M. Hubert Falco. Exactement !
M. Jean Louis Masson. Je peux citer des exemples : dans certains périmètres de covisibilité, on a imposé des volets noirs, avant de refuser les volets blancs, puis de prendre une autre décision et, finalement, de décider de nouveau autre chose.
La véritable problématique qui se pose, c’est l’encadrement des décisions arbitraires des ABF. On a en effet affaire à des gens qui, du jour au lendemain, se contredisent les uns les autres.
Dans une commune de mon département, l’ABF avait imposé des types d’habitations complètement fous pour un morceau de lotissement prétendument situé dans un périmètre de covisibilité. Son successeur, alors qu’il se promenait avec le maire, a estimé que ces bâtiments ne convenaient pas du tout dans le périmètre. Le maire lui a répondu qu’il s’agissait d’une décision du précédent ABF !
Il serait pertinent qu’à l’occasion de l’examen de cet article et de tous les autres du présent texte, on prenne en compte cette dimension de l’arbitraire, qui est insupportable.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’échange que nous venons d’avoir est révélateur de nos craintes. Nous ne souhaitons pas que l’on confonde les deux questionnements.
Il s’agit d’inventer un dialogue qui perdure de bout en bout. Nous devons nous interroger sur l’effectif des ABF et sur le nombre de monuments qu’ils sont chargés de préserver. Cela mérite un débat plus vaste qu’un petit échange au détour d’un amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. À travers cet échange, certains font le procès des architectes des Bâtiments de France. Pour ma part, je vais les défendre.
J’ai été pendant dix ans président d’un conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. Les ABF, qui, je le rappelle, ont tous suivi les cours de la prestigieuse école de Chaillot, sont aussi des êtres humains comme nous.
M. Masson a parlé d’arbitraire. Mais qu’y a-t-il de plus arbitraire qu’un être humain ?
Les ABF sont heureux quand un élu va les voir pour dialoguer, pour parler de sa commune. Heureusement que ces architectes existent en France !
Souvenez-vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, de notre grand ministre André Malraux. En 1968, il avait fait faire un inventaire du petit patrimoine. Or, de ce patrimoine, il ne reste plus qu’un tiers : ces petites chapelles, ces édicules sont pratiquement tous passés au broyeur à cailloux.
Je le redis, heureusement qu’il y a des ABF : à défaut, il y aurait des volets en PVC partout sur notre territoire et la France ne serait plus qu’une verrue. Je suis fier d’être Français et que, dans mon pays, existe le métier d’architecte des Bâtiments de France. (Applaudissements.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 272, 149 rectifié, 515, 351 rectifié, 279, 407, 301 rectifié bis, 329 rectifié et 302 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 345 rectifié ter, présenté par MM. Husson, Cardoux, Commeinhes, de Nicolaÿ, Milon, Longuet, Emorine, Masclet et Kennel, Mmes Duchêne et Deromedi, MM. Mayet, Mandelli et Dufaut, Mmes Morhet-Richaud et Imbert, MM. Laménie, de Raincourt, Pellevat, Chaize, Gournac, Cornu et Vaspart, Mme Gruny et MM. Adnot, B. Fournier, Gremillet, Savin et Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Remplacer les mots :
et du ministre chargé des domaines
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à laquelle sont spécialement adjoints un député et un sénateur désignés respectivement par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats tenus à la commission sur cet objet sont publics.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. La composition de la commission présidant au choix et à la délimitation des domaines nationaux est particulièrement importante. Il paraît donc logique d’associer des parlementaires à cette commission.
M. le président. L’amendement n° 423, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Remplacer les mots :
et du ministre chargé des domaines
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à laquelle sont spécialement adjoints un député et un sénateur désignés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats tenus à la commission sur cet objet sont publics.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Madame la ministre, vous permettrez à un « budgétaire », qui est aussi un vieux militant du patrimoine, de faire un lien entre l’aspect budgétaire et l’aspect culturel de la défense du patrimoine.
