M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de la deuxième lecture par le Sénat du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, il faut souligner les mérites d’une procédure normale d’élaboration de la loi, par comparaison avec la procédure accélérée, si souvent employée, comme pour la loi de modernisation de notre système de santé. En particulier, nous avons pu procéder avec vous, madame la secrétaire d'État, à des ajustements importants, apporter des précisions par rapport au texte initial.
En première lecture, le Sénat avait adopté un assez grand nombre de modifications au texte, comme l’ont rappelé les rapporteurs, dont je salue la finesse de l’analyse. Une grande partie d’entre elles ont été acceptées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
Un certain nombre de points restent en discussion et vous-même, madame la secrétaire d'État, souhaitez procéder encore à quelques modifications. C’est le jeu normal du parcours législatif, et je suis persuadé que l’on pourra aboutir à un large consensus.
Le principal reproche que l’on peut faire à ce projet de loi reste, malgré tout, son manque d’ambition.
Si ce texte comporte plusieurs avancées, on peut regretter qu’il s’agisse d’une réforme a minima : il n’aborde que la question du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie. La seconde étape de la réforme, qui vise à rendre les maisons de retraite plus accessibles sur un plan financier, ne sera pas mise en œuvre prochainement. En se limitant à ce premier volet relatif à la prévention et au maintien à domicile, le projet de loi laisse pour compte le délicat problème du reste à charge pour les familles, du coût souvent disproportionné du séjour par rapport aux ressources de la personne âgée concernée. C’est un véritable problème de société, et nous élus recevons fréquemment, dans nos permanences, des personnes habitées d’un sentiment de culpabilité et de désespoir.
Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le Gouvernement ne disposait pas des marges budgétaires nécessaires pour effectuer cette seconde étape. Or, si l’espérance de vie augmente, ce temps gagné correspond malheureusement souvent à des mois passés en mauvaise santé, et de plus en plus de personnes âgées n’ayant pas de ressources suffisantes pour intégrer un établissement se retrouvent en situation de perte d’autonomie à leur domicile. Cela est particulièrement fréquent en milieu rural, où la pudeur et la discrétion sont de tradition. Dans ces conditions, le maintien à domicile a ses limites.
C’est un constat partagé, cette réforme manque d’ambition financière : le produit de la CASA devrait représenter un peu plus 650 millions d’euros cette année, alors que les départements versent l’APA à plus de 1,2 million de bénéficiaires, pour un montant de plus de 5,5 milliards d’euros. À l’échelle nationale, la dotation globale aux personnes dépendantes représente environ 22 milliards d’euros. Selon les projections de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, la prise en charge publique de la perte d’autonomie s’élèverait, à l’horizon 2060, à 35 milliards d’euros.
Il est évident que le financement par la CASA ne sera pas suffisant. Le RDSE aurait préféré la mise en place d’une cinquième branche de la protection sociale, fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale. Nous estimons, et je pense que nous ne sommes pas seuls dans ce cas, que la prise en charge de la dépendance ne doit pas s’inscrire dans une logique assurantielle qui aggraverait les inégalités entre les plus aisés et les plus modestes.
Pour autant, ce texte comporte quelques avancées pratiques ; c’est un premier pas dans la prise en compte du vieillissement par notre société.
Les modifications positives que le Sénat a apportées en première lecture et que la commission des affaires sociales a proposées en vue de la deuxième lecture ont amélioré le dispositif.
Je pense notamment à la gouvernance des politiques de l’autonomie et au déploiement des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées, mesure introduite sur l’initiative de ma collègue Hermeline Malherbe en première lecture.
Je pense également à la convergence des régimes d’autorisation et d’agrément des services d’aide à domicile vers un seul régime d’autorisation. Cette disposition permettra aux départements de refuser une demande d’autorisation qui entraînerait pour eux des charges injustifiées ou démesurées et d’avoir une visibilité sur l’ensemble de l’offre de services d’aide à domicile sur leur territoire.
