M. le président. La parole est à M. Christian Manable, sur l'article.
M. Christian Manable. Je déplore que nos collègues de la droite sénatoriale – et non parlementaire, puisque les députés de droite ont voté unanimement cette proposition de loi – soient prêts à abandonner le principe constitutionnel d’égal accès au service public (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), préférant soutenir les pratiques discriminatoires illégales qui réservent l’accès à la cantine aux enfants dont les deux parents travaillent, écartant ainsi de la restauration scolaire les familles économiquement fragiles et sans emploi. (Mêmes mouvements.)
Ce faisant, ils renvoient les parents d’élèves devant les tribunaux pour faire valoir leur droit, quand ils en ont encore les moyens, d’ailleurs, comme Mme la ministre l’a dit voilà quelques instants. C’est oublier ce que plusieurs orateurs ont dit avant moi et que je tiens à répéter compte tenu de l’importance du sujet, à savoir qu’un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et que, pour bon nombre d’enfants, le repas du midi à la cantine constitue le seul vrai repas de la journée.(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Charles Revet. Que fait le Gouvernement ?
M. Christian Manable. Le Défenseur des droits tout comme Jean-Paul Delahaye, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, dans son rapport daté de mai 2015 et intitulé « Grande pauvreté et réussite scolaire » recommandent de « faire en sorte que la restauration scolaire devienne un droit sans aucune condition restrictive ».
Certes, l’école dispense les nourritures intellectuelles, mais les nourritures terrestres sont aussi nécessaires ! Il est difficile d’enseigner à un élève qui a le ventre vide.
M. Jacques Grosperrin. Qui paie ?
M. Christian Manable. J’y viens ! J’ajoute que, malgré une jurisprudence constante du juge administratif au cours de ces deux dernières décennies, les atteintes au principe d’égalité des usagers de la restauration scolaire se poursuivent année après année. C’est pourquoi il est du rôle du législateur d’inscrire clairement dans la loi les principes posés par le juge.
J’entends bien que, selon vous, la cantine représente un coût supplémentaire à la charge des communes. Pour ma part, je considère que c’est une question de choix politique ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Ainsi, dans le département de la Somme, où je suis élu, le maire d’une commune rurale de 1 200 habitants m’a encore dit récemment qu’il ferait moins de trottoirs et plus de cantines. (Mme Evelyne Yonnet applaudit. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Démagogie !
M. Christian Manable. Pour terminer, j’aimerais, mes chers collègues, que, bientôt, tous les élèves de France puissent entonner cette chanson de Carlos « Je préfère manger à la cantine avec les copains et les copines »,…
M. Claude Kern. Quelle référence !
M. Christian Manable. … lequel, je vous le rappelle, n’était autre que le fils de la pédopsychiatre Françoise Dolto. Celui-ci savait de quoi il parlait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jacques Mézard s’exclame également.)
M. le président. Je demande aux orateurs de respecter le temps de parole qui leur est imparti.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, sur l'article.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le rapporteur, je veux tout d'abord vous remercier de votre rapport. Vous avez le mérite de la constance et de la permanence.
Je n’en dirai pas de même de votre collègue rapporteur, qui ne nous a pas fait l’honneur de sa présence aujourd'hui… Pour avoir assisté à la présentation de son rapport en commission, je dois dire que j’ai trouvé ses péripéties un peu particulières !
Je veux m’adresser avec beaucoup de courtoisie à mes amis des groupes de la majorité sénatoriale.
Il me semble que le texte dont nous débattons requiert, de notre part, beaucoup d’humanité, de modération, de respect mutuel et d’écoute de l’autre. Au reste, la période l’exige tout particulièrement !
Aussi, il me paraît nécessaire de s’attarder quelque peu sur ce texte, qui place l’enfant au cœur de notre réflexion. Cette considération est la plus importante.
