Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est très sensibilisé à la question de la sécurité routière et très favorable à toutes les mesures visant à renforcer l’éducation à la sécurité routière, notamment pour les publics les plus jeunes.
Cependant, le présent amendement nous inspire une certaine réserve d’ordre budgétaire, car son dispositif est relativement coûteux. Si je comprends bien, la mesure pèserait sur le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Or ce budget est déjà extraordinairement contraint et, comme l’ont montré les événements récents, nous avons besoin de pouvoir mobiliser fortement les moyens de cette direction, soit pour faire face à de grandes catastrophes naturelles, ainsi que nous l’avons vu à l’occasion des intempéries qui se sont récemment produites dans le sud de la France, soit à l’occasion de tragédies comme celles du 13 novembre dernier. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à imputer les sommes visées sur ce budget.
Par conséquent, j’invite les auteurs de cet amendement à bien vouloir le retirer. En contrepartie, je m’engage à les recevoir au ministère de l’intérieur pour examiner ensemble les conditions dans lesquelles leur demande pourrait être satisfaite par la mobilisation de dispositifs adéquats et de lignes budgétaires plus opportunes.
M. Jacques Chiron. Excellent !
M. Franck Montaugé. L’amendement est retiré !
Mme la présidente. L'amendement n° II-286 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Sécurités », figurant à l'état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 62, qui est rattaché, pour son examen, aux crédits de la mission « Sécurités ».
Article additionnel après l’article 62
Mme la présidente. L'amendement n° II-281, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est joint au projet de loi de finances de l’année, dans les conditions prévues au 7° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l’exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Sécurités
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, comme je l’ai évoqué dans la discussion générale, des sommes extrêmement importantes sont consacrées aux organismes et associations qui s’occupent de la déradicalisation. Il me semble absolument essentiel que nous puissions disposer d’un suivi et d’une évaluation de ces actions.
Je le sais bien, le Sénat est, dans son ensemble, assez hostile à la multiplication des rapports. Toutefois, si nous ratons le coche des opérations de déradicalisation, nous allons perdre du temps, tant dans la prévention de la radicalisation que dans la lutte contre ce phénomène.
En outre, la relative nouveauté du sujet et la création des outils de déradicalisation sont de nature à créer un appel d’air et un effet d’aubaine : un certain nombre d’associations vont peut-être se constituer alors qu’elles n’ont pas de compétences particulières en la matière.
Pour ce qui me concerne, je suis un peu inquiète, car, comme je l’ai dit à la tribune tout à l'heure, un certain nombre de personnes semblent travailler sur ces sujets, sans bénéficier de l’encadrement nécessaire.
Pour toutes ces raisons, il est vraiment important que nous puissions disposer d’un mécanisme de suivi des outils de déradicalisation que nous mettons en place. Tel est l’objet du présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Madame Goulet, votre amendement pose à peu près les mêmes problèmes que celui que vous avez défendu précédemment.
D’une part, on a du mal à identifier les crédits exclusivement réservés à la lutte antiterroriste.
D’autre part, votre initiative pourrait contrarier l’action de la délégation parlementaire au renseignement, laquelle est destinataire du rapport exhaustif des crédits consacrés au renseignement, dont une partie est parfois classée « secret défense ».
Compte tenu de cette double difficulté, je sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° II-281 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Mais j’aimerais tout de même que l’on trouve un moyen d’évaluer ces outils de déradicalisation, dont on ne saura jamais s’ils fonctionnent si l’on ne met pas en place leur inventaire et leur évaluation – je pense, notamment, à l’aide aux familles ou à l’encadrement des victimes.
Un certain nombre d’appels d’offres et de contrats sont renouvelés sans que l’on dispose d’évaluation. Je ne veux pas vous contrarier, monsieur le ministre, mais nous devons être certains que l’offre et la demande sont bien ajustées.
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. Ces précisions étant apportées, je vais retirer l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame Goulet, je suis tout à fait favorable à ce que l’on mette en place, en matière de déradicalisation, un suivi similaire à celui que j’ai proposé pour les crédits consacrés à la lutte antiterroriste.
