Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme beaucoup d’entre vous l’ont souligné à l’occasion de ce débat, nous sommes dans un contexte particulièrement grave de menace terroriste qui implique que nous rehaussions les moyens de nos forces afin de leur permettre de mener la guerre au terrorisme et d’assurer un haut niveau de protection des Français.
Dans ce contexte, il importe d’être le plus précis possible dans les éléments communiqués à la représentation nationale concernant les efforts faits par le Gouvernement pour faire face à cette situation si difficile.
D’abord, pour ce qui concerne les emplois, et afin de mettre un terme à un certain nombre de débats sur les efforts faits par l’actuel gouvernement depuis 2012, je veux vous donner les chiffres des effectifs de la gendarmerie et de la police nationale en 2007 et en 2012, puis préciser ce que seront ces chiffres d’effectifs une fois que vous aurez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2016 et que la loi aura été exécutée.
En 2007, les effectifs de la gendarmerie et de la police nationale s’élevaient à 251 929 ETP, contre 239 500 ETP en 2012, soit près de 13 000 emplois de moins qu’au début du quinquennat. En 2016, ces effectifs s’établiront à 246 866 ETP, soit 7 456 de plus qu’en 2012.
Nous pouvons les uns et les autres débattre de l’importance de l’effort et nous demander si, oui ou non, nous avons créé des emplois en nombre suffisant. En revanche, nul ne peut contester qu’il en a été créé en nombre (M. Jacques Chiron opine.) et qu’il en sera créé encore compte tenu de l’annonce par le Président de la République lors du Congrès à Versailles de créer 5 000 postes supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Au total, le nombre de créations de postes s’élèvera à près de 10 000 sur la totalité du quinquennat si nous maintenons le rythme de créations, ce que nous avons l’intention de faire compte tenu du contexte et des engagements pris par le Président de la République.
Ensuite, j’évoquerai les crédits dits « hors T2 », afin que, là aussi, les choses soient totalement claires.
Une fois que l’amendement du Gouvernement aura été, comme je l’espère, adopté, la police nationale verra ses crédits de fonctionnement, hors personnels, augmenter de 14 % et la gendarmerie nationale de 8,5 %. Au total, les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile seront en hausse de 10 %. Je rappelle qu’entre 2007 et 2012 les crédits consacrés aux forces de sécurité ont diminué de près de 15 %. Voilà les chiffres ! Ils sont simples, bruts : ils reflètent une réalité, laquelle traduit l’effort que nous faisons non pas depuis le 13 novembre dernier, mais depuis des années, et que nous avons amplifié au lendemain des attentats du mois de janvier 2015 en décidant la création dans nos services de 1 401 emplois supplémentaires, pour être très précis, qui se sont traduits par 500 créations d’emplois au sein de la direction générale de la sécurité intérieure, 500 au sein du service central du renseignement territorial, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, 40 au sein du service de protection des personnalités et 60 au sein de la direction centrale de la police aux frontières.
M. Jacques Chiron. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le dis à M. le rapporteur, dont les chiffres sont exacts, mais ne tiennent pas compte de la période 2009–2012, or il est toujours bon d’embrasser la totalité des périodes que l’on veut traiter afin d’en donner une photographie la plus précise possible. Je le dis également à la sénatrice qui s’est exprimée tout à l’heure sur les moyens hors T2 de la police et de la gendarmerie. Je le dis enfin à tous les sénateurs qui veulent avoir la garantie que nous donnerons aux services les moyens de fonctionner correctement.
J’entrerai maintenant dans le détail de ces chiffres, de façon extrêmement fine, afin que chacun puisse disposer de l’ensemble des informations utiles avant le vote.
Dans le cadre du plan antiterroriste décidé en janvier, les effectifs des forces concourant à la sécurité ont été renforcés à hauteur de 538 nouveaux postes dès 2015, qui seront tous pourvus d’ici à la fin de l’année. Ces 538 nouveaux postes correspondent à la part, pour l’année 2015, des 1 401 postes que je viens d’évoquer et qui ont vocation à être pourvus dans la période 2015–2017.
