personnes étrangères contre un arrêté d’expulsion.
En pratique, on constate cependant que de nombreuses personnes étrangères appartenant aux catégories protégées contre un arrêté d’expulsion se heurtent à un refus de délivrance de carte de séjour. Elles constituent ainsi une nouvelle catégorie de personnes étrangères « ni expulsables ni régularisables » et vivent en France sans titre ou sous couvert d’autorisations provisoires de séjour, qui ne permettent pas leur bonne intégration dans la société.
Pour rappel, l’article L. 521-3 n’est pas applicable aux personnes dont le comportement est « de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».
Cet amendement vise à garantir que les personnes étrangères protégées contre un arrêté d’expulsion obtiennent de manière certaine une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir que les étrangers protégés contre une mesure d’expulsion se voient délivrer une carte portant la mention « vie privée et familiale ».
La commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où, à l’exception de la catégorie visée au 1° de l’article – étranger résidant habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans –, les étrangers relevant de ces catégories protégées sont titulaires d’un titre de résident ou d’une carte de séjour différente, dont ils ne perdent pas le bénéfice, il serait contradictoire qu’ils puissent bénéficier d’une carte de séjour « vie privée et familiale ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 177 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 524-3 et L. 541-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Actuellement, les articles L. 524-3 et L. 541-2 du CESEDA obligent une personne à résider hors de France pour demander, de manière gracieuse, l’abrogation d’un arrêté d’expulsion ou le relèvement d’une interdiction du territoire, sauf si celle-ci est emprisonnée ou assignée à résidence.
Il semble important que toute personne puisse faire une demande de grâce à tout moment, sans être contrainte de résider hors du territoire français. Afin de permettre à toutes les personnes d’avoir accès à cette procédure gracieuse, même si elles ne remplissent pas les conditions de recevabilité, il convient de supprimer l’obligation de résider hors de France ou d’être assigné à résidence ou encore d’être incarcéré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à alléger les conditions pour demander le relèvement d’une interdiction du territoire ou l’abrogation d’un arrêté d’expulsion, en supprimant l’obligation de se trouver en dehors du territoire. L’avis de la commission est bien évidemment défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 541-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 541-1– ... ainsi rédigé :
« Art. L. 541-1-... – Tout étranger qui justifie qu’il relevait, à la date du prononcé de la peine d’interdiction du territoire, des catégories définies à l’article 131-30-2 du code pénal, est relevé de plein droit de cette peine. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Les personnes étrangères qui ont fait l’objet d’une peine d’interdiction du territoire avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003 doivent pouvoir obtenir le relèvement de cette peine si elles justifient que, à la date du prononcé, elles appartenaient aux catégories aujourd’hui absolument protégées contre une interdiction du territoire français.
De nombreuses personnes étrangères frappées par la double peine sont toujours sous la menace constante d’un éloignement du territoire en exécution d’une peine d’interdiction du territoire prononcée avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003. Pourtant, beaucoup d’entre elles appartiennent aux catégories « protégées » de façon absolue. Or elles n’ont pas bénéficié des mesures transitoires.
La situation de ces personnes étrangères, dont tous les liens privés et familiaux sont en France, doit être résolue, ainsi que le prévoit la loi de 2003.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Des mesures transitoires ont été prises pour tenir compte de cette situation. Les personnes concernées peuvent tout à fait faire une demande en ce sens. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mme Yonnet, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger bénéficiant d’un aménagement de peine et purgeant une peine alternative à l’incarcération voit sa mesure d’assignation à résidence assortie d’une autorisation de travail. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Les étrangers condamnés à une interdiction du territoire français qui bénéficient d’un aménagement de peine ou d’une peine alternative à l’incarcération devraient pouvoir obtenir une autorisation de travail, afin de rendre la mesure d’aménagement de peine effective et cohérente avec son objectif de réinsertion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
L’autorisation de travail est désormais confondue avec un titre de séjour ; il n’est pas justifié de prévoir cette autorisation pour les catégories visées dans l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mme Yonnet, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 571-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 571-1– … ainsi rédigé :
« Art. L. 571-1– … – Lorsqu’un étranger condamné à des peines privatives de liberté bénéficie d’un des aménagements de peine prévus aux articles 132-25 à 132-26-3 du code pénal ou d’une libération conditionnelle, ou lorsqu’il est condamné à la peine prévue à l’article 131-4-1 du même code, la mise à exécution des mesures d’éloignement prévues au livre V du présent code est suspendue jusqu’à la fin de la mesure. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement a pour objet de permettre aux personnes étrangères condamnées à une peine d’emprisonnement et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ou d’expulsion du territoire de bénéficier d’un aménagement de peine, tel que la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique, le placement à l’extérieur, la nouvelle contrainte pénale ou la libération conditionnelle.
En l’état actuel du droit, la suspension de l’interdiction du territoire français n’est prévue que lorsque la libération conditionnelle est octroyée. Il s’agit donc, par souci de cohérence, de l’étendre aux autres catégories d’aménagement de peine.
J’avais déjà présenté cet amendement en 2014 lors de l’examen du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Dans la mesure où il vise le CESEDA, je le présente de nouveau aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir que, en cas d’un aménagement de peine autre qu’une libération conditionnelle, la peine d’interdiction du territoire est suspendue.
L’article 729-2 du code de procédure pénale prévoit déjà que, en cas de libération conditionnelle, le juge de l’application des peines peut suspendre la mesure d’interdiction du territoire. L’amendement est donc incomplet, car il faudrait également modifier cet article.
La possibilité d’une libération conditionnelle pour les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire répond à un objectif de réinsertion sociale. Toutefois, il n’est pas opportun d’élargir la possibilité de prononcer des aménagements de peine au bénéfice d’étrangers faisant l’objet d’une interdiction du territoire. En effet, beaucoup de mesures d’aménagement de peine sont fondées sur la capacité d’exécuter un travail, alors même que l’étranger faisant l’objet d’une interdiction du territoire ne peut pas, par définition, travailler. Dès lors, il n’apparaît pas opportun d’élargir la liste des mesures d’aménagement de peine pouvant justifier que l’interdiction du territoire soit suspendue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19
L’article L. 551-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 551-1. – Dans les cas prévus aux 1° à 7° du I de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours.
« La décision de placement en rétention ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter du terme d’un précédent placement prononcé en vue de l’exécution de la même mesure d’éloignement. Toutefois, si le précédent placement en rétention a pris fin après que l’étranger s’est soustrait aux mesures de surveillance dont il faisait l’objet, l’autorité administrative peut décider d’un nouveau placement en rétention avant l’expiration de ce délai.
« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable à l’étranger accompagné d’un mineur, sauf :
« 1° S’il n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ;
« 2° Si, à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus ;
« 3° Si, en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert.
« Dans les cas énumérés aux 1° à 3°, le placement en rétention n’excède pas la durée strictement nécessaire à la préparation de l’éloignement. Dans tous les cas, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un centre de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles.
« Les dispositions du présent article sont mises en œuvre dans le respect de l’intérêt supérieur du mineur. »
M. le président. L'amendement n° 138, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
cinq jours
par les mots :
quarante-huit heures
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à revenir au texte du Gouvernement, qui prévoit que le juge des libertés et de la détention se prononce sur le placement en rétention d’un étranger après l’expiration d’un délai de quarante-huit heures.
Malheureusement, la commission a souhaité conserver le dispositif de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite « loi Besson », qui avait reporté l’intervention du juge des libertés et de la détention au sixième jour de la rétention administrative. Chacun peut comprendre les conséquences d’un tel choix : des étrangers sont reconduits à la frontière avant d’avoir pu contester devant le juge judiciaire les mesures privatives de liberté dont ils font l’objet. Les membres du groupe socialiste estiment que cette « zone grise » est absolument injustifiable.
Notre amendement a pour objet de limiter à quarante-huit heures la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative, le juge des libertés et de la détention devant être saisi à l’issue de ce délai, et non plus après cinq jours, pour en autoriser la prolongation. Il s’agit de lutter contre la zone grise que nous dénonçons et de donner un droit effectif à l’étranger qui voudrait contester son placement en rétention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à revenir au texte du Gouvernement.
Soyons clairs : les auditions m’ont amené à la conviction que le sujet est globalement compliqué et qu’il ne se prête pas à des vérités absolues. Toutefois, il faut essayer d’aller au plus efficace et au plus utile.
En 2011, nous avions estimé que l’intervention du juge des libertés et de la détention à l’expiration d’un délai de cinq jours plutôt qu’après quarante-huit heures – délai en vigueur jusque-là – était plus efficace à tous points de vue. Au demeurant, ce délai de cinq jours est un délai maximum, à l’issue duquel le juge des libertés et de la détention doit avoir statué sur le maintien ou non en rétention du retenu. Il peut tout à fait statuer avant ! Cela ne pose pas de difficulté dès lors que le juge est saisi par le préfet.
Le délai de cinq jours est cohérent avec la position du Conseil constitutionnel, qui, saisi de la « loi Besson », avait considéré que la saisine du juge des libertés et de la détention devait intervenir à l'expiration d’un délai maximum de sept jours de privation de liberté. Surtout, ce délai permet à l’administration de mieux se préparer à l’éloignement des retenus, singulièrement pour ce qui concerne l’obtention des laissez-passer consulaires. Il rend donc plus efficaces les moyens donnés à l’administration, notamment à la police aux frontières. Je répète qu’il ne remet pas en cause les droits des étrangers à pouvoir agir devant les juridictions compétentes pour contester leur placement en rétention.
Sur le plan pratique, les agents de la police aux frontières que nous avons auditionnés considèrent très officiellement – cela figure dans notre rapport – que les quarante-huit premières heures seraient complètement neutralisées dans l’attente de la décision du juge, retardant d’autant les formalités administratives à engager. Au contraire, ils estiment que le dispositif existant remplit parfaitement son rôle, qu’il respecte en tous points le droit des étrangers, mais aussi qu’il permet à l’administration de travailler dans de bonnes conditions et, le cas échéant, de bien préparer les éloignements. Je rappelle que l’éloignement ne concerne que 57 % des personnes retenues en centres de rétention.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise effectivement à rétablir des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, je veux vous faire observer que la loi du 16 juin 2011, en faisant intervenir le juge après le cinquième jour, conduit, dans un certain nombre de situations, à ce que des éloignements puissent avoir lieu sans que le juge ait pu statuer sur les conditions de l’interpellation du retenu. Sur le plan du respect des droits, des garanties et des libertés, la situation n’est pas satisfaisante.
Permettez-moi de vous dire que les propos que vous avez tenus m’inquiètent un peu. Vous semblez considérer que, dans la procédure que le Gouvernement souhaite mettre en place et que cet amendement vise à rétablir, l’intervention du juge constituerait un obstacle. Vous laissez penser qu’elle pose problème en termes d’efficacité de la procédure.
Je rappelle que, si le Gouvernement préconise l’intervention du juge des libertés et de la détention après quarante-huit heures, il a prévu deux contrepoids à ce dispositif. Premièrement, la durée maximale de rétention de quarante-cinq jours, dont nous avons discuté précédemment, permettra justement de réaliser des éloignements efficaces et de les préparer avec les pays tiers à l’Union européenne – c’est une garantie importante d’efficacité. Deuxièmement, le nouveau séquençage permettra de renforcer le caractère exceptionnel de la seconde prolongation de la rétention.
Au final, le dispositif du Gouvernement que tend à rétablir l’amendement assure bien un équilibre entre, d’une part, le renforcement de la garantie des libertés et, d’autre part, l’efficacité de la procédure.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, votre argumentation est quelque peu dérangeante. L’efficacité, tout le monde la souhaite ! Au reste, cet amendement vise non une moindre efficacité, mais un meilleur respect du droit.
À cet égard, il importe que le juge des libertés et de la détention, garant des libertés individuelles au titre de la Constitution, puisse valider, dans un délai raisonnable, que les conditions dans lesquelles un étranger peut être éloigné de notre territoire respectent effectivement ses droits et sa liberté.
De ce point de vue, l’intervention du juge des libertés et de la détention à l’expiration d’un délai de quarante-huit heures – position que le groupe socialiste a toujours défendue – permet de garantir le respect des droits des personnes qui, placées en rétention, sont privées de liberté.
Il ne faut pas opposer l’efficacité au droit. Le droit est une condition de l’efficacité juste !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour être parfaitement complet, je souhaite faire observer que le Gouvernement, en même temps qu’il propose de faire intervenir le juge des libertés et de la détention à l’expiration d’un délai de quarante-huit heures, veut prolonger le délai de maintien en rétention que pourrait décider le juge à vingt-huit jours.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans le droit actuel, le juge des libertés et de la détention intervient après cinq jours et ne peut maintenir l’étranger en rétention que vingt jours maximum. Ce système est parfaitement équilibré !
Pour terminer, je veux, pour la bonne information du Sénat, rappeler que moins de 1 000 étrangers sont éloignés entre le troisième et le cinquième jour suivant le début de leur rétention.
7
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la santé.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Alain Milon, Mme Catherine Deroche, M. André Reichardt, Mme Élisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson et Laurence Cohen.
Suppléants : Mme Aline Archimbaud, M. Gilbert Barbier, Mme Corinne Imbert, M. Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux et M. Gérard Roche.
8
Nominations de membres de trois organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame M. Gilbert Barbier membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
Je rappelle également que la commission des affaires économiques a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :
- M. Gérard César membre du conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
- M. Joël Labbé membre titulaire de l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 8 octobre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 (Contestation de crimes contre l’humanité) (2015-512 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Droit des étrangers en France
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 19.
Article 19 (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 179 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, n’est pas soutenu.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 86, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 9
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs isolés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs ne peuvent être placés en rétention par l’autorité administrative. Cette prohibition ne souffre d’aucune exception. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La circulaire du 6 juillet 2012 vise à restreindre le recours à la rétention administrative des familles avec enfants faisant l’objet d’une procédure d’éloignement en lui substituant – si je puis dire – l’assignation à résidence. Il ne s’agit toutefois que d’une restriction et non d’une interdiction de placement d’enfants étrangers en rétention.
Par ailleurs, le champ d’application de ce texte est limité et ne s’applique pas à Mayotte, qui connaît, selon le Gouvernement, une « situation territoriale d’exception ». Ce département connaît une situation dramatique : 5 582 enfants y ont été enfermés en 2014. Ce chiffre alarmant est l’illustration d’une pratique inacceptable : le rattachement fictif de mineurs à des tiers dépourvus de tout lien légal avec eux.
Si cette circulaire de 2012 a permis d’en réduire le nombre, les placements en rétention administrative de familles avec enfants continuent, sans que ces derniers bénéficient de garanties suffisantes. C'est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, d’inscrire dans le projet de loi le principe de l’interdiction du placement en rétention administrative de mineurs isolés et des familles avec enfants mineurs.
Je n’ai pas le temps d’évoquer un autre sujet tout aussi important et auquel nous devons nous attaquer, celui des mineurs, accompagnés ou isolés, maintenus en zone d’attente.
Mme la présidente. L'amendement n° 180 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 9
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger mineur âgé de dix-huit ans ou moins ne peut faire l’objet d’un placement en rétention, même accompagné d’un ou plusieurs parents majeurs. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer l’ensemble des dérogations posées au respect du principe de l’interdiction de placer en rétention des parents accompagnés de mineurs. Il s’agit donc d’interdire, sans exception, la rétention des mineurs âgés de dix-huit ans ou moins, isolés ou non, et ce même s’ils sont accompagnés d’un ou plusieurs parents majeurs.
L’alinéa 9 de l’article 19 du présent projet de loi précise en outre que la dérogation autorisant l’administration à placer en rétention un étranger mineur pour faciliter l’exécution d’une mesure d’éloignement est mise en œuvre « dans le respect de l’intérêt supérieur du mineur ». Comme le souligne le Défenseur des droits dans son avis n° 15-20, cette dérogation « comporte le risque d’un recours systématique au placement en rétention ». Or, par définition, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant commande que ce dernier ne soit pas privé de liberté et donc placé en rétention.
Mme la présidente. L'amendement n° 50 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mme Yonnet, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer le mot :
, sauf :
II. – Alinéas 5 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Le présent amendement vise à interdire totalement, et en toute hypothèse, le placement en centre de rétention administrative des mineurs, y compris accompagnés de leurs parents. Dans ce dernier cas, l’assignation à résidence de la famille est la seule alternative possible.
Mme la présidente. L'amendement n° 147, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
n’excède pas la durée strictement nécessaire à la préparation de l’éloignement
par les mots :
est limité à la durée la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ
II. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale pour l’application du présent article. »
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement diffère quelque peu des trois autres amendements en discussion commune.
Je ne suis bien évidemment pas favorable au placement de familles avec enfants en centre de rétention, mais je comprends que cela puisse être nécessaire dans quelques cas exceptionnels. Lors de son audition, M. Cazeneuve a rappelé que très peu de familles étaient concernées et qu’il s’agissait d’une mesure réellement exceptionnelle.
Mme Éliane Assassi. Pas à Mayotte !
M. Philippe Kaltenbach. Si le recours à ces centres de rétention peut s’avérer quelquefois utile, encore faut-il s’assurer que les locaux soient adaptés à l’accueil de familles avec enfants et que la durée de cette rétention soit la plus brève possible. C’est tout le sens de cet amendement.
La portée des modifications apportées par la commission des lois au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale dépasse le simple caractère rédactionnel. Je voudrais revenir sur une nuance très importante : à l’alinéa 8 de cet article, le texte venu de l’Assemblée nationale précisait les conditions particulières du placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur en soulignant que ce placement devait être « limité à la durée la plus brève possible ». Or la rédaction adoptée par la commission des lois du Sénat a grandement affaibli le texte en reprenant simplement le principe applicable dans tous les cas, déjà énoncé à l’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, selon lequel « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ».
Nous considérons que « le temps strictement nécessaire à son départ » est une rédaction très différente de « la durée la plus brève possible ». Le fait d’écrire dans le projet de loi que la rétention des familles accompagnées de mineurs doit être la plus brève possible souligne encore davantage le caractère exceptionnel d’une telle rétention, laquelle doit s’effectuer dans des conditions dignes et des locaux adaptés.
Il en va de même de l’alinéa 9 de cet article 19 : la commission des lois du Sénat a atténué le caractère primordial de l’intérêt supérieur de l’enfant, pourtant clairement exprimé par la directive 2008/115/CE, dont l’article 17 dispose que « l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale dans le cadre de la rétention de mineurs dans l’attente d’un éloignement ».
