Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaire :
M. Christian Cambon.
2. Mise au point au sujet de votes
4. Lutte contre le système prostitutionnel. – Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes
Clôture de la discussion générale
Articles 1er et 1er ter – Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 9 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 3 bis, 6 et 9 bis – Adoption.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Amendements identiques nos 3 de Mme Maryvonne Blondin et 8 du Gouvernement. – Devenus sans objet.
Adoption de l’article.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Laurence Rossignol, ministre
Mme Michelle Meunier, rapporteur
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
6. Mise au point au sujet de votes
7. Candidatures à un office parlementaire
8. Renvois pour avis multiples
9. Économie bleue. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
10. Mise au point au sujet d’un vote
11. Économie bleue – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 135 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 140 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 1er bis C, 1er bis, 1er ter A et 1er ter B – Adoption.
Amendement n° 138 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 136 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 2 ter et 2 quater – Adoption.
Amendement n° 137 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 139 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 93 rectifié bis de M. Charles Revet. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 3 B
Amendement n° 91 rectifié bis de M. Charles Revet. – Adoption.
Amendement n° 1 de Mme Évelyne Didier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 92 rectifié de M. Charles Revet. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° 30 rectifié ter de Mme Agnès Canayer. – Devenu sans objet.
Amendement n° 27 rectifié de M. Charles Revet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles 3 bis et 3 ter A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 26 rectifié de M. Charles Revet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 120 rectifié du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Articles 3 quinquies, 3 sexies et 3 septies – Adoption.
Article 4 (suppression maintenue)
Article 5 (suppression maintenue)
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 5 bis
Amendement n° 88 rectifié de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 89 rectifié de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 90 rectifié de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 3 de Mme Évelyne Didier. – Retrait.
Amendement n° 87 rectifié de M. Michel Canevet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 5 ter
Amendement n° 82 rectifié de Mme Annick Billon. – Devenu sans objet.
Amendement n° 73 rectifié ter de M. Jean-François Rapin. – Retrait.
Amendement n° 130 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 109 rectifié de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Non soutenu.
Amendement n° 52 de M. Michel Le Scouarnec. – Retrait.
Amendement n° 129 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 5 quinquies, 6 et 6 bis (nouveau) – Adoption.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques ; M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Nomination de membres d’un office parlementaire
13. Demande de modification de l'ordre du jour
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaire :
M. Christian Cambon.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, lors de l’examen de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, j’ai été comptabilisée comme ayant voté contre le sous-amendement n° 11 rectifié à l’amendement n° 14 rectifié à l’article 1er, alors que je souhaitais voter pour.
Concernant ce même scrutin n° 171, ma collègue Chantal Jouanno a été comptabilisée comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’elle souhaitait également voter pour.
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie hier, mercredi 9 mars 2016.
J’attire votre attention sur le fait que l’ordre du jour de la fin de la présente semaine sénatoriale, de la semaine gouvernementale du 14 mars, de la semaine de contrôle du 21 mars et de la semaine gouvernementale du 29 mars demeure inchangé, sous réserve de trois modifications.
Le Gouvernement a en effet demandé l’inscription à l’ordre du jour :
- du jeudi 24 mars, à 14 heures 30, des conclusions des commissions mixtes paritaires sur la proposition de loi organique et la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;
- puis du jeudi 31 mars, à 10 heures 30, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs ;
- en outre, le mardi 15 mars après-midi, la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population aura lieu après l’examen des conventions internationales.
Voici donc l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat tel qu’il a été établi par la conférence des présidents :
SEMAINE SÉNATORIALE |
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JEUDI 10 MARS 2016 |
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À 10 h 30 |
- Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (texte de la commission, n° 407, 2015-2016) (demande du Gouvernement) Ce texte a été envoyé à une commission spéciale. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes |
De 14 h 30à 18 h 30 (ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) |
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (texte de la commission, n° 431, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure |
À 18 h 30et, éventuellement,le soir |
- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin |
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT |
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MARDI 15 MARS 2016 |
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À 9 h 30 |
- 25 questions orales L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement. • n° 1236 de Mme Marie-Hélène DES ESGAULX à M. le secrétaire d’État chargé du budget (Recouvrement de la taxe d’aménagement) • n° 1249 de Mme Pascale GRUNY à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Simplification des normes pour les agriculteurs) • n° 1254 de M. Serge DASSAULT à M. le ministre de l’intérieur (Logement des forces de police de la base CRS 8 à Bièvres) • n° 1256 de M. Gérard LONGUET à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Fonds de soutien au développement des activités périscolaires) • n° 1265 de M. Loïc HERVÉ à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Devenir de la clinique de Cluses) • n° 1268 de M. Alain CHATILLON à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable (Gens du voyage et aires d’accueil) • n° 1271 de M. Henri TANDONNET à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable (Aide personnalisée au logement pour les apprentis) • n° 1300 de M. Cédric PERRIN à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique (Couverture en téléphonie mobile) • n° 1302 de Mme Corinne IMBERT à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Modification de la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales) • n° 1303 de M. Jean-François HUSSON à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Projet de fermeture du centre de formation de l’office national des forêts de Velaine-en-Haye) • n° 1312 de M. Yannick VAUGRENARD transmise à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (Contrats de volontariat en petites et moyennes entreprises) • n° 1313 de Mme Dominique ESTROSI SASSONE à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable (Rénovation des logements sociaux étudiants à Nice) • n° 1315 de Mme Claire-Lise CAMPION transmise à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes (Professionnels de santé et lutte contre les violences conjugales) |
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE) |
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À 9 h 30(suite) |
• n° 1317 de M. Jean-Jacques FILLEUL à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Compétence eau et assainissement des collectivités territoriales) • n° 1318 de M. Daniel DUBOIS à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique (Fonds pour la société numérique et schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique) • n° 1319 de M. Georges PATIENT à M. le ministre de l’intérieur (Montée de l’insécurité en Guyane) • n° 1322 de M. Claude BÉRIT-DÉBAT à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes (Versement de la prime à la naissance) • n° 1326 de M. Jean-Yves LECONTE à M. le ministre des finances et des comptes publics (Conséquences pour la France de la convention fiscale franco-qatarie) • n° 1329 de Mme Michelle DEMESSINE à M. le garde des sceaux, ministre de la justice (Responsabilité des entreprises dans l’exposition de leurs salariés à l’amiante) • n° 1330 de Mme Aline ARCHIMBAUD transmise à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (Projet d’enfouissement d’une portion de l’autoroute A1 à Saint-Denis) • n° 1334 de M. Michel LE SCOUARNEC à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Avenir du collège Montaigne de Vannes) • n° 1336 de M. Jacques MÉZARD à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Isolement géographique du centre hospitalier d’Aurillac) • n° 1337 de M. Jean Louis MASSON à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Régimes complémentaires de retraite des élus locaux et reprise d’activité) • n° 1339 de Mme Claudine LEPAGE à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Qualité d’ayant droit d’un retraité français résidant hors de France) • n° 1340 de Mme Stéphanie RIOCREUX à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Pratiques commerciales du secteur des énergies renouvelables) |
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE) |
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À 14 h 30 |
- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié : => Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (texte de la commission, n° 456, 2015-2016) => Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978 (texte de la commission, n° 450, 2015-2016) => Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe) (texte de la commission, n° 454, 2015-2016) => Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou (texte de la commission, n° 452, 2015-2016) • Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : vendredi 11 mars, à 17 heures - Projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 458, 2015-2016) • Temps attribué aux orateurs des groupes : 30 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 mars, à 17 heures |
MARDI 15 MARS 2016 (SUITE) |
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À 14 h 30(suite) |
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population, en application de l’article 50-1 de la Constitution • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Temps attribué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : 10 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mars, à 17 heures |
À 17 h 30 |
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 mars Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mars, à 17 heures 8 minutes attribuées respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires européennes Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes |
MERCREDI 16 MARS 2016 |
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À 14 h 30et le soir |
- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (n° 395, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 14 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 16 mars matin • Temps attribué à la commission des lois dans la discussion générale : 20 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 15 mars, à 17 heures |
JEUDI 17 MARS 2016 |
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À 11 heures |
- Suite de l’ordre du jour de la veille |
À 15 heures |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 17 mars, à 11 heures |
À 16 h 15et le soir |
- Suite de l’ordre du jour du matin |
SEMAINE DE CONTRÔLE |
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MARDI 22 MARS 2016 |
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À 15 h 15 |
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (n° 395, 2015-2016) • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 21 mars, à 17 heures |
De 16 heuresà 16 h 30 |
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (n° 395, 2015-2016) |
À 16 h 30 |
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (n° 395, 2015-2016) |
À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 22 mars, à 12 h 30 |
À 17 h 45 |
- Question orale avec débat n° 13 de Mme Annie DAVID à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur « Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail » (demande du groupe communiste républicain et citoyen) • Temps attribué à l’auteur de la question : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 21 mars, à 17 heures • Possibilité pour l’auteur de la question et chaque orateur d’utiliser une partie de son temps pour répondre au Gouvernement |
MERCREDI 23 MARS 2016 |
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À 14 h 30et le soir |
- Débat sur les conclusions du rapport d’information de la commission des finances sur les moyens consacrés au renseignement intérieur (demande du groupe Les Républicains) • Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 mars, à 17 heures - Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l’Assemblée nationale, en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire (n° 371, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 14 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 16 mars matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 21 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 23 mars matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mars, à 17 heures - Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (texte de la commission, n° 431, 2015-2016) (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) |
JEUDI 24 MARS 2016 |
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À 14 h 30et, éventuellement, le soir |
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur la proposition de loi organique et la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (demande du Gouvernement) Ces deux textes feront l’objet d’une discussion générale commune. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mercredi 23 mars, à 17 heures - Suite de l’ordre du jour de la veille |
SEMAINE GOUVERNEMENTALE |
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MARDI 29 MARS 2016 |
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À 14 h 30et le soir |
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec des saisines pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des finances. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 21 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 23 mars matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 25 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 29 mars matin et mercredi 30 mars matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 25 mars, à 17 heures |
MERCREDI 30 MARS 2016 |
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À 14 h 30et le soir |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) |
JEUDI 31 MARS 2016 |
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À 10 h 30 |
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 30 mars, à 17 heures |
JEUDI 31 MARS 2016 (SUITE) |
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À 10 h 30(suite) |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) |
À 15 heures |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 31 mars, à 11 heures |
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) |
SEMAINE SÉNATORIALE |
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MARDI 5 AVRIL 2016 |
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À 15 h 15 |
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 avril, à 17 heures |
De 16 heuresà 16 h 30 |
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) |
À 16 h 30 |
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445, 2015-2016) |
À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 5 avril, à 12 h 30 |
MARDI 5 AVRIL 2016 (SUITE) |
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À 17 h 45 |
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (n° 373, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 29 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mars matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 avril, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 5 avril matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 avril, à 17 heures |
Le soir |
- Suite éventuelle de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (n° 373, 2015-2016) - Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (demande du Gouvernement) • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 avril, à 17 heures |
MERCREDI 6 AVRIL 2016 |
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De 14 h 30à 18 h 30 (ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) |
- Proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Henri CABANEL, Didier GUILLAUME, Franck MONTAUGÉ et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 418, 2015-2016) • Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 avril, à 17 heures • Les interventions des orateurs vaudront explications de vote - Proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, présentée par MM. David ASSOULINE, Didier GUILLAUME et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 416, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission de la culture. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 25 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mars matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 avril, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 6 avril matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 avril, à 17 heures |
JEUDI 7 AVRIL 2016 |
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De 14 h 30à 18 h 30 (ordre du jour réservé au groupe RDSE) |
- Proposition de loi modifiant la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre de rallonger d’un an le délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités, présentée par M. Jacques MÉZARD et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen (n° 415 rectifié, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 29 mars, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mars matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 avril, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 6 avril matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 6 avril, à 17 heures - Débat sur l’offre de soins dans les territoires ruraux • Temps attribué au groupe RDSE : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 6 avril, à 17 heures |
Suspension des travaux en séance plénière : |
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du lundi 11 au dimanche 24 avril 2016 |
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SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT |
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MARDI 26 AVRIL 2016 |
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À 14 h 30et le soir |
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec des saisines pour avis de la commission des affaires économiques, de la commission de la culture, de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 avril, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 avril matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 avril, à 11 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 avril matin et mercredi 27 avril matin • Temps attribué aux rapporteurs des commissions saisies pour avis dans la discussion générale : 5 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 avril, à 17 heures |
MERCREDI 27 AVRIL 2016 |
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À 14 h 30 |
- Débat sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances) • Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes • Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 26 avril, à 17 heures |
À 16 h 30et le soir |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) |
JEUDI 28 AVRIL 2016 |
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À 10 h 30 |
- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (n° 405, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure d’examen en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission. • Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 avril, à 12 heures • Réunion de la commission pour l’examen des amendements, le rapport et le texte : mercredi 6 avril matin • Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le rapporteur de la commission pendant 10 minutes et un représentant par groupe pendant 7 minutes, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pendant 3 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 avril, à 17 heures - Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) |
À 15 heures |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 avril, à 11 heures |
À 16 h 15et le soir |
- Suite du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) |
SEMAINE DE CONTRÔLE |
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MARDI 3 MAI 2016 |
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À 15 h 15 |
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 2 mai, à 17 heures |
De 16 heuresà 16 h 30 |
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) |
À 16 h 30 |
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) |
À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 5 avril, à 12 h 30 |
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : |
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mercredi 6 avril 2016, à 19 heures |
Je vais maintenant consulter le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.
Y a-t-il des observations ?…
Ces propositions sont adoptées.
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Lutte contre le système prostitutionnel
Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (proposition n° 372, texte de la commission spéciale n° 407, rapport n° 406)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureuse d’être présente ce matin devant votre assemblée en tant que ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, pour l’examen de cette proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Retrouver ce texte à ce stade de son parcours législatif revêt une signification particulière pour moi, pour deux raisons.
Premièrement, je porte depuis dix ans les principes que cette proposition de loi va faire entrer dans notre droit. Mon combat a commencé très exactement en 2006. En effet, cette année-là, la coupe du monde de football avait lieu en Allemagne, où l’on a vu s’organiser en toute légalité un grand business du sexe autour des manifestations sportives, qui a eu pour effet d’augmenter le nombre de transactions et bien entendu de développer la prostitution, notamment dans la ville de Berlin.
Deuxièmement, c’est avec enthousiasme que je porte ce texte ce matin, parce que, avant d’entrer au Gouvernement en avril 2014, j’en avais été rapporteur au Sénat.
Cette proposition de loi est désormais bien connue, puisqu’elle a fait son chemin parlementaire et vous l’examinez aujourd’hui pour la troisième fois : elle affirme la position abolitionniste de notre pays.
Nous considérons en effet que nous ne pouvons pas rester plus longtemps en équilibre précaire entre une position réglementariste et un abolitionnisme jusqu’ici assez hypocrite, car nulle disposition de notre architecture juridique ne sanctionne l’achat de services sexuels.
De nombreux arguments ont été échangés au cours des deux lectures précédentes, et je ne suis pas sûre que nous parvenions davantage à nous convaincre réciproquement ce matin du bien-fondé de nos positions respectives. Je ne désespère pas d’amener la majorité de votre assemblée à changer de point de vue, mais, pour ma part, je sais que, non, on ne me convaincra pas !
On ne me convaincra pas que la prostitution est le plus vieux métier du monde, donc une fatalité. L’esclavage a aussi été la plus vieille méthode d’exploitation de la force de travail, avant d’être aboli !
On ne me convaincra pas non plus que la sexualité des hommes serait si irrépressible qu’il faudrait lui offrir des exutoires et que des êtres humains auraient pour fonction, dans notre société, de réguler les pulsions des uns et de canaliser les prédateurs sexuels.
On ne me convaincra pas davantage que la prostitution serait une liberté sexuelle comme les autres. Le système prostitutionnel n’appartient pas au chapitre des libertés individuelles, mais à celui de la surexploitation du corps des uns par les autres : c’est avant tout une question sociale.
Pour la première fois, un texte a pour objectif de permettre aux femmes de toutes nationalités de s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution. Reposant sur un accompagnement par les associations compétentes, il prévoit une aide spécifique financée par un fonds spécial que le Gouvernement s’est engagé à abonder à hauteur de 20 millions d’euros par an.
Ce texte combat la prostitution de rue et s’attaque également au développement de la prostitution sur internet, dans le respect des impératifs des libertés publiques. Les fournisseurs d’accès devront en effet signaler les sites susceptibles de ne pas respecter la loi sur la traite et le proxénétisme.
La proposition de loi promeut aussi la prévention pour décourager l’entrée dans la prostitution, par le développement d’actions d’information ciblées.
Enfin, reconnaissant pleinement le statut de victimes des personnes en situation de prostitution, l’Assemblée nationale a adopté deux mesures permettant l’inversion de la charge de la preuve en matière pénale. Elle abroge le délit de racolage, car les personnes prostituées ne sont pas des coupables, et, dans une optique de responsabilisation du client, elle interdit l’achat d’actes sexuels en instaurant un délit sans peine de prison qui lui soit assortie, mais sanctionné par une contravention de 1 500 euros.
Il s’agit donc d’un texte complet, équilibré, enrichi des nombreux travaux conduits à l’Assemblée nationale comme au Sénat.
À ce stade, je souhaite remercier celles et ceux qui y ont contribué, depuis maintenant deux ans, notamment, Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, Maud Olivier, Chantal Jouanno et Catherine Coutelle, mais aussi mes collègues et prédécesseurs, Najat Vallaud-Belkacem et Pascale Boistard. Grâce à eux, grâce à vous, le débat public s’est élevé et les mentalités ont considérablement évolué.
Cette proposition de loi doit donc désormais être adoptée. C’est une nécessité pour au moins trois raisons.
Premièrement, l’achat de services sexuels n’est compatible ni avec l’égalité entre les femmes et les hommes ni avec la protection que l’on doit aux femmes victimes de violence.
La dimension sexuée de la prostitution ne saurait être niée, pas plus que la violence qui l’entoure : 85 % des personnes prostituées en France sont des femmes et 99 % de leurs clients sont des hommes. Les personnes prostituées sont victimes de violences particulièrement graves qui portent atteinte à leur intégrité physique et psychique, comme l’ont démontré vos collègues Chantal Jouanno et de Jean-Pierre Godefroy dans leur rapport intitulé Situation sanitaire et sociale des personnes prostituées : changer de regard.
Deuxièmement, la prostitution nourrit la traite des êtres humains.
Nous avons assisté à un basculement : depuis les années 2000, en France, près de 90 % des personnes prostituées ne sont pas françaises, alors que cette proportion n’était que de 20 % en 1990. Principalement originaires de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria, du Brésil et de Chine, ces personnes sont essentiellement victimes de réseaux d’exploitation sexuelle.
Troisièmement, la prostitution est aussi une violence faite aux enfants, car elle n’épargne pas les mineurs et les signaux sur l’évolution de la prostitution des enfants sont très alarmants.
Je développerai successivement ces trois points, qui se conjuguent et rendent, à mon sens, incontournable l’adoption de cette proposition de loi.
La prostitution n’est compatible ni avec l’égalité entre les femmes et les hommes ni avec la protection que l’on doit à nos citoyens contre la violence.
Dans une société où le corps des femmes peut constituer une marchandise, être vendu, même simplement loué, à des hommes, où ces hommes peuvent librement commenter les prestations des femmes prostituées sur des forums, sur des cartographies des tarifs de la prostitution à Paris, par exemple, en assortissant leurs commentaires de diverses notations, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas envisageable.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi est d’abord une nécessité éthique. Comme le précise le préambule de la loi abolitionniste adoptée en Suède en 1999, « il n’y aura pas d’égalité possible entre les hommes et les femmes tant que l’on pourra louer ou acheter le corps des femmes ». Par ailleurs, cette dernière possibilité, ainsi que le fait de pouvoir disposer à sa guise du corps des femmes fait le terreau du sexisme et des stéréotypes contre les femmes.
Et que dire d’une société où tout homme peut être réduit à un être soumis à des pulsions sexuelles irrépressibles devant être assouvies à tout prix ? C’est à mon sens aussi insultant pour les hommes que pour les femmes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout à fait !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Le corps d’une femme n’est ni un déversoir, ni un médicament, ni un prix de consolation pour toutes les détresses. Je suis convaincue que la pénalisation de l’achat d’actes sexuels est l’un des outils permettant de lutter contre les stéréotypes et d’œuvrer en faveur de l’égalité des sexes.
La prostitution ne correspond pas à cette image romanesque que l’on a pu avoir, celle de « la prostituée au grand cœur, qui recueille des confidences sur l’oreiller » ou de « la fille de joie ». À cet égard, je vous renvoie à la chanson de Georges Brassens, « La complainte des filles de joie », qui en fait une description beaucoup moins romanesque et idyllique que celle que l’on entend le plus souvent. (Approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Notre regard doit évoluer pour prendre en compte le désir des femmes, ignoré pendant des siècles. La prostitution consentie existe, bien sûr, il ne s’agit pas de la nier. Pour autant, peut-on admettre que le consentement d’une seule prostituée rende respectable et acceptable l’esclavage de toutes les autres ?
D’autres grands principes se dressent face au consentement de quelques-uns et de quelques-unes : la non-marchandisation du corps humain, le respect de son intégrité et la dignité de la personne humaine. Notre pays interdit par exemple la vente d’organe du corps humain. Pourtant, je suis sûre que certains de nos concitoyens accepteraient de vendre leur sang, voire leur rein, contre quelques milliers d’euros. Seulement, nous avons collectivement décidé que cette pratique était contraire à la dignité humaine.
Le consentement de quelques-uns ou de quelques-unes n’est pas un argument irréfragable. Ne pas recourir à la prostitution est une question d’éthique ; il s’agit d’une question sociale et non privée. Il faut donc sortir du prisme de la question individuelle et reconnaître ce qu’elle donne à voir de notre société et de la place de l’ensemble des femmes dans cette société.
Inutile de rêver d’une société égalitaire si les hommes ont le droit de se servir sexuellement d’une femme qui n’a pas envie d’eux – personne n’a encore osé défendre l’idée que les prostituées font l’amour par désir –, et qui est alors considérée comme une sous-citoyenne. (Mme Catherine Troendlé marque son approbation.)
La violence est indissociable de l’univers prostitutionnel, comme l’ont souligné les auditions réalisées par la commission spéciale pour l’examen de la proposition de loi. S’il s’agit souvent de la violence exercée par les clients, face à laquelle les victimes ne portent souvent pas plainte, il peut aussi s’agir de celle qui est imposée par les proxénètes et les réseaux, parfois aussi par les personnes prostituées entre elles, voire par les voleurs ou encore les passants ou les riverains.
Une étude américaine, citée par les auteurs du rapport de l’IGAS sur les enjeux sanitaires de la prostitution, souligne un taux de mortalité deux fois plus élevé chez les femmes prostituées exerçant dans la rue par rapport à une population d’âge, de sexe et d’origine ethnique comparables.
Cette différence s’explique essentiellement par les violences subies, ainsi que par l’usage de drogues, souvent indispensable pour « tenir ». Cet exemple, même s’il ne concerne pas directement la France, n’en reste pas moins révélateur de la prégnance de la violence au sein de l’univers prostitutionnel.
Non seulement l’achat d’actes sexuels est contraire à l’égalité entre les hommes et les femmes, non seulement il génère de la violence, mais il participe aussi de l’organisation de réseaux lucratifs d’exploitation sexuelle.
« On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution ». À la troisième lecture de ce texte, je pense que vous connaissez tous l’auteur de cette phrase : Victor Hugo, dans Les Misérables – c’était en 1862…
À l’échelle de l’Union européenne, le nombre total de travailleurs forcés dans les États membres s’élèverait à 880 000 personnes, parmi lesquelles 270 000 seraient des victimes de l’exploitation sexuelle, d’après le rapport du Parlement européen sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux.
Les auditions menées par la commission spéciale ont montré le fonctionnement des réseaux, et force est de constater que la réalité de l’activité prostitutionnelle est le plus souvent faite de contrainte et de violence, parfois extrême, d’exploitation sexuelle et de confiscation des gains.
Plusieurs études mettent en lumière le caractère très lucratif de l’exploitation sexuelle et, plus généralement, de la traite des êtres humains. D’après une étude de 2001, réalisée par l’agence Interpol, le revenu moyen d’un proxénète pour une seule personne prostituée s’élèverait à environ 110 000 euros par an.
Au total, la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle serait, d’après l’Organisation des Nations unies, le deuxième trafic le plus rentable en matière de crime organisé.
Pour lutter contre ces réseaux, il faut leur opposer la fermeté d’un refus collectif du système prostitutionnel. C’est ce que la Suède a fait en 1999 en adoptant une loi abolitionniste.
D’après les conclusions de l’étude du Sénat sur cette question, « quelles que soient les difficultés rencontrées pour réunir des éléments sur le sujet et les précautions nécessaires dans l’interprétation des résultats, l’interdiction de l’achat de services sexuels a entraîné une diminution de moitié de la prostitution sur la voie publique en Suède, alors même que cette activité a crû dans les autres pays nordiques ».
Selon les estimations du ministère de la justice suédois, le nombre de personnes prostituées serait passé de 2 500 en 1999 à 1 500 en 2002. Aujourd’hui, seules quelques centaines de personnes prostituées exerceraient encore dans les rues du pays, tandis que la prostitution dans les hôtels et les restaurants aurait disparu.
Outre une diminution significative du nombre de personnes prostituées, la réforme suédoise a permis de modifier la perception du phénomène prostitutionnel par la population. Alors que, en 1996, 67 % de la population y était défavorable, 71 % des Suédois étaient en 2008 favorables à la loi pénalisant l’achat d’actes sexuels.
Comment ne pas voir que, pour réduire l’offre d’actes sexuels, il convient de réduire et tarir la demande ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Cette équation économique est pourtant simple : l’exploitation sexuelle se développe sur un marché où se rencontrent des fournisseurs, à savoir les réseaux et les proxénètes, ainsi que des producteurs, les personnes prostituées, et des acheteurs, que sont les clients de la prostitution.
Enfin, la ministre de l’enfance que je suis aussi est très préoccupée par l’augmentation de la prostitution des mineurs observée par les associations.
Je voudrais évoquer ici le cas d’Awa, rapporté par l’Amicale du Nid.
Awa est orpheline. Elle a été mariée à quatorze ans à un sexagénaire et violée par le fils de ce dernier. Ayant réussi à s’échapper et à quitter l’Afrique pour se réfugier en France, elle a été prise dans un réseau de traite des êtres humains, et elle est désormais enfermée et forcée, à seize ans, de se prostituer.
Comme elle, entre 6 000 et 8 000 enfants seraient prostitués en France. Les Amis du bus des femmes à Paris relèvent, par exemple, la présence croissante de très jeunes femmes parmi les prostituées de rue nigérianes.
La difficulté à disposer de données chiffrées précises sur la prostitution des mineurs témoigne de l’impossibilité de mesurer avec exactitude le nombre de personnes prostituées dans notre pays. Ainsi, alors que les mineurs ne représentaient, en 2010, que 0,44 % des personnes mises en cause pour racolage public, d’après les chiffres de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, les associations œuvrant sur le terrain font état d’une augmentation alarmante du nombre de prostituées mineures.
Nous ne saurions avoir les mêmes débats sur le consentement des personnes prostituées majeures quand il s’agit d’enfants. Or il y a toujours les mêmes clients, et les réseaux de prostitution se moquent des limites d’âge. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre devoir est de protéger les enfants, les jeunes filles comme les jeunes garçons, de l’exploitation sexuelle.
Pour conclure, je rappellerai que la France a adopté une position abolitionniste au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un engagement qui s’est traduit par le vote de la loi du 13 avril 1946 tendant à la fermeture des maisons de tolérance et au renforcement de la lutte contre le proxénétisme, dite « loi Marthe Richard ».
La position abolitionniste de la France fut par la suite confirmée par la ratification, en 1960, de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.
En dépit de ces avancées, la prostitution a toutefois conservé un caractère licite, et est restée tolérée par l’État, sous réserve de ne pas être exercée sur la voie publique et de ne pas troubler l’ordre public…
La marche vers l’abolitionnisme doit désormais prendre la forme de la politique équilibrée que nous vous proposons : prévention de l’entrée dans la prostitution ; accompagnement des personnes qui souhaitent en sortir ; interdiction de l’achat d’actes sexuels.
Il y va de l’honneur de notre pays, dont la position est par ailleurs très attendue par nos partenaires internationaux, de défendre avec force les droits des femmes et leur protection contre toutes les formes de violence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur de la commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà !
Nous arrivons au terme d’un long parcours législatif entamé à l’Assemblée nationale à la fin de l’année 2013. Plus de deux années à mener des auditions et à débattre d’un texte qui s’est fixé pour ambition de mieux lutter contre ce que notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a très justement appelé « la plus vieille violence du monde faite aux femmes ».
