Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Vous connaissez mon attachement à ce qu’une seule et même instance couvre l’ensemble des âges de la vie. Les problématiques auxquelles je suis confrontée dans le cadre de mes fonctions me montrent chaque jour la pertinence d’une réponse transversale, spécifique et intergénérationnelle.
Avec près de 4 millions de proches aidant les personnes âgées, comment pourrait-on concevoir les politiques publiques en faveur de ces dernières en dehors de la sphère familiale dans laquelle elles s’inscrivent ? Comment pourrait-on engager l’adaptation de notre société au vieillissement en ne faisant reposer la réflexion que sur une partie seulement de la population ? Comment pourrait-on développer une vision novatrice pour notre société sans intégrer les dynamiques intergénérationnelles qui la traversent et sans les soutenir ?
Il ne s’agit pas de remettre en cause la spécificité de l’âge, ni même l’intérêt d’une instance de réflexion sur ce sujet. Il s’agit avant tout de considérer les personnes âgées dans leur environnement. Il est impératif d’ancrer le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans la réalité du terrain, si nous voulons faire en sorte qu’il puisse animer utilement le débat public et apporter une expertise pertinente aux pouvoirs publics.
Cette dimension intergénérationnelle ouvre une formidable perspective sans pour autant remettre en cause les avancées que vous souhaitez apporter avec le Haut Conseil de l’âge. Au contraire, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge les prendra pleinement en compte, puisqu’il donne d’ores et déjà à ses membres des compétences identiques.
Les personnes âgées seront évidemment parties prenantes de ce haut conseil et leurs besoins spécifiques entendus. La formation spécialisée du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge qui sera dédiée aux personnes âgées n’est pas un Haut Conseil de l’âge dégradé. Je tiens à insister sur ce point, car j’ai cru comprendre que certains d’entre vous éprouvaient des craintes à cet égard. Ce haut conseil préservera les missions de l’actuel Comité national des retraités et personnes âgées, le CNRPA, tout en lui donnant une nouvelle envergure. Sa composition sera ouverte à l’ensemble du secteur des personnes âgées, établissements et services à domicile. Il comptera également des experts, dont la contribution apportera un éclairage qui n’est à ce jour donné aux pouvoirs publics que lorsque ces derniers le demandent. Les aidants y auront aussi toute leur place, compte tenu de leur rôle dans l’accompagnement de nos aînés, mais aussi parce qu’il s’agit d’un sujet qui traverse toutes les générations. Les associations qui luttent contre l’isolement des personnes âgées seront aussi représentées.
Placé au sein du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, qui comprendra notamment l’actuel Haut Conseil de la famille, l’ex-CNRPA sera en mesure de faire entendre à l’ensemble des générations les spécificités de ceux qu’il représente.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement présentera un amendement de rétablissement du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.
Le troisième sujet que je souhaite aborder concerne les établissements.
Les députés ont voté le mois dernier la réforme de la tarification des EHPAD que je leur ai proposée. Les relations des EHPAD avec les autorités de tarification devaient être modernisées, et l’autonomie des gestionnaires accrue, dans la logique de simplification que suit le Gouvernement.
La mise en place dès 2017, de manière progressive, des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens pluri-EHPAD pouvant intégrer d’autres établissements pour personnes âgées ou handicapées en est le symbole.
Cette modernisation s’assortit d’une réforme de la tarification des soins en EHPAD. Elle a également été pensée sous l’angle de la visibilité et de la simplicité. Cette réforme de la tarification traduit aussi un engagement du Gouvernement de dimensionner les crédits accordés aux besoins de chaque EHPAD, en prenant en compte la dépendance et l’état de santé des personnes accueillies. C’est un engagement fort, qui permettra de renforcer les moyens humains de près de 85 % des EHPAD.
Enfin, en première lecture au Sénat, nous avions eu à débattre longuement des résidences services en copropriété, mais aussi du modèle global. Votre assemblée avait marqué le souhait de pouvoir disposer d’un cadre juridique, en proposant une première définition des résidences seniors.
Lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé de compléter cette définition par un cadre normatif pour les résidences services, notamment pour les personnes âgées. Ce nouveau cadre sécurisera les pratiques contractuelles entre les gestionnaires et les résidants, s’agissant en particulier des contrats de bail et de services associés. Il donnera de la visibilité à cette offre nouvelle, dont le développement est croissant, car elle répond aux besoins d’une partie des personnes âgées.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur des personnes âgées et des familles. Ce sont plus de 650 millions d’euros qui viendront financer les mesures nouvelles du projet de loi, grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. C’est un choix politique fort.
