M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la tentative d’attentat qui s’est produite dans le Thalys le 21 août 2015 a démontré, s’il le fallait, la fragilité structurelle des infrastructures de transport terrestre face à la menace terroriste. Lieux ouverts et facilement accessibles, les trains, les gares et les stations de métro concentrent des flux importants d’usagers, qui constituent une cible privilégiée pour les terroristes, tout comme ils rendent plus complexe la protection des espaces.
Dès le mois de septembre dernier, j’ai souhaité que le Sénat s’empare de cette question, en proposant une commission d’enquête. Nous avons finalement choisi l’option, plus rapide, d’une mission d’information conjointe à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des lois, dont j’ai eu l’honneur d’être nommé rapporteur, avec François Bonhomme.
Je voudrais revenir quelques instants, monsieur le secrétaire d'État, sur les conclusions de ce travail mené au cours des trois derniers mois, car il permet d’éclairer le travail législatif sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Première observation : l’économie actuelle des transports terrestres, qui repose, je l’ai dit, sur une grande accessibilité et des flux importants d’usagers, nous a semblé devoir être préservée. Cela conduit à affirmer l’impasse d’une transposition à l’identique du modèle de sécurité aéroportuaire aux transports terrestres.
En effet, l’espace contraint des gares et des stations de métro et les flux de passagers qu’elles drainent rendent l’installation de portiques sur l’ensemble des quais physiquement impossible. Je rappelle que la station Châtelet est traversée quotidiennement par 1,5 million de personnes… Outre que cette mesure allongerait de façon considérable le temps de trajet des usagers et les détournerait de ces modes de transport, elle pourrait déplacer le risque terroriste sur les files d’attente créées par ces nouveaux contrôles. En Russie, en 2013, une femme kamikaze s’était fait exploser dans la file d’attente de portiques de sécurité situés dans une gare, provoquant la mort de dix-sept personnes.
Dans ce contexte, l’installation de portiques pour sécuriser les trains Thalys, demandée par la ministre de l’écologie, Mme Ségolène Royal, ne nous paraît pas satisfaisante.
Tout d’abord, elle ne sert à rien si nos voisins belges et allemands ne font pas de même. Je rappelle que l’auteur de l’attaque du Thalys était monté à Bruxelles. Or les représentants des ambassades que nous avons rencontrés nous ont dit que ces pays n’étaient pas prêts à installer des portiques.
Ensuite, cette mesure laisse entière la question de la protection des autres services ferroviaires, en particulier les trains de banlieue. Il s’agit donc, finalement, d’une mesure très coûteuse - 7,5 millions d’euros par an pour la location des matériels et la rémunération des personnels, mes chers collègues ! –, pour une efficacité limitée.
Aussi, avec François Bonhomme, j’ai préconisé de remplacer ce dispositif par la réalisation de contrôles aléatoires au moyen de portiques déplaçables, plus légers, qui seraient déployés sur l’ensemble du réseau, sans que les usagers en soient préalablement informés. Cette mesure aurait l’avantage de contribuer à la sécurisation de l’ensemble des réseaux, y compris les trains de banlieue et les métros, à un coût raisonnable, en créant un climat d’incertitude pour les personnes souhaitant commettre des actes terroristes.
Nous en avons aussi appelé à une unification de la coordination des services étatiques chargés de la sécurité dans les transports, pour en améliorer l’efficacité. Trop de structures sont impliquées ; il est urgent d’améliorer cet aspect du dispositif.
Beaucoup des autres propositions que nous avons formulées sont d’ordre législatif. Je me félicite que nous ayons pu les intégrer dans le texte de la commission, pour celles qui n’y figuraient pas déjà.
Il en est ainsi des dispositions prévoyant un contrôle adapté du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, sur les agents des services internes de sécurité de la SNCF, la sûreté générale ou SUGE, et de la RATP, le GPSR, ou de l’autorisation de transmettre en temps réel aux forces de l’ordre des images filmées par les opérateurs dans les gares et dans les matériels roulants.
