compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Claude Haut,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 28 janvier a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à un nouveau ministre

M. le président. Mes chers collègues, je salue M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, qui siège pour la première fois, dans notre hémicycle, au banc du Gouvernement.

Monsieur le garde des sceaux, nous vous souhaitons une pleine réussite dans vos nouvelles fonctions, des fonctions difficiles, mais aussi prestigieuses ! (Applaudissements.)

3

Désignation de sénateurs en mission temporaire

M. le président. Par courrier en date du 29 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Élisabeth Lamure, sénateur du Rhône, M. Charles Revet, sénateur de la Seine-Maritime, M. René Vandierendonck, sénateur du Nord, et M. Jérôme Bignon, sénateur de la Somme, en mission temporaire auprès de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Cette mission portera sur le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité des principales portes d’entrée maritime françaises.

Acte est donné de cette communication.

4

Commissions mixtes paritaires

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs et, d’autre part, du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

5

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi organique

M. le président. Par lettre en date du 29 janvier 2016, M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 3 février 2016 de la proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d’une mission temporaire.

Acte est donné de cette demande.

6

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris hier le décès de notre ancien collègue Bernard Piras, sénateur de la Drôme de 1996 à 2014. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le garde des sceaux se lèvent.)

Au cours de ces dix-huit années, Bernard Piras fut secrétaire du Sénat, vice-président de la commission des affaires économiques, président du groupe d’amitié France-Arménie et président du groupe d’amitié France-Caraïbes ; nous avons pensé à lui ce matin, lors de la réception du président Raúl Castro, nous souvenant que notre ancien collègue était très attaché à ce que la France noue des relations positives avec Cuba. Chacun d’entre nous se souvient qu’il fut aussi le président du groupe d’études « trufficulture », qu’il a animé avec passion, et parfois gourmandise…

Ingénieur agricole de profession, Bernard Piras devint conseiller municipal de La Baume-d’Hostun en 1977, puis adjoint au maire de Romans-sur-Isère de 1983 à 1995 et, de 2001 à 2014, maire de Bourg-lès-Valence.

Bernard Piras était un homme de dialogue, d’une grande jovialité, profondément humain. Chacun de celles et de ceux qui ont eu la chance de le connaître se rappelle à quel point il aimait les gens et la vie. Il n’hésitait pas à bouleverser tous les clivages traditionnels quand il s’agissait de l’intérêt général ou, plus simplement, du plaisir de se retrouver.

Au nom du Sénat, je tiens à assurer de notre compassion sa famille et ses proches, ainsi que le président et les membres du groupe socialiste et républicain, dont il fut un membre de premier plan. À tous, je présente nos condoléances les plus attristées. Nous serons à leur côté vendredi prochain, dans le département de notre ancien collègue.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement en la mémoire de Bernard Piras. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le garde des sceaux observent un moment de recueillement.)

7

Retrait de questions orales

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1308 de Mme Nicole Bonnefoy est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 9 février, ainsi que du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

De même, les questions orales n° 1342 de Mme Catherine Procaccia et n° 1355 de M. Philippe Kaltenbach sont retirées du rôle des questions orales, à la demande de leur auteur.

Acte est donné de ces communications.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
Discussion générale (suite)

Lutte antiterroriste

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, François Zocchetto et Michel Mercier, ainsi que plusieurs autres de nos collègues (proposition n° 280, texte de la commission n° 336, rapport n° 335).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi.

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je salue à mon tour notre nouveau ministre de la justice. Monsieur le garde des sceaux, vous rêviez de pouvoir vous exprimer devant le Sénat : encore quelques minutes et ce sera chose faite ! (Sourires.)

La présente proposition de loi, que j’ai rédigée avec les présidents Retailleau et Zocchetto, ainsi que notre rapporteur, Michel Mercier, est destinée à renforcer les moyens de la justice, à élargir le champ des incriminations réprimant le terrorisme et à empêcher que les condamnés pour faits de terrorisme, leur peine purgée, ne se perdent dans la nature, sans surveillance.

Nous avons à relever un double défi. Le premier, ô combien capital, consiste à garantir la sécurité ; de ce point de vue, les tragédies que nous avons vécues en 2015 nous confortent dans notre volonté inébranlable de fermeté face au terrorisme. L’autre défi, c’est de pouvoir le faire conformément à nos traditions démocratiques et à nos valeurs républicaines, dans le respect de l’État de droit, ce qui suppose que nous fassions preuve d’une certaine prudence en ce qui concerne les restrictions susceptibles d’être apportées aux libertés : ces restrictions doivent être justifiées et proportionnées.

De nombreuses dispositions ont déjà été adoptées en matière de lutte antiterroriste, qui concernent principalement les pouvoirs de la police ; je pense en particulier à celles résultant de la loi relative au renseignement, que nous avons votée l’année dernière.

L’efficacité de toutes les mesures que nous pouvons prendre se heurte à certaines limites, qu’il faut connaître avant de franchir un nouveau pas dans le renforcement de notre arsenal juridique.

Ainsi, le terrorisme est un phénomène multiforme, alimenté par des facteurs à la fois internationaux et nationaux sur lesquels notre maîtrise ne peut pas être totale. La situation du Proche-Orient et celle de certains pays d’Afrique sont évidemment présentes à tous nos esprits ; l’écho de ces situations est une réalité incontestable au sein même de la société française, où l’islamisme radical, porteur de dérives terroristes et de risques élevés, est fortement présent. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de donner un coup d’arrêt aux revendications communautaristes, dans les entreprises comme dans les services publics. Nul ne doit pouvoir s’exonérer du respect de la loi en invoquant ses croyances ou ses origines !

L’état d’urgence a créé une situation nouvelle – le Gouvernement nous proposera demain de le proroger pour trois mois supplémentaires – : il permet de renforcer les pouvoirs du ministre de l’intérieur et des préfets, ainsi que des forces de police et de gendarmerie.

La proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter porte, quant à elle, sur la justice, et exclusivement sur elle. Il ne s’agit en aucun cas pour nous de renforcer les pouvoirs de l’autorité administrative aux dépens de ceux du procureur et du juge, mais, au contraire, de renforcer les prérogatives de ces derniers.

Plus précisément, il s’agit d’abord de renforcer les pouvoirs d’enquête des procureurs, ce dont nous avions déjà débattu au début de l’année dernière. J’avais, à cette époque, écrit à M. Manuel Valls, Premier ministre, pour lui soumettre des propositions que nous avons reprises dans ce texte.

Nous avons pu, dans le cadre du comité de suivi de l’état d’urgence, vérifier à quel point la mise en œuvre de ces propositions est attendue par le parquet ; le procureur Molins, au cours de son audition, n’a pas manqué de souligner cette attente. Il faut assurer la continuité de l’enquête, de l’ouverture d’une enquête de flagrance par le procureur à l’enquête préliminaire, puis à l’instruction, en sorte que les précieux éléments de preuve qui ont été réunis puissent être exploités sans rupture dans l’examen des dossiers.

C’est pourquoi les auteurs de la proposition de loi souhaitent autoriser les perquisitions de nuit dans les domiciles en cas d’enquête préliminaire, faciliter le recueil dans le cadre judiciaire de données informatiques, même à l’insu de leur détenteur, et rendre possible l’utilisation par la justice de dispositifs auxquels la loi relative au renseignement permet aux seuls services de renseignement de recourir : ainsi, si la proposition de loi est adoptée, les IMSI catchers et les sonorisations de lieux privés seront des instruments que les procureurs pourront utiliser, comme le font déjà la police dans ses activités de renseignement ou la Direction générale des services extérieurs.

MM. Michel Savin et Bruno Sido. Très bien !

M. Philippe Bas. La proposition de loi vise également à renforcer les peines, en instaurant un délit de consultation habituelle des sites provoquant à la commission d’actes terroristes ou en faisant l’apologie et un délit de séjour à l’étranger en vue d’entrer en contact avec une organisation terroriste.

Par ailleurs, nous proposons une mesure à mon sens essentielle : l’exclusion des délits terroristes du champ de la contrainte pénale, un dispositif sur lequel nous n’avons cessé de nous interroger depuis son adoption sur l’initiative de Mme Taubira et qui, fort heureusement, n’aura pas ou presque pas été utilisé par les magistrats jusqu’à son abrogation, que je souhaite prochaine.

M. Roger Karoutchi. C’est à espérer, en effet !

M. Philippe Bas. En matière d’exécution des peines, ensuite, il n’est pas possible de traiter un condamné pour des faits de terrorisme comme n’importe quel condamné !

M. Hubert Falco. Bien sûr, c’est évident !

M. Philippe Bas. Il faut donner un fondement légal à la création, dans les établissements pénitentiaires, d’unités dédiées spécifiquement aux personnes radicalisées ou en voie de radicalisation. C’est une exigence absolue à nos yeux !

Il faut également que le régime d’aménagement des peines concernant les détenus incarcérés pour des actes de terrorisme soit particulièrement restrictif : les libérations conditionnelles doivent être rendues pratiquement impossibles, et ce en allongeant les peines de sûreté et en faisant en sorte que la perpétuité réelle soit une réalité s’agissant de personnes condamnées pour crimes terroristes ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Il faut enfin que le juge puisse prononcer, dès la décision de condamnation, un suivi socio-judiciaire de ces terroristes, emportant obligation pour ces derniers, une fois qu’ils auront recouvré la liberté, de se soumettre à des mesures de sûreté, comme le bracelet électronique.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, vous voyez bien que ce texte est très complet et ne déborde pas du champ de la justice. Il ne vise au transfert d’aucune compétence de la justice vers la police administrative…

M. Bruno Sido. C’est un texte équilibré !

M. Philippe Bas. ... et renforce au contraire considérablement les moyens d’action des procureurs, la possibilité de prononcer des peines sévères et l’accompagnement des détenus pour faits de terrorisme jusqu’à une libération que nous souhaitons la plus tardive possible et encadrée de précautions suffisamment importantes pour empêcher toute récidive ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, Philippe Bas vient d’exposer les raisons pour lesquelles nous avons pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

Cela peut s’expliquer par une raison simple : poursuivre des auteurs d’attentats terroristes nécessite de disposer d’un ensemble de règles destinées aussi bien aux services administratifs et aux préfets qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire. Nous avons besoin d’un droit dérogatoire – il l’est d’ailleurs déjà largement ! – pour enquêter efficacement sur les actes de terrorisme, ainsi que pour poursuivre et faire condamner leurs auteurs.

Nous vivons aujourd’hui un état d’urgence et, si M. le ministre de l’intérieur nous a correctement renseignés ce matin, le Gouvernement devrait adopter demain, en conseil des ministres, un projet de loi tendant à le proroger de trois mois. Pourtant, il faudra bien sortir un jour de cet état d’urgence, car il ne peut pas constituer l’état normal de la lutte contre le terrorisme dans notre République !

Si l’on veut sortir de l’état d’urgence, il faut préparer un corpus de règles de droit commun qui soient efficaces. C’est l’un des objectifs visés par M. Bas et les auteurs de cette proposition de loi. Si l’on ne veut pas que le terrorisme l’emporte, il faut à tout prix que la République puisse disposer des règles de droit commun pour l’anéantir. Nous ne pourrons vaincre le terrorisme que grâce à notre droit, à nos règles et à notre démocratie.

Comme l’a très opportunément rappelé M. le président de la commission des lois, le texte vise à attribuer aux magistrats de l’ordre judiciaire et à l’autorité judiciaire les moyens de conduire plus efficacement les enquêtes, grâce notamment à la création de nouvelles incriminations, ainsi qu’à créer un régime d’exécution des peines pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme qui diffère de celui qui est applicable aux autres condamnés.

Monsieur le garde des sceaux, je voudrais insister sur le fait que nous avons abordé la question de l’efficacité des enquêtes du parquet et de l’instruction sans a priori. Nous avons rencontré, écouté et auditionné beaucoup de praticiens : les membres du parquet antiterroriste de Paris, les juges d’instruction du pôle antiterroriste de Paris, des magistrats de la chambre correctionnelle qui sont amenés à siéger en matière de terrorisme, ou encore des policiers, notamment de la police judiciaire. Les mesures que nous proposons dans le texte résultent en quelque sorte des suggestions qu’ils nous ont faites pour renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste.

À l’article 1er, nous nous sommes demandé si nous ne devions pas augmenter la durée de l’enquête de flagrance. C’est ce que nous pensions proposer initialement, avant que les magistrats auditionnés nous fassent remarquer qu’il existait une solution plus efficace.

Aujourd’hui, toutes les mesures prises dans le cadre de l’enquête sont interrompues dès que l’enquête de flagrance ou l’enquête préliminaire sont terminées, quand le juge d’instruction est saisi. On met par exemple un terme à toutes les écoutes qui ont été autorisées pendant une enquête. Si le juge d’instruction souhaite les renouveler, il doit alors s’approprier les mesures décidées au moment de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire. Cette interruption entre l’enquête et l’instruction en matière terroriste nous semble extrêmement préjudiciable.

C’est la raison pour laquelle nous proposons une mesure toute simple et pragmatique à l’article 1er : lorsque le procureur de la République saisit le juge d’instruction, un certain nombre de dispositions techniques et pratiques qui ont été prises pourraient continuer à vivre leur vie pendant quarante-huit heures, jusqu’au moment où le juge d’instruction serait en mesure d’en décider la prolongation ou non.

L’article 2 tend, de la même façon, à autoriser les perquisitions de nuit dans les domiciles lors de l’enquête préliminaire en matière terroriste, ce qui est le moins que l’on puisse faire.

Avec le dispositif de l’article 3, nous proposons de créer un régime autonome pour la saisie de données de messagerie électronique dans le cadre de l’enquête et de l’instruction, indépendamment de la perquisition. Je rappelle en effet que le régime de la perquisition exige la présence de l’intéressé et son accord pour qu’il soit procédé aux prélèvements nécessaires.

L’article 5 vise à permettre au procureur et aux juges d’instruction d’avoir recours à l’IMSI catcher, dispositif dont disposent déjà les services de renseignement.

À l’article 6, nous proposons enfin d’autoriser le parquet et les juges d’instruction à mettre en œuvre la technique de sonorisation et de fixation d’image dans des lieux privés.

Voilà quelques-uns des nouveaux outils qui nous semblent nécessaires pour rendre l’enquête en matière terroriste plus efficace.

Par ailleurs, nous proposons la création de trois nouvelles incriminations, mais nous nous sommes surtout interrogés sur les mesures à prendre lorsque les terroristes ont fini d’exécuter leur peine.

Au moment où nous rédigions le texte, nous pensions qu’il était nécessaire de mettre en place des mesures de sûreté pour les condamnés pour terrorisme à l’issue de leur peine. Cependant, après avoir travaillé sur le sujet et écouté les différents intervenants auditionnés – je le répète, nous n’avions aucun a priori en la matière –, nous avons préféré instituer une perpétuité réelle pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme, c’est-à-dire les punir d’une peine de prison incompressible de trente ans, et permettre au juge de prononcer un suivi socio-judiciaire à la sortie de prison de ces personnes, le cas échéant.

La commission des lois nous a suivis en adoptant ces deux mesures qui permettront de suivre en permanence les condamnés terroristes qui auront exécuté leur peine. De telles dispositions constituent des outils qui appartiennent à notre droit commun, mais qui ont été adaptés à la situation que nous connaissons aujourd’hui en matière de lutte contre le terrorisme.

Voilà l’essentiel des mesures que nous proposons pour aggraver les incriminations à l’encontre des personnes condamnées pour terrorisme.

En outre, nous prévoyons d’instaurer un régime d’application des peines plus strict, qui permettra notamment au tribunal d’application des peines de s’opposer à une libération conditionnelle qui pourrait causer un trouble grave à l’ordre public.

Si le droit pénal et la procédure pénale applicables aux terroristes doivent respecter les grands principes de notre droit et notre État de droit, ils doivent aussi tenir compte de la situation particulière à laquelle nous devons faire face, à savoir une lutte sans merci contre le terrorisme.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi renforcera le rôle du juge judiciaire. En raison des événements récents, on a bien compris –  nous n’y sommes pas opposés – que les services administratifs avaient pour fonction de prévenir les actes terroristes et qu’il fallait par conséquent leur donner les moyens nécessaires pour prévenir, par des mesures de police administrative, la commission de tel ou tel attentat.

Dans ce cadre-là, ces services sont soumis au contrôle du juge administratif qui est d’ailleurs aussi – et peut-être en premier lieu – le juge des libertés publiques : il l’a démontré par sa jurisprudence tout au long de notre histoire et cela ne nous pose donc aucun problème.

Mais nous savons aussi que le juge judiciaire est symboliquement, dans notre vécu juridique républicain, le gardien de la liberté individuelle. Bien que le Conseil constitutionnel ait interprété l’article 66 de la Constitution de manière stricte et que nous soyons soumis à cette interprétation, le juge judiciaire doit, lui aussi, être un acteur de la lutte contre le terrorisme.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à lui donner les moyens techniques, les moyens d’enquête et de répression qui font de lui à la fois un acteur comme les autres de la lutte antiterroriste, tout en restant aussi le gardien des libertés individuelles.

Dans la République, la lutte contre le terrorisme ne doit pas nous conduire à renoncer à nos principes et à ce qui constitue le fondement de notre vivre-ensemble ! C’est précisément cet esprit que les auteurs de la proposition de loi ont voulu conserver.

C’est aussi la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission des lois a soutenu, après y avoir intégré quelques amendements, le texte qui vous est soumis et qu’elle vous demande d’adopter ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, dont je salue la première prise de parole dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il était donc écrit que ma première intervention devant le Parlement se déroulerait au Sénat. (Exclamations sur certaines travées du groupe Les Républicains.)