Il reste malgré tout quelques divergences, à propos notamment de l’utilisation du produit de la CASA. En première lecture, le Sénat avait conforté le financement du dispositif du projet de loi en fléchant l’ensemble des dépenses au sein du budget de la CNSA. L’Assemblée nationale n’a pas souhaité que la loi mette en place un tel fléchage, préférant laisser au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités d’utilisation du produit de la CASA. Je me félicite que la commission des affaires sociales ait maintenu sa position en deuxième lecture. En effet, il nous appartient d’indiquer de quelle façon la CASA doit être utilisée.
En revanche, concernant la mise en place du haut conseil chargé du pilotage, à l’échelon national, de la politique liée à l’adaptation de la société au vieillissement et à la perte d’autonomie, le groupe RDSE, moi y compris, soutient la position du Gouvernement,…
M. Gérard Roche, corapporteur. Tiens donc !
M. Gilbert Barbier. … qui propose de transformer le Haut Conseil de l’âge initialement prévu par le projet de loi en un Haut Conseil de la famille et des âges de la vie. La multiplication des hauts conseils est telle, dans notre pays, que l’on se demande où cela s’arrêtera…
Cette structure permettra d’apporter une expertise transversale sur les questions liées aux familles, à l’enfance et à l’adaptation de la société au vieillissement, grâce à une approche intergénérationnelle, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État. Le RDSE a d’ailleurs déposé un amendement tendant à rétablir l’article 46 du projet de loi dans la rédaction de l’Assemblée nationale. L’argutie consistant à dire que ce haut conseil n’a pas sa place dans un texte concernant la vieillesse paraît un peu puérile, soit dit sans jeu de mots.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE dans sa grande majorité approuvera ce projet de loi. (M. Gérard Roche, corapporteur, applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je commencerai par deux remarques liminaires.
Tout d’abord, comme nous l’avions déjà dit en première lecture et comme Gilbert Barbier vient de le souligner, ce texte manque de souffle,…
M. Jean Desessard. C’est l’âge !
M. Jean-Noël Cardoux. … d’ambition. Nous l’avions surnommé en première lecture « projet de loi d’utilisation des 650 millions d’euros de la CASA ». Les choses n’ont pas évolué depuis : j’ai écouté avec intérêt l’énumération des financements que vous allez débloquer, madame la secrétaire d’État, mais je pense que, si nous en faisions l’addition, le total ne dépasserait pas 650 millions d’euros.
Ma seconde remarque, plus positive, est que ce texte permettra des progrès significatifs en faveur des personnes âgées dans de nombreux domaines. À cet égard, je voudrais à mon tour souligner l’excellent travail de la commission des affaires sociales et de ses deux rapporteurs, qui, malgré des divergences politiques initiales bien naturelles, ont convergé pour aboutir à un résultat concret et positif. Ainsi, comme Georges Labazée l’a relevé, de nombreux amendements adoptés par notre commission ont été repris in extenso par l’Assemblée nationale ; cela démontre une fois de plus que le Sénat a toute sa place dans le processus législatif de la Ve République.
Parmi les éléments positifs, je retiendrai le fameux article 32 bis, sur lequel nous avons beaucoup travaillé et que vous avez à juste titre mis en exergue, madame la secrétaire d’État. Cet article met fin au double régime de l’autorisation et de l’agrément dans le secteur des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Ce régime, institué par la loi du 26 juillet 2005, dite « loi Borloo », visait deux objectifs. Le premier a été atteint : il a permis des créations d’emplois, le secteur privé ayant été très actif et innovant en la matière. En revanche, pour le second objectif de la loi, à savoir établir la concurrence et fluidifier le marché, l’échec nous semble total. Au contraire, la loi de 2005 a complètement déstabilisé les acteurs de ce secteur, notamment les départements, financièrement à bout de souffle, mais aussi les acteurs associatifs de l’intervention à domicile, qui se sont trouvés placés dans des situations de concurrence auxquelles ils n’étaient pas habitués. Rappelons qu’il s’agit d’argent public.