Pour ce qui concerne les appels d'offres, il existe un processus d’évaluation interne au ministère de l’intérieur.
Au demeurant, je rappelle que les rapporteurs spéciaux ont la possibilité de venir au ministère interroger ceux qui sont chargés de cette politique.
Je suis également prêt à venir devant la commission compétente du Sénat pour vous apporter toutes les réponses que, les uns ou les autres, vous pouvez vous poser et à accueillir, au ministère, l’ensemble des sénateurs qui souhaitent, sur ces sujets, procéder à la mise en œuvre de leur pouvoir d’enquête et d’investigation.
Mme la présidente. L'amendement n° II-281 est retiré.
COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 358 521 806 |
1 358 521 806 |
Radars |
204 464 000 |
204 464 000 |
Fichier national du permis de conduire |
20 536 000 |
20 536 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
26 200 000 |
26 200 000 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
666 780 557 |
666 780 557 |
Désendettement de l’État |
440 541 249 |
440 541 249 |
Mme la présidente. L'amendement n° II-324, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Radars |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Fichier national du permis de conduire |
||||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
||||
Désendettement de l’État |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
SOLDE |
+ 5 000 000 |
+ 5 000 000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le présent amendement a pour objet d’augmenter de 5 millions d’euros la dotation de l’État à l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, afin de financer la nouvelle application de recouvrement des amendes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet amendement vise à moderniser le recouvrement des amendes, par l’installation d’une nouvelle application, ainsi que par le recrutement de personnels chargés de sa mise en œuvre.
La commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° II-174, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Radars |
5 250 000 |
5 250 000 |
||
Fichier national du permis de conduire |
||||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
5 250 000 |
5 250 000 |
||
Désendettement de l’État |
||||
TOTAL |
5 250 000 |
5 250 000 |
5 250 000 |
5 250 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet amendement, comme les deux suivants, concerne la sécurité routière.
Nous nous interrogeons sur l’efficacité des radars. Il faut dire que le coût à la fois d’investissement et de fonctionnement des radars « chantiers » et des radars « vitesses moyennes » est assez élevé.
Le présent amendement tend non pas à supprimer ces dispositifs, mais à diminuer le nombre de ceux qui doivent être installés : 53 nouveaux radars « vitesses moyennes » au lieu de 107 et 11 radars « chantiers » au lieu de 22. Cette réduction permettrait de réaliser une économie de 5,25 millions d’euros.
Si nous venons d’augmenter de 5 millions d’euros la dotation attribuée à l’ANTAI, nous proposons que l’économie qui résultera de l’adoption de cet amendement soit portée aux crédits du programme 754 du compte d’affectation spéciale, destiné à l’équipement des collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement ne partage pas l’analyse faite par M. le rapporteur spécial, ni pour ce qui concerne le coût de certains dispositifs de contrôle ni pour ce qui est de leur efficacité.
Le coût des dispositifs de contrôle des vitesses correspond, en réalité, à celui de deux radars, l’un placé à l’entrée et l’autre à la sortie de la zone contrôlée.
Le coût des radars autonomes est, quant à lui, beaucoup plus faible, car ces dispositifs, facilement déplaçables d’une zone à l’autre, ne nécessitent pas ou peu de travaux de génie civil. Cependant, leur efficacité ne saurait être remise en cause.
Les radars de contrôle des vitesses moyennes sont installés sur des sections dangereuses de plusieurs kilomètres, afin d’inciter les usagers à adopter une conduite responsable.
Le Gouvernement a, par ailleurs, annoncé un certain nombre de mesures qui doivent pouvoir être évaluées dans la durée. Si l’on redistribue les cartes alors même qu’un comité interministériel de la sécurité routière vient de se tenir, nous risquons de créer beaucoup de confusion !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Pour une fois, j’irai un peu à contre-courant : ce n’est pas souvent que je contredis M. le ministre !
Les policiers et les gendarmes doivent protéger la population, lutter contre le terrorisme, les cambriolages…
En revanche, je n’ai jamais été un fanatique des radars et des alcootests (Sourires.), surtout compte tenu de la manière dont on les utilise. Faut-il vraiment sanctionner un automobiliste qui conduit sur une longue ligne droite, par temps sec ?