Le plan antiterroriste sera poursuivi en 2016, avec le recrutement de 445 renforts supplémentaires dans les services antiterroristes, dont 390 dans la police nationale et 55 dans la gendarmerie nationale.
Au-delà de la lutte antiterroriste, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit également de couvrir des besoins plus structurels des forces de sécurité. Ce sont ainsi 287 effectifs supplémentaires qui vous sont proposés pour renforcer les unités de terrain, au service de la sécurisation générale de notre pays.
Par ailleurs, je veux le rappeler au Sénat, le Gouvernement a soumis à l’Assemblée nationale un amendement, voté en première lecture, visant à doter les forces mobiles et la police aux frontières de 900 effectifs supplémentaires pour faire face à la crise migratoire à laquelle le pays est confronté.
Au total, avant l’examen de l’amendement qui vous est proposé, ce sont 1 632 effectifs supplémentaires qui sont prévus en 2016, dont 1 078 ETP pour la police et 554 ETP pour la gendarmerie.
Au vu de la menace et pour atteindre notre objectif de destruction de cette menace, le Président de la République a demandé un renfort supplémentaire de 5 000 effectifs afin de lutter contre le terrorisme, de sécuriser les frontières et de renforcer encore la sécurisation générale de notre pays.
L’amendement qui vous est proposé tend à prévoir un renfort global de 3 150 effectifs supplémentaires dès 2016 pour les forces de sécurité.
La police nationale bénéficiera ainsi de 1 366 effectifs supplémentaires, qui permettront de renforcer à la fois la direction générale de la sécurité intérieure, à hauteur de 225 ETP sur deux ans, dont 113 dès 2016, et les autres services antiterroristes de la direction générale de la police nationale : la police judiciaire – elle se verra octroyer 160 renforts en deux ans –, la direction du renseignement de la préfecture de police – elle s’en verra attribuer 60 en deux ans –, le service central du renseignement territorial – il bénéficiera de 130 renforts en deux ans –, le service de protection des personnalités. La police aux frontières, la sécurité publique, les compagnies républicaines de sécurité et les compagnies d’intervention de la préfecture de police verront elles aussi leurs effectifs renforcés.
Le même renforcement est prévu pour 2017.
Au total, 625 effectifs supplémentaires auront été recrutés pour le renseignement pur en deux ans. Ces recrutements impliquent de modifier les modalités de recrutement et d’utiliser tous les leviers disponibles en matière de gestion des ressources humaines, qu’il s’agisse de la durée de formation et de stage ou du recours aux contractuels notamment. À cet égard, le directeur général de la police nationale me fera des propositions avant la mi-décembre afin que nous puissions procéder aux recrutements dans les meilleurs délais.
Pour mémoire, je rappelle simplement – là aussi, c’est un signe – que les sorties d’écoles de gardiens de la paix, qui étaient de 488 en 2012, ont d’ores et déjà été portées à plus de 3 600 en 2015. Si je ne devais m’en tenir qu’aux recrutements dans les écoles en vue de pourvoir les postes au sein de nos forces de sécurité pour apporter la démonstration de la véracité des recrutements effectifs, ces chiffres en témoignent si besoin était.
Par ailleurs, 1 763 effectifs de la gendarmerie viendront renforcer les escadrons de gendarmes mobiles, mais également les unités dans l’ensemble du territoire. Les renforts de la gendarmerie seront intégralement recrutés dès 2016, car la gendarmerie a les capacités de procéder à ces embauches compte tenu de l’organisation des recrutements. Il y a en effet deux recrutements par an, celui de la fin de l’année ayant pu être ajusté dès après les attentats.
Les effectifs des démineurs de la sécurité civile seront renforcés de vingt et une recrues en 2016.
Le solde des créations de postes, de 252 effectifs en 2016 et de 213 effectifs en 2017, viendra renforcer les services centraux et les préfectures pour l’accomplissement de leurs missions concourant à la sécurité : la lutte contre la radicalisation, contre la fraude documentaire, contre les armes et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Je réponds ainsi à l’une des préoccupations évoquées par Mme la sénatrice Nathalie Goulet.