Nous pourrions, bien sûr, toujours nous concentrer sur ce qui manque dans ce texte – vous y trouverez certainement des lacunes –, sur les financements supplémentaires qui pourraient venir abonder de nouvelles mesures. Toutefois, je souhaite vous rappeler que ce projet de loi constitue une étape remarquable dans la prise en charge et la prévention de la perte d’autonomie, une étape qui a le mérite d’avoir été annoncée, concertée et mise en œuvre, et qui aura l’intérêt d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens.
S’agissant du financement, la commission des affaires sociales du Sénat a souhaité, de nouveau, affecter les recettes de la CASA aux différentes mesures de ce projet de loi, avec un fléchage très précis.
Si je comprends votre intention, j’appelle cependant votre vigilance sur le fait que cette répartition pourrait se révéler contre-productive et qu’elle soulève, d’ores et déjà, des difficultés opérationnelles.
L’article 38 prévoyait initialement l’affectation d’un pourcentage du produit de la CASA au financement de la réforme de l’APA à domicile, mais le dispositif réintroduit par votre commission va beaucoup plus loin, en figeant dans la loi des pourcentages sur des dispositifs nouveaux, qu’il s’agisse de la conférence des financeurs ou du droit au répit, qu’il est difficile, à ce stade, de quantifier davantage que nous ne l’avons fait au travers du projet de loi et dont l’évolution est encore inconnue.
La fixation de tels pourcentages n’est, à mon sens, pas opportune, car elle est source de fortes rigidités. Cette répartition en « tuyaux d’orgue », si vous me passez cette expression, empêche d’ajuster les affectations en fonction de la sous-consommation ou de la surconsommation de certaines dépenses, de l’augmentation des besoins ou encore du dynamisme de la recette. Cela pose un véritable problème au moment où nous partageons tous le souci d’engager les dépenses publiques à bon escient et de la manière la plus efficiente.
Plutôt que de sécuriser les départements, cette répartition pourrait, au contraire, alourdir considérablement la gestion des concours versés par l’État au titre de l’APA. Les fractions du produit de la CASA affectées aux trois volets de la réforme de l’APA et au soutien du secteur de l’aide à domicile viendraient complexifier une compensation qui fera l’objet d’un unique concours aux départements.
En tout état de cause, devant les besoins existants, j’ai souhaité mettre en œuvre dès 2015 des mesures d’anticipation de la mise en œuvre du projet de loi et du financement de la prise en charge de la perte d’autonomie.
Nous allouons ainsi, cette année, 25 millions d’euros de concours APA supplémentaires aux départements pour compenser le coût de la revalorisation salariale de la branche de l’aide à domicile, 100 millions d’euros pour alimenter le plan pluriannuel d’aide à l’investissement pour 2015-2017, dont les deux tiers seront consacrés aux personnes âgées, 20 millions d’euros au profit de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, pour adapter 15 000 nouveaux logements à la perte d’autonomie, 5 millions d’euros pour abonder les fonds départementaux de compensation du handicap, notamment au profit des personnes handicapées vieillissantes, 4 millions d’euros pour financer le soutien aux aidants et la préfiguration de la conférence des financeurs et, enfin, 2,9 millions d’euros pour la poursuite de la réhabilitation des logements-foyers.
Vous le voyez, le Gouvernement et moi-même sommes pleinement mobilisés afin de relever le défi du vieillissement de la population, sans doute l’un des plus beaux que notre société ait à affronter. À l’occasion de cette deuxième lecture, je suis certaine que le Sénat apportera une contribution importante et constructive en ce sens, et que nous aurons de nouveau un débat à la fois exigeant et utile à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, corapporteur.
M. Georges Labazée, corapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à vous rassurer : ce n’est pas parce qu’un Béarnais préside cette séance et qu’un autre s’adresse à vous de cette tribune que je m’exprimerai en béarnais ! (Sourires.)
M. Daniel Chasseing. C’est dommage !
M. Georges Labazée, corapporteur. Lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en mars dernier, j’avais ouvert mon propos en rappelant l’ambition qui sous-tend ce texte : changer notre regard sur le vieillissement.
Cette ambition fait l’objet d’un consensus sur toutes les travées de cet hémicycle, comme l’a montré le vote à l’unanimité du Sénat sur ce projet de loi en première lecture. Elle est également partagée par nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont confirmé, lors de leur deuxième lecture, en septembre dernier, la majeure partie des modifications que le Sénat avait adoptées.