Étant assez réservé sur ces outils, je ne suis pas favorable à ce que l’on en installe davantage, et je voterai donc l’amendement de M. Delahaye.
M. Roger Karoutchi. Je le voterai aussi et, pourtant, je n’ai pas le permis de conduire ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-172, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Radars |
||||
Fichier national du permis de conduire |
13 100 000 |
13 100 000 |
||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
||||
Désendettement de l’État |
13 100 000 |
13 100 000 |
||
TOTAL |
13 100 000 |
13 100 000 |
13 100 000 |
13 100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. L’amendement n° II-172 vise à supprimer la lettre de rappel adressée aux contrevenants pour leur indiquer le nombre de points qu’ils ont perdus. Mes chers collègues, ceux d’entre vous qui, comme moi, ont déjà reçu une contravention connaissent cette lettre !
Il est prévu que 15 millions de lettres soient envoyées l’année prochaine, pour un coût de 13,1 millions d’euros. C’est énorme !
Les moyens modernes de communication dont nous disposons aujourd'hui me semblent suffisants. Je pense, par exemple, au site internet qui a été mis en place par le ministère de l’intérieur et à la possibilité pour les usagers d’être informés de leur nombre de points par voie électronique. L’économie qui résulterait de la suppression des lettres de rappel permettrait de réduire l’endettement de l’État.
L’amendement n° II-175, qui sera examiné dans un instant, tend, quant à lui, à modifier en conséquence les dispositions du code de la route.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne peut supprimer l’envoi de tous les courriers, notamment pas ceux à destination de personnes dont la perte de points est telle qu’elle entraîne le retrait de leur permis de conduire.
Par ailleurs, la suppression des lettres suppose que nous ayons financé la totalité de la dématérialisation. Or cela ne se fera qu’au terme de l’exercice budgétaire de l’année 2016. Il y aurait donc une année au cours de laquelle aucune information ne serait donnée. Or nous sommes dans l’obligation d’envoyer des lettres à ceux qui ont perdu leur permis de conduire.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Article additionnel après l'article 63
Mme la présidente. L'amendement n° II-175, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route, les mots : « par lettre simple ou, sur sa demande, » sont supprimés.
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Par coordination avec le vote intervenu sur l’amendement n° II-172, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-175 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Avant de passer à la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, dans le délai qui m’est imparti, je ne reprendrai pas tous les éléments des débats que nous avons déjà eus il n’y a pas si longtemps, lors de l’examen du texte relatif à l’asile.
Pourquoi ne suis-je pas, en cet instant, un rapporteur spécial heureux ? Tout simplement parce que, en matière d’immigration, et alors que je viens de voter sans réserve les crédits de la mission « Sécurités », la remise à plat n’est pas encore faite.
Bien sûr – et je ne le conteste pas –, le Gouvernement réalise des efforts : vous avez fait adopter, à l’Assemblée nationale, un amendement de 100 millions d’euros, et un autre de 14 millions d’euros nous sera présenté ultérieurement ; vous construisez des places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, à un rythme plutôt soutenu ; vous avez recruté un peu de personnel supplémentaire à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Oui, un peu, monsieur le ministre.
Nonobstant tout cela, comme je le disais voilà quelques instants à propos de la mission « Sécurités », c’est la réponse apportée à un moment précis qui compte. Or, face à la vague migratoire, nous sommes loin du compte.
Bien évidemment, nous ne sommes pas dans la situation de l’Allemagne qui aura reçu, au cours de l’année 2015, 20 millions de migrants. Toutefois, et indépendamment des 30 000 migrants que vous avez accepté de recevoir sur le territoire national en deux ans dans le cadre du plan européen de relocalisation, nous aurons probablement accueilli environ 80 000 demandeurs d’asile en 2015, soit déjà 15 000 de plus qu’en 2014.