Le présent amendement a donc pour objet de rétablir le texte de l’Assemblée nationale, plus protecteur des mineurs accompagnés d’un parent et placés en centre de rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable aux amendements nos 86, 180 rectifié et 50 rectifié bis. Elle a souhaité s’en tenir à la rédaction du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui prévoit des exceptions limitées à la rétention des mineurs accompagnant leurs responsables légaux.
En effet, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur ne serait possible que dans trois hypothèses : s’il n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ; s’il a fait obstacle à la mise en œuvre de son éloignement en prenant la fuite ou en refusant d’embarquer ; si un placement en rétention, limité à quarante-huit heures, permet d’épargner au mineur des contraintes liées aux nécessités de transfert en vue d’un éloignement programmé. Il existe des cas où il est nécessaire de prévoir ce placement dès lors que l’éloignement est souhaité.
La commission, qui estime sa rédaction meilleure que celle de l’Assemblée nationale, est également défavorable à l’amendement n° 147 : « strictement nécessaires à la préparation d’éloignement » lui paraît en effet plus clair que « limité à la durée la plus brève possible ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Un étranger mineur ne peut faire l’objet d’une décision de placement à titre personnel, puisqu’il ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Il peut toutefois être placé en rétention s’il accompagne une personne majeure placée en rétention dans le cadre d’une mesure d’éloignement afin de préserver l’unité de la cellule familiale. Dans ce cas, les conditions d’accueil sont adaptées.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur le fait que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Popov contre France, n’a pas posé d’interdiction au principe de l’accueil des mineurs en rétention au regard du maintien de l’unité de la cellule familiale.
Le Gouvernement a rappelé ces principes dans la circulaire du 6 juillet 2012, et le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a intégré les conditions de placement en rétention d’un mineur étranger accompagnant un adulte. Cette jurisprudence a donc bien été intégrée dans la loi.
Désireux de conserver l’équilibre du texte, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 86, 180 rectifié et 50 rectifié bis, mais favorable à l’amendement n° 147.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 50 rectifié bis.
Mme Éliane Assassi. Je suis déçue du résultat du vote sur ces amendements. Le Président de la République avait pris l’engagement de mettre fin à la rétention administrative des mineurs, mais les choses restent en l’état. Ce n’est malheureusement pas le seul engagement qu’il ne tienne pas… (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme il est question des droits des étrangers dans ce texte, je pourrais évoquer, par exemple, le droit de vote des étrangers dont M. Karoutchi ne veut pas ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Je vous en prie, madame Assassi, vous pourriez évoquer tant d’autres engagements non tenus !
Mme Éliane Assassi. En 2014, cent dix enfants ont été placés en centre de rétention à Mayotte ; le 26 juin dernier, un nourrisson de cinq mois a été placé au centre de rétention du Mesnil-Amelot.
J’estime pour ma part qu’un vote conforme à l’engagement du Président de la République serait le bienvenu dans cet hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il est vrai qu’une telle mesure correspond à un engagement pris par le Président de la République. L’ensemble de la gauche a d’ailleurs tenu à rappeler, par les votes sur les amendements précédents, qu’il est particulièrement anormal qu’un mineur se retrouve privé de liberté, sous prétexte que ses parents sont en situation irrégulière sur le territoire et susceptibles d’être éloignés. Il s’agit d’un déni de droit, traumatisant pour l’enfant et destructeur pour la famille. C’est la raison pour laquelle cet engagement avait été pris.
L’ensemble de la gauche réunie souhaite affirmer l’inadéquation absolue qu’il existe à enfermer un mineur pour une faute que ses parents auraient commise.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. L’ensemble de la gauche… moins le Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je comprends votre émotion, mes chers collègues, mais quand je me suis rendu au centre du Mesnil-Amelot il n’y avait pas une seule famille, pas un seul enfant. Même le pavillon « femmes » était fermé. En réalité, seuls les trois pavillons « hommes » étaient occupés.
On peut avoir un débat théorique sur cette question, mais, le moins qu’on puisse dire, c’est que les magistrats ne mettent pas des enfants dans une situation pareille. Effectivement, quand je me suis rendu au Mesnil-Amelot, on m’a parlé de l’affaire de ce bébé, mais il n’est resté en rétention que très peu de temps, et il a été placé là pour des raisons que personne n’a bien comprises. En fait, c’était tellement exceptionnel que c’était plus une erreur qu’autre chose. En vérité, il y a très peu de familles qui sont placées en rétention, parce qu’on trouve d’autres solutions pour les accompagner.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote sur l’amendement n° 147.
M. Philippe Kaltenbach. La loi encadre très fortement les cas où peuvent être placées en rétention des familles avec enfants : si elles n’ont pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ; si elles ont pris la fuite ou opposé un refus ; si, en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve les familles des contraintes liées aux nécessités de transfert.
Par l’amendement n° 147, nous souhaitons restreindre encore ces cas limitativement énumérés. M. le rapporteur me répond que la rédaction adoptée par la commission est meilleure. Pour ma part, je persiste et signe : il vaut mieux écrire que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale pour l’application du présent article », plutôt que « les dispositions du présent article sont mises en œuvre dans le respect de l’intérêt supérieur du mineur ».
Nous essayons d’aller plus loin dans la protection de l’enfant. Il est vrai que les cas sont peu nombreux, une centaine par an nous a dit M. le ministre. Toutefois, nous souhaitons que, pour ces cas exceptionnels, les conditions d’accueil soient dignes et qu’on puisse encadrer le plus possible ce type de décisions. Ayons toujours en vue l’intérêt supérieur de l’enfant !
J’espère avoir convaincu M. le rapporteur, ce qui se révèle toutefois très difficile au cours de ce débat. J’ai parfois l’impression de prêcher dans le désert.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 19 bis A
(Supprimé)
Article 19 bis
(Non modifié)
Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 552-4 du même code, les mots : « À titre exceptionnel, » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 20
L’article L. 554-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 561-2 est applicable. »
Mme la présidente. L'amendement n° 87, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer la possibilité de cumul entre l’assignation à résidence et le placement en rétention.
L’article 20 prévoit la possibilité d’assigner un étranger à résidence à l’issue d’une période de rétention administrative. L’assignation devient alors une mesure de contrainte additionnelle à la rétention. Le projet de loi permet ainsi de passer de l’assignation à résidence à la rétention, ou de la rétention à l’assignation à résidence.
Jusqu’à présent, les personnes libérées d’un centre de rétention administrative n’étaient généralement pas soumises aux contraintes d’une assignation. Aux termes du projet de loi, l’assignation à résidence peut être prononcée chaque fois qu’il est mis fin à une rétention. Ces mesures deviennent alors complémentaires et non plus alternatives, ce qui est contraire à l’esprit de la directive Retour.
Permettez-moi de citer l’article 15 de cette directive : « À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour ». Aux termes de cette disposition, la rétention doit rester exceptionnelle et ne peut être prononcée que si aucune mesure moins contraignante ne peut l’être. Elle n’est donc pas conçue de manière cumulative.
Ainsi, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer l’article 20 du projet de loi, afin que l’assignation à résidence soit une réelle alternative à la rétention et non pas une mesure de contrainte supplémentaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à supprimer la faculté ouverte à l’administration d’assigner à résidence une personne dont la rétention a pris fin, sans que l’éloignement ait pu avoir lieu.
Je le rappelle, cette disposition peut répondre, de manière très pratique, au cas où l’on attend un laissez-passer consulaire. Il s’agit donc d’un outil tout à fait utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 200, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans tous les cas, l’article L. 561-2 peut être appliqué. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le présent amendement vise à rétablir le texte, plus précis, de l’Assemblée nationale.
Il s’agit de mentionner plus clairement que les dispositions relatives à l’assignation à résidence prévue à l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont applicables « dans tous les cas ». L’article 20, tel qu’adopté en commission, en supprimant ces termes, pourrait conduire à limiter le recours à l’assignation à résidence aux cas d’une libération à l’échéance de la période de rétention, alors qu’il doit en être ainsi également en cas de libération pour un autre motif, par exemple sur décision préfectorale.
Il doit être clair que le troisième alinéa de l’article L. 554-3 du CESEDA intervient comme un facteur commun des deux premiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Nous n’avons pas de divergence sur le fond, il s’agit simplement d’un problème de rédaction.
La commission a prévu la rédaction suivante : « L’article L. 561-2 est applicable. » La rédaction proposée par le Gouvernement est celle-ci : « Dans tous les cas, l’article L. 561-2 peut être appliqué. » Dans un souci de clarté, afin d’éviter tout questionnement sur une possible conditionnalité, la rédaction de la commission des lois semble préférable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article additionnel après l'article 20
Mme la présidente. L'amendement n° 201, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « dans l’attente de son départ, sans préjudice de l’intervention du juge des libertés et de la détention » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « dans l’attente de son départ. Cette décision de maintien en rétention n’affecte pas le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention en application de l’article L. 512-1 ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention en application du chapitre II du titre V du livre V. » ;
2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « pour contester les motifs retenus par l’autorité administrative pour estimer que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement » ;
3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « de placement ou » sont supprimés.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la loi relative à la réforme du droit d’asile.
L’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile introduit par l’article 16 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile prévoit que, en cas de demande d’asile présentée postérieurement au placement en rétention, l’autorité administrative peut prendre une décision de maintien en rétention si elle estime que la demande d’asile n’est présentée que dans le but de faire échec à la mesure d’éloignement. Ce même article ouvre à l’étranger une voie de recours contre cette décision, suspensive d’éloignement, devant le juge administratif statuant en procédure accélérée.
Ce dispositif garantit ainsi au demandeur d’asile un recours effectif au sens de l’article 46 de la directive européenne 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, sans pour autant lui octroyer systématiquement un droit au maintien sur le territoire durant la procédure d’appel devant la Cour nationale du droit d’asile. Il établit ainsi un équilibre entre l’efficacité des procédures de retour et l’impératif de non-refoulement, le droit d’asile ne devant pas être utilisé aux seules fins de se soustraire à une mesure d’éloignement.
Le présent amendement vise donc à clarifier l’articulation de ce recours, qui relève de la compétence du juge administratif, compétent dans le champ de l’asile et de l’admission au séjour, avec l’office du juge des libertés et de la détention. Il précise explicitement que l’intervention d’une décision de maintien en rétention n’a pas d’incidence sur l’intervention du juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je ne vais pas revenir sur le débat concernant les compétences en matière de rétention du juge des libertés et de la détention et du juge administratif. Il s’agit ici d’un cas particulier, celui de la demande d’asile. J’avais moi-même noté dans mon rapport que l’articulation des compétences, dans le cadre d’une demande d’asile, du juge administratif et du juge des libertés et de la détention posait problème pour ce qui concerne la rétention.
Au regard du choix de la commission de maintenir le droit en vigueur, à savoir la compétence du juge administratif pour juger de la légalité du placement en rétention, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 21
(Non modifié)
L’article L. 561-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « , par dérogation à l’article L. 551-1, » sont supprimés ;
2° Le 4° est complété par les mots : « ou d’une interdiction de circulation sur le territoire français » ;
3° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, dans le cas prévu au 4° du présent article, elle peut être renouvelée tant que l’interdiction de retour ou l’interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire. La durée de six mois ne s’applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article, ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code. » ;
4° Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il doit également se présenter, lorsque l’autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d’un document de voyage. »
Mme la présidente. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5, troisième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet article prévoit de nombreuses dérogations à la durée maximale de six mois d’assignation à résidence. Ces exceptions concernent notamment les personnes faisant l’objet d’une interdiction de territoire consécutive à une condamnation pénale ou les personnes ne pouvant être raccompagnées vers leur pays d’origine ou vers un autre pays, notamment pour raisons médicales.
Il convient de souligner que ces dérogations sont larges et qu’aucune durée maximale d’assignation à résidence n’est prévue dans ces hypothèses. Cela pourrait conduire au prononcé d’une assignation à résidence d’une durée excessivement longue, voire illimitée. Une telle mesure ne peut donc pas être considérée comme moins contraignante qu’un placement en rétention, pour lequel la loi fixe une durée limitée.
Lorsque la Cour européenne des droits de l’homme contrôle les modalités d’assignation à résidence, elle vérifie que celles-ci ne portent pas atteinte au droit à la liberté et à la sûreté, défini à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce principe de « droit à la liberté et à la sûreté » est équivalent au principe de « liberté individuelle » consacré par le droit interne, pour le respect duquel l’article 66 de la Constitution impose l’intervention de l’autorité judiciaire.
Le prononcé d’une assignation à résidence sans limitation de durée pourrait être qualifié de mesure d’atteinte à la liberté et à la sûreté ou à la liberté individuelle. C’est pourquoi nous souhaitons maintenir la durée maximale d’assignation à résidence actuellement en vigueur, afin de ne pas en faire un dispositif plus restrictif que ce que prévoit le droit positif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’avais tenté, en commission des lois, de convaincre Mme Assassi de retirer son amendement, mais je n’y suis pas parvenu…
L’article L. 561-1 du CESEDA prévoit deux dérogations à la limitation dans le temps de l’assignation à résidence : en cas d’interdiction de retour, la mesure d’assignation de six mois maximum est renouvelable tant que l’interdiction est exécutoire, soit dans la limite fixée par l’autorité administrative elle-même au moment de la prise de décision d’une telle interdiction ; en cas d’interdiction judiciaire du territoire, en application des dispositions de l’article 131-30 du code de procédure pénale, ou lorsque l’étranger fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, en application des articles L. 523-3 à L. 523-5 du CESEDA. L’article L. 561-1 ne prévoit aucune limitation de durée.
L’article 21 maintient les dérogations actuellement prévues par le CESEDA, en les étendant simplement au cas où l’étranger est sous le coup d’une interdiction de circulation. Il ne prévoit donc pas une mesure plus restrictive que les dispositions du droit en vigueur. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
L’article L. 561-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 561-2. – I. – L’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l’article L. 511-1, qu’il se soustraie à son obligation de quitter le territoire, lorsque cet étranger :
« 1° Doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l’objet d’une décision de transfert en application de l’article L. 742-3 ;
« 2° Fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
« 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;
« 4° Fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire mentionnée à l’article L. 531-3 du présent code ;
« 5° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;
« 6° Doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français, d’une interdiction de circulation sur le territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire ;
« 7° Ayant fait l’objet d’une décision d’assignation à résidence au titre des 1° à 6° du présent article ou de placement en rétention administrative en application de l’article L. 551-1, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.
« Les trois derniers alinéas de l’article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l’assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.
« L’article L. 551-1 est applicable à l’étranger assigné à résidence en application du présent article lorsque :
« 1° L’étranger ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 ;
« 2° Il n’a pas respecté les prescriptions liées à l’assignation à résidence ;
« 3° Il a pris la fuite ou opposé un refus à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement.
« II. – En cas d’impossibilité d’exécution d’office de la mesure d’éloignement résultant de l’obstruction volontaire de l’étranger assigné à résidence en application du I du présent article, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, lui notifient une décision de placement en rétention.
« Le juge des libertés et de la détention, saisi par requête, statue dans les vingt-quatre heures. À peine de nullité, sa décision est motivée. Le juge s’assure du caractère exécutoire de la décision d’éloignement que la mesure vise à exécuter et de l’obstruction volontaire de l’étranger à ladite exécution, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant notamment de l’absence de réponse de l’étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution. La décision mentionne l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées.
« L’ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire pendant quatre-vingt-seize heures au seul vu de la minute. Elle est notifiée sur place à l’étranger dans une langue qu’il comprend ou, à défaut, à l’occupant des lieux, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé. L’acte de notification comporte mention des voies de recours.
« Les opérations de visite sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures. Elles ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que l’exécution de la mesure d’éloignement visée dans la décision du juge des libertés et de la détention.
« Il est dressé un procès-verbal mentionnant les dates et heures de début et de fin des opérations et les conditions de leur déroulement. Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger ou, à défaut, de l’occupant des lieux ; en cas de refus, mention est faite de ce refus et de ses motifs déclarés. Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention, copie en ayant été remise à l’étranger ou, à défaut, à l’occupant des lieux.
« Les ordonnances mentionnées au présent article sont susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué, qui est saisi sans forme et doit statuer dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. L’appel n’est pas suspensif. »
Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Le paragraphe II de l’article 22 permet à l’autorité administrative de demander au juge des libertés et de la détention l’autorisation de requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour interpeller l’intéressé à son domicile afin de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, pour lui notifier une décision de placement en centre de rétention. Or le domicile fait l’objet d’une protection particulière en droits français et européen. Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, le domicile s’entend comme le lieu où une personne réside de façon permanente ou avec lequel elle a des liens suffisants et continus et recouvre donc tous les lieux où l’étranger peut être assigné à résidence.
L’inviolabilité du domicile se fonde sur le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 9 du code civil et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle est également l’une des dimensions de la liberté individuelle, définie à l’article 66 de la Constitution.
L’inviolabilité du domicile trouve des exceptions strictement définies par le droit pénal.
La loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour supprime le délit de séjour irrégulier et interdit donc de placer en garde à vue des étrangers au seul motif de l’irrégularité de leur séjour, conformément à la jurisprudence européenne reprise par la Cour de cassation. L’interpellation et l’éloignement des étrangers en séjour irrégulier ne relèvent plus donc du droit pénal, mais exclusivement du droit administratif. Dès lors, les exceptions pénales à l’inviolabilité du domicile ne sont pas applicables. L’interpellation de la personne intéressée à son domicile doit donc être exclue, comme le préconise également le Défenseur des droits.
À l’illégalité de l’interpellation à domicile s’ajoute l’étroitesse des délais d’intervention, puisque le juge des libertés et de la détention saisi par requête statue dans les vingt-quatre heures. Son rôle dans la procédure reste d’ailleurs formel, puisqu’il n’exerce aucun réel contrôle de fond. Il se limite en effet à « s’assurer du caractère exécutoire de la décision » et, si nécessaire, à « se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ». Une telle intervention ne semble pas conforme aux exigences constitutionnelles, aux termes desquelles « l’intervention de l’autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ».
Le souci d’efficacité d’éloignement du territoire qui nécessite le recours à la force publique manque décidément de garanties matérielles et procédurales. La procédure décrite aux alinéas 15 à 20 de l’article 22, même si elle encadre la procédure applicable, est disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi et contraire au droit au respect de la vie privée et familiale ; elle consacre en effet une approche pénale de l’interpellation de l’étranger, prohibée par le droit européen.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer la possibilité d’interpellation de l’intéressé à son domicile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La disposition que cet amendement a pour objet de supprimer est de nature à rendre plus efficaces les mesures d’éloignement du territoire. La commission, qui souhaite rester fidèle à cet objectif, a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je souhaite vous rassurer. Vous soutenez que le dispositif proposé est disproportionné au regard de l’objectif qu’il poursuit et qu’il présente des garanties procédurales insuffisantes.