Alors que nous entamons, à notre tour, une deuxième lecture qui va bien naturellement se concentrer sur les différences entre les textes issus des deux assemblées, ne perdons pas de vue cette ambition commune, ni le fait que de grandes lignes de convergence ont été d’ores et déjà définies avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’une trentaine d’articles ont été adoptés conformes par les deux assemblées et, sur la soixantaine restant en discussion, plus de la moitié ont été approuvés par la commission des affaires sociales du Sénat sans modification ou moyennant des amendements rédactionnels. Notre discussion devrait donc se concentrer sur un nombre restreint d’articles.
Voilà plus d’un an que le parcours législatif de ce projet de loi a débuté. Le Premier ministre souhaite que la loi soit appliquée au début de l’année 2016. Vous avez déclaré, madame la secrétaire d’État, que les décrets d’application étaient en cours de préparation depuis plusieurs mois déjà. Je me réjouis de l’accélération du calendrier, qui ne dépend pas forcément des parlementaires, car nous savons tous combien cette loi est attendue par les personnes âgées, leurs proches aidants, mais aussi l’ensemble des personnels des établissements d’accueil et de soins.
Avant que ne s’exprime mon collègue Gérard Roche, avec qui j’ai pris plaisir à travailler selon une formule peu habituelle de cohabitation entre un rapporteur de la majorité sénatoriale et un rapporteur de l’opposition, je souhaiterais évoquer plus particulièrement deux sujets qui font l’objet soit d’un désaccord, soit au contraire d’un rapprochement de vues entre le Sénat et l’Assemblée nationale : la gouvernance de la politique à l’égard des personnes âgées et la clarification des cadres juridiques pour les résidences d’hébergement de personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes.
Les enjeux de gouvernance, tout d’abord, font l’objet, avec l’Assemblée nationale, à la fois d’un désaccord sur le périmètre du Haut Conseil de l’âge au niveau national et d’une pleine convergence de vues sur les instances créées à l’échelon local que sont les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, les conférences des financeurs ou encore les maisons départementales de l’autonomie.
Pour ce qui concerne le Haut Conseil de l’âge, institué à l’article 46 du projet de loi, le Sénat souhaite qu’il soit spécifiquement dédié à la politique de l’âge, comme le prévoyait le texte initial, afin de donner à l’article 1er sa pleine consistance, de faire de l’adaptation de la société au vieillissement un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques. L’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, a étendu sa compétence aux politiques de la famille et de l’enfance.
Cette formule doit permettre le rapprochement de trois politiques certes liées, mais elle va à l’encontre d’un autre rapprochement, plus pertinent à nos yeux, entre les personnes âgées et les personnes handicapées autour de l’enjeu de l’autonomie. C’est ce rapprochement qui est opéré depuis l’entrée en application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et qui doit conduire, à terme, à la création d’un cinquième risque « dépendance » de la sécurité sociale. C’est ce rapprochement, madame la secrétaire d’État, que vous réalisez au niveau départemental avec la création, à l’article 54 bis, des CDCA, dont nous nous félicitons. La commission des affaires sociales a donc rétabli, sur ce point, en reprenant toutefois la simplification rédactionnelle opérée à l’Assemblée nationale, le texte qui avait été adopté par le Sénat en première lecture. Les voies d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat seront recherchées en commission mixte paritaire.
Nous sommes, en revanche, pleinement satisfaits de la rédaction de l’article 3 concernant les conférences des financeurs, très attendues dans les territoires ; elle est désormais adaptée au fait métropolitain. De même, le Sénat a été entendu sur la nécessité d’encadrer la procédure de création des maisons départementales de l’autonomie, à l’article 54 ter, en soumettant celle-ci à l’accord préalable des maisons départementales des personnes handicapées. L’affirmation du rôle pilote des départements dans la prise en charge des personnes âgées, introduite par le Sénat en première lecture à l’article 52 A, a également été confirmée par l’Assemblée nationale.
Nos deux assemblées se sont également rapprochées sur la question des cadres juridiques des résidences hébergeant des personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes.
Grâce au travail de votre commission, les intitulés de ces catégories de résidences sont désormais sans ambiguïté : les foyers-logements deviennent les « résidences autonomie », dans un cadre fixé à l’article 11 ; les résidences-services de première génération, dont le cadre juridique a été profondément rénové par l’article 15, sont désormais appelées « copropriétés avec services » ; enfin, les résidences-services de deuxième génération, que le Sénat avait souhaité doter d’un statut juridique, défini à l’article 15 bis A, peuvent poursuivre leur développement sous le nom de « résidences-services ».
