M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 4
(Non modifié)
La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précitée est ainsi modifiée :
1° A Après l’article 4, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. » ;
1° L’article 6 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre de l’intérieur peut prononcer l’assignation à résidence, dans le lieu qu’il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l’article 2 et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. Le ministre de l’intérieur peut la faire conduire sur le lieu de l’assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie.
« La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d’habitation déterminé par le ministre de l’intérieur, pendant la plage horaire qu’il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. » ;
a bis) À la fin du troisième alinéa, les mots : « visées à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « mentionnées au premier alinéa » ;
b) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre de l’intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence :
« 1° L’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu’il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s’applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés ;
« 2° La remise à ces services de son passeport ou de tout document justificatif de son identité. Il lui est délivré en échange un récépissé, valant justification de son identité en application de l’article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité, sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu.
« La personne astreinte à résider dans le lieu qui lui est fixé en application du premier alinéa du présent article peut se voir interdire par le ministre de l’intérieur de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Cette interdiction est levée dès qu’elle n’est plus nécessaire.
« Lorsque la personne assignée à résidence a été condamnée à une peine privative de liberté pour un crime qualifié d’acte de terrorisme ou pour un délit recevant la même qualification puni de dix ans d’emprisonnement et a fini l’exécution de sa peine depuis moins de huit ans, le ministre de l’intérieur peut également ordonner qu’elle soit placée sous surveillance électronique mobile. Ce placement est prononcé après accord de la personne concernée, recueilli par écrit. La personne concernée est astreinte, pendant toute la durée du placement, au port d’un dispositif technique permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national. Elle ne peut être astreinte ni à l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie, ni à l’obligation de demeurer dans le lieu d’habitation mentionné au deuxième alinéa. Le ministre de l’intérieur peut à tout moment mettre fin au placement sous surveillance électronique mobile, notamment en cas de manquement de la personne placée aux prescriptions liées à son assignation à résidence ou à son placement ou en cas de dysfonctionnement technique du dispositif de localisation à distance. » ;
2° Après l’article 6, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :
« Art. 6-1. – Sans préjudice de l’application de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, sont dissous par décret en conseil des ministres les associations ou groupements de fait :
« 1° Qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent ;
« 2° (Suppression maintenue)
« Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution sont réprimés dans les conditions prévues aux articles 431-15 et 431-17 à 431-21 du code pénal.
« Par dérogation à l’article 14 de la présente loi, les mesures prises sur le fondement du présent article ne cessent pas de produire leurs effets à la fin de l’état d’urgence.
« Pour la prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution des associations ou groupements dissous en application du présent article, les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure et les services désignés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4 du même code peuvent recourir aux techniques de renseignement dans les conditions prévues au livre VIII dudit code. » ;
3° L’article 7 est abrogé ;
3° bis L’article 9 est ainsi rédigé :
« Art. 9. – Les autorités administratives désignées à l’article 8 peuvent ordonner la remise des armes et des munitions, détenues ou acquises légalement, relevant des catégories A à C, ainsi que celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D, définies à l’article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure. Le représentant de l’État dans le département peut aussi, pour des motifs d’ordre public, prendre une décision individuelle de remise d’armes.
« Les armes remises en application du premier alinéa du présent article donnent lieu à la délivrance d’un récépissé. Elles sont rendues à leur propriétaire en l’état où elles étaient lors de leur dépôt. » ;
3° ter L’article 10 est ainsi rédigé :
« Art. 10. – La déclaration de l’état d’urgence s’ajoute aux cas prévus à l’article L. 1111-2 du code de la défense pour la mise à exécution des réquisitions dans les conditions prévues au livre II de la deuxième partie du même code. » ;
4° L’article 11 est ainsi rédigé :
« Art. 11. – I. – Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l’article 8 le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.
« La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition. Le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins.
« Il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues au présent article peuvent être copiées sur tout support.
« La perquisition donne lieu à l’établissement d’un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République.
« Lorsqu’une infraction est constatée, l’officier de police judiciaire en dresse procès-verbal, procède à toute saisie utile et en informe sans délai le procureur de la République.
« Le présent I n’est applicable que dans les zones fixées par le décret prévu à l’article 2.
« II. – Le ministre de l’intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. » ;
4° bis L’article 12 est abrogé ;
5° L’article 13 est ainsi rédigé :
« Art. 13. – Les infractions aux articles 5, 8 et 9 sont punies de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.