Les garanties procédurales encadrant ce dispositif, qui est soumis à l’autorisation du juge des libertés et de la détention, sont scrupuleusement conformes aux impératifs juridiques, notamment aux exigences relatives à l’inviolabilité du domicile.
Le juge n’accueillera la requête du préfet que sur la base d’éléments caractérisant suffisamment l’obstruction et son caractère volontaire. Le juge pourra également vérifier sur place la réalité de l’obstruction, assister à l’entrée au domicile et l’interrompre si nécessaire.
Ces éléments me semblant suffisants, j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article 22 bis A (nouveau)
Après l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 561-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-2-1. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités selon lesquelles les étrangers assignés à résidence bénéficient d’une information pour permettre l’exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ. » – (Adopté.)
Article 22 bis
(Non modifié)
Après le j de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un k ainsi rédigé :
« k) Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Après l’adoption de l’amendement n° 1 rectifié quater de M. Karoutchi rédigeant l’article 1er A – amendement rectifié sur proposition de M. le président de la commission des lois –, il convient, par souci de cohérence, de voter contre l’article 22 bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22 bis.
(L'article 22 bis n'est pas adopté.)
Article 22 ter (nouveau)
Après l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 624-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 624-1-1. – Tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’une interdiction administrative du territoire, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, d’une interdiction administrative du territoire, d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’une interdiction de circulation sur le territoire français, pénètre de nouveau sans autorisation en France est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement.
« La même peine est applicable à l’étranger maintenu en zone d’attente ou en rétention administrative qui se soustrait ou tente de se soustraire à la mesure de surveillance dont il fait l’objet. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement lorsque les faits sont commis par violence, effraction ou corruption et à sept ans d’emprisonnement lorsque les faits sont commis en réunion ou sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique. Les mêmes peines sont applicables à toute personne qui sciemment, par aide ou par assistance, facilite la préparation ou la commission des infractions prévues au présent alinéa.
« La peine prévue au premier alinéa est applicable à tout étranger qui ne présente pas à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution de l’une des mesures mentionnées au premier alinéa ou qui, à défaut de ceux-ci, ne communique pas les renseignements permettant cette exécution ou communique des renseignements inexacts sur son identité. »
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet article me laisse perplexe. Je croyais que l’objectif était d’éloigner les étrangers qui ne respectent pas nos règles. Or, là, on va les garder en les mettant en prison. C’est somme toute assez paradoxal…
On comprend bien l’intention : il faut faire peur ! Mais le résultat risquant ne pas être conforme à l’objectif, nous nous sommes permis de proposer qu’on le supprimât…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.
L’article 22 ter vise simplement à réorganiser le texte de loi : il ne consiste qu’à isoler des dispositions spécifiques qui figuraient dans un article de coordination. Ces dispositions ont pour objet de créer un délit de fuite d’une zone d’attente ou d’un lieu de rétention. En effet, un certain nombre de fuites, parfois accompagnées de violences, ont été constatées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous aggravez votre cas, si je puis dire. Cela signifie que le dispositif est contradictoire ! Mais nous ne sommes plus à une contradiction près…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22 ter.
(L'article 22 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 22 ter
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié ter est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. César, Dallier et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. B. Fournier, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Lefèvre, de Legge, Mandelli, Mayet, Retailleau, Saugey et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Fontaine, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mme Procaccia, M. Duvernois, Mme Kammermann, MM. Falco et Bonhomme, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel, D. Laurent, A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Bouvard et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet.
L'amendement n° 151 rectifié bis est présenté par MM. M. Mercier et Zocchetto, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 22 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 742-… ainsi rédigé :
« Art. L. 742-… - L’étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et auquel a été notifiée une obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 511-1 peut être assigné à résidence, dans les conditions définies à l’article L. 561-2, dans un lieu d’hébergement où il peut lui être proposé une aide au retour dans les conditions prévues à l’article L. 512-5.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre. »
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié ter.
M. Roger Karoutchi. Le droit d’asile doit bien évidemment être respecté. Pour ce faire, il faut que les déboutés soient effectivement raccompagnés à la frontière, sans quoi toute la procédure – la demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et le recours éventuel devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA – n’aurait pas de sens.
Selon la Cour des comptes, seuls 1 % des demandeurs d’asile déboutés quittent effectivement le territoire. Je ne sais pas d’où sortent ces chiffres, mais, moi, je pense qu’on tourne plutôt aux alentours – je dis « aux alentours », parce que ça dépend des années – de 25 %. C’est mieux que rien, mais ça signifie quand même que 75 % des étrangers qui ont été déboutés au terme de l’ensemble de la procédure OFPRA et CNDA – sachant qu’elle peut durer deux ans, voire davantage – restent sur le territoire, ce qui crée une sorte d’iniquité vis-à-vis des demandeurs d’asile qui ont obtenu le statut de réfugié.
Cet amendement vise à permettre que les demandeurs d’asile déboutés soient assignés à résidence dans l’objectif de préparer leur retour.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 151 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement étant identique, je considère qu’il a été bien défendu par M. Karoutchi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, la commission des lois avait déjà adopté une disposition, sur l’initiative de notre collègue Valérie Létard, visant à créer des centres de retour.
Depuis le mois d’avril dernier, une expérimentation est menée en Moselle. Nous manquons sans doute de recul pour en évaluer correctement les effets, même si les choses sont déjà bien organisées, mais j’ai pu me rendre dans ce centre et constater le réel intérêt du dispositif. C’est un outil supplémentaire pour raccompagner de façon volontaire et non forcée dans leur pays d’origine les personnes déboutées du droit d’asile. La création de tels lieux a été défendue par Valérie Létard et par le député Jean-Louis Touraine dans le cadre d’une mission de concertation qui leur avait été confiée par le Premier ministre.
La commission des lois – preuve de sa constance sur le sujet – a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’idée d’une telle expérimentation a émergé du débat parlementaire à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.
À l’époque, le Gouvernement s’était montré favorable au développement de cette expérimentation, qui s’inscrit dans la perspective d’une recherche de formules nouvelles destinées aux personnes déboutées de leur demande d’asile, et avait indiqué, par la voix de son ministre de l’intérieur, qu’un fondement législatif n’était pas nécessaire. Le ministre de l’intérieur s’était engagé, il a tenu parole.
Le ministre de l’intérieur se tiendra à votre disposition pour vous tenir informés des résultats au fur et à mesure de l’expérimentation et, le cas échéant, pour procéder à un réexamen. Ces deux amendements identiques ne sont donc pas nécessaires. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié ter et 151 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 ter.
Chapitre III
Dispositions diverses
Article 23
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre II est complété par un article L. 221-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-6. – Sous réserve de ne pas porter atteinte à la dignité des personnes et aux exigences de sécurité et de bon fonctionnement de la zone d’attente, les journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail peuvent être autorisés à y accéder dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Les prises d’images et de son des étrangers, des personnels et des intervenants dans les zones d’attentes, de même que leur diffusion, ne sont autorisées qu’avec leur accord préalable. Elles se déroulent dans le respect de l’anonymat patronymique et physique des mineurs et, sauf accord contraire exprès, des majeurs. » ;
2° Le chapitre III du titre V du livre V est complété par un article L. 553-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 553-7. – Sous réserve de ne pas porter atteinte à la dignité des personnes et aux exigences de sécurité et de bon fonctionnement du lieu de rétention administrative, les journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail peuvent être autorisés à y accéder dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Les prises d’images et de son des étrangers, des personnels et des intervenants dans les lieux de rétention administrative, de même que leur diffusion, ne sont autorisées qu’avec leur accord préalable. Elles se déroulent dans le respect de l’anonymat patronymique et physique des mineurs et, sauf accord contraire exprès, des majeurs. »
II. – L’article 719 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « centres de rétention » sont remplacés par les mots : « lieux de rétention administrative » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « vue, », sont insérés les mots : « des lieux de rétention administrative et des zones d’attente, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. La commission des lois du Sénat a restreint le droit pour les parlementaires de se faire accompagner de journalistes lors de leurs visites des lieux de rétention.
Cet amendement a pour objet de maintenir les deux régimes d’accès des journalistes aux lieux de rétention, c’est-à-dire celui qui résulte de la loi du 17 avril 2015 et celui qui est proposé dans le projet de loi initial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La loi du 17 avril 2015 prévoit que les journalistes peuvent accompagner les parlementaires dans les centres de rétention.
L’article 23 du projet de loi initial autorisait les journalistes à se rendre dans les centres de rétention sans les parlementaires, donc de manière autonome. Nous avons précisé les conditions de cet accès autonome, notamment en le limitant aux journalistes titulaires d’une carte de presse et en veillant au respect des règles applicables aux prises d’images et de son.
Il nous semble inutile d’avoir deux régimes différents. Le dispositif proposé désormais à l’article 23 apporte toutes les garanties nécessaires en termes non seulement de transparence, mais aussi de respect des personnes placées en centre de rétention. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le texte issu de la commission des lois du Sénat restreint le droit des parlementaires de se faire accompagner de journalistes lorsqu’ils visitent des zones d’attente ou des lieux de rétention.
L’article 23 du projet de loi prévoit que des journalistes peuvent accéder seuls aux lieux de rétention sur autorisation dans des conditions respectant le bon fonctionnement de ces lieux et les exigences de sécurité. Cette possibilité nouvelle ne signifie pas que des journalistes ne peuvent plus accompagner des parlementaires autorisés à visiter ces lieux à tout moment et sans préavis. Pourtant, c’est bien à ce résultat qu’aboutit le texte issu des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais non !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je suis désolée de ne pas être d'accord avec vous.
Il n’y a pas, nous semble-t-il, à revenir sur le droit reconnu aux parlementaires et à la presse dans le cadre de la loi du 17 avril 2015. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23.
(L'article 23 est adopté.)
Article 23 bis A
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 221-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-7. – Pour permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers placés en zone d’attente, le ministre chargé de l’immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. »
Mme la présidente. L'amendement n° 197, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
conclut une convention avec
par les mots :
donne un droit d’accès à
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement vise à apporter une précision et à lever une ambiguïté quant aux obligations qui incombent à l’État en matière d’accès des associations humanitaires aux zones d’attente.
L’article 23 bis A, tel qu’il a été adopté par la commission des lois, pourrait être regardé comme créant une charge nouvelle pour les finances publiques, en prévoyant une obligation pour l’État de conclure des conventions avec des personnes morales auxquelles serait confiée une mission d’assistance juridique. Cet amendement a pour objet de préciser que la responsabilité de l’État est de veiller à l’accès d’une ou de plusieurs associations humanitaires, afin de permettre l’exercice effectif des droits des étrangers maintenus en zones d’attente. Il est proposé de consacrer explicitement leur droit d’accès dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis A, modifié.
(L'article 23 bis A est adopté.)
Article 23 bis
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le refus de se soumettre à ces opérations est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. »
Mme la présidente. L'amendement n° 154 rectifié bis, présenté par Mme Bouchart, MM. Gremillet et Doligé, Mmes Gruny et Deseyne, M. Bonhomme, Mme Deroche, MM. Danesi, Leleux, Gournac, Allizard, Gilles, Grosperrin et Calvet, Mme Duranton, M. Bizet, Mme Lopez, MM. G. Bailly, Pointereau, Mayet, Cambon, Kennel, Mouiller et A. Marc, Mmes Hummel et Micouleau, M. B. Fournier, Mme Duchêne, MM. Cornu, Chasseing, Genest, Delattre et Laufoaulu, Mmes Giudicelli et Canayer et MM. Lenoir, Charon, Carle, J. Gautier et Vasselle, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-3. – Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers, non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 311-1 doivent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Il en est de même de ceux qui sont en situation irrégulière en France, qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ou à l'article L. 211-1 du présent code.
« Il en est de même des étrangers bénéficiaires de l'aide au retour mentionnée à l'article L. 512-5. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Natacha Bouchart.
Mme Natacha Bouchart. Actuellement, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers, non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, en situation irrégulière peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé.
Je pense que les prochaines vagues migratoires risquent d’être difficiles à gérer. C’est pourquoi je propose d’identifier les personnes qui entrent sur le territoire en rendant obligatoire la prise d’empreintes et de photographies.
Mme Éliane Assassi. Et allez ! Un fichier de plus !
Mme Natacha Bouchart. Cela permettra à la fois de gérer la situation de façon plus humaine et de pouvoir engager des poursuites à l’égard des auteurs d’actes délictueux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission souhaiterait que notre collègue Natacha Bouchart retire son amendement.
Mme Éliane Assassi. Ce serait mieux, en effet…
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur le fond, nous comprenons très bien ses préoccupations quant à la nécessité d’identifier les personnes, de relever leurs empreintes digitales, voire de prendre des photographies. Au reste, ce n’est pas interdit ; c’est même tout à fait possible. L’article 23 bis vise d’ailleurs à punir le refus de se soumettre à de telles opérations d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
Si cet amendement était adopté, le volet pénal serait « écrasé », comme on dit en langage parlementaire. En clair, nous n’aurions plus la possibilité de poursuivre pénalement ceux qui refuseraient de se soumettre à ces opérations. C’est pourquoi je pense que le texte actuel répond mieux aux préoccupations de Mme Bouchart. Bien entendu, il conviendra de l’appliquer fermement, mais cela ne dépend pas du Parlement…
La commission serait contrainte d’émettre un avis défavorable sur cet amendement s’il était maintenu. Mais, je le répète, je préférerais nettement qu’il soit retiré.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, même s’il comprend vos préoccupations, madame la sénatrice.
Les empreintes digitales et les photographies sont des éléments d’identification indispensables. Cependant, ces techniques sont soumises aux règles de protection de la vie privée. Le Conseil constitutionnel a habilité l’autorité administrative à y recourir, mais dans le cadre d’un examen au cas par cas de leur caractère nécessaire. Le recours systématique que vous proposez serait donc contraire à la jurisprudence constitutionnelle.
De plus, comme l’a souligné M. le rapporteur, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de supprimer les sanctions qui figurent dans le texte.
Mme la présidente. Madame Bouchart, l'amendement n° 154 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Natacha Bouchart. J’ai bien entendu les demandes de retrait de la commission et du Gouvernement, mais la réalité de la situation – ce ne sont pas « mes » préoccupations ; ce sont des préoccupations nationales ! – fait que je ne peux pas retirer cet amendement.
Le texte tel qu’il est rédigé n’est pas applicable. Je le sais d’expérience, je le vis au quotidien. Les personnes ne sont pas punies, encore moins emprisonnées, et s’évanouissent dans la nature. C’est un cercle infernal !
Ce sont donc mes doutes quant à l’application effective des sanctions pénales prévues par le texte qui me conduisent à maintenir mon amendement. Il ne sera sûrement pas adopté, mais je tiens à ce qu’il puisse être mis aux voix. L’avenir me donnera raison !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Madame Bouchart, voulez-vous faire de la France une prison ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est une provocation totalement inutile !
Mme Esther Benbassa. Dans une démocratie, on ne peut pas admettre de telles procédures ! C’est impossible !
Mme Catherine Procaccia. Allez donc à Calais, pour voir ce que vit Mme Bouchart !
Mme Esther Benbassa. Quel avenir nous préparez-vous ? Répondez-nous ! Une France forteresse ? Une France prison où chacun entrerait avec un dossier contenant ses empreintes et ses photos ? Et pourquoi pas des chaînes ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Ce n’est pas digne !
M. Daniel Gremillet. C’est inadmissible !
Mme Catherine Tasca. Toutes les paroles sont admissibles ici !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. À l’instar d’un certain nombre d’entre nous, je me suis rendu à Calais, et j’ai pu observer la situation. Je le dis très franchement, ce qui s’y passe est inacceptable !
Je comprends bien la demande de Mme Bouchart, qui souhaite rendre obligatoire la prise d’empreintes et de photos. Simplement, l’adoption d’un tel amendement aurait pour effet de supprimer les sanctions prévues à l’article 23 bis. La personne qui se soustrairait à ses obligations ne serait donc plus passible de poursuites pénales. Cela reviendrait à créer une impunité de fait. C’est objectivement très dangereux, ma chère collègue.
En revanche, il est un point de vue que je partage. À mes yeux – nous avons eu ce débat ici avec M. le ministre –, le problème qui se pose à Calais est d’ordre judiciaire. La police fait son travail ; il faut que la justice fasse le sien.
M. Daniel Gremillet. Oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le souci, c’est bien l’absence de poursuites pénales. C’est ma conviction profonde. Je ne cherche pas à incriminer qui que ce soit, mais je tenais à souligner cette réalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je souhaite moi aussi revenir sur les conséquences qu’aurait l’adoption de votre amendement, madame Bouchart, et réitérer ma demande de retrait.
Nous sommes tous – le ministre de l’intérieur, M. le rapporteur, qui s’est rendu dans votre ville, et nombre de parlementaires ici présents – préoccupés par la situation à Calais. C’est précisément pour obtenir des résultats que nous nous efforçons de rendre opérationnel le dispositif de prises de photographies et d’empreintes digitales.
L’adoption de votre amendement – M. le rapporteur l’a dit – supprimerait les sanctions pénales prévues en cas de refus de se soumettre à ces opérations, ce qui irait à l’encontre de l’objectif que vous cherchez à atteindre. En outre, mais je ne vais pas insister sur cet argument, son dispositif est contraire la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Les sanctions pénales prévues à l’article 23 bis sont un gage d’efficacité. C’est justement en pensant à la situation particulière de Calais que je me permets d’insister et de réitérer ma demande de retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Bouchart, que décidez-vous ?
Mme Natacha Bouchart. Je ne répondrai pas à Mme Benbassa, car il faut savoir ce qu’on dit lorsqu’on est aux responsabilités. J’écarte donc totalement ses propos, dans la mesure où elle ne connaît pas la situation que nous vivons chaque jour, chaque nuit, et encore hier soir et ce matin, à Calais.
Je comprends, madame la secrétaire d’État, le fondement du dispositif mis en place à l’Assemblée nationale, et j’admets qu’il vise à régler les problèmes liés à la situation particulière de Calais. Je reconnais également que le ministre de l’intérieur accompagne notre collectivité au quotidien, et ce dans tous les domaines. Je vous demande d’ailleurs de bien vouloir faire part de ma reconnaissance à M. Cazeneuve, car je n’ai pas pu le faire en sa présence dans le temps qui m’était imparti.
Dans les circonstances actuelles, en raison du dysfonctionnement des procédures judiciaires que l’on constate chaque jour, il est important selon moi que soit maintenue l’obligation de prendre des empreintes digitales et une photographie.
Aujourd’hui, la justice n’existe pas à Calais. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Mme Natacha Bouchart. Après la discussion que je viens d’avoir avec M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État, j’accepte de retirer mon amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à remercier Mme Bouchart d’avoir bien voulu retirer son amendement, car nous savons, et il faut le dire clairement, que la situation dans sa commune n’est pas facile.