Cette clarification des intitulés correspond également, et surtout, à une clarification des règles régissant ces structures, qui devrait permettre d’éviter les dérives que nous avons pu connaître par le passé.
Concernant les résidences autonomie, la commission a instauré un droit d’option, pour les établissements percevant déjà le forfait de soins courants, le FSC, entre ce forfait et le forfait autonomie, permettant de financer des actions de prévention de la perte d’autonomie. Il ne nous paraît pas opportun d’exclure a priori toutes les résidences autonomie percevant le FSC, alors qu’elles pourraient bénéficier d’un montant de forfait autonomie plus élevé. Je rappelle qu’une enveloppe annuelle de 40 millions d’euros est prévue au titre de ce forfait autonomie ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Le statut des copropriétés avec services ne fait plus l’objet de divergences entre les deux assemblées, l’Assemblée nationale ayant confirmé la liberté laissée aux copropriétés existantes de choisir entre l’ancien cadre juridique et le nouveau. Le souci du Sénat de ne pas déstabiliser les copropriétés existantes dont la gestion satisfait pleinement leurs occupants a donc été entendu.
Enfin, je me félicite que l’amendement relatif à la création du statut des résidences-services adopté par le Sénat en première lecture ait porté ses fruits. Ces structures disposent désormais d’un cadre, issu d’une étroite concertation avec les professionnels, leur permettant de poursuivre leur développement ; nous savons qu’elles représentent une solution d’avenir.
Pour conclure, je souhaiterais aborder trois derniers sujets que le Sénat avait soit évoqués, soit introduits dans le texte au cours de la première lecture, et qui ont fait l’objet d’une confirmation de l’Assemblée nationale.
J’évoquerai, d’abord, la question du répit des proches aidants.
En première lecture, j’avais défendu un amendement visant à instaurer un droit d’expérimentation de solutions d’accueil associant à l’hébergement temporaire pour personnes dépendantes un séjour de vacances pour leurs proches aidants. Je me réjouis que cette disposition se retrouve finalement à l’article 45 du projet de loi.
Ensuite, l’article 16 ter, introduit par le Sénat afin d’instaurer une priorité pour l’attribution aux personnes âgées de logements adaptés dans le parc social, a également été confirmé par l’Assemblée nationale. Le dispositif a été adapté pour assurer une meilleure coordination avec le droit au logement des personnes défavorisées, mais la voix du Sénat a été entendue sur cette question.
Enfin, je souhaiterais revenir sur l’article 55 A, qui permet la récupération des prestations d’aide sociale sur les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie.
M. Georges Labazée, corapporteur. Je rappelle le principe : il ne nous paraît pas normal qu’une personne qui serait bénéficiaire d’une aide sociale attestant d’une situation de mauvaise fortune puisse, dans le même temps, verser des primes sur un contrat d’assurance-vie.
Ce principe a été suivi par l’Assemblée nationale, mais celle-ci a adopté un amendement du Gouvernement tendant à instituer un seuil de 30 500 euros, en dessous duquel les récupérations ne sont pas possibles. L’instauration de ce seuil, inspiré par ceux qui sont prévus en matière fiscale, a pour conséquence de tuer purement et simplement le dispositif. La commission a décidé de le supprimer pour faciliter cette récupération et sécuriser les départements exerçant un recours.
Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de l’adoption de ce texte, qui est le fruit d’un rapprochement entre nos deux assemblées.
J’ajoute que la commission demande la réserve de l’article 2 et du rapport annexé, afin qu’ils soient examinés à la fin de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, corapporteur.
M. Gérard Roche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, Georges Labazée a parfaitement résumé le déroulement de la navette parlementaire depuis l’année dernière. Les deux assemblées ont beaucoup travaillé à amender, à préciser, à compléter parfois, un texte qui permet d’appréhender de façon globale la problématique du vieillissement. Sur bien des points, les positions du Sénat ont été comprises et acceptées en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. De même, notre commission a rejoint beaucoup des positions défendues par cette dernière.
Madame la secrétaire d'État, je tiens à vous remercier de l’écoute dont vous avez su faire preuve et du travail que vous avez mené avec vos équipes pour tenir compte des propositions que le Sénat avait formulées lors de la première lecture.