« Les infractions au premier alinéa de l’article 6 sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Les infractions au deuxième et aux cinq derniers alinéas du même article 6 sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« L’exécution d’office, par l’autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l’existence de ces dispositions pénales. » ;
6° Le second alinéa de l’article 14 est supprimé ;
7° Le titre Ier est complété par un article 14-1 ainsi rédigé :
« Art. 14-1. – À l’exception des peines prévues à l’article 13, les mesures prises sur le fondement de la présente loi sont soumises au contrôle du juge administratif dans les conditions fixées par le code de justice administrative, notamment son livre V. » ;
8° À l’intitulé, le mot : « relatif » est remplacé par le mot : « relative ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’article 4, que je voterai, de même que l’ensemble du projet de loi, sans l’ombre d’une hésitation, renferme l’essentiel du dispositif de renforcement de l’état d’urgence.
Je tiens à signaler deux enjeux, à propos desquels, à ce stade, je n’ai pas nécessairement de position arrêtée.
Premièrement, il convient de réfléchir à la manière de ne pas retomber, dans trois mois, dans le business as usual – que M. Legendre me pardonne cet anglicisme ! Pendant trois mois, en effet, l’exécutif disposera de moyens considérables lui permettant notamment de procéder à des saisies et à des perquisitions – nous vous faisons une pleine confiance de ce point de vue, monsieur le ministre –, mais que se passera-t-il ensuite ?
Mme Nicole Bricq. Pour l’instant, votons !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Peut-être faudra-t-il adapter notre arsenal législatif pour que, d’une manière ou d’une autre, certaines mesures demeurent possibles ? Ainsi, l’article 4 du projet de loi prévoit la possibilité de mener une perquisition, de jour comme de nuit, dans tout lieu dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Il me semble, compte tenu des personnes dont il s’agit, que cette disposition est légitime, y compris en temps normal ! C’est pourquoi un certain nombre d’entre nous, en particulier parmi les membres de la commission des lois, entendent réfléchir à la pérennisation de certaines mesures. (Marques d’impatience sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Tasca. Votons, maintenant !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Deuxièmement, il faut mesurer toute l’importance de la détection. En effet, ces fils et filles de France qui malheureusement ne se sentent pas toujours tels, et qui parfois retournent leurs armes contre la mère patrie, ont souvent dérivé petit à petit. Il faut s’attacher à détecter les premiers signaux, encore faibles, afin d’agir le plus tôt possible pour remettre dans le droit chemin les personnes qui ont été repérées. Il est nécessaire de sensibiliser à cet impératif toutes les institutions de socialisation, en particulier l’éducation nationale ; je pense aussi que certains signaux faibles peuvent être détectés au cours de la journée défense et citoyenneté.
Cet effort de détection est essentiel pour essayer de ramener à l’amour de la patrie ceux qui s’en détournent et, tout simplement, pour prévenir des dérives mortelles.
Voilà, mes chers collègues, deux enjeux auxquels il me paraît nécessaire que nous réfléchissions dans les mois à venir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Au moment où nous commençons l’examen de l’article 4 du projet de loi, il importe que j’interroge M. le ministre sur l’interprétation qu’il convient de donner à deux dispositions, afin que les tribunaux soient éclairés.
Près de huit cents perquisitions ont été menées en sept jours dans le cadre d’un régime de police administrative ; le présent article précise opportunément qu’on ne peut procéder à de telles perquisitions que s’il y a des raisons sérieuses de penser que le lieu perquisitionné est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.
Le pouvoir judiciaire n’est pas totalement absent de cette procédure, puisque le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont bien voulu approuver la suggestion que je leur ai faite de confier à l’officier de police judiciaire le soin de procéder, le cas échéant, à la saisie de ce que j’appellerai, pour simplifier, une pièce à conviction. De sorte que l’officier de police judiciaire ne sera pas un simple témoin de la perquisition administrative ; il en sera aussi, dans ce cas-là, un acteur.
Moyennant quoi deux doutes subsistent, que M. le ministre voudra bien dissiper.
En ce qui concerne les perquisitions administratives de nuit, je fais, pour ma part, une interprétation très claire de l’article 4 du projet de loi : dès lors que la perquisition a été régulièrement ordonnée, l’officier de police judiciaire, à qui il appartient d’opérer les saisies et d’en rendre compte au procureur de la République, peut valablement y procéder indépendamment de l’heure. En d’autres termes, la règle, prévue à l’article 59 du code de procédure pénale, selon laquelle un officier de police judiciaire ne peut procéder à une perquisition qu’après six heures du matin ne s’applique pas dans le cadre de ce régime, sans qu’il soit nécessaire, ni même utile, d’inscrire cette précision dans la loi.
S’agissant des endroits où une perquisition peut être menée, je considère que l’expression « en tout lieu », qui autorise les forces de l’ordre à perquisitionner ailleurs qu’au domicile de la personne visée, couvre les véhicules.
