Article 45
Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Dispositions spécifiques à l’action de groupe
« Art. L. 1134-6. – Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° … du … relative à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire s’applique à l’action de groupe prévue à la présente section.
« Art. L. 1134-7. – Une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise peut agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux mentionnés à l’article L. 1132-1 et imputable à un même employeur privé.
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
« Art. L. 1134-8. – L’action ne peut tendre qu’à la cessation du manquement.
« Art. L. 1134-9. – Par dérogation à l’article 22 de la loi n° … du … relative à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, préalablement à l’engagement de l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7, les personnes mentionnées à ce même article L. 1134-7 demandent à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective.
« Dans un délai d’un mois à compter de cette demande, l’employeur en informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
« L’auteur de la demande mentionnée au premier alinéa du présent article peut exercer l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7 lorsque, dans un délai de six mois à compter de cette demande, l’employeur n’a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause.
« Art. L. 1134-10. – L’action de groupe suspend, dès la mise en demeure mentionnée à l’article L. 1134-9, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s’est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 278, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
1° Remplacer les mots :
au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise
par les mots :
au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9
2° Supprimer le mot :
privé
II. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1134-8. – L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
III. – Alinéa 10
Après le mot :
employeur
insérer les mots :
, par tout moyen conférant date certaine à cette demande,
IV. – Alinéas 13 et 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 1134-10. – Lorsque l’action tend à la réparation des préjudices subis, elle s’exerce dans le cadre de la procédure individuelle de réparation définie au chapitre Ier du titre V de la loi n° ... du... relative à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, sous réserve des dispositions du présent article.
« Le tribunal de grande instance connaît des demandes en réparation de la discrimination auxquelles l’employeur n’a pas fait droit. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à permettre l’indemnisation des victimes dans le cadre de l’action de groupe régie par le code du travail.
Le texte initial du Gouvernement avait prévu la procédure de mise en demeure et avait exclu le préjudice moral. La commission, quant à elle, a supprimé toute action d’indemnisation. Le Gouvernement souhaite donc réintroduire la réparation du préjudice, donc la procédure de mise en demeure, et introduire le principe de l’indemnisation du préjudice moral. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, l’indemnisation morale est une réparation que les juridictions ont l’habitude de traiter dans des contentieux extrêmement divers.
Mme la présidente. L'amendement n° 159, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.
Mme Cécile Cukierman. Comme le précise le rapport, la rédaction initiale du projet de loi restreignait fortement la portée de cette action de groupe en matière de discrimination au travail, puisque le préjudice moral en était exclu et qu’il limitait la réparation des préjudices à ceux qui étaient nés après la réception de la mise en demeure.
En d’autres termes, les préjudices indemnisables n’auraient été que ceux qui avaient été subis durant les sept mois entre la mise en demeure et le jugement, ce qui est inadmissible à nos yeux. Le rapporteur a supprimé cette seconde limite, mais il a, dans le même temps, restreint un peu plus le champ de cette action, puisque l’indemnisation du préjudice disparaît, l’action n’étant plus qu’en cessation du manquement.
Pour nous, il s’agit d’un recul incompréhensible. Les discriminations de masse sont une réalité sociale qui perdure, et nous devons tous en prendre la mesure. Les discriminations femmes-hommes liées à l’état de santé, à l’âge ou encore à l’origine, sans oublier les discriminations syndicales, n’ont pas faibli dans l’histoire du travail et dans la relation de subordination du salarié à son employeur.
Or vous le savez, mes chers collègues, les ressources juridiques existant aujourd’hui sont d’une efficacité limitée pour faire reconnaître, de façon générale, les discriminations individuelles, spécialement à l’embauche. Elles ne sont pas plus redoutables, ni davantage redoutées pour « contrer les discriminations collectives », pour reprendre les mots entendus lors des auditions. L’arsenal répressif est largement inopérant et l’arsenal préventif, de type « CV anonyme », est d’une utilité malheureusement limitée.
Pour les parlementaires du groupe CRC, l’action de groupe en matière de discrimination au travail s’inscrit dans la reconquête du principe républicain d’égalité. Il s’agit aujourd’hui d’être volontariste. C’est pourquoi nous vous proposons de voter notre amendement, même si son objet est très mal rédigé, j’en conviens.
Mme la présidente. L'amendement n° 160, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. À notre sens, l’action de groupe devrait être, passez-moi l’expression, mes chers collègues, un « véhicule procédural universel ».
Comme pour l’action de groupe socle, nous pensons non seulement que cette mise en demeure préalable n’a aucun sens, surtout en matière de discrimination, mais que, au contraire, elle pourrait constituer un obstacle supplémentaire à l’action, alors que l’action de groupe est ouverte pour combattre l’inertie des victimes et renforcer leur accès au juge.