Selon moi, cette longue maturation aura été très profitable, puisqu’elle aura permis que soient portés à la connaissance de la représentation nationale des éléments très précis sur la situation des personnes prostituées et sur les relations étroites du phénomène de la prostitution avec d’autres aspects de la grande criminalité et des réseaux mafieux, tels que la traite des êtres humains ou encore l’exploitation des migrantes.
La réflexion, très complète, que nous avons menée et les débats, très riches, qui se sont tenus en commission spéciale comme en séance publique ont ainsi permis d’éloigner la discussion de toutes les idées reçues, de tous les clichés, qui, souvent, prévalaient encore sur cette douloureuse question.
En outre, les échanges avec l’Assemblée nationale, en particulier avec la rapporteur, Maud Olivier, et le président de la commission spéciale, Guy Geoffroy, dont je tiens à saluer ici le travail et l’engagement, ont été très constructifs.
Pour autant, nos deux chambres, réunies en commission mixte paritaire le 18 novembre dernier, ne sont pas parvenues à s’accorder sur un texte susceptible de faire ensuite consensus.
Alors que des convergences étaient apparues sur la plupart des volets de la proposition de loi, tels que la lutte contre les réseaux, l’accompagnement sanitaire, social et professionnel ou la prévention et l’éducation à la sexualité, ses dispositions les plus symboliques et les plus médiatisées, relatives à la pénalisation de l’achat d’acte sexuel notamment, continuent de diviser nos deux assemblées.
Ainsi, chargée d’établir un texte de nouvelle lecture au cours de sa réunion du 16 février dernier, notre commission spéciale a, de nouveau, supprimé les articles 16 et 17, qui pénalisent les clients de personnes prostituées et créent une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. Elle a, par cohérence, supprimé, à l’article 18, les dispositions prévoyant qu’un bilan de la création de l’infraction de recours à la prostitution serait effectué dans le cadre du rapport d’évaluation de la proposition de loi.
Je regrette profondément ces suppressions, qui sont, à mes yeux, contraires à ce que doit être aujourd’hui une politique de lutte contre l’exploitation sexuelle cohérente, efficace et conforme à l’engagement abolitionniste de la France, cet engagement que vous portez fièrement, madame la ministre, et qui trouve toute sa place dans l’action menée par votre ministère au service de la défense et de la promotion des droits des femmes ; cet engagement que vous portiez déjà, voilà près de deux ans au Sénat, lorsque vous étiez rapporteur de notre commission spéciale, comme vous venez de nous le rappeler.
Disons-le clairement et sans tabou : il est urgent de le reconnaître, la prostitution est une violence que le client ne peut ignorer. Il est par conséquent indispensable qu’il assume pleinement les conséquences de ses actes et en soit sanctionné.
Notre société doit en effet définitivement changer le regard qu’elle porte sur la personne prostituée, pour la considérer désormais comme une victime à part entière : victime de violences, victime d’un système, victime de réseaux. Son client, lui, doit être mis face à ses responsabilités, car, sans client, pas de prostitution !
Mes regrets sont d’autant plus vifs que la pénalisation des clients, qui est l’un des quatre leviers complémentaires ici prévus, constitue le seul point sur lequel notre commission spéciale a modifié le texte qui venait d’être adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.
Ainsi, nous n’avons pas modifié les dispositions relatives à la lutte contre la traite des êtres humains. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a conservé les améliorations apportées en deuxième lecture par le Sénat à l’article 1er ter relatif à la protection des victimes de la traite et du proxénétisme qui acceptent de collaborer avec les services de police.
Elle les a également complétées, en prévoyant que les dispositions du code pénal relatives à l’audition de témoins, qui peut déboucher sur une retenue de quatre heures, sont applicables aux personnes prostituées. La navette parlementaire nous a permis d’aboutir à un dispositif équilibré qui sera, selon moi, bien plus efficace pour démanteler les réseaux de traite que le délit de racolage, dont notre assemblée a accepté la suppression en deuxième lecture.
De toute façon, notre commission spéciale n’a apporté aucun changement aux articles relatifs à l’accompagnement social des personnes prostituées. Là encore, la navette nous a permis d’améliorer dans un esprit consensuel le texte initial de la proposition de loi, pour en faire un texte utile et juste.
S’agissant du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, créé à l’article 3, nos deux assemblées sont parvenues à une rédaction de compromis. Elle permettra à l’ensemble des associations qui aident les personnes en difficulté, en particulier les personnes prostituées, de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du parcours.
Enfin, en ce qui concerne l’article 6, qui crée une autorisation provisoire de séjour, je crois que nous sommes, là encore, parvenus à une solution équilibrée. Si l’article dispose, conformément au souhait de l’Assemblée nationale, que la personne désirant bénéficier de ce titre de séjour doit avoir cessé l’activité de prostitution, il est également précisé qu’elle doit être engagée dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle.
Nous savons toutes et tous combien le chemin vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes est long et semé d’embûches. Il demande de la patience, de la volonté et du courage.
La Journée internationale des droits des femmes, que nous avons célébrée voilà à peine quarante-huit heures, est là pour nous le rappeler – symboliquement – chaque année et pour nous inviter à une vigilance et à un combat de tous les instants.
Dans ce contexte, je crois que le texte sur lequel nous allons nous prononcer aujourd’hui, au-delà des dispositions concrètes qui permettront d’améliorer de façon sensible la vie des personnes victimes de la prostitution, est également symbolique : il s’agit d’affirmer que ce qui a longtemps été toléré, voire considéré comme « naturel », au nom d’une prétendue supériorité masculine, n’est aujourd’hui plus acceptable dans une société où les femmes et les hommes sont égaux et doivent être considérés comme tels dans toutes les sphères de la vie.
Je crois donc, à titre personnel, que notre assemblée s’honorerait à adopter la proposition de loi dans toutes ses composantes, y compris les articles 16 et 17.
Car il devient urgent de reconnaître, enfin, le caractère à la fois injuste et inefficace de notre politique actuelle et d’en tirer les conclusions en changeant de cap, pour de bon !
Cette conviction est déjà largement partagée sur les travées des assemblées, comme sur le terrain, auprès des associations. Et d’ici à quelques années, je l’espère, elle apparaîtra à toutes et tous comme une évidence ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi poursuit son très long parcours législatif, révélateur des conceptions opposées concernant la prostitution.
Avant d’aborder les articles restant encore en discussion, je veux ici remercier chaleureusement Mme Pascale Boistard, ancienne secrétaire d’État aux droits des femmes, qui s’est personnellement beaucoup investie en faveur de cette proposition de loi (Mme Maryvonne Blondin opine.), ainsi que les membres de son cabinet.
Je sais, madame la ministre, que vous aurez vous aussi à cœur de continuer à porter ce combat pour lequel vous êtes engagée depuis 2006, comme vous venez de le souligner.
Nous arrivons donc au terme de cet examen, avec de réelles avancées qui vont permettre de mieux accompagner les personnes prostituées victimes de traite des êtres humains et de réseaux mafieux, et de leur venir en aide.
C’est une très bonne chose, conforme au positionnement abolitionniste de la France ratifié depuis plus de cinquante ans.
Être abolitionniste, faut-il le rappeler ici, c’est ne pas stigmatiser, criminaliser les personnes prostituées reconnues d’abord et avant tout comme des victimes. Je tiens donc à exprimer ma satisfaction concernant l’adoption de l’article 13, qui abroge le délit de racolage.
Pour les articles restant en discussion, deux d’entre eux sont emblématiques et cristallisent tous nos points de divergence. Il s’agit des articles 16 et 17 relatifs à la responsabilisation de clients d’achats d’actes sexuels. Une nouvelle fois, la commission spéciale les a supprimés.
Pour ma part, je propose de nouveau, par voie d’amendements, de les réintroduire, tant ils me semblent fondamentaux et constitutifs de l’équilibre même du texte.
Quand on légifère sur le système prostitutionnel, on doit tenir compte de tous les protagonistes : les personnes prostituées, les proxénètes, avec leurs réseaux de traite des êtres humains, et, enfin, les clients.
Si nous avons avancé ensemble sur l’accompagnement, le suivi des personnes prostituées et sur la répression des réseaux mafieux, il paraît incohérent de ne pas aller jusqu’au bout de la chaîne du système prostitutionnel, en refusant de responsabiliser les clients.
Depuis 2011, la prostitution est considérée, dans notre pays, comme une violence faite aux femmes. À ce titre, comment justifier qu’il ne faut pas poursuivre les auteurs de ces violences ? Pénaliser l’achat d’actes sexuels comme on pénalise le harcèlement, le viol ou les mariages forcés participe à la responsabilisation du client.
Deux jours après la Journée internationale des droits des femmes, je veux encore rappeler ce qu’est la réalité de la prostitution : une violence extrême infligée aux femmes, à leur corps et à leur âme.
Leur espérance de vie est réduite et leur taux de mortalité est six fois plus élevé que celui du reste de la population, d’après un rapport de l’IGAS de décembre 2012. Comment croire que ce phénomène relève du choix, du consentement quand on subit quotidiennement des coups, des menaces, des humiliations et des dizaines de rapports sexuels ?
Il faut arrêter de fermer les yeux et de ne pas voir que le système prostitutionnel est le produit d’une double domination, une domination sexiste – de l’homme sur la femme – et une domination par l’argent, dans un monde où tout est marchandise, même le corps d’une femme !
Les opposants à cette responsabilité du client nous rétorquent que la pénalisation va se révéler inefficace et contre-productive. Personnellement, je n’en suis absolument pas convaincue, et j’ai envie de vous dire que pour n’importe quelle loi, finalement, on n’est jamais totalement certain que nos intentions atteignent nos objectifs.
Mme Danielle Michel. Exactement ! Bravo !
Mme Laurence Cohen. C’est bien pour cela que, régulièrement, nous proposons des évaluations, des bilans…
Mme Laurence Cohen. … pour rajuster l’action publique. (Mmes Maryvonne Blondin et Marie-Pierre Monier opinent.)
En quoi cette mesure devrait-elle échapper à cette règle ?
Osons franchir ce cap et impliquer le troisième acteur du système prostitutionnel ! Je sais que quelques associations et même le Défenseur des droits affirment que la pénalisation des clients va accroître la précarité et l’isolement des prostituées. Mais les personnes prostituées sont déjà précarisées et isolées. Il faut agir de façon globale et cohérente !
Un autre argument, que je veux combattre ici, serait qu’en pénalisant l’acte tarifé la prostituée se retrouve complice de ce délit.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que c’est refuser, au fond, de voir les prostituées comme des victimes.
Or, dès lors qu’il s’agit de violences sexistes faites aux femmes, n’est-ce pas une tendance encore très répandue ?
Réfléchissons ensemble : vous viendrait-il à l’esprit de considérer que les victimes de violences conjugales sont complices de leur conjoint car elles restent auprès de lui ?
Cette notion de complicité ne tient pas davantage sur le plan juridique. Je ne prendrai qu’un exemple, celui du trafic d’organes. Les coupables sont bien les trafiquants, les clients, mais pas celui ou celle qui y a recours, poussé par la misère !
Pourquoi, en effet, vouloir agir différemment parce qu’il s’agit de prostitution ? Ne faut-il pas avoir le courage de changer de regard ?
Notre but est non de juger ou de faire la morale aux clients mais de leur faire comprendre qu’ils ont un rôle à jouer pour mettre fin aux violences subies par ces femmes, pour mettre fin à la marchandisation du corps des femmes.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Il n’y a pas de liberté sexuelle quand l’une des deux personnes agit sous la contrainte et est entre les mains de proxénètes.
Près de trois ans après le début de l’examen de cette proposition de loi, je souhaite vivement son adoption dans son esprit initial (Mme Maryvonne Blondin opine.), telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale. Je sais que beaucoup de personnes prostituées ou anciennes prostituées, comme la majorité des associations de terrain, attendent également son adoption. (Mme Maryvonne Blondin opine de nouveau.) J’espère donc que le Sénat aura le courage de faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le 2 octobre 2012, je déposais, au nom du groupe écologiste, une proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage.
Depuis ce jour, soit près de trois ans et demi, la question de la prostitution n’a cessé de revenir dans le débat parlementaire : déjà par le biais de ma proposition de loi, adoptée par notre Haute Assemblée le 28 mars 2013, puis via la proposition de loi d’initiative socialiste renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
Tout au long du processus parlementaire, chacun aura eu l’occasion de faire valoir ses convictions sur un sujet qui est apparu pour le moins passionnel.
Je ne reviendrai donc pas ici sur chaque disposition. J’ai eu de nombreuses occasions de le dire devant vous, mes chers collègues, ce texte contient de bonnes mesures, utiles aux personnes prostituées. Je pense surtout à l’abrogation du délit de racolage, qui est enfin acquise.
Je crois que chaque parlementaire investi sur ce texte a eu à cœur la protection effective des droits des personnes prostituées, la protection de leur santé et de leur sécurité. Mais chacun a son idée du chemin qu’il faut emprunter et certains ici, ainsi qu’une majorité de nos collègues députés et le Gouvernement, estiment que cet objectif de protection pourra être atteint en pénalisant les clients.
Je ne le crois pas, je suis même certaine que cette mesure sera totalement contre-productive. Il s’agit là d’un dogme féministe révolu. Cette certitude est d’abord le fruit d’un long travail mené auprès des premières concernées, les prostituées, et des associations qui leur viennent en aide.
Alors, si j’ai un regret aujourd’hui, ce n’est pas d’avoir échoué à convaincre certains d’entre vous, c’est que les personnes prostituées n’aient pas été entendues.
Elles n’ont cessé, depuis des années, de clamer leur volonté d’être considérées comme des personnes libres et non d’être infantilisées. Elles ont crié leur colère contre des mesures qui les précarisent et rendent souvent dangereux l’exercice d’une activité qu’elles ont, pour certaines, choisie.
Mme Catherine Troendlé. Effectivement !
Mme Esther Benbassa. Il va de soi que le cas de la traite des femmes est tout à fait différent. Là, il est urgent de mener une campagne efficace contre le proxénétisme. Ce n’est pas en pénalisant les clients qu’on y parviendra.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
Mme Esther Benbassa. Cette pénalisation revient, dans tous les cas, à punir les personnes prostituées.
Je veux aujourd’hui, une fois encore, porter leur voix : « Cette mesure va renforcer le statut d’inadaptée sociale des prostituées, statut stigmatisant qui doit être supprimé. Considérer que les prostituées doivent être traitées comme des mineures sans capacité d’exprimer leur consentement les place dans une catégorie de citoyennes à part, favorise le stigma et les pratiques de discriminations. Au contraire, nous voulons qu’elles et ils soient protégés par le droit commun. » (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Malheureusement, il semble que, si le Sénat s’oppose une nouvelle fois à cette disposition, elle sera réintroduite à l’Assemblée nationale et cette voix, celle des premières concernées, n’aura pas été entendue. Et ce, au nom d’une certaine idée de la morale, de ce qui est bien ou mal, en oubliant la réalité. Et la réalité, mes chers collègues, c’est que la pénalisation des clients, qui n’est pas encore en vigueur, a déjà eu des effets délétères sur le terrain !
Ce sont les prostituées qui le disent et les équipes des associations qui le rapportent, tous ressentent « une tension liée à la concurrence plus marquée du fait de clients devenus plus discrets. Les rendez-vous sont donnés dans des lieux plus isolés, très loin des centres-villes, ce qui génère un danger et une peur supplémentaire du fait d’une plus forte clandestinité. On voit se développer par ailleurs de nouvelles méthodes de travail faisant appel entre autres à des intermédiaires et davantage à internet. »
Mais ces personnes prostituées doivent probablement se tromper et ne pas comprendre les bénéfices qu’elles – ou ils – tireront bientôt de cette mesure gouvernementale, n’est-ce pas ? (MM. René Vandierendonck, Joël Guerriau et Olivier Cigolotti ainsi que Mme Françoise Gatel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis pour nous prononcer sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Si tous, députés comme sénateurs, nous sommes unanimes pour vouloir lutter contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées, nous divergeons sur le meilleur moyen d’y parvenir.
Notre position sur le sujet n’a pas évolué à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire. Elle demeure constante et claire : ni pénalisation des clients ni répression des personnes prostituées, mais de la prévention, de l’assistance et de la répression contre les réseaux mafieux et les trafics d’êtres humains.
Cette fois encore, nous nous félicitons de la suppression du délit de racolage passif, qui, depuis son instauration en 2003, a montré toutes ses limites. Non seulement il a contribué à fragiliser la situation des personnes qu’il visait à protéger, en repoussant les prostituées dans les lieux les plus reculés de la clandestinité, mais il n’est plus guère appliqué, car il est inapplicable !
En effet, après une importante utilisation, le nombre d’interpellations, de gardes à vue et de condamnations pour racolage passif a sensiblement baissé, sans que l’on constate une réduction de la pratique prostitutionnelle. Loin de là ! L’isolement géographique et social qui en a résulté s’est ainsi traduit par une plus grande vulnérabilité des personnes prostituées, rendant plus difficile l’accompagnement par les associations.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui met donc fin à ce dispositif contradictoire, qui a favorisé le maintien du « système prostitutionnel » clandestin qu’il avait pourtant vocation à éradiquer.
La commission spéciale a également veillé à ce que la dépénalisation du racolage passif ne nuise pas aux capacités d’enquête. L’article 1er ter permettra donc d’accorder une protection aux personnes prostituées coopérant avec les services de police en vue du démantèlement des réseaux.
J’en viens aux dispositions relatives au « parcours de sortie de la prostitution » et à l’assistance aux personnes prostituées. Nous avons déjà exprimé notre scepticisme face à la conception romanesque d’une « prostitution choisie ». Nous entendons cependant les revendications de ceux qui se présentent comme des « travailleurs du sexe » et évoquent le droit à disposer librement de son corps. Ils existent et constituent une réalité assumée du phénomène prostitutionnel.
La commission d’enquête a même auditionné un avocat à la cour d’appel préconisant la création d’un ordre national des péripatéticiennes et péripatéticiens.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est consternant !
Mme Maryvonne Blondin. Et pourquoi pas une école ?
M. Jean-Claude Requier. Le texte laisse ainsi la possibilité aux personnes ayant choisi d’exercer la prostitution de le faire dans une moins grande insécurité juridique et sociale. Il offre surtout la garantie aux personnes victimes des organisations mafieuses, qui constituent la majorité des personnes prostituées, de bénéficier d’une aide sociale pilotée par une instance ad hoc.
Ce faisant, le texte nous paraît concilier au mieux les principes de libre disposition de son corps et de dignité humaine – un équilibre qui n’est jamais simple à trouver –, tout comme il concilie la nécessité de lutter contre la prostitution et le principe de réalité que l’on pourrait exprimer ainsi : tant qu’il y aura une demande, il y aura une offre.
Aussi, s’agissant de l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel – mesure emblématique et la plus controversée –, nous réitérons notre satisfaction de voir cette disposition de pénalisation du client de nouveau supprimée par la commission spéciale. Nous ne répéterons jamais assez qu’une telle pénalisation, mise en place en Suède dès 1999, a abouti à des résultats plus que mitigés.
La prostitution y est devenue moins visible sur la voie publique,…
Mme Catherine Troendlé. Tout à fait !
M. Jean-Claude Requier. … mais plus ostensible sur internet, où des sites dits « d’entremise » se sont développés.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Jean-Claude Requier. Elle n’a donc pas disparu, contrairement à ce que l’on affirme. La pénalisation semble aussi avoir engendré une hausse du « tourisme sexuel » en Europe et dans le monde.
Mme Catherine Troendlé. Effectivement !
M. Jean-Claude Requier. Enfin, comme l’a récemment souligné le Défenseur des droits dans un récent avis public particulièrement intéressant, la clandestinité, qu’elle résulte de la pénalisation des prostituées ou de leurs clients, accroît les risques sanitaires et la diffusion de maladies sexuellement transmissibles. L’ordre public ne peut être réduit à la moralité publique : en matière de prostitution, des considérations importantes de santé publique doivent également être prises en compte.
En dépit de la noblesse de l’intention affichée, la pénalisation des clients de la prostitution souhaitée par l’Assemblée nationale ne permettrait pas de lutter efficacement contre le « système prostitutionnel ». Son application semble aussi délicate que l’a été celle du délit de racolage passif. Elle aurait également le défaut d’accaparer les moyens policiers et judiciaires disponibles, au détriment du travail d’investigation nécessaire au démantèlement profond et durable des réseaux.
Or, dans le meilleur des cas, interdire l’achat d’un acte sexuel serait inefficace ; dans le pire des cas, cela viendrait ajouter de la clandestinité à la clandestinité, de la misère à la misère. Bref, ce serait contre-productif.
Pour être efficace, la lutte contre la prostitution subie nécessite donc une réponse globale. Elle suppose, en amont, l’engagement massif de nos forces et moyens dans la lutte contre les réseaux de criminalité organisée et de traite des êtres humains et, en aval, la mise à disposition de moyens pour assurer le succès de la mise en œuvre du « parcours de sortie de la prostitution ».
Parce que nous nous inscrivons dans cette logique, comme en première et en deuxième lecture, la grande majorité des membres du groupe du RDSE apportera donc son soutien au texte issu des travaux de la commission spéciale.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées revient en nouvelle lecture au Sénat, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion.
Notons néanmoins que ce texte rencontre un consensus des deux chambres sur plusieurs dispositions, à mes yeux importantes, qui ont d’ores et déjà été adoptées et qui permettront des avancées, notamment sur le volet social et préventif, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.
En nouvelle lecture, après la réunion de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a retenu plusieurs des apports importants du Sénat. Elle a ainsi adopté le dispositif dont pourront bénéficier les victimes de la traite et du proxénétisme, assimilé au dispositif du « repenti », afin de faciliter la coopération des personnes prostituées avec la justice dans le but de démanteler les réseaux. Elle a également voté l’extension de la liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux aux victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme ainsi qu’aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution.
Cependant, depuis le début de son processus législatif, entamé à l’automne 2013, ce texte, plus précisément sa mesure la plus médiatique, qui prévoit la pénalisation des clients de prostituées, divise profondément le Sénat et l’Assemblée nationale. Depuis sa création au mois de janvier 2014, la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi, dont je suis membre, a rencontré des dizaines de personnes – représentants du monde associatif et des milieux judiciaire et policier, personnes prostituées, chercheurs et personnalités qualifiées – et, sur ce sujet, la question est loin d’être simple.
Pourtant, à mon sens, plusieurs raisons s’opposent à la pénalisation des clients.
En effet, la pénalisation accroît l’isolement et l’insécurité des personnes prostituées. Qui plus est, d’après les policiers et les magistrats, la pénalisation des clients ne constituera pas un instrument très utile dans la lutte contre les réseaux, puisque les clients ne donneront pas d’informations sur ces derniers, pour la simple raison qu’ils n’en disposeront pas. De plus, la quasi-totalité des associations œuvrant pour l’accès aux droits et aux soins des personnes prostituées ont alerté sur les risques sociaux et sanitaires de cette mesure : les personnes prostituées seraient davantage précarisées et fragilisées, alors même que c’est l’objectif inverse qui est visé, ce qui risque de rendre la prostitution « clandestine ».
À cela s’ajoute le fait que la pénalisation des clients serait difficilement applicable : les policiers de la Brigade de répression du proxénétisme ont ainsi estimé qu’il sera ardu de réunir les faits constitutifs de l’infraction – une relation sexuelle avec une prostituée en échange d’une somme d’argent – autrement que lors d’un délit flagrant.
Par ailleurs – et c’est fondamental ! –, il est incohérent de prohiber l’achat de services sexuels alors même que la vente de ces mêmes services serait parfaitement légale. L’échange de services de cette nature deviendrait ainsi un acte pénalement ambigu, autorisé dans l’un de ses aspects et interdit dans un autre, pourtant indissociable du premier.
En outre, il serait difficile de justifier que le législateur puisse s’immiscer dans d’éventuelles relations entre adultes consentants. C’est en tout cas contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, dans un arrêt de 2007, a indiqué que « la prostitution, en général, n’est incompatible avec la dignité de la personne humaine que lorsqu’elle est contrainte ». C’est donc cette position que la commission spéciale a choisi de maintenir, en s’opposant de nouveau à la pénalisation du client.
Dans les faits, la distinction est très difficile à observer entre une activité exercée dans le cadre d’un lien de subordination et l’usage d’une activité s’exerçant librement. C’est pourquoi le groupe Les Républicains soutient le texte issu de la commission spéciale, qu’il trouve fidèle aux premières conclusions issues des travaux approfondis qu’elle a menés, en accord avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir s’interroger sur la manière de maintenir l’ordre public et de lutter efficacement contre les réseaux sans pour autant rendre coupables les personnes prostituées de l’exercice de leur activité.
Telle est bien la position que le groupe Les Républicains défend et votera aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, la prostitution dépasse toutes les frontières : elle s’établit partout où elle le peut. Son statut légal varie selon les pays. En France, sa pratique est déplorable et dramatique.
Dans ce contexte, je tiens à saluer tout particulièrement le travail de la brigade des mœurs et de tous les services concernés par ce combat permanent que nous devons soutenir sur le plan législatif. Je veux également rendre hommage aux associations qui, chaque jour, viennent en aide aux prostituées. Ces structures sont souvent financées par l’État et les collectivités locales.
Depuis octobre 2013 à l’Assemblée nationale et mars 2015 au Sénat, nous débattons, parfois au prix de vives controverses, pour faire évoluer notre législation. En effet, la loi actuelle est difficilement applicable. Malgré l’échec de la commission mixte paritaire au mois de novembre 2015, nous souhaitons que l’adoption de cette proposition de loi fasse prendre conscience que la prostitution, dans l’immense majorité des cas, constitue une exploitation de la misère et de la vulnérabilité d’autrui.
Il est de notre devoir de combattre les réseaux, qui tirent bénéfice de la marchandisation des rapports sexuels en exploitant des êtres humains par d’autres sans scrupules. Nous nous entendons tous sur la nécessité d’éliminer l’aspect inhumain et misérable de cette activité, mais nos positions divergent parfois sur les moyens à mettre en œuvre.
Je salue les avancées du texte. Je pense d’abord à la sensibilisation publique à la réalité de la prostitution, mesure qu’il faut soutenir, car rien ne se règle sans informer, dialoguer, démontrer ou dénoncer. Hélas ! nous ne pourrons rien résoudre dans la précipitation ou l’impatience.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Cela fait trois ans !
M. Joël Guerriau. Un effort constant et durable sur plusieurs générations est nécessaire. Les résultats les plus marquants et les plus satisfaisants sont toujours le fruit d’une activité soutenue sur le long terme, dont on finit par voir les effets.
La disposition qui introduit un parcours de sortie de la prostitution est aussi indispensable que la sensibilisation publique. C’est la contribution majeure de ce texte. Il faut bien admettre que le chômage et la pauvreté font le lit de ces activités lucratives. C’est pourquoi un emploi sûr et rémunérateur pourrait offrir une indépendance qui dissuaderait ces personnes d’une activité que les réseaux leur imposent. Une meilleure protection juridique pour les extraire de l’impasse où elles sont contraintes constituerait une avancée extraordinaire.
Dans mon département, à Nantes, quelle que soit la température extérieure, je suis effaré – et honteux pour notre pays – de voir un nombre impressionnant de femmes dans les rues, contraintes à la prostitution par des filières mafieuses qui font pression sur leurs familles en Afrique. C’est à ce désordre qu’il faut mettre fin. C’est cette ignominie qu’il convient de faire cesser. Quel arsenal judiciaire leur offrons-nous véritablement pour les protéger du risque de représailles punitives des réseaux ?
Dans chaque département, créer une instance spécifique pour coordonner et organiser l’action en faveur des victimes de la prostitution est une avancée concrète, qui instaure un véritable relais territorial. Avec le temps, ces instances partageront leur expérience, se communiqueront leurs succès et leurs échecs afin d’être plus efficaces dans l’action menée pour la sortie de la prostitution.
Malgré les avancées du texte, quelques tensions demeurent.
Je citerai d’abord la pénalisation des clients, qui figurait à l’article 16 du texte. Les députés y tiennent. Notre commission, en revanche, a supprimé cet article, comme le souhaitaient Amnesty International et plus d’une centaine d’organisations et d’institutions.
En effet, cette pénalisation surchargerait et compliquerait l’action de la police. De plus, les prostituées seraient obligées de se cacher. Elles se mettraient davantage en danger pour contourner cette mesure. Rixes, rackets, harcèlement seront des conséquences que nous devons éviter.
Alors, la pénalisation du client a-t-elle fait ses preuves dans d’autres domaines ou dans d’autres pays ? Que ce soit pour le transport de contrebande, de drogue, d’alcool, de migrants ou d’animaux, c’est le convoyeur pris qui est pénalisé et non le client. De même, les consommateurs de drogues sont rarement pénalisés alors que les dealers le sont majoritairement. On le voit, dans ces domaines, la pénalisation du client ne s’applique pas. Elle a en outre montré toutes ses limites dans d’autres pays.