La loi organique relative aux lois des finances a reconnu, il y a quelques années, la légitimité d’un droit de regard du Parlement sur ce que l’État fait de son patrimoine immobilier, de ses biens, en faisant apparaître dans un compte d’affectation spéciale la gestion de l’immobilier de l’État et en mettant en place, dans la foulée, un Conseil de l’immobilier de l’État. Le Parlement a donc son mot à dire sur les orientations de la gestion de l’immobilier de l’État.
Les domaines nationaux, ce sont un peu les joyaux de la couronne – vous me permettrez ce mauvais jeu de mots, puisqu’ils proviennent, en grande partie, du domaine royal. Il n’est donc pas illégitime que le Parlement ait également son mot à dire sur la délimitation de ces domaines et compte des représentants dans cette commission, comme il en a au sein d’autres instances qui s’intéressent au patrimoine immobilier de l’État.
Les domaines nationaux font partie du patrimoine immobilier de l’État, mais ils représentent un enjeu particulier en matière culturelle. L’adjonction à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture de deux représentants du Parlement, un député et un sénateur, afin qu’ils participent à ses prises de décision, ne porterait pas atteinte aux équilibres, mais permettrait une parfaite information de la représentation nationale ainsi que la publicité des débats de la commission, ce qui est un point très important : le citoyen a le droit de savoir sur quels critères telle ou telle modification de périmètre est intervenue et pour quels besoins, le cas échéant extérieurs.
M. le président. L’amendement n° 464 rectifié, présenté par MM. Barbier, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Remplacer les mots :
et du ministre chargé des domaines
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à laquelle sont adjoints un député et un sénateur désignés par les présidents des chambres respectives et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats de la commission sur cet objet sont publics.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. En vue de la détermination de la liste des domaines nationaux et de leur périmètre, cet amendement vise à recueillir l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, à laquelle sont adjoints un sénateur et un député et, bien sûr, un représentant du ministre chargé des domaines.
L’objet de l’amendement est de garantir l’indépendance des décisions portant sur la liste et les périmètres des domaines nationaux en recueillant l’avis des parlementaires, ce qui paraît tout à fait logique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Ces amendements visent à modifier la composition de la commission nationale lorsqu’elle est consultée sur la liste et la délimitation des domaines nationaux, en lui adjoignant à cette occasion un député et un sénateur.
Je tiens à vous rassurer, mes chers collègues : des parlementaires siègent déjà au sein de cette commission. Il est même prévu, dans le texte qui a été validé par la commission de la culture la semaine dernière, qu’ils la président.
Ces amendements étant satisfaits, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne comprends pas très bien l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Au lieu d’émettre un tel avis, il aurait mieux valu que Mme la rapporteur demande purement et simplement le retrait des amendements puisqu’elle considère qu’ils sont satisfaits.
Il faudra que nous vérifiions ensuite si les textes prévoient effectivement la présence d’un représentant de l’Assemblée nationale et du Sénat. Admettez qu’il n’est pas évident, à la lecture du texte, qu’il en aille bien ainsi ! C’est la raison pour laquelle j’estime que cette demande était tout à fait légitime.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Monsieur Vasselle, vous avez parfaitement raison ! Au lieu de demander le retrait de ces amendements parce qu’ils étaient satisfaits, j’ai exprimé un avis défavorable ; veuillez m’en excuser.
Mais le résultat est finalement tout à fait positif.
M. le président. Monsieur Cardoux, l’amendement n° 345 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 345 rectifié ter est retiré.
Monsieur Bouvard, l’amendement n° 423 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, dans la mesure où mon amendement est satisfait par une disposition qui vient d’être adoptée et dont nous n’avions pas connaissance au moment de son dépôt, je le retire bien évidemment.
M. le président. L’amendement n° 423 est retiré.
Monsieur Barbier, l’amendement n° 464 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 464 rectifié est retiré.
L’amendement n° 277, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les domaines nationaux sont déclarés inconstructibles.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Avec cet amendement, nous souhaitons que la notion d’inconstructibilité des domaines nationaux dont la liste sera déterminée par décret figure dès la sous-section consacrée à la définition, la liste et la délimitation des domaines nationaux, comme un principe fondateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement a déjà été examiné et rejeté en commission. Je comprends cette volonté de protection des domaines nationaux, mais il arrive que, dans certains cas, ils comprennent des parcelles privées. Nous n’avons évidemment aucun moyen de peser sur la cession des espaces privés.
L’avis est donc toujours défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. L’amendement rend les domaines nationaux inconstructibles de façon encore plus extensive que ce que propose la commission, qui limite l’inconstructibilité aux parties des domaines nationaux appartenant à l’État.
Le Gouvernement est opposé à cette inconstructibilité, qu’elle soit limitée aux biens d’État ou qu’elle couvre aussi les parties appartenant à d’autres propriétaires, car cette mesure pénaliserait les personnes, publiques ou privées, propriétaires de parties des domaines nationaux.
En revanche, le projet de loi prévoit que ces parties constitutives des domaines nationaux seront systématiquement protégées du fait de leur placement sous le régime soit du classement soit de l’inscription au titre des monuments historiques. Si le texte ne prévoit pas d’inconstructibilité, il tend cependant à assurer une protection efficace.
C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’en solliciterai le rejet.
M. le président. Monsieur Bosino, l’amendement n° 277 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. Nous n’allons pas retirer notre amendement. La protection dont vous nous parlez, madame la ministre, n’a rien à voir avec l’inconstructibilité que nous revendiquons.
On nous parle de l’intérêt des personnes, mais ce que nous cherchons à protéger, c’est l’intérêt des biens nationaux.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Je ne voterai pas cet amendement. Heureusement qu’il n’existait pas de principe d’inconstructibilité autrefois : le pavillon de chasse de Louis XIII n’aurait pas été transformé quelques années plus tard par son fils Louis XIV en ce superbe palais de Versailles ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix !
M. Hubert Falco. Il n’y a pas de prix pour le patrimoine !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je comprends la préoccupation des auteurs de l’amendement. Nous devons cependant être bien conscients que, sur des parcelles limitrophes de domaines nationaux, voire sur les domaines nationaux et sous réserve des précautions et des garanties indiquées par Mme la ministre en matière d’intégration patrimoniale, il ne faut pas figer définitivement les choses.
En effet, il faut faire en sorte que les domaines nationaux puissent être vivants et équilibrer leurs comptes. Cela peut nécessiter, dans un certain nombre de cas, quelques aménagements à des fins d’amélioration de la qualité de l’accueil ou de valorisation touristique.
J’ai un exemple très précis en tête dont j’ai eu à connaître dans d’autres circonstances, celui du domaine de Chantilly. Sur une parcelle voisine a été construit un hôtel qui s’intègre parfaitement dans le site. Il a permis d’accroître la fréquentation de Chantilly et de tendre, à terme, vers l’équilibre des comptes du domaine, qui appartient non pas au patrimoine de l’État, mais à celui de l’Institut de France et des académies.
S’il y avait eu à l’époque une interdiction de construire, cette opération n’aurait pas pu voir le jour. Dès lors qu’est prévu un encadrement, il ne faut pas figer définitivement les choses. Quelques aménagements doivent pouvoir intervenir à des fins d’amélioration de la qualité de l’accueil, d’aménagement touristique et de valorisation des ensembles concernés.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Un orateur a rappelé ce que n’aurait pas pu faire Louis XIV, mais si l’on veut évoquer une actualité plus récente, et plus en prise avec la façon dont on peut aborder aujourd’hui ces questions de constructibilité ou d’inconstructibilité, il suffit de regarder tout près de nous : on n’aurait pas pu faire construire la pyramide du Louvre. Qu’a traduit cette construction ? Elle n’a pas seulement servi à un meilleur accueil des touristes ou je ne sais quoi de ce genre ; elle a permis de démontrer qu’il est possible de créer une œuvre qui, si elle a été critiquée à l’époque de sa construction comme beaucoup d’autres œuvres, ne dénature aucunement notre patrimoine historique, y compris artistique. Au contraire, elle s’insère dans notre histoire !
On a pu, sans rien toucher au patrimoine, valoriser celui-ci et créer une modernité. C’est aussi comme cela que l’histoire avance et que notre identité et notre culture se façonnent, non de façon figée dans la pierre et encore moins dans le sang.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec notre amendement, nous avons ouvert le débat sur une question à laquelle il faut que nous réfléchissions encore. J’entends bien ce que disent mes collègues du groupe Les Républicains lorsqu’ils évoquent Louis XIV ou l’hôtel de luxe construit par l’Aga Khan. L’exemple cité par David Assouline me parle davantage en termes de protection du patrimoine.
Dans ces conditions, et avec l’accord de mon collègue Jean-Pierre Bosino, je retire notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 277 est retiré.
L’amendement n° 278, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les monuments dont la gestion a été confiée par l’État au Centre des monuments nationaux ainsi que les monuments lui appartenant en propre entrent de plein droit dans la liste des domaines nationaux.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Le modèle économique du Centre des monuments nationaux, le CMN, repose en grande partie sur la péréquation financière. La stabilité de son périmètre représente donc la garantie de ses moyens de fonctionnement.
Avec un taux d’autofinancement de plus de 85 % en fonctionnement et hors masse salariale des agents d’État affectés, et seulement six monuments dégageant des ressources, l’équilibre financier de l’établissement est extrêmement précaire. Toute modification de périmètre, extension ou réduction, risque à tout moment de compromettre cet équilibre.
De plus, les politiques patrimoniales, comme la programmation des travaux sur monuments nationaux, ne peuvent se concevoir qu’à long terme.
Les politiques culturelles et les politiques des publics, notamment au sein des territoires, justifient cette organisation en réseau et nécessitent également une stabilité dans la durée. Comme l’ont souligné plusieurs rapports parlementaires, l’instabilité chronique qu’a connue le CMN ces dernières années a considérablement freiné son développement et son évolution.
Intégrer les monuments gérés par le CMN dans la liste des domaines nationaux, comme nous le proposons avec cet amendement, permettrait à l’établissement de trouver la stabilité dont il a besoin pour déployer ses politiques, tout en conservant son équilibre financier, et sans pour autant figer son périmètre.
Enfin, le périmètre du CMN doit être représentatif de toutes les époques, de la diversité des patrimoines en termes d’histoire, d’histoire de l’art, d’architecture, d’histoire sociale et d’histoire de la République, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Ces monuments doivent représenter, comme le précise le texte du projet de loi, « un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire sur la liste des domaines nationaux les monuments dont la gestion relève du Centre des monuments nationaux, ainsi que ceux qui lui appartiennent.
Cette proposition entre en contradiction avec la définition des domaines nationaux qui prévoit explicitement qu’il s’agit d’ensembles immobiliers et non de seuls monuments.
Souvenons-nous en outre de la commission présidée en 2003 par René Rémond, qui était la première à avoir suggéré la mise en place d’une protection spécifique des domaines nationaux. Elle avait clairement distingué les monuments considérés comme d’importance nationale, qu’il fallait conserver dans le giron de l’État, et les édifices appartenant au CMN ou gérés par lui, qui lui paraissaient au contraire susceptibles d’être cédés aux collectivités territoriales – nous avons tous à l’esprit de nombreux exemples de cession. Cela prouve bien que les biens liés au CMN n’ont pas vocation à être classés automatiquement au titre des domaines nationaux.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement a pour objet d’intégrer automatiquement l’ensemble des monuments appartenant à l’État confiés au CMN, ainsi que ceux qui appartiennent en propre à l’établissement, à la liste des domaines nationaux.
Le régime des domaines nationaux est très particulier : il est conçu comme un régime domanial d’exception appelé à protéger, voire à renforcer, l’intégrité foncière des domaines prestigieux liés à l’histoire de la Nation, comme le rappelle la rédaction retenue par la commission pour le deuxième alinéa de l’article L. 621-34 du code du patrimoine.
Monsieur le sénateur, vous évoquez la nécessité d’une péréquation financière au sein du CMN. C’est ainsi que fonctionne effectivement l’établissement, avec des bâtiments et des monuments de divers types d’attractivité touristique. Cette péréquation est importante, mais elle ne nécessite pas pour autant une intégration systématique dans la liste des domaines nationaux, laquelle conduirait à imposer une protection disproportionnée au regard des objectifs visés.
Les monuments qui appartiennent en propre au CMN – souvent des châteaux légués à l’établissement par leurs propriétaires – sont, quels que soient leur beauté et leur intérêt réels, reconnus par leur classement au titre des monuments historiques. Ils ne répondent pas à la définition d’un domaine national.
Inclure l’ensemble de ces biens dans la catégorie des domaines nationaux brouillerait le sens et affaiblirait la portée de ce dispositif, dont l’importance est tout à fait majeure.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Bosino, l’amendement n° 278 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 479, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 51, seconde phrase
Supprimer les mots :
par l’effet duquel il se trouve subrogé à l’acquéreur
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition ajoutée par la commission qui rend inconstructibles les domaines nationaux. D’excellents exemples de réalisations de diverses époques ont été cités : ils montrent bien que les domaines nationaux doivent pouvoir évoluer. Nous sommes ravis qu’il puisse en être encore ainsi dans le droit actuel.
L’inconstructibilité ferait obstacle à l’ajout d’éléments d’intérêt artistique ou architectural. Le projet de loi prévoit que les domaines nationaux seront systématiquement placés sous le régime soit du classement soit de l’inscription au titre des monuments historiques.
Cette protection permettra de prémunir ces domaines contre les constructions nouvelles qui seraient contraires au caractère historique, artistique, paysager, écologique que la commission de la culture du Sénat a souhaité affirmer et protéger.
Par ailleurs, reste la possibilité d’exercer un droit de préemption sous la forme de droit de préemption urbain, et non sous celle du droit de préemption des œuvres d’art en vente publique.
C’est la raison pour laquelle, compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir il y a quelques instants, je vous demande bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Je serai très brève, car tout a été dit.
Il ne s’agit pas, avec la constructibilité, d’autoriser la construction de barres d’immeubles dans le parc de Versailles…
Mme Jacqueline Gourault. Ni à Chambord !
Mme Marie-Pierre Monier. … ni d’une zone d’activité dans les bois de Chambord. Il s’agit au contraire d’une ouverture ; notre collègue David Assouline l’a dit tout à l’heure : que serait le Louvre sans sa pyramide, qui, on peut le dire, rehausse la beauté de ce bâtiment ?
M. le président. L’amendement n° 519, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Elles sont inconstructibles, à l’exception des bâtiments ou structures strictement nécessaires à leur entretien, à leur visite par le public ou s’inscrivant dans un projet de restitution architecturale ou de création artistique.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement tend à assouplir les conditions relatives à l’inconstructibilité des parties des domaines nationaux appartenant à l’État ou à l’un de ses établissements publics, de manière à prendre en compte les craintes que ces règles n’empêchent la reconstruction des bâtiments disparus ou l’ajout d’éléments artistiques.
L’assouplissement par rapport au texte initial permettrait de mener à bien une reconstruction, si elle était nécessaire, ou d’ajouter des éléments d’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 479 et 150 rectifié ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Je suis un peu partagée sur votre amendement, madame la ministre ; je suis défavorable au I et favorable au II.
En effet, le I de l’amendement n° 479, de même d’ailleurs que l’amendement n° 150 rectifié, prévoit de supprimer la phrase selon laquelle les parties d’un domaine national appartenant à l’État sont inconstructibles, à l’exception des bâtiments strictement nécessaires à leur entretien et à leur visite par le public. Consciente que cette rédaction était susceptible de soulever des difficultés, la commission a déposé l’amendement n° 519, que je viens de présenter, qui vise à assouplir cette règle et à répondre à la crainte exprimée par les auteurs des amendements nos 479 et 150 rectifié qu’elle n’empêche de mettre en valeur les domaines nationaux, de reconstruire des bâtiments disparus ou de permettre les ajouts artistiques dont je parlais à l’instant.
En revanche, la commission est attachée à l’encadrement des constructions de manière à éviter que ces domaines ne soient victimes de la pression urbaine, particulièrement forte en Île-de-France – nous en avons récemment connu, hélas, quelques exemples que nous pourrons rappeler si vous le souhaitez, mais que vous connaissez sûrement. La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 150 rectifié.
La commission étant favorable aux modifications prévues par le II de l’amendement n° 479, peut-être Mme la ministre serait-elle disposée à rectifier son amendement ?...
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 150 rectifié et 519 ?