Au total, si vous adoptez l’amendement du Gouvernement, pour synthétiser l’ensemble de ces données, les renforts des forces de sécurité atteindront, en 2016, un total de 4 761 effectifs. J’ai noté que cet amendement avait obtenu un soutien unanime en commission. Ce vote unanime est une démonstration de notre unité, qui fait la force de notre pays face aux terroristes, et j’en remercie l’ensemble des sénateurs.
Au-delà de la poursuite et de l’intensification du renforcement des effectifs engagé dès 2012, le budget pour 2016 prévoit également des mesures catégorielles ciblées, à la hauteur de la mobilisation exceptionnelle qui est demandée aux forces de sécurité.
Pour les forces mobiles de police et de gendarmerie, l’indemnité journalière d’absence temporaire, l’IJAT, est revalorisée, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’en 2017. L’IJAT allouée aux CRS, qui payent un très lourd tribut et fournissent des efforts considérables dans le cadre du plan Vigipirate, croît de 30 %. Cette indemnité, je veux le rappeler, n’avait pas été augmentée depuis treize ans.
Les sous-officiers de gendarmerie et les gardiens de la paix bénéficieront d’une revalorisation indiciaire.
Un grade à accès fonctionnel sera créé pour les commissaires de police.
Pour les personnels de la sécurité civile, le régime indemnitaire des techniciens de maintenance du groupement d’hélicoptères de Nîmes sera valorisé. C’est un sujet que vous aviez me semble-t-il évoqué, madame la sénatrice Catherine Troendlé.
En outre, le Gouvernement entend poursuivre la remise à niveau des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement des forces de sécurité. Cet effort est indispensable pour permettre aux effectifs recréés d’accomplir leurs missions, alors même que les moyens alloués aux forces de police et de gendarmerie ont diminué de 17 %, je le répète, dans la période 2007–2012.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, pour être là aussi tout à fait précis, un renforcement substantiel des moyens est d’ores et déjà prévu, avant le vote de l’amendement. Ainsi, les moyens matériels des forces de sécurité doivent croître de 9 % en autorisations d’engagement et de 1,4 % en crédits de paiement. Je ne sais donc pas d’où provient le chiffre de 0,98 % évoqué à plusieurs reprises.
Je veux préciser comment se déclineront ces moyens nouveaux, abondés par l’amendement, entre la police nationale et la gendarmerie.
Pour la seule police nationale, 40 millions d'euros seront à nouveau consacrés, comme en 2015, à l’acquisition de plus de 2 000 véhicules neufs.
Par ailleurs, la modernisation technologique sera poursuivie : 27,2 millions d'euros seront consacrés en 2016 à l’unification des plateformes de réception des appels d’urgence, au renforcement des infrastructures et des applications fondamentales, comme la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements PHAROS ou encore le système de Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, CHEOPS, d’accès à différents fichiers, l’ensemble de ces infrastructures numériques n’ayant pas fait l’objet d’investissements depuis près de vingt ans.
De surcroît, le fonds interministériel de prévention de la délinquance recevra 17,7 millions d'euros pour lutter contre la radicalisation, mettre en place des dispositifs de vidéoprotection des lieux de culte, contribuer à l’équipement des communes en terminaux portatifs de radiocommunication, en gilets pare-balles et en armement des polices municipales. Je souhaite en effet renforcer les moyens de protection et d’intervention des polices municipales.
La gendarmerie bénéficiera également de moyens renforcés. Le plan triennal de réhabilitation du parc domanial de la gendarmerie sera poursuivi à hauteur de 70 millions d'euros supplémentaires, permettant de réhabiliter 5 000 logements, après 3 400 réhabilitations effectuées en 2015. Le renouvellement du parc automobile des gendarmes sera aussi doté de 40 millions d'euros en 2016, pour l’acquisition de 2 000 véhicules neufs supplémentaires.
Je pourrais par ailleurs évoquer, comme je l’ai fait en commission, le programme NEOGEND, qui permettra de doter les gendarmes d’outils mobiles d’accès aux systèmes d’information et garantira la modernisation de la gendarmerie par l’accès à des outils numériques de toute première efficacité.
La sécurité civile, dont il a été question, bénéficiera également d’une hausse de 8,3 millions d'euros de son budget par rapport à l’an dernier, notamment pour le maintien en conditions opérationnelles de la flotte d’avions, le renforcement de ses capacités d’intervention et de gestion de crises.