Je pense en particulier à l’article 32 bis du projet de loi, que notre commission des affaires sociales avait introduit en première lecture. Vous nous aviez alors trouvés « audacieux » : nous le prenons comme un compliment ! Il s’agissait d’aller plus vite que ne le prévoyait le projet de loi initial dans la convergence entre les régimes d’agrément et d’autorisation des services d’aide à domicile. La solution proposée au Sénat était simple et, sans doute, un peu radicale : supprimer, à un horizon de cinq ans, le régime de l’agrément, pour créer un régime unique d’autorisation fondé sur le respect d’un cahier des charges commun à l’ensemble des services et sur l’obligation de contractualiser avec l’autorité de tarification.
L’Assemblée nationale a, sur votre initiative, madame la secrétaire d'État, proposé une nouvelle version de cet article, plus équilibrée, qui permet d’opérer dès à présent le basculement vers le régime de l’autorisation, sans pour autant créer de bouleversement, dans la mesure où l’autorisation et l’entrée dans un régime de tarification administrée sont désormais dissociées.
Je m’attarderai quelques instants sur les raisons qui ont poussé le Sénat à proposer la convergence vers un régime unique d’autorisation des services d’aide à domicile, à la suite de l’excellente étude réalisée sur le sujet par Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin. Nous n’avons pas souhaité instaurer une simple mesure de simplification de l’organisation de ces procédures administratives. Nous n’avons pas non plus voulu fermer la porte à toute initiative privée, en empêchant les entreprises de développer des activités en matière d’aide à domicile. Nous n’avons pas, enfin – ce serait mal nous connaître ! –, pensé qu’il serait pertinent, dans le contexte actuel, de faire peser sur les départements une charge de travail et des dépenses qu’ils ne peuvent assumer.
Nous avons tenu à affirmer clairement et sans détour des principes très simples, mais qui avaient peut-être été quelque peu oubliés en 2005 lors de la création du système dual entre autorisation et agrément. Une activité dont le développement repose, pour l’essentiel, sur les financements alloués par la puissance publique à travers l’APA et la PCH, la prestation de compensation du handicap, ne peut être considérée comme relevant d’un marché comme un autre. L’aide à domicile auprès des personnes âgées et handicapées n’est pas une activité de services comparable, par exemple, à l’aide aux devoirs. Les missions d’intérêt général qu’elle remplit doivent être valorisées et les départements doivent pouvoir reprendre la main pour organiser, sur leur territoire, une activité qui appartient pleinement au secteur médico-social.
Voilà les principes qui nous ont guidés et qui font que nous sommes aujourd’hui satisfaits de l’équilibre atteint au travers de l’article 32 bis. Notre commission ne lui a apporté que peu de changements, sinon pour prévoir l’information annuelle de l’assemblée délibérante sur les décisions prises par le président du conseil départemental dans le champ de l’aide à domicile et pour indiquer que le cahier des charges national devra comporter un tarif national de référence, modulable en fonction de critères locaux, dont je précise bien qu’il aura une valeur purement indicative.
Nous avons, par ailleurs, décalé au 1er juillet 2016 l’entrée en vigueur de l’article 32 bis, afin de laisser aux départements et aux services concernés le temps de se préparer à la mise en œuvre du régime unique d’autorisation.
J’ai exprimé à plusieurs reprises ma déception de ce que le problème central rencontré par les personnes âgées dépendantes et leurs familles, à savoir le poids du reste à charge en EHPAD, ne soit abordé qu’à la marge dans ce projet de loi.
En première lecture, le Sénat avait adopté un article 40 bis qui, profondément remanié par l’Assemblée nationale, engage aujourd’hui une réforme de la tarification des EHPAD, en prévoyant que les conventions tripartites seront progressivement remplacées par des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM. Cette réforme suscite bien sûr l’inquiétude des conseils départementaux, mais elle doit, en principe, s’accompagner d’une augmentation progressive, sur sept ans, du niveau du forfait soins alloué à chaque EHPAD, afin d’éviter tout risque de glissement de dépenses sanitaires vers les dépenses sociales. Pour nous, ce point est très important.
L’article ayant été inséré en cours de lecture, nous ne disposons d’aucune étude d’impact qui nous permettrait d’apprécier en détail les conséquences pratiques de son application sur le fonctionnement des établissements et sur leurs résidants, mais nous approuvons l’esprit de mesures dont la Cour des comptes avait souligné la nécessité en septembre 2014 et qui semblent avoir fait l’objet de travaux poussés entre le Gouvernement et les acteurs du secteur.