Par ailleurs, la pénalisation du client n’aurait aucune prise sur les mises en relation directe via les annonces érotiques publiées sur des sites internet. Se donner les moyens de traquer ces publications et les réseaux de prostitution qui sont derrière nécessiterait un arsenal important. Ces sites sont volatiles, indétectables et parfois artisanaux ; ils apparaissent aussi vite qu’ils disparaissent. Leur contenu immatériel ne permet aucun repérage durable ni aucun contrôle. De plus, le montage complexe et astucieux de ces sites contourne toujours les lois, bien connues de leurs exploitants.
Enfin, sans intention de polémiquer, je voudrais revenir sur l’article 13 du texte, qui supprime le délit de racolage passif prévu à l’article 225–10–1 du code pénal. Ce dispositif, sollicité par de nombreux riverains, constituait un levier d’action pour les élus territoriaux. Il permettait de fonder l’arrêt sur la voie publique de toute sollicitation à des rapports sexuels tarifés.
Le maintien de ce dispositif accompagné de l’instauration des instances départementales nous aurait offert un arsenal intéressant afin, notamment, de dissuader la fréquentation de certains lieux de prostitution et de réduire ainsi les nuisances sonores liées aux rotations nocturnes de véhicules de clients. On en revient sur ce point à la case départ : on conserve un fort mécontentement des riverains sans résoudre le problème de fond de l’exploitation par la prostitution.
Sans doute le mal de la société est-il plus important que les solutions que nous apportons. On le sait : toiletter la portion visible de la prostitution ne permet pas suffisamment d’en éradiquer la cause ni l’usage.
Tout texte relatif à la misère de la prostitution touche à la conscience de chacun. Il apparaît difficile et illusoire de dégager des positions unanimes, chacun voulant bien faire mais tenant pour plus sûr tel ou tel dispositif.
La majorité du groupe UDI-UC votera ce texte en considérant les progrès sanitaires et sociaux qui l’animent.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, au cours des trois lectures que ce texte a connues au sein de notre assemblée, nos convictions n’ont pas varié ; celles de certains se sont même durcies. Pendant ce temps, la traite, les violences et les passes continuent. De nouvelles prostituées arrivent – de nouvelles filles, en majorité –, de plus en plus jeunes.
Si nous sommes tous d’accord ici pour lutter efficacement contre la traite des êtres humains, comme l’a démontré l’examen hier du rapport de la délégation aux droits des femmes sur le sujet, nous ne le sommes plus dès qu’il s’agit de mettre en place des mesures visant à freiner cette traite par la répression de l’ensemble des acteurs du système prostitutionnel : les proxénètes bien sûr, mais aussi les clients.
C’est bien en effet l’argent des clients qui alimente les réseaux criminels d’exploitation sexuelle.
Mme Marie-Pierre Monier. Eh oui !
Mme Maryvonne Blondin. C’est cette demande qui les amène à s’implanter sur le sol français.
J’en ai reçu une illustration saisissante et inquiétante en Bretagne : un réseau de prostitution chinoise vient d’être démantelé dans une ville des Côtes-d’Armor de seulement 19 000 habitants ! Alors que ces filières étaient auparavant principalement concentrées sur Paris et les grandes villes, elles s’étendent aujourd’hui sur tout notre territoire, et ce, madame la ministre, avant même l’Euro 2016 de football.
Pourquoi cette expansion ? La réponse tient en une phrase, que j’emprunte au chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’OCRTEH, qui nous a dit : « Cela doit répondre à une demande. » Un autre policier de l’OCRTEH d’ajouter : « Nous étions loin d’imaginer qu’il pouvait y avoir une telle demande dans une ville de cette taille. »
Alors, mes chers collègues, le client est-il innocent ? Il ne sait pas ce qu’il fait ou d’où viennent ces filles ? Il y a un produit, il l’achète ! Eh bien non ! Le client est l’un des maillons du système prostitutionnel et il ne peut rester systématiquement épargné !
Deux jours après la Journée internationale des droits des femmes et la réception du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes par le Président de la République, qui a rappelé à cette occasion que la prostitution est une violence faite aux femmes, il est essentiel que le client soit reconnu comme un des auteurs de cette violence.
Si 99 % des acheteurs sont des hommes, la grande majorité des hommes ne sont pas des clients ! L’achat d’actes sexuels n’est le fait que d’une minorité d’hommes. Et, comme l’indique à juste titre l’association Zéro macho, défendre la prostitution porte également atteinte à la dignité des hommes, car elle les enchaîne à une conception de la sexualité faite de domination et de frustrations.
La prostitution demeure le symbole d’une domination masculine qui a traversé toutes les époques. « La misère offre, la société accepte », disait Victor Hugo : au XXIe siècle, c’est inacceptable !
Par ailleurs, on entend souvent l’argument de la libre disposition de son corps pour justifier la prostitution. Néanmoins, l’achat d’un acte sexuel, ce n’est pas la liberté de chacun de disposer de son propre corps, c’est la liberté des clients de disposer, avec leur argent, du corps de femmes ou d’hommes dénués de tels moyens et, par conséquent, de la liberté de choix.
Il ne s’agit en aucun cas d’avoir une conception morale de la sexualité ou des relations entre femmes et hommes : l’enjeu est le refus de la marchandisation du corps humain.
Face à cette menace, il est primordial de responsabiliser le client et de poser un interdit clair dans la loi. Celle-ci, même si, on le sait, elle n’est pas efficace à 100 %, exprime les valeurs essentielles d’une société moderne et a une portée symbolique et pédagogique forte.
Quel exemple pour notre jeunesse ! (Mme la ministre opine.) Vous l’avez dit, madame la ministre. Un rapport récent de l’IGAS signale que la prostitution sous diverses formes est en progression chez les mineurs : entre 6 000 et 10 000 mineurs sont concernés.
Vous conviendrez, mes chers collègues, que l’histoire et nos illustres anciens nous ont montré que, pour conquérir des droits ou faire changer les mentalités et le regard de la société, on a toujours eu besoin de s’appuyer sur des lois, en particulier en matière de lutte contre les violences ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, si l’on en juge par les sondages parus ces derniers jours sur la perception du viol ou du harcèlement sexiste, ce combat n’est pas encore gagné !
Aussi, je vous demande de voter cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de rétablissement des articles 16 et 17 ainsi que par l’amendement concernant l’article 18, que nous vous proposerons d’adopter. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, entre le statu quo et le réglementarisme, qui s’est avéré désastreux en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, il existe une troisième voie : l’abolition.
C’est la voie qu’a choisie la France en décembre 2011, lorsque les députés ont voté à l’unanimité une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France. C’est un engagement politique fort et exigeant.
Cette résolution se fonde sur les engagements internationaux de la France et souligne que la non-patrimonialité du corps humain est un principe fondamental.
Aujourd’hui, il s’agit de mettre en pratique nos engagements. Cela implique qu’il est primordial d’offrir des alternatives à la prostitution, de lutter contre la traite des êtres humains et le proxénétisme, d’éduquer tous les citoyens et de responsabiliser les clients afin d’enclencher un changement des mentalités et des comportements.
Le texte issu de l’Assemblée nationale répond à cet engagement.
Comme sur tout sujet sociétal, des interrogations et des inquiétudes se sont exprimées : nous l’avons vu au travers de nos précédents débats.
Pour autant, ceux qui mettent en avant la liberté de disposer de son corps se trompent. Comparer le système prostitutionnel au combat pour l’émancipation et les droits des femmes est une grave erreur.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il faut le rappeler !
Mme Marie-Pierre Monier. Le système prostitutionnel induit au contraire la contrainte physique et financière des personnes qui en sont victimes. Ce qu’ils défendent, ce n’est pas la liberté des femmes, c’est le droit de certains hommes à disposer du corps d’autrui.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Tout à fait !
Mme Marie-Pierre Monier. Depuis vingt ans, nous assistons à une transformation profonde de la prostitution ; elle a changé de visage. Oui, aujourd’hui, la grande majorité des personnes prostituées sont étrangères et victimes des réseaux de traite : c’est un fait. Toute tolérance face au système prostitutionnel, tout discours ouvert sert de fait les intérêts des réseaux, tel que Boko Haram, dont les victimes se retrouvent aujourd’hui dans nos rues.
Je tiens à défendre ici l’article 16, un article fondamental quant à la philosophie de ce texte mais qui est systématiquement supprimé par notre chambre. Responsabiliser le client est pourtant le moyen le plus efficace pour faire reculer la prostitution et les mafias qui l’organisent. En effet, continuer de permettre aux clients d’acheter des actes sexuels c’est signifier aux proxénètes qu’ils peuvent continuer à vendre l’utilisation du corps des femmes.
Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut lutter contre les réseaux, il faut maintenant faire cesser l’hypocrisie qui plane au bénéfice des clients alors que ceux-ci sont des acteurs à part entière de ce système. Après deux années de discussion de ce texte, l’ensemble de ce travail doit maintenant aboutir.
Ce texte ne fera pas disparaître la prostitution du jour au lendemain, nous le savons, mais il donnera un signal fort.
Mes chers collègues, c’est la dernière opportunité pour la Haute Assemblée de se montrer à la hauteur des enjeux et de la réalité des faits.
Oui, la violence est intrinsèque à la prostitution.
Oui, la prostitution est une exploitation des inégalités sociales et économiques.
Oui, la prostitution est une atteinte à la dignité humaine, que le consentement de quelques-uns ne saurait suffire à justifier.
Oui, la prostitution est une activité sexuée qui porte atteinte à l’égalité femme-homme.
Je suis abolitionniste, car j’estime qu’une société où l’on sacrifie les droits et la vie de femmes et d’hommes pour le désir sexuel de quelques-uns n’est ni libre, ni égalitaire, ni fraternelle.
Réintégrons l’article 16 dans ce texte de loi et contribuons aujourd’hui, par notre vote, à faire de la France une référence en matière de droits humains et de droits des femmes.
Quand une partie, même infime, de l’humanité est victime de notre indifférence, c’est toute notre société qui est affaiblie ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le retour devant notre assemblée de cette proposition de loi en nouvelle lecture ne m’étonne point. Le sujet est grave et complexe, les interrogations sont nombreuses, les divergences sont profondes.
La commission mixte paritaire qui s’est tenue le 18 novembre dernier a échoué, aucun accord n’ayant été trouvé. Le principe de la pénalisation du client demeure l’élément de blocage.
Comme je l’ai fait lors du précédent examen de cette proposition de loi ici même, je souhaite participer au débat dans un esprit ouvert, dans le respect des positions de chacun.
Tout d’abord, le constat reste malheureusement le même : la France compte à l’heure actuelle environ 20 000 personnes prostituées, dont 90 % sont étrangères, la plupart exploitées par des réseaux mafieux en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Asie. Précisons qu’environ 15 % des personnes prostituées sont des hommes. Les réseaux de proxénétisme sont nombreux – une quarantaine sont démantelés chaque année – et les incidents relevés par les forces de police ne sont pas rares ; ils vont parfois jusqu’au meurtre.
Notre souhait est, d’une part, de lutter contre ce système prostitutionnel et, d’autre part, de protéger les personnes prostituées, en leur permettant dans le meilleur des cas de sortir de ce milieu.
Sur le plan de l’accompagnement des personnes prostituées, la présente proposition de loi comporte des avancées significatives, qui ont été retenues par les deux chambres.
Plusieurs apports du Sénat ont été conservés. Le volet social du texte est particulièrement consensuel ; il est bon de le souligner.
Le texte instaure ainsi un droit pour toute victime de la prostitution à bénéficier d’un système de protection et d’assistance ; il met par ailleurs en place un parcours de sortie de la prostitution.
Personnes prostituées à leur propre compte ou victimes de réseaux, toutes doivent pouvoir bénéficier de la possibilité de sortir de ce milieu.
Les personnes engagées dans ce parcours de sortie seront sur la liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux. Les victimes du proxénétisme et de la prostitution pourront bénéficier, dans des conditions sécurisantes, de places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale. En parallèle, les associations agréées pourront désormais bénéficier de l’allocation de logement temporaire.
Le texte améliore aussi la formation des professionnels engagés dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution.
De plus, la proposition de notre assemblée d’étendre le champ des compétences des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains a été adoptée conforme par les députés.
Les avancées de ce texte dans le domaine social ne doivent pas être occultées par les divergences d’opinion sur les façons de lutter contre la prostitution, sujet que je vais maintenant aborder.
Pour lutter contre le système prostitutionnel, la proposition de loi prévoit d’abord un volet préventif.
Dans le domaine numérique, je regrette que les députés aient supprimé les dispositions permettant à l’autorité administrative de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer directement l’accès aux sites utilisés par les réseaux de prostitution. Nous ne devons pas sous-estimer l’importance du web dans cette lutte.
En matière d’éducation, je salue le développement d’une politique de prévention auprès des jeunes. La proposition de loi inscrit la lutte contre la marchandisation des corps parmi les sujets traités durant la scolarité.
Mais la prévention ne suffit pas. La répression est nécessaire. Or la question des mesures répressives reste le point fondamental de désaccord entre les deux assemblées.
Premier élément, acté par une position conforme des deux chambres : le droit positif actuel va être modifié concernant le délit de racolage public. Les chambres se sont finalement accordées sur son abrogation.
Second élément, cristallisant tous les désaccords : la pénalisation des clients. Elle a ses détracteurs ; je suis de ceux qui n’y sont, par principe, pas opposés.
Pénaliser le client revient à tarir la demande. Moins de clients, cela signifie moins de prostitution et, par conséquent, les réseaux, qui sont aujourd’hui le support de l’essentiel de la prostitution, ne s’enrichissent pas. Pénaliser le client permet de sanctionner la violence d’actes sexuels imposés par l’argent, l’abus de situations de précarité, et d’engager le recul du phénomène prostitutionnel en France.
Pensons également à l’aspect dissuasif de la pénalisation. Selon différentes associations, cette mesure réduirait de 30 % à 40 % le nombre de clients.
La pénalisation des clients me semblait donc constituer une étape dans la lutte contre la prostitution.
Lors de la précédente lecture, à titre personnel, pour un parallélisme des formes face au délit de racolage qui était alors maintenu, je me suis prononcé en faveur de la pénalisation du client. Il me semblait inconcevable de maintenir le délit de racolage tout en refusant la pénalisation du client. Seules les prostituées auraient été sanctionnées. Les clients auraient alors éprouvé un sentiment d’impunité. C’était là envoyer un très mauvais signal. De plus, cette situation – maintien du délit de racolage, sans pénalisation du client – revenait à ne pas modifier le droit positif. Or nous ne pouvions rester passifs.
L’abrogation du délit de racolage ayant été votée, je me suis interrogé sur l’importance de la pénalisation du client en elle-même.
Il est vrai que la pénalisation des clients provoquera une clandestinité importante. Pour leurs clients, les prostituées se cacheront et seront d’autant plus vulnérables. Le risque pour les personnes prostituées est donc non négligeable.
En outre, les services de police n’ont ni les moyens ni le temps nécessaires pour verbaliser les clients.
Enfin, tout juriste ne manquera pas d’observer que l’argument est bien faible juridiquement : comment en effet pénaliser quelqu’un pour l’achat d’un acte dont la consommation n’est pas interdite ? Puisque nous abrogeons le délit de racolage, comment sanctionner juridiquement le client ?
Pour toutes ces raisons, ou pour une partie d’entre elles, la commission spéciale souhaite ne pas instaurer de pénalisation du client.
Je l’avoue, ma crainte est que cette décision ne donne véritablement libre cours au phénomène prostitutionnel, puisque, sans délit de racolage ni pénalisation du client, le message envoyé aux réseaux mafieux n’est pas bon.
Et pourquoi le phénomène prostitutionnel se tarirait-il seul ?
Les avis sur cette question ne sont pas unanimes au sein d’un même parti, mais la discussion est utile et permet d’aboutir à de meilleurs raisonnements.
Je tiens à remercier M. le président de la commission spéciale et Mme la rapporteur pour la qualité de leurs travaux.
La majorité du groupe Les Républicains suivra les travaux de la commission spéciale.
À titre personnel, je m’abstiendrai sur les amendements du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC tendant à prévoir la pénalisation du client.
Nous n’avons pas « la » solution. Peut-être devrons-nous étudier ce qui se fait dans les pays qui nous entourent… (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – MM. Daniel Gremillet et René Vandierendonck applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Chapitre Ier
Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle
Article 1er
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
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Article 1er ter
(Non modifié)
Le titre XVII du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Il est ajouté un article 706-40-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-40-1. – Les personnes victimes de l’une des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ayant contribué par leur témoignage à la manifestation de la vérité et dont la vie ou l’intégrité physique est gravement mise en danger sur le territoire national, peuvent faire l’objet en tant que de besoin de la protection destinée à assurer leur sécurité prévue à l’article 706-63-1 du présent code.
« Le premier alinéa du présent article est également applicable aux membres de la famille et aux proches des personnes ainsi protégées.
« Lorsqu’il est fait application à ces personnes des dispositions de l’article 706-57 relatives à la déclaration de domicile, elles peuvent également déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association mentionnée à l’article 2-22.
« Sans préjudice du présent article, l’article 62 est applicable aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article. » – (Adopté.)
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Chapitre II
Protection des victimes de la prostitution et création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle
Section 1
Dispositions relatives à l’accompagnement des victimes de la prostitution
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Article 3
(Non modifié)
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-9. – I. – Dans chaque département, l’État assure la protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains et leur fournit l’assistance dont elles ont besoin, notamment en leur procurant un placement dans un des établissements mentionnés à l’article L. 345-1.
« Une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains est créée dans chaque département. Elle met en œuvre le présent article. Elle est présidée par le représentant de l’État dans le département. Elle est composée de représentants de l’État, notamment des services de police et de gendarmerie, de représentants des collectivités territoriales, d’un magistrat, de professionnels de santé et de représentants d’associations.
« II. – Un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Il est défini en fonction de l’évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux, afin de lui permettre d’accéder à des alternatives à la prostitution. Il est élaboré et mis en œuvre, en accord avec la personne accompagnée, par une association mentionnée à l’avant-dernier alinéa du présent II.
« L’engagement de la personne dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est autorisé par le représentant de l’État dans le département, après avis de l’instance mentionnée au second alinéa du I et de l’association mentionnée au premier alinéa du présent II.
« La personne engagée dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle peut se voir délivrer l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle est présumée satisfaire aux conditions de gêne ou d’indigence prévues au 1° de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales. Lorsqu’elle ne peut prétendre au bénéfice des allocations prévues aux articles L. 262-2 du présent code et L. 5423-8 du code du travail, une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle lui est versée.
« L’instance mentionnée au second alinéa du I du présent article assure le suivi du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle. Elle veille à ce que la sécurité de la personne accompagnée et l’accès aux droits mentionnés au troisième alinéa du présent II soient garantis. Elle s’assure du respect de ses engagements par la personne accompagnée.
« Le renouvellement du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est autorisé par le représentant de l’État dans le département, après avis de l’instance mentionnée au second alinéa du I et de l’association mentionnée au premier alinéa du présent II. La décision de renouvellement tient compte du respect de ses engagements par la personne accompagnée, ainsi que des difficultés rencontrées.
« Toute association choisie par la personne concernée qui aide et accompagne les personnes en difficulté, en particulier les personnes prostituées, peut participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, dès lors qu’elle remplit les conditions d’agrément fixées par décret en Conseil d’État.
« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par le décret mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent II. » ;
2° L’article L. 121-10 est abrogé.
II. – (Non modifié)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7, dernière phrase
Après les mots :
du présent code
insérer les mots :
, L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide mentionnée à l’alinéa précédent est à la charge de l'État. Elle est financée par les crédits du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées institué par l’article 4 de la loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Le montant de l’aide et l’organisme qui la verse pour le compte de l’État sont déterminés par décret. Le bénéfice de cette aide est accordé par décision du représentant de l’État dans le département après avis de l’instance mentionnée au deuxième alinéa du I. Il est procédé au réexamen du droit dès lors que des éléments nouveaux modifient la situation du bénéficiaire. L'aide est incessible et insaisissable.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre. Cet amendement vise à préciser les caractéristiques d’ordre législatif de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle. C’est une mesure de sécurité juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Avis favorable.
Cet amendement tend à apporter des précisions utiles concernant les caractéristiques et les modalités d’attribution de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle qui pourra être versée aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution.
L’amendement tend également à indiquer explicitement que l’aide sera à la charge de l’État et qu’elle sera financée par le fonds créé spécifiquement à l’article 4 du texte.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
I. – L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Après le e, sont insérés des f et g ainsi rédigés :
« f) De personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle prévu à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;
« g) De personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. » ;
2° (nouveau) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « dixième à douzième » sont remplacés par les mots : « douzième à quatorzième » et le mot : « treizième » est remplacé par le mot : « quinzième ».
II et III. – (Non modifiés)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis.
(L'article 3 bis est adopté.)
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Article 6
(Non modifié)
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
b) (Supprimé)
2° Après l’article L. 316-1, il est inséré un article L. 316-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-1-1. – Une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle mentionné à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. La condition prévue à l’article L. 313-2 du présent code n’est pas exigée. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;
3° L’article L. 316-2 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, la référence : « de l’article L. 316-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 316-1 et L. 316-1-1 » ;
b) Après la référence : « L. 316-1 », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « et de l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 ainsi que les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de l’étranger auquel cette carte ou cette autorisation provisoire de séjour est accordée. » – (Adopté.)
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Article 9 bis
(Non modifié)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 5° ter des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, il est inséré un 5° quater ainsi rédigé :
« 5° quater Sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ; »
2° L’article 222-24 est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Lorsqu’il est commis, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. » ;
3° L’article 222-28 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Lorsqu’elle est commise, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. » – (Adopté.)
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Section 2
Dispositions portant transposition de l’article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil
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Chapitre II bis
Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale
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Chapitre III
Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution
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Chapitre IV
Interdiction de l’achat d’un acte sexuel
Article 16
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Meunier et Lepage, M. Courteau, Mmes E. Giraud et Monier, MM. Kaltenbach et Carvounas, Mmes Riocreux, Féret et Yonnet, M. Manable, Mmes Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Berson, Gorce, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, M. Durain, Mmes Claireaux, S. Robert et Herviaux, M. Assouline, Mme Conway-Mouret et MM. Vaugrenard, Duran, Cabanel, Labazée, Roux, Marie, Bigot et Frécon.
L'amendement n° 4 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Bosino, Mmes David et Demessine, MM. Le Scouarnec et P. Laurent, Mme Didier, MM. Bocquet et Favier et Mme Prunaud.
L'amendement n° 6 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Au livre VI du code pénal, il est inséré un titre unique ainsi rédigé :
« Titre unique
« Du recours à la prostitution
« Art. 611-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
« Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l’article 131-16 et au second alinéa de l’article 131-17. »
II. – La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du même code est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « prostitution », la fin de l’intitulé est supprimée ;
2° L’article 225-12-1 est ainsi rédigé :
« Art. 225-12-1. – Lorsqu’il est commis en récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11, le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de 3 750 € d’amende.
« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. » ;
3° Aux premier et dernier alinéas de l’article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au second alinéa de l’article 225-12-1 » ;
4° À l’article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et à l’article ».
III. – À la troisième phrase du sixième alinéa de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au second alinéa de l’article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Cet amendement tend à rétablir le quatrième pilier de la proposition de loi, lequel prévoit la création d’une infraction de recours à la prostitution d’une personne majeure, punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Il prévoit également la récidive contraventionnelle de ces faits, alors punie d’une amende de 3 750 euros.
Il s’agit, à travers la pénalisation du client, d’accompagner un véritable changement sociétal. Certes, les coupables sont évidemment les proxénètes et les réseaux, mais les clients doivent être aussi conscients de leur responsabilité.
Cette sanction posera un interdit et permettra d’indiquer clairement que l’achat d’un acte sexuel n’est pas une pratique normale ou banale et que tout cela doit cesser. On ne peut dédouaner le client de sa responsabilité, car c’est bien lui qui crée la demande sur ce marché.
En indiquant clairement aux personnes achetant des actes sexuels qu’elles participent à une forme d’exploitation, nous voulons faire reculer cette demande.
Ainsi, l’article 16, que nous souhaitons rétablir, est indispensable à l’équilibre et à la cohérence du texte. Il réaffirme clairement la position abolitionniste de la France en prévoyant concrètement que nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité ni de disposer du corps d’autrui pour lui imposer un acte sexuel par l’argent.
Par ailleurs, la prostitution est un phénomène sexué qui contrevient au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. En effet, si 85 % des 20 000 à 40 000 personnes prostituées en France sont des femmes, 99 % des clients sont des hommes.
Ce constat heurte plusieurs principes fondamentaux de notre droit, et au premier chef le préambule de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.
Bref, en posant les règles relatives à l’interdiction de l’achat d’actes sexuels, cet amendement tend à agir, pour la première fois, sur la demande en considérant qu’elle est responsable du développement de la prostitution et des réseaux d’exploitation sexuelle.
Il s’agit, selon nous, d’une avancée significative. En portant un grand coup au fléau que constitue la prostitution, cette violence extrême faite aux femmes, nous progressons en outre sur une problématique chère à nos yeux, l’égalité entre les femmes et les hommes. (Mme la rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 4.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement vient d’être brillamment défendu par Roland Courteau.
J’ai déjà expliqué lors de la discussion générale les raisons pour lesquelles il faut rétablir l’article 16 tel que l’Assemblée nationale le défend depuis le début.
J’ajouterai simplement, même si cela a déjà été dit, que je n’arrive pas à comprendre comment on peut justifier de laisser les choses en l’état, de ne pas pénaliser et de ne pas responsabiliser le client. Ce faisant, nous laissons perdurer le système criminel qu’est le système prostitutionnel.
Alors que l’on dénombre trois protagonistes – les prostituées, les proxénètes et les clients –, il ne faudrait pas toucher aux clients afin de ne pas déclencher des choses négatives. De tels arguments traduisent une méconnaissance de la réalité du système prostitutionnel, que le Mouvement du Nid appelle d’ailleurs « système prostitueur ». L’adjectif me paraît bien trouvé.
Le rôle du Sénat est de légiférer afin d’essayer de faire avancer les choses, d’améliorer la situation des personnes prostituées, et non de rester dans un état d’inertie. C’est pourquoi je défends de nouveau cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 6.
Mme Laurence Rossignol, ministre. J’ajouterai d’autres arguments à ceux, excellents, que viennent d’avancer Roland Courteau et Laurence Cohen sur les amendements identiques à celui du Gouvernement, si tant est que je puisse être mieux entendue que les fois précédentes.
M. Jean-Claude Requier. Vous êtes écoutée en tout cas !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Merci !
Ma première remarque me permettra de répondre également à quelques interventions de la discussion générale.
Je suis perplexe lorsque j’entends ceux qui ont voté, ou dont la formation politique a voté et porté il y a une dizaine d’années le délit de racolage s’émouvoir aujourd'hui de la pénalisation du client au motif qu’elle risquerait d’accroître l’isolement des personnes prostituées. Il y a là une contradiction assez grande. Le délit de racolage a fortement isolé les personnes prostituées.
Je ferai ensuite deux remarques d’un autre ordre.
La première concerne l’hypocrisie de notre société…
Mme Catherine Troendlé. Ça, c’est vrai !
Mme Laurence Rossignol, ministre. … d’un certain point de vue et la difficulté d’éduquer nos enfants en leur inculquant des principes moraux clairs qui trouvent leur traduction, et c’est bien normal, dans le code pénal.
Quand on élève des enfants, on leur apprend qu’on ne vole pas les bonbons à la boulangerie, même s’ils font très envie, parce qu’on ne vole pas et que, s’ils volent une fois adultes, ils seront sanctionnés, conformément aux dispositions du code pénal.
On leur apprend qu’on ne règle pas ses problèmes avec des coups de poing dans la cour de récréation, qu’on s’explique autrement, et que s’ils font usage de la violence à l’âge adulte, ils seront sanctionnés, conformément aux dispositions du code pénal.
Mais que leur dit-on concernant l’achat de services sexuels ? Que les parents sont contre ?
Mme Esther Benbassa. On n’en parle pas, hélas !
Mme Esther Benbassa. Je suis tout à fait d’accord !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Que dit-on aux enfants ? On leur dit que notre société est neutre s’agissant de l’achat de services sexuels, que lorsqu’ils seront grands, ils pourront, s’ils le souhaitent, acheter ou louer le corps des femmes. Or lequel d’entre nous souhaite cette sexualité pour ses enfants, en particulier pour ses garçons ? Je rappelle en effet que 99 % des clients de la prostitution sont des garçons.