Sur ces deux questions, monsieur le ministre, votre interprétation rejoint-elle la mienne ?
Plus généralement, il me paraît important que les pouvoirs exceptionnels que le Gouvernement tire de la mise en œuvre de l’état d’urgence conservent un caractère temporaire. Ainsi, la commission des lois n’a pas souhaité inscrire à titre permanent dans notre droit un certain nombre de mesures relatives à l’assignation à résidence, au maintien dans le domicile, aux perquisitions et aux interdictions de réunion. Ces pouvoirs exceptionnels, monsieur le ministre, vous les exercez et les préfets les exercent sous votre autorité dans le cadre de l’état d’urgence, mais il ne saurait être question, de mon point de vue, de les rendre permanents.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas vous compromettre, mais je suis en tout point d’accord avec vous. (Sourires.)
Point n’est besoin d’insister sur le caractère temporaire qui s’attache aux pouvoirs accordés aux forces chargées de maintenir la sécurité et l’ordre publics ; le présent projet de loi fixe des délais dont la prolongation devrait être autorisée par le Parlement, lequel pourra, en vertu de l’article 4-1 qu’il est proposé d’insérer dans la loi du 3 avril 1955, être informé des conditions dans lesquelles l’état d’urgence est mis en œuvre, s’agissant notamment des mesures de police administrative.
Pour ce qui concerne les perquisitions, il est exact qu’elles ne peuvent être menées hors la présence d’un officier de police judiciaire. Si l’état d’urgence permet des mesures de police administrative, il ne remet aucunement en cause la séparation des pouvoirs : ainsi, lorsque l’infraction est constatée, le juge judiciaire reprend l’intégralité de ses prérogatives et le déclenchement de l’action publique comme les gardes à vue ont lieu selon le droit commun. C’est d’ailleurs ce qui se passe : les 178 perquisitions qui ont été menées ce matin ont conduit à une vingtaine de gardes à vue qui se tiennent selon les règles ordinaires.
Enfin, il est bien évident que les lieux pouvant être perquisitionnés, de jour comme de nuit, doivent être entendus au sens large : il peut s’agir de domiciles, mais aussi de véhicules, comme vous l’avez très justement supposé.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Au terme d’un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel peut être saisi par soixante députés ou soixante sénateurs ou par un groupe parlementaire, aux fins d’apprécier si les conditions fixées à l’article 1er de la présente loi demeurent réunies.
« Il se prononce par un avis qu’il rend dans les moindres délais. Il procède de lui-même à cet examen après soixante jours d’application des mesures édictées au titre de la présente loi. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La vigilance démocratique et républicaine est nécessaire : c’est fidèles à cet esprit que nous proposons, avec toute la solennité qui sied à ce débat grave et aux circonstances qui l’entourent, une mesure largement et directement inspirée du rapport établi en 2007 par le comité dit « Balladur ». La onzième proposition de ce rapport intitulé Une Ve République plus démocratique consiste à prévoir à l’article 16 de la Constitution, qui confère des pouvoirs exceptionnels au Président de la République, la possibilité pour soixante députés ou soixante sénateurs de demander au Conseil constitutionnel, au bout d’un délai de trente jours, d’apprécier si les conditions justifiant l’état d’urgence sont toujours réunies ; le Conseil constitutionnel pourrait s’autosaisir au terme de soixante jours.
Nous estimons que l’application de cette proposition serait de nature à donner une plus grande réalité au contrôle parlementaire, qui se limite finalement à une simple information.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Croyez bien, mon cher collègue, que la commission des lois n’a éprouvé aucune antipathie à l’égard ni de cet amendement ni de ses auteurs. Simplement, elle a considéré que les modalités de saisine du Conseil constitutionnel relèvent exclusivement de la Constitution. Pour cette raison, elle s’est prononcée contre le présent amendement.
J’ai cru comprendre que le Président de la République et le Gouvernement avaient l’intention de prendre l’initiative d’une révision constitutionnelle ; il leur appartiendra à cette occasion de décider s’ils entendent donner suite à votre proposition, et, ne le proposeraient-ils pas, vous auriez la possibilité de présenter un nouvel amendement, portant cette fois sur un texte pertinent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement pose problème dans la mesure où il suppose qu’une loi ordinaire pourrait conférer des pouvoirs au Conseil constitutionnel, alors qu’il faut pour ce faire nécessairement une révision de la Constitution. De ce point de vue, monsieur Bocquet, votre amendement n’est pas recevable en droit.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Au travers de cet amendement, vous proposez d’établir un contrôle pour apprécier si les conditions qui ont conduit au déclenchement de l’état d’urgence sont toujours réunies. C’est certes légitime. Toutefois, si nous proposons une révision de la Constitution, ce n’est pas seulement pour cette raison, mais c’est aussi pour cette raison ! En effet, nous souhaitons qu’un contrôle des conditions dans lesquelles l’état d’urgence pourrait être prorogé puisse être exercé au regard des principes constitutionnels.
