M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 76 rectifié bis, tout d’abord, vise à réserver aux syndicats la qualité à exercer une action de groupe en matière de discrimination au travail. Telle était la position de Mme Laurence Pécaut-Rivolier dans son rapport remis à Mme la garde des sceaux.
Cette position s’appuie sur un argument solide : il faut faire confiance à la négociation collective au sein de l’entreprise, argument qui justifie d’ailleurs aussi le délai de six mois que nous avons instauré. L’avis de la commission sur cet amendement est donc favorable.
Sur l’amendement n° 158, par cohérence avec ses avis précédents sur le même sujet et pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 77 rectifié bis. Là encore par cohérence avec les avis, cette fois favorables, émis par la commission sur des amendements similaires, nous vous invitons à l’adopter, mes chers collègues ; toutefois, l’adoption de l’amendement n° 76 rectifié bis devrait le rendre sans objet.
Sur l’amendement n° 41 rectifié, l’avis de la commission est défavorable, toujours par cohérence avec les décisions qu’elle a prises hier.
Enfin, l’amendement n° 178 a également reçu de la commission un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur l’amendement n° 76 rectifié bis, le Gouvernement émet un avis défavorable.
En effet, à nos yeux, les associations ont une vraie place dans les actions de groupe en matière de discrimination au travail, parce que, aujourd’hui, de fait, elles interviennent souvent auprès de justiciables qui ont besoin de soutien, notamment dans le cadre de l’accès à un emploi ou à un stage.
Il n’y a pas de rivalité a priori entre les syndicats et les associations. Certes, les premiers interviennent davantage dans le cadre de l’accès à des emplois ou à des stages ; les secondes interviennent quant à elles davantage pour la protection des carrières et dans le cadre des discriminations au sein du milieu professionnel. Le Gouvernement souhaite donc qu’elles puissent continuer à agir.
Bien sûr, Mme Pécaut-Rivolier a formulé diverses propositions dans son rapport. Pour autant, celui-ci, en dépit de son incontestable qualité, ne contraint ni le législateur ni le Gouvernement, qui en est le commanditaire et conserve donc toute sa liberté d’appréciation.
Sur l’amendement n° 158, le Gouvernement émet un avis défavorable, par cohérence avec la position que j’ai déjà exprimée sur la question des trois ans d’ancienneté des associations aptes à agir.
L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 77 rectifié bis est lui aussi défavorable, par cohérence avec celui qui a déjà été émis sur un amendement visant à exiger l’agrément au niveau national de ces associations.
Sur l’amendement n° 41 rectifié, le Gouvernement émet également un avis défavorable, puisque celui-ci tend à permettre à des individus d’agir sans l’intermédiaire d’associations.
Enfin, l’amendement n° 178 a reçu du Gouvernement un avis défavorable : nous avons déjà débattu de cette question, une fois hier et deux fois aujourd’hui.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 158, 77 rectifié bis, 41 rectifié et 178 n’ont plus d'objet.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Madame la garde des sceaux, je tenais à dire que, dans ce projet de loi « Justice du XXIe siècle », la possibilité d’agir en class action, notamment sur le sujet difficile des discriminations, représente une avancée majeure de notre droit.
Notre pays a peiné à reconnaître les discriminations : non seulement nous avons été les derniers à transcrire dans notre droit les dispositions européennes visant à lutter contre les discriminations, mais ce n’est qu’en 2008 que nous avons créé la Haute Autorité de lutte contre les discriminations – j’étais à l’époque chef de file de mon groupe sur ce projet de loi.
Espérons que cette nouvelle possibilité offerte aux plaignants sera l’occasion de réduire le sentiment d’impunité dont font parfois preuve les coupables de discriminations ! En effet, leurs victimes sont d’éternels souffrants, qui vivent dans le déni de leur souffrance : l’expérience de la discrimination se situe entre l’incertitude d’être discriminé et la certitude d’être discriminable.
Nous nous focalisons beaucoup, madame la ministre, sur les discours racistes ; c’est nécessaire, car les conséquences directes de ces discours sont les préjugés d’où découlent les discriminations. Avec l’innovation que représente l’action de groupe, nous allons pouvoir nous concentrer aussi sur les actes : c’est le plus grand service que nous pouvons rendre aux victimes, car les procédures engagées jusqu’à présent ne se sont pas révélées efficaces.