Nous espérons pour eux une sexualité égalitaire avec la personne avec laquelle ils feront des moments de leur vie, respectueuse de la sexualité et du désir de l’autre.
J’en viens à ma seconde remarque. Nous avons mis, nous les femmes, des siècles à faire admettre que nous avions une sexualité, fondée elle aussi sur le désir et sur le plaisir. La sexualité et le désir des femmes ont été niés pendant des siècles. On considérait en effet que les femmes n’étaient que les objets du désir des hommes. On n’admet que depuis peu le désir, ou l’absence de désir, le plaisir, ou l’absence de plaisir, des femmes. Cela ne fait pas longtemps que l’on admet que la sexualité des femmes implique aussi les hommes.
Or en refusant, comme vous le proposez, de pénaliser l’achat de services sexuels en considérant que la sexualité des femmes peut être utilisée en l’absence de leur désir, nous faisons un bond en arrière et nous revenons à cette période, qui date d’une cinquantaine d’années, où l’on considérait que les femmes n’avaient pas de désir. C’est pour moi une terrible régression compte tenu des combats qui ont été menés depuis quelques dizaines d’années.
Enfin, Laurence Cohen l’a fort bien expliqué, il y a à l’égard de l’efficacité de la loi sur la pénalisation du client une exigence d’efficacité que nous n’avons à l’égard d’aucun autre texte, y compris ceux qui ont été votés depuis des années et dont nous savons, pour certains d’entre eux, qu’ils ne sont pas efficaces et sur lesquels pour autant je ne vois pas émaner de proposition de loi visant à supprimer des infractions qui sont pourtant transgressées régulièrement. Dans une société démocratique, il existe toujours de la transgression ; cela fait partie des règles d’une société humaine. Pour notre part, nous édictons des lois, nous disons la morale, le droit, et ensuite nous admettons et pénalisons les transgressions. C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC. – Mme la rapporteur applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 1 rectifié bis, 4 et 6 ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Nous traitons d’un sujet extrêmement complexe. Vous avez parlé de transgression, madame la ministre, et je crains que la loi ne crée la transgression. Tous, nous voulons lutter contre la plus abominable des choses qui est d’abuser d’une autre personne et finalement d’exploiter un être humain ; c’est louable. Quelles sont les bonnes solutions ?
Si la pénalisation est une bonne solution, il faut effectivement la soutenir, mais si elle conduit à une transgression soumettant à des dangers supplémentaires les personnes en situation de prostitution, je pense que c’est une mauvaise chose.
Dans un premier temps, j’étais pour la pénalisation, considérant que c’était le moyen de lutter contre une situation dont on ne peut qu’être honteux. Lorsque vous croisez sur les trottoirs, par un froid abominable, des personnes qui se livrent à cette activité, vous ne pouvez pas rester insensible ; vous avez vraiment envie que cela cesse.
Il existe peut-être des solutions, mais, en tout état de cause, je ne suis pas sûr que la pénalisation soit la bonne. Dans les pays qui ont pris cette initiative, que ce soit en Norvège, en Écosse ou au Canada, on a constaté des travers, c'est-à-dire des transgressions de cette loi ayant pour conséquence de victimiser davantage les personnes en situation de prostitution.
Comment ferez-vous, je le répète, pour contrôler les réseaux internet, pour faire en sorte que les choses ne se fassent pas dans la clandestinité ? C’est la question de la clandestinité qui nous inquiète. En Corée du Sud, par exemple, la pénalisation a provoqué une augmentation des infections dues au VIH. Les associations nous mettent en garde. Si vous pénalisez, nous disent-elles, on ne pourra plus repérer les prostituées ni leur venir en aide. Comment les instances départementales pourront-elles repérer les personnes qui se prostituent ? Elles ne pourront plus agir. Dans ces conditions, comment pourrons-nous être efficaces ?
Ne va-t-on pas favoriser, finalement, dans la clandestinité, la mise en danger et la violence à l’égard des femmes qui ne pourront plus être repérées ? Les clients ne seront plus enclins à témoigner puisqu’ils seront eux-mêmes coupables.
Cette mesure, animée à l’origine par une volonté et une attention louables, aboutit au résultat inverse de celui qui est recherché. Je suis inquiet, car je ne suis pas vraiment convaincu de l’efficacité d’une telle mesure.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Madame la ministre, depuis le début de ce débat, je me borne à soulever un certain nombre de problèmes juridiques sur lesquels je n’ai pas obtenu de réponse quant à la pénalisation du client par la voie contraventionnelle.
La première question porte sur l’article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la définition des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables et renvoie au pouvoir réglementaire la création de contraventions. Nous ne pouvons pas, par la voie législative, intervenir dans le domaine réglementaire. Je n’ai jamais obtenu de réponse sur ce point.
La deuxième question a pour objet la liaison opérée par notre droit pénal entre la sanction et l’interdiction. Je ne connais pas de sanction pour l’usage d’une activité qui n’est pas interdite, quoi que l’on puisse penser, au plan moral, de cette dernière. Ne substituons pas l’ordre moral à l’ordre juridique. Je ne comprends toujours pas comment on peut sanctionner l’usage d’une activité qui n’est pas interdite.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui ! C’est tout le débat !
M. Jean-Claude Boulard. Personne n’a apporté de réponse à cette question, qui soulève un risque de contrôle constitutionnel et d’inconstitutionnalité de la pénalisation du client.
Troisième question, j’observe que la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme, par des arrêts très nombreux, ont rappelé – on peut être pour ou contre – que le principe de libre disposition de son corps - non pas de vente - fait partie du droit européen.
Ces trois questions méritent d’être examinées, y compris après le vote qui va intervenir. J’avais proposé une solution de compromis consistant à sanctionner l’usage d’un service contraint, en application de l’ensemble des dispositions de répression des services contraints, et de ne pas sanctionner l’usage d’un service libre. En tout cas, pour l’instant, rien en droit ne permet de sanctionner pénalement l’usage d’une activité non interdite.
J’ai beaucoup entendu parler d’abolitionnisme. Il faut que les abolitionnistes aillent jusqu’au bout, ce qui implique l’interdiction. (Mme Françoise Gatel opine.)
Mme Catherine Troendlé. Voilà !
Mme Françoise Gatel. Voilà !
M. Jean-Claude Boulard. … ce qui n’est pas interdit n’est pas sanctionnable. C’est un principe fondamental de notre droit. Je souhaiterais que l’on poursuive quelque peu le débat juridique. Je n’ai pas parlé du fond du sujet, mais, depuis le début de ce débat, je ne parviens pas à engager un dialogue.
Nous sommes dans un État de droit, et cela vaut tout de même la peine de donner des réponses aux trois questions que j’ai soulevées.
M. Antoine Lefèvre. Très juste !
M. Jean-Claude Boulard. En l’état, je ne voterai pas ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’issue de ce texte ne faisant aucun doute, je manifesterai une dernière fois mon opposition aux articles 16 et 17.
Comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme, comme le Défenseur des droits, comme Amnesty International, je ne suis pas convaincu du bien-fondé de cette mesure ni de son efficacité. Je ne suis pas parvenu à cette conviction tout seul : c’est en tant que président, pendant un long temps, de la commission spéciale et après des centaines d’heures d’auditions des personnes concernées – personnes prostituées, services de police, magistrats, associations sur le terrain – que je me suis fait cette opinion. Tous ces acteurs directement concernés n’ont pas été suffisamment entendus, et je le regrette.
La pénalisation des clients des prostituées constituera sans aucun doute un gros risque pour celles-ci, cela a été dit, en provoquant leur isolement. Elles n’auront plus de contacts avec les associations, encore moins avec les services de police. Le contact avec les services de police était très important dans le délit de racolage, je tiens à le rappeler.
Aussi, l’idée selon laquelle nous pourrions tarir la demande par la pénalisation des clients procède d’un raisonnement qui me semble bien aléatoire.
L’application de la disposition laisse d'ailleurs des questions sans réponse : pourquoi élargir une disposition déjà prévue pour les mineurs et si peu appliquée aujourd'hui ? Comment la relation sexuelle tarifée sera-t-elle caractérisée puisque ni le client ni la personne prostituée n’auront intérêt à le reconnaître ? Que fera-t-on pour les autres formes de prostitution non visibles ?
Par ailleurs, pour rebondir sur les propos de mon collègue Boulard, comment peut-on concilier juridiquement le fait d’autoriser la prostitution, puisqu’elle n’est pas interdite,…
M. Antoine Lefèvre. Effectivement !
M. Jean-Pierre Godefroy. … d’autoriser le racolage, c’est-à-dire l’offre et la publicité de la prostitution en supprimant l’article 13, ce qui est inédit dans notre droit, et pénaliser le client qui répondra à une offre licite ? Voilà, mes chers collègues, un bon sujet de question prioritaire de constitutionnalité !
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Il faut le faire !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les amendements de rétablissement de l’article 16 font de la récidive un délit. Or le code pénal prévoit que le complice d’un délit peut être puni comme son auteur. Les personnes prostituées pourront être poursuivies pour complicité de délit et encourir les mêmes peines que les clients. N’y a-t-il pas là une inconséquence, voire une hypocrisie ?
Enfin, cette disposition entre en contradiction directe avec le droit européen. La Cour européenne des droits de l’homme juge sur le fondement du droit à disposer de son corps et sur la notion d’autonomie personnelle que les relations sexuelles entre adultes consentants sont libres et échappent à l’ingérence des pouvoirs publics du moment qu’aucune contrainte n’est exercée.
Soyez assurés, mes chers collègues, que mon opposition à cette mesure n’a jamais eu d’autre objet que la prise en compte des contradictions qu’elle porte sur le plan juridique et des risques qu’elle fait courir à l’application efficace de l’ensemble du texte, auquel j’apporte un soutien total.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je me réjouis finalement d’intervenir après mes deux collègues, membres du même groupe. Nous sommes tous d’accord sur le bien-fondé de tout système de lutte contre l’esclavagisme et la manière dont la prostitution est organisée. Nous sommes tous conscients des difficultés. Nous devons tous être conscients de l’humilité que requièrent nos travaux. Ce n’est pas toujours la loi qui règle tout. En l’occurrence, peut-elle le faire ?
On peut inventer tous les arguments juridiques pour soutenir que cette contraventionnalisation n’est pas la bonne. On peut aussi, d’un autre côté, constater que c’est un moyen d’endiguer un système prostitutionnel, un système d’esclavagisme scandaleux. (Mme Maryvonne Blondin opine.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Bigot. On peut se poser la même question à propos de la consommation de stupéfiants. Certains vous diront que l’usage du cannabis n’est pas si grave que cela. Il a d'ailleurs été autorisé dans certains pays européens. (M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame.) Nous considérons qu’il faut poursuivre l’usage, parce que c’est aussi une façon de l’endiguer - on n’a d'ailleurs pas toujours réussi. Voilà la réalité !
Face à cela, je pense qu’il faut effectivement tenter, par cette contraventionnalisation, d’expliquer aux clients du système prostitutionnel ce qu’ils génèrent.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. Jacques Bigot. Cela sera-t-il efficace ? Nous n’en savons rien, mais refuser, au nom du droit, au nom d’arguments juridiques, de le tenter me paraît aller à l’encontre de ce que nous souhaitons tous.
M. Antoine Lefèvre. Nous sommes là pour faire du droit !
M. Jacques Bigot. Voulons-nous que l’on dise demain que le Sénat préfère soutenir la prostitution ? (Exclamations sur plusieurs travées.)
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. Jacques Bigot. Le débat est là, mes chers collègues, il faut oser le dire, même si je vous provoque. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, respectez l’orateur !
M. Jacques Bigot. Et je le dis d’autant plus volontiers, mes collègues le savent, que je n’étais pas convaincu au départ…
Je pense qu’il faut tenter la chose, et c'est la raison pour laquelle, depuis un certain temps, je soutiens ces amendements. C’est peut-être une façon de parvenir à endiguer ce mal qui prolifère dans nos villes ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous retrouvons les débats passionnés que nous avons eus pendant de longs mois de débat. Il est important que nous puissions confronter nos points de vue. Personnellement, j’apporte un soutien sans faille à ces amendements visant à rétablir l’article 16 et la pénalisation du client.
C’est un axe fondamental des quatre piliers portés pour la première fois par la loi. C’est à partir de cette logique des quatre piliers que nous pourrons avancer dans le respect de la position abolitionniste de la France, qui n’est pas une prohibition (Mme la ministre opine.),…
Mme Michelle Meunier, rapporteur. C’est exact !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … l’abolition étant précisément l’engagement d’un processus visant d’un même mouvement à progresser vers une véritable possibilité d’émancipation par rapport à la prostitution.
Que recherche-t-on avec cette loi ? On veut exposer une valeur de la société, faire reconnaître que la prostitution est l’une des plus vieilles violences faites aux femmes. Pour y parvenir, il faut montrer en quoi se mêle intimement un triptyque d’acteurs : les réseaux, les personnes prostituées, mais aussi celles et ceux – ultra-majoritairement des hommes – qui consomment des actes tarifés.
Il faut se méfier de l’argument du libre usage de son corps.
La commission spéciale, dont je suis membre, et, auparavant, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont travaillé sur ce sujet.
Même lorsque la personne prostituée se dit consentante, les derniers travaux scientifiques montrent que la perte de l’estime de soi est toujours, à des degrés différents, le prix à payer.
À travers la pénalisation, on veut montrer que le client ne peut pas s’exonérer de la situation de violence faite à ces femmes.
En adoptant le rétablissement de cet article, mes chers collègues, nous permettrions à la société d’identifier cette violence et de la combattre. (Mmes Laurence Cohen, Éliane Giraud et Marie-Pierre Monier ainsi que M. Christian Manable applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Madame la ministre, vous nous avez dit que nous devions adopter ces amendements au nom du droit. M. Bigot est allé plus loin, en estimant que nous devions être courageux, voter ces amendements et faire fi du droit.
Pour les législateurs que nous sommes, le droit me semble fondamental. Nous devons respecter le droit et faire du droit. C’est pourquoi je suis convaincue par la ligne défendue par M. Boulard, que je félicite pour son intervention.
Il nous faut réaffirmer haut et fort l’impossibilité de pénaliser l’usage d’une activité libre ! (M. Jean-Pierre Godefroy opine.) Le risque constitutionnel est majeur. Je ne vais pas reprendre les excellents arguments de M. Boulard, qui a bien montré comment, in fine, notre système pénal établissait un lien entre sanction et interdiction. Nous ne pouvons pas faire fi de ces principes, monsieur Bigot.
Vous nous avez parlé d’hypocrisie, madame la ministre. Mais la plus grande hypocrisie, c’est finalement d’admettre que la prostitution peut exister et qu’il suffit de pénaliser le client qui y a recours.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Ce n’est pas le sens du texte !
Mme Catherine Troendlé. Le vrai courage politique consisterait à éradiquer la prostitution, à l’interdire formellement ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Après ces longs débats, je voudrais tenter une synthèse, en distinguant les aspects moraux, sociaux, juridiques et la lecture politique que l’on pourra faire de ce texte.
Sur le plan moral, on ne peut que se féliciter de la position de tous ceux qui ont porté l’idée de lutter contre la prostitution en pénalisant la clientèle. La méthode était peut-être discutable, mais ils ont défendu ce projet avec cœur, et c’est émouvant.
Toutefois, il faut aussi prendre en compte le côté social. La pénalisation va confiner la prostitution dans le milieu du luxe, où elle ne sera pas atteinte, et dans les lieux cachés, où la misère sera encore plus grande.
L’aspect juridique a été fort bien abordé par M. Boulard, et je n’ai rien à ajouter à ses propos.
La sagesse pour moi consistera sans doute à m’abstenir sur ce texte. Ce n’est pas par manque de courage, mais je sais aussi que l’on fera une lecture politique de notre vote, et j’ai peur que l’on ne dise que le Sénat a simplement libéralisé la prostitution.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. À tous ceux qui ont des craintes, je répondrai que, au cours de mon existence, je n’ai pas vu les conditions de vie et d’exercice des personnes prostituées s’améliorer. Je les ai vues, au contraire, se dégrader. (M. Jacques Bigot opine.)
La question de l’isolement, qui a été évoquée comme un risque, n’est pas nouvelle, car le délit de racolage passif a déjà repoussé les prostituées aux frontières des agglomérations et dans des zones dangereuses.
Je voudrais aussi revenir sur ces quatre piliers qui ont été évoqués, madame la ministre, mes chers collègues. Ils sont importants, car ce texte a bien pour ambition de renforcer la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Deux chiffres ont été rappelés tout à l’heure : 97 % des personnes prostituées sont étrangères, et 85 % sont des femmes. Elles viennent principalement de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria, du Brésil et de Chine.
Les clients, eux, sont sur notre sol. On accepterait donc de laisser venir ces femmes sur le sol français, dans les conditions que l’on connaît, et l’on ne serait responsable de rien, car, au nom de quelques droits évoqués ici ou là, on préfère nier l’existence de ces systèmes internationaux de traite.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Très bien !
Mme Éliane Giraud. C’est pourquoi il me semble nécessaire aujourd’hui de passer par le cap du vote de cet article et de cette proposition de loi.
Si l’on veut faire du droit, il faut faire du droit, mais intelligemment.
M. Jean-Pierre Godefroy. On essaie !
M. Antoine Lefèvre. C’est ce que nous essayons de faire dans cette enceinte !
Mme Éliane Giraud. Nous devons aussi prendre conscience que la portée de ce droit est internationale.
Que l’on parle de morale ou de droit, cette question ne peut pas être traitée de façon étroite. Nous devons véritablement regarder l’incidence de nos propres règles sur ce système international de traite.
M. le président. Merci, ma chère collègue !
Mme Éliane Giraud. Ces femmes qui, aujourd’hui, sont maltraitées par ce système sont souvent condamnées à mort. Telle est la réalité, et nous ne devons pas l’oublier ! Elles passent d’un pays à l’autre en huit jours, n’ont rien choisi et ne choisiront rien, pas même le lieu de leur mort !
Nous devons aussi reconnaître le statut de victime à celles qui pourront s’en sortir, à celles que nous aiderons à s’en sortir. Nous devons leur redonner cette estime de soi, au nom d’une certaine vision de l’égalité entre hommes et femmes et de la condition humaine. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais tout d’abord réagir aux propos de Mme la ministre sur l’éducation sexuelle. Je ne sais pas si vous avez enseigné dans le secondaire, madame la ministre. Pour ma part, j’y ai enseigné pendant quinze ans – certes, il y a longtemps – et je n’ai jamais vu l’éducation sexuelle abordée dans les livres scolaires.
J’ignore si la société véhicule toujours l’idée que la prostitution permet de faire l’apprentissage de la sexualité, mais nos manuels scolaires en sont restés à la sexualité des abeilles et des insectes ! Nos jeunes ne savent pas grand-chose sur la sexualité en sortant de l’école, contrairement aux pays nordiques, où des cours de sexualité sont dispensés, et où l’on apprend également ce qu’est un homosexuel, une lesbienne. Nous en sommes bien loin !
Ensuite, pénaliser les clients, cela permet surtout de se donner bonne conscience. On réglemente tout, conformément à la tradition française, et l’on pense avoir accompli notre devoir moral.
Les clients seront pénalisés, mais nous ne nous demandons pas ce que feront ces femmes prostituées, de quoi elles vivront, surtout. On ne connaît pas très clairement le montant des fonds qui seront alloués aux personnes prostituées pour leur permettre de changer d’orientation professionnelle.
Récemment, sur Europe 1, j’ai participé à une émission sur cette question. Des prostituées d’un certain âge, qui n’avaient jamais exercé d’autre métier dans leur vie, se demandaient comment elles pourraient vivre avec le RSA…
Dans cette assemblée, est-ce que nous prenons le temps de penser aux problèmes humains ? Que feront ces femmes ? Elles ne s’en sortiront pas avec les 400 euros qu’on va leur allouer. (Mme Éliane Giraud s’exclame.)
Nous adoptons une posture morale, comme avant 1914, quand on reprochait à ces femmes de s’être engagées dans la mauvaise voie. Sauf que le Gouvernement a ensuite demandé aux prostituées de venir dans les gares pour satisfaire les besoins de nos Poilus !
Cessons ces petites leçons de morale d’un autre âge, qui ne prennent pas en considération la liberté de la femme. Nous faisons injure aux femmes en leur disant comment elles doivent agir et comment elles doivent régler leur sexualité.
M. le président. Merci, ma chère collègue !
Mme Esther Benbassa. Cessons de traiter ces femmes comme des enfants, de les considérer seulement comme des femmes violées, abusées ou simplettes ! (M. Joël Guerriau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Je voudrais simplement apporter une précision à la suite des propos de notre collègue Esther Benbassa.
À entendre vos propos sur l’éducation sexuelle, et avec tout le respect que je vous dois, ma chère collègue, j’ai l’impression que vous avez enseigné dans le secondaire à l’époque de Jules Ferry… (Sourires.)
En effet, l’éducation sexuelle figure noir sur blanc dans les programmes de sciences de la vie et de la Terre. Dire qu’elle est absente des programmes de l’éducation nationale, c’est une erreur ! (Mme Maryvonne Blondin applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié bis, 4 et 6.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 115 |
Contre | 195 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, l’article 16 demeure supprimé.
Article 17
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Meunier et Lepage, M. Courteau, Mmes E. Giraud et Monier, MM. Kaltenbach et Carvounas, Mmes Riocreux, Féret et Yonnet, M. Manable, Mmes Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Berson, Gorce, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, M. Durain, Mmes Claireaux, S. Robert et Herviaux, M. Assouline, Mme Conway-Mouret et MM. Vaugrenard, Duran, Cabanel, Labazée, Roux, Marie, Bigot et Frécon.
L'amendement n° 5 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Bosino, Mmes David et Demessine, MM. Le Scouarnec et P. Laurent, Mme Didier, MM. Bocquet et Favier et Mme Prunaud.
L'amendement n° 7 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 9° de l’article 131-16, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :
« 9° bis L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ; »
2° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « , un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;
3° Le I de l’article 225-20 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, selon les modalités fixées à l’article 131-35-1. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : « , d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;
2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 17° bis ainsi rédigé :
« 17° bis Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Cet amendement va de pair avec l’amendement n° 1 rectifié bis, qui visait à rétablir l’article 16 et qui n’a pas été adopté par le Sénat. De ce fait, il n’a malheureusement plus guère de raison d’être. Il me semble donc plus cohérent de le retirer.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
Madame Cohen, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Effectivement, cet amendement est complémentaire de celui qui a été précédemment présenté à l’article 16. Il devient donc sans objet. Toutefois, j’attire votre attention sur le fait que certains collègues, qui étaient farouchement opposés à la pénalisation, seraient, le cas échéant, favorables à la sensibilisation par un stage. Il est donc dommage de ne pas pouvoir en discuter plus avant.
Je m’en remets toutefois à la sagesse de la Haute Assemblée et je retire cet amendement.
Mme Maryvonne Blondin. Un autre amendement déposé sur l’article 18 prévoit que le Gouvernement remet un rapport au Parlement, deux ans après la promulgation de la loi, sur le bilan de la nouvelle infraction qui était prévue à l’article 16. Cela nous aurait permis de suivre l’évolution de la situation. Il est dommage de nous passer de cet outil qui nous aurait apporté des éléments complémentaires d’information. Je le regrette !
M. le président. Madame la ministre, retirez-vous également votre amendement ?
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré et l’article 17 demeure supprimé.
Chapitre V
Dispositions finales
Article 18
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi deux ans après sa promulgation. Ce rapport dresse le bilan :
1° De la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme et des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans ce domaine ;
1° bis (Supprimé)
2° De la mise en œuvre de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;
3° Du dispositif d’information prévu à l’article L. 312-17-1-1 du code de l’éducation ;
4° Du dispositif de protection prévu à l’article 706-40-1 du code de procédure pénale.
Il présente l’évolution :
a) De la prostitution, notamment sur internet et dans les zones transfrontalières ;
b) De la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées ;
c) De la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution ;
c bis) De la situation, du repérage et de la prise en charge des étudiants se livrant à la prostitution ;
d) (Supprimé)
e) Du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par Mmes Blondin, Meunier et Lepage.
L’amendement n° 8 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rétablir le 1° bis dans la rédaction suivante :
1° bis De la création de l’infraction de recours à l’achat d’actes sexuels prévue au premier alinéa des articles 225-12-1 et 611-1 du code pénal ;
Ces amendements n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 18.
(L'article 18 est adopté.)
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M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre. Je souhaite, à l’issue de l’examen de ce texte, remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont intervenus et se sont engagés dans ce débat.
Je remercie également celles et ceux qui travaillent, depuis longtemps, sur la condition sociale des personnes prostituées, même si le vote d’aujourd’hui ne va pas dans leur sens, comme il ne va pas dans celui qu’a porté, notamment, la rapporteur de la commission spéciale.
Je remercie enfin Mme Gonthier-Maurin de son implication, en particulier lorsqu’elle était présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Je salue aussi ceux qui ont exprimé des doutes sur l’efficacité des dispositifs, quels qu’ils soient, et qui ont fait part, honnêtement, de leurs interrogations, sans toutefois combattre la pénalisation du client.
La proposition de loi va être adoptée par l’Assemblée nationale dans le mois qui vient et je prends le pari que, si une autre majorité était élue à l’Assemblée nationale, elle ne reviendrait pas sur ce texte. Elle n’irait pas devant le suffrage universel, devant le pays, en disant qu’elle va dépénaliser l’achat de services sexuels.
Je prends le pari que ce texte aura une longue vie, comme beaucoup de réformes de société importantes, qui, par le passé, ont été votées dans un contexte de fortes oppositions, mais n’ont finalement jamais été remises en cause par les alternances.
Je prends aussi le pari que, dans une vingtaine d’années, quand de jeunes étudiants en droit liront les débats, pas simplement ceux d’aujourd’hui, qui ont été fort dignes, mais tous ceux qui se sont succédé depuis plus de deux ans, ils les liront avec le même étonnement que les étudiants qui lisent aujourd’hui les débats sur la loi Veil.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Enfin, je voudrais conclure en disant que je me sens toujours sénatrice, même si je suis momentanément appelée à d’autres responsabilités, et que j’aime la Haute Assemblée. J’aimerais donc pouvoir en parler autrement que pour expliquer certains de ses votes : le vote contre la pénalisation du harcèlement sexuel dans les transports, le vote contre les avancées de la parité en politique, tant pour les conseils départementaux qu’encore récemment pour les regroupements de communes ou, aujourd’hui même, le vote contre la pénalisation du client. La Haute Assemblée mérite mieux ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Dans le prolongement de ce que vient d’exprimer Mme la ministre, je me félicite que nous soyons arrivés à la dernière lecture de ce texte. Je crois que tout a été dit et, s’il y avait une autre lecture, nos débats auraient la même teneur.
Nous nous sommes opposés, y compris au sein de nos propres familles politiques, les clivages ne passant pas uniquement entre la droite et la gauche sur ces questions.
Nous avons la conviction, les uns et les autres, que nous demandons beaucoup pour faire avancer l’égalité en matière de droits des femmes.
Dans quelques semaines, ce texte sera heureusement voté de manière définitive par l’Assemblée nationale. Par ses quatre aspects, dont nous avons longuement débattu, il constitue un pas supplémentaire vers la reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes et la fin de cette terrible discrimination : pouvoir acheter un acte sexuel et le corps d’une autre personne.
Le travail sur ce texte, qui s’achève aujourd'hui au Sénat, continue à l’Assemblée nationale, qui devrait adopter cette proposition de loi dans quelques semaines seulement. J’en suis très heureuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
Présidence DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les conventions et accords applicables aux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux à but non lucratif pour l’année 2015 et aux orientations en matière de politique salariale pour 2016.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
6
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Lors du scrutin n° 173, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, ma collègue Marie-Christine Blandin a été comptabilisée comme ayant voté contre les amendements identiques nos 1 rectifié bis, 4 et 6 déposés à l’article 16, alors qu’elle souhaitait voter pour.
Lors du même scrutin, mon collègue Hervé Poher a été comptabilisé comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
7
Candidatures à un office parlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de MM. Jean-Pierre Masseret et Daniel Raoul, démissionnaires.
Ces candidatures vont être publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
8
Renvois pour avis multiples
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et à la commission des finances.
J’informe le Sénat que le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 445), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des finances.
9
Économie bleue
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (proposition n° 370, texte de la commission n° 431, rapport n° 430, avis n° 428).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi pour l’économie bleue que nous examinons aujourd’hui est le résultat d’un travail important réalisé par le député Arnaud Leroy depuis plusieurs mois, travail qui s’inscrit dans une dynamique plus générale impulsée par le Gouvernement pour une politique maritime ambitieuse au service de notre pays.
Cette proposition de loi, vous le savez, est le troisième texte consacré aux activités maritimes depuis 2012. Elle vient en effet après l’adoption de la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection de navires et après l’adoption de la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes.