Pour ce qui concerne les chiffres, je ne suis pas capable de répondre à vos légitimes interrogations, qui sont aussi les miennes, d'ailleurs. J’ignore complètement combien d’enfants sont concernés. J’ai simplement entendu parler de 500 cas, sauf que, comme le disait très bien Mme la ministre, il ne s’agit là que des enfants dont les familles ont présenté un recours. Il doit donc y en avoir bien davantage.
Je veux tordre le cou aux croyances sur le coût de l’opération.
M. Jacques Grosperrin. C’est une question d’organisation !
M. Jean-Louis Carrère. Parmi vous on compte de nombreux élus locaux et, pour en avoir été moi-même un, je sais comment les choses sont gérées !
Le maire de la commune dans laquelle je vis, Hagetmau, qui est de la même formation politique que la vôtre, propose une cantine à un euro. Je soutiens son initiative.
Mes chers amis, à ériger le coût en barrière symbolique, on se trompe complètement et on oublie l’enfant. Croyez-vous vraiment que les électrices et les électeurs de votre commune, à qui vous aurez expliqué que vous avez accru l’impôt à due concurrence du surcoût que représente l’accueil de tous les enfants à la cantine, vous en tiendront grief ? Pour ma part, je ne le crois pas. Je crois même le contraire !
Je vous demande donc de soutenir ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l'article.
Mme Françoise Gatel. Comme mon collègue qui vient de s’exprimer, j’en appelle à la modération dans nos interventions.
Cette proposition de loi est empreinte d’une générosité absolue, qu’aucun d’entre nous ne saurait contester.
Toutefois, la générosité affichée ne doit pas empêcher la réflexion.
Je le dis très simplement : le cadre juridique actuel permet déjà d’intervenir. Tout le monde semble oublier que c’est parce qu’un maire a refusé de laisser un enfant déjeuner à la cantine et parce que les parents d’élèves ou d’autres ont tout de suite saisi la presse que l’affaire a fait la une des journaux.
Je suis présidente d’une association départementale de maires qui regroupe les édiles de 353 communes. Je les ai tous interrogés et je n’ai trouvé aucun cas d’exclusion d’un enfant d’une cantine au prétexte que ses parents seraient demandeurs d’emploi !
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Françoise Gatel. En outre, ce que vous soutenez aujourd'hui, madame la ministre, constitue vraiment, selon moi – je vous le dis avec beaucoup de calme et de gravité –, un acte de défiance à l’égard des élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Il y a parmi les élus locaux, comme dans toutes les professions, des personnes dépourvues de toute humanité. Mais, moi, je ne connais pas un maire de mon département qui laissera un seul enfant à la porte de la cantine ! (Même mouvement.)
M. Jacques Grosperrin. Bien sûr !
Mme Françoise Gatel. Ensuite, il est faux que le service restera facultatif. Le service deviendra obligatoire, parce qu’aucun parent n’acceptera, y compris dans les communes où n’existe pas de cantine, que son enfant ne puisse exercer son droit à la restauration scolaire. Il nous faudra aussi, en Bretagne, où 50 % des élèves sont scolarisés dans des écoles privées, assurer la restauration des enfants.
Arrêtez de culpabiliser les sénateurs qui siègent sur certaines des travées de cet hémicycle en les taxant d’égoïsme. Il est faux que nous ne mettons pas l’enfant au cœur de la problématique !
Au reste, on ne peut faire la loi en s’érigeant en moralisateur perpétuel. Je refuse d’être culpabilisée parce que je ne voterai pas ce texte !
Enfin, madame la ministre, ce texte est une nouvelle concrétisation du principe « toujours plus, toujours moins » qui s’applique à nos communes : toujours plus d’exigences de l’État et de charges obligatoires, toujours moins de libertés et de financements.