Grâce à cette innovation, les discriminations, notamment raciales, qui affectent le travail, les loisirs, les stages et bien d’autres secteurs seront perçues non plus comme des actes isolés, mais comme un système qui défavorise certains groupes. En reconnaissant ce caractère systémique, on pourra nommer les choses.
Je vous remercie, madame la garde des sceaux, d’avoir inscrit cette procédure dans notre corpus juridique. Je souscris bien évidemment aux propos de notre collègue Jean-Pierre Sueur, selon qui loin d’être de l’eau tiède, ce texte représente, pour nous tous, une grande avancée.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Article additionnel après l'article 45
Mme la présidente. L'amendement n° 208, présenté par Mme Bonnefoy, M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Sous réserve des dispositions du présent chapitre, le chapitre Ier du titre V de la présente loi, ainsi que le chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s’appliquent à l’action ouverte sur le fondement du présent chapitre.
II. – Une association agréée ou une association régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou une association de protection de l’environnement agréée en application des articles L. 141-3 et suivants du code de l’environnement, peut agir devant une juridiction civile ou administrative afin d’établir que plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, ont subi des préjudices individuels résultant d’un dommage causé à l'environnement, causés par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles.
III. – L’action peut tendre à la cessation du manquement ou à la réparation des dommages corporels et matériels résultant du dommage causé à l’environnement.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre…
L’action de groupe dans le domaine environnemental
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à instaurer la possibilité d’engager des actions de groupe dans le domaine environnemental. Il tend à mettre en place un dispositif juridique essentiel pour la défense des citoyens qui auront subi, de manière sérielle et analogue, un préjudice individuel à la suite d’une atteinte causée à l’environnement par une personne physique ou morale.
Pour ce faire, le dispositif « socle » proposé dans le projet de loi s’y voit décliné. Sa rédaction permettra d’assurer l’engagement de telles procédures dans des cas extrêmement limités et encadrés. Il est en effet indispensable d’éviter aux acteurs économiques et aux porteurs de projets de notre pays de se trouver dans une situation d’incertitude juridique.
Seules les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, statutairement dédiées à la protection de l’environnement, pourront aller en justice en défense des victimes potentielles. La porte est ainsi fermée aux dérives observées outre-Atlantique, où la procédure est parfois dévoyée par des cabinets d’avocats engageant des procédures pour leurs seuls profits privés.
La procédure proposée ne couvre pas non plus le préjudice environnemental pur, celui de l’atteinte à l’environnement en tant que bien commun, lequel doit être traité dans un autre cadre que celui de l’action de groupe.
Enfin, de telles actions de groupe ne pourront être engagées qu’à condition que le juge constate une infraction de la personne poursuivie à ses obligations légales ou contractuelles. Les actions engagées contre des personnes ayant respecté le droit et leurs engagements contractuels seront jugées irrecevables par la justice. L’activité économique ne s’en trouvera donc pas fragilisée, je le répète. Cela doit être souligné avec force, pour ne pas laisser prospérer la crainte selon laquelle serait ouverte la voie à une prolifération de telles actions en justice.
Le bilan que nous pouvons désormais dresser de l’action de groupe en matière de consommation, plus d’un an après son entrée en vigueur, nous confirme que les craintes qui avaient pu être exprimées en ce sens n’ont pas trouvé d’écho dans la réalité. En effet, le dispositif n’a été utilisé que six fois.
Toutes ces précisions, qui visent à dissiper les craintes, ne doivent pas pour autant nous empêcher de considérer l’important progrès social et environnemental qu’un tel dispositif représenterait.
Alors que le recours en justice pour faire respecter le droit de l’environnement est actuellement en voie de disparition, ainsi que le souligne un rapport du Conseil d’État publié en 2010, ce dispositif renforce notre état de droit au bénéfice des victimes des dommages illégalement causés à l’environnement, lesquelles peuvent aujourd’hui être dans l’incapacité d’agir en raison d’une situation d’isolement devant la justice.