De plus, il faut relever, comme nous y invitent de nombreux juristes, qu’un décret du 11 mars 2015 impose déjà que la demande en justice contienne mention des diligences entreprises en vue de la résolution à l’amiable du litige. Dès lors, nous ne comprenons pas cette redondance, que nous voulons supprimer.
Mme la présidente. L'amendement n° 78 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par le mot :
alléguée
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Cet amendement ainsi que l’amendement n° 79 rectifié, qui visent les alinéas 10 et 12 de l’article 45, ont pour objet d’apporter une précision importante : puisque, à ce stade de la procédure, la responsabilité de l’entreprise n’a pas été jugée, il convient de parler de « discrimination collective alléguée » et non pas simplement de « discrimination collective ».
Mme la présidente. L'amendement n° 157, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
de six
par les mots :
d'un
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les précédents. Il est donc défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 209, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
six
par le mot :
deux
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. L’action de groupe en matière de discrimination dans les relations relevant du code du travail prévoit une procédure de négociation intégrée à l’entreprise.
Ainsi, dans le délai d’un mois à compter de la mise en demeure de cesser la discrimination qui lui aura été adressée, l’employeur devra en informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives. Ceux-ci pourront alors lui demander d’engager une discussion sur les mesures à prendre pour faire cesser la discrimination collective alléguée.
À défaut pour l’employeur d’avoir pris de telles mesures dans les six mois après la mise en demeure, le juge pourra être saisi.
Nous proposons de ramener de six mois à deux mois ce délai, qui nous paraît tout à fait excessif – il est de quatre mois dans le régime commun. À partir du moment où la situation de discrimination est avérée, il n’est de l’intérêt de personne de laisser la situation se pérenniser et s’enkyster. Si l’on veut vraiment donner des chances à la discussion, il faut qu’elle soit engagée dans les meilleurs délais possible.
Mme la présidente. L'amendement n° 79 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
en cause
par le mot :
alléguée
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 278 vise à rétablir la vocation indemnitaire partielle de l’action de groupes en matière de discrimination dans le cadre du travail.
Ce faisant, le Gouvernement rétablirait ce que la commission a dénoncé comme une incohérence, puisque la réparation proposée serait très partielle et ne porterait que sur la part du préjudice subi à partir de la mise en demeure. Pour le surplus, qui représentera la quasi-totalité du préjudice effectif, le justiciable devrait se tourner vers le juge des prud’hommes au travers d’une action individuelle.
La commission, quant à elle, a privilégié une solution plus simple et moins hésitante, qui correspond d'ailleurs à celle qui est promue par Mme Laurence Pécaut-Rivolier dans le rapport qu’elle vous a remis, madame la garde des sceaux. Ce que nous proposons, c’est de supprimer la vocation indemnitaire de l’action de groupe et de la reverser en matière d’emploi à une action en cessation de manquement. Les justiciables pourraient ensuite se tourner vers l’instance prud’homale, ce qui leur éviterait de devoir saisir deux juges différents pour la même indemnisation.
J’en viens à l’amendement n° 159, qui vise, à la différence du texte du Gouvernement modifié en commission, une réparation intégrale du préjudice par la voie de l’action de groupe. Comme cette proposition nous semble faire peser un risque financier trop important sur les entreprises, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 160, je dirai, madame Cukierman, qu’il me semble difficile de supprimer cette garantie de la mise en demeure préalable, qui favorise le règlement non contentieux du litige. Or cette solution profite en général à tous. La commission est donc défavorable à votre proposition.
Nous sommes, en revanche, favorables à l’amendement n° 78 rectifié bis, qui tend à apporter une précision utile, nous semble-t-il.
L’amendement n° 157 vise à réduire le délai de mise en demeure préalable. Par coordination avec l’avis sur l’amendement précédent tendant à supprimer la mise en demeure préalable obligatoire, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 209, l’avis est également défavorable, par coordination avec l’avis précédent sur la suppression de la mise en demeure préalable.
Enfin, au nom de la commission, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 79 rectifié bis, qui me semble tendre à apporter une précision utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous demanderai, madame Cukierman, de bien vouloir retirer l’amendement n° 159 ; sinon, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable. En effet, l’amendement n° 278 du Gouvernement tend à rétablir l’indemnisation en plus de la cessation du manquement.