M. Gérard Roche, corapporteur. Eh oui !
M. Jean-Noël Cardoux. Il était donc normal que l’on institue des « amortisseurs » pour éviter que la concurrence ne soit totalement sauvage : c’est un peu comme si, pour la sécurité sociale, on instituait une concurrence en matière d’honoraires des médecins…
Un seul régime demeurera, ce qui permettra aux conseils départementaux de maîtriser la filière et leurs dépenses. Bien entendu – je pense qu’il revient à notre groupe d’en parler –, les entrepreneurs privés du secteur ont été assez virulents contre une évolution qui vient les bousculer, mais il faut tout de même rappeler que, après concertation, d’autres « amortisseurs » ont été introduits à leur bénéfice dans le texte. Tout d’abord, le marché leur reste ouvert : ils pourront solliciter leur agrément d’aide sociale jusqu’en 2022, ce qui leur laisse un certain temps pour se mettre en règle. Ensuite, ils ne seront plus limités dans le volume d’heures de prestations, ce qui est un point important. Enfin, si les conseils départementaux leur refusent l’agrément, ils devront motiver leur décision. Ces éléments me semblent suffisamment rassurants pour les acteurs privés et nous espérons qu’un juste équilibre pourra être atteint.
Autre disposition importante, l’article 40 bis vise à remplacer, pour les EHPAD, les conventions tripartites par des CPOM. Ces conventions tripartites étaient quelque peu compliquées et, à l’époque de leur mise en place, elles avaient donné lieu à un certain glissement du volet sanitaire au détriment des finances des conseils généraux, qui s’en étaient émus. Vous avez pris l’engagement, madame la secrétaire d’État, que les CPOM ne permettraient plus de tels glissements entre la partie dépendance et la partie sanitaire ; nous en prenons bonne note.
Bien entendu, tout n’est pas parfait, et nous avons un certain nombre de regrets, l’Assemblée nationale ayant supprimé des dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat. Les points de divergence avec les députés portent en particulier sur la sanctuarisation en pourcentage des recettes de la CASA au sein de la CNSA – il s’agit des articles 4 et 8 –, sur l’utilisation de la CASA pour financer l’APA, prévue à l’article 38, sur la création, à l’article 45 ter, d’une section VII dédiée à l’investissement au sein de la CNSA.
Ceux d’entre nous qui ont siégé à la CNSA ont pu constater qu’il existait des « tuyauteries », comme on dit dans le jargon ministériel, permettant d’orienter les ressources vers des affectations non prévues à l’origine, d’où l’extrême prudence dont a fait preuve à juste titre la commission des affaires sociales en la matière. Certes, le dispositif qu’elle a adopté manque de souplesse, mais l’affectation en pourcentage présente au moins l’avantage de la clarté.
Autre sujet de discorde, madame la secrétaire d’État, l’Assemblée nationale a rétabli, à l’article 46, le Haut Conseil de la famille et des âges de la vie, que nous avions remplacé par un Haut Conseil de l’âge. J’ai entendu votre argument selon lequel tous les stades de la vie, en particulier l’âge actif, sont concernés par l’horizon de la dépendance, mais on se demande tout de même ce que l’enfance vient faire dans le périmètre d’une telle instance… On a tellement l’habitude des structures envahissantes et mal pilotées que l’on peut craindre que ce haut conseil ne devienne un fourre-tout. Selon nous, le caractère primordial du problème de la dépendance et de son financement futur justifie la création d’un Haut Conseil de l’âge dédié uniquement à la réflexion sur les moyens d’améliorer l’existence des personnes âges et sur le financement de la dépendance. Voilà pourquoi nous avons rétabli cette dénomination en commission.
Malgré toutes les améliorations obtenues, en particulier à l’article 32 bis – honnêtement, quand nous avons abordé la première lecture, je ne pensais pas que nous parviendrions à un tel résultat, mais la concertation s’est révélée très efficace –, nous déplorons, comme je l’indiquais en préambule, le manque de souffle et de réflexion sur certains modes de financement possibles.
Sans être exhaustif, j’évoquerai quelques pistes en matière d’amélioration des financements.