Nous disposons désormais d’un outil qui permettra, je l’espère, d’avancer. Il revient maintenant au ministère de la justice d’agir !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je tiens également à vous remercier, madame Bouchart, d’avoir bien voulu tenir compte de nos échanges. Je le répète, l’intention du ministre de l’intérieur est bien de prendre en compte la situation à Calais, à laquelle il porte une attention très vigilante.
La construction même de ce texte a pour but de franchir une étape supplémentaire afin d’être plus efficace et de vous aider à enclencher le processus qui permettra d’atteindre l’objectif qui est le vôtre et celui du Gouvernement, en particulier de Bernard Cazeneuve. Merci beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 23 bis.
(L'article 23 bis est adopté.)
Article 24
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 611-11 du même code est complété par les mots : « , et en Martinique dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1, 2, 3, 5 et 6 et sur la route départementale 1 ».
II. – L’article 78-2 du code de procédure pénale est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° En Martinique, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone d’un kilomètre de part et d’autre de la route nationale 1 qui traverse les communes de Sainte-Marie, La Trinité, Le Robert et Le Lamentin, de la route nationale 2 qui traverse les communes de Saint-Pierre, Le Carbet, Le Morne-Rouge, l’Ajoupa-Bouillon et Basse-Pointe, de la route nationale 3 qui traverse les communes de Le Morne-Rouge, l’Ajoupa-Bouillon, Basse-Pointe, Fonds-Saint-Denis et Fort-de-France, de la route nationale 5 qui traverse les communes de Le Lamentin, Ducos, Rivière-Salée, Sainte-Luce, Rivière-Pilote et Le Marin, de la route nationale 6 qui traverse les communes de Ducos, Le Lamentin, Le Robert, Le François et Le Vauclin, Rivière-Salée, Sainte-Luce, Rivière-Pilote et Le Marin et de la route départementale 1 qui traverse les communes de Le Robert, Le François et Le Vauclin. »
Mme la présidente. L’amendement n° 181 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La Martinique est un département français d’Amérique peu concerné par l’immigration : les étrangers en situation régulière y représentent seulement 1,4 % de la population locale. Comme l’INSEE l’a noté, « la Martinique présente la caractéristique de connaître le taux d’immigration le plus faible de toutes les régions françaises ». C’est pourquoi je propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 24.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
Le titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 611-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-12. – Sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical, les autorités et personnes privées mentionnées aux 2° à 12° du présent article transmettent à l’autorité administrative compétente, agissant dans le cadre de l’instruction d’une première demande de titre ou d’une demande de renouvellement de titre ou dans le cadre des contrôles prévus à l’article L. 313-5-1, les documents et les informations nécessaires au contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou au contrôle de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution d’un droit au séjour ou de sa vérification.
« Ce droit de communication s’exerce sur demande de l’autorité administrative compétente, de manière ponctuelle et à titre gratuit, quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents, auprès :
« 1° (Supprimé)
« 2° Des autorités dépositaires des actes d’état civil ;
« 3° Des administrations chargées du travail et de l’emploi ;
« 4° Des organismes de sécurité sociale et de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail ;
« 5° et 6° (Supprimés)
« 7° Des établissements scolaires et des établissements d’enseignement supérieur ;
« 8° Des fournisseurs d’énergie et des services de communications électroniques ;
« 9° Des établissements de santé publics et privés ;
« 10° Des établissements bancaires et des organismes financiers ;
« 11° (Supprimé)
« 12° Des greffes des tribunaux de commerce.
« Le refus de déférer à une demande relevant du présent article est puni d’une amende de 7 500 €.
« Ce délit peut faire l’objet de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale prévue aux articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale.
« L’autorité administrative compétente est tenue d’informer la personne dont elle instruit la demande de délivrance ou de renouvellement de titre ou dont elle contrôle le maintien du titre, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur le fondement desquels elle s’apprête à refuser ou retirer le titre. Elle communique une copie des documents susmentionnés à l’intéressé s’il en fait la demande.
« La conservation des données personnelles contenues dans les documents et les informations transmis en application du présent article ne peut excéder la durée cumulée du titre de séjour dont l’étranger est titulaire et, le cas échéant, de la procédure de renouvellement dudit titre. La durée de conservation est prolongée jusqu’à l’épuisement des voies et délais de recours contre les décisions administratives prononcées sur le fondement d’informations transmises en application du présent article et, si un recours a été déposé, jusqu’à ce que la juridiction compétente ait statué.
« À la demande de l’étranger, les données à caractère personnel le concernant sont, selon le cas, rectifiées, complétées, mises à jour ou effacées si elles sont inexactes, incomplètes ou périmées, ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation n’est pas compatible avec les finalités déterminées au premier alinéa du présent article.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’application du présent article. Il définit notamment la nature des documents et des informations susceptibles d’être communiqués à l’autorité administrative compétente par chacune des autorités ou personnes privées mentionnées aux 2° à 12° du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 90 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 182 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 90.
Mme Éliane Assassi. L’article 25 instaure un droit de communication qui emporte obligation pour les autorités et les personnes privées énumérées dans le texte de transmettre aux préfets les données relatives aux ressortissants étrangers qu’elles détiennent. Sont astreintes à cette obligation de nombreuses autorités et personnes privées, des autorités dépositaires des actes d’état civil, en passant par les établissements scolaires et d’enseignement supérieur, les fournisseurs d’énergie, de télécommunication et d’accès à internet ou encore les établissements de santé publics et privés, pour ne donner que quelques exemples...
Cet article, vous l’aurez compris, nous inquiète à plusieurs égards. Les autorités et personnes privées concernées par l’exercice de ce droit de communication sont multiples, sans que l’on connaisse les raisons ayant conduit à retenir certains organismes ou les informations qu’ils devront fournir. En outre, ce dispositif rend le secret professionnel autre que médical inopposable au droit de communication reconnu à l’administration. De même, les finalités du recours au droit de communication restent très larges puisqu’elles concernent le droit au séjour de l’étranger concerné.
Comme le souligne le Défenseur des droits, l’article 25 « est sans doute la disposition la plus contestable du texte en ce qu’elle atteste de la forte suspicion à l’égard des étrangers et constitue une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles et au secret professionnel ».
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il apparaît absolument nécessaire à la commission que, dans le cadre du contrôle effectué par les préfectures, celles-ci puissent avoir accès à toutes les informations utiles afin d’apprécier la réalité et la validité de la délivrance ou du renouvellement des titres de séjour accordés aux demandeurs.
Je rappelle que, dans le cadre de l’instauration de titres pluriannuels, le projet de loi passe d’une logique de contrôle a priori à une logique de contrôle a posteriori, ce qui contribue à renforcer ces moyens de contrôle.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 et 182 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, déposés par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier.
L’amendement n° 35 rectifié est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
secret médical,
insérer les mots :
lorsqu’il existe un soupçon de fraude,
L’amendement n° 37 rectifié est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
des documents
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
Il fait l’objet d’une décision motivée, communiquée à l’intéressé à sa demande, et s’effectue auprès :
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter ces deux amendements.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous souhaitons prévoir un minimum d’encadrement : le droit de communication ne pourra s’exercer que lorsqu’il existe un soupçon de fraude, et non pas systématiquement, et la demande devra être motivée, ce qui est un minimum s’agissant d’une opération aussi intrusive. On ne peut tout de même pas soumettre les gens à ce type d’inquisition sans raison !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 35 rectifié, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
L’amendement n° 37 rectifié prévoit que la demande de l’autorité administrative mettant en œuvre son droit de communication doit être motivée et communiquée à l’intéressé à sa demande.
Soit on comprend cette disposition comme obligeant l’administration à motiver sa requête auprès de l’un des organismes énumérés au nouvel article L. 611-12 du CESEDA, ce qui risquerait de porter atteinte à la confidentialité du traitement du dossier de l’étranger. Soit on comprend cette disposition comme obligeant l’administration à justifier l’usage du droit de communication auprès de l’étranger concerné, auquel cas cet amendement est satisfait par une modification introduite par la commission à l’alinéa 17, prévoyant l’information de l’étranger préalablement à la prise de décision de refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre et la communication des éléments ainsi obtenus.
Toutes les garanties ont été prévues par la commission pour que le contrôle se fasse dans les meilleures conditions possibles et que l’étranger qui en fait l’objet soit informé de cette démarche. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne vais pas m’éterniser sur le sujet, mais on renvoie tout de même une drôle d’image de la France à l’étranger...
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Leconte et Yung, Mmes Yonnet et Jourda et M. Durain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
« 1° Des administrations fiscales ;
II. – Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents.
Nous l’avons dit, l’article 8 prévoit le retrait des titres de séjour et l’article 25 organise le contrôle. À ce titre, il est prévu que l’autorité administrative puisse demander des informations à certaines autorités, lesquelles sont précisées, mais rien n’est dit sur les informations qui pourraient être communiquées ni sur la façon dont elles seraient conservées, que ce soit par les établissements scolaires ou d’enseignement supérieur, les fournisseurs d’énergie, les sociétés de communications électroniques ou les établissements de santé publics et privés. Quel type d’information sera-t-il légitime d’aller chercher pour contrôler la réalité du séjour d’un étranger ? Tout cela ne me semble pas cohérent avec le droit au respect de la vie privée et le droit à une intimité. C'est pourquoi il est important de supprimer ces dispositions.
En revanche – sur ce point, je suis un peu étonné par la rédaction actuelle du texte –, il ne me semble pas du tout aberrant que l’État puisse disposer des informations de l’administration fiscale pour contrôler la manière dont les étrangers vivent sur le territoire. Autant il semble important aux signataires de cet amendement que les organismes que je viens d’évoquer ne puissent pas fournir des informations susceptibles de permettre un contrôle des étrangers, autant il n’apparaît pas scandaleux que l’administration fiscale puisse transmettre un certain nombre d’informations à l’autorité administrative chargée de surveiller le séjour.
Notre amendement est rédigé de telle sorte qu’il permet de respecter l’intimité des étrangers, tout en donnant les moyens à l’autorité administrative de disposer d’informations qui pourraient être légitimement en sa possession.
Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Toute parole inutile devant être expiée, je m’en tiendrai là ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 183 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 182 rectifié.
L’alinéa 11 de l’article 25 prévoit que les préfets sont désormais autorisés à demander la communication de documents auprès des établissements de santé publics et privés. Cette possibilité de communication fait peser un fort risque d’atteinte au secret médical, d’atteinte à la vie privée des patients, qui sont certes étrangers, mais qui n’en demeurent pas moins des patients ! C’est aussi une atteinte à leur dignité et au secret des informations les concernant.
En conséquence, il convient de supprimer l’alinéa 11 de l’article 25.
Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
lorsque la demande de l’intéressé concerne un titre de séjour provisoire au titre du 11° de l’article L. 313-11
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements. Sans entrer dans le détail de chacun d’entre eux, j’indique qu’ils ont pour objet de limiter la possibilité pour l’administration d’avoir accès à des informations détenues par des établissements scolaires, des établissements d’enseignement supérieur, des administrations de type service de fourniture d’électricité, voire des établissements de santé. S’agissant de ces derniers, je précise que, bien évidemment, la confidentialité sera respectée ; cela a été prévu et ne pose pas de difficulté particulière. N’empêchons pas l’administration d’avoir accès à des informations lui permettant d’exercer son contrôle ; sinon, cela reviendrait à lui mettre des bâtons dans les roues, si vous me permettez cette expression.
En ce qui concerne la conservation des informations, tout est prévu dans le texte : des délais précis ont été fixés, au terme desquels les éléments recueillis doivent être détruits, qu’ils aient été utiles ou non – c’est d’autant plus nécessaire dans ce dernier cas.
Enfin, je vous rappelle, mes chers collègues, que vous trouvez à la page 175 du rapport un tableau extrêmement complet sur les documents susceptibles d’être contrôlés. Tout est parfaitement précisé. Le dispositif permet certes à l’administration d’exercer son contrôle, mais il protège également les demandeurs de l’exercice de ce contrôle dans des conditions qui sont, à mon sens, parfaitement satisfaisantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements. Ce droit de communication est très important, car il permet à l’administration de faire son travail, notamment pour lutter contre la fraude.
S’agissant des données personnelles, cela a été dit, il est important qu’il existe des garanties. Sur ce point, le dispositif proposé est satisfaisant tant de notre point de vue que de celui de la commission des lois. Nous nous limiterons à demander les informations strictement nécessaires à la procédure, et la liste de ces informations figurera dans un décret qui sera soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mme la secrétaire d'État vient d’indiquer que seuls seront demandés les renseignements strictement nécessaires. Tel est aussi l’objet de mon amendement. Alors pourquoi a-t-il reçu un avis défavorable ?
Par ailleurs, quels sont les personnels supplémentaires qui ont été prévus pour traiter tous ces renseignements ? À moins que ce ne soit un texte d’affichage – et ce n’est certainement pas le cas –, il faut prévoir les moyens correspondants. Pour remplir des dossiers avec un tel degré de précision, il va en falloir du monde !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission des lois du Sénat qui tend à prévoir une amende de 7 500 euros et la possibilité de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, pour les autorités publiques ou les organismes privés qui ne satisferaient pas au droit de communication créé à l’article 25 du projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une sanction pénale qui a été prévue par la commission pour rendre effectif le droit de communication.
Je rappelle à M. Leconte qu’il avait, lors de l’examen du texte en commission, regretté l’absence de sanctions pour certaines dispositions. Mon cher collègue, je vous cite : « Ce dispositif paraît inefficace dès lors qu’il n’est assorti d’aucune sanction envers les structures qui ne communiqueront pas les informations requises à titre gratuit, et cela risque d’entraîner une inégalité dans les contrôles opérés selon que les établissements répondent ou non aux demandes effectuées par l’autorité administrative. »
Avec la disposition que nous avons insérée dans le texte, nous répondons au souhait que vous avez exprimé en commission. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Monsieur Leconte, le Gouvernement vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Il existe une incohérence de rédaction au sein de l’article 25, mais le Gouvernement s’engage à apporter les modifications nécessaires dans le cadre de la navette.
Mme la présidente. Monsieur Leconte, l'amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Je ne suis pas certain que M. le rapporteur m’ait exactement cité…
Cela étant, je retire l’amendement, et je fais confiance au travail qui sera effectué pendant la navette.
Mme la présidente. L'amendement n° 63 rectifié est retiré.
L'amendement n° 194, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17, première phrase
Après les mots :
la personne
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
dont elle s’apprête à retirer la carte de séjour sur le fondement d’informations ou de documents recueillis auprès des autorités ou personnes privées mentionnées aux 2° à 12° du présent article, de la teneur et de l’origine des informations et documents ainsi obtenus.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet de modifier l’alinéa 17 de l’article 25, issu de la commission des lois, créant un droit d’information au bénéfice de l’étranger lorsque le préfet fait usage des informations et des documents qu’il a recueillis auprès d’autorités ou de personnes privées.
Ce droit d’information, qui permet à l’étranger de faire usage de son droit de rectification prévu à l’alinéa suivant, doit garantir un équilibre entre le respect des droits des demandeurs de cartes de séjour et la capacité des préfets à délivrer des titres dans des délais raisonnables. La rédaction issue de la commission crée pour les préfectures une charge de travail supplémentaire, ayant pour effet de ralentir l’examen du droit au séjour des étrangers.
L’information de l’étranger doit revêtir une forme différente selon la nature de la décision prise par le préfet.
Lorsque l’étranger est titulaire d’une carte de séjour et qu’il cesse de remplir les conditions pour en bénéficier ou que les contrôles ont permis d’identifier une obtention frauduleuse, le préfet qui envisage de retirer ce titre informe l’étranger de la nature des informations et documents obtenus, préalablement à la prise de décision. Il s’agit de l’application des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, repris à l’article 8 du projet de loi, modifié par la commission des lois, prévoyant une procédure contradictoire. L’étranger peut alors demander une copie des documents visés.
Lorsque la vérification de la situation de l’étranger qui demande un premier titre de séjour ou le renouvellement de la carte de séjour en sa possession démontre qu’il n’y a pas lieu de lui délivrer ou de lui renouveler ledit titre, le préfet décide alors du refus de délivrer ou de renouveler le titre. La motivation de cette décision peut comprendre les informations recueillies sur la base du droit de communication instauré par l’article 25. Cela relève des règles applicables à la motivation des décisions administratives individuelles, sans qu’il soit nécessaire de le mentionner dans la loi.
Le dispositif est ainsi conforme aux règles générales des relations entre l’administration et ses usagers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, car il tend à préciser le dispositif prévu par la commission dans les cas qui viennent d’être évoqués par Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26
L’article L. 622-10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 622-10. – En Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le procureur de la République peut, au cours de l’enquête ou si aucune juridiction n’a été saisie ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur le sort des scellés, ordonner la destruction ou l’immobilisation, par la neutralisation de tout moyen indispensable à leur fonctionnement, des embarcations, des véhicules terrestres et des aéronefs qui ont servi à commettre les infractions mentionnées aux articles L. 622-1 et L. 622-2, constatées par procès-verbal.
« Les décisions du procureur de la République prises en application du présent article sont motivées.
« Elles sont notifiées par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause.
« Elles peuvent être contestées par les personnes mentionnées au troisième alinéa du présent article, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, par voie de requête, devant le président de la chambre de l’instruction, qui se prononce dans un délai de quinze jours. Le recours est suspensif. La personne mise en cause et les personnes ayant des droits sur le bien peuvent adresser toutes observations écrites ou être entendues par le président de la chambre de l’instruction. Lorsque la personne mise en cause n’a pas fait connaître son opposition et que, au terme d’un délai de quinze jours à compter de la date de la décision, le propriétaire ou l’ayant droit supposé n’a pu être identifié ou averti et ne s’est pas manifesté, la procédure est réputée contradictoire et la décision du procureur de la République peut être exécutée. » – (Adopté.)
Article 26 bis (nouveau)
L’avant-dernière phrase de l’article L. 552-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigée :
« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4. » – (Adopté.)
Article 27
L’article L. 624-4 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « ou L. 561-1 » est remplacée par les références : « , L. 561-1 ou L. 561-2 » ;
2° Au troisième alinéa, la référence : « ou du 6° de l’article L. 561-1 » est remplacée par la référence : « , du 6° de l’article L. 561-1 ou de l’article L. 561-2 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 192, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « ou L. 561-1 » est remplacée par les références : « , L. 561-1 ou L. 561-2 » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et de 15 000 € d’amende » ;
II. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « ou du 6° de l’article L. 561-1 » est remplacée par la référence : « , du 6° de l’article L. 561-1 ou de l’article L. 561-2 » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et de 3 750 € d’amende ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement prévoit que, en cas de non-respect par l’étranger en instance d’éloignement des prescriptions de l’assignation à résidence, le juge peut prononcer une peine d’amende. Le quantum de ces peines d’amende est fixé en cohérence avec le quantum des peines d’emprisonnement prévues actuellement à l’article L. 624-4 du CESEDA.