Or l’État aura, à la fin de cette année, une dette auprès de Pôle emploi, au titre de l’allocation pour demandeur d’asile, évaluée entre 100 et 200 millions d’euros, qui n’est pas réglée. L’État donne un peu plus de moyens à l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et à l’OFPRA, mais ce n’est pas assez, très sincèrement, pour affirmer que l’OFPRA réussira à traiter toutes les demandes d’asile – le nombre de demandeurs est conséquent en 2015 et le nombre probable de demandeurs en 2016 le sera tout autant ! –, si l’on se fonde sur les conditions actuelles.
S’agissant de l’OFII, on a prévu, ici ou là, quelques moyens supplémentaires, mais ceux-ci sont en réalité très limités par rapport aux moyens que je demande depuis des années en faveur de l’intégration.
Monsieur le ministre, l’Allemagne a annoncé qu’elle consacrerait, en 2016, 10 milliards d’euros de plus. J’ai même entendu l’un de vos collègues du Gouvernement, l’inestimable ministre de l’économie, dire qu’il faudrait créer un fonds franco-allemand pour les migrants et les réfugiés, doté de plusieurs milliards d’euros. Je ne sais pas ce qu’il voulait en faire exactement, …
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. … mais il semble dire que, au vu du problème migratoire, on ne s’en sortira pas avec l’ensemble des moyens budgétaires aujourd'hui prévus.
La réalité est relativement simple, monsieur le ministre. Oui, vous faites un effort. Oui, vous avez construit des places en CADA. Oui, vous avez prévu du personnel supplémentaire à l’OFPRA. Le rapporteur spécial que je suis pourrait vous dire : « Banco ! On vote les crédits de la mission », si nous étions dans une situation globalement normale. Mais nous ne le sommes pas !
Je le reconnais bien volontiers, je vois assez peu de ministres de l’intérieur européens être aussi fermes que vous pour ce qui concerne le contrôle des frontières. Pour autant, ni les hotspots ni le contrôle des frontières n’ont encore été mis en place ! Toutes les mesures nécessaires qui devaient être prises au niveau européen pour maîtriser les entrées et les flux ne le sont toujours pas. Tout cela signifie que nous aurons forcément, en 2016 et en 2017, une situation extrêmement compliquée en France. Celle-ci aurait probablement nécessité de prévoir un « plan d’urgence pour les migrants » – appelez-le comme vous voulez ! –, avec des crédits nettement plus importants que ceux qui sont alloués à la mission actuelle.
Ce n’est pas en passant de 700 à 800 millions d’euros que vous traiterez la crise migratoire à laquelle nous sommes confrontés. Vous pourriez m’expliquer, et je pourrais le comprendre, que tant que les demandeurs d’asile ne sont pas là, on ne budgète pas un effort supplémentaire. Mais une telle position implique que nous devrons, au cours de l’année 2016, voter des rallonges budgétaires, qu’il faudra bien, par définition trouver, parce que les crédits qui nous sont aujourd'hui présentés sont sous-évalués.
Par conséquent, mon sentiment est partagé. Je ne suis pas opposé, je l’ai dit en commission, à cet amendement visant à créer quelques postes à l’OFII et à l’OFPRA, dont le coût est évalué à 14 millions d’euros. Toutefois, je continue de m’inquiéter de la dette due à Pôle emploi et de l’absence de moyens supplémentaires en faveur des centres d’hébergement d’urgence. On a, en outre, le sentiment que, pour des raisons que je ne maîtrise pas, vous ne souhaitez pas envisager une augmentation réelle du nombre de demandeurs d’asile en 2016 et 2017. Pourtant, une telle hausse se fera mécaniquement.
Je ne vois pas comment on pourrait éviter que le nombre de demandeurs d’asile ne s’élève à 90 000 ou 95 000 en 2016. Il faudra bien les héberger, leur accorder une allocation, les intégrer ! Or tout cela n’est absolument pas budgété.
Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Oui, vous faites des efforts, que je reconnais bien volontiers. Malgré tout, je considère que, eu égard à la vague migratoire que nous connaissons et à l’absence, pour le moment, de maîtrise européenne sur ce sujet, la France devrait consacrer davantage de moyens pour sécuriser l’entrée des migrants en France. C’est la raison pour laquelle j’appelle à ne pas voter les crédits de cette mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, rapporteur pour avis.