Premièrement, en ce qui concerne les SAAD, la suppression de l’abattement de 15 % puis celle du calcul des cotisations au forfait ont complètement déstabilisé financièrement les acteurs du secteur. L’année dernière, nous avons voté un abattement de 1,5 euro par heure, mais son application n’a pas été généralisée à l’ensemble des intervenants à domicile. Notre groupe prendra une initiative, lors de l’examen du projet de loi de finances, pour proposer une telle généralisation.
Deuxièmement, toujours en matière de services à domicile, notre groupe a demandé à un expert extérieur une analyse de la pertinence d’un éventuel assujettissement des prestations à domicile à la TVA au taux super-réduit. Les prestations salariées, n’étant pas assujetties à la TVA, sont soumises à la taxe sur les salaires. Si ces prestations étaient assujetties à la TVA, cela les exonérerait ipso facto de la taxe sur les salaires et permettrait aux prestataires, associations ou entreprises privées, de récupérer la TVA en amont, en particulier sur le matériel informatique, les véhicules et le carburant. Nous avons pensé qu’une telle démarche, financée par le groupe, était utile. Nous vous tiendrons informée, madame la secrétaire d’État, de ses conclusions ; nous aurons peut-être des surprises intéressantes en la matière.
Par ailleurs, pourquoi ne pas instaurer une seconde journée de solidarité par abandon d’un jour de RTT, comme je l’avais déjà proposé en première lecture ?
M. Jean Desessard. Oh là là !
M. Jean-Noël Cardoux. Vous pouvez bien vous exclamer, mon cher collègue, mais cela représente tout de même une recette de 2,5 milliards d’euros. Si nous ne faisons pas preuve d’imagination et d’audace, nous n’en sortirons jamais ! Je le répète, le texte ne prévoit pas de mettre en jeu 1 euro supplémentaire au-delà des 650 millions d’euros de la CASA ; notre rôle consiste donc à chercher d’autres financements.
Enfin, dernière piste, à laquelle je tiens beaucoup, il faudra tôt ou tard envisager la mise en place d’une démarche assurantielle privée dans le domaine de la dépendance. (M. Jean Desessard s’exclame.) Je sais bien, monsieur Desessard, que ce n’est pas votre tasse de thé, mais il faudra un jour poser le problème ! Les assureurs ont des produits à proposer en la matière. Il importe d’évoluer !
En conclusion, malgré des progrès significatifs, que je salue de nouveau, ce texte manque de souffle en matière de financement. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu proposer un certain nombre de pistes en vue d’assurer un financement ambitieux et pérenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le vieillissement est un véritable défi pour nos sociétés contemporaines, la part de la population âgée ne cessant de croître. On estime ainsi que, d’ici à 2060, le nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans fera plus que tripler. Il y a donc urgence à agir pour adapter la société à cette évolution.
Telle aurait dû être l’ambition de ce projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui comporte, certes, quelques avancées, mais reste encore trop éloigné des objectifs initiaux et des besoins exprimés par les différents acteurs.
Comment répondre aux défis du vieillissement quand le financement prévu se limite aux 650 millions d’euros issus de la CASA, alors que la seule réduction du reste à charge pour les résidants des EHPAD nécessiterait pas moins de 10 milliards d’euros ? Le financement du dispositif du projet de loi est en outre injuste, puisqu’il repose sur la seule CASA, prélevée sur les pensions des retraités imposables. Or on a tout juste de quoi vivre avec 1 200 euros par mois ! Il faudrait également évoquer le gel des pensions, la suppression de la demi-part fiscale des veuves et l’augmentation continue des dépenses contraintes, qui rendent la vie quotidienne des retraités plus difficile.
Pour notre part, nous continuons à penser que le risque dépendance doit être intégré dans la branche maladie de la sécurité sociale et que le financement de la solidarité intergénérationnelle doit reposer essentiellement sur la mise à contribution des revenus financiers des entreprises.
En première lecture et voilà encore un instant, nous avons entendu nos collègues de droite proposer de créer une seconde journée de solidarité en demandant aux travailleurs de renoncer à un jour de RTT, certains autres parlant d’augmenter la contribution sociale généralisée, la CSG, voire la CASA ou même la TVA.