Dans les cas où l’étranger n’a pas rejoint dans les délais prescrits la résidence qui lui est assignée ou l'a quittée ultérieurement sans autorisation, la peine d’emprisonnement est de trois ans ; la peine d’amende proposée est donc de 15 000 euros.
Dans les cas où l’étranger n’a pas respecté les obligations de présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie, la peine d’emprisonnement est d’un an ; la peine d’amende proposée est donc de 3 750 euros, à l’instar de ce qui est prévu à l’article L. 624-1 du CESEDA.
Mme la présidente. L'amendement n° 145, présenté par Mmes S. Robert et D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Par cet amendement, le groupe socialiste souhaite supprimer la disposition insérée par la commission des lois qui prévoit de sanctionner pénalement l’étranger assigné à résidence en cas de non-respect de ses obligations de pointage auprès des services de police ou des unités de gendarmerie ; la peine encourue serait alors d’un an d’emprisonnement.
Depuis l’examen du texte par la commission, M. le rapporteur semble avoir changé son fusil d’épaule puisqu’il présente un amendement qui revient sur la peine d’emprisonnement.
Une peine d’emprisonnement en cas de non-respect des obligations de pointage est une mesure contre-productive. En effet, comme chacun peut le comprendre et ainsi que M. Collombat l’a relevé, la détention a pour effet de retarder l’éloignement. Il est contradictoire de vouloir éloigner une personne en la gardant en prison…
M. le rapporteur propose de substituer à cette peine d’emprisonnement une peine d’amende. Que ce soit la prison ou l’amende, nous ne sommes pas convaincus que la pénalisation constitue une réponse adaptée. L’étranger ne respectant pas les obligations liées à son assignation à résidence a vocation à être placé en rétention.
À quel objectif répond l’ajout d’une sanction pénale, si ce n’est à la volonté de faire de l’affichage politique et de montrer ses muscles ? Nous ne voyons aucune efficacité à cette mesure. Nous y voyons même des effets contre-productifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 145 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable, madame la présidente. La commission n’a fait que renforcer ce qui était prévu par le texte.
Je précise que cet amendement vise à supprimer une sanction pénale en cas de non-respect par l’étranger de son obligation de pointage. Il est vrai que l’article L. 561-2 du CESEDA, dans sa nouvelle rédaction, prévoirait le placement en rétention de l’étranger qui n’a pas respecté les prescriptions de l’assignation à résidence. Toutefois, on ne doit pas confondre mesure préparatoire à l’éloignement et sanction pénale.
Quant à la critique relative au caractère contre-productif d’une peine d’emprisonnement, il faut tout de même rappeler qu’une telle peine a pu être étendue à l’ensemble du dispositif par l’article 27 du présent projet de loi.
C’est pourquoi, à travers l’amendement n° 192, j’ai pour ma part proposé d’assortir les peines d’emprisonnement prévues à l’article 624-4 du CESEDA d’une peine d’amende. En effet, à un moment donné, il faut savoir si l’on veut ou non être efficace en matière d’éloignement.
M. Pierre-Yves Collombat. Justement !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous l’avons évoqué précédemment avec l’amendement de notre collègue Natacha Bouchart, et nous avons tout fait pour préserver la possibilité de prononcer des amendes, en l’espèce contre ceux qui refuseraient que l’on prélève leurs empreintes digitales ou qu’on les prenne en photographie.
Ainsi, une telle mesure contribue dans l’ensemble à être plus efficace en matière d’éloignement, un objectif que l’on doit viser en permanence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Contrairement à ce que pense M. le rapporteur, cette disposition est véritablement contre-productive. L’assignation à résidence est une mesure nouvelle qui, conjuguée à la détention, crée une alternative ; nous avons donc tout intérêt à la conforter.
Or nous sommes tout au début de l’expérimentation de cette mesure. J’ai d’ailleurs pu, avec M. le rapporteur, visiter un centre expérimental près de Metz ; et l’on sent bien que la portée de l’assignation à résidence suscite des interrogations. Donc tout doit être fait pour la rendre sinon attractive, du moins plus facilement acceptable.
En chargeant ainsi la barque avec ce double système de sanction, en réalité, on affaiblit le développement de l’assignation à résidence comme nous le souhaitons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 192. Je vais développer mon argumentation de la façon la plus complète possible pour vous expliquer, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons de cet avis.
Monsieur le rapporteur, à travers votre amendement, vous ajoutez aux peines d’emprisonnement, maintenues dans le texte, des peines d’amende visant l’étranger qui n’a pas rejoint ou qui a quitté sans autorisation son lieu d’assignation à résidence. Vous justifiez cet ajout par la recherche de l’effet utile de la mesure d’éloignement impératif prévue par la directive Retour et à laquelle s’oppose l’application d’une peine d’emprisonnement. Cela dit, vous maintenez parallèlement dans le texte la possibilité pour le juge répressif de prononcer une telle peine. Votre amendement a donc pour seul effet d’élargir l’échelle des peines.
Or la directive Retour, à laquelle vous faites référence, prohibe précisément l’institution de peines faisant obstacle à l’exécution de l’éloignement. Dans le cas où l’étranger ne respecte pas les obligations de pointage, il convient donc de mettre en œuvre une mesure administrative plus coercitive garantissant l’éloignement, en l’occurrence, le placement en rétention. Ainsi, il n’y a pas lieu de pénaliser ce cas de figure
En revanche, l’amendement n° 145 recueille l’avis favorable du Gouvernement, car la suppression de la disposition qu’il vise garantit la conformité de la loi aux exigences de la directive Retour.
Dans le cas où un étranger ne rejoint pas ou quitte sans autorisation son lieu d’assignation à résidence, il se soustrait en effet délibérément à l’exécution de la mesure d’éloignement. Dans de telles hypothèses, lorsqu’il échappe par définition à la surveillance administrative, la loi doit être fortement dissuasive et préserver des moyens d’interpellation avec la possibilité de recours à une garde à vue. Or l’adoption de l’amendement n° 192, qui vise à ajouter une peine d’amende, créerait une incohérence avec l’article 22 ter du présent projet de loi qui rend passibles de trois ans d’emprisonnement la soustraction aux mesures de surveillance, ainsi que le refus de communiquer les documents permettant l’exécution de la mesure.
Tous ces éléments justifient donc l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° 192 et son avis favorable sur l’amendement n° 145.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je veux simplement indiquer que la commission des lois n’a fait que compléter le texte du Gouvernement qui prévoit très clairement une sanction pénale dans la rédaction qu’il propose de l’article L. 624-4 du CESEDA ; cela ne pose d’ailleurs aucune difficulté. Le Gouvernement propose une peine de prison de trois ans ; la commission propose seulement que, alternativement, il puisse aussi y avoir une peine d’amende.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 145 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 27, modifié.
(L’article 27 est adopté.)
Article 28
Le chapitre V du titre II du livre VI du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 625-1, le montant : « 5 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 € » et les mots : « autre État » sont remplacés par les mots : « État avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen » ;
2° L’article L. 625-3 est abrogé ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 625-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les montants : « 3 000 euros ou 5 000 euros » sont remplacés par le montant : « 10 000 € » ;
b) À la fin de la dernière phrase, les mots : « respectivement à 6 000 euros ou 10 000 euros » sont remplacés par le montant : « 20 000 € » ;
3° bis Au premier alinéa de l’article L. 625-5, la référence : « , 625-3 » est supprimée ;
4° L’article L. 625-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « des articles L. 625-1 à L. 625-5 » et les mots : « non partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » sont remplacés par les mots : « avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen » et, à la seconde phrase, le montant : « 5 000 euros » est remplacée par le montant : « 10 000 € » ;
b) Au second alinéa, les mots : « d’une des parties contractantes à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » sont remplacés par les mots : « d’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen » ;
5° (Supprimé)
6° Il est ajouté un article L. 625-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 625-7. – Est punie d’une amende d’un montant maximal de 30 000 € :
« 1° L’entreprise de transport aérien ou maritime qui ne respecte pas les obligations fixées aux articles L. 213-4 à L. 213-6 ;
« 2° L’entreprise de transport routier mentionnée à l’article L. 213-7 qui ne respecte pas les obligations fixées aux articles L. 213-4 et L. 213-6 ;
« 3° L’entreprise de transport ferroviaire mentionnée à l’article L. 213-8 qui ne respecte pas les obligations fixées au même article L. 213-8 ainsi qu’à l’article L. 213-6. » – (Adopté.)
Article 28 bis A
L’article 441-8 du code pénal est ainsi rétabli :
« Art. 441-8. – Le fait d’utiliser un document d’identité ou de voyage appartenant à un tiers, avec ou sans son consentement, aux fins d’entrer ou de se maintenir sur le territoire de l’espace Schengen ou d’obtenir indûment un titre, une qualité, un statut ou un avantage est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« Le fait pour le titulaire du document d’identité ou de voyage d’avoir sciemment facilité la commission de l’infraction mentionnée au premier alinéa est puni de la même peine.
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque ces infractions sont commises de manière habituelle. »
Mme la présidente. L’amendement n° 91, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’article 28 bis A crée une nouvelle infraction en cas d’usurpation d’un document d’identité ou de voyage. Il nous semble que ce dispositif présente un risque particulier à l’égard des jeunes étrangers isolés : dans les faits, ce délit pourrait être constitué lorsque ces jeunes entrent en France après avoir fait des demandes de visa sous une autre identité ou après avoir indiqué, par exemple en Italie ou en Espagne, être majeurs, afin d’être autorisés à poursuivre leur trajet.
Par ailleurs, à ce jour, lorsque les autorités judiciaires écartent un document attestant de la minorité d’un jeune en fonction de résultats d’un test osseux concluant à la majorité de celui-ci, ce jeune se voit refuser une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, ce qui constitue déjà en soi une conséquence lourde.
Avec la disposition proposée, une nouvelle conséquence se cumulera à la première : la réalisation d’un délit. Cela nous paraît disproportionné à deux égards. D’une part, il convient de rappeler l’absence de fiabilité de ces fameux tests osseux, qui présentent une marge d’erreur et ne peuvent à eux seuls permettre de déterminer formellement si l’intéressé est réellement mineur, le doute devant d’ailleurs profiter à ce dernier. D’autre part, la lourdeur même de la peine – cinq ans d’emprisonnement et 75 000 d’euros d’amende – semble bien excessive, sachant que, aux termes du code pénal, « le fait d’usurper l’identité d’un tiers […] en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du présent article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. S’agissant d’un amendement de suppression de l’article 28 bis A, la commission émet un avis défavorable, ce pour plusieurs motifs.
En premier lieu, les auteurs de cet amendement présupposent que seuls les étrangers seraient visés, alors que la nouvelle infraction n’est pas limitée à ces personnes ; elle concernerait toute utilisation frauduleuse d’un document d’identité ou de voyage en vue d’« obtenir indûment un titre, une qualité, un statut ou un avantage ».
En second lieu, ces mêmes auteurs prétendent que la peine encourue de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende est disproportionnée. En réalité, le quantum prévu dans le texte est équivalent à celui qui figure à l’article L. 441-2 du code pénal, en cas de faux et usage de faux commis dans un document officiel, ou à l’article L. 434-23 du même code, en cas d’usurpation d’identité aux fins d’exposition de la personne à des poursuites pénales.
L’idée soutenant cette disposition est que, par l’utilisation de ces moyens, on trompe le pays dans lequel on veut venir. C’est pourquoi le quantum des peines est calqué sur celui des peines applicables en cas de fraude et d’usage de faux en matière de documents officiels.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que la suppression de l’article visée par le présent amendement aurait des effets néfastes importants. C’est pourquoi il émet également un avis défavorable. En effet, il est inopportun de permettre à des personnes d’entrer sur le territoire ou de s’y maintenir en utilisant des documents d’identité appartenant à des tiers. Cette suppression affaiblirait incontestablement un axe important de notre politique, à savoir la lutte que nous menons avec détermination contre les filières d’immigration clandestine.
Mme la présidente. L’amendement n° 124, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
statut
insérer les mots :
autre que celui de réfugié en vertu de l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Le présent amendement vise à modifier l’article 28 bis A, qui crée une infraction spécifique permettant de couvrir tous les cas d’usage frauduleux de documents d’identité ou de voyage. Cette nouvelle infraction, dont nous soutenons complètement la logique, conduit néanmoins à s’interroger sur un point très précis : les demandeurs d’asile.
Nous le savons tous sur les travées de cet hémicycle, les circonstances qui poussent les demandeurs d’asile à quitter, souvent précipitamment, leur pays peuvent les amener à entrer sur notre territoire avec de faux documents. Il serait pour le moins paradoxal que ces personnes puissent être poursuivies et sanctionnées en raison de ce nouveau délit d’usage frauduleux de documents d’identité ou de voyage.
Nous avons débattu de ce sujet en commission, mais il demeure une incertitude sur le sort des demandeurs d’asile face à cette nouvelle infraction.
À travers cet amendement, nous souhaitons donc ouvrir le débat et ainsi permettre au Gouvernement de nous rassurer. Que les choses soient claires : il ne faut pas que, sur le fondement de cet article, un demandeur d’asile puisse être poursuivi et sanctionné. Si tel était le cas, il faudrait soit adopter tel quel le présent amendement, soit le modifier pour le rendre éventuellement plus pertinent juridiquement. En tout cas, on ne peut accepter que des demandeurs d’asile entrant sur le territoire avec de faux documents puissent être poursuivis au titre de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à exclure les demandeurs d’asile du champ de la nouvelle infraction créée par l’article 28 bis A. Comme vient de le faire remarquer M Kaltenbach, ce dispositif soulève des difficultés, dans la mesure où il ne se réfère qu’au statut de réfugié et non au statut lié à la protection subsidiaire. Doit-on prévoir l’immunité en la matière de tous les demandeurs d’asile ou seulement de ceux qui auront obtenu une telle protection ?
Nous nous interrogeons également, madame la secrétaire d’État, sur l’articulation de cette disposition avec l’article 31 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés qui prévoit l’immunité en matière pénale des demandeurs d’asile entrés ou séjournant de façon irrégulière sur le territoire. Je ne vous ferai pas l’injure de vous lire les dispositions de cet article…
C’est pourquoi la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. S’il est attaché au respect, pour les personnes qui craignent à juste titre pour leur vie dans leur pays, du droit de demander la protection de la France, il ne peut néanmoins souscrire à un amendement qui aurait des effets néfastes importants. Il suffirait en effet à une personne qui s’est livrée à l’utilisation frauduleuse d’un document d’identité de déposer une demande d’asile pour échapper aux poursuites pénales.
Or nous ne pouvons le tolérer, car cela porterait atteinte, je le disais précédemment, à la lutte que nous menons contre l’immigration irrégulière et les filières d’immigration clandestine.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, j’en suis désolé, mais votre réponse n’est pas acceptable. C’est une négation du droit d’asile ! (Mme Catherine Procaccia proteste.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons une réelle interrogation : nous souhaitons savoir si les demandeurs d’asile conduits à rentrer avec une fausse identité sur notre territoire pourraient être pénalisés, et ainsi ne pas obtenir de protection – en d’autres termes, nous vous interrogeons sur la manière dont s’articuleraient le respect de la convention de Genève et l’article 28 bis A –, et vous nous expliquez que le dispositif que nous proposons pourrait conduire à des détournements. Ce n’est pas acceptable ! Pouvez-vous nous dire très clairement si le vote de cette disposition du projet de loi va entraîner des poursuites pénales à l’égard de personnes venant demander l’asile en France ?
M. Roger Karoutchi. La droite ne se serait pas permis une telle interpellation !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si vous voulez que j’appuie là où ça fait mal, je vous répondrai que l’inconvénient que je viens de souligner est d’autant plus fâcheux que la rédaction de votre amendement exclut non seulement les bénéficiaires de ces usages frauduleux, mais également toute la chaîne des complices qui y participent, qui prêtent, qui vendent, qui louent les documents concernés. Je le répète, par ce biais-là vous fragilisez et vous protégez, si je puis dire, tout le processus d’immigration. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Yves Leconte. La question n’est pas de se renvoyer la balle !
Mme la présidente. Monsieur Leconte, je ne vous ai pas donné la parole !
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Madame la secrétaire d’État, étant donné la situation actuelle des pays en guerre d’où provient la grande majorité des demandeurs d’asile, pensez-vous qu’il soit aisé de se présenter à notre frontière avec les bons papiers ?
Mme Catherine Procaccia. Avec de vrais papiers et non des faux !
Mme Catherine Tasca. Êtes-vous convaincue que c’est ainsi que les demandeurs d’asile peuvent voyager, passer tous les obstacles qu’ils doivent franchir, et se présenter chez nous en tant que tels ? Il faut être un peu sérieux, tout de même !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. L’objectif des auteurs du présent amendement n’est pas de mettre le Gouvernement en difficulté. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chacun en est bien conscient, il faut lutter contre l’immigration clandestine, contre les filières, mais le demandeur d’asile constitue un cas particulier. Si, alors qu’il fuit une dictature, il se présente à la frontière de son pays avec ses papiers, il risque d’être arrêté par la police politique et envoyé en prison. Il va donc passer la frontière avec de faux papiers, comme l’ont fait des résistants en France et ailleurs, et arriver dans notre pays avec ces faux documents. Est-ce que les dispositions de l’article 28 bis A s’appliqueront dans ce cas-là ?
Si le Gouvernement nous assure que, conformément à la convention de Genève, ces demandeurs d’asile ne seront pas poursuivis, nous retirerons bien évidemment notre amendement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale. Il n’y a pas de peine automatique !
M. Philippe Kaltenbach. Nous souhaitons avoir un engagement précis sur le fait que cet article ne s’appliquera pas aux demandeurs d’asile qui quittent leur pays avec de faux papiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement, en particulier le ministre de l’intérieur, s’est exprimé assez clairement sur l’application de la convention de Genève – il n’y a aucune ambiguïté sur ce point – et sur l’accueil qu’il faut réserver aux réfugiés pour qu’il n’y ait pas de discussion à ce sujet.
Madame Tasca, les réfugiés qui quittent leur pays en raison de conflit avec de faux papiers, voire sans papiers du tout, n’en sont pas moins pris en charge.