À cela, s’ajoutera le volet 2016 du plan antiterroriste décidé en janvier.
La police bénéficiera de 24,7 millions d'euros de moyens supplémentaires pour l’équipement, la protection, la modernisation technologique des moyens informatiques, de vidéoprotection et électroniques.
La gendarmerie verra ses moyens antiterroristes renforcés à hauteur de 5,2 millions d'euros, en particulier afin de poursuivre l’action de modernisation informatique des forces.
Dans le cadre du « pacte de sécurité » voulu par le Président de la République, l’amendement qui vous est soumis prévoit d’accompagner les créations d’effectifs de moyens nouveaux à hauteur de 220 millions d'euros de crédits d’équipement, d’investissement et de fonctionnement. En 2017, ces moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement supplémentaires atteindront 210 millions d'euros pour la police, la gendarmerie et la sécurité civile.
En 2016, ces moyens, répartis en 116 millions d'euros au bénéfice de la police, 93 millions d'euros au bénéfice de la gendarmerie et 11 millions d'euros au service de la sécurité civile, permettront d’assurer les dépenses nécessaires au renforcement de l’appareil de formation, en procédant aux mutualisations et à l’optimisation des moyens immobiliers autant que possible. Ils permettront également de renforcer l’effort de renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie à hauteur de 1 000 véhicules supplémentaires par force. Dès 2016, les 6 000 véhicules évoqués tout à l'heure seront acquis : 3 000 dans la police nationale et 3 000 dans la gendarmerie.
L’ensemble de ces investissements est destiné, avec l’augmentation des moyens déjà prévue par le PLF 2016, à donner à nos forces de sécurité tous les moyens matériels nécessaires à leur action.
Pour conclure, madame la présidente, je voudrais rappeler un certain nombre d’éléments concernant notre action depuis le mois de janvier 2015, car j’entends régulièrement dire que tout n’a pas été fait de ce qui devait l’être, que du retard a été pris… Le débat parlementaire doit être l’occasion d’apporter les éléments d’information et de réponse à ces interpellations.
Pour mémoire, entre 2007 et 2012, 12 519 suppressions d’emplois sont intervenues dans la police et la gendarmerie. Depuis cette date, et avant même les mesures que vous allez, je l’espère, voter, nous avons d’ores et déjà créé 2 317 postes dans la gendarmerie, 2 444 dans la police, soit au total 4 761 postes recréés.
Ce résultat est atteint grâce à l’effort décidé en janvier dernier dans le cadre du plan antiterroriste, qui a prévu 1 404 recrutements supplémentaires sur trois ans.
Avec les plans de renforts décidés par cette majorité, nous parviendrons d’ici à 2017 à un renfort de 9 341 postes, dont 8 984 pour les forces de sécurité.
Sur le plan des moyens, le même effort historique est assuré. À la suite des attentats de janvier, 233 millions d’euros supplémentaires ont été alloués sur trois ans. En 2015, cet effort représente 97,8 millions d’euros d’investissements et d’équipements supplémentaires. Ce plan s’ajoute au renfort de 432 postes décidé dès 2012 pour la DGSI, accompagné de 36 millions d’euros de moyens supplémentaires sur trois ans.
J’aimerais également souligner que les moyens juridiques ont été mis à la disposition des services. À cet égard, je tiens à adresser mes remerciements à Philippe Bas…
M. Roger Karoutchi. Ah ! Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … qui a joué un rôle déterminant dans la sécurisation de ces moyens juridiques.
La loi relative au renseignement a été promulguée le 24 juillet 2015. Nous avons conduit le travail de préparation des décrets d’application à marche forcée, et je vous laisse en juger, puisque j’ai lu que les décrets d’application de ladite loi n’avaient pas été pris.
Faisons un point : le décret relatif à la désignation des services spécialisés de renseignement, dit du premier cercle, a été adopté le 28 septembre. Le décret constituant la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, a été adopté le 1er octobre. Il fallait créer la CNCTR pour la saisir d’autres décrets : celle-ci fut créée à marche forcée et nous lui avons transmis le décret sur le second cercle. La CNCTR a d’ores et déjà rendu son avis sur ce décret – Catherine Troendlé et Michel Boutant, qui sont les représentants pour le Sénat à la CNCTR, en savent autant que moi si ce n’est plus –, de sorte que ce décret sera adopté d’ici à la fin de l’année après examen par le Conseil d’État.