Mme Esther Benbassa, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l’asile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année a été marquée par l’afflux massif en Europe de demandeurs d’asile en provenance de Syrie et d’Irak, un afflux communément désigné comme la « crise des réfugiés », dans laquelle la France occupe une place paradoxale.
Ce budget porte la marque de ce contexte, par la mise en œuvre du plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits – faire respecter le droit », dit « plan Migrants », annoncé en juin dernier par le Gouvernement.
En 2016, les crédits consacrés à l’exercice du droit d’asile figurant dans le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration », au titre de l’action n° 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, ont été portés à 601,1 millions d’euros, soit une augmentation de 21 %.
De même, le parc des CADA, moins coûteux que l’hébergement d’urgence, passera de 21 410 places en 2013 à 33 100 places à la fin de l’année 2016. Ce sont 2 000 nouvelles places qui devraient être créées en 2017.
Les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d’asile augmenteront également de près de 4,5 %.
Dans le contexte de forte contrainte budgétaire actuelle, l’effort consenti en faveur de la garantie de l’exercice du droit d’asile mérite donc d’être salué.
Signalons également les créations de postes à l’OFPRA, qui se trouve doté de 110 emplois supplémentaires pour 2016. Ce projet de budget répond en principe aux grandes lignes de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, à savoir la réduction du délai de traitement de la demande d’asile et l’amélioration de la prise en charge des demandeurs d’asile.
À ce propos, permettez-moi de rappeler que la question de l’accueil des demandeurs d’asile en Île-de-France reste encore actuellement problématique, ces derniers peinant à obtenir un rendez-vous en préfecture. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l’asile, sous réserve, toutefois, d’un nouvel abondement en cas de flux non anticipé de demandeurs d’asile.
Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l’immigration, l’intégration et la nationalité. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part des observations formulées par la commission des lois sur les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2016 à la politique d’immigration et d’intégration.
Tout d’abord, la commission a constaté que le budget de la mission a été élaboré selon des principes bien différents et même en totale rupture avec les budgets des années précédentes.
En effet, l’augmentation du budget de l’action dédiée à l’asile s’est également accompagnée d’une progression des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière. En outre, les crédits du programme relatif à l’intégration et à l’accès à la nationalité française sont également en hausse, et la commission l’a souligné.
Cette évolution est d’ailleurs liée en grande partie à l’anticipation de la réforme du droit des étrangers, actuellement en cours de discussion au Parlement.
La commission n’a pas constaté de très grands changements quant à la structure de l’immigration irrégulière, qu’il s’agisse de l’origine de l’immigration ou des raisons l’ayant justifié. Ainsi, l’immigration familiale, qui atteint 47 %, est presque majoritaire, alors que l’immigration économique, beaucoup plus faible, est de l’ordre de 9 %, et cela, je le redis, sans changement par rapport aux années précédentes.
Je formulerai trois observations principales.
Premièrement – la presse qualifierait cette remarque de « marronnier » –, la commission des lois regrette la sous-utilisation chronique des salles d’audience délocalisées et de la vidéo-audience, singulièrement pour ce qui concerne la mise en service de l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny dans la zone d’attente à Roissy. Il n’est pas normal que cette salle d’audience ne fonctionne pas comme elle le devrait.
Deuxièmement, la commission a constaté qu’il n’existait pas d’évaluation du coût réel de la politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Elle a déploré en particulier que l’indicateur permettant d’évaluer l’effectivité des reconduites soit construit sans intégrer le nombre de décisions d’éloignement prononcées.
Nous avons, toutefois, estimé que le bilan de la lutte contre les filières d’immigration clandestine était positif, en particulier grâce à l’action de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre, plus connu sous l’acronyme d’OCRIEST.
Troisièmement, la commission s’est une fois de plus inquiétée de la faiblesse des moyens accordés à l’OFII. Les contraintes financières qui pèsent sur cet office, alors même que son champ d’intervention a été largement développé, risquent de le mettre dans l’incapacité d’exercer ses propres missions. Je rappelle notamment que le budget de l’allocation pour demandeur d’asile n’est pas intégré au sein d’un budget annexe.
C’est donc sous réserve de ces trois observations que la commission des lois a émis favorable sur ces crédits.