Nous ne pouvons être favorables non plus à l’amendement n° 160, qui a pour objet la suppression du dispositif de dialogue social. En effet, la logique du projet de loi est de promouvoir, si possible, la conciliation, la médiation, le règlement amiable, ainsi que la logique du fonctionnement et de la culture au sein de l’entreprise. Pour cette raison, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Il en va de même pour l’amendement n° 78 rectifié bis : mon avis est défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 157, lequel a pour objet de ramener le délai pour exercer l’action de groupe de six mois à un mois. À partir du moment où vous supprimez, madame Cukierman, le principe même du dialogue social, il est logique de restreindre à ce point ce délai. Pour notre part, je le répète, nous sommes très attachés à cette procédure amiable, qui demande selon nous un peu de temps. Nous sommes donc défavorables à votre proposition.
J’en viens à l’amendement n° 209. Madame Tasca, je puis entendre votre argument selon lequel le délai de six mois imparti à l’employeur est un peu long, même si c’est une limite. Toutefois, vous proposez de le ramener à deux mois, ce qui est incontestablement insuffisant pour prendre langue et engager une discussion.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous serions prêts à rectifier cet amendement !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est votre liberté, monsieur le sénateur.
Peut-être pourrions-nous nous aligner sur le délai de quatre mois prévu dans le socle. En tout cas, je pense que deux mois, c’est trop bref. Il ne suffit pas d’énoncer le principe de la médiation et du règlement amiable ; encore faut-il aussi créer les conditions du succès de cette procédure, ce qui suppose de laisser un laps de temps convenable aux parties.
Enfin, mon avis est défavorable sur les amendements nos 78 rectifié bis et 79 rectifié bis, car une telle précision ne me paraît pas utile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'amendement n° 209.
Mme Catherine Tasca. J’ai bien entendu l’objection formulée par Mme la garde des sceaux sur la nécessité de donner le temps à la discussion. Parce que nous croyons nous aussi aux vertus de cette négociation intégrée à l’entreprise, nous pensons qu’il faut qu’il y ait une incitation à l’engager dans les meilleurs délais.
Dans l’espoir de susciter le consensus, nous rectifions donc notre amendement, en portant le délai visé à quatre mois, ce qui donne un temps tout à fait correct aux parties pour se parler et avancer – pas forcément pour conclure. En effet, nous persistons à penser que six mois, c’est beaucoup !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
six
par le mot :
quatre
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je me conforme à la conclusion du débat qui a eu lieu au sein de la commission sur la durée de ce délai. J’émets donc un avis défavorable sur cette nouvelle proposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense, pour ma part, qu’il y a une vraie différence entre deux mois et quatre mois. Je comprends que six mois, cela puisse paraître long, tout en répétant que c’est une limite. Il n’est pas obligatoire d’attendre cinq mois et demi pour conclure !
Il est vrai aussi – vous le disiez à l’instant, madame la sénatrice –, qu’il faut une incitation à engager la négociation. Il faut savoir créer les conditions pour le faire en se gardant d’exercer une pression insupportable, qui compromettrait la réussite du projet, chacun comprenant, dès le deuxième jour, que la négociation n’aboutira pas. Toutefois, à laisser les choses trop s’étirer, on prend aussi un risque.
Compte tenu de l’esprit du texte du Gouvernement, j’émets un avis favorable sur cette proposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 209 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, je regrette que vous ne puissiez, fût-ce à titre personnel, souscrire à l’amendement que nous avons rectifié. Prenez garde à ce qui est en jeu : il s’agit d’une demande présentée par une organisation syndicale en particulier, qui a constaté une discrimination dans le champ du travail.
J’appelle votre attention, monsieur le rapporteur, sur la rédaction de l’alinéa 12 : « Lorsque, dans un délai de six mois, l’employeur n’a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause… ».
Conserver le délai de six mois ne garantit donc pas que la discrimination aura obligatoirement cessé au bout de cette durée. Cela signifie que l’employeur doit prendre, dans les six mois, les mesures et les dispositions qui auront pour effet de faire cesser la discrimination. C’est pourquoi, comme le délai de six mois nous paraissait véritablement très long, nous avions proposé de le ramener à deux mois.
Si un chef d’entreprise de bonne volonté est informé qu’une discrimination insupportable est pratiquée dans son entreprise, il envisagera des solutions et annoncera que quelque chose sera fait : cela ne nécessite pas six mois !
En revanche, comme vous l’avez rappelé dans votre très bonne défense du délai de quatre mois, madame la garde des sceaux, il peut, hélas, arriver que le chef d’entreprise soit de mauvaise volonté et attende cinq mois et vingt-neuf jours pour agir, ce qui est tout à fait dilatoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je veux exprimer ici mon soutien à la position de la commission. On parle des entreprises sans faire de distinction en fonction du nombre de salariés, voire de l’existence d’établissements distincts.