Cette réponse législative est attendue par les acteurs et vient s’insérer dans une démarche globale couvrant des initiatives variées, budgétaires, fiscales, contractuelles, au service de l’économie maritime de notre pays.
Dans ce contexte, il importe en effet de dépasser les déclarations de principes, les postures incantatoires, et de donner corps à des actions concrètes et utiles pour notre pays.
Il s’agit donc d’accompagner ce formidable potentiel, tout en veillant à ne pas affaiblir le modèle social auquel nos marins sont légitimement attachés et à assurer la nécessaire protection de notre environnement.
Il importe surtout d’agir vite – d’où l’engagement de la procédure accélérée –, tout en étant animé par le souci d’une démarche pragmatique et efficace.
Certaines de ces dispositions sont effectivement attendues depuis longtemps par les acteurs du monde maritime. Que n’ont-elles été mises en place plus tôt, serait-on tenté de dire !
C’est donc dans cet esprit d’équilibre que le Gouvernement conduit, en associant la représentation nationale, une politique maritime ambitieuse et intégrée, prenant en compte toutes les composantes de l’économie maritime.
Concrètement, le dernier comité interministériel de la mer, ou CIMER, qui s’est tenu le 22 octobre sous la présidence du Premier ministre, a permis d’avancer et de tracer une feuille de route sur un certain nombre de sujets importants : le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes ; le renouvellement de la flotte de commerce pour s’adapter aux conditions du marché mondial ; un soutien renouvelé au secteur de la pêche maritime, pour préparer l’avenir et installer des jeunes ; l’affirmation d’une ambition aquacole pour la France ; une ambition réaffirmée s’agissant des grands fonds marins ; le renforcement de nos capacités de contrôle pour protéger l’environnement marin de manière effective ; ou encore – c’est un point majeur – des dispositions permettant de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, qui forment, ne l’oublions pas, l’essentiel des espaces placés sous souveraineté ou sous juridiction françaises.
Plus récemment, des missions parlementaires associant certains sénateurs ont été mises en place. Elles visent à développer le potentiel des axes situés dans l’hinterland de nos principaux ports maritimes. Dans le prolongement des projets stratégiques adoptés par nos principales places portuaires, il s’agit en effet de poursuivre le développement de la massification des flux, nécessaire pour que nos ports trouvent une place de premier plan dans le commerce mondial.
Comme l’a réaffirmé le Président de la République lors de son déplacement au Havre à l’automne dernier, notre espace maritime représente une force considérable si nous savons le mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement et des énergies nouvelles. La mer, dans cette perspective de croissance bleue, est donc à la fois une ressource, un investissement et un domaine qu’il convient de protéger.
Nombre de ces éléments trouvent logiquement une déclinaison législative dans le texte proposé par Arnaud Leroy, dont je veux saluer, une nouvelle fois ici, l’engagement et la maîtrise, au service des sujets relatifs à l’économie bleue, qui intéressent, de plus en plus, nos concitoyens.
La proposition de loi ambitieuse et réaliste soumise aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, à votre examen couvre un large champ. Son auteur s’est efforcé de n’oublier aucun des secteurs fondant notre potentiel dans ce domaine. Les thématiques qu’elle aborde portent ainsi sur les gens de mer, les ports, la flotte de commerce, mais également sur la pêche maritime, l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, la plaisance ou encore la modernisation de nos services.
Le texte s’est considérablement enrichi par rapport aux versions initiales ; c’est à mon sens la marque d’un vrai intérêt des parlementaires pour ces sujets.
Une véritable dynamique d’initiative parlementaire s’est en effet mise en place au cours de ces derniers mois, dans laquelle je veux croire que votre assemblée s’inscrira également.
Des avancées importantes figurent notamment dans la proposition de loi qui vous est soumise concernant la francisation et le jaugeage des navires ou encore le rôle d’équipage, outil remontant au début de notre histoire maritime et bien connu des gens de mer, mais qui, au fil du temps, avait perdu en cohérence et en efficacité. Derrière ces sujets, ce sont d’importantes modernisations administratives qui sont à l’œuvre et que je vous demande d’appuyer.
Cette proposition de loi comporte aussi des dispositions visant à poursuivre la modernisation de la gouvernance de nos ports, sans bouleverser – c’est un point essentiel à mes yeux – les équilibres issus de la dernière réforme portuaire de 2008.
Certaines dispositions visent également à moderniser le régime d’emplois de nos marins et gens de mer. J’y suis, par principe, favorable, si elles permettent de donner un signal positif en termes d’emplois. Cela ne doit toutefois pas conduire à dégrader le modèle social dont bénéficient nos marins. Ce point requiert, du point de vue du Gouvernement, une grande vigilance.
Je tiens à relever, également, toutes les dispositions visant à moderniser notre droit à la lumière des nouveaux usages et des nouvelles pratiques. Il s’agit souvent d’évolutions nécessaires sur lesquelles le législateur est légitimement interpellé.
Des dispositions relatives au secteur des pêches maritimes figurent également dans cette proposition de loi.
Toutefois, le niveau adéquat pour la prise de décision est le niveau européen. C’est le sens même de la politique commune de la pêche. Des réformes importantes ont eu lieu depuis 2012 et nous sommes actuellement dans une phase de mise en œuvre opérationnelle de cette réforme de la politique commune de la pêche dans toutes ses composantes : la mise en œuvre de l’interdiction des rejets, la nouvelle organisation commune des marchés, l’adoption du programme opérationnel du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, qui fixe la stratégie d’intervention des fonds publics jusqu’en 2020.
J’ai mesuré les fortes attentes du secteur concernant le FEAMP. Nous avons, avec les régions, lesquelles sont autorités de gestion déléguées, une obligation de résultat pour que ce FEAMP soit opérationnel dans les prochaines semaines. C’est une priorité du Gouvernement.
Les chiffres des criées pour 2015 confirment une embellie du secteur, avec une valorisation en hausse des productions, en lien avec une amélioration globale de l’état des stocks dans les eaux européennes de l’Atlantique.
Les échanges que j’ai pu avoir avec les représentants du secteur lors du salon de l’agriculture ont confirmé cette conjoncture positive. C’est le moment de poursuivre les adaptations structurelles du secteur, d’avancer sur le renouvellement de la flotte de pêche, alors que – c’est une bonne nouvelle ! – les projets de construction de navires neufs se confirment dans nos ports.
La profession a démontré qu’elle savait faire preuve de responsabilité et s’impliquer dans la mise en œuvre de mesures de gestion pour reconstituer les stocks de pêche. J’en ai été le témoin lorsqu’il a fallu prendre certaines décisions difficiles, comme ce fut le cas récemment pour le bar ou la sole.
Je crois également au développement d’une aquaculture durable dans notre pays ; c’est d’ailleurs une piste forte exprimée par le Premier ministre durant le CIMER du 22 octobre 2015.
La proposition de loi comporte un certain nombre de dispositions favorables. Il faut désormais mettre en œuvre ces engagements de manière concrète, dans le respect de l’environnement, pour une aquaculture de qualité.
Les nombreux amendements qui ont été déposés à l’occasion de ce débat, dans un délai nécessairement contraint, sont le signe d’un profond intérêt de la représentation nationale pour l’économie bleue, dont votre rapporteur Didier Mandelli s’est fait l’écho, et je m’en félicite.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je souhaite donc que la discussion se poursuive dans le même esprit constructif et consensuel qui a prévalu à l’Assemblée nationale, au bénéfice d’une politique maritime forte et ambitieuse pour notre pays. Mesdames, messieurs les sénateurs, la France maritime a besoin des dispositions qui sont soumises à votre appréciation afin de poursuivre et d’amplifier la dynamique dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’économie maritime représente un atout majeur pour notre pays et un formidable levier de croissance et d’emplois. En France, elle génère aujourd’hui, sans compter le tourisme littoral, plus de 300 000 emplois directs et 69 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de l’automobile, de l’aéronautique ou des télécommunications, dont on parle pourtant bien plus fréquemment.
À l’échelle mondiale, la quasi-totalité des marchés de l’économie maritime sont en croissance, un phénomène assez inédit dans le contexte économique actuel, et leur poids économique devrait atteindre 2 550 milliards d’euros en 2020.
Cette économie maritime est à la fois portée par des secteurs dits « traditionnels », que sont la pêche, le transport maritime, les ports, la construction navale, la plaisance et les sciences marines, et par quelques secteurs d’avenir.
Premier secteur : l’aquaculture et l’algoculture, qui contribueront demain à nourrir 9 milliards de personnes dans le monde. La France y est reconnue pour son excellence ; pourtant, depuis 1995, elle n’a enregistré qu’une seule création d’entreprise dans ce secteur.
Deuxième secteur : les biotechnologies bleues, une filière qui croît de 5 % par an et promet de la nourriture, des engrais, des cosmétiques et des médicaments, mais aussi des carburants de troisième génération et des plastiques « bio ».
Troisième secteur : le tourisme littoral, qui emploie plus de 3 millions de personnes en Europe et génère 180 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit plus d’un tiers de l’économie maritime.
Quatrième secteur : les énergies marines renouvelables, qui ont connu un début difficile, mais où la France s’illustre avec de nombreuses start-ups innovantes.
Cinquième et dernier secteur : les minerais des fonds marins, dans lesquels le Japon, le Canada, la Chine et l’Allemagne investissent massivement, tandis que la France considère à peine son immense réservoir inexploité de terres rares.
Ces secteurs sont le vrai visage de l’économie bleue. Je regrette que le Sénat n’ait pas eu le temps de s’y intéresser en détail.
Conformément à la volonté du Gouvernement et de la majorité présidentielle, nous examinons en effet ce texte dans un calendrier fortement contraint. Nous n’avons disposé que de quatre semaines pour travailler, là où nos collègues députés ont eu huit mois !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Ce manque de considération pour le travail du Sénat est d’autant plus patent que, à l’Assemblée nationale, le nombre d’articles de cette proposition de loi a plus que triplé, passant de vingt-trois à soixante-dix-sept articles.
Il n’est un secret pour personne que ce texte a été tellement été remanié par l’administration qu’il en est presque devenu, une fois de plus, un projet de loi. L’immense majorité des articles a été écrite par les administrations des ministères de l’environnement, des finances ou de l’intérieur. Pour autant, ces dispositions ne font l’objet d’aucune étude d’impact, puisqu’elles ne figurent pas dans un projet de loi clairement assumé par le Gouvernement. Certaines mesures n’ont de surcroît qu’un lien très indirect avec l’économie maritime.
J’ajoute que, depuis 2012, c’est la troisième fois, sur trois textes à dimension maritime, que le Gouvernement procède de la sorte. Le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer avait été examiné en moins de trois semaines, et le projet de loi déguisé en proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes avait connu un sort comparable, comme peut l’attester notre collègue Michel Vaspart, rapporteur de ce texte.
À chaque fois, bien sûr, l’urgence à agir est invoquée. Certes ! Mais ce texte contient des mesures qui sont demandées par le monde maritime depuis parfois près d’une décennie. De là à en déduire l’absence de volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une véritable politique maritime, il n’y a qu’un pas.
Il ne suffit pas de profiter du dernier remaniement et d’ajouter en urgence le substantif « mer » à l’intitulé du grand ministère de Ségolène Royal pour bâtir une politique maritime. Le subterfuge ne trompe plus personne ! Nous sommes bien loin des déclarations grandiloquentes du candidat Hollande dans le rapport sur le défi maritime français, jonché d’engagements et de promesses non tenues.
En fin de compte, par le nombre de sujets traités et l’absence de mesures de grande envergure, cette proposition de loi s’apparente davantage à un catalogue de mesures administratives qu’à un grand texte capable de refonder la politique maritime de notre pays.
Notre commission est néanmoins consciente de la nécessité de renforcer la compétitivité des activités maritimes de toutes les manières possibles. Pour cette raison, nous avons conservé intactes les principales mesures de ce texte, comme l’exonération de charges patronales pour les armateurs de navires de commerce battant pavillon français, le net wage, ou l’autoliquidation de la TVA à l’importation dans les ports, même si, nous le constaterons tout à l’heure, le Gouvernement entend y revenir.
Nous soutiendrons les députés sur ce point, et ne laisserons pas le Gouvernement essayer de freiner le développement économique de notre pays. Je vous rappelle qu’aujourd’hui 50 % des biens à destination de la France sont débarqués dans un port étranger.
Nous avons prolongé cette quête de compétitivité en allégeant la procédure d’autorisation des jeux de hasard mécanisés à bord des navires. Nous essayons de répondre aux besoins des ferries, particulièrement exposés à la concurrence internationale, notamment pour le trafic transmanche, dont la clientèle britannique apprécie fortement les machines à sous.
Pour le reste, nous nous sommes surtout attachés à améliorer les dispositifs proposés. Nous avons ainsi précisé la définition de la contribution de sécurité de la propriété maritime versée au moment de l’inscription d’une hypothèque maritime, afin de combler un vide juridique créé par les députés, et supprimé le renouvellement annuel du permis d’armement.
Afin de poursuivre l’effort de modernisation du droit du travail maritime, nous avons adopté plusieurs articles additionnels permettant d’apporter des précisions sur le constat du délit d’abandon des gens de mer, la consultation des partenaires sociaux, la protection du délégué de bord et la tentative de conciliation préalable en cas de différend sur un contrat de travail entre un marin et son employeur.
Dans la même perspective de simplification, je vous proposerai tout à l’heure deux amendements visant à faciliter l’accès aux fonctions de capitaine et de suppléant à bord des navires, en supprimant les prérogatives de puissance publique associées pour les cultures marines et en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir les mentions du casier judiciaire compatibles avec ces fonctions pour les autres navires. Cela répond à une préoccupation importante des gens de mer.
Pour compléter les moyens de lutte contre le terrorisme et traiter en particulier la question de la menace provenant d’un passager ou d’un objet embarqué à bord, nous avons étendu la possibilité de recourir à des entreprises privées de protection des navires en supprimant la référence à une menace « extérieure » ainsi que le zonage dans lequel ces activités sont aujourd’hui autorisées. Nous proposons également d’interdire l’accès à bord à toute personne qui refuserait de se soumettre à des contrôles de sécurité – fouilles des bagages ou palpations de sécurité.
Enfin, nous avons souhaité prévoir la date butoir du 1er janvier 2025 pour l’objectif de généralisation des systèmes de distribution de gaz naturel liquéfié et d’alimentation électrique à quai dans les ports. C’est un sujet important, quand on connaît le niveau de pollution de l’air dans les ports.
Au final, que faut-il penser de ce texte ? Je salue l’impulsion donnée par Arnaud Leroy pour faire avancer des mesures attendues par un monde maritime constamment négligé ou peu entendu par le Gouvernement. Toutefois, ces mesures permettront au mieux de réduire le fossé de compétitivité qui nous sépare de nos concurrents.
Il fallait certes commencer par là. Mais j’anticipe d’ores et déjà l’essoufflement de cette dynamique, qui ne suffira pas à redorer le blason de la France maritime, vingt-huitième pavillon pour le commerce, en l’absence d’une véritable vision politique en faveur de la croissance bleue. On se contente trop souvent de poser la première pierre en remettant au lendemain les choix difficiles : le présent texte n’échappe pas à cette règle.
À l’heure où les grandes puissances font réellement le pari de la mer, construisent de vraies infrastructures, explorent les fonds marins, affirment leurs revendications territoriales, développent les biotechnologies bleues et la recherche marine, que faisons-nous ? De la simplification administrative ! C’est peut-être déjà beaucoup, mais la réponse n’est pas à la hauteur des enjeux.
Faute de courage politique, on évite soigneusement les vrais sujets qui nous permettraient de rattraper notre retard. On ne parle pas de l’organisation du temps de travail et des congés, alors qu’il faut en France trois équipages pour faire tourner un navire contre deux au Danemark. Quand nos concurrents pensent automanutention des navires et automatisation des ports, nous nous contentons de demander un rapport sur l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, et de préserver l’héritage statutaire des dockers. Et je ne parle même pas de l’effort financier que nous consacrons au monde maritime, moins d’un dixième de point de PIB. À ce niveau-là, ayons au moins la décence de ne pas parler de politique maritime !
Nous ne pouvons pas, en toute honnêteté, employer les termes d’« économie bleue » ou de « croissance bleue », qui sont fortement connotés dans l’esprit de nos concitoyens. Il ne faudrait pas donner l’impression qu’avec ce simple réajustement le travail a été fait !
Ce texte est utile, et je vous invite à l’adopter, mes chers collègues, mais nous devons chercher une tout autre ambition pour l’économie bleue. Malheureusement, le Gouvernement n’est pas prêt à le faire, les signaux sont clairs.
J’en veux pour preuve la mission que le Premier ministre vient de confier à huit parlementaires sur les axes portuaires de Dunkerque, du Havre et de Marseille. Ne pouvait-il le faire avant l’examen de ce texte, ce qui aurait permis d’en traduire rapidement les conclusions ? Au contraire, il a préféré séparer les deux calendriers, en faisant le choix de la procédure accélérée, afin d’être sûr de ne pas avoir à en assumer les choix budgétaires.
Pour conclure, je dirai que l’optimisme béat n’est vraiment plus de rigueur. Écoutons les peuples de la mer, ils la connaissent et la comprennent : ils ont su en partager intelligemment les fruits de génération en génération.
La France a toutes les cartes en main pour être une puissance maritime majeure. Il ne manque qu’un homme politique courageux et visionnaire à la barre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a délégué à la commission des affaires économiques l’examen des articles concernant les pêches maritimes et l’aquaculture.
Ces activités sont en effet au cœur de l’économie bleue, et la proposition de loi ne pouvait les ignorer.
La pêche en France représente un peu plus de 7 000 navires, dont 4 500 en métropole et 2 500 dans les outre-mer. Un peu plus de 16 000 marins pêcheurs rapportent chaque année dans les criées françaises, au nombre de trente-huit en métropole, environ 550 000 tonnes de poisson, ce qui représente un chiffre d’affaires d’environ 1,1 milliard d’euros.
La pêche, ce sont aussi de nombreux emplois induits : 7 500 dans les poissonneries, 4 500 dans le mareyage, 16 500 dans les conserveries et autres entreprises de transformation de poisson. Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins estime que, pour un emploi en mer, on compte trois emplois à terre.
L’aquaculture constitue l’autre volet de la production aquatique. La France figure au deuxième rang européen, avec une production de 160 000 tonnes et un chiffre d’affaires de presque 550 millions d’euros pour la conchyliculture – huîtres, moules et autres coquillages –, et une production de 40 000 tonnes et un chiffre d’affaires de 125 millions d’euros pour la pisciculture – principalement la truite, mais aussi le bar et la daurade. L’huître, qu’elle soit triploïde ou diploïde, assure près des deux tiers en valeur de la production aquacole française.
Depuis des années, nous faisons le même constat : les Français aiment les produits de la mer. Ils en consomment entre trente-quatre et trente-cinq kilos par personne et par an. Ce chiffre est stable depuis près de quinze ans après avoir fortement augmenté. Nous dépensons 7 milliards d’euros par an pour manger poissons, coquillages et crustacés, ce qui n’est pas rien dans la consommation alimentaire.
Mais plus de 80 % de ce que nous mangeons – saumons, crevettes, cabillauds – provient de produits importés. Finalement, notre balance commerciale reste très déficitaire s’agissant des produits de la mer : l’écart est de 3,5 milliards d’euros uniquement pour les poissons, car nos exportations sont très loin de compenser nos approvisionnements à l’extérieur !
Périodiquement, nous voyons passer des déclarations, parfois même des projets, et, comme en 2010, nous votons des lois pour développer l’aquaculture, dans le but de reconquérir notre marché intérieur. L’aquaculture constitue en effet le seul levier de développement à court terme de l’approvisionnement en produits de la mer.
La politique de la pêche relevant du niveau européen, c’est à Bruxelles que, chaque année, la France négocie les quotas pour ses pêcheurs. Compte tenu de l’état des ressources halieutiques dans les eaux européennes, il ne faut pas s’attendre à un développement spectaculaire de l’approvisionnement par pêche dans les années qui viennent.
D’autant que la nouvelle politique commune de la pêche, la PCP, est plus exigeante en matière de durabilité, en prévoyant par exemple d’atteindre le rendement maximum durable, le RMD, des stocks halieutiques au plus tard en 2020, ou encore en interdisant tout rejet des prises accessoires par les pêcheurs. Désormais, tout ce qui est pêché doit être débarqué. Il est donc urgent de créer le bateau du futur !
La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 avait prévu de développer les fermes aquacoles, en mettant notamment en place un schéma régional de développement de l’aquaculture marine.
Cet outil n’a pas fonctionné : les schémas ont été écrits et sont approuvés, sauf dans deux régions. Pour autant, aucune ferme aquacole ne s’est créée ces dernières années.
Nous avons besoin non seulement de développer l’aquaculture, mais aussi de préserver ce qui marche actuellement : la filière ostréicole est une filière d’excellence. Toutefois, elle souffre de problèmes récurrents de surmortalité, qui ne touchent pas que les naissains, mais peut aussi affecter les huîtres adultes. La qualité des eaux conchylicoles constitue un enjeu essentiel pour maîtriser la production.
Enfin, nous ne pouvons négliger le besoin de modernisation du secteur des pêches maritimes. Notre pêche est essentiellement une pêche artisanale : la plupart de nos navires de pêche mesurent moins de vingt-quatre mètres. Même si nous sommes attachés à ce modèle, nous devons préparer l’avenir.
Pour ce faire, il faut accélérer, comme l’a proposé le rapport Deprost-Suche, le renouvellement de la flotte, dont l’ancienneté moyenne est supérieure à vingt-cinq ans.
Depuis la fin des aides publiques à la construction en 2004, les nouveaux navires sont de plus en plus rares. Ainsi, trente-cinq d’entre eux seulement ont été mis à l’eau en 2013.
Dans le même temps, il nous faut attirer et fidéliser nos marins pêcheurs. Le métier est dur. Les investissements que doivent consentir les jeunes pour s’installer sont considérables.
La conjoncture est plutôt positive : on entend peu parler des pêcheurs dans l’actualité nationale, ce qui est plutôt bon signe. Les prix se maintiennent à des niveaux élevés. La pêche française est bien valorisée, notamment grâce aux initiatives comme le « Pavillon France », promu par l’association interprofessionnelle France Filière Pêche.
Les prix du carburant sont bas – cela ne durera peut-être pas ! –, ce qui permet aussi aux sociétés de pêche maritime de réaliser des économies de fonctionnement très substantielles. Autrefois, le carburant représentait 40 % des frais de fonctionnement.
Bref, il faut profiter de cette situation plutôt favorable pour agir, en donnant aux marins pêcheurs les outils de nature à renforcer la solidité du secteur : construire plus de bateaux adaptés à la nouvelle réglementation et créer aussi des filières de déconstruction, avec une filière pour la pêche et une autre pour la plaisance. Il s’agirait là d’un gisement d’emplois très important, j’ai plaisir à le répéter. Aussi va-t-il falloir s’atteler à cette tâche.
Une fois les enjeux posés, j’en viens aux dispositions prévues dans la proposition de loi.
Les titres II et II bis sont consacrés à la pêche et à l’aquaculture. Les articles adoptés par l’Assemblée nationale ont été très peu modifiés par la commission des affaires économiques du Sénat, car ils vont plutôt dans le bon sens.
Permettez-moi de vous rappeler les dispositions les plus significatives.
Concernant la pêche maritime, la proposition de loi prévoit, à l’article 15, d’assouplir la définition de la société de pêche artisanale, en permettant l’entrée d’apporteurs de capitaux minoritaires à hauteur de 49 % maximum et en allongeant de dix à quinze ans la durée de l’acquisition progressive des parts par les patrons pêcheurs embarqués.
Le texte met en place une base juridique pour créer des fonds de mutualisation, afin que les pêcheurs puissent faire face à des phénomènes climatiques ou à des incidents environnementaux ou sanitaires, sur le modèle de ce qui existe dans le secteur agricole.
Les crédits du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pourront être utilisés dans ce cadre.
Par ailleurs, la proposition de loi encourage la diversification de l’activité des pêcheurs, en pointant, notamment, le développement du pescatourisme.
Concernant l’aquaculture, la proposition de loi vise à mieux définir ce secteur et à lui assurer une meilleure place dans les politiques publiques. Il s’agit de développer tous les projets, en mer comme à terre, à proximité du rivage.
Le texte prévoit aussi de renforcer la prise en compte des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine par les documents d’urbanisme des communes et de leurs groupements. Il vise aussi à consolider la surveillance de la qualité des eaux conchylicoles, en s’intéressant davantage à l’état microbiologique de ces eaux.
Un volet spécifique à l’outre-mer a été ajouté par l’Assemblée nationale, pour associer les collectivités des outre-mer à l’évaluation des ressources halieutiques et à la définition des politiques publiques en faveur de la pêche et de l’aquaculture. Ne l’oublions pas, ce sont les outre-mer qui font de la France l’une des premières nations maritimes et c’est là où se situent les perspectives de développement de notre pêche et de notre aquaculture.
Enfin, les députés avaient proposé que l’origine des produits de la mer proposés dans les restaurants fasse l’objet de mentions facultatives. La commission est allée plus loin dans l’information du consommateur, en instaurant une obligation d’information et de traçabilité, qui existe déjà pour la pêche fraîche vendue au détail dans les magasins.
Pour conclure, je me réjouis que le conseil interministériel de la mer d’octobre dernier ait fixé des objectifs ambitieux pour la pêche et l’aquaculture, dans le respect du développement durable. Encore faut-il que les réalisations suivent. La proposition de loi pour l’économie bleue a le mérite de mettre en lumière l’enjeu que cela représente pour nos territoires. Mais les dispositions proposées ne constituent pas pour autant une révolution en la matière.
Du reste, j’espère que nos débats pourront permettre d’avancer sur deux points.
Le premier concerne la nouvelle exigence, introduite dans le code des transports, d’un bulletin judiciaire vierge des capitaines et seconds des navires de pêche. L’article 5 ter ne règle qu’une partie du problème pour la pêche côtière. J’ai déposé un amendement sur cette question pour éviter de nous retrouver avec des navires à quai et des patrons pêcheurs ne pouvant plus travailler.
Le second a trait au statut des dirigeants de coopératives maritimes et des élus au sein des comités des pêches maritimes. Ces activités sont très prenantes et mal valorisées. Il ne nous est pas possible de présenter des amendements sur de tels sujets, car l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution nous serait opposée. Toutefois, il faudra trouver des solutions, faute de quoi nous finirons par ne plus pouvoir proposer à l’avenir une gouvernance professionnelle de la pêche et de l’aquaculture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier et féliciter notre collègue Didier Mandelli, qui, pour son premier rapport au Sénat, a accompli un travail très approfondi et de grande qualité…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … sur un texte touffu et technique, pour ne pas dire fourre-tout, et ce dans un temps record.
J’associe évidemment à ces remerciements et félicitations notre collègue Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Des compliments justifiés !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je salue également, bien sûr, la présence du président de la commission des affaires économiques, Jean-Claude Lenoir.
J’adresse mes remerciements et mes félicitations, disais-je, à notre collègue Michel Le Scouarnec, plus expérimenté, qui, dans le cadre des articles envoyés pour avis à la commission des affaires économiques, a réalisé un travail très important et montré toute la connaissance qu’il a de ce sujet.
Permettez-moi à mon tour d’insister sur les conditions peu satisfaisantes dans lesquelles nous sommes, une fois de plus, amenés à examiner une proposition de loi.
À l’instar de ce qui s’est passé voilà un peu plus d’un mois lors de l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, notre débat sera coupé, pour ne pas dire haché. Comme vous le savez, nous ne disposons aujourd'hui que d’un espace réservé de quatre heures pour examiner ce texte, dont la discussion sera reprise dans deux semaines, situation qui n’est évidemment pas satisfaisante.
Monsieur le secrétaire d'État, j’insiste pour qu’il soit possible à l’avenir de débattre des textes qui nous sont soumis dans des conditions plus appropriées. Ce serait respecter le travail parlementaire que de ne pas hacher de la sorte nos discussions, d’autant que les questions de l’avenir de nos ports et de l’économie bleue méritent mieux que cela.
Je formulerai quelques remarques.
Premièrement, – je rejoins là les propos des rapporteurs –, ce texte n’est pas la grande loi attendue par un certain nombre d’acteurs et d’élus, qui permettrait – enfin ! – à notre pays d’exploiter pleinement l’atout formidable que constitue notre façade maritime.
Deuxièmement, j’évoquerai les moyens qu’il convient de se donner pour assurer vraiment la compétitivité du secteur maritime français. À cet égard, je me félicite que vous ayez affirmé, monsieur le secrétaire d'État, toute l’importance que le Gouvernement attache au secteur maritime. Mais, au-delà des mots, il convient de regarder les faits et les actes.