Je veux rappeler une donnée importante : le coût global de l’accompagnement de la perte d’autonomie va passer de 22 milliards d’euros en 2010 – assurance maladie incluse – à 30 milliards d’euros en 2025. Il faudra donc trouver 8 milliards d’euros supplémentaires d’ici à quinze ans ; ce n’est pas rien ! À cet égard, nous refusons des pseudo-solutions aussi injustes qu’inefficaces.
Oui, monsieur Cardoux, il faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! C’est pourquoi le groupe CRC propose de créer, en tant que première étape de la mise à contribution des revenus financiers, une contribution de solidarité de 0,3 %, comme pour la CASA, non pas sur les pensions de retraite, mais sur les dividendes perçus par les actionnaires. Cela pourrait se faire à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec application au 1er janvier 2016. Cela permettrait de doubler dès maintenant le produit de la CASA.
Cela dit, ce projet de loi ouvre des pistes intéressantes. Il permet des avancées sur certains sujets, avec la mise en cohérence des actions de prévention à l’échelle départementale, le repositionnement des foyers-logements ou l’affirmation du droit au repos pour les aidants. Il consacre l’objectif d’adapter 80 000 logements pour les personnes âgées dépendantes. Il prévoit une revalorisation de l’APA.
Cependant, en réalité, seulement un tout petit nombre de personnes âgées bénéficieront des actions annoncées, compte tenu du manque de moyens, qui entraînera un ciblage sur des publics prioritaires très minoritaires.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors des débats en première lecture, il y a aussi urgence à refonder le secteur de l’aide à domicile.
Selon nous, cette refondation doit reposer, en premier lieu, sur l’établissement d’une juste rémunération des services à domicile et une véritable amélioration de la situation, aujourd’hui précaire, des salariés du secteur, qui sont à 98 % des femmes et sont soumis à de dures conditions de travail. Il faut aussi tendre vers une meilleure qualité de prestations. Tout cela devrait être réalisé, selon nous, dans le cadre global d’une maîtrise publique du secteur.
Je reviendrai largement sur ce sujet lorsque nous examinerons l’article 32 bis, prévoyant la création d’un régime d’autorisation unique pour les services à domicile et les EHPAD. Le rapport d’information sur l’aide à domicile que j’ai cosigné, en 2014, avec mon collègue Vanlerenberghe contenait déjà une telle préconisation, mais il la liait intimement à la mise en place d’une juste rémunération des services, à un meilleur accompagnement financier de l’État et à une restructuration du secteur. Tout cela aurait dû être objectivé à partir de l’étude nationale des coûts lancée par la direction générale de la cohésion sociale voilà maintenant plusieurs années. Nous regrettons que cette étude, qui nous paraît fondamentale, ne soit toujours pas disponible, malgré les engagements que vous avez pris ici, madame la secrétaire d'État, en première lecture.
Nous continuerons à plaider pour la suppression des barrières d’âge conditionnant le bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap, ainsi que pour la fixation, dans les EHPAD, d’un ratio de personnel minimal à hauteur des besoins.
Nous continuerons à demander la représentation des associations et des organisations syndicales représentatives des personnes âgées et des retraités au sein des conférences des financeurs, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie.
Enfin, nous pensons qu’il est indispensable de renforcer les moyens et de garantir l’indépendance des maisons départementales des personnes handicapées, par le biais de la constitution d’un groupement d’intérêt public. La création des maisons départementales de l’autonomie prévue à l’article 54 ter de ce texte ne doit pas être un prétexte à la départementalisation des services des MDPH.
Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, notre groupe s’abstiendra sur ce texte, trop insuffisant pour répondre aux enjeux de l’adaptation de la société au vieillissement.