Le décret permettant d’accéder au traitement d’antécédents judiciaires, pour certaines finalités, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours et à l’exclusion de celles qui sont relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes, a été transmis à la CNIL et au Conseil d’État, de sorte que la publication doit avoir lieu avant la fin de l’année.
Enfin, concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le FIJAIT, le décret prévoyant sa création, porté par le ministère de la justice, est actuellement soumis à l’avis de la CNIL, et devrait être présenté au Conseil d’État à la mi-décembre 2015.
C’est par ailleurs avec la même célérité que les décrets d’application de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme avaient été adoptés, puisque tous étaient pris dès le 3 avril. Nous avons d’ores et déjà, au titre de ces textes, prononcé 222 interdictions de sortie du territoire, 137 interdictions administratives du territoire, bloqué 87 sites, 115 adresses, prononcé 6 déchéances de la nationalité et procédé au prononcé de 34 expulsions de prêcheurs de haine depuis le début de l’année.
Je rappellerai pour terminer que, s’agissant de l’état d’urgence, nous en sommes à 2 029 perquisitions administratives, qui ont permis de saisir 139 armes longues, 113 armes de poing, 31 armes de guerre, 37 autres armes, de réaliser 250 interpellations et 220 gardes à vue.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’action qui a été la nôtre, depuis le mois de janvier, concernant les textes d’application des lois que vous avez votées et la mise en œuvre concrète des mesures de police administrative prévues par ceux-ci, mais également les efforts budgétaires qui ont été accomplis par le Gouvernement pour mettre à niveau les budgets de nos forces de sécurité aussi bien en emplois équivalents temps plein qu’en crédits hors T2, ou encore les mesures que nous avons prises depuis le 13 novembre, qui constituent non pas une rupture, mais une amplification de celles que nous avions déjà engagées, ainsi que les résultats que ces mesures ont enregistrés en l'espace de quelques jours.
M. Philippe Kaltenbach. Bravo !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est la raison pour laquelle, sur ce sujet, dès lors que l’on convoque la réalité et non pas les polémiques, je pense que nous devons pouvoir cheminer ensemble utilement pour faire en sorte que notre pays, dans l’unité nationale, protège ses concitoyens du risque terroriste. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du RDSE et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Robert del Picchia applaudit également.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Sécurités |
18 503 788 267 |
18 392 769 263 |
Police nationale |
9 779 672 055 |
9 782 202 619 |
Dont titre 2 |
8 796 852 288 |
8 796 852 288 |
Gendarmerie nationale |
8 282 846 545 |
8 134 979 106 |
Dont titre 2 |
6 909 087 540 |
6 909 087 540 |
Sécurité et éducation routières |
38 992 525 |
38 992 525 |
Sécurité civile |
402 277 142 |
436 595 013 |
Dont titre 2 |
167 204 449 |
167 204 449 |
Mme la présidente. L'amendement n° II–256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
167 922 265 51 534 280 |
|
167 922 265 51 534 280 |
|
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
160 553 599 67 116 367 |
|
160 553 599 67 116 367 |
|
Sécurité et éducation Routières |
|
|
|
|
Sécurité civile dont titre 2 |
11 688 106 975 606 |
|
11 688 106 975 606 |
|
TOTAL |
340 163 970 |
|
340 163 970 |
|
SOLDE |
340 163 970 |
340 163 970 |
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous avez sous les yeux, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objet de cet amendement. J’ai en outre évoqué dans mon propos, en réponse aux différentes interventions, les objectifs que nous nous fixions à travers celui-ci.
Il s’agit de créer 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017 au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur qui concourent à la sécurité de nos concitoyens, dont 4 535 postes au profit de la mission « Sécurités ».