Par ailleurs, à un mois de la COP21, le législateur enverrait un signal fort en adoptant ce texte : les enjeux de notre avenir seraient réellement pris en compte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La création d’une action de groupe dans le domaine de l’environnement pose deux problèmes.
D’une part, cette mesure pose un problème de principe. En effet, cela multiplierait les actions de groupe. Or il s’agit d’un dispositif assez jeune en droit français. Il est donc préférable de s’attacher à bien en évaluer les effets avant d’ouvrir ce mécanisme à d’autres domaines.
D’autre part, cette mesure pose un problème de méthode. Le droit de la responsabilité civile en matière environnementale n’est pas encore bien établi. Il faudrait d’abord se pencher sur ce sujet et avoir un droit complet en matière environnementale avant de s’interroger sur la procédure à suivre.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, sur les questions d’environnement, vous connaissez l’engagement et l’implication du Gouvernement,...
M. Jean-Pierre Sueur. Justement ! Raison de plus !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ... ainsi que sa volonté et ses efforts. Vous n’ignorez pas les initiatives qu’il a prises et l’action forte qu’il a menée. Tout est mis en œuvre pour que ces enjeux considérables soient pris en considération et trouvent leur traduction concrète dans des politiques publiques et des actes qui doivent être autant d’avancées dans ce domaine.
Sur ces questions, il n’y a pas de divergences fortes, mais il est difficile de tracer des périmètres et d’apporter les précisions nécessaires.
Bien évidemment, le Gouvernement partage la préoccupation qui s’exprime au travers de cet amendement : il s’agit bien de respecter le droit de l’environnement. La réparation d’un nouveau chef de préjudice n’est pas introduite. Il est au contraire proposé de rationaliser, c’est-à-dire d’éviter la dispersion des litiges et de faciliter l’administration de la preuve, ce qui s’inscrit tout à fait dans la logique de l’action de groupe. Il n’y a donc rien de choquant à envisager l’action de groupe dans le domaine de l’environnement.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, c’est raisonnable !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutefois, je ne suis pas en mesure d’émettre un avis favorable sur cet amendement. En effet, dans les différents domaines où l’action de groupe est aujourd'hui applicable, nous avons tenu à procéder à une concertation, à rencontrer les partenaires, les opérateurs économiques et sociaux susceptibles d’être concernés et à construire ensemble, avec ce souci d’efficacité et de sécurité juridique que je ne cesse de rappeler.
Certes, il n’y a pas de risque majeur en la matière, mais cette concertation n’a pas eu lieu et il convient de la mener. C’est une réserve importante, même si le sujet est dans le débat public depuis longtemps et que la réflexion est approfondie. Comme la rédaction de cet amendement le prouve d’ailleurs, sur le plan juridique et sur la matière même, les enjeux sont maîtrisés.
Par ailleurs, si cet amendement était voté, la mesure adoptée ne pourrait être intégrée sans dispositions transitoires. En effet, comme vient de le souligner M. le rapporteur, sur le droit de l’environnement, des avancées sont en cours. Dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages que la ministre de l’environnement a notamment présenté devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de la Haute Assemblée a été introduit un amendement sur le préjudice écologique pur. Les mesures sont donc encore en construction.
Pour toutes ces raisons, je réaffirme l’intérêt du Gouvernement pour cette démarche. Sur le fait que l’action de groupe rend plus efficace la défense des personnes qui subiraient à titre individuel des préjudices liés à une atteinte à l’environnement, nous convergeons. Toutefois, sur cet amendement, le Gouvernement ne peut que s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Nicole Bonnefoy a fort bien expliqué les enjeux de cet amendement. Des personnes physiques subissent des préjudices liés à une atteinte à l’environnement et à des problèmes environnementaux. Le droit actuel permet parfaitement la réparation de ces préjudices, mais uniquement par des actions individuelles.
Dans cette justice du XXIe siècle que nous élaborons, ne pouvons-nous pas décider que, dans ces domaines qui peuvent être compliqués, il faut régler d’abord la question du fait, qui est susceptible d’engager la responsabilité – c’est le droit civil actuel –, ensuite celle de l’imputabilité à tel ou tel organisme, entreprise ou individu, enfin celle du préjudice subi, qui doit être similaire ?