Récapitulons : d'une part, la loi ne peut pas conférer de compétences au Conseil constitutionnel ; d'autre part, il sera tout à fait possible d’étudier les modalités de contrôle des conditions de prorogation de l’état d’urgence – notamment au regard des principes constitutionnels – dans le cadre de la révision de la Constitution que nous allons proposer.
Pour ces deux raisons, je vous demanderai donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Louis Nègre, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics
par les mots :
dont le comportement est dangereux pour la sécurité ou l’ordre public
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les personnes susceptibles d’être concernées par une assignation à résidence sont des suspects au sens large : les assignations à résidence peuvent être prononcées à l’égard de toute personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ».
Au ministère de l’intérieur de décider du lieu où ces personnes seront assignées, voire d’organiser en quelque sorte leur emploi du temps !
Dans la droite ligne des dérives sécuritaires que l’on a vues se développer cette année, autant au travers des réformes sur l’asile et sur le droit des étrangers que dans le cadre de la réforme sur le renseignement, on continue ici d’insuffler dans notre droit des critères à tendance subjective s’agissant de décisions extrêmement importantes que nous considérons comme privatives de liberté.
C’est pourquoi nous vous proposons de réécrire l’alinéa 6 en rétablissant un cadre objectif et respectueux du droit commun.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Si la personne dont on parle a un comportement dangereux au regard de la sécurité publique, il faut l’enfermer et non l’assigner à résidence ! Il faut la faire condamner ! C’est la raison même de notre arsenal pénal et de notre procédure pénale.
En revanche, dans le cas où il existe des raisons de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, alors là, oui, il faut assigner la personne à résidence !
Cette assignation est une mesure de police administrative destinée non à punir la personne mais à la surveiller, et ce d’autant plus efficacement que l’on est assuré de l’avoir sous la main, si je puis dire.
De mon point de vue, madame la sénatrice, ce que vous proposez n’est donc pas conforme à un partage judicieux entre police administrative et police judiciaire. Si vous souhaitez punir un individu, faites un procès, mais, si vous voulez le surveiller, assignez-le alors à résidence dans le cadre d’une procédure de police administrative. C’est aussi simple que cela !
C’est la raison pour laquelle, et compte tenu de l’éclairage que je me suis permis d’apporter sur ce sujet, je vous recommande de retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier pour vos explications, qui ne m’ont certes pas convaincue (Exclamations amusées sur certaines travées.),…
M. Philippe Bas, rapporteur. Ah !
Mme Laurence Cohen. … mais qui, parce qu’elles sont extrêmement précises, donnent à réfléchir.
Je tiens à vous signaler, mes chers collègues, que, lorsque nous proposons des amendements, nous le faisons dans le but d’améliorer le texte qui nous est soumis, et, en l’occurrence, c’est loin d’être un petit texte ! Le droit d’amendement parlementaire est un droit constitutionnel, que je sache !
Lorsque j’entends des protestations venant de certaines travées, je suis donc très étonnée. Nous ne discutons pas d’un texte mineur, mes chers collègues : même si la procédure accélérée est engagée, prenons le temps de confronter nos idées, de réfléchir ensemble, et laissez-nous exposer un point de vue qui peut être différent !
Je souhaiterais que notre droit d’amendement soit respecté.
Les éléments d’explication fournis par M. le rapporteur ne nous convainquent pas. Nous trouvons la rédaction de cet alinéa extrêmement subjective et pensons qu’elle laisse la porte ouverte à toutes les dérives.
C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
huit
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Les modifications introduites par la commission des lois de l’Assemblée nationale avec l’assentiment de M. le président de la commission des lois du Sénat requièrent toute notre attention, notamment s’agissant des mesures d’assignation à résidence.
L’allongement de huit à douze heures de la durée quotidienne maximale pendant laquelle la personne assignée à résidence peut être astreinte à demeurer dans un lieu d’habitation nous pose question.
Très sincèrement, quelle est l’utilité de cet allongement sachant que les personnes concernées peuvent avoir à signaler leur présence auprès des services de police et de gendarmerie jusqu’à trois fois par jour ?
En prolongeant la durée de leur astreinte, cherche-t-on à leur interdire de fait toute activité professionnelle ?
Pour empêcher cette fuite en avant, nous vous proposons de rétablir le texte initial, c'est-à-dire la durée de huit heures. Tel est le sens de notre amendement.