Parallèlement, le Gouvernement est ferme sur la lutte contre l’immigration clandestine et contre les filières de passeurs. Or la rédaction de l’amendement tend à préserver de poursuites les filières responsables de l’immigration clandestine, ce qui s’oppose à la position équilibrée du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 28 bis A.
(L'article 28 bis A est adopté.)
Article 28 bis
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 213-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« L’obligation de réacheminer un étranger prévue à l’article L. 213-4 est applicable, en cas de transit aérien ou maritime : » – (Adopté)
Article 28 ter
(Non modifié)
À l’article L. 222-1 du même code, après le mot : « détention », sont insérés les mots : « statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger ».
Mme la présidente. L'amendement n° 184 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent article restreint l’office du juge des libertés et de la détention en ce qui concerne le maintien en zone d’attente. Présenté comme un alignement avec les dispositions existantes en matière de rétention, il limite l’office du juge à la seule question de la procédure.
Aux termes de l’article L. 552-13 du CESEDA, seules les erreurs procédurales qui ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger peuvent entraîner la mainlevée de la rétention.
L’article 28 ter empêchera le juge de statuer sur le fond du dossier, notamment sur les garanties de représentation. Il précise en effet que le juge des libertés et de la détention ne statue que sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger. Aussi, il ne peut être comparé à un simple alignement avec l’article L. 552-13 du code précité.
Par ailleurs, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, dans son avis sur le projet de loi, a réitéré son total désaccord quant à cette limitation des pouvoirs du juge des libertés et de la détention, le texte susvisé prévoyant que seuls les vices de procédure présentant un caractère substantiel entraînent l’annulation de la décision privative de liberté.
S’agissant du contrôle de la régularité d’une procédure ayant mené à une privation de liberté, la CNCDH rappelle que cette procédure touchant aux droits les plus fondamentaux, le vice de procédure doit s’analyser in concreto et au regard des conséquences que ce manquement a produites pour les droits de l’étranger.
Le fait que le juge des libertés et de la détention puisse avoir une forte latitude concernant les personnes placées en zone d’attente s’explique par l’extrême vulnérabilité de celles-ci.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer le présent article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. En effet, cet amendement vise à supprimer un article qui ne remet pas en cause, me semble-t-il, les garanties du migrant ni les pouvoirs du juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, car cet article de clarification doit être maintenu.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 28 ter.
(L'article 28 ter est adopté.)
Article 28 quater
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 213-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc prévu au présent alinéa. »
Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Si la recommandation du Défenseur des droits tendant à mettre en place le délai d’un jour franc avant lequel l’exécution de la mesure d’éloignement ne peut avoir lieu n’a pas été retenue à l’égard de l’ensemble des étrangers éloignés depuis l’outre-mer, elle l’a en revanche été à l’égard des seuls mineurs isolés.
Sous couvert d’offrir une garantie supplémentaire aux mineurs – la mesure d’éloignement ne pourra plus être exécutée avant ce délai permettant d’introduire un recours –, cette disposition revient en réalité à légaliser les mesures d’éloignement à leur égard, ce qui est contraire non seulement à l’intérêt supérieur de l’enfant, mais également au CESEDA lui-même. Les deux premiers alinéas de l’article L. 511-4 de ce code disposent en effet clairement qu’un mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire.
De la même manière que nous dénonçons les pratiques préfectorales ayant lieu à Mayotte, visant à rattacher fictivement les enfants à des tiers dépourvus de tout lien légal avec eux, nous nous opposons avec force à ce que la loi autorise une quelconque possibilité d’éloigner des mineurs seuls. Par conséquent, nous souhaitons que l’article 28 quater soit supprimé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 28 quater, qui prévoit l’automaticité du jour franc avant le rapatriement des mineurs isolés étrangers. Il s’agit pourtant d’une mesure protectrice pour les mineurs. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 28 quater.
(L'article 28 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 28 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 28 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’évaluation tendant à la détermination de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse. »
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à interdire les tests osseux pratiqués sur les mineurs afin de déterminer leur âge, car la fiabilité de ces tests est largement critiquée par la communauté scientifique.
Dans son avis relatif à l’évaluation de la minorité d’un jeune étranger isolé, rendu le 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique a notamment indiqué que, avec la méthode couramment employée, reposant sur une radiographie de la main et du poignet gauche du jeune, laquelle est comparée avec des clichés de référence se trouvant sur des tables faites à partir d’une population américaine d’origine caucasienne dans les années trente et quarante, et d’une population britannique de classe moyenne dans les années cinquante, « des variations physiologiques ont été mises en évidence en fonction de l’origine ethnique […] laissant toujours une imprécision de dix-huit mois en moyenne. »
Le Haut Conseil cite également une étude selon laquelle « la lecture indépendante des clichés par deux radiologues spécialisés en imagerie pédiatrique […] a montré que leurs évaluations différaient dans 33 % des cas, l’écart étant en moyenne de dix-huit mois, avec des extrêmes de moins de trente-neuf mois à plus de trente et un mois. »
Cette analyse corrobore celle qui avait déjà été développée par l’Académie nationale de médecine, au cours de sa séance du 16 janvier 2007.
L’objet de cet amendement répond à une recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui, dans son avis rendu le 26 juin 2014, préconise « qu’il soit mis fin à la pratique des parquets consistant à ordonner des expertises médico-légales de détermination de l’âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger. Même dans l’hypothèse où c’est un juge qui ordonnerait une telle expertise, la détermination de l’âge ne doit en aucun cas être établie à partir d’un examen osseux, des parties génitales, du système pileux et/ou de la dentition. »
Par ailleurs, d’autres moyens existent pour évaluer l’âge, tels que la preuve documentaire, pour laquelle il existe une présomption d’authenticité prévue à l’article 47 du code civil et régulièrement rappelée par la Cour de cassation, ou le faisceau d’indices dégagés par un personnel qualifié dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Leur utilisation est effectuée selon des procédés élaborés de manière rigoureuse, déjà répandus dans certains pays.
Ces procédés sont enfin fortement encouragés sur le plan international, notamment dans la Déclaration de bonne pratique du programme en faveur des enfants séparés en Europe du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans la résolution du 26 juin 1997 du Conseil de l’Union européenne, ou encore dans certaines déclarations, lors des sessions de 2004, de 2005 et de 2009, du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
Nous demandons que ces tests osseux dépourvus de valeur scientifique soient interdits, et que nous nous orientions vers d’autres pratiques pour déterminer l’âge des mineurs isolés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à interdire le recours aux tests osseux pour déterminer la minorité. Or cette question est abordée dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, qui en est au stade de la deuxième lecture.
Mme Catherine Procaccia. Nous l’avons vue hier en commission !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable, malgré son accord sur le fond.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. La possibilité de recourir à des tests osseux pour établir la minorité invoquée par des ressortissants étrangers fait, je le sais, débat.
Tout d’abord, monsieur le sénateur, le Gouvernement veut vous assurer de sa détermination à consolider notre dispositif de protection de l’enfance, et à faire en sorte que les mineurs isolés sur le territoire puissent bénéficier de la protection à laquelle ils ont droit.
Eu égard à l’attention que nous portons à ce dispositif, nous devons nous attacher à lutter avec la plus grande efficacité possible contre les fraudes. Nous le devons d’ailleurs aussi aux conseils départementaux, qui sont chargés des mineurs isolés.
Le recours à des tests médicaux présente l’intérêt de donner un âge approximatif fiable. Mais, dans le cadre de l’appréciation des résultats, il faut tenir compte d’une marge d’erreur. En effet, il n’y a pas pour l’heure de certitude.
À ce stade du débat, le Gouvernement est à la fois défavorable à une interdiction pure et simple de la pratique des tests osseux, car cela le priverait d’un outil utile pour lutter contre les fraudes, et favorable à un encadrement de cette pratique. En outre, je tiens à insister sur le fait que cette méthode est autorisée par les directives européennes.
Le Gouvernement a déjà pris des mesures visant à encadrer cette pratique, et il souhaite qu’elles figurent dans la loi.
Ainsi, dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, les députés ont adopté, en première lecture, des amendements tendant à légaliser la circulaire du 31 mai 2013 de Mme la garde des sceaux et à la compléter pour sécuriser les conditions d’appréciation des résultats des tests osseux. Aussi, je vous propose, monsieur le sénateur, de bien vouloir renvoyer cette question, qui a trait à la protection de l’enfance, à l’examen de ce texte qui revient devant le Sénat lundi prochain.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Quel âge donner à un jeune ? La détermination de l’âge est importante dans la mesure où les droits dont le jeune bénéficie sont différents selon qu’il est mineur ou pas.
En l’espèce, on a l’impression que les tests de maturité osseuse sont quelque chose de miraculeux et qu’ils permettent de répondre à la situation. Toutefois, leur marge d’erreur est telle qu’on ne peut pas déterminer l’âge exact, d’autant que les jeunes concernés ont vécu dans des conditions de précarité telles que leur croissance peut être un peu décalée par rapport à la norme.
Par ailleurs, les conséquences de la décision qui suit les résultats de ces tests sont importantes en termes de droits – un jeune peut tomber du mauvais côté, si je puis dire, selon qu’il a moins de dix-huit ans ou plus : peines de prison, dédommagement à hauteur de dizaines de milliers d’euros à l’aide sociale à l’enfance, perte de l’état civil français. Tout cela à cause d’un test réalisé pour déterminer l’âge et dont la marge d’erreur est de deux ans ! Comment s’appuyer scientifiquement sur ces tests pour donner ou retirer des droits aux jeunes en cause ?
Or qu’ils soient âgés de plus ou de moins de dix-huit ans, ces jeunes sont en situation difficile. Il n’est donc pas possible de continuer d’accepter ces tests. Bien entendu, toute mesure scientifique permettant de déterminer l’âge de manière précise est bienvenue.
En l’occurrence, je le répète, la marge d’erreur est telle et les conséquences sont si importantes en termes de droits qu’on ne peut se permettre de s’en tenir à la situation actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. Permettez-moi, mes chers collègues, de confirmer les propos de Philippe Kaltenbach et Jean-Yves Leconte.
La méthode de datation par radiographie du poignet et de la main gauche a été élaborée par Greulich et Pyle entre 1931 et 1942 en prenant en considération une population nord-américaine. Or tout le monde s’accorde à dire que les niveaux d’imprécision sont importants.
Premièrement, le niveau d’erreur est estimé entre un an et dix-huit mois.
Deuxièmement, l’imprécision est maximale entre seize et dix-huit ans, ce qui est normal dans la mesure où cette période correspond à la puberté.
Troisièmement, la détermination est variable selon bien entendu l’âge, mais aussi l’alimentation et l’origine géographique.
Ainsi, des publications récentes montrent une différence de maturation osseuse entre les populations selon l’origine géographique : en particulier la maturation osseuse de la population subsaharienne n’est pas la même que celle des citoyens du reste de l’Afrique ou de l’Europe.
L’application de cette méthode pour déterminer l’âge conduit à des imprécisions, des erreurs, des incertitudes que l’on ne peut se permettre pour décider si le jeune est âgé de seize ou de dix-huit ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Une fois encore, nous ne voulons pas mettre le Gouvernement en difficulté. Mais il s’agit là d’un vrai sujet ; les conséquences sont graves et les considérations éthiques fortes.
Je rappelle que le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil de l’Europe, le Défenseur des droits, le conseil national de l’ordre des médecins, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’Académie nationale de médecine, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Haut Conseil de la santé publique ont déjà pris position contre ces tests. Il y a donc là un véritable débat.
Je note avec satisfaction que le Gouvernement a accepté des avancées en voulant mieux encadrer cette pratique et donner des garanties. Nous estimons que le débat doit se poursuivre, car ces garanties ne sont pas suffisantes à nos yeux. C’est pourquoi il importe de trouver rapidement d’autres solutions pour en finir avec ces tests, qui sont contestés, car la détermination de l’âge a malheureusement des conséquences graves sur les mineurs accueillis en France. Poursuivons le débat ! Tel est le sens du vote de l’amendement par scrutin public que nous demandons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 8 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 204 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Chapitre IV
Dispositions de coordination
Article 29
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À l’article L. 213-1, les mots : « soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, soit d’une interdiction de retour sur le territoire français » sont remplacés par les mots : « soit d’une interdiction de retour sur le territoire français, soit d’une interdiction de circulation sur le territoire français » ;
2° Au 10° de l’article L. 511-4 et au 5° de l’article L. 521-3, les mots : « , sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé » sont supprimés ;
3° Au second alinéa de l’article L. 513-3, les mots : « l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté de reconduite à la frontière » sont remplacés par les mots : « la mesure d’éloignement » ;
4° À la première phrase de l’article L. 523-4, les mots : « , sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé » sont supprimés ;
5° (Supprimé)
5° bis (Supprimé)
6° À l’article L. 571-1, après les mots : « retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction de circulation sur le territoire français, » ;
6° bis À l’article L. 611-4, la référence : « au deuxième alinéa de l’article L. 624-1 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 624-1-1 » ;
7° Les deux derniers alinéas de l’article L. 624-1 sont supprimés ;
7° bis (Supprimé)
7° ter Au premier alinéa de l’article L. 624-2, la référence : « au premier alinéa de » est remplacée par le mot : « à » et les références : « aux deuxième et dernier alinéas du même article » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 624-1-1 » ;
8° (Supprimé)
II (Non modifié). – Le chapitre VI du titre VII du livre VII du code de justice administrative est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et des arrêtés de reconduite à la frontière » sont supprimés ;
2° Après les mots : « et les », la fin de l’article L. 776-1 est ainsi rédigée : « interdictions de circulation sur le territoire français obéissent, sous réserve des articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, aux règles définies aux articles L. 512-1, L. 512-3 et L. 512-4 du même code. » ;
3° L’article L. 776-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 776-2. – Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les décisions fixant le pays de renvoi qui accompagnent les obligations de quitter le territoire français, les interdictions de retour et les interdictions de circulation sur le territoire français obéissent aux règles définies à l’article L. 513-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
III (Non modifié). – À la première phrase du premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, les mots : « de reconduite à la frontière » sont remplacés par les mots : « d’interdiction de circulation sur le territoire français ». – (Adopté.)
Article 30
I (Non modifié). – Les dispositions applicables aux obligations de quitter sans délai le territoire français prononcées en application de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application de l’article L. 533-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
II. – L’article L. 213-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeure applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés moins de trois ans avant la promulgation de la présente loi en application de l’article L. 533-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
III (nouveau). – L’article 729-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeure applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés moins de trois ans avant sa promulgation en application de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction antérieure à la présente loi. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 30
Mme la présidente. L'amendement n° 155 rectifié, présenté par Mme Bouchart, MM. Cambon, J. Gautier, Carle, Charon, B. Fournier, Cornu, Genest, Delattre et Laufoaulu, Mmes Giudicelli et Canayer, M. Allizard, Mme Lopez, MM. Gournac, Pointereau, Mayet, Kennel et Mouiller, Mmes Hummel et Micouleau, MM. Bizet, Leleux et Doligé, Mmes Gruny et Deseyne, M. Vasselle, Mme Deroche, MM. Danesi, Grosperrin et Calvet et Mme Duranton, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article 322-3-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un point d’importance vitale pour la défense nationale ou un site sensible, dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation. »
La parole est à Mme Natacha Bouchart.
Mme Natacha Bouchart. Cet amendement a pour objet de renforcer la gravité de certaines atteintes aux biens qui seraient préjudiciables à la défense ou à la sécurité économique, en cette période très difficile liée aux flux migratoires, laquelle ne va pas devenir plus calme.
Le tunnel sous la Manche subit, en particulier, régulièrement des attaques et des intrusions de la part de migrants qui mettent en danger les installations de cette infrastructure, reconnue d'importance vitale pour l'économie franco-britannique, mais n'entrant pas forcément dans le cadre des intérêts fondamentaux de la nation, tels qu'ils sont précisés à l'article 411-9 du code pénal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est relatif au renforcement des sanctions applicables en cas d’atteinte à un élément dit « d’importance vitale ». Il vise à aligner les sanctions encourues sur celles qui sont prévues à l’article précité.
La commission des lois émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je suis un peu ennuyée de vous faire cette réponse, tout en prenant en compte votre préoccupation : le lien de la disposition que vous proposez avec le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas établi. Le Conseil constitutionnel pourrait y voir là un cavalier législatif. Aussi, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement, et d’avoir recours à un autre véhicule législatif.
Mme la présidente. Madame Bouchart, l'amendement n° 155 rectifié est-il maintenu ?
Mme Natacha Bouchart. J’entends bien vos propos, madame la secrétaire d'État, mais je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
L’amendement n° 59 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 21-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le conjoint français tient sa nationalité de l’article 21-3, le déclarant ne peut se voir refuser sa demande au motif que son conjoint n’était pas français au jour du mariage. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent projet de loi ne porte pas sur la nationalité, mais j’ai tenu, puisque l’Assemblée nationale a débattu de cette question, à défendre le présent amendement. Ce dernier vise à permettre l’accès à la nationalité par mariage lorsque le conjoint français du déclarant a de facto acquis la nationalité française par possession d’état. Dans ce cas de figure, chacun considérait au moment du mariage que le conjoint était français, mais celui-ci n’a réellement acquis la nationalité française qu’ensuite, par possession d’état. Or, en l’état actuel du droit, ce fait l’empêche de transmettre la nationalité française à son conjoint, en sorte que la seule solution pour les couples dans cette situation serait de divorcer pour se remarier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission considère que la mesure proposée, touchant aux modalités d’acquisition de la nationalité française, n’a pas sa place dans un projet de loi traitant du droit des étrangers. En effet, les questions relatives à la nationalité relèvent de dispositions très particulières, qu’il n’est pas possible de modifier à la légère sans mesurer précisément la portée des décisions que l’on prend. Aussi la commission a-t-elle résolu, sur mon initiative, d’émettre un avis défavorable non seulement sur cet amendement, mais sur l’ensemble des amendements relatifs à la nationalité. Au demeurant, le problème soulevé par M. Leconte semble relever davantage des pratiques consulaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 3 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil est complété par un article 21-12. – … ainsi rédigé :
« Art. 21-12. – …. Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes ayant obtenu avant d’avoir atteint l’âge de vingt et un ans la qualité de pupille de la Nation mentionnée aux articles L. 461 et suivants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. M. le rapporteur est cohérent avec lui-même, puisqu’il est à l’origine de la suppression par la commission des lois des articles relatifs à la nationalité introduits dans le projet de loi par l’Assemblée nationale. Pour ma part, je considère que, ces dispositions faisant partie du texte qui nous a été transmis, nous sommes fondés à en débattre.