La proposition qui vous est soumise reste extrêmement modeste. Il s’agit non pas d’ouvrir des actions en cessation, en empêchement, en préjudice écologique à l’encontre d’entreprises, comme certains le craignent, mais de favoriser la réparation de préjudices individuels.
En entendant que vous vous en remettiez à la sagesse de la Haute Assemblée, madame la garde des sceaux, je sais que vous saurez convaincre – peut-être pas ici, mais à l’Assemblée nationale – que la justice du XXIe siècle doit s’ouvrir aux actions de groupe, sous réserve que celles-ci soient encadrées. Ainsi, la justice gagnera en efficacité dans des domaines très complexes, où les questions d’expertise et de certitude peuvent se révéler coûteuses et épineuses, qui trouveront leur résolution dans une action collective, plutôt que dans la somme d’actions individuelles.
Je n’ose croire que, face à des préjudices individuels, la seule réponse soit de dire qu’il faut protéger le responsable du préjudice parce qu’il y va de l’économie.
À la veille de la COP21, il faut affirmer que nous sommes capables de lutter contre les pollutions de l’air, des sols, des rivières, contre toutes sortes d’infractions et de manquements qui entraînent un préjudice, sans forcément engager des actions pénales, à grand renfort de codes et de textes compliqués, car certaines réalités peuvent aujourd’hui être constatées. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne voterai pas cet amendement, alors que j’ai soutenu un certain nombre d’articles de ce projet de loi, notamment la plupart de ceux qui concernent l’action de groupe.
À l’évidence, cet amendement est un message médiatique, juste avant la COP21 et les élections régionales. Il en a été de même du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, que nous avons examiné voilà peu.
Très concrètement, en la matière, cela reviendrait à compliquer encore les choses et à donner davantage de moyens de lutter contre un certain nombre de projets. Tel que l’amendement est rédigé, c’est ce qui va se passer !
Il nous faut être cohérents. Préciser que les « préjudices individuels résultant d’un dommage causé à l’environnement, causés par une même personne [ont] pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles » revient à provoquer systématiquement un débat sur le manquement. Si cette action de groupe était postérieure à la constatation judiciaire dudit manquement aux obligations légales ou contractuelles, ma position pourrait être différente. Là, il s’agit manifestement d’un message, et je ne crois pas que ce soit très raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il me faudrait plus que deux minutes et demie pour exprimer ma pensée !
Monsieur Mézard, je fais partie de ceux qui ont une conception humaniste de l’environnement et qui jamais ne s’excuseront d’œuvrer pour équiper la France, construire et bâtir. Je fais partie de ceux qui considèrent que, parmi les espèces à protéger, il y a d’abord l’être humain.
M. Gérard Longuet. Le travailleur !
M. Jean-Pierre Sueur. L’être humain a besoin d’emploi, et nous devons équiper ce pays. Toutefois, nous pouvons le faire dans le respect de l’environnement. La conception de l’environnement qui empêche d’agir n’est pas la mienne.
Je me plais à constater, dans mon département, face à tel ou tel site installé sur les bords de la Loire, que nos prédécesseurs ont eu la sagesse de construire des édifices qui s’harmonisaient tellement avec la courbe du fleuve que cela composait un paysage à la fois naturel et culturel.
Sans relancer ce débat, qui demanderait beaucoup plus de temps, je ferai remarquer que, grâce à Nicole Bonnefoy et à Jacques Bigot, que je remercie, l’occasion nous est donnée de réaliser une avancée. Il est logique de réparer un certain nombre de dommages individuels par des actions de groupe.
C’est pourquoi j’ai été quelque peu étonné, monsieur Mézard, que vous insinuiez que cette démarche n’avait été engagée que parce que des élections approchaient. S’il fallait cesser de présenter des amendements avant chaque élection, bien des dispositions seraient mortes et enterrées ! La vérité, c’est que l’avancée qui nous est proposée est ambitieuse.