Dans la gare du Nord, par exemple, des opérateurs placés derrière les caméras voient tout ce qui se passe. En revanche, nul ne voit ce qui se passe dans les trains de banlieue et dans les voitures du métro. Nous savons bien qu’il ne pourra pas se trouver des agents derrière toutes les caméras. Nous proposons donc qu’un système permette de contrôler, d’une façon variable, les différents trains qui circulent.
Il en est ainsi également de la clause de transfert de la compétence de police des transports, entendue comme le pouvoir de réglementer cette activité, au président de l’intercommunalité lorsque celle-ci est compétente en matière de transports. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité préciser que ce transfert n’était pas automatique, pour ne pas déposséder les maires qui y seraient opposés de leurs prérogatives dans ce domaine.
Nous avons aussi souhaité sécuriser ou améliorer plusieurs mesures qui avaient déjà été introduites par les députés : l’extension des possibilités de travail en civil pour les agents de la SUGE et du GPSR, à l’article 3 ; le dispositif d’enquêtes administratives préalables au recrutement ou à l’affectation de certains personnels, à l’article 3 bis, que nous avons étendu à l’ensemble des opérateurs de transport, et pas seulement à la SNCF et à la RATP. Nous y avons également prévu le cas d’un changement de comportement de la part d’une personne déjà affectée ou recrutée.
Toujours dans le volet « sécurité » de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, sur mon initiative, deux amendements qui ne s’inscrivent pas directement dans le cadre du rapport d’information.
En premier lieu, il nous a semblé utile d’autoriser, à titre expérimental, les agents de la SUGE et du GPSR à utiliser des caméras-piéton lorsqu’ils interviennent. Ces caméras, accrochées à la boutonnière des agents, leur permettront d’enregistrer des éléments de preuve en cas de comportements violents de la part des personnes contrôlées, ce qui dissuadera de tels comportements. Il s’agit là d’une mesure importante pour ces agents, malheureusement confrontés à une violence croissante.
Nous avons aussi proposé la suppression de l’article 6 quinquies, soit un rapport du Gouvernement au Parlement sur la création d’une redevance de sûreté. Nous sommes opposés à la création d’une nouvelle taxe – la SNCF n’est pas toujours très bien gérée, monsieur le secrétaire d’État ; de nombreux terrains délaissés n’ont pas été vendus, contrairement à ce qui était prévu dans la loi Duflot, des gares sont laissées à l’abandon… –, qui pourrait écarter un certain nombre d’usagers des transports en commun, mais nous avons montré, François Bonhomme et moi-même, que des mesures concrètes, à un coût maîtrisé, étaient possibles pour améliorer la sûreté.
Je me réjouis que la commission des lois ait adopté l’ensemble de ces amendements, qui tendent utilement à compléter le volet consacré à la sécurité de cette proposition de loi, sur lequel notre commission a émis un avis favorable.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a aussi émis un avis favorable sur le deuxième volet de la proposition de loi, consacré à la lutte contre la fraude dans les transports.
Si cet enjeu, qui est sans lien avec le premier, peut sembler relatif au regard de l’importance de la lutte contre le terrorisme, il n’en reste pas moins important pour les opérateurs et les autorités organisatrices de transport, puisqu’il se chiffre en effet à 500 millions d’euros en termes de manque à gagner.
Une augmentation des contrôles peut répondre en partie à ce phénomène, mais elle n’est pas suffisante tant que l’efficacité de ces contrôles n’est pas renforcée. En effet, les contrôleurs sont aujourd’hui désarmés lorsque les contrevenants donnent une fausse identité ou une fausse adresse, ce qui explique le très faible taux de recouvrement des amendes, de l’ordre de 10 %.
La proposition de loi comporte des avancées importantes dans ce domaine. L’article 9 prévoit par exemple la communication aux exploitants des services de transport des données relatives aux contrevenants par les administrations publiques et les organismes de sécurité sociale, ce qui leur permettra de vérifier l’adresse des contrevenants. Notre commission a adopté trois amendements visant à améliorer le dispositif prévu à cet article, repris par la commission des lois.
Au total, je me félicite de la qualité du travail mené par nos deux commissions sur cette proposition de loi et de notre étroite collaboration, qui a permis d’y intégrer plusieurs des mesures que nous avions préconisées dans notre rapport d’information.
Qu’il s’agisse de la sécurité face à la menace terroriste ou de la lutte contre la fraude, ce texte comporte des avancées importantes, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable soutient pleinement.
Chacun sait que nous faisons le maximum pour éviter des actes terroristes, mais le risque zéro n’existe pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire norvégienne
M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de la commission des affaires sociales et du travail du parlement du Royaume de Norvège, conduite par son président, M. Arve Kambe. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Mme Élisabeth Doineau, présidente déléguée pour la Norvège du groupe d’amitié France-Europe du Nord.
Nous sommes particulièrement heureux de recevoir nos collègues norvégiens.
Ils seront reçus aujourd’hui par la commission des affaires sociales, afin d’échanger sur les politiques à conduire en matière de lutte contre le chômage et la pauvreté, puis par le groupe d’amitié France-Europe du Nord, dont une délégation doit se rendre à Oslo en avril prochain.
Nous formons le vœu que cette visite conforte les relations entre nos deux pays et permette d’accroître la coopération entre nos deux assemblées.
Nous souhaitons à nos collègues norvégiens de fructueux travaux et la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent longuement.)
7
Sécurité publique dans les transports collectifs de voyageurs
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il utile de rappeler combien les gares, les métros, les trains et les bus constituent des espaces sensibles en termes de sécurité ?
Depuis les attentats à la bombe en 1995 et 1996 dans le RER parisien jusqu’à la récente tentative d’attaque dans le Thalys, sous oublier les attentats de Madrid, Londres et Moscou, au cours des années deux mille, on ne peut que constater cette dure réalité de la vulnérabilité des transports collectifs face au terrorisme.
L’insécurité dans les transports terrestres, c’est aussi un quotidien fait d’incivilités, de fraudes et d’agressions physiques qui peuvent nuire à la quiétude des usagers, lesquels sont par ailleurs parfois malmenés par des cadences éreintantes. Certaines gares, comme celle de Paris-Nord, première gare européenne, voit transiter en une journée environ 700 000 passagers, offrant ainsi un terrain propice aux actes de malveillance et à la fraude.
Bien sûr, il existe une organisation de sécurité, à plusieurs niveaux, pour répondre aux enjeux suscités par ces déplacements massifs, ainsi qu’à la concentration de population dans les gares.
Chacun d’entre nous connaît ici le rôle du service national de la police ferroviaire, ainsi que celui de la gendarmerie nationale, dont quelque 90 % du réseau ferré français entrent dans la zone d’intervention. Il y a aussi des renforts ponctuels bienvenus, dont les effectifs militaires que nous voyons patrouiller dans les gares, de plus en plus nombreux depuis les attentats de 2015 à Paris.
En région parisienne, la sûreté générale, la SUGE, pour la SNCF, et le groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, pour la RATP, sont des services internes qui assurent une mission de sécurité. Leur centre opérationnel, aidé par un vaste réseau de caméras de vidéosurveillance, permet des interventions rapides et efficaces, mais qui ne peuvent garantir une totale protection.
Mes chers collègues si nous sommes bien conscients que le risque zéro n’existe pas, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis tout à l’heure, on peut toutefois améliorer la sûreté dans les transports collectifs par des actions de prévention, notamment en matière de fouilles et de contrôles d’identité. Tel est l’objet de la proposition de loi, qui, si elle n’entend pas tout résoudre, cherche en effet à améliorer le cadre juridique existant, pour mieux prévenir les infractions ou toutes sortes de délits.
La plupart des mesures vont dans le bon sens. Ainsi, le RDSE approuve en particulier la rédaction issue des travaux des commissions des lois et du développement durable, qui ont expurgé du texte initial les mesures de nature réglementaire ou celles qui sont déjà satisfaites par la législation actuelle.
Dans mon groupe, vous le savez, mes chers collègues, nous sommes attachés aux libertés individuelles et, à ce titre, nous sommes toujours vigilants quant à la frontière entre le respect de ces libertés et les impératifs de la sécurité.
À cet égard, l’article 1er, qui étend aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP la possibilité de procéder à des inspections visuelles, des fouilles de bagages et des palpations de sécurité, aurait pu soulever une difficulté. Toutefois, la contrepartie à cette extension de compétences prévue à l’article 2, qui consiste à augmenter les contrôles externes sur ces agents, permet d’instaurer un équilibre satisfaisant.
Nous approuvons aussi plusieurs autres dispositions, qui visent à améliorer la sécurité sans pour autant gêner les missions régaliennes de l’État.
Je pense notamment à celles sur le constat des infractions à la police des transports, sur les contrôles préventifs d’identité ou encore sur la communication des informations relatives aux permis de conduire. Sur ce dernier point, nous vous proposerons un amendement visant à permettre le contrôle des permis des transporteurs privés de voyageurs, et donc pas seulement de ceux des transporteurs publics, afin d’intégrer les autocars de tourisme.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. En effet, si le texte intéresse en particulier l’agglomération parisienne à travers les dispositions touchant directement les polices ferroviaires et de la RATP, je me réjouis que la province ne soit pas oubliée par le biais de l’article 12.
M. Antoine Lefèvre. Il ne faut pas oublier la province !
M. Jean-Claude Requier. En effet, cet article vise à encourager le rôle des polices municipales pour assurer la sécurité dans les transports. C’est une bonne chose, car, si Paris concentre les attaques terroristes, la capitale n’est plus la seule cible. Nous avons eu, hélas, à le déplorer dans ma région, à Montauban et à Toulouse. Par conséquent, c’est sur tout le territoire que les transports doivent faire l’objet d’une vigilance renforcée.
S’agissant de la fraude, le rapporteur de la proposition de loi l’a souligné, c’est un manque à gagner de près de 500 millions d’euros pour l’ensemble des transports publics de voyageurs, un coût qui repose in fine sur les voyageurs réguliers et les contribuables. L’amélioration des moyens juridiques sur ce point est notable, bien qu’il me semble que cela ne suffira peut-être pas à déjouer la malhonnêteté sans borne des fraudeurs, comme en témoignent les « mutuelles de fraudeurs ».
Mes chers collègues, plus de 10 millions de nos concitoyens empruntent chaque jour les transports terrestres publics, ce qui impose de conserver la fluidité de la circulation des usagers. C’est toute la difficulté : comment contrôler sans entraver ? Parce que le texte conserve à ce stade cet équilibre, le RDSE l’approuvera. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, cette proposition de loi, attendue par les professionnels du secteur des transports depuis longtemps, a, il faut l’admettre, changé de nature depuis sa première mouture.
Initialement, il s’agissait principalement de concrétiser plusieurs mesures de lutte contre la fraude, proposées notamment par le Comité national de la sécurité dans les transports en commun. Aujourd’hui, outre ces mesures importantes de lutte contre la fraude, le texte qui nous est présenté s’est largement étoffé. Cela transparaît d’ailleurs dans son intitulé, qui vise « la prévention et la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs ».
Ce texte part d’un constat unanimement partagé : le manque criant de sécurité dans nos transports publics. Cette proposition de loi, portée à l’Assemblée nationale par notre collègue Gilles Savary, dont nous tenons à saluer le travail rigoureux, ne prétend pas régler la question, mais elle apporte un certain nombre d’outils juridiques qui nous paraissent nécessaires.
Nécessaires, car nous devons désormais tenir un discours ferme et mettre en place des actions concrètes pour lutter contre les nombreux dangers qui menacent la tranquillité des voyageurs. Nous devons également tout mettre en œuvre pour lutter contre les incivilités, le harcèlement, les agressions, mais aussi la fraude, qui rythment le quotidien des passagers et du personnel, de plus en plus désemparé.
Il est de notre responsabilité de faire en sorte que nos concitoyens qui utilisent les transports en commun, souvent quotidiennement, puissent le faire en toute tranquillité, sans craindre d’être victimes de la délinquance ou, a fortiori, d’une entreprise terroriste.
Le 21 août dernier, un carnage a ainsi pu être évité de justesse dans le train Thalys reliant Amsterdam à Paris, grâce à l’héroïsme de plusieurs passagers. Malheureusement, par le passé, d’autres attentats visant des transports publics se sont révélés particulièrement meurtriers : à la station Saint-Michel du RER B en juillet 1995, à Madrid en mars 2004, dans le métro et dans un bus à Londres en juillet 2005, enfin dans le métro de Moscou en mars 2010.
Ces précédents dramatiques nous enseignent que les transports sont vulnérables et que nous devons tenter de les protéger de la façon la plus efficace. Voilà pourquoi nous soutenons le texte qui nous est aujourd’hui proposé.
Il ne faut pas oublier que nos 14 000 trains quotidiens, dont plus de 5 000 dans la seule Île-de-France, transportent annuellement quelque 2,5 milliards de voyageurs individuels, contre 140 millions pour l’ensemble de nos aéroports.
Pour faire face à ce défi sécuritaire, nous ne partons pas de rien : le service national de la police des transports compte 2 000 agents, déployés dans tout le pays. La surveillance générale de la SNCF dispose de 2 800 agents, et le groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP en déploie 1 250 dans le métro et le réseau des bus et des tramways.
Ce texte traite aussi de la problématique de la fraude. Je vais rappeler certains chiffres : la Cour des comptes a évalué à 500 millions d’euros annuels le coût de la fraude dans l’ensemble des transports publics de voyageurs, en observant toutefois que ce montant est très minoré, puisqu’il correspond en réalité à la somme des amendes établies et qu’il ne comprend donc pas le cas des fraudeurs n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle. Le manque à gagner lié à la fraude est estimé, pour la seule SNCF, à environ 340 millions d’euros par an.
Cette proposition de loi est destinée à enrayer ce phénomène. Parmi les mesures proposées, les agents des services internes de sécurité pourront constater le délit de vente à la sauvette. Le texte crée également un délit de fraude d’habitude dans les transports en commun, qui serait constitué sur la base de cinq contraventions sur douze mois, et non dix dans le droit en vigueur.
Après le travail réalisé par nos collègues députés, l’examen du texte en commission des lois a permis des évolutions intéressantes. L’excellent travail réalisé par le rapporteur a notamment permis d’améliorer le contrôle des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. En effet, le texte que nous examinons accroît sensiblement leurs missions et leurs prérogatives. Actuellement – cela a été rappelé –, leur contrôle s’effectue principalement selon des procédures internes à l’entreprise.
Dans la mesure où nous allons autoriser, avec cette proposition de loi, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder à des inspections visuelles et à des fouilles de bagages, ainsi qu’à des palpations de sécurité, ces évolutions sont indispensables.
Autre évolution intéressante, la commission a introduit l’expérimentation d’un dispositif de caméra-piéton, au bénéfice des agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Comme cela a été rappelé par plusieurs collègues en commission, ces dispositifs présentent un double intérêt. Ils permettront de constituer des éléments objectifs de preuve en cas de contestation des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’intervention. Surtout, ces dispositifs auront pour effet d’atténuer les tensions en cas de contrôle.
Quelques mots sur les dispositions de l’article 12, qui concerne la participation des polices municipales à la police des transports publics. La commission a intégré au texte une disposition, proche de celle qui avait été adoptée en 2014 par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi relative aux polices territoriales, consistant à permettre, de manière facultative, le transfert au président de l’intercommunalité des attributions lui permettant de réglementer l’activité de transports urbains, quand l’intercommunalité est compétente en matière de transports. Cette innovation, là encore, va dans le bon sens.
Je tiens à saluer, encore une fois, l’ensemble du travail réalisé sur ce texte par nos deux rapporteurs, François Bonhomme et Alain Fouché. En plus de leurs rapports législatifs, ils ont récemment éclairé le Sénat par le biais de leur rapport d’information intitulé « Renforcer la sécurité des transports terrestres face à la menace terroriste ».
Ils nous présentent aujourd’hui un texte qui nous semble équilibré. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC est favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens dans un premier temps à remercier notre rapporteur, qui a su éviter toute surenchère sur ce texte et qui a aussi proposé la suppression de cavaliers législatifs – je pense en particulier à l’article 11 de la proposition de loi initiale –, ainsi que de mesures qui sont en contradiction avec notre tradition, comme le port obligatoire d’une pièce d’identité.
Cela dit, cette proposition de loi nous inquiète. En effet, comment accepter que, dans un même texte, puissent être abordées la lutte contre le terrorisme et celle contre la fraude ? Comment accepter l’utilisation d’une émotion et d’une inquiétude légitimes pour privatiser les pouvoirs régaliens de l’État ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un transfert des missions de maintien de l’ordre public de la police et de la gendarmerie nationale vers les personnels de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Certes, ces personnels de sécurité disposent, à l’heure actuelle, d’une délégation des missions de sécurité, en vertu des dispositions de la loi relative à la sécurité intérieure. Cette exception leur a été accordée en raison de la qualité d’entreprises publiques, investies de missions de service public et dont le personnel relève d’un statut particulier.
Or, nous assistons depuis quelques années à une banalisation des transferts de compétences et à un glissement progressif vers un régime de prestation marchande des services de sécurité. Pour notre part, nous refusons d’élargir encore ce transfert de compétences. Les agents des entreprises de transport ne sont pas des policiers !
Cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, qui est confiée aux personnels des entreprises que je viens de citer, à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d’assurer la fluidité et la continuité de la circulation. Sur ce point, la proposition de loi est muette. Rien n’est dit sur la nécessité de renforcer les investissements, par exemple dans le matériel roulant ou la rénovation des infrastructures.
Ainsi, dans son premier volet, la proposition de loi continue à dessaisir l’État d’une parcelle de souveraineté dans le domaine de la sûreté et de la sécurité. Après avoir fortement incité les entreprises à se protéger par elles-mêmes contre des risques et menaces de toute nature, elle prolonge, au-delà d’un contexte particulier, l’idée de la contribution de la sécurité à but lucratif à la sécurité générale ; elle consacre donc un glissement vers une privatisation.
L’État ne se donne plus les moyens d’entretenir une force publique répondant à la demande des citoyens. Face à ce mouvement, comment pouvons-nous continuer à affirmer que l’État a le monopole de la contrainte légitime ? Ce principe constitue pourtant le fondement de l’État de droit. Et le contrôle a posteriori des actions des personnels des entreprises de transport n’est pas suffisant.
Sur le second volet relatif à la lutte contre la fraude et les incivilités, nous sommes plus que dubitatifs… Les moyens coercitifs sont renforcés, les sanctions sont multipliées, mais rien n’est fait pour un renforcement de la présence humaine dans les gares et points d’accueil ou sur les quais.
Nous le savons tous, pour peu que nous les prenions au quotidien, ce qui est mon cas, dans les transports collectifs, les sentiments sont exacerbés. Le sentiment d’insécurité, l’impatience et l’énervement augmentent au rythme des dysfonctionnements, malheureusement très nombreux du fait d’un manque d’investissements sur les réseaux. Je prends tous les matins la ligne B du RER et je peux vous dire que c’est parfois très difficile.