L’amendement n° 58 rectifié se rapporte aux pupilles de la nation, qui sont des orphelins dont le père ou le soutien de famille a été tué soit à l’ennemi soit sur l’un des théâtres des opérations extérieures postérieurement à la guerre de 1914, ou dont le père, la mère ou le soutien de famille est mort de blessures ou de maladies contractées ou aggravées du fait de la guerre. C’est parce que leurs ascendants sont morts pour la France que les pupilles de la nation ont été adoptés par celle-ci. Depuis 1990, la qualité de pupille de la nation peut également être reconnue aux enfants des victimes d’un acte de terrorisme commis en France.
Alors que les enfants adoptés par un ressortissant français peuvent légitimement prétendre à une déclaration de nationalité, rien de tel n’a jamais été prévu pour les enfants adoptés par la nation elle-même : en l’état actuel du droit, ils ne peuvent pas obtenir la nationalité française, alors que la France les a adoptés. En outre, certains de ces enfants ne disposent d’aucun droit d’entrée ou de séjour sur le territoire français ; j’en connais même qui ont été éloignés.
L’objet de l’institution des pupilles de la nation est d’apporter aux enfants de ceux qui sont tombés pour la France aide et protection jusqu’à leurs vingt et un ans. Or la protection la plus éminente qui puisse être accordée à ceux qui ont reçu la qualité de pupille de la nation avant l’âge de vingt et un ans est celle que leur confère la nationalité française. Il est donc justifié de leur ouvrir un droit à l’acquisition de cette nationalité en leur permettant de la réclamer par déclaration.
Le présent amendement vise à réparer une injustice en accordant aux personnes qui ont obtenu avant l’âge de vingt et un ans la qualité de pupille de la nation, quel que soit leur âge actuel, la nationalité française par déclaration. Cette mesure est essentielle pour bien marquer quelle est notre communauté nationale et pour témoigner notre solidarité aux pupilles de la nation. Mes chers collègues, il est absolument intolérable que certains d’entre eux soient actuellement privés de droit de séjour en France !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai exposées voilà quelques instants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie Mme la secrétaire d’État de l’exhaustivité de sa réponse…
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 30 bis
(Supprimé)
Articles additionnels après l’article 30 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. César, Dallier et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Mandelli, Mayet, Retailleau, Saugey et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Fontaine, Vogel, Masclet, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mme Procaccia, MM. Duvernois et Dassault, Mme Kammermann, MM. Falco et Bonhomme, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Bouvard et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Grand, Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mme Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 30 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : «, sauf s’il a fait l’objet d’une mesure d’éloignement prévue par le livre V du présent code. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je constate que M. Leconte lui-même ne parvient pas à faire adopter ses amendements ; Dieu sait pourtant s’il fait son possible pour obtenir enfin un avis favorable du Gouvernement… (Sourires.) Il faut dire que la commission des lois fait montre d’une sévérité au-delà de tout ! (Nouveaux sourires.) Devant la dureté de son rapporteur et de son président, qui veillent, comme il est bien normal, à la cohérence du projet de loi, je retire le présent amendement, ainsi que les deux suivants ; tous trois seront repris dans une proposition de loi relative à la nationalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Belle élégance !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. À l’image de M. Karoutchi !
Mme la présidente. Les amendements nos 10 rectifié ter, 15 rectifié bis et 16 rectifié bis sont retirés.
Pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux derniers amendements.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon et Vogel, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, était ainsi libellé :
Après l'article 30 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 21-7 du code civil est ainsi rédigé :
« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de la manifestation de sa volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. »
L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, de Legge et Gilles, Mme Canayer, MM. Lemoyne et Frassa, Mme Hummel, MM. Joyandet et B. Fournier, Mme Lopez, MM. Pierre et Vasselle, Mme Procaccia, MM. Charon, Cambon, Milon, Vogel, Chasseing et Dufaut, Mmes Giudicelli et Duchêne, MM. Dassault, Kennel, D. Laurent, Houpert, A. Marc, de Raincourt, Chaize et Houel, Mme Mélot, MM. Nègre, J. Gautier, Savary, Danesi et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet, Pellevat, Genest, Darnaud, Pointereau et Gournac, était ainsi libellé :
Après l’article 30 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 3 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil est complété par un article 21-11-… ainsi rédigé :
« Art. 21-11-1. – L’article 21-7 n’est applicable qu’aux étrangers dont l’un des parents au moins a été continûment en situation régulière au regard de la législation et de la réglementation sur l’entrée et le séjour des étrangers en vigueur sur le territoire national durant la période de résidence habituelle prévue à cet article. »
Article 30 ter
(Supprimé)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 31
I (Non modifié). – L’article L. 311-9-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. – L’article L. 832-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au 1°, la référence : « , L. 313-10 (5°) » est supprimée ;
2° Le 3° est abrogé ;
3° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° À l’article L. 313-10 :
« a) Au 2°, les références aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail sont remplacées par la référence à l’article L. 330-4 du code du travail applicable à Mayotte ;
« b) Au premier alinéa du 1°, au 2° et à l’avant-dernier alinéa, les références à l’article L. 5221-2 du code du travail sont remplacées par la référence à l’article L. 330-2 du code du travail applicable à Mayotte ;
« c) Au second alinéa du 1°, la référence à l’article L. 5422-1 du code du travail est remplacée par la référence à l’article L. 327-5 du code du travail applicable à Mayotte ; »
3° bis A (nouveau) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis À l’article L. 313-20 :
« a) Au treizième alinéa, la référence à l’article L. 5221-2 du code du travail est remplacée par la référence à l’article L. 330-2 du code du travail applicable à Mayotte ;
« b) À l’avant-dernier alinéa, la référence à l’article L. 5422-1 du code du travail est remplacée par la référence à l’article L. 327-5 du code du travail applicable à Mayotte ; »
3° bis Après le 4°, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Au I de l’article L. 313-23-1, la référence : “du 2° de l’article L. 1262-1 du code du travail” est remplacée par la référence : “de l’article L. 330-4 du code du travail applicable à Mayotte” ; »
3° ter (nouveau) Au 7°, les mots : « au 2° de l’article L. 533-1 » sont remplacés par les mots : « au 8° du I de l’article L. 511-1 » ;
4° Sont ajoutés des 15° à 17° ainsi rédigés :
« 15° La formation linguistique mentionnée au 2° de l’article L. 311-9 et le niveau relatif à la connaissance de la langue française mentionnée à l’article L. 314-2 font l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d’une mise en œuvre progressive ;
« 16° La carte de séjour prévue au 11° de l’article L. 313-11 est délivrée, après avis médical, selon une procédure définie par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les conditions dans lesquelles le collège médical peut délibérer au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ;
« 17° Au 4° de l’article L. 611-12, la référence à l’article L. 5312-1 du code du travail est remplacée par la référence à l’article L. 326-1 du code du travail applicable à Mayotte. »
III (nouveau). – L’article L. 5523-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 5523-2. – L’autorisation de travail accordée à l’étranger est limitée au département ou à la collectivité dans lequel elle a été délivrée lorsqu’il s’agit :
« 1° De la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” prévue par les articles L. 313-11 à L. 313-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
« 2° De la carte de séjour temporaire portant la mention “stagiaire ICT (famille)” et “stagiaire mobile ICT (famille)”, délivrées en application de l’article L. 313-7-2 du même code ;
« 3° De la carte de séjour pluriannuelle prévue par l’article L. 313-21 du même code ;
« 4° De la carte de séjour pluriannuelle portant la mention “salarié détaché ICT (famille)” et “salarié détaché mobile ICT (famille)” délivrées en application de l’article L. 313-23-1 du même code ;
« 5° De la carte de résident prévue par les articles L. 314-1 à L. 314-13 du même code. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 31
Mme la présidente. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Soilihi, est ainsi libellé :
Après l’article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État garantit des moyens d’accompagnement aux collectivités territoriales de Mayotte et concourt, avec ces dernières, à la définition de la politique d’intégration républicaine à conduire dans le département.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.
M. Abdourahamane Soilihi. L’article additionnel que je propose d’insérer dans le projet de loi s’inscrit dans la continuité de l’action gouvernementale pour poursuivre la convergence de la législation de droit commun à Mayotte. Il mérite toute notre attention, mes chers collègues, car l’alignement de ce territoire sur le droit commun est un processus législatif très long.
Je rappelle que les dispositions de l’article 73 de la Constitution sont assorties de dérogations pour leur application en outre-mer et que la loi organique du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte prévoit pour ce dernier territoire une départementalisation progressive et adaptée à la situation locale.
Depuis 2011, la collectivité de Mayotte dispose du statut de collectivité régie par l’article 73 de la Constitution : elle exerce à la fois les compétences dévolues aux départements d’outre-mer et celles qui sont conférées aux régions d’outre-mer. Or nombre de ces compétences n’ont toujours pas été transférées. La progressivité de ce processus contraint le législateur que nous sommes à prendre des mesures adaptées aux réalités mahoraises et à la spécificité de l’insularité. Ce transfert reste tributaire de réformes plus importantes, comme l’application intégrale de la politique sociale, qui ont à leur tour des incidences socio-économiques majeures.
En matière d’intégration des étrangers à Mayotte, les autorités, à tous les niveaux de responsabilité, sont complètement débordées. Le Parlement doit adopter une vision extrêmement prudente en l’espèce et faire preuve d’une maîtrise remarquable de ces sujets, s’agissant tant des aspects techniques et juridiques que de l’analyse fine de la situation locale.
Mon amendement vise à organiser un dialogue préalable entre l’État et les autorités locales pour définir et évaluer collectivement la politique d’intégration républicaine des étrangers à Mayotte assortie des moyens permettant d’enrayer l’immigration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois prête un intérêt particulier à la situation mahoraise. Pour ma part, j’ai eu le plaisir de la découvrir voilà quelques années, et j’ai constaté combien les difficultés sont grandes, pour ne pas dire immenses, notamment en ce qui concerne l’immigration irrégulière, la violence, la pression extrêmement forte qui s’exerce sur la population de Mayotte et toutes les conséquences que ces problèmes peuvent entraîner pour tout le monde.
Je vous signale, mes chers collègues, que la commission a introduit dans le projet de loi un article 34 bis A, qui prévoit l’instauration à Mayotte de la contribution spéciale due par les employeurs de travailleurs étrangers non autorisés à travailler. De fait, le travail clandestin est sur l’île un problème réel, quoiqu’on en parle peu.
Cela étant, l’amendement n° 187 rectifié présente le défaut d’être dépourvu de caractère normatif. Dans ces conditions, même si elle comprend bien la situation mahoraise, la commission sollicite son retrait ; elle sera obligée d’y être défavorable s’il est maintenu. Remarquez bien, monsieur Soilihi, que nous souscrivons au constat que vous avez dressé, et que nous avons à plusieurs reprises renforcé les outils juridiques permettant de lutter contre les problèmes difficiles qui se posent à Mayotte. Nous regrettons simplement de devoir constater que votre amendement, je le répète, n’est pas normatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Il est identique à celui de la commission, pour des raisons comparables. Monsieur Soilihi, le Gouvernement comprend les enjeux de la situation que vous avez décrite, mais ceux-ci se situent, pour la plupart, en dehors du champ du présent projet de loi. Vous le savez, le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation à Mayotte, notamment en matière d’immigration. Ainsi, l’ordonnance du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile réduit les écarts avec le droit commun et assure la prise en compte des particularités mahoraises.
Mme la présidente. Monsieur Soilihi, l’amendement n° 187 rectifié est-il maintenu ?
M. Abdourahamane Soilihi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 187 rectifié est retiré.
Article 32
La présente loi est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Pour l’application du 1° de l’article L. 313-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la référence à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts est remplacée par une référence aux dispositions ayant le même objet applicables localement. – (Adopté.)
Article 33
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure, relevant du domaine de la loi, permettant :
1° De rendre applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi ;
2° D’actualiser, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, les règles en vigueur en matière d’entrée et de séjour des étrangers.
II. – Les projets de loi portant ratification des ordonnances mentionnées au I sont déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant leur publication. – (Adopté.)
Article 34
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (partie législative) est ratifiée.
Mme la présidente. L’amendement n° 93, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’article 34 du projet de loi ratifie l’ordonnance du 7 mai 2014, dont les dispositions ont pour objet de rapprocher Mayotte du régime issu du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de rendre applicables à l’île les directives européennes.
Cette évolution du droit à Mayotte, noyée dans un projet de loi de plus grande ampleur, nécessiterait un débat parlementaire à part entière. En effet, l’intégration de Mayotte dans ce code, présentée comme une avancée majeure vers une plus grande uniformité entre le droit applicable dans ce département et celui qui est en vigueur dans le reste de la France, perpétue en réalité de nombreuses dérogations au droit commun qui maintiennent Mayotte, aujourd’hui encore, dans un régime d’exception injustifié.
Ainsi, une personne de nationalité étrangère qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en métropole dispose d’au moins quarante-huit heures pour en demander l’annulation auprès du tribunal administratif ; l’exécution de l’éloignement est alors suspendue jusqu’à la décision du juge. À Mayotte, une personne dans la même situation peut être expulsée en quelques heures.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Christian Favier. De même, une personne à qui l’entrée en métropole est refusée dispose d’au moins un jour pour faire valoir ses droits, ce qui n’est pas le cas à l’arrivée à Mayotte.
Par ailleurs, le jeune étranger résidant en métropole depuis ses treize ans se voit délivrer de plein droit, à ses seize ou dix-huit ans, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » s’il a résidé en France avec l’un de ses parents ; à Mayotte, ce parent doit avoir été en situation régulière durant cette période, ce qui exclut 90 % des jeunes de l’obtention du titre.
Voici encore un exemple : alors qu’un titre de séjour délivré en métropole permet de circuler librement sur l’ensemble du territoire français, un titre délivré à Mayotte ne permet de circuler que sur l’île.
L’ordonnance du 7 mai 2014 fait donc perdurer un régime d’exception discriminatoire, qui autorise la violation de droits fondamentaux comme le droit au recours effectif. Neuf associations ont engagé un recours pour faire annuler cette ordonnance. Par conséquent, si cette dernière était ratifiée, elle ne serait plus susceptible d’être annulée et le recours n’aurait plus d’objet, sans même avoir été examiné.
Il convient donc de rejeter la ratification de cette ordonnance en supprimant l’article 34.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise la suppression de l’article 34. Or celui-ci donne des moyens d’action en matière d’entrée et de séjour des étrangers et de droit d'asile. Il maintient notamment certaines dérogations actuellement en vigueur sur le territoire mahorais.
Par ailleurs, je rappelle que ces dérogations ont été validées sur le plan juridique par le Conseil d’État au mois de juillet dernier.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 34.
(L'article 34 est adopté.)
Article 34 bis A (nouveau)
Après l’article L. 330-6 du code du travail applicable à Mayotte, il est inséré un article L. 330-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 330-6-1. – I. – Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 330-5 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale.
« Dans la limite de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti par l’article L. 141-2, le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Dans la limite de 2 000 fois ce même taux, ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre. Dans la limite de 15 000 fois ce même taux, il peut être majoré en cas de réitération.
« II. – L’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution.
« Elle est recouvrée par l’État comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.
« Les sommes recouvrées par l’État pour le compte de l’Office français de l’immigration et de l’intégration lui sont reversées dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. L’État prélève 4 % des sommes reversées au titre des frais de recouvrement.
« III. – Le paiement de la contribution spéciale est garanti par un privilège sur les biens meubles et effets mobiliers des redevables, où qu’ils se trouvent, au même rang que celui dont bénéficie le Trésor en application de l’article 1920 du code général des impôts.
« Les créances privilégiées en application du présent III dues par un commerçant, un artisan ou une personne morale de droit privé même non commerçante, sont inscrites à un registre public, dans le délai de six mois suivant leur date limite de paiement.
« L’inscription conserve le privilège pendant deux années et six mois à compter du jour où elle est effectuée. Elle ne peut être renouvelée.
« IV. – En cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable ou d’un tiers tenu légalement au paiement de la contribution spéciale, le privilège dont l’inscription n’a pas été régulièrement requise à l’encontre du redevable ne peut plus être exercé pour les créances qui étaient soumises à titre obligatoire à cette inscription.
« Les frais de poursuite dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture ne sont pas dus.
« L’inscription d’une créance privilégiée en application du III du présent article peut faire l’objet à tout moment d’une radiation totale ou partielle.
« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » – (Adopté.)
Article 34 bis
(Supprimé)
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 35
Au terme d’une première année de séjour régulier en France, l’étranger qui a conclu avec l’État un contrat d’accueil et d’intégration en application de l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, bénéficie de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée à l’article L. 313-17 du même code dès lors qu’il justifie de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations suivies en application de ce contrat et qu’il a atteint le niveau de langue prescrit, qu’il n’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République et qu’il remplit la condition posée au 2° du même article. – (Adopté.)
Article 36
(Non modifié)
La condition relative au niveau de connaissance de la langue française prévue au premier alinéa de l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est applicable à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Intitulé du projet de loi
Mme la présidente. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit des étrangers
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il nous a semblé que l’intitulé du présent texte – « projet de loi relatif au droit des étrangers en France » – était trop solennel, dès lors que son contenu ne modifie finalement les choses qu’à la marge.
Si, un jour, nous avions en France un code portant sur le droit des étrangers revu et restructuré, je pense qu’il aurait un contenu plus synthétique !
Pour notre part, nous proposons, un peu benoîtement, de rédiger ainsi le titre de ce texte : « projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit des étrangers ». Ainsi, nous serions dans la normalité, puisque la plupart des textes que nous votons sont des projets de loi portant diverses dispositions relatives à ceci ou à cela !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Comme très souvent, j’ai un point d’accord avec vous, monsieur Collombat. Il porte sur les premiers termes de votre amendement, car je pense que le début de l’intitulé du texte devrait être: « Projet de loi portant diverses dispositions ».
Il s’agit du socle à partir duquel nous pouvons travailler. Il serait abusif de donner un titre beaucoup plus ambitieux à ce texte, malgré tous les apports de notre assemblée, car il contient, en effet, diverses dispositions un peu hétéroclites.
En revanche, je préfère la version que la commission des lois a retenue pour la fin de l’intitulé. Nous voterions ainsi un projet de loi portant diverses dispositions « relatives à la maîtrise de l’immigration ».
En effet, je crois que dans la société française actuelle, l’enjeu principal est non pas d’améliorer davantage le droit des étrangers – celui repose déjà, aujourd’hui, sur des dispositions très protectrices –, mais d’assurer une meilleure maîtrise de l’immigration.
Toutes les dispositions que nous avons adoptées, qu’elles concernent la durée des titres de séjour, le temps nécessaire pour l’accès au regroupement familial, les contingents par catégorie d’étrangers admis au séjour régulier en France, l’évolution de l’aide médicale d’État en aide médicale d’urgence, les règles plus contraignantes en matière d’assignation à résidence, la réduction des délais pour quitter volontairement le territoire français, ou encore la rétention, forment un faisceau de mesures qui tendent, toutes, à un meilleur contrôle de l’immigration.