Monsieur le rapporteur, autant j’ai compris que Mme la garde des sceaux, après beaucoup de déclarations, s’en était remise à la sagesse de la Haute Assemblée – on ne peut que s’en réjouir –, autant je vous ai senti contrarié d’expliquer que des préalables, des prolégomènes étaient nécessaires…
Mes chers collègues, je ne doute pas que vous serez sensibles à l’enthousiasme de Nicole Bonnefoy et de Jacques Bigot. Pour ma part, je le suis.
M. Jacques Bigot. Je souhaite rectifier l'amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jacques Bigot. J’ai entendu la remarque formulée par Jacques Mézard. Il est vrai que parler d’« obligations légales ou contractuelles » entraînera un débat préliminaire sur le préjudice à l’environnement et l’imputabilité, avant toute interrogation sur l’infraction éventuelle commise.
C'est la raison pour laquelle je propose de rectifier la fin du II et de remplacer les mots « causés par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles » par les mots « ayant une cause commune ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 208 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain, et qui est ainsi libellé :
A. – Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Sous réserve des dispositions du présent chapitre, le chapitre Ier du titre V de la présente loi, ainsi que le chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s’appliquent à l’action ouverte sur le fondement du présent chapitre.
II. – Une association agréée ou une association régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou une association de protection de l’environnement agréée en application des articles L. 141-3 et suivants du code de l’environnement, peut agir devant une juridiction civile ou administrative afin d’établir que plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, ont subi des préjudices individuels résultant d’un dommage causé à l’environnement ayant une cause commune.
III. – L’action peut tendre à la cessation du manquement ou à la réparation des dommages corporels et matériels résultant du dommage causé à l’environnement.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre…
L’action de groupe dans le domaine environnemental
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’avis de la commission demeure inchangé. Le domaine de l’environnement est toujours aussi large, aussi flou.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette périphrase, qui apportait une précision, introduisait peut-être également une ambivalence. Je suppose que c’est la raison pour laquelle vous prenez la précaution de la supprimer, monsieur le sénateur.
Cela étant dit, je maintiens mon avis de sagesse, pour des raisons de fond.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 208 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division additionnelle avant l'article 45 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 249, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 45 bis
Insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section 3
Action de groupe en matière de discrimination causée par un employeur public
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigé sont insérés dans le projet de loi, avant l'article 45 bis.
Article 45 bis (nouveau)
Le titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« Action de groupe relative à une discrimination causée par un employeur public
« Art. L. 77–11–1. – Sous réserve des dispositions suivantes, le chapitre X du présent titre s’applique à l’action de groupe prévue au présent chapitre.
« Art. L. 77–11–2. – Un syndicat représentatif de fonctionnaires peut agir devant le juge administratif afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs agents publics font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à un même employeur public.
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage.
« Art. L. 77–11–3. – L’action ne peut tendre qu’à la cessation du manquement.
« Art. L. 77–11–4. – L’action suspend, dès la mise en demeure adressée par le demandeur à l’employeur public en cause, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s’est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 279, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3, 5 et 8
Supprimer le mot :
public
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
Un syndicat représentatif de fonctionnaires
par les mots :
Un syndicat professionnel représentatif au sens du III de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou un syndicat représentatif de magistrats de l’ordre judiciaire
III. – Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 77-11-3. – L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
« Lorsque l’action tend à la réparation des préjudices subis, elle s’exerce dans le cadre de la procédure individuelle de réparation définie au chapitre X du présent titre.
IV. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 77-11-4. – L’action de groupe engagée en faveur plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs agents publics ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la réception par l’autorité compétente d’une demande tendant à faire cesser la situation de discrimination et, le cas échéant, à réparer les préjudices subis, si aucune mesure n’a été prise afin de faire cesser cette situation. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa, notamment les modalités de transmission des réclamations préalables ainsi que les modalités de consultation des organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans l’organisme consultatif compétent au niveau auquel la mesure tendant à faire cesser cette situation peut être prise.
V. – Alinéa 8
1° Remplacer la référence :
Art. L. 77-11-4
par la référence :
Art. L. 77-11-5
2° Remplacer les mots :
dès la mise en demeure adressée par le demandeur
par les mots :
dès la réception par l’autorité compétente de la demande prévue à l’article L. 77-11-4
La parole est à Mme la garde des sceaux.