En la matière, je veux faire référence à une mesure très importante aux yeux de la Haute Assemblée, et pour laquelle nous nous battons depuis très longtemps, je pense bien sûr au combat que mène notre collègue Charles Revet : il s’agit de la question essentielle de l’autoliquidation de la TVA due à l’importation dans les ports.
M. Charles Revet. Eh oui, il y a du travail à faire !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons beaucoup de mal à comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement s’oppose systématiquement à cette mesure. C’est d’autant plus surprenant que, pour une fois, l’Union européenne est tout à fait en phase avec ce dispositif. D’ailleurs, la plupart de nos concurrents, à savoir les seize États membres disposant d’une façade maritime, l’ont déjà mis en œuvre.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La réaction du Gouvernement est difficilement compréhensible, dans la mesure où nous savons que la non-application de cette disposition coûte à notre économie : pas moins de 2 à 3 millions de conteneurs échappent chaque année à notre pays et sont débarqués à Anvers ; plus de 8 000 emplois sont perdus et nos entreprises sont privées d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Je sais que Bercy a exprimé un certain nombre de craintes quant à la mise en œuvre de cette réforme. Mais il faut faire confiance aux opérateurs et aux acteurs. Si, à l’avenir, ces craintes s’avéraient fondées, il serait toujours temps de revenir au dispositif actuel, à savoir l’acquittement obligatoire de la TVA au moment du dédouanement.
Troisièmement, il convient d’être pragmatique. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a abordé ce texte. Les ajouts ou les modifications auxquels nous avons procédé en matière de droit du travail maritime ou, notamment, de réglementation des jeux de hasard mécanisés à bord des navires répondent à ce seul objectif. Il s’agissait non pas de remettre en cause des principes, mais de supprimer les incohérences ou les verrous, qui, bien souvent, allaient à l’encontre des objectifs.
Là encore, je crois pouvoir dire que, dans ce domaine, comme dans bien d’autres, un excès de réglementation freine l’activité économique et les initiatives.
À cet égard, je tiens à saluer le travail réalisé par notre collègue député Arnaud Leroy,…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … qui a eu à cœur de regarder de près le fonctionnement de l’économie maritime en vue d’apporter des solutions très pragmatiques.
Enfin, j’évoquerai la gestion de nos grandes infrastructures, qui passe par un nécessaire et véritable dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Plusieurs amendements ont été déposés par Charles Revet et le président Retailleau sur la gouvernance des ports. Il faudra les examiner avec beaucoup d’intérêt et d’attention. Dans le contexte actuel de mise en place des nouvelles régions, il est évident que l’État et les régions doivent travailler ensemble pour que nos infrastructures nationales soient un atout en matière de compétitivité dans le commerce maritime européen et mondial.
Avant de céder la parole aux orateurs des groupes, je dirai pour conclure que, même si cette proposition de loi n’est pas, comme je l’ai souligné, la grande loi que nous espérons, que nous attendons et qui ne nous sera sans doute pas proposée avant la fin de ce quinquennat, elle constitue néanmoins un premier pas bienvenu. Il s’agit là d’une étape nécessaire. Car la bataille de la compétitivité n’est jamais gagnée et doit être menée de manière permanente. Il faut tout mettre en œuvre pour que notre pays cesse d’être constamment distancé par ses concurrents européens sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, le dossier spécial d’un grand quotidien régional et de revues spécialisées titrait : La mer, un moteur pour l’emploi. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à le lire, mes chers collègues, car il est au cœur de la problématique qui se pose aujourd'hui à nous : l’économie bleue nous offrira-t-elle de nombreux et nouveaux débouchés ? Saurons-nous aussi préserver et développer les activités traditionnelles ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte une partie de la réponse. Présentée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Arnaud Leroy, elle fait suite au rapport intitulé Osons la mer, qu’il a rendu en novembre 2013, rapport unanimement salué par tous ceux qui se sentent concernés par l’avenir du secteur maritime français.
Depuis, le Président de la République, dans son discours du 6 octobre 2015, et le CIMER du 22 octobre ont rappelé l’impérieuse nécessité de défendre notre économie maritime dans toute sa diversité pour que la France puisse prendre toute la place qui devrait être la sienne au vu de la superficie de ses espaces maritimes et de sa position géographique.
Cependant, entre la vision parfois pessimiste d’Arnaud Leroy quand il parle de l’« impuissance maritime » de la France et celle peut-être trop optimiste du skipper François Gabart, qui assure au contraire que notre pays a « de toute évidence une vraie culture maritime », il y a, à nos yeux, une réelle nécessité et une urgence certaine d’adapter au mieux, par nos débats, le droit du secteur maritime français pour faire face à l’intensification de la concurrence internationale et à la réduction du nombre d’emplois liés à ce secteur.
Or la présente proposition de loi, même si elle présente inévitablement certaines insuffisances, traduit clairement l’engagement présidentiel de protéger notre économie maritime. Certes, elle ne marque qu’une étape dans le processus de maritimisation de notre modèle de développement, une étape qui vient, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, après la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires et la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes ; mais cette étape est absolument essentielle.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison : rien ne serait pire que des déclarations d’intention qui ne seraient suivies d’aucune réalisation ! C’est malheureusement ce à quoi nous avions été habitués pendant un certain nombre d’années…
Il faut rappeler que le secteur maritime, qui réalise près de 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et fournit 300 000 emplois directs hors métiers du tourisme, fait mieux que les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique. Comme le souligne à juste titre M. le rapporteur, « la quasi-totalité des marchés de l’économie maritime sont en croissance ». Au-delà de l’économie bleue, c’est donc bien la croissance bleue que nous devons prendre pour objectif et soutenir, afin de transformer les avantages comparatifs de notre géographie en leviers solides de richesses durables.
Je souhaite, à cet instant, saluer le travail de notre rapporteur et le remercier d’avoir su ouvrir les auditions auxquelles il a procédé. Même si nous ne partageons pas toutes ses analyses, nous avons voté plusieurs des amendements qu’il a déposés en commission et nous avons apprécié l’esprit constructif dans lequel il a travaillé. C’est du reste pourquoi j’ai été un peu étonnée du ton qu’il a employé il y a quelques instants, un ton plus polémique, pour ne pas dire politique…
MM. Serge Larcher et Claude Bérit-Débat. Très politique !
M. Jean Desessard. Et très polémique !
Mme Odette Herviaux. Pour en revenir aux dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale puis amendé par les commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable et des affaires économiques, je concentrerai mon propos sur le titre Ier, tandis que mon collègue Serge Larcher s’attachera aux dispositions relatives aux pêches maritimes et aux cultures marines, ainsi, bien sûr, qu’aux outre-mer.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la compétitivité des exploitations maritimes et des ports de commerce est pour moi un sujet de préoccupation ancien. Dans différents rapports, je n’ai pas cessé d’appeler de mes vœux la mise en œuvre de solutions efficaces et concertées – certains disent simplement : de bon sens –, réclamées depuis trop longtemps par les professionnels du secteur.
Même si de nombreux angles morts de l’économie bleue restent à traiter, cette proposition de loi donne de l’oxygène à notre politique maritime, en vue de renforcer la place de notre pays en Europe, sans rien sacrifier des standards écologiques et sociaux.
Promouvoir le « Pavillon France » et renforcer son attractivité : tel est l’objectif premier de la proposition de loi. Le dispositif du net wage visé à l’article 8 contribuera, me semble-t-il, à la compétitivité de l’armement français, en cohérence avec l’approche défendue par le Gouvernement dans bien d’autres secteurs de notre économie.
Dans le même esprit, l’élargissement du mécanisme d’autoliquidation de la TVA, prévu à l’article 3 quater, permettra de lutter plus efficacement contre les distorsions de concurrence qui pénalisent aujourd’hui les ports français,…
MM. René Vandierendonck et Charles Revet. Très bien !
Mme Odette Herviaux. … étant entendu, bien sûr, qu’il faudra lutter contre d’éventuelles fraudes.
De ce point de vue, la création d’une commission des investissements au sein du conseil de développement de chaque grand port maritime favorisera le dialogue entre acteurs publics et privés dans le cadre d’une procédure classique de consultation.
En ce qui concerne les gens de mer, de nombreuses dispositions de la proposition de loi représentent des progrès significatifs. Ainsi, le renforcement des contrôles portant sur le respect des normes du pays d’accueil et de l’Organisation internationale du travail, ainsi que les échanges d’informations entre les affaires maritimes et l’inspection du travail, prévus aux articles 7 et 9, devraient garantir l’application effective de notre droit social maritime. Par ailleurs, les dispositions socles en matière d’aptitudes médicales et de formation des marins continuent à relever de décrets en Conseil d’État, et la protection des délégués de bord contre le licenciement est élargie.
En tant que représentante du Sénat au sein du Conseil supérieur des gens de mer, je considère que l’établissement d’un rapport sur l’avenir de l’Établissement national des invalides de la marine, prévu à l’article 9 bis, est également une sage décision.
Il faut louer aussi la volonté de simplifier, sur laquelle M. le secrétaire d’État a déjà insisté. Qu’il s’agisse de la création d’un document unique pour la francisation et l’immatriculation, de l’instauration d’un permis d’armement fusionnant le rôle d’équipage et le permis de circulation, de la suppression du journal de mer, de la simplification du régime applicable aux jeux de hasard sur les navires à passagers en dehors des eaux territoriales, de la prise en charge des navires abandonnés ou bien encore du renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, les objectifs sont clairs et largement partagés : adapter le droit au monde d’aujourd’hui, pour que seul prévale l’essentiel, c’est-à-dire le respect des droits sociaux et écologiques, grâce à la réduction du temps nécessaire à l’accomplissement des démarches administratives.
Pour ce qui est de la sécurité, la proposition de loi comporte des avancées importantes. La constitution d’une flotte stratégique pour garantir l’approvisionnement de notre pays, notamment en matière d’énergie, est un signe fort de notre souveraineté déterminée face aux menaces.
L’extension au transport maritime jusqu’au 31 décembre 2017 du dispositif dit « PNR », c’est-à-dire du registre des noms de passagers, prévue à l’article 12 sexies, ainsi que le renforcement des contrôles menés par les officiers de police judiciaire et par les agents des douanes, prévu à l’article 12 decies, sans oublier la lutte contre le dumping sécuritaire prévue à l’article 12 bis A, témoignent de la fermeté de l’État pour assurer la sécurité des individus et des biens.
Enfin, en ce qui concerne la gouvernance portuaire, plusieurs dispositions de la proposition de loi reprennent des propositions que j’ai formulées dans mes précédents rapports ; je ne puis donc que les approuver. Je pense en particulier au renforcement de la place des régions et des autres collectivités territoriales au sein des grands ports maritimes, à la représentation des ports décentralisés au sein des conseils maritimes de façade et à celle des associations de protection de l’environnement au sein des conseils portuaires des ports décentralisés, ainsi qu’à la création de conseils de coordination interportuaire, qui permettront de démultiplier les synergies.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer les décisions que notre commission a finalement prises sur un certain nombre de sujets qui ont fait débat entre nous, en particulier le maintien du rapport consacré à la préfiguration d’un code de la mer, la confirmation de l’intitulé de la proposition de loi et la non-remise en cause de l’écocontribution des navires, pour ne pas affaiblir les mesures adoptées dans le cadre de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Au travers de ces choix, nous avons démontré notre attachement aux enjeux maritimes et notre volonté constante de promouvoir une croissance bleue créatrice d’emplois durables, dans la continuité du travail déjà réalisé par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à la suite de votre prédécesseur.
Au-delà de ces bonnes décisions, le défi maritime français reste plus que jamais d’actualité et nécessitera une ambition maritime toujours très forte et continue, avec des moyens adaptés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer cette proposition de loi, fruit d’un long travail parlementaire ayant associé une grande diversité d’acteurs. De fait, nous avions besoin d’un texte qui aborde la politique maritime de la France de façon transversale, au-delà de la seule question du transport, en incluant la pêche, l’aquaculture et le tourisme, entre autres questions.
Le domaine maritime de la France, le deuxième au monde, est un atout économique remarquable, cela a été dit, et nous disposons de filières de formation des marins reconnues dans le monde entier. Pourtant, des centaines d’emplois sont détruits chaque année dans le secteur maritime, et le nombre de navires de commerce a nettement baissé. Or des enjeux importants se posent en matière de compétitivité économique, de gouvernance et d’emploi, notamment pour le transport maritime, une activité que les écologistes soutiennent pour son bilan carbone relativement faible. Il était donc urgent d’aborder ce chantier.
De nombreuses dispositions de la proposition de loi marquent de réelles avancées, en sorte que le groupe écologiste votera le texte. Reste que, en dépit de cette appréciation globale, nous avons plusieurs inquiétudes. (Exclamations amusées.)
C’est normal, chers collègues, nous sommes vigilants !
M. Claude Bérit-Débat. Nous allons vous rassurer !
M. Jean Desessard. Par ailleurs, nous déplorons d’importantes insuffisances.
L’une des ambitions ayant présidé à l’élaboration de cette proposition de loi consistait à placer le développement durable au cœur de la réflexion sur l’activité maritime. Or il nous semble que la préoccupation environnementale n’est pas assez prise en compte, alors que l’exigence de protection des milieux marins – océans, littoraux et espèces marines – devrait être au cœur de notre réflexion sur la politique maritime et halieutique de la France.
Comment en effet parlerons-nous de compétitivité économique quand les océans seront si pollués qu’ils n’abriteront plus aucun poisson ? Dans un rapport de 2014, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation estimait que près de 90 % des stocks de poissons sauvages étaient pleinement exploités ou surexploités dans le monde. En Europe, en moyenne 40 % des stocks sont surexploités, et cette proportion monte à 90 % en Méditerranée ! Autre chiffre très inquiétant, fourni par le Conseil international pour l’exploration de la mer : on considère que moins de 10 % des stocks de poissons européens sont en relative bonne santé.
C’est pourquoi nous défendrons plusieurs amendements visant à rétablir un équilibre entre la protection de l’environnement marin et les autres ambitions affichées dans cette proposition de loi. Mes chers collègues, vous aurez ainsi l’occasion de nous aider pleinement à promouvoir la préoccupation environnementale !
Nous soulèverons notamment la question des subventions allouées au secteur de la pêche. Il ne s’agit pas de contester le bien-fondé d’une politique de subventionnement public, tant qu’elle permet de préserver la santé de l’environnement marin et les stocks halieutiques dont les activités de pêche dépendent. Simplement, nous constatons aujourd’hui un déficit de transparence et nous demandons au Gouvernement de rendre publiques ces données, ce qui permettrait de rationaliser les dépenses publiques. De fait, il ne serait pas imaginable que l’argent public favorise la surpêche et d’autres comportements portant atteinte aux milieux marins !
Par ailleurs, nous soutiendrons des amendements portant sur l’aquaculture et la conchyliculture, ces activités donnant parfois lieu à des fuites d’antibiotiques ou de pesticides qui mettent en danger les écosystèmes proches. Nous proposerons de mettre en place un contrôle des rejets des fermes aquacoles et d’instaurer des sanctions en cas de pollution. Nous défendrons également deux amendements se rapportant au suivi sanitaire des bassins ostréicoles : l’un concernera l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloserie et visera à améliorer la transparence, l’autre portera spécifiquement sur le suivi sanitaire des bassins, qui est aujourd’hui insuffisant.
Nous proposerons aussi d’interdire toute nouvelle activité d’extraction minière en mer au sein d’un site Natura 2000. En effet, il nous semble qu’autoriser l’extraction minière dans un site qui a pour objectif de préserver la faune et la flore ne fait pas grand sens, en plus d’être tout à fait incohérent par rapport aux engagements pris par la France lors de la COP 21.
Enfin, nous soulèverons la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes. Des données rendues publiques en 2014 par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, confirment les ravages de cette technique de pêche sur la biodiversité. Ainsi, dans l’Atlantique du Nord-Est, les chalutiers européens capturent entre 20 % et 50 % de prises accessoires, appartenant à une centaine d’espèces non ciblées, pour la plupart menacées d’extinction. Sur le plan économique, nous savons aussi, grâce à ces mêmes données de l’IFREMER, que la pêche profonde ne concerne qu’une dizaine de chalutiers français, dont aucun ne pratique cette méthode de pêche à plein temps. Leur reconversion ne serait donc pas si difficile et une interdiction de ce type de pêche ne détruirait aucun emploi.
Mes chers collègues, pour une dizaine seulement de bateaux français concernés, pourquoi continuons-nous à autoriser une technique de pêche aussi destructrice ? J’ajoute que la mobilisation citoyenne sur la question du chalutage en eaux profondes est de plus en plus forte. En 2013 déjà, une pétition de l’ONG Bloom, soutenue par trois cents chercheurs du monde entier, avait recueilli 900 000 signatures. C’est le rôle du débat parlementaire que d’apporter de l’ambition, d’alerter et de relayer les préoccupations des citoyens. L’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue nous donne l’opportunité d’aller dans ce sens ! (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que deuxième puissance maritime mondiale, la France mérite une politique maritime plus ambitieuse, ainsi qu’une stratégie de développement claire, orientée vers un juste équilibre entre espoirs écologiques et débouchés économiques réels.
On ne peut envisager le texte qui nous est soumis aujourd’hui, et dont je salue l’initiative, que comme le point de départ d’une réflexion beaucoup plus vaste sur l’avenir de l’attractivité maritime française.
Tout comme M. le rapporteur, nous regrettons la brièveté du délai qui nous a été imparti sur un sujet d’une telle importance : en effet, nous n’avons disposé que de trois semaines de réflexion, alors que nos collègues députés auront bénéficié de huit mois. Cela nous paraît bien insuffisant et peu respectueux du travail de notre Haute Assemblée.
Il nous semble également dommage que le Gouvernement ne s’en soit remis qu’à cette louable initiative parlementaire, et ce en dépit des promesses de campagne du candidat à l’élection présidentielle François Hollande. S’il en avait été autrement, nous aurions eu une étude d’impact, celle-ci étant plus que nécessaire sur un sujet aussi sensible.
Mes chers collègues, en tant qu’ultramarin, je vous confirme que les attentes en ce domaine sont incommensurables ! En effet, 97 % des surfaces maritimes françaises sont situées dans les outre-mer. C’est dire l’importance de ces territoires pour le rayonnement à la fois géostratégique, économique et scientifique de la France dans le monde. Dès lors, nous ne pouvons que déplorer que la place des outre-mer ne soit pas davantage mise en valeur dans le texte.
À Saint-Martin, territoire que j’ai l’honneur de représenter, l’environnement maritime est remarquable. Malgré cela, nous attendons toujours la création d’un comité territorial des pêches maritimes et de l’aquaculture, qui serait rattaché au comité national, comme cela est prévu pour tous les départements ou régions français.
Étant donné les enjeux stratégiques que ce secteur représente pour notre économie, que ce soit en termes d’emplois ou d’approvisionnements, la création d’un secrétariat d’État à la mer aurait favorisé la mise en place d’une politique maritime mieux organisée, qui tienne compte de la diversité des territoires et de leurs besoins respectifs. Son absence est préjudiciable, alors que nos ports maritimes souffrent d’un manque considérable de compétitivité face aux autres puissances maritimes mondiales et que le pavillon français, pourtant sûr et respectueux de l’environnement, connaît une baisse d’attractivité.
Par conséquent, la simplification administrative et les efforts de clarification visés par la présente proposition de loi sont bienvenus et très attendus par les différents acteurs de ce secteur économique.
Par ailleurs, la création annoncée d’un code de la mer constituera une occasion à saisir pour réformer et moderniser notre politique maritime. Elle contribuera à ce qu’une part importante de cette politique soit consacrée aux outre-mer. Évitons ainsi de renouveler l’erreur commise par les trois missions parlementaires, qui ont éludé la dimension ultramarine.
Je salue au passage l’attribution officielle, le 1er mars dernier, à l’eurodéputée allemande Ulrike Rodust, d’un rapport d’initiative sur la gestion des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques. En effet, alors même que l’Europe reconnaît l’importance des ressources halieutiques de nos territoires depuis plus de dix ans maintenant, elle interdit les aides à la construction de navires dans les régions ultrapériphériques françaises. C’est pourtant dans ce secteur que les besoins sont les plus importants ! Nous serons donc très vigilants s’agissant des préconisations issues de ces travaux.
L’économie bleue recouvre également le secteur des énergies renouvelables. Le texte aurait pu aller plus loin dans ce domaine, car la mer, source d’énergies renouvelables non polluantes, devra jouer à l’avenir un rôle fondamental en matière de lutte contre le changement et le réchauffement climatiques.
Afin de faciliter l’implantation de ces énergies, nous avons, à l’instar d’autres groupes, déposé un amendement visant à instaurer une procédure unique d’autorisation, que ce soit dans le domaine public maritime ou en zone économique exclusive.
De la même manière, la simplification normative est nécessaire. En effet, c’est bien la complexité des normes qui pénalise la France et retarde de manière importante la réalisation de ses projets et des objectifs fixés dans le cadre de la transition énergétique, comme on le constate également pour l’éolien terrestre.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà les quelques points que je souhaitais aborder, sans toutefois avoir fait preuve d’exhaustivité sur un sujet aussi vaste.
En tout état de cause, l’heureuse initiative que constitue ce texte démontre que la problématique est désormais bien posée. Au nom du groupe du RDSE, j’appelle de mes vœux à aller encore plus loin dans nos travaux, afin que la France et ses outre-mer bénéficient d’une politique maritime ambitieuse, à la hauteur des enjeux de la mondialisation croissante des échanges !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Guillaume Arnell. Le groupe du RDSE se prononcera donc en fonction de l’évolution du texte et des amendements qui seront adoptés au cours de la discussion. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par rappeler que la mondialisation est l’une des caractéristiques majeures de l’évolution de l’économie du monde au cours de ces vingt dernières années, et qu’elle a eu pour corollaire le développement vertigineux des échanges maritimes.
À l’évidence, la France occupe une place historique et géographique de choix du fait de sa position à la pointe de l’Europe, en lien avec la Méditerranée, l’océan Atlantique, la Manche et la mer du Nord, ainsi que, bien entendu, de l’espace maritime de ses outre-mer. Pourtant, cette place de choix ne la positionne pas en leader, loin de là !
Après avoir confié à René Vandierendonck et moi-même une mission dont l’existence a été rappelée par M. le secrétaire d’État tout à l’heure, le Premier ministre, M. Manuel Valls, m’écrivait récemment que « rien ne peut expliquer que la France, première façade maritime d’Europe, soit durablement un acteur de seconde zone dans le domaine du transport maritime de marchandises ».
Ces mots font écho à la préface écrite par Érik Orsenna dans un document publié par le Centre d’études supérieures de la Marine en novembre 2013, intitulé La Terre est bleue : « Comme chacun sait, les évidences sont les vérités les plus difficiles à voir : elles aveuglent trop.
« On connaît la nouvelle d’Edgar Poe, La lettre volée. On cherche partout un document capital. Et personne ne le trouve. Et pourtant il est là, sur le bureau, visible de tous et personne ne songe à lui, justement parce qu’il est là ».
Mes chers collègues, la mer est là ! Elle représente 70 % de la surface du globe. Elle baigne nos littoraux métropolitains et ultramarins. Pourtant, alors qu’elle est très probablement l’avenir de notre planète et une chance, une formidable opportunité pour la France, elle est oubliée !
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres, qui ne sont pas ceux qu’il est d’usage de citer. Tout d’abord, la mer, c’est 90 % de fonds marins inexplorés.
Ensuite, un porte-conteneurs – l’un de ces gros bateaux que l’on voit sur nos océans – équivaut à 6 000 semi-remorques, à 1 000 Airbus A 380 version cargo et à un train de 300 kilomètres de long.
J’ajoute que 80 % de la circulation mondiale des marchandises se fait par transport maritime et que plus de 90 % des produits et marchandises consommés ou transformés en Europe sont acheminés par la mer.
Enfin, tenez-vous bien, mes chers collègues : 9 milliards de tonnes de marchandises sont transportées par voie maritime chaque année !
Le constat dressé par M. le Premier Ministre, dont je rappelais la teneur à l’instant, doit donc tous nous mobiliser. En effet, il est inquiétant, alors que nous avons largement entamé la quatrième année du quinquennat.
Existe-t-il des perspectives positives ?
Permettez-moi de signaler une avancée intéressante, saluée par notre collègue Charles Revet dans son dernier avis budgétaire : pour la première fois, un document de politique transversale donnant une vision consolidée des crédits, vision indispensable à l’heure où notre pays fait profession de s’engager dans la croissance bleue, et intitulé Politique maritime de la France, a été présenté au Parlement.
Le troisième axe de cette politique transversale s’inscrit bien dans la perspective de développer les activités économiques et l’emploi. En effet, trois objectifs y concourent : tout d’abord, la volonté de réaliser les projets de dessertes au meilleur coût, de planifier et de moderniser efficacement les infrastructures portuaires ; ensuite, l’objectif de développer la part des modes alternatifs à la route en accroissant celle des grands ports maritimes ; et, enfin, celui de promouvoir la flotte de commerce et l’emploi maritime.
M. Charles Revet. Oui, il faut le faire !
M. Jérôme Bignon. Toutefois, comme vous l’exprimiez un peu tristement dans votre rapport, mon cher collègue Charles Revet, le montant des crédits inscrits ne représente même pas 0,1 % du PIB. Vous concluiez à juste titre que, en l’absence de moyens, il n’y a pas de véritable politique maritime.
Avant d’en venir au texte de la proposition de loi, je note également, parmi les perspectives positives, que vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, mis en place la conférence logistique en vue de définir une stratégie nationale logistique, évidemment primordiale pour l’avenir de nos ports. La massification et la convergence des transports fluviaux, ferroviaires et maritimes imposent de mettre en œuvre une telle stratégie nationale.
Comme cela a été rappelé, j’indique enfin que quatre missions ont été confiées à huit parlementaires par le Premier ministre. Celles –ci sont organisées selon des binômes composés de parlementaires de couleur politique différente. Elles ont été placées sous votre responsabilité, monsieur le secrétaire d’État, pour fédérer le point de vue des acteurs politiques et économiques des façades maritimes, en lien avec leur hinterland, autour d’une vision stratégique de leur développement pour les cinq ans à venir. Quel dommage que vous ne l’ayez fait il y a cinq ans ! En tout cas, les travaux sont en cours et devraient aboutir à la remise d’un rapport à l’été 2016.
Sans attendre, et en faisant preuve de beaucoup de détermination, notre collègue député Arnaud Leroy a déposé une proposition de loi au titre ambitieux, qui traite de « l’économie bleue ». Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale et est aujourd’hui examiné par notre assemblée. À ce stade, permettez-moi de saluer le travail sérieux et approfondi réalisé par M. le rapporteur, Didier Mandelli, et par M. le rapporteur pour avis, notre collègue Michel Le Scouarnec.
Globalement, la proposition de loi, enrichie des apports précieux du Sénat, va dans le bon sens. Le titre était-il pour autant mérité ? Je pense que l’heure n’est pas à la polémique : il y a urgence, et il ne faut pas minimiser la portée de mesures parfois modestes, mais utiles et attendues, notamment par les entreprises. En ces temps difficiles, j’ai tendance à voir le verre à moitié plein, car c’est meilleur pour le moral de nos entreprises et pour l’emploi de nos compatriotes !
Certes, on aurait espéré plus et mieux. Toutefois, il est ressorti des nombreuses auditions menées par Didier Mandelli, auxquelles il a bien voulu associer ses collègues de la commission du développement durable, que l’ensemble des professionnels concernés étaient impatients de voir se concrétiser quelques mesures simples et de bon sens, qui tendent à renforcer le secteur de l’armement maritime et des ports de commerce.
Faute de temps, je ne détaillerai pas ces mesures, d’autant qu’elles ont déjà été évoquées par les orateurs précédents et qu’elles le seront encore davantage par ceux qui me succéderont à cette tribune ainsi qu’au cours des débats. La proposition de loi a d’ailleurs été qualifiée de catalogue à la Prévert, ce qui explique qu’il soit impossible d’énumérer toutes les dispositions qu’elle contient. Nos débats y pourvoiront. Ce qui importe, c’est que ce catalogue, s’il est adopté avec les amendements et les améliorations proposés par le Sénat, est utile et urgent, je le répète.
Je terminerai mon intervention en affirmant l’intérêt que porte plus spécialement le groupe auquel j’appartiens à deux des mesures du texte. Il s’agit tout d’abord de la disposition figurant à l’article 3 quater, qui vise à élargir ce que l’on appelle l’autoliquidation de la TVA. Je n’y reviens pas dans le détail, mais nous sommes assez déterminés à trouver une solution à ce problème.
Je citerai ensuite la mesure prévue à l’article 8 et nommée net wage, qui correspond à une exonération totale des charges patronales. Là encore, je n’entrerai pas dans le détail du dispositif, mais il faut tout de même rappeler que le coût d’un marin français, à salaire égal, est supérieur de 20 % à celui d’un marin britannique et de 40 % à celui d’un marin italien.