C’est la raison pour laquelle il faut s’en tenir à l’intitulé adopté par la commission des lois et ne pas voter en faveur de l’amendement de M. Collombat.
Même si les premiers termes de la rédaction qu’il propose rejoignent ceux qu’a retenus la commission des lois, l’enjeu est aujourd’hui de répondre à un besoin réel : une meilleure maîtrise de l’immigration. Nous y contribuons tout en ayant conscience que nombre d’autres dispositions seront nécessaires pour réellement réussir à moderniser notre législation sur l’entrée et le séjour des étrangers sous tous ces aspects.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement et le ministre de l’intérieur ont voulu, autour de ce projet de loi, un débat apaisé et serein, qui permette d’améliorer celui-ci et d’en faire un texte équilibré.
S’agissant de l’amendement n° 39 rectifié tendant à modifier l’intitulé du projet de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Je précise néanmoins que la rédaction proposée par M. Collombat a sa préférence par rapport à celle de la commission des lois et de son président, que je trouve, si je puis me permettre, un peu trop militante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) L’objectif affiché avec ce projet de loi n’est pas simplement de maîtriser l’immigration, même si, bien entendu, le Gouvernement assume pleinement cette orientation.
Donc s’il faut parler de « diverses dispositions », ces diverses dispositions sont plus proches de celles que mentionne M. Pierre-Yves Collombat que des vôtres, monsieur le président de la commission, à notre sens trop marquées. Le Gouvernement vous appelle, vous aussi, à la sagesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Nous soutiendrons l’amendement de M. Collombat, parce qu’il constitue un moindre mal par rapport à l’intitulé adopté par la commission des lois. En effet, celui-ci nous inspire de la déception. Quel recul pour ce qui concerne la vision de la place de la France dans le monde !
Le texte transmis au Sénat était équilibré, entre lucidité et fermeté en termes de lutte contre l’immigration irrégulière, et respect des droits des étrangers souhaitant résider régulièrement dans notre pays. C’est d’ailleurs parce que le Gouvernement avait trouvé le juste équilibre entre ces deux objectifs que j’avais terminé mon intervention lors de la discussion générale en déclarant : « le texte du Gouvernement issu de l’Assemblée nationale […] traduit vraiment l’intérêt général », intérêt qui doit, seul, guider notre vote !
L’équilibre trouvé alors ressemble un peu à celui que recherche l’équilibriste sur un fil étroit, car toute mesure de contrôle et de restriction des droits des étrangers éloigne nécessairement du rêve d’une pleine liberté d’établissement. À nos yeux, celle-ci n’est pourtant ni possible ni souhaitable.
Il faut donc saluer en cet instant la volonté assumée par le Gouvernement de parvenir à un juste équilibre entre contrôle et liberté, et de s’en donner les moyens pour la première fois depuis bien longtemps !
Au terme de ce débat au Sénat, la déception est double. Tout d’abord, il y a la déception de voir le projet de loi désarticulé, voire même la perspective inversée par la remise en cause systématique de toutes ses avancées et par un retour à 2011.
Ensuite, la déception est grande de voir le dialogue au sein de la Haute Assemblée reculer, tant le débat a été marqué par la volonté de la majorité de droite de rester sourde à tous nos arguments, ce à seule fin de contrer le Président de la République et le Gouvernement en tous points. Je pense, en particulier, à la question des mineurs, à celle du regroupement familial, ou encore au traitement réservé aux étudiants en fin d’études.
Au-delà de cette double déception, ce qui est le plus déplorable à ce stade de l’examen du texte – et que traduit bien le changement de son intitulé – est le regard porté sur les étrangers, ceux qui sont présents et ceux qui comptent venir sur notre territoire : il s’agit d’un regard permanent de soupçon, de défiance, de rejet même qui, s’il devait l’emporter, n’annonce rien de bon pour l’avenir de notre pays.
Pour ce qui nous concerne, nous voulons que la France soit juste et responsable dans sa relation au reste du monde, dans une période où le sujet des migrations n’est pas près de se tarir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Le rideau est tiré. Nous sommes à la fin de l’examen de ce projet de loi.
Mme Éliane Assassi. Ce ne sont pas les explications de vote sur l’ensemble ! Rappel au règlement, madame la présidente !
Mme Evelyne Yonnet. La pièce de théâtre qui vient de se jouer sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France me laisse un goût amer…
Mme la présidente. Madame la sénatrice, je vous demande d’expliquer votre vote sur l’amendement n° 39 rectifié !
Mme Evelyne Yonnet. Mais c’est le cas, madame la présidente, et nous le soutenons !
Ce goût amer résulte d’une insatisfaction morale et éthique, tant les acteurs de la majorité sénatoriale se sont montrés dépourvus de toute sensibilité humaniste, réfléchie, indifférents aux valeurs et à l’histoire qui ont fait la France ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certains ont dit qu’il fallait que l’étranger s’intègre, qu’il se forme, qu’il travaille – pas en CDD, mais en CDI ! Mais quels moyens lui donne-t-on ?
Les acteurs et spectateurs de la majorité sénatoriale légifèrent sur rien : attention, il ne faut surtout pas donner davantage ; au contraire, il faut donner toujours moins. Un enfant malade n’a pas le droit d’avoir sa mère à ses côtés jusqu’à son rétablissement ; une femme victime de violences n’a aucune raison d’être protégée ; seuls les étudiants ayant atteint le niveau du master auront désormais le passeport « talents ». Avant, ce sera donc le parcours du combattant. Ajoutons-y les prélèvements osseux sur les enfants. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas une explication de vote sur l’amendement ! C’est un détournement de procédure ! C’est scandaleux !
Mme Evelyne Yonnet. Je pourrais multiplier les exemples, puisque presque tous les amendements présentés par mon groupe ont été rejetés d’un revers de la main, sans complaisance ni discussion de fond, à l’image des interventions de M. le rapporteur de la commission des lois– l’acteur principal de ce débat – qui affirme que tout existe déjà et que rien de plus ne peut être fait !
Pourtant, nos amendements n’avaient d’autre objet que d’essayer de garantir les droits des étrangers et de leur en fournir de nouveaux, afin d’améliorer certaines procédures longues, compliquées et difficilement compréhensibles pour eux. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC et sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Il faut arrêter cela, madame la présidente !
Mme Evelyne Yonnet. À plusieurs reprises, des jugements de valeur, des regards de suspicion ont été portés sur les étrangers arrivant en France.
Aucun compromis n’a semblé envisageable. Nous avons constaté un sentiment de repli sur soi chez certains sénateurs de la majorité sénatoriale (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) : aucune ouverture possible, uniquement des sanctions et des doubles sanctions toujours plus fortes, des pénalités !
Sans être dupes du jeu de rôle auquel nous assistons depuis deux jours dans ce haut lieu de la République, nous ne pouvons nous satisfaire de l’accueil que réserve la France aux populations vulnérables, celles qui viennent de pays en guerre ou en prise avec des idéologies néfastes. J’ai le sentiment que le pays des droits de l’homme, avec sa Constitution et ses valeurs, notamment de liberté, va très mal ! Au point que, aujourd’hui, la peur de l’étranger en sort renforcée !
Mme la présidente. Madame Yonnet, vous n’avez plus la parole !
Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble du texte auront lieu le mardi 13 octobre 2015, à quatorze heures trente.
Dorénavant, les orateurs doivent s’exprimer explicitement sur l’amendement n° 39 rectifié de M. Collombat. Si tel n’était pas le cas, je leur couperais la parole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement de M. Collombat souligne l’intérêt du texte. L’intitulé proposé par M. Bas présente au moins l’avantage de montrer l’état dans lequel le texte sort – malheureusement – de notre assemblée. En effet, un air de Morano, si j’ose dire, a soufflé sur l’hémicycle pendant deux jours ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Malgré les efforts de M. le rapporteur, qui a essayé de dire le droit et de trouver un équilibre, nous constatons qu’un certain nombre de dispositions sont finalement des mesures d’affichage ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. C’est un détournement de procédure ! Vous devez absolument parler de l’amendement ! C’est scandaleux ! Vous ne respectez pas les règles que vous avez contribué à mettre en place ! Il faut un rappel à l’ordre immédiat !
Mme la présidente. Monsieur Leconte, vous aurez tout le loisir d’expliquer votre vote sur l’ensemble mardi prochain !
Mme la présidente. Vous n’avez plus la parole ! Je me vois dans l’obligation de couper votre micro !
M. Christian Favier. Les explications de vote sont prévues mardi…
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai écouté avec beaucoup d’attention la présentation de cet amendement, sachant que nous parlons d’un sujet extrêmement sensible. Mais j’ai également écouté avec la même attention les explications du président de la commission des lois et les interventions du rapporteur. Il faut en effet, me semble-t-il, souligner tout le mérite qui revient à nos collègues de la commission, lesquels ont beaucoup travaillé sur le texte.
Le sujet est, je le répète, extrêmement sensible et chaque mot compte. « Diverses dispositions » ? Notre langue n’est pas forcément simple et les termes employés sont fondamentaux.
Mais, indépendamment du sérieux et de la rigueur – deux notions souvent mentionnées – qui s’imposent, je crois qu’il faut aussi faire confiance aux différents services de l’État, la confiance étant également une notion rappelée à de nombreuses reprises.
C’est pourquoi je me rallierai à la position du président, du rapporteur et des membres de la commission des lois. Le mérite leur revient !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne pensais pas susciter un tel débat ! Cela étant dit, si vous aviez proposé d’intituler le texte « projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration », monsieur le président de la commission, je ne m’y serais pas forcément opposé, bien que cette formule n’ait pas tout à fait la même portée que notre proposition. Mais parler de « diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration »…
Sans évoquer les connotations morales, pensez-vous sincèrement que ces dispositions vont nous permettre de régler les problèmes soulevés par un phénomène géopolitique aussi important que l’immigration qui est en train de nous submerger ? Mais tel est le monde… C’est d’ailleurs ce qui me tétanise : on ne prend pas réellement conscience de l’ampleur du problème !
Encore une fois, vous auriez choisi l’expression « diverses dispositions relatives à l’immigration », j’aurais répondu : « Pourquoi pas ? » Pour ma part, je propose « diverses dispositions relatives au droit des étrangers », car cela fait référence à un aspect plus positif du texte. Voilà la différence. Mais, franchement, avec le terme « maîtrise », vous allez un peu loin !
Je ne sais pas s’il faudra que je rectifie mon amendement ou si vous allez proposer de le sous-amender, mais il me semble que nous pouvons trouver un titre plus conforme à la destination et au futur usage de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, je saisirai le président du Sénat des détournements de procédure qui ont eu lieu. Je ne veux pas que tout le travail qui a été réalisé avec Alain Richard soit détourné par des membres de son groupe.
Cela étant, cet amendement tend à faire référence à l’expression « droit des étrangers »… Mais qu’est-ce que le droit des étrangers ? Ce sont des dispositions qui ne concernent pas uniquement les immigrés ou les demandeurs d’asile, mais qui traitent aussi des étrangers séjournant en France pour faire du tourisme ou travailler. Or, en réalité, ce texte, dont l’intitulé ferait référence au droit des étrangers, ne vise absolument pas ni ceux qui font du tourisme en France ni ceux qui y travaillent de manière régulière !
M. Philippe Kaltenbach. Avez-vous lu le texte ?
M. Roger Karoutchi. J’y insiste, les étrangers travaillant dans notre pays de manière régulière, par exemple des chefs d’entreprise, ou les touristes ne sont pas concernés par ce projet de loi !
D’ailleurs, soyons francs, Manuel Valls, alors qu’il était ministre de l’intérieur, nous avait initialement annoncé le dépôt d’un seul projet de loi portant sur le droit d’asile et l’immigration. Le Gouvernement a ensuite décidé de le scinder en deux…
M. Jean-Pierre Sueur. Il a bien fait !
M. Roger Karoutchi. … un premier texte devant porter sur le droit d’asile et, donc, un second texte devant traiter de l’immigration.
C’est le Gouvernement qui avait évoqué le droit d’asile et l’immigration ! À l’époque, il n’était nullement question de droit des étrangers !
Donc, en définitive, nous revenons au projet initialement annoncé par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, et repris par M. Bernard Cazeneuve, avant que l’on ne décide une scission en deux textes.
Ce projet de loi concerne l’immigration et le droit d’asile, absolument pas le reste ! Par conséquent, je me rallie naturellement à l’intitulé retenu par la commission. Je ne conteste pas la qualité de l’amendement de M. Collombat, mais il n’est pas question, ici, du droit des étrangers !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. À titre personnel, je ne suis pas sûr que la nouvelle procédure permette mieux le débat que l’ancienne… Il n’y a pas eu de vote solennel sur ce point, je le regrette. Mon avis n’est pas celui de M. Karoutchi.
Nous avions décidé de soutenir l’amendement de M. Pierre-Yves Collombat, car l’intitulé « projet de loi relatif au droit des étrangers en France » a tout de même un caractère très solennel et donne l’impression que l’on couvre l’ensemble des problèmes. Or on ne règle aucun problème avec ce texte qui, on le pressent très bien, est tout à fait mineur.
Donc, l’amendement n° 39 rectifié nous convenait, absolument pas, d’ailleurs, pour les motifs avancés par nos collègues de la gauche. Toutefois, compte tenu de la passion que cette proposition a soulevée, nous avons décidé, par précaution, de nous abstenir. C’est une position très centriste !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. J’entends bien les propos de Roger Karoutchi. Effectivement, il y a débat entre nous. S’agissant des travaux préparatoires sur le présent projet de loi, vous avancez des arguments qui renvoient à une expérience différente de la mienne.
En 2013, j’ai déposé une proposition de loi relative à l’attractivité universitaire de la France qui portait sur l’accueil en France des étudiants étrangers. Ceux-ci viennent dans nos établissements pour suivre des cursus dans l’enseignement supérieur, contribuer à la construction de la connaissance, avant de retourner dans leur pays avec le rayonnement de la France au cœur. Ils deviennent ainsi nos ambassadeurs.
Lors de l’examen de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, j’ai souhaité y introduire les dispositions contenues dans ma proposition de loi, puisqu’elles concernaient les étudiants de l’enseignement supérieur. Le ministère de l’intérieur m’a alors demandé de renoncer à ce projet, au motif qu’un projet de loi relatif à l’immigration et au séjour de tous les étrangers en France était en préparation.
J’ai eu de longues discussions avec le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Valls. Nous sommes ensemble convenus que quelques éléments de ma proposition de loi pourraient tout de même être insérés dans le texte relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est ainsi qu’ont été votées la délivrance de plein droit aux étudiants d’un titre de séjour pluriannuel et l’autorisation de travailler pendant un an pour les titulaires d’un master.
Le reste de mes propositions est contenu dans ce projet de loi relatif au droit des étrangers en France, qui n’est pas simplement un texte sur l’immigration. Les étudiants étrangers n’ont pas vocation à être des immigrés de longue durée ; ce sont des personnes qui séjournent sur notre territoire trois ans, quatre ans, voire plus, avant de repartir dans leur pays, de créer une entreprise ou de participer au développement économique de notre pays.
Vos propos, monsieur Karoutchi, reflètent votre interprétation de propos Manuel Valls, interprétation que je ne partage pas. Je tenais à le dire publiquement.
M. Roger Karoutchi. Je vous retrouverai les propos de M. Valls !
Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen du texte de la commission sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble se dérouleront le mardi 13 octobre, à quatorze heures trente. Le vote, par scrutin public, aura lieu le même jour, de quinze heures quinze à quinze heures quarante-cinq en salle des conférences.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je voudrais dire quelques mots avant que la séance ne soit levée, d’abord pour remercier chacune et chacun d’entre vous du travail qui a été effectué, même si les débats ont été un peu vifs, même si nous n’avons pas été toujours d’accord.
Mme Esther Benbassa. Pas du tout d’accord !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Vous avez, raison, ma chère collègue ! Il n’empêche que c’est le lieu du débat.
Cela dit, la commission des lois a eu pour rôle de simplifier le texte qui lui était soumis par le Gouvernement, de rendre plus efficaces les mesures proposées, notamment en matière d’obtention des titres de séjour et de contrôle de ces titres comme de lutte contre l’immigration régulière.
Elle a également eu la volonté de maintenir les équilibres qui avaient été trouvés à l’occasion de l’examen de la loi de 2011, en particulier sur deux sujets, à savoir l’organisation des recours pour les étrangers placés en centre de rétention et les conditions d’éloignement des étrangers malades.
Je voudrais insister brièvement sur les apports de la commission : restriction des conditions d’accès au titre de séjour pluriannuel, qui est désormais un titre non pas de principe, mais exceptionnel ; renforcement des contrôles des différents titres accordés ; liberté d’agir laissée au préfet en matière de délivrance des titres au lieu des décisions de plein droit – cela nous a beaucoup occupés. Nous avons renforcé les conditions dans lesquelles l’assignation à résidence pourra être décidée, en prévoyant le dépôt d’une caution et la validation par le maire des certificats d’hébergement.
J’insiste aussi sur le fait que nous avons mis en place une procédure accélérée pour contester les obligations de quitter le territoire français pour les déboutés du droit d’asile, avec la volonté de traiter cette problématique que nous avions relevée à plusieurs reprises.
En séance plénière, le Sénat a également participé largement à l’évolution du texte. En particulier, il a décidé que le Parlement fixerait des plafonds d’immigration par catégories hors droit d’asile et immigration familiale. De même, il est revenu sur l’existence de l’aide médicale d’État, puisque celle-ci a été transformée en aide médicale d’urgence.
Sincèrement, tant en commission qu’en séance, nous avons essayé d’être respectueux du droit des migrants et des étrangers qui veulent venir sur notre territoire, respectueux du droit de ceux que l’on souhaite éloigner en leur permettant d’exercer les recours qui leur sont ouverts, tout en étant déterminés à ce que les titres de séjour et les autorisations de séjour sur notre territoire puissent être parfaitement contrôlés et à être très fermes lorsqu’il s’agit de faire respecter les décisions d’éloignement des personnes en situation irrégulière, unique gage d’une immigration régulière réussie, ce que nous souhaitons tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée au mardi 13 octobre 2015, à quatorze heures trente.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 octobre 2015 :
À seize heures :
Débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession (demande de la commission d’enquête).
Explications de vote et vote sur la proposition de loi et la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française ;
Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 29, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 30, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 31, 2015-2016).
Le soir :
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’enfant ;
Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 32, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 33, 2015-2016) ;
Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 718, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART