compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2016
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les circonstances douloureuses des attentats de vendredi dernier, la vie parlementaire reprend son cours, mais elle prend bien sûr pleinement en compte le contexte dans lequel nous sommes.
Tel est le cas pour la matière budgétaire, qui est non pas une doctrine froide mais bien un outil au service de l’action et des priorités publiques.
Le principe de responsabilité budgétaire que Christian Eckert et moi-même défendons n’est en aucune manière antagoniste avec la responsabilité politique face aux événements ; il est au contraire la condition nécessaire pour pouvoir financer nos priorités.
Le contexte appelle un renforcement d’une ampleur exceptionnelle des moyens de sécurité et de défense. Le Président de la République l’a annoncé lundi dernier, 8 500 postes supplémentaires seront créés dans la police, la gendarmerie, la justice et les douanes au cours des deux prochaines années.
Dès la semaine prochaine, à l’occasion de la discussion de la seconde partie de ce projet de loi de finances, le Gouvernement proposera d’ajouter les crédits nécessaires à la création de ces postes ainsi que les crédits de fonctionnement qui doivent les accompagner. Je reviendrai plus en détail sur ce point.
Comme le Président de la République l’a exprimé, il ne peut être question d’augmenter les impôts des Français, que nous continuerons à baisser. Il ne peut être question non plus de réduire les crédits des autres ministères, qui chacun concourent également dans leur périmètre respectif à l’action de l’État, et souvent d’une manière ou d’une autre à la lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi nous assumons, à ce stade de la discussion budgétaire, une dégradation du déficit à cette fin.
Nos partenaires européens ont très bien compris que la protection de nos concitoyens est une priorité absolue en ces moments, et que les règles européennes, qui ne sont « ni rigides ni stupides » pour reprendre les mots d’un commissaire européen, offrent les marges de manœuvre adéquates.
C’est donc dans ce contexte très particulier que nous débutons cette année l’examen du budget de la Nation.
Cet examen est aussi l’occasion de faire le point sur la situation de la France, de tracer les grands axes de la politique économique du pays et de prendre les décisions qui engageront notre avenir collectif pour 2016 et au-delà.
C’est donc peu dire que Christian Eckert et moi-même y attachons une grande importance et que, cette année encore, nous nous présentons devant le Sénat, comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale, avec le souci d’engager un vrai débat, d’écouter tous les points de vue et de tenir à tous un discours de vérité sur les enjeux auxquels notre pays est confronté.
L’année dernière, c’est dans cet esprit que nous avions présenté le projet de loi de finances et que, devant vous, nous avions pris un certain nombre d’engagements précis et chiffrés : engagement de retour à la croissance, engagement de financement de nos priorités, engagement de maîtrise des dépenses et, surtout, engagement de baisse des prélèvements sur les entreprises et les ménages.
Comme il est parfois – pour ne pas dire souvent – d’usage dans les échanges entre majorité et opposition, ces engagements avaient été mis en doute et parfois sévèrement critiqués. Certains s’étaient même laissé aller à des prévisions et à des prophéties bien sombres sur l’aggravation de la crise, sur la surestimation de notre hypothèse de croissance, sur le dérapage des dépenses, sur la dérive inexorable des déficits et les sanctions qui en découleraient de la part de l’Union européenne.
M. François Marc. Effectivement !
M. Michel Sapin, ministre. Je n’aurai pas la faiblesse de rappeler chacune de ces prophéties à leurs auteurs, mais permettez-moi simplement de vous dire que les engagements pris devant vous l’année dernière ont été tenus, et que la confiance que le Parlement dans son ensemble nous a accordée, le mandat qu’il nous a confié, ont été respectés.
Les engagements ont tout d’abord été tenus s’agissant du redressement économique du pays.
Pour la première fois depuis de nombreuses années, la prévision de croissance sur laquelle nous avons construit le budget 2015, soit 1 %, est déjà atteinte au bout de trois trimestres : 2015 sera la première année de reprise effective, et il semble acquis que la croissance dépassera 1 %, comme l’anticipent aussi bien l’INSEE que le Fonds monétaire international.
Cette prudence et ce réalisme ont de nouveau prévalu pour la construction du budget 2016. Nous avons retenu cette fois une hypothèse de 1,5 % de croissance pour l’an prochain. C’est la prévision de ce que l’on appelle le « consensus des économistes », prévision que le Haut Conseil des finances publiques considère comme « atteignable » quand 1 % l’an passé lui semblait optimiste. Cela nous conforte donc dans cette hypothèse, et je pense que cela nous permettra d’éviter les contestations assez traditionnelles sur la fixation de l’hypothèse de croissance de la France.
J’emploie volontairement le terme « hypothèse ». Chacun sait que les prévisions économiques sont entachées d’incertitude : il s’agit là avant tout d’un choix réaliste pour construire notre budget et pour éviter de devoir demander un effort supplémentaire aux Français en cours d’année.
La reprise que nous observons cette année est la conjugaison de l’effet des politiques que nous avons menées, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui rendent les entreprises plus compétitives et davantage à même de profiter de la demande extérieure, ainsi que la baisse d’impôt sur le revenu qui vient conforter en 2015 le pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes ; en outre, l’environnement extérieur est plus favorable : un prix du pétrole divisé par deux, un taux de change euro contre dollar plus en ligne avec ses fondamentaux et des conditions de financement propices pour les entreprises et les ménages, avec des taux d’intérêt bas.
Ce que nous montrent les derniers indicateurs, c’est que la reprise se diffuse progressivement dans l’économie. Chacun commence à en ressentir les effets.
Le pouvoir d’achat des ménages devrait progresser de 1,5 % en 2015, avec des créations d’emploi qui ont redémarré – plus de 50 000 emplois privés depuis un an, même si le nombre de ces créations ne permet pas de contrebalancer les nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Le climat des affaires dépasse sa moyenne de long terme pour la première fois depuis 2011. Le redressement du taux de marge au premier semestre apporte aux entreprises une bouffée d’air bienvenue : il a progressé de 2 points depuis un an, reprenant les deux tiers du chemin perdu depuis la crise.
Avec la demande qui se renforce et des capacités à investir qui apparaissent, l’investissement des entreprises a redémarré puisqu’il a déjà progressé de plus de 2 % sur un an.
L’engagement est tenu aussi s’agissant du redressement de la situation budgétaire.
Loin des dérapages annoncés, le déficit public pour 2014 s’est finalement réduit à 3,9 %, grâce à une progression des dépenses, hors crédits d’impôt, contenue. Il s’agit là d’un record obtenu grâce à l’engagement de l’ensemble des administrations publiques : ministères, administrations de sécurité sociale comme collectivités locales.
Cette dynamique se poursuit cette année avec une dépense qui évoluera sensiblement au même rythme. Les recettes rentrent sans difficulté – je préfère le dire car certains ont pris l’habitude de s’en inquiéter ! Nous conservons donc la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques à 3,8 % cette année.
Nous poursuivrons l’effort l’an prochain, avec une diminution plus sensible du déficit en lien avec les efforts réalisés et le retour à davantage de croissance.
La Commission européenne vient d’ailleurs de constater que nous avions une trajectoire budgétaire, en 2015 et en 2016, « globalement conforme » à ce qui nous avait été recommandé. C’est la première fois depuis longtemps !
Les engagements ont également été tenus s’agissant des baisses d’impôts et de prélèvements, qui se poursuivent et se poursuivront.
Ces baisses d’impôts concernent tout d’abord les ménages : notre volonté de rendre aux Français aux revenus moyens le produit de l’effort qu’ils ont consenti pour le redressement du pays est confirmée. Non seulement il n’y a plus de hausses d’impôts décidées depuis un an, mais nous concentrons nos efforts sur la baisse de l’impôt sur le revenu. Pour la troisième année consécutive, l’impôt sur le revenu sera allégé l’année prochaine pour les ménages, à hauteur de plus de 2 milliards d’euros. Depuis l’été 2014, cette baisse aura représenté 5 milliards d’euros de baisses, et douze millions de foyers fiscaux, soit les deux tiers des foyers fiscaux imposés, auront bénéficié de la baisse de l’impôt sur le revenu.
Il n’y a donc pas lieu de dire, me semble-t-il, que les classes moyennes sont les oubliées de nos réformes : c’est bien le cœur des classes moyennes qui bénéficie des baisses d’impôts sur le revenu. De même, il n’y a pas lieu, de mon point de vue, de dire que l’impôt sur le revenu se « concentre » sur les classes moyennes supérieures. La part des foyers fiscaux imposés retrouve exactement son niveau de 2010, et je vous rappelle que, avec la TVA ou la CSG, tous les ménages paient par ailleurs des impôts.
Nous n’opposons pas les catégories sociales entre elles, nous n’avons pas deux politiques en fonction des uns et des autres. Nous avons un principe et un seul, c’est que l’impôt doit baisser et qu’il doit baisser en priorité pour le cœur des classes moyennes, le couple d’employés avec enfant, l’instituteur débutant, ceux qui ont contribué à l’effort de redressement depuis 2011 alors que cela leur était particulièrement difficile.
Cette baisse d’impôt, mesdames, messieurs les sénateurs, concerne donc les retraités, les salariés, les familles, les ménages à revenus moyens, dont certains sont entrés dans l’impôt ces dernières années et qui sont les principaux bénéficiaires de nos mesures. Ce ne sont bien évidemment pas les seuls à avoir contribué au redressement de nos finances publiques, c’est vrai, mais ce sont aujourd’hui ceux qui sont en droit d’être les premiers à bénéficier de nos baisses d’impôts. C’est une question de justice fiscale, d’équité, et peut-être même de bon sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une page est en train de se tourner en matière d’impôts, et pas seulement à cause des baisses d’impôt sur le revenu.
L’année 2016 sera l’année du lancement du chantier du prélèvement à la source, qui aboutira au 1er janvier 2018. Les travaux techniques progressent, et nous ouvrons une période de concertation qui se matérialisera par un Livre blanc au printemps prochain et par des choix inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances pour 2017, afin que le basculement ait lieu dans de bonnes conditions au 1er janvier 2018.
L’année 2016 sera également l’année de la généralisation de la déclaration des revenus par internet. Cette généralisation sera opérée de manière souple et progressive, en commençant par les plus hauts revenus, sans jamais oublier le cas des personnes qui ne pourraient pas y procéder.
Nous souhaitons que, comme dans de nombreux autres pays, la télédéclaration devienne le principe, le droit commun, tout en permettant à ceux qui n’ont pas la possibilité d’y procéder, parce qu’ils n’ont pas d’accès à internet à leur domicile ou qu’ils déclarent ne pas être en mesure de le faire, de continuer à utiliser le papier. Nous n’allons donc pas, comme je l’entends parfois, faire payer quinze euros de plus à ceux qui ne pourraient pas déclarer leurs revenus par internet !
La justice fiscale, c’est aussi l’intensification de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale abusive.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Y compris sur la TVA ?
M. Michel Sapin, ministre. Grâce au service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, ce sont déjà 4,5 milliards d’euros de recettes, provenant d’argent caché jusqu’alors à l’étranger, qui auront été recouvrés en 2014 et 2015. Nous prévoyons de récupérer encore 2,4 milliards d’euros l’an prochain. Le mouvement ne s’arrêtera pas là, car seuls 9 800 dossiers sur 44 600 ont été complètement traités. Aussi, nous avons renforcé les moyens dédiés à cette opération pour accélérer le traitement des dossiers.
Voilà un résultat extrêmement concret de l’action que nous avons menée pour mettre fin au secret bancaire en Europe. À cet égard, je rappelle que l’échange automatique d’informations fiscales en matière financière sera effectif avec cinquante-huit États en 2017 et avec quatre-vingt-quatorze États en 2018, dont – au hasard ! – la Suisse, le Luxembourg et Singapour.
Permettez-moi aussi de me féliciter que la voix de la France, pour ce qui concerne l’optimisation fiscale abusive, ait porté et que nous ayons débouché sur des résultats concrets ! Trop de groupes internationaux ont aujourd’hui la capacité d’échapper parfois presque totalement à l’impôt.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Michel Bouvard. Bravo !
M. Michel Sapin, ministre. Grâce à la mobilisation de certains pays comme la France et au travail de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, nous sommes désormais en mesure d’avancer.
Le G20, qui s’est tenu à Antalya le week-end dernier et auquel j’ai participé, a adopté une série d’actions communes, qu’on appelle dans notre jargon BEPS – Base, Erosion and Profit Shifting, c'est-à-dire l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices –, et l’Assemblée nationale avait adopté quelques jours auparavant une première disposition sur le reporting pays par pays. C’est un réel progrès ! Aussi convient-il de saluer tous ensemble, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces pas décisifs qui ont été franchis.
M. Richard Yung. Bravo !
M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas tenir un discours anti-entreprises que de dire cela. Bien au contraire ! Les règles communes sont aussi une manière d’assurer l’égalité des règles du jeu entre les entreprises, et beaucoup d’entre elles sont engagées dans une prise de conscience salutaire sur ces grands enjeux.
Notre politique à l’égard des entreprises se construit dans un esprit de responsabilité. Nous tenons nos engagements, et c’est précisément pour cette raison que nous pouvons nous montrer exigeants. Je le redis ici devant vous cette année encore : c’est parce que nous tenons parole que nous créons les conditions pour que chacun s’engage à son tour au service de la reprise économique et de l’emploi. C’est notre stratégie depuis le début, et nous nous y tenons.
Je m’adresse là évidemment aux entreprises, dont nous avons déjà baissé les prélèvements de 24 milliards d’euros entre 2013 et 2015 grâce au CICE et au pacte de responsabilité et de solidarité. Depuis le début du quinquennat, la fiscalité des entreprises a diminué.
Le CICE est désormais arrivé à maturité, comme l’a relevé le comité de suivi. Il représente cette année 17 milliards d’euros.
Quant au pacte de responsabilité et de solidarité, il continuera d’être déployé comme prévu l’an prochain. Les baisses de prélèvements supplémentaires sur les entreprises atteindront bien 9 milliards d’euros en 2016, ce qui portera le niveau des allégements à 33 milliards d’euros. Ainsi, nous aurons annulé en 2016 les hausses des prélèvements des années 2011 et 2012 votées sous la législature précédente, ainsi bien sûr que les hausses des prélèvements votées dans la seconde partie de l’année 2012 et en 2013, sous l’actuelle législature.
La contribution exceptionnelle des grandes entreprises à l’impôt sur les sociétés prendra fin. La suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, se poursuivra comme prévu à hauteur de 1 milliard d’euros, une mesure qui bénéficiera à plus 80 000 entreprises de taille intermédiaire.
Enfin, les mécanismes d’allégements supplémentaires de cotisation sur les salaires jusqu’à 3,5 SMIC s’appliqueront à compter du 1er avril prochain.
Si le Gouvernement respecte ses engagements en matière de baisse de prélèvement, il peut aussi se montrer exigeant.
Selon les enquêtes réalisées par l’INSEE auprès des entreprises, les trois quarts d’entre elles déclarent qu’elles utilisent le CICE pour investir ou embaucher. Ces annonces, il faut les concrétiser, et les négociations sur le pacte de responsabilité et de solidarité dans les branches professionnelles doivent se poursuivre, en vue d’aboutir partout.
Les engagements ont enfin été tenus sur la dépense publique.
Notre stratégie budgétaire est inchangée : maîtriser nos dépenses, sans jamais renoncer à financer nos priorités, tout en sachant être réactifs pour répondre aux nouveaux besoins. Nous le démontrons encore cette semaine.
Nous n’avons rien cédé quant à nos priorités budgétaires : tout d’abord, l’éducation nationale se voit effectivement dotée de 60 000 postes supplémentaires sur le quinquennat ; ensuite, les budgets consacrés à l’intérieur et à la justice, qui étaient jusqu’à présent préservés, seront désormais augmentés ; enfin, l’emploi reste une priorité, pour lutter contre le chômage et pour accompagner les actifs dans leurs transitions.
Notre priorité, c’est également la lutte contre le réchauffement climatique, tout en soutenant le développement des pays du Sud.
Dans le cadre de la COP 21, il était évident qu’il fallait consentir des efforts supplémentaires. Dans cette perspective, le Président de la République a décidé que l’aide publique au développement à l’échelle nationale augmenterait de 2 milliards d’euros d’ici à 2020, avec des moyens budgétaires renforcés dès l’an prochain.
Certaines priorités sont établies depuis longtemps ; d’autres se font jour en fonction des événements. Nous devons être réactifs pour financer ces nouveaux besoins. Et c’est le cas des moyens accrus pour la sécurité intérieure et la défense nationale à la suite des événements qui se sont produits en janvier dernier et, bien sûr, la semaine dernière.
Parce que la sécurité des Français est la condition de leur liberté, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures visant à lutter contre le terrorisme, et certaines d’entre elles conduiront à mobiliser de nouvelles ressources pour renforcer l’action de l’État.
Le Gouvernement vous proposera par amendements d’amplifier dès 2016 les créations de postes dans trois ministères.
Au ministère de l’intérieur, dans la police et la gendarmerie, ce sont 5 000 postes supplémentaires sur deux ans qui seront créés.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Ces créations de postes s’ajouteront à celles que nous avons décidées depuis 2012, notamment aux créations déjà annoncées au printemps dernier dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. Au total, nous reviendrons, en 2017, au niveau du nombre de postes de 2007.
Au ministère de la justice, ce sont 2 500 postes qui seront créés sur deux ans, qui s’ajouteront aux 4 744 créations de postes réalisées ou prévues au cours du quinquennat.
Dans les services de la douane, 1 000 postes seront créés dans les deux ans qui viennent.
Au ministère de la défense, enfin, les 2 300 créations de postes annoncées pour 2016 seront réalisées comme prévu. À partir de 2017, les effectifs seront stabilisés, et ce jusqu’en 2019 au moins.
Au final, la mobilisation de ces nouveaux moyens conduira à une dépense supplémentaire sur le budget de l’État de l’ordre de 600 millions d’euros en 2016, pour financer à la fois ces nouveaux postes et les besoins en équipement qui les accompagnent.
Par ailleurs, notre effort d’économies restera conséquent, avec une dépense publique qui progressera de 1 % en 2015 – un peu plus en 2016 –, à comparer au rythme de plus de 3 % par an entre 2007 et 2012, avec une tendance moyenne de 2,5 % par an.
Je dirai, pour terminer, un mot sur l’Europe.
Les efforts que nous demandons, les décisions que nous prenons, nous ne le faisons pas à cause de l’Europe.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Non !
M. Michel Sapin, ministre. Redresser nos finances publiques nous a aussi permis de restaurer en Europe la voix de la France, cette dernière étant ainsi entendue. J’ai pu le constater personnellement lorsque, avec le Président de la République et nos partenaires, nous avons pu trouver une issue favorable à la crise grecque, construite sur les deux piliers que sont la solidarité et la responsabilité.
C’est aussi cette confiance retrouvée qui nous permet de mobiliser des moyens supplémentaires pour notre sécurité, avec l’aval de la Commission européenne.
Redresser nos finances publiques, c’est d’abord et avant tout nécessaire pour les Français. Là où l’Allemagne avait équilibré ses comptes en 2012, d’autres nous ont laissé un déficit qui allait franchir les 5 % du PIB et une compétitivité de nos entreprises en berne.
Redresser le pays en lui permettant de renouer avec la croissance et de réduire les déficits qui nous avaient été laissés ; financer nos priorités, et tout spécialement la sécurité, tout en maîtrisant la dépense comme jamais cela n’avait été fait avant nous ; mener à bien le programme de baisses d’impôts que nous nous sommes fixé, pour les entreprises comme pour les ménages, telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, notre feuille de route, celle qui trouve sa traduction dans ce projet de loi de finances et qui continuera à guider notre action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. Nous sommes convenus, lors de la conférence des présidents, que le temps de parole total attribué aux deux représentants du Gouvernement était de trente minutes.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, puisque c’est le début de la discussion, je vous laisserai un peu plus de temps, si vous le souhaitez.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
Mme la présidente. Mais j’aimerais que, à l’avenir, le temps de parole sur lequel se sont mis d’accord le Sénat et le Gouvernement soit respecté le mieux possible.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà moins d’une semaine, notre pays était frappé d’une attaque sans précédent. Le Gouvernement a immédiatement réagi, comme vous le savez, et tous les moyens nécessaires à la sécurité des Français seront déployés. À cet égard, le Gouvernement vous fera des propositions dans le cours de la discussion, comme Michel Sapin vient de l’indiquer.
La sécurité des Français est bien entendu la priorité absolue du Gouvernement, et nous dégagerons toutes les ressources nécessaires pour la garantir. Nous continuons néanmoins à travailler et à avancer.
Nous entamons aujourd’hui la discussion du projet de loi de finances pour 2016. Les débats budgétaires, qui nous occuperont jusqu’à la fin de l’année, seront sans doute animés. C’est un moment essentiel de la vie parlementaire et démocratique, et je souhaite que, comme ce fut le cas l’an dernier, nous puissions aller au bout de tous les débats. Le Gouvernement ne se dérobera à aucune discussion, et vous savez le prix que j’attache à nos échanges.
Les premiers résultats sont là : le déficit est au plus bas depuis sept ans ; la dette est sur le point de se stabiliser après avoir connu une augmentation continue pendant huit années ; la dépense progresse certes, mais à un niveau historiquement bas. Les Français doivent savoir que ces résultats résultent de leurs efforts.
Ces résultats, nous les obtenons par des économies sur la dépense. À cet égard, je formulerai quelques observations.
Faire des économies, c’est d’abord garantir aux Français que leur argent est correctement utilisé. Chaque année, au moment où l’on prépare le budget, le Gouvernement examine le détail de toutes les dépenses engagées dans le budget de l’État. Ce travail, nous le faisons tous les ans; cette année, il a encore été renforcé grâce au travail mené par le Conseil stratégique de la dépense publique et aux revues de dépenses que nous avons proposées.
Pourquoi le budget de l’État devrait-il continuer à supporter des exonérations de cotisations ciblées alors que nous avons allégé le coût du travail de manière massive ? Pourquoi les allocations logement ne tiendraient-elles pas compte de la réalité des ressources des bénéficiaires ? Pourquoi les chambres de commerce et d’industrie, qui assument des missions qui ne sont pas plus importantes que celles de la sécurité sociale ou de l’État, ne pourraient-elles pas contribuer à la réduction du déficit ?
Faire des économies, c’est aussi garantir le financement de notre modèle social. Là aussi, des résultats ont été obtenus. Ainsi, en 2016, les déficits sociaux retrouveront leur niveau d’avant-crise. Cette année, pour la première fois depuis 2002, j’y insiste, la dette sociale diminue. Et l’an prochain, après des déficits continus pendant douze ans, notre régime de retraite sera à l’équilibre.
Faire des économies, enfin, c’est la condition pour disposer des marges nécessaires en vue de répondre à l’urgence.
Michel Sapin a présenté les dépenses qui seront engagées pour renforcer les moyens de l’État en matière de sécurité.
À ce stade de la procédure budgétaire, nous prévoyons environ 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2016 par rapport au projet de loi de finances initiale. Ces chiffres vont être affinés avec les ministères concernés, sur la base d’une analyse précise des besoins. Des amendements seront déposés, dans la seconde partie du projet de loi de finances, sur chacune des missions budgétaires concernées.
Ces dépenses supplémentaires ne seront financées ni par un nouveau coup de rabot sur les crédits des ministères ni par des hausses d’impôts ; nous sommes en mesure d’y faire face pour répondre à l’urgence, qui est d’assurer la sécurité des Français. Du reste, elles ne feront qu’infléchir notre effort d’économies qui se poursuit conformément au plan de 50 milliards d’euros sur trois ans.
Tout commentateur qui s’attache à la réalité des chiffres constatera que les économies sont au rendez-vous chaque année. Comment ne ferions-nous pas d’économies, alors que la dépense publique, qui représentait 56,4 % du PIB en 2014, en représente 55,8 % en 2015 et en représentera 55,1 % en 2016 ? C’est seulement quand le commentaire à l’emporte-pièce prend le pas sur l’analyse que l’on refuse de voir les économies !
Celles-ci s’accompagnent de baisses d’impôts, que Michel Sapin vient de décrire dans le détail, au bénéfice tant des entreprises que des ménages. Ces diminutions visent notamment à rendre à nos entreprises la compétitivité qu’elles avaient malheureusement perdue. Pour ce qui concerne les ménages, le mouvement de baisse des prélèvements s’inscrit dans une logique simple : justice fiscale et lutte contre les inégalités. Chaque année depuis le début de la législature, nous avons franchi un pas supplémentaire dans cette voie.
Peut-être certains regrettent-ils qu’il n’y ait pas eu de grand soir fiscal, mais ce n’est pas ainsi que l’on réforme.