Madame la secrétaire d'État, en première lecture, nos débats furent riches. Vous aviez pleinement pris le temps de discuter avec nous et de répondre à chaque question posée. J’espère qu’il en ira de même à l’occasion de cette deuxième lecture : cela permettra au groupe CRC d’affiner ses remarques et ses propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la France connaîtra d’ici à 2035 un vieillissement important de sa population, en raison de l’arrivée progressive à l’âge de soixante ans des générations du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Les personnes de soixante ans et plus représenteront alors 31 % de la population. On pourra véritablement parler de « papy-boom, ou plutôt de « mamie-boom », les femmes constituant plus de la moitié de l’humanité… (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Il s’agit d’un véritable bouleversement démographique, qui nous amène à repenser nos politiques pour l’autonomie. La situation des personnes âgées doit être pleinement prise en compte dans les politiques publiques. À cet égard, il faut éviter de tomber dans le piège qui consisterait à tout miser sur la silver economy, laquelle réduit les personnes âgées à un « nouveau marché » à conquérir. (M. Georges Labazée, corapporteur, opine.)
En effet, adapter la société au vieillissement, c’est faire le choix d’une société solidaire, inclusive, pour renouer le lien social. C’est un défi que nous devons collectivement relever ; tel est l’objet du présent projet de loi.
Le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture se caractérise par un souci de transversalité. Il contient une série de mesures concrètes qui touchent à tous les champs de la perte d’autonomie : aides financières, habitat, innovations techniques, structuration des réseaux territoriaux…
Les mesures phares en sont incontestablement la revalorisation de l’APA à hauteur de 375 millions d’euros par an et le relèvement des plafonds pour que les bénéficiaires de celle-ci disposent de jusqu’à 30 % d’heures d’aide à domicile en plus. C’est une avancée importante pour les 700 000 bénéficiaires de l’APA.
La création d’un droit au répit pour les aidants constitue une autre avancée importante. En effet, 20 % des 4,3 millions d’aidants souffrent de symptômes de fatigue morale ou physique, ayant des effets sur leur santé. Le projet de loi prévoit une allocation, pouvant aller jusqu’à 500 euros par an, afin de financer le séjour de la personne aidée dans un lieu d’hébergement temporaire ou un accueil de jour, de manière que la personne qui l’accueille puisse se reposer quelques jours. Cette mesure, très bénéfique pour les aidants, a le soutien des écologistes.
Plan national d’adaptation de 80 000 logements privés d’ici à 2017, aides à la réhabilitation des logements-foyers, création de nouveaux postes dans ces résidences : de nombreuses autres mesures du projet de loi sont très positives, et nous ne pouvons que les saluer.
En première lecture, plusieurs des amendements écologistes ont été adoptés par le Sénat et conservés par l’Assemblée nationale, ce qui renforce encore notre avis favorable sur ce texte.
Ainsi, nous avons obtenu la transformation du congé de soutien familial en congé de proche aidant. Ce congé, qui est aujourd’hui réservé aux membres de la famille, sera étendu aux aidants, familiaux ou non, des personnes âgées ou handicapées.
Nous avons également obtenu la remise au Parlement d’un rapport gouvernemental étudiant la faisabilité d’un projet de monnaie complémentaire pour l’autonomie. Inspiré d’un système déjà en vigueur au Japon, le principe est simple : une personne qui aide une personne âgée est rémunérée en tickets solidarité, qu’elle peut soit conserver pour ses vieux jours, soit transmettre à l’un de ses proches âgés. Le but est de recréer du lien social, de favoriser l’entraide, de répondre aux enjeux budgétaires énormes de la perte d’autonomie et de remettre la solidarité au cœur de nos relations avec les personnes âgées.
Ce projet me tient particulièrement à cœur, et je profite de cette occasion pour vous rappeler, madame la secrétaire d'État, mon attachement à une mise en œuvre rapide d’un tel système au bénéfice de nos aînés.
À l’occasion de cette deuxième lecture, nous présenterons quatre amendements visant à renforcer le rôle des aidants familiaux, à soutenir les particuliers employeurs et, enfin, à rétablir le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, afin d’assurer une réelle transversalité de nos politiques de solidarité.
En conclusion, ce projet de loi, qui est le fruit d’une réelle coconstruction entre les deux assemblées, constitue un premier pas important pour l’anticipation et l’accompagnement du vieillissement et pour l’adaptation de notre société à celui-ci.
Certes, les moyens mobilisés auraient pu être plus importants, mais les sénatrices et les sénateurs écologistes souhaitent saluer l’évolution de nos politiques publiques que permettra ce texte, qu’ils voteront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)