Nous avons malgré tout souhaité atténuer le mécanisme de sanctions prévu dans l’hypothèse où un gestionnaire d’EHPAD refuserait de signer un CPOM, afin de ne pas déséquilibrer les conditions de la négociation du contrat entre établissements, départements et ARS. Une sanction financière démesurée serait automatiquement répercutée par le gestionnaire sur le prix de journée, et c’est au final le résidant qui subirait les conséquences de l’absence d’accord entre l’EHPAD et les autorités de tarification.
Cette remarque me conduit à aborder un autre point qui, malheureusement, fait beaucoup moins consensus entre nos deux assemblées.
Il s’agit de l’article 45 ter, introduit en première lecture au Sénat, supprimé par l’Assemblée nationale, puis rétabli la semaine dernière par notre commission. Au travers de cet article, il est prévu de créer, au sein du budget de la CNSA, une section consacrée au financement de l’aide à l’investissement dans le secteur médico-social. Trop souvent, le poids des investissements réalisés par les établissements pèse lourdement sur le reste à charge acquitté par les résidants.
La nécessité de sécuriser l’aide à l’investissement devait, déjà, sembler suffisamment importante pour que le Sénat formule, lors de l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, une proposition exactement identique à celle que présente notre commission aujourd’hui. L’Assemblée nationale avait alors rejoint notre analyse. C’est le gouvernement de l’époque qui nous avait demandé de patienter jusqu’à la grande réforme de la prise en charge de la dépendance, alors annoncée pour 2011.
Depuis, les mesures provisoires succèdent aux mesures provisoires. Chaque plan d’aide à l’investissement est généralement gelé en début d’exercice avant que ne soit prélevée, pour compenser ce gel, une partie des réserves de la CNSA.
Ces jeux de tuyauterie, exercice ô combien chéri par la CNSA, fonctionnent à plein. Au final, les structures médico-sociales n’ont pas de visibilité pluriannuelle sur le niveau des aides qui pourront leur être allouées et les membres du conseil de la CNSA ne peuvent qu’observer ces mécanismes tout en conservant l’espoir de pouvoir un jour comprendre la façon dont est structuré le budget de la caisse…
Nous vous proposons un dispositif simple et clair, qui permettra d’alimenter de façon pérenne l’aide à l’investissement. Madame la secrétaire d'État, vous vous êtes engagée à financer un plan pluriannuel d’investissement pour les années 2015 à 2017 avec une partie du produit de la CASA qui n’aura pas été consommée pendant la montée en charge du dispositif de la loi actuellement en vigueur. L’article 45 ter adopté par notre commission tient compte de cet engagement et prévoit que, à l’issue de cette période, 4 % du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie soient consacrés à l’aide à l’investissement.
Le dernier point de divergence entre les deux assemblées est également d’ordre financier. Notre commission a souhaité, comme en première lecture, flécher les modalités d’utilisation du produit de la CASA s’agissant des sommes qui seront allouées aux conférences des financeurs de la prévention et à la perte d’autonomie, ainsi qu’à la réforme de l’APA. Nous tenons beaucoup à ce fléchage, qui doit permettre d’apaiser les inquiétudes des présidents de conseil départemental : nous voulons pouvoir leur dire que les dépenses nouvelles liées à l’amélioration de la prise en charge des GIR 1 et GIR 2 et la diminution du reste à charge n’induiront pas, pour les départements, de dépenses sensiblement supérieures à celles qu’ils supportent actuellement.
L’Assemblée nationale considère qu’une telle proposition sera source de rigidité excessive. Nous estimons, au contraire, cohérent de donner la main au législateur pour définir les modalités financières de mise en œuvre d’une réforme qu’il s’apprête à voter. Nous soulignons en outre qu’il sera loisible au Parlement de réexaminer chaque année, au moment de l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale, les modalités d’utilisation du produit de la CASA. Cette démarche nous semble plus vertueuse que rigide, et de nature à responsabiliser le Parlement pour le suivi de la mise en œuvre de la loi.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ces différents points au cours de nos débats. Nous ne sommes pas d’accord sur tout avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, mais le contraire aurait été fortement suspect ! Je crois cependant que nous pouvons nous accorder sur l’essentiel et démontrer ensemble que le bicamérisme, lorsqu’il permet de construire, au-delà des clivages politiques et des prises de position de circonstance, une réforme attendue de longue date par nos concitoyens a encore son utilité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Comme l’a indiqué M. le corapporteur Georges Labazée, je suis saisi par la commission des affaires sociales d’une demande de réserve de l’article 2 et du rapport annexé jusqu’à la fin de la discussion des articles.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?