M. Charles Revet. Effectivement !
Mme Françoise Gatel. Pour conclure, si nous devons prendre en compte la misère des familles et notre devoir de solidarité, ce que nous faisons tous ici, il faudra que l’on m’explique pourquoi ce texte ne vise que les enfants scolarisés dans le primaire, et non les collégiens et les lycéens qui ne peuvent pas déjeuner à la cantine. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jacques-Bernard Magner proteste.)
M. Jacques Chiron. Parce que c’est obligatoire !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l'article.
M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu que, selon vous, un enfant sur cinq était pauvre. Mais j’ai bien écouté aussi le discours de M. Vaugrenard – voyez que je suis très attentif –, qui nous dessinait la perspective d’un avenir précaire.
Plutôt que de constater que nous sommes dans l’échec perpétuel, ne peut-on pas essayer de renverser la vapeur et de nous battre pour offrir à la jeunesse un avenir digne de ce nom ? (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. Claude Kern. Très bien !
M. Jean-François Longeot. Par ailleurs, je veux vous décrire comment les choses se passent dans la commune d’Ornans, dont je suis le maire : non seulement je ne fais pas appel à un traiteur privé, mais je privilégie le « circuit court », avec une cuisinière et du personnel sur place, et je peux vous dire que l’on n’a jamais vu un enfant qui n’a pas mangé à la cantine ! En outre, quand les parents n’ont pas les moyens de payer le repas, je peux vous dire que je fais tout mon possible pour que cela ne se sache pas. Je me souviens, en effet, d’une époque où le ticket de cantine était de couleur différente selon que les parents avaient ou non les moyens de l’acheter…
Je suis un peu surpris que l’on nous culpabilise et que l’on nous reproche de ne pas avoir pour priorité de mettre l’enfant au cœur du dispositif.
À vous qui êtes au pouvoir…
M. Jean-Louis Carrère. Au pouvoir ? Si peu !
M. Jean-François Longeot. … et qui dites vouloir mettre l’enfant au cœur du dispositif, je veux suggérer une idée très simple à mettre en place. Comme vous le savez, il y a des enfants qui, du fait des fermetures d’école en milieu rural, sont tributaires des horaires de ramassage scolaire, qui les obligent à se lever tôt le matin et à rentrer tard le soir. Est-ce que là, vous pouvez dire que vous avez placé l’enfant au cœur ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Aussi, je vous demande d’examiner la situation afin de rouvrir des écoles en milieu rural !
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, sur l'article.
M. Michel Raison. Madame la ministre, vous avez noté comme moi que la France était en grande difficulté et dans une certaine détresse.
Au soir des élections, lorsque l’on regarde la télévision, on entend toujours les mêmes personnes dire les mêmes choses. Nous avons entendu votre message, disent-ils, avant de reprendre le jargon habituel – les « valeurs », les « forces de progrès », que sais-je encore… Or, dès le lendemain, dans l’hémicycle, on continue de nous soumettre texte sur texte et, surtout, de ne pas faire confiance aux citoyens ni, du reste, aux élus des communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Michel Raison. Mes chers collègues, la loi tue la loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En outre, un texte n’a jamais remplacé la morale.
Nous examinerons, tout à l'heure, un texte relatif à l’agriculture. On peut faire toutes les lois que l’on veut, par exemple, sur les relations entre la grande distribution et les fournisseurs. Ces problèmes ne relèvent plus de la législation : ce sont des problèmes de morale !
Comme le maire d’Ornans, je vous invite à venir voir comment les choses se passent à Luxeuil-les-Bains :…
M. Jean-Louis Carrère. C’est où ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Raison. … la cantine ne sert que des produits frais, la viande est tuée dans un abattoir de la commune et tous nos enfants ont à manger.
On se décarcasse tous afin de faire pour le mieux !
M. Jean-Louis Carrère. Même la viande ! (Sourires.)
M. Michel Raison. La pauvreté a largement augmenté ces dernières années, alors qu’on nous avait dit que tous les problèmes seraient réglés ! Et là est le fond de la question !
Si l’heure n’était pas si grave, je pourrais croire que ceux qui parlent de l’augmentation de la dotation – nous discuterons d’un amendement en ce sens lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire – font de l’humour.
Ce n’est pas à nous, ici, de décider de ce que doivent faire les maires sur le plan financier. Ce choix leur revient ! En revanche, ce qu’ils ne décident pas, c’est de la baisse des dotations et des transferts de compétences sans les financements correspondants. Et là, ce sont eux qui souffrent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, je crois qu’il nous faut demeurer sereins.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, derrière cette question, qui peut paraître secondaire au regard des enjeux financiers, se trouvent de véritables choix de société.
Il n’y a pas, d’un côté, des généreux et, de l’autre, ceux qui le seraient moins, des moralisateurs et ceux qui ne le sont pas ! (Si ! sur les travées du groupe Les Républicains.). Il n’y a que des gens qui font des choix politiques ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Et parmi ceux-ci, certains ont décidé, la semaine dernière, dans cet hémicycle, de diminuer l’impôt sur les grandes fortunes (Mme Sophie Primas s’exclame.) et d’abaisser encore le nombre de fonctionnaires (M. Mathieu Darnaud applaudit.) en supprimant notamment des postes d’enseignants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations et marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Alors oui, c’est une question de choix politiques et chacun fait les siens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, sur l'article.
M. Yannick Vaugrenard. Il me semble qu’une partie de nos débats ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.
Il est hors de question de montrer du doigt qui que ce soit. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. C’est pourtant ce que vous faites !
M. Yannick Vaugrenard. Nous venons d’entendre deux exemples de maires qui accueillent tous les enfants à la cantine, même lorsqu’un des deux parents est sans emploi. Je m’en félicite ! Bravo à eux ! Et c’est d’ailleurs le cas, la plupart du temps.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Yannick Vaugrenard. Mais – parce qu’il y a un « mais » sinon nous n’aurions pas déposé cette proposition de loi et celle-ci n’aurait pas été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale – certains maires, dans quelque 70 communes sur les 22 000 qui pratiquent la restauration scolaire, refusent que des enfants aillent à la cantine au prétexte que le papa ou la maman est sans emploi ! (Qu’ils saisissent la justice ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Il y a des outils juridiques !
M. Yannick Vaugrenard. Que répondez-vous à cela ?
M. Jacques Grosperrin. Que ces communes changent de maire !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et que faites-vous des enfants ?
Mme Françoise Gatel. Il y a une jurisprudence !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l’orateur !
M. Yannick Vaugrenard. Vous nous répondez qu’il y a une jurisprudence ! Voulez-vous une république des juges ? Voulez-vous que nous disparaissions pour ne plus avoir à discuter des projets et propositions de loi ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au travers de ce texte, nous vous demandons simplement de confirmer une règle générale, déjà appliquée par tous, la plupart du temps. C’est le bon sens, le bon sens législatif, le bon sens humaniste, serai-je tenté de dire, et le bon sens politique, au sens noble du terme.
Je vous demande de bien réfléchir avant de voter. (Mme Corinne Bouchoux opine.) La Haute Assemblée est regardée. Indépendamment de nos opinions, j’ai le sentiment que nous traversons une période politique difficile, que nous aurons peut-être à assumer, les uns et les autres, à un moment donné, des responsabilités différentes.
M. Jacques Grosperrin. Ah oui !
M. Yannick Vaugrenard. Selon moi, notre pays est en danger démocratique. (M. Mathieu Darnaud s’exclame.)
C'est la raison pour laquelle les signes que nous donnons à ces hommes et à ces femmes, et en particulier aux enfants de ces familles défavorisées, doivent être des signes positifs pour leur avenir. Car ce qu’il y a de pire dans la pauvreté, c’est son caractère héréditaire ! C’est le malheureux constat que nous faisons.
Encore une fois, je vous demande de bien réfléchir. Cela a été dit tout à l’heure, mais je veux le reprendre à mon compte : le principe d’égalité doit l’emporter sur les réalités financières. Comme Martin Luther King, je crois profondément qu’une injustice commise quelque part nous concerne tous, que nous soyons de droite, du centre ou de gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Non ! Personne n’a voté contre, ce n’est pas pareil !
M. Yannick Vaugrenard. Il n’y a pas eu de vote contre !
M. Martial Bourquin. Si aucun député n’a voté contre à l’Assemblée nationale, je pense que la Haute Assemblée, qui représente l’ensemble des élus, peut adopter cette proposition de loi de la même manière.
La plupart des élus ont de bonnes pratiques et accueillent tous les enfants. Mais il y a quelques exceptions (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) et c’est justement parce que ce sont des enfants qui en font les frais que nous devons nous pencher sur ces exceptions. (On ne fait pas une loi pour quelques exceptions ! sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Sur des questions comme celle-là, nous pouvons nous retrouver sans problème.
M. Claude Kern. Pas du tout !
M. Martial Bourquin. Voilà quelques instants, j’entendais notre collègue Jean-François Longeot affirmer qu’il serait bon que les enfants n’aient plus à prendre les transports scolaires et appeler à la création de classes dans toutes les communes rurales. Je suis tenté de lui dire : après en avoir supprimé des dizaines de milliers. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Cela fait deux ans que les rentrées des classes se passent quasiment sans problème. (Mme Patricia Schillinger applaudit. – M. Mathieu Darnaud proteste.) Plus de 40 000 postes ont été créés en deux ans dans l’éducation nationale ; il y en aura bientôt 60 000 ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. C’est faux, vous le savez bien !
M. Martial Bourquin. La suppression d’un poste de fonctionnaire sur deux, c’est terminé ! On crée des postes dans l’éducation nationale, on crée des postes dans la gendarmerie, on crée des postes dans les commissariats de police, on crée des postes dans l’armée, là où des milliers de postes avaient été supprimés ! (Mme Françoise Gatel s’exclame.)
Mes chers collègues, faites attention avant de donner des leçons sur de telles questions. Retrouvons-nous, ensemble, pour voter ce texte de bon sens et, surtout, l’intérêt de l’enfant, car seul l’intérêt de l’enfant nous guide s’agissant de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Je voudrais vous faire part de mon expérience particulière. Qui n’a jamais vu ce dont je vais vous parler n’imagine pas la façon dont les choses se passent.
Alors que j’étais directeur d’école dans un quartier populaire, je suis parti en classe de découverte avec trente élèves. Certains d’entre eux avaient l’habitude de manger à la cantine, d’autres pas. Et j’ai vu quelques-uns de ceux qui n’allaient pas à la cantine manger avec une avidité qui m’a surpris. Je ne me doutais pas que l’on pouvait être sous-alimenté à ce point dans certaines familles.
Devenu maire, j’ai mis en place un quotient familial de huit tarifs. Le nombre d’inscrits à la cantine a alors augmenté de 50 %. Je reconnais que les charges et les coûts ont aussi augmenté, mais là n’est pas la question.
Il faut l’avoir vécu pour comprendre que certains enfants ne mangent pas à leur faim chez eux. (M. Michel Raison s’exclame.) Et c’est fort de cette expérience que j’ai absolument voulu que tous les enfants aient au moins un repas convenable par jour, à l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs de la restauration scolaire au sein des écoles primaires ne peuvent excéder un prix plafond fixé chaque année par arrêté par le Gouvernement. L’augmentation de ces tarifs, d’une année sur l’autre, ne peut être supérieure au niveau de l’inflation. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Il s’agit d’un amendement d’appel sur les tarifs de la restauration scolaire.
Je sens que notre débat est passionné, mais je sens aussi qu’il ne viendrait à l’idée de personne, dans cet hémicycle, d’interdire l’accès à la cantine à un enfant dont l’un des parents est au chômage. (Mmes Françoise Gatel et Élisabeth Doineau applaudissent.)
Nous partageons tous les mêmes valeurs humanistes et personne, ni à droite ni à gauche, ne demanderait à un parent de garder son enfant au prétexte qu’il serait au chômage. Nous sommes tous d’accord.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Philippe Kaltenbach. Malheureusement, comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues, il y a encore quelques cas,…
Mme Pascale Gruny. Combien ?
M. Philippe Kaltenbach. … quelques maires refusent l’accès de la cantine à des enfants dont les parents ne travaillent pas. La manière la plus efficace d’en finir est de voter un texte législatif, car la loi est là pour fixer des règles quand certains ne respectent pas le simple bon sens partagé par tous. Rendons service à ces quelques maires qui ont du mal à adhérer à ces principes républicains et humanistes en adoptant cette proposition de loi.
Je n’aurais pas déposé cet amendement si, dans mon département des Hauts-de-Seine, je n’avais pas constaté une dérive inquiétante des tarifs depuis quelques mois. Certaines communes ont augmenté de 30 % ou 40 % les tarifs des cantines et des activités périscolaires. Le repas est parfois facturé 7,70 euros, ce qui exclut de fait certaines familles de la restauration scolaire.
Je reconnais qu’il s’agit d’une nouvelle question. Auparavant, un décret fixait un maximum : l’évolution des tarifs de la cantine ne pouvait dépasser l’évolution des salaires, du coût de la vie et de l’énergie. Malheureusement, ce décret a été supprimé en 2006. S’il ne s’est rien passé pendant quelques années, certains profitent aujourd’hui de cette situation pour augmenter les tarifs de manière considérable.
J’ai donc déposé cet amendement d’appel pour attirer l’attention des élus ici présents, mais aussi du Gouvernement, sur la situation de ces quelques communes où les tarifs explosent, ce qui met en difficulté de nombreuses familles.
Le principe d’égalité, c’est bien évidemment l’égalité formelle, mais c’est aussi l’égalité réelle. Or on ne peut atteindre cette dernière qu’à travers l’application d’un tarif équilibré. Je ne suis pas un farouche partisan de l’encadrement des prix, mais lorsque quelques villes dérapent et imposent des tarifs excessifs qui écartent des familles, il faut tirer la sonnette d’alarme.
Essayons de trouver des solutions tous ensemble. Sur le principe de l’égal accès de tous à la cantine, nous sommes en effet d’accord. À nous de faire en sorte qu’il devienne une réalité dans les 36 000 communes de France. (MM. Christian Manable et Éric Jeansannetas ainsi que Mme Odette Herviaux applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Comme vient de le rappeler M. Kaltenbach, cet amendement vise à fixer, par un arrêté du Gouvernement, un tarif maximal pour la restauration scolaire dans le premier degré dont l’évolution ne pourra être supérieure à l’inflation.
Or, comme chacun le sait, les tarifs de la restauration scolaire dans l’enseignement public sont fixés par la collectivité locale ayant la charge de ce service, en application de l’article R. 531–52 du code de l’éducation.
De plus, l’article R. 531–53 du même code précise que ce tarif ne saurait excéder le coût de revient de l’exploitation du service.
Dans la pratique, la quasi-totalité des communes met en œuvre une modulation sociale des tarifs. La ville de Paris, par exemple, a dix tranches tarifaires selon le quotient familial des parents échelonnées entre 7 euros et 13 centimes d’euro par repas.
Dans l’enseignement privé, également concerné par cet amendement, la fixation du tarif est libre, puisque le service n’est pas subventionné.
Si des hausses ont été observées, elles sont en grande partie imputables à l’effet de ciseaux auquel sont confrontées les communes du fait de la baisse des dotations de l’État et des coûts induits par la réforme des rythmes scolaires.
En ce qu’il porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, cet amendement ne me paraît pas pertinent. Aussi, je demande à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.