Or toutes les entreprises ne sont pas familiales : tout chef d’entreprise ne peut voir à la minute ce qui s’y passe en matière de discrimination. Peut-être a-t-il besoin d’enquêter et de consulter les autres salariés, et cela d’autant plus si l’entreprise compte des établissements distincts. Par conséquent, le délai de six mois, certes long, est bien raisonnable pour de telles entreprises.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 76 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, M. Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. L’objet de cet amendement est de confier aux organisations syndicales un rôle exclusif pour l'action collective en matière de discrimination dans le champ du travail.
Un tel monopole des organisations syndicales paraît légitime. Ils connaissent en effet l’entreprise et les mesures qui y sont mises en œuvre en matière de lutte contre les discriminations.
En revanche, les associations, si elles peuvent être actives dans le champ de la lutte contre les discriminations, ne sont pas implantées dans le monde de l’entreprise. Laurence Pécaut-Rivolier le souligne bien dans son rapport Lutter contre la discrimination au travail : un défi collectif, remis le 17 décembre 2013 à Mme la garde des sceaux : « Le risque est donc, si les associations peuvent agir à titre collectif, que les actions soient introduites sans nécessairement prendre en compte les actions internes déjà initiées par l’entreprise ou la volonté collective des salariés. »
En tout état de cause, les associations conservent, par le biais de l’action en substitution, la possibilité d’agir en justice.
Mme la présidente. L'amendement n° 172 rectifié, présenté par M. Pellevat, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 158, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est défendu, madame la présidente : nous avons déjà présenté des amendements similaires, visant à donner qualité à agir aux associations déclarées depuis au moins trois ans, et non cinq ans.
Mme la présidente. L'amendement n° 77 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
handicap
insérer les mots :
et bénéficiant d’un agrément au niveau national dont les conditions sont définies par décret
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Il s’agit d’un amendement de repli au cas où l’amendement n° 76 rectifié bis ne serait pas adopté.
La définition de la qualité à agir proposée par le projet de loi est bien plus vague dans le cas des associations que pour les organisations syndicales, qui doivent être représentatives au niveau national, de la branche ou de l’entreprise. En effet, seule une condition d’existence depuis au moins cinq ans est exigée, ce qui ouvre cette possibilité à un champ très large d’associations, sans que leur sérieux et leur indépendance puissent nécessairement être attestés.
À l’instar de ce qui est prévu dans la loi relative à la consommation – quinze associations nationales de consommateurs ont été agréées pour introduire une action devant les tribunaux de grande instance –, l’objet de cet amendement est d’introduire l’obligation pour les associations de disposer d’un agrément pour pouvoir engager une action collective, agrément qui permettra de garantir le professionnalisme de ces associations afin d’éviter des procédures abusives.
Les modalités d’établissement de cet agrément et les conditions de son attribution seront définies par décret.
Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Au moins deux personnes candidates à un emploi ou à un stage ou à une période de formation en entreprise faisant l’objet d’une discrimination directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à une même personne, peuvent agir directement en justice sans l’intervention d’une association, ou à la place d’une association dans l’un des cas suivants :
« 1° Il n’existe pas d’association compétente ou ayant intérêt à agir ;
« 2° L’association reste inactive et n’agit pas en justice même quinze jours après mise en demeure par les usagers susvisés ;
« 3° L’association est dans l’impossibilité d’agir ou de continuer son action en justice ;
« 4° L’association est dans une situation de conflit d’intérêts ou de risque de ce conflit. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 178, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Par exception à l’article 21 de la loi n° … du … relative à l'action de groupe et à l'organisation judiciaire, peuvent agir directement au moins deux personnes placées dans la situation décrite à l’article 20 de la même loi lorsque :
« 1° Il n’existe pas d’organisation syndicale ni d’association compétente ou ayant intérêt à agir ;
« 2° L’organisation syndicale ou l’association n’a toujours pas engagé d’action en justice quinze jours après mise en demeure de ce faire par les usagers visés à l’article L. 1134–7 ;
« 3° L’organisation syndicale ou l’association est dans l’impossibilité d’agir ou de continuer son action en justice ;
« 4° L’organisation syndicale ou l’association est dans une situation de conflit d’intérêts ou de risque de conflit d’intérêts.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à ajouter à l’article L. 1134-7 du code du travail cinq alinéas concernant les dispositions spécifiques à l’action de groupe en matière de discrimination dans les relations relevant de ce code.
Ces nouveaux alinéas permettront de prévoir les situations dans lesquelles il n’existe ni organisation syndicale représentative de salariés ni association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans œuvrant pour la lutte contre les discriminations ou dans le domaine du handicap, ainsi que les situations dans lesquelles ces mêmes organisations syndicales et associations sont incapables d’agir en justice.
Dans de telles hypothèses, aux termes du dispositif prévu dans cet amendement, deux justiciables au moins pourront exercer eux-mêmes l’action de groupe en matière de discrimination devant une juridiction civile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?