Pour 2016, parce que l’on ne peut pas attendre pour la création de ces moyens dont nous avons besoin, l’amendement prévoit la création de 3 150 emplois pour la mission « Sécurités ». Ces créations d’effectifs s’accompagnent d’un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement d’un montant total de 220 537 717 euros. La répartition de ces moyens d’investissement pour nos services est détaillée dans l’objet, je vous en fais grâce.
Cet amendement témoigne donc d’un effort considérable, qui n’arrive pas soudainement. Cet effort fait suite à la création de 500 emplois par an depuis le début du quinquennat, auxquels se sont ajoutés 1 401 emplois sur trois ans après la mise en place du plan de lutte antiterroriste ; ces 1401 emplois sont accompagnés de 233 millions d'euros de crédits hors T2, pour leur permettre d’être accompagnés des moyens budgétaires nécessaires à leur équipement et au fonctionnement des services.
Ce sont ajoutés, dans un amendement adopté par l’Assemblée nationale, les crédits nécessaires au recrutement de 900 emplois supplémentaires destinés à faire face à la situation migratoire, et ce pour 2016. Les 1 401 emplois déjà décidés sont prévus sur trois ans ; les 900 emplois supplémentaires pour 2016. La part des 1 401 sur l’annualité 2016 correspond à 538, ce qui nous permet d’aboutir à l’effectif de 1 632. Enfin, vous avez ces 5 000 emplois, accompagnés de 220 millions d'euros.
Cet amendement est destiné à acter, sur le plan budgétaire, l’effort que nous faisons à la suite de la tragédie du 13 novembre dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Cet amendement, présenté par le Gouvernement, bouleverse en réalité la structure du budget tel qu’il avait été présenté à l’Assemblée nationale.
Vous avez évoqué la répartition des nouveaux effectifs, monsieur le ministre. Vous en conviendrez, en termes de progression, 1 632 effectifs supplémentaires initialement prévus pour la mission « Sécurités », cela peut sembler bien peu au regard des 10 850 postes créés dans l’enseignement scolaire.
Je ne conteste pas votre politique des effectifs, mais, comme je l’ai souligné dans ma présentation générale, celle-ci se faisait jusqu'à présent au détriment des dépenses de fonctionnement et des investissements.
Cet amendement est le bienvenu : il tient compte de la situation d’exception que nous connaissons et affiche des priorités qui n’avaient pas été prises en compte dans le projet de budget initial pour 2016.
Je rappelle que, selon vos propres chiffres, la France est le pays d’Europe qui dispose des effectifs les plus importants par rapport à tous nos voisins, à l’exception peut-être de l’Italie. Toutefois, si l’on ajoute les 10 000 militaires qui participent au plan Vigipirate, nos effectifs de sécurité sont bien les plus élevés d’Europe.
Cet amendement tend à inverser opportunément la tendance en matière de dépenses de fonctionnement. L’effort accompli sur le nombre de véhicules pour chacune des deux forces, que vous avez souligné, monsieur le ministre, est en effet nécessaire, puisque nous nous acheminions, avec le budget initial, vers un vieillissement du parc.
Compte tenu de ces orientations, la commission des finances avait émis, à l’unanimité de ses membres, un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à traduire dans le budget les engagements pris par le Président de la République et le Premier ministre au lendemain des événements dramatiques qui ont frappé notre pays.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses précises sur la ventilation des crédits. Vous avez rappelé la situation antérieure et combien il était nécessaire de mobiliser des moyens supplémentaires conséquents.
Il reste que j’ai une interrogation, et non des moindres : comment ces nouvelles dépenses vont-elles être gagées ? Seront-elles financées par redéploiement budgétaire ou laissera-t-on, au contraire, filer le déficit, en mobilisant, par exemple, des titres de dette publique supplémentaires ?
Je rappelle que la France émet en ce moment des titres à taux négatif sur trois ans et que sa dette publique, si elle est importante – ce point est régulièrement rappelé –, est financée à dix ans à des taux proches de 1 %. Il me semble donc que l’on pourrait utilement recourir à ces leviers pour répondre à ces nouveaux besoins.
Nous voterons cet amendement, qui nous paraît important. Nous appelons toutefois à veiller à ne pas utiliser ces ressources supplémentaires pour mettre en cause les libertés démocratiques, notamment la liberté d’expression ou la liberté de manifester.