Il est temps de conclure…
M. le président. Je vous le confirme !
M. Jérôme Bignon. La politique maritime de la France constitue un enjeu central, car il y va de la compétitivité, de la croissance, et donc de l’emploi de notre pays.
Cette politique concerne certes la mer, mais aussi la terre, au travers de son volet « aménagement du territoire », compte tenu de la nécessaire connectivité des moyens intermodaux. Si on ne pense qu’à la mer, on passe à côté du sujet. Si on ne pense qu’à la terre, il en va de même. Il faut donc réfléchir aux deux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. René Vandierendonck. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous n’avons de cesse de mettre en avant un patrimoine immense et remarquable, des acteurs économiques de grande qualité, une industrie innovante et respectueuse de l’environnement.
Malheureusement, et cela sera probablement dit à plusieurs reprises lors de l’examen de ce texte, les politiques menées depuis des années ne permettent pas à la France de s’assumer pleinement en tant que puissance maritime.
Que faisons-nous pour que cette économie puisse enfin offrir tout ce qu’elle promet ?
L’auteur de la proposition de loi pour l’économie bleue cherche à atteindre deux objectifs : non seulement améliorer la compétitivité des entreprises concernées, mais également simplifier et moderniser la réglementation applicable aux activités maritimes. Il s’agit de deux objectifs louables, et même fondamentaux.
Nous ne pouvons pas nier la sincérité de la démarche, mais je tiens à faire remarquer ici qu’une proposition de loi semble être un vecteur bien modeste eu égard aux immenses besoins du secteur.
Le Gouvernement aurait pu développer un véritable projet, avec pour ambition la définition d’une politique maritime intégrée. Il aurait pu s’inspirer des conclusions du Grenelle de la mer, qui avait été l’occasion d’une très large consultation sur ce sujet, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo.
Ces conclusions portaient sur l’ensemble des composantes d’une politique maritime : connaissances scientifiques, protection de l’environnement, développement des filières d’avenir, modernisation de la flotte. Mais l’on se contente depuis des années de lois d’ajustements techniques, juridiques et administratifs.
Je n’irai pas plus loin dans ce registre, mes chers collègues : nos rapporteurs, dont je salue le travail, ont su exprimer justement et précisément en quoi, sur ces questions, le manque d’ambition politique était criant en France. Je félicite tout particulièrement notre collègue vendéen Didier Mandelli pour son analyse et son travail de simplification de cette proposition de loi.
Le Sénat a procédé à des améliorations notables sur ce texte, et ce malgré un calendrier de travail inutilement contraint. C’est à se demander parfois si nous n’avons pas peur de prendre le temps de la réflexion…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
Mme Annick Billon. Nous souhaitons aller plus loin sur plusieurs points.
Le secteur des pêches maritimes est l’un des plus emblématiques de l’économie bleue. Les pêcheurs ont considérablement amélioré leurs pratiques et se sont adaptés aux nouvelles exigences en matière de gestion durable des ressources halieutiques. Malgré leurs efforts, malgré l’amélioration des stocks, malgré un prix du poisson stable, ce secteur connaît des difficultés qui tiennent avant tout à l’état de la flotte et au déficit de main-d’œuvre.
En métropole, nos marins pêcheurs travaillent sur des navires vieux de vingt-six ans en moyenne. C’est notamment le cas en Bretagne, comme le constate Michel Canevet. Faute de renouvellement de cette flotte, il n’est pas possible d’améliorer convenablement les performances, ce qui passe par une meilleure sélectivité tout en assurant la sécurité des équipages. De même, comment attirer des matelots et patrons, quand on connaît la vétusté des navires et le prix d’un navire neuf ?
C’est pour soutenir ce secteur que nous avons déposé plusieurs amendements visant à encourager la constitution de sociétés de pêche artisanale, à préciser la condition de moralité dans le recrutement des marins, notamment du chef mécanicien, à mieux intégrer la pêche à pied, à clarifier les règles sociales applicables aux marins pêcheurs, ou encore à encourager le développement des formations pratiques.
Parce que la protection de l’environnement doit également faire partie du développement d’une économie bleue, je veux mentionner ici un amendement déposé par Chantal Jouanno qui vise à réduire les émissions de polluants atmosphériques par les navires de croisière accostant dans les ports français, conformément à une recommandation du Grenelle de la mer.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Annick Billon. Je me félicite de l’instauration, par cette proposition de loi, d’un droit de port dévolu au financement des associations d’accueil des marins en escale.
J’ai eu l’occasion de rencontrer ces associations en Vendée. Elles font un travail remarquable au service de ces marins, en leur donnant accès à un lieu de partage, de détente et d’écoute. Cependant, elles affichent régulièrement des déficits, faute de moyens financiers pérennes. J’espère que cette nouvelle solution leur permettra de poursuivre leur action.
Je souhaite également, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que nos discussions sur cette proposition de loi nous donnent l’occasion d’évoquer l’application de la loi Littoral.
Cette loi repose sur un équilibre essentiel entre la protection de l’environnement littoral et le développement des activités économiques maritimes, dans un souci de développement durable. Un rapport rédigé par nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet a mis en avant plusieurs difficultés d’application de ce texte, qui conduisent notamment à ce que des collectivités littorales ne puissent plus se développer. Je suis régulièrement alertée sur des dérives touchant l’interprétation de ces dispositions, et je ne pense pas être la seule.
Par ailleurs, comment expliquer, si ce n’est par la lourdeur des règles applicables en la matière, que l’aquaculture ne soit pas plus développée en France ? Notre pays est le deuxième producteur européen de produits aquacoles, mais il peine à développer ses élevages marins. Il faut bien avoir à l’esprit les chiffres rappelés dans le rapport pour avis de notre collègue Michel Le Scouarnec : en 2030, la production aquacole devra avoir doublé pour pouvoir satisfaire la demande planétaire. Cela est possible, tout en préservant l’environnement.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi, sans être une grande réforme pour l’économie bleue, n’en demeure pas moins une initiative intéressante, qui sera utile aux acteurs concernés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par des remarques de méthode, eu égard à la procédure d’examen de ce texte, laquelle est particulièrement étrange, voire anormale.
En effet, tout nous conduit à affirmer qu’il s’agit d’un projet de loi, puisque, si la proposition de loi est examinée dans le cadre des niches parlementaires, son examen se poursuit, à la demande du Gouvernement, dans le cadre de la semaine de contrôle. L’utilisation d’une proposition de loi a l’avantage non négligeable d’exonérer le Gouvernement d’un avis en Conseil d’État et d’une étude d’impact, ce qui est regrettable sur un sujet aussi important.
Par ailleurs, ce texte a triplé de volume entre son dépôt et son examen par le Sénat. Tous les sujets sont abordés, de la sécurité aux conditions sociales, en passant par les conditions de fiscalité. Nous considérons que ces dispositions auraient mérité un examen par les autres commissions permanentes du Sénat ou qu’une commission spéciale aurait pu être créée.
J’en viens au contenu.
La politique maritime française est à la croisée des chemins, et le Président Hollande avait pris l’engagement d’agir pour son développement.
C'est un secteur qui souffre, qu’il s’agisse de la marine marchande ou de la pêche. Entre 2006 et 2012, 10 000 emplois ont été perdus selon l’INSEE. La situation est donc des plus préoccupantes. C’est ce que certains ont appelé l’« effacement maritime français ».
Depuis des décennies, nous assistons à la dégradation de l’emploi et des conditions sociales des gens de mer sous l’effet de l’intensification de la concurrence internationale et de la diminution des protections collectives.
Parallèlement, ces politiques ont conduit à la dégradation des écosystèmes marins par une exploitation excessive des ressources. À l’échelle du globe, les populations d’animaux marins ont diminué de moitié depuis 1970. La surpêche est une pratique courante, et peu de mesures sont prises pour y remédier.
Ajoutons qu’il s’agit d’un secteur où la politique communautaire est très forte, et basée essentiellement sur les principes de libre concurrence et de libre circulation. Il s’ensuit un fort dumping social et fiscal, accompagné par les politiques nationales.
Cette proposition de loi, dans la droite ligne du rapport Osons la mer, rendu en 2013 par Arnaud Leroy, son rapporteur à l’Assemblée nationale, vise à accroître la compétitivité de ce secteur avec toujours la même recette : plus de libéralisme et moins de réglementation. En témoigne notamment l’élargissement du recours au RIF, le registre international français, créé en 2005 et reconnu comme un pavillon de complaisance, alors que nous devrions au contraire promouvoir le premier registre.
Ces dispositions ont d’ailleurs été aggravées en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puisque des amendements revenant sur des aspects sociaux importants, comme la protection des délégués de bord ou encore la consultation des organisations syndicales, ont été adoptés.
Nous ne partageons pas cette philosophie et nous sommes particulièrement opposés à de nombreuses dispositions du titre Ier, qui, sous couvert de simplification et d’efficacité, sont en fait des régressions du droit social.
Nous contestons la logique selon laquelle la suppression des charges sociales permettrait de relancer l’emploi. Ces mêmes politiques sont menées depuis de nombreuses années dans tous les secteurs d’activité, sans qu’aucun effet sur l’emploi ne puisse être prouvé, des études en attestent. Pis, puisque nous trouverons toujours une main-d’œuvre moins chère ici ou là, c’est le cycle infernal du déclin qui est engagé.
Ces points fondamentaux fondent en grande partie notre position sur ce texte.
Pour relancer l’emploi maritime, les solutions sont donc ailleurs. La mer constitue un formidable gisement d’emplois et de ressources, à condition de prendre le tournant du développement durable.
Il faut, par exemple, s’engager vers plus d’intermodalité entre les différents modes de transports de marchandises. Les ports français doivent disposer des infrastructures permettant, une fois les marchandises débarquées, de poursuivre leur acheminement par train ou voie fluviale. Aujourd’hui, contrairement aux grands ports européens, nos ports ne disposent pas de ces infrastructures. Voilà une priorité pour l’action publique.
Autre possibilité de développement : la création d’une filière propre de démantèlement des navires.
Gagner en compétitivité, comme nous y invite cette loi, ce n’est pas libéraliser un peu plus. C’est surtout investir dans l’outil de production, dans les ports, les criées ; c’est investir dans la recherche pour la production de navires performants. Or cette proposition de loi n’aborde ces questions qu’à la marge, avec la création d’une commission des investissements au sein des conseils de développement des ports. Nous rappelons que c’est l’investissement public qui fait aujourd'hui cruellement défaut.
Nous regrettons par ailleurs que les dispositions visant à la création d’une flotte stratégique permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement aient été vidées de leur substance. Cette création, a fortiori sous pavillon du premier registre, aurait permis de conserver des compétences, une filière d’officiers et de marins français, ainsi qu’une flotte à la hauteur des besoins nationaux. À ce sujet, le décret paru récemment nous inquiète particulièrement, puisqu'aucune exigence n’est fixée. Nous proposerons par amendement de revenir sur ce point.
Le titre II, qui vise les pêches maritimes et les cultures marines, est pour sa part plutôt positif. Il permet une reconnaissance renforcée de l’aquaculture. Nous soutenons également les dispositions ayant trait à une meilleure traçabilité des produits de la mer.
Enfin, et pour conclure, nous contestons très fortement l’insertion de mesures destinées à lutter contre le terrorisme, qui n’ont rien à faire dans cette proposition de loi. Les questions de sécurité des installations et des navires sont trop importantes pour être traitées de cette manière, en mélangeant lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration illégale. Ces amalgames sont à nos yeux indignes.
Mme Éliane Assassi. Ils deviennent une habitude !
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, voilà, brièvement exposées, les raisons qui nous conduiront à voter contre cette proposition de loi. (Mme Éliane Assassi et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à saluer cette proposition de loi, qui s’inscrit dans l’ambition du Gouvernement de valoriser et de moderniser nos espaces maritimes. À l’heure où notre pays cherche des solutions d’avenir, tant pour la réduction du chômage que pour la préservation de nos conditions de vie, l’économie bleue apparaît comme une ressource porteuse de formidables potentialités économiques, énergétiques et environnementales.
Cette proposition de loi utile vient fort à propos, dans une période où il est urgent de réfléchir à la relance de notre économie et à nos performances dans ce monde concurrentiel qu’est l’économie maritime. Et nous, ultramarins, sommes bien placés pour en parler, étant donné les forts différentiels de compétitivité que nous subissons dans chacun de nos bassins régionaux.
La France est la deuxième puissance maritime au monde, et ce grâce à la présence – il n’est jamais inutile de le rappeler dans cet hémicycle – des outre-mer aux quatre coins du globe. En effet, 97 % de la zone économique exclusive se trouve en outre-mer. La stratégie politique de l’économie maritime est donc aussi essentielle pour nos territoires qu’elle est vitale pour la France.
Cette proposition de loi prend en compte l’ensemble des secteurs liés à l’économie maritime. Mon excellente collègue Odette Herviaux ayant déjà évoqué le titre Ier, j’ai plus précisément porté mon attention sur le titre II, qui vise à « soutenir les pêches maritimes et les cultures marines », et sur les quelques dispositions spécifiques aux outre-mer.
Les différentes mesures visant à renforcer la place de l’aquaculture dans notre politique des pêches et à moderniser la gouvernance des comités de pêche, notamment par la création d’un fonds d’indemnisation des pertes économiques, sont très positives. Ce fonds de mutualisation est une assurance nécessaire pour des professions soumises aux aléas climatiques, plus encore dans nos régions ultrapériphériques fréquemment touchées par des phénomènes météorologiques extrêmes. Les répercussions de ces mesures sur l’emploi, la qualité de vie et le développement de l’activité des professionnels de ces filières seront notables. Les moyens mis au service d’une aquaculture durable sont également à saluer.
Le travail mené par nos collègues députés ultramarins, notamment Huguette Bello et Serge Letchimy, avec le rapporteur à l’Assemblée nationale Arnaud Leroy, a permis de faire reconnaître dans cette proposition de loi les spécificités des outre-mer, notamment en accordant à leurs collectivités un rôle important en matière de gestion des ressources halieutiques. Je tiens donc à les remercier pour ces avancées, car, hélas ! une fois de plus, le texte initial ne faisait que très peu référence aux outre-mer, pourtant si stratégiques.
J’espère que le Sénat fera également preuve d’écoute s’agissant de nos contraintes et problématiques particulières, afin d’avancer plus avant encore dans la valorisation de nos territoires, où la pêche est un enjeu fondamental, y compris en Guyane, seul territoire non insulaire. Je rappelle que la pêche ultramarine représente une part importante de l’activité nationale de pêche, avec près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins pêcheurs.
Même si les principales lignes dans ce domaine sont déterminées par la politique commune de la pêche, la PCP, nous aurons l’occasion, lors de nos débats, d’évoquer et de préciser certaines particularités, comme l’état de la ressource, la structure de la flotte ou encore les techniques de pêche et la sociologie du monde de la pêche. Comme dans d’autres domaines économiques, cette activité est marquée par la diversité des situations, selon les bassins maritimes et les collectivités considérées, et par de fortes différences avec les pratiques de pêche des flottes hexagonales.
J’insisterai encore sur un point : l’enjeu est crucial pour les collectivités ultramarines, dont le rôle dans la valorisation des espaces maritimes a toujours été minoré. La faute en incombe peut-être, pour partie, aux outre-mer eux-mêmes, qui, à l’exception de la Polynésie, sont historiquement et culturellement tournés vers leurs territoires terrestres.
Le Gouvernement doit veiller à définir une vision intégrée, en concertation avec tous les partenaires concernés, notamment les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins. Il doit également associer plus avant les outre-mer à la définition d’une stratégie maritime, alors même qu’ils sont en première ligne dans tous les océans. Je l’invite notamment à se référer au rapport d’avril 2014 de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, intitulé Les zones économiques exclusives ultramarines : le moment de vérité, qui s’employait à tracer des perspectives stratégiques pour le court, le moyen et le long terme.
Ces potentialités exceptionnelles ne doivent pas être négligées : notre pays ne doit pas rester une grande puissance maritime qui s’ignore. Les moyens mis au service de l’enseignement maritime et de la recherche sont des leviers cruciaux pour la préservation et l’exploitation raisonnée des océans. Des ressources halieutiques au développement de l’aquaculture, en passant par l’exploitation des énergies marines renouvelables, la recherche constitue le premier maillon d’un cercle vertueux, porteur de croissance et d’emplois pour nos outre-mer et notre pays tout entier. Dans un contexte mondial où l’avenir de l’humanité se joue sur les océans, nous avons le devoir et l’impérieuse obligation de les faire fructifier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si, d’un point de vue géographique, la vocation maritime de la France semble une évidence, force est de constater que ce potentiel n’a jamais été véritablement pris en compte.
La proposition de loi pour l’économie bleue qui nous rassemble aujourd’hui aurait pu nous donner l’occasion de traiter l’un des prochains défis de notre pays : l’inscription durable des ports français dans les échanges maritimes mondiaux. Aujourd’hui, 72 % des importations et exportations de la France s’effectuent par voie maritime. Or le port le plus actif ne se situe pas en France ; il se trouve en Asie, à Singapour.
La mondialisation des échanges, la masse des volumes échangés, l’augmentation de la taille des navires, la fusion des grands transporteurs maritimes, le rôle capital des ports dans les chaînes logistiques et l’émergence de grands opérateurs de terminaux ont fortement fait évoluer la cartographie portuaire. La concurrence se situe donc désormais, non plus à l’échelle régionale, mais à l’échelle européenne et mondiale. Nous devons aujourd’hui changer de paradigme et prendre la mesure de ces enjeux.
Le défi majeur que nos ports et nos territoires ont à relever nous invite à réfléchir sur trois points particuliers.
Premier point : la nécessité d’élaborer et de porter une véritable stratégie maritime et portuaire pour la France.
Au mois de janvier dernier, les opérateurs, mais aussi la direction et le conseil de surveillance du port du Havre lançaient un appel au Président de la République en faveur d’un plan Marshall pour les ports. Cet appel, très significatif de par son intitulé, en dit long sur leur demande : des investissements à long terme, adaptés à la demande des clients consommateurs ; une dynamique créée par une stratégie ambitieuse, visant à inscrire les grands ports français dans le classement des ports internationaux.
La nécessité d’une stratégie maritime et portuaire à l’échelle nationale est évidente. Il s’agit de transcender les problématiques locales pour inscrire chaque territoire et chaque port dans un schéma global leur offrant la capacité de saisir de nouvelles opportunités et de s’intégrer à la compétition mondiale. L’État devrait non seulement remplir cette mission d’impulsion et de coordination entre les différents acteurs, mais aussi faire office de négociateur à l’échelle européenne et internationale dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de captation des flux de marchandises au bénéfice de nos ports français.
Deuxième point : la qualité de la connexion des ports aux réseaux de transport.
Comme cela a déjà été évoqué, à juste titre, l’économie maritime ne peut être envisagée sans l’économie terrestre : le développement d’un port dépend avant tout de son hinterland. Aussi une vision stratégique nationale et européenne est-elle essentielle pour concevoir des investissements cohérents au regard des territoires, de l’attractivité des zones portuaires, du lien avec l’hinterland et des grands axes d’échanges à l’échelle de l’Europe et de la planète. Le développement des réseaux routiers, fluviaux et ferroviaires est crucial pour la compétitivité des ports. Par exemple, la modernisation de la ligne ferroviaire entre Serqueux et Gisors est, en Normandie, un point prégnant pour relier les ports de l’axe Seine, notamment celui du Havre, à l’hinterland européen et leur donner l’envergure aujourd'hui nécessaire.
Troisième point : l’adaptation de la gouvernance, élément à part entière de la compétitivité de nos ports.
La question est particulièrement complexe, car elle mêle à la fois des intérêts divergents – publics ou privés – et des problématiques d’occupation du domaine public et de réserves foncières. Elle traduit aussi, comme mon collègue Charles Revet l’a justement souligné, le passage d’un modèle du « port outil », dans lequel l’autorité portuaire assurait elle-même les activités d’exploitation et de manutention, au modèle du « port propriétaire », caractérisé par une distinction nette entre l’autorité portuaire publique, gérant les infrastructures, l’aménagement et la politique tarifaire, et le secteur privé, chargé des services portuaires.
La gouvernance a été refondée en 2008. Il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin, en associant les acteurs privés à la définition du projet stratégique et des projets d’investissements. La nouvelle commission des investissements, telle que prévue par l’article 3 de la proposition de loi, réunira opérateurs privés et acteurs publics autour de cette définition de projets. C’est une évolution qui me paraît aller dans le bon sens, dans la mesure où elle contribue à l’élaboration d’une politique de long terme. La question essentielle reste, bien entendu, celle de l’équilibre entre les acteurs : d’une part, entre les acteurs publics et privés – grâce à la parité au sein des grandes instances – et, d’autre part, entre les acteurs publics nationaux et locaux.
L’évolution des enjeux portuaires impose une gouvernance fondée sur le dialogue permanent et la construction des projets locaux des ports, ces projets devant s’inscrire dans une politique maritime et portuaire ambitieuse, portée au niveau national. C’est en travaillant en synergie que nous relèverons le défi de la mondialisation portuaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer le travail réalisé par notre rapporteur, Didier Mandelli. Ce dernier a procédé à de nombreuses auditions, qu’il a ouvertes à ses collègues de la commission du développement durable et du groupe d’études mer et littoral, et j’ai eu beaucoup de plaisir, je dois le dire, à participer à bon nombre d’entre elles.
Notre rapporteur a rappelé, comme c’est d’ailleurs souvent fait, que l’économie maritime est un atout majeur pour notre pays et une formidable source de croissance et d’emplois, pour peu qu’il y ait une volonté gouvernementale. Or, au lieu d’un grand texte porteur pour le développement économique de toute la filière, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, a opté pour une politique des petits pas.
Voici donc le troisième texte, depuis 2012, à porter sur l’économie maritime ! Auparavant, il y avait eu la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, pour laquelle notre collègue Odette Herviaux avait assuré la charge de rapporteur au nom de notre commission, et la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes, sur laquelle j’avais eu l’honneur d’être nommé rapporteur.
À nouveau, c’est une proposition de loi… Encore une façon, pour le Gouvernement, de contourner l’exigence de réalisation d’une étude d’impact préalable, exigence associée aux seuls projets de loi ! Au moment de l’examen par notre assemblée de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes, j’avais souligné combien cette absence d’étude d’impact était à mon sens regrettable ; je le signale une nouvelle fois aujourd’hui.
Il me semble que la France possède, non pas le deuxième, mais le premier domaine maritime mondial après celui des États-Unis. Mais je ne confonds pas domaine maritime et puissance maritime : ce sont des notions très différentes ! Notre pays est en tout cas loin d’en tirer la valorisation écologique, économique et touristique à laquelle il pourrait prétendre. Doit-on rappeler que ce territoire maritime est d’ailleurs essentiellement extra-métropolitain ? Cela a été dit par plusieurs orateurs.
Ce gisement de richesses exigerait que l’on examine un texte global, s’appuyant sur une vision stratégique, dont l’origine serait clairement gouvernementale et les enjeux pesés au travers d’études d’impact. Le secteur aurait sans doute aussi besoin d’un ministre dédié, tant les problématiques liées à la mer sont nombreuses. Il faudrait également, par exemple, qu’une liste des différents régimes d’autorisations délivrées par l’État soit systématiquement établie.
Malgré tout, cette proposition de loi sera utile aux acteurs de la filière. Il y est question de simplification de procédures, de lutte contre le dumping social, d’élargissement du périmètre des exonérations de charges sociales bénéficiant au secteur maritime. Le texte a été en outre considérablement enrichi par les amendements de notre rapporteur, Didier Mandelli, dans le sens de la simplification, pour alléger le quotidien des professionnels concernés et, surtout, renforcer la compétitivité française.
Évidemment, le Gouvernement manque d’ambition – je ne suis pas le premier à le dénoncer. Le fait que celui-ci ait engagé la procédure accélérée et, donc, imposé une seule lecture ne permet pas de transformer, par voie d’amendements, la nature d’un texte qui, malheureusement, ne crée pas les conditions d’une exploitation optimale de notre domaine maritime. Pour ma part, j’ai déposé un amendement sur le développement des bateaux amphibies, un amendement sur le sujet ayant été trop rapidement abordé et rejeté à l’Assemblée nationale. Nous en reparlerons tout à l’heure. J’ai également déposé deux amendements au sujet de la mise en place et du financement de la filière de déconstruction des navires créée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Pour conclure, je dirai un mot de la protection du littoral, qui n’est pas abordée par ce texte – sans doute n’était-ce d’ailleurs pas sa vocation…
Loin de moi la volonté de remettre en cause la loi Littoral, dont l’intitulé exact, je le rappelle, était loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Bon nombre de rapports sur le sujet ont été produits. Le dernier, l’excellent rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, est resté comme beaucoup dans les tiroirs des ministères, suivant les volontés de certains fonctionnaires de la haute administration.
Monsieur le secrétaire d’État, les maires des communes littorales – en dehors des grandes villes, pour lesquelles le sujet est moins prégnant –, chargés de délivrer les documents d’urbanisme, n’en peuvent plus d’être dans une insécurité juridique permanente. Ce n’est pas aux tribunaux administratifs de se substituer au législateur ! La commune de Penvénan, dans mon département, qui compte 2 600 habitants, a une indemnité se comptant en millions d’euros en guise d’épée de Damoclès au-dessus de la tête, dans l’attente d’un jugement. Je ne prends que cet exemple, mais il y en a quantité d’autres partout sur le littoral.
La raison doit l’emporter. Nous devons préciser les quatre ou cinq points qui posent problème dans l’application de cette loi, suite aux décisions des tribunaux administratifs souvent contradictoires. Les associations d’élus le souhaitent. Une large majorité pourrait se dégager au Sénat, car, bien entendu, ce sujet touche les maires, toutes sensibilités confondues.
Je m’emploie donc, dans le cadre du groupe d’études mer et littoral du Sénat, avec les associations concernées, à proposer des améliorations et des précisions dans la loi pour que celles et ceux qui délivrent des certificats d’urbanisme disposent d’une sécurité, tant sur le plan juridique qu’en matière d’indemnisation pour leur commune. J’espère vivement que le Gouvernement sera attentif à notre démarche, absolument indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, pendant que se déroulaient nos débats, nous avons appris le décès de Claude Estier, qui a longtemps siégé au sein de la Haute Assemblée. Cet ancien député était effectivement, aussi, un ancien sénateur et s’est illustré dans cette enceinte comme président du groupe socialiste.
Je suppose que le Sénat aura l’occasion de lui rendre hommage, mais je voulais, alors que la nouvelle vient à peine de tomber, avoir une pensée pour lui, pour vous tous, élus du Sénat, et pour sa famille. Je pense que nous pouvons tous nous retrouver dans cet hommage, non seulement ceux qui étaient pour lui des compagnons de route, mais aussi ceux qui étaient pour lui des compagnons de débat.
Claude Estier a servi le Parlement, et tout particulièrement le Sénat. Il a donné, me semble-t-il, une image très positive de l’action politique, de l’action publique et de l’institution sénatoriale. C’est pourquoi je tenais, et je pense pouvoir le faire en votre nom, à lui rendre cet hommage.
Au cours de la discussion générale, vous vous êtes tous posé la même question : pourquoi la France, malgré ses particularités naturelles, accuse-t-elle un tel retard dans le domaine de l’économie maritime, de l’économie bleue ? Cette question n’est pas nouvelle. Chacun se souvient de ce mot du général de Gaulle, alors que Michel Debré lui proposait la création d’un ministère de la mer : « Et pourquoi pas un ministère de la terre ? »
Monsieur le rapporteur, j’étais quelque peu inquiet en entendant le début de votre intervention, très politique – disons-le ainsi. Mais, dans un éclair de lucidité, je suis revenu de ma première réaction lorsque vous avez indiqué, mettant fin à ce début de contentieux entre nous, que vous souhaitiez que nous sortions de cette inertie qui dure depuis dix ans. De toute évidence, je ne peux objectivement assumer la responsabilité politique que de quatre de ces dix années… Je vous remercie donc de partager le fardeau avec le Gouvernement. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le rapporteur pour avis, je suis d’accord avec ce que vous avez dit au sujet du renouvellement de la flotte. Vous l’avez rappelé, je l’ai moi-même dit à plusieurs reprises ces derniers jours, la conjoncture est actuellement positive : les prix sont hauts, les résultats des criées sont bons et le moment est donc venu – je suis d’accord avec vous – de parler des investissements, force étant de constater avec vous que la flotte est très vieillissante. Pour une fois, nous avons malgré tout de bonnes nouvelles : ces derniers mois, de nombreux projets de construction de bateaux sont en cours, même si se posent des problèmes d’ingénierie financière, qu’il faudra bien traiter.
Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, vous avez évoqué cette question très importante de l’autoliquidation de la TVA à l’importation dans les ports, mesure introduite dans le texte par les députés. Le débat entre nous ne porte pas sur le fond ; il porte sur les modalités de mise en œuvre de cette mesure techniquement complexe, auxquelles réfléchit le ministère du budget. Je pense que nous pourrons parvenir à une solution.
Madame Herviaux, je vous remercie d’avoir souligné les progrès significatifs de ce texte pour les gens de mer.
Monsieur Desessard, vous avez indiqué que 40 % des stocks de poissons sauvages étaient surexploités en Europe. Certes, c’est vrai à peu de chose près, mais cela signifie par déduction que 60 % des stocks ne le sont pas ! Je me permets de relever ce chiffre, car les médias ont relayé aujourd’hui une polémique qu’a lancée une association à la suite de propos que j’avais tenus. Je le dis une nouvelle fois : grâce à la politique européenne de la pêche, des progrès considérables ont été réalisés et 60 % à 70 % des espèces sont durablement préservées. Ce n’est pas rien, même s’il existe une marge de progression. En tout cas, je vous remercie d’avoir rétabli la vérité des chiffres.
Monsieur Arnell, je partage ce que vous avez dit sur les objectifs en matière d’énergies renouvelables, lesquelles ont toute leur place dans le débat d’aujourd’hui.
Comme Jérôme Bignon, je préfère voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide. C’est pourquoi celui-ci a adopté une tonalité positive en rappelant des choses essentielles, notamment l’importance du transport maritime. Néanmoins, il a lui aussi émis un certain nombre de critiques, sans doute dans le cadre d’un travail en commun avec M. le rapporteur, si j’en juge les propos qu’il a tenus mot pour mot, s’adressant à moi : « Quel dommage que vous ne l’ayez fait il y a cinq ans ! » Il y a cinq ans, c'est-à-dire en mars 2011, je n’étais pas vraiment en mesure de faire quoi que ce soit…
Madame Billon, je souscris à ce que vous avez dit sur la production aquacole.
M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Beaucoup d’entre vous ont évoqué cette question, et il est vrai que nous sommes confrontés là à une vraie difficulté. L’une des explications à ces carences économiques est probablement à chercher dans la trop grande complexité des procédures administratives, qui se révèlent dissuasives pour les opérateurs.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je rassure Évelyne Didier : l’objectif du Gouvernement n’est pas de favoriser un quelconque dumping social, c’est même exactement le contraire, comme vous le verrez tout à l’heure lors de l’examen des amendements. Il peut y avoir de vieux combats, celui contre le RIF, par exemple, combat qui appartient quasiment à l’histoire, mais, à travers le RIF, il s’agit quand même de défendre la situation de 3 500 marins français.
Je partage ce qu’a dit Serge Larcher sur la spécificité des outre-mer et sur la nécessité, probablement, de faire preuve d’un peu plus de dynamisme dans les réponses à leur apporter eu égard à leurs perspectives économiques. Je n’oublie pas non plus la dimension sociale.
Mme Canayer a évoqué la modernisation de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors, afin de l’ouvrir au fret, notamment dans la perspective de la mise en service du canal Seine-Nord Europe et des difficultés éventuelles qui pourraient en résulter pour Le Havre. Sachez que je viens de lancer l’enquête publique. Il faut toutefois savoir que, sur la partie francilienne de cette ligne, nous allons être confrontés à un mouvement de protestation extrêmement important suscité par la circulation parfois nocturne des trains. De fait, il sera difficile de faire accepter ce projet, qui est majeur sur le plan économique. C’est pourquoi nous aurons besoin du soutien de l’ensemble des élus pour que celui-ci ne se perde pas – cela me permet de faire la transition avec les propos de M. Vaspart – dans des méandres juridiques.
La responsabilité de cette insécurité juridique permanente, monsieur Vaspart, n’incombe pas simplement à la loi Littoral, mais globalement à la multiplication des recours, qui provoquent bien des retards dans la mise en œuvre des grands projets d’infrastructures dans notre pays – cette inquiétude, nous pouvons aussi l’avoir pour la ligne Serqueux-Gisors. Or la France doit faire tous les efforts possibles pour se doter de grandes infrastructures, notamment pour atteindre ses objectifs en matière de report modal – fluvial ou ferroviaire. À cet égard, il y a un intérêt juridique, économique, social et environnemental à accélérer les procédures.
Le débat qui vient de se dérouler a permis, sans surprise, mais d’une manière très complète, à chacun de faire part de sa réflexion. Certes, nous n’allons pas tout régler avec ce texte – ce n’est sans doute pas la grande loi que vous attendiez –, mais, avec humilité, nous pourrons ensemble faire œuvre utile et chacun pourra constater au terme de son examen que nous aurons bien travaillé, pour le bien de l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d’avoir évoqué la mémoire du président Claude Estier, qui nous a quittés ce matin, et je m’associe à vos propos. Un hommage lui sera rendu mardi prochain, à la reprise de la séance, à quatorze heures trente.
10
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Ce matin, lors du scrutin n° 173, ma collègue Marie-Christine Blandin a été inscrite comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
11
Économie bleue
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour l’économie bleue
TITRE IER
RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DES EXPLOITATIONS MARITIMES ET DES PORTS DE COMMERCE
Chapitre Ier
Simplifier les procédures administratives
Article 1er
(Non modifié)
La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 5000-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5000-5. – La définition de la jauge des navires et son expression en unités de mesure sont effectuées :
« 1° Pour les navires à usage professionnel qui ne sont pas des navires de pêche :
« a) Si leur longueur est supérieure ou égale à vingt-quatre mètres, conformément à la convention internationale du 23 juin 1969 sur le jaugeage des navires ;
« b) Si leur longueur est inférieure à vingt-quatre mètres, selon une méthode simplifiée définie par voie réglementaire ;
« 2° Pour les navires de pêche :
« a) Si leur longueur est supérieure ou égale à vingt-quatre mètres, conformément à la convention internationale du 23 juin 1969 sur le jaugeage des navires et aux règlements européens relatifs à leur jaugeage ;
« b) Si leur longueur est inférieure à vingt-quatre mètres, conformément aux règlements européens relatifs à leur jaugeage. » ;
2° L’article L. 5111-1 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par les mots : « , indiqué par le certificat d’immatriculation » ;
b) Le 4° est complété par les mots : « , défini en unités de jauge en application de l’article L. 5000-5 du présent code » ;
3° Après le chapitre II du titre Ier du livre Ier, il est inséré un chapitre II bis intitulé « Jaugeage des navires » et comprenant l’article L. 5112-2 ;
4° L’article L. 5112-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5112-2. – I. – Les navires battant pavillon français sont jaugés s’il s’agit :
« 1° De navires à usage professionnel ;
« 2° Ou de navires de plaisance à usage personnel dont la longueur, au sens de la convention internationale du 23 juin 1969 sur le jaugeage des navires, est supérieure ou égale à vingt-quatre mètres.
« II. – À l’exception des navires mentionnés au III, les navires mentionnés au I doivent disposer d’un certificat de jauge.
« Les certificats de jauge sont délivrés, selon le cas, par l’autorité administrative ou par des sociétés de classification habilitées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La délivrance du certificat de jauge peut donner lieu à la perception d’une rémunération.
« Les certificats de jauge peuvent faire l’objet de mesures de retrait.
« III. – La jauge des navires à usage professionnel qui ne sont pas des navires de pêche et dont la longueur, au sens de la convention internationale du 23 juin 1969 sur le jaugeage des navires, est inférieure à vingt-quatre mètres, fait l’objet d’une déclaration par les propriétaires.
« Cette déclaration vaut certificat de jauge.
« Toute déclaration frauduleuse est punie des peines prévues à l’article 441-1 du code pénal. » ;
5° Le chapitre II bis du titre Ier du livre Ier, tel qu’il résulte du 3°du présent article, est complété par un article L. 5112-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 5112-3. – Les navires de plaisance à usage personnel dont la longueur, au sens de la convention internationale du 23 juin 1969 sur le jaugeage des navires, est inférieure à vingt-quatre mètres ne sont pas jaugés. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis A
(Non modifié)
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le I des articles 219 et 219 bis est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
b) Le 2° du I est ainsi modifié :
– au A, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
– le même A est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si le navire est détenu en copropriété, chacun des gérants doit résider en France ou, s’il y réside moins de six mois par an, y faire élection de domicile ; »
– au premier alinéa et à la première phrase du second alinéa du B, au C et aux a et c du D, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
– il est ajouté un E ainsi rédigé :
« E. – Soit être affrété coque nue par :
« a) Une personne physique remplissant les conditions de nationalité et de résidence définies au A ;
« b) Ou une société remplissant les conditions de nationalité, de siège social ou d’établissement stable définies au B ; »
2° L’article 219 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « décret », la fin du 3° du I est ainsi rédigée : « lorsque, dans l’une des hypothèses prévues au 2°, les droits des personnes physiques ou morales remplissant les conditions de nationalité, de résidence, de siège social ou de principal établissement définies au même 2° ne s’étendent pas à la moitié mais au quart au moins du navire et, en outre, à la condition que la gestion du navire soit assurée par ces personnes elles-mêmes ou, à défaut, confiée à d’autres personnes remplissant les conditions prévues aux A ou B dudit 2°. » ;
b) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – La francisation d’un navire affrété coque nue peut être suspendue par gel du pavillon français à la demande de l’affréteur qui souhaite faire naviguer ce navire sous pavillon étranger pendant la durée du contrat d’affrètement.
« La francisation ne peut être suspendue qu’avec l’accord préalable des créanciers hypothécaires et à condition que la législation de l’État qui serait pour la durée du contrat l’État du pavillon ne permette pas dans de tels cas l’inscription sur ses registres de nouvelles hypothèques.
« L’hypothèque consentie sur un navire dont la francisation est suspendue demeure inscrite au siège de la conservation hypothécaire. » ;
3° L’article 219 bis est ainsi modifié :
a) Après le mot : « décret », la fin du 3° est ainsi rédigée : « lorsque, dans l’une des hypothèses prévues au 2°, les droits des personnes physiques ou morales remplissant les conditions de nationalité, de résidence, de siège social ou de principal établissement définies au même 2° ne s’étendent pas à la moitié mais au quart au moins du navire. » ;
b) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – La francisation d’un navire affrété coque nue peut être suspendue par gel du pavillon français à la demande de l’affréteur qui souhaite faire naviguer ce navire sous pavillon étranger pendant la durée du contrat d’affrètement.
« La francisation ne peut être suspendue qu’avec l’accord préalable des créanciers hypothécaires et à condition que la législation de l’État qui serait pour la durée du contrat l’État du pavillon ne permette pas dans de tels cas l’inscription sur ses registres de nouvelles hypothèques.
« L’hypothèque consentie sur un navire dont la francisation est suspendue demeure inscrite au siège de la conservation hypothécaire. » ;
4° L’article 241 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , sauf s’ils ont été francisés parce qu’ils remplissent les conditions définies au E du 2° du I des articles 219 ou 219 bis » ;
b) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
c) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent être grevés que d’hypothèques conventionnelles. » ;
5° Le 1 de l’article 251 est complété par les mots : « , à l’exception de la suspension de la francisation mentionnée au III de l’article 219 et au II bis de l’article 219 bis ».
II. – La loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « douanes », la fin de l’article 3 est supprimée ;
b) Les articles 43 et 57 sont abrogés.
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le 3° du I est ainsi rédigé :
« 3° Indépendamment des cas prévus au 2°, la francisation d'un navire de commerce ou de plaisance peut être accordée par agrément spécial dans des conditions fixées par décret lorsque, dans l'une des hypothèses prévues au même 2°, les droits des personnes physiques ou morales remplissant les conditions de nationalité, de résidence, de siège social ou de principal établissement définies audit 2° ne s'étendent pas à la moitié mais au quart au moins du navire et, en outre, à la condition que la gestion du navire soit assurée par ces personnes elles-mêmes ou, à défaut, confiée à d'autres personnes remplissant les conditions prévues aux A ou B du même 2°. » ;
II. – Alinéa 20
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le 3° du I est ainsi rédigé :
« 3° Indépendamment des cas prévus au 2°, la francisation d'un navire armé à la pêche peut être accordée par agrément spécial dans des conditions fixées par décret lorsque, dans l'une des hypothèses prévues au même 2°, les droits des personnes physiques ou morales remplissant les conditions de nationalité, de résidence, de siège social ou de principal établissement définies audit 2° ne s'étendent pas à la moitié mais au quart au moins du navire. » ;
III. – Alinéa 32
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) L'article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Les règles de francisation des navires sont fixées par les articles 219 et 219 bis du code des douanes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Sagesse.
M. Jean Desessard. Ça va plus vite qu’hier ! (Sourires.)
Article 1er bis B
Le 2° du I de l’article 219 du code des douanes est complété par un F ainsi rédigé :
« F. – Soit être un navire dont la gestion commerciale et nautique remplit les critères suivants :
« a) Elle est effectivement exercée depuis la France par un établissement stable de la société propriétaire ou d’une société française liée contractuellement avec le propriétaire pour en assurer la gestion nautique et commerciale ;
« b) Le gestionnaire de navire, responsable de son exploitation, est détenteur d’un document de conformité en application du code international de gestion de la sécurité et remplit les conditions de nationalité, de résidence, de siège social ou de principal établissement définies aux A ou B ; ».
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
commerciale et
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
et commerciale
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Il nous semble utile de préciser que les conditions de francisation des navires sont réunies si l’entreprise dispose de leur gestion nautique, et non obligatoirement de leur gestion commerciale.
L'article 219 du code des douanes, qui fixe les conditions requises pour obtenir la francisation, mentionne les notions de « direction et de contrôle du navire » à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français. Les notions de « direction et de contrôle du navire » ne sont pas définies, mais s’interprètent comme étant l’« administration du navire ».
L'objectif de ces mesures est d'établir un lien entre le responsable du navire et le territoire français, conformément à l'article 91 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, qui exige l'existence d'un lien substantiel entre le navire et l'État de son pavillon.
La gestion nautique d'un navire consiste à rendre celui-ci opérationnel pour qu'il puisse naviguer en toute sécurité. La gestion commerciale, quant à elle, consiste en la recherche de contrats de transport et en la prise en charge des coûts inhérents à l'exploitation commerciale du navire.
Les notions de « direction et de contrôle du navire » s'entendent plus spécifiquement comme relevant de la gestion nautique, la gestion commerciale apparaissant comme secondaire du point de vue de l’existence d’un lien substantiel entre le navire et l'État de son pavillon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement lui ayant été transmis trop tardivement, la commission n’a pas pu l’examiner.
La suppression de la référence à la gestion commerciale, comme condition cumulative avec la gestion nautique, facilitera la francisation des navires qui sont concrètement gérés depuis la France par un établissement stable. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis B, modifié.
(L'article 1er bis B est adopté.)
Article 1er bis C
(Non modifié)
La section 5 du chapitre Ier du titre IX du code des douanes est ainsi modifiée :
1° À l’article 237, après le mot : « étranger », sont insérés les mots : « de plaisance ou de sport dont des personnes physiques ou morales, quelle que soit leur nationalité, ayant leur résidence principale ou leur siège social en France, sont propriétaires ou ont la jouissance et » ;
2° L’article 238 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Le passeport délivré aux navires mentionnés à l’article 237 donne… (le reste sans changement). » ;
b) À la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « d’assistance administrative en vue de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales et douanières » sont remplacés par les mots : « fiscale comportant une clause d’échange de renseignements ou d’accord d’échange de renseignements ou qui figure sur la liste mentionnée au second alinéa du 1 de l’article 238-0 A du code général des impôts ». – (Adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre IX du code des douanes est complété par un article 220 bis ainsi rédigé :
« Art. 220 bis. – Un navire ne remplissant plus l’une des conditions requises pour obtenir la francisation, mentionnées aux articles 219 ou 219 bis, est radié d’office du registre du pavillon français par l’autorité compétente.
« Un navire ne peut pas être radié d’office s’il fait l’objet d’une hypothèque. » – (Adopté.)
Article 1er ter A
(Non modifié)
L’article 231 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « partie » est remplacé par le mot : « part » et le mot : « contenir » est remplacé par le mot : « indiquer » ;
b) Au a, les mots : « et la désignation » sont remplacés par les mots : « , le type et le modèle » ;
c) Le c est remplacé par des c à e ainsi rédigés :
« c) Le bureau des douanes du port d’attache ;
« d) La date et le numéro d’immatriculation ;
« e) L’année de construction du navire et le type de construction, en précisant si la construction a été réalisée par l’armateur ou par un professionnel. » ;
2° Après le mot : « navire », la fin du 2 est supprimée. – (Adopté.)
Article 1er ter B
(Non modifié)
I. – L’article 247 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 1, après le mot : « dates », sont insérés les mots : « , heures et minutes » ;
2° Au 2, après le mot : « jour », sont insérés les mots : « , à la même heure et la même minute » et les mots : « , quelle que soit la différence des heures de l’inscription » sont supprimés.
II. – L’article 51 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer est abrogé. – (Adopté.)
Article 1er ter C
I. – Le 6 de la section 7 du chapitre Ier du titre IX du code des douanes est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Contribution de sécurité de la propriété maritime et responsabilité en matière d’hypothèque maritime » ;
2° L’article 252 est ainsi rédigé :
« Art. 252. – Les attributions conférées à l’administration des douanes et droits indirects en matière d’hypothèque maritime sont exercées par le service comptable des douanes territorialement compétent, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« La direction de la conservation des hypothèques maritimes est assurée par le chef du poste comptable territorialement compétent ou, pour la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Nouvelle-Calédonie, par le chef de circonscription.
« La liste des conservations des hypothèques maritimes est fixée par arrêté du ministre chargé des douanes. » ;
3° Il est ajouté un article 252 bis ainsi rédigé :
« Art. 252 bis. – L’État est responsable du préjudice résultant des fautes commises par chaque service chargé des hypothèques maritimes dans l’exécution de ses attributions.
« L’action en responsabilité de l’État est exercée devant le juge administratif et, à peine de forclusion, dans le délai de quatre ans à compter du jour où la faute a été commise. » ;
4° (nouveau) Il est ajouté un article 252 ter ainsi rédigé :
« Art. 252 ter. – La conservation des hypothèques maritimes territorialement compétente perçoit la contribution de sécurité de la propriété maritime lors de l’inscription hypothécaire ou de son renouvellement.
« Cette contribution est fixée à 0,05 % du capital des créances donnant lieu à l’hypothèque, quel que soit le nombre de navires sur lesquels il est pris inscription. Toutefois, dans le cas où les navires affectés à la garantie d’une même créance sont immatriculés dans des ports dépendant de conservations différentes, la contribution de sécurité de la propriété maritime est due au conservateur de chacun des ports. »
II (nouveau). – Les articles 1er à 3 du décret n° 69-532 du 28 mai 1969 fixant les remises et salaires attribués aux conservateurs des hypothèques maritimes sont abrogés.
III (nouveau). – La perte de recettes pour l’État résultant du II du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 138, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. La suppression de l’alinéa 5 vise à tenir compte de la non-application du code des douanes dans les territoires initialement visés.
En Polynésie française, les dispositions du code des douanes modifiées ont été rendues applicables par le code des douanes local. Du fait de la compétence de cette collectivité en la matière, elle seule pourra décider de l’application ou non des modifications introduites par la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Là encore, cet amendement n’a pas pu être examiné par la commission.
À titre personnel, j’émets un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter C, modifié.
(L'article 1er ter C est adopté.)
Article 1er ter D
(Non modifié)
Le début du 3 de l’article 285 du code des douanes est ainsi rédigé : « En application du titre II du livre III de la cinquième partie du code des transports, il peut… (le reste sans changement). » – (Adopté.)
Article 1er ter E
Le chapitre VI de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article 43 A ainsi rédigé :
« Art. 43 A. – Les règles relatives aux hypothèques maritimes sont fixées à la section 7 du chapitre Ier du titre IX du code des douanes ainsi qu’au présent chapitre. » ;
2° Les articles 44, 45, 46, 48, 49, 52, 53 et 54 sont abrogés. – (Adopté.)
Article 1er ter F
La loi n° 67-1175 du 28 décembre 1967 portant réforme du régime relatif aux droits de port et de navigation est ainsi modifiée :
1° Avant le chapitre Ier, il est inséré un article 1er A ainsi rédigé :
« Art. 1er A. – Les règles relatives aux droits de port et de navigation sont fixées au chapitre Ier du titre IX du code des douanes, au titre II du livre III de la cinquième partie du code des transports et à la présente loi. » ;
2° Le chapitre Ier, le chapitre II, la section 1 du chapitre III, le chapitre IV, l’article 18, l’article 23 et le tableau relatif au droit de francisation et de navigation annexé à cette même loi sont abrogés. – (Adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Le chapitre II du titre Ier du livre Ier de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et immatriculation » ;
2° Après l’article L. 5112-1, sont insérés des articles L. 5112-1-1 à L. 5112-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 5112-1-1. – L’immatriculation inscrit un navire francisé sur un registre du pavillon français.
« Tout navire battant pavillon français doit être immatriculé.
« L’immatriculation donne lieu à l’établissement d’un certificat d’immatriculation.
« Art. L. 5112-1-2. – Tout navire battant pavillon français qui prend la mer doit avoir à bord le certificat d’immatriculation prévu à l’article L. 5112-1-1.
« Art. L. 5112-1-3. – L’acte de francisation mentionné à l’article 217 du code des douanes et le certificat d’immatriculation du navire francisé défini à l’article L. 5112-1-1 du présent code donnent lieu à la délivrance d’un document unique. » – (Adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
À la fin du deuxième alinéa du 3 de l’article 224 du code des douanes, les mots : « ministre chargé des sports » sont remplacés par les mots : « représentant de l’État dans le département ». – (Adopté.)
Article 1er quinquies
(Non modifié)
À l’article L. 5412-7 du code des transports, les mots : « tient régulièrement le journal de mer et le livre de bord qui font » sont remplacés par les mots : « veille à la bonne tenue du livre de bord qui fait ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le titre III du livre II de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Les 1° à 3° de l’article L. 5231-2 sont remplacés par des 1° et 2° ainsi rédigés :
« 1° Le permis d’armement ;
« 2° La carte de circulation. » ;
1° bis L’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Permis d’armement » ;
2° L’article L. 5232-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « est constitué de marins » sont remplacés par les mots : « comprend au moins un marin » et les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
c) Après la même phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il atteste de la conformité de l’armement du navire en matière de composition de l’équipage et de conditions d’emploi aux livres V et VI et au chapitre V des titres Ier à IX du livre VII de la présente cinquième partie. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 5232-2, les mots : « est constitué de marins » sont remplacés par les mots : « comprend au moins un marin » et les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
4° À la fin de l’article L. 5232-3, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
5° L’article L. 5232-4 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Le contenu du permis d’armement, » ;
b) Les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
5° bis Le chapitre III est abrogé ;
5° ter L’article L. 5234-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de plaisance » sont supprimés ;
b) Les références : « des 3° et 4° » sont remplacées par la référence : « du 3° » ;
6° Le chapitre VI est complété par un article L. 5236-2 ainsi rédigé :
« Art L. 5236-2. – Pour l’exercice de leurs missions, les personnes mentionnées aux 1° à 4°, au 8° et au 10° de l’article L. 5222-1 sont habilitées à demander à l’employeur, ainsi qu’à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d’un navire, de justifier de son identité ou de son adresse et, le cas échéant, de justifier de sa qualité de gens de mer.
« Pour l’exercice de leurs missions, elles ont accès à bord des navires.
« Elles peuvent visiter le navire et recueillir tous renseignements et justifications nécessaires ou exiger la communication de tous documents, titres, certificats ou pièces utiles, quel qu’en soit le support, et en prendre copie.
« Toutefois, elles ne peuvent accéder aux parties du navire à usage exclusif d’habitation que dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 5243-4. » – (Adopté.)
Article 2 bis
I. – (Non modifié) La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° A Au second alinéa de l’article L. 5511-3, les mots : « le rôle » sont remplacés par les mots : « la liste » ;
1° Aux 2° et 3° de l’article L. 5511-4, les mots : « le rôle » sont remplacés par les mots : « la liste » ;
2° L’article L. 5542-5 est ainsi modifié :
a) Le II est abrogé ;
b) Le début du III est ainsi rédigé : « L’inscription sur la liste d’équipage d’une personne appartenant à la catégorie des gens de mer dispense… (le reste sans changement). » ;
2° bis Au premier alinéa de l’article L. 5532-1, les mots : « d’un rôle » sont remplacés par les mots : « d’une liste » ;
2° ter Au 4° de l’article L. 5552-16, les mots : « du rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « de l’état des services » et les mots : « ce rôle » sont remplacés par les mots : « cet état des services » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 5542-18 et au second alinéa des articles L. 5715-4, L. 5735-4, L. 5745-4 et L. 5755-4, les mots : « au rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « à l’état des services » ;
4° À l’article L. 5549-5, les mots : « au rôle » sont remplacés par les mots : « à l’état des services » et, après le mot : « liste », sont insérés les mots : « d’équipage » ;
5° À la première phrase de l’article L. 5552-18, les mots : « du rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « de l’état des services » ;
6° À l’article L. 5762-1, après le mot : « celles », sont insérés les mots : « des chapitres Ier à IV du titre III et » ;
7° À l’article L. 5772-1, après le mot : « celles », sont insérés les mots : « des chapitres Ier à IV du titre III et » ;
8° Au premier alinéa de l’article L. 5785-1, après la référence : « L. 5549-1 », est insérée la référence : « , l’article L. 5551-3 » ;
9° Au 1° de l’article L. 5785-3, les mots : « au rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « à l’état des services » ;
10° Au premier alinéa de l’article L. 5795-1, après la référence : « L. 5549-1 », est insérée la référence : « , l’article L. 5551-3 » ;
11° Au 1° de l’article L. 5795-4, les mots : « au rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « à l’état des services ».
II. – (Non modifié) Le code civil est ainsi modifié :
1° À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 59, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « livre de bord » ;
2° À l’article 993, le mot : « rôle » est remplacé par les mots : « livre de bord ».
III. – (Non modifié) Au 1° de l’article L. 121-5 du code de justice militaire, les mots : « le rôle » sont remplacés par les mots : « la liste ».
IV. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article L. 11 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement ».
V. – (Non modifié) Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Aux première et seconde phrases du troisième alinéa de l’article L. 921-7, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement » ;
2° Au 17° de l’article L. 945-4, les mots : « rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « permis d’armement ».
VI. – (Non modifié) L’article 54 du code du travail maritime est abrogé.
VII. – La loi n° 42-427 du 1er avril 1942 relative aux titres de navigation maritime est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa de l’article 3 est ainsi rédigé :
« Les cartes de circulation sont visées annuellement. » ;
2° Les articles 5, 6, 6-1 et 10 sont abrogés.
VIII. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article 1er de la loi n° 77-441 du 27 avril 1977 portant dérogations, en ce qui concerne certains marins des départements d’outre-mer et du territoire d’outre-mer de la Polynésie française, à diverses dispositions du code des pensions de retraite des marins et du décret-loi du 17 juin 1938, les mots : « au rôle d’équipage » sont remplacés par les mots : « à l’état des services ».
IX. – (Non modifié) Au 17° de l’article 9 de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, les références : « 5, 6, 6-1, » et les mots : « et la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 10 » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination législative : l’article L. 11 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance a déjà été abrogé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 2 ter
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre V du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un article L. 5551-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 5551-3. – Pour l’application de la présente partie, l’“état des services” désigne le document identifiant l’ensemble des salariés d’une entreprise d’armement maritime qui exercent la profession de marin et qui sont affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine.
« L’état des services peut être établi pour un ou plusieurs navires exploités par un même armateur.
« La mise à jour de l’état des services peut se faire sous forme dématérialisée. » – (Adopté.)
Article 2 quater
(Non modifié)
Les articles 2, 2 bis et 2 ter entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Article 2 quinquies
(Non modifié)
I. – Les dispositions des articles 1er et 1er bis, en tant qu’elles portent sur des dispositions applicables à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises antérieurement à la publication de la présente loi, sont applicables à ces collectivités et territoires.
II. – Les dispositions de l’article 1er ter, en tant qu’elles portent sur des dispositions applicables à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises antérieurement à la publication de la présente loi, sont applicables à ces collectivités et territoires.
III. – L’article 2 s’applique à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
IV. – Les dispositions de l’article 2 bis, en tant qu’elles portent sur des dispositions applicables à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises antérieurement à la publication de la présente loi, sont applicables à ces collectivités et territoires.
V. – L’article 2 ter s’applique à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 137, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les 4° et 5° de l’article 1er, les articles 1er bis A, 1er bis B, 1er bis C, 1er bis, 1er ter A, 1er ter B, 1er ter C, 1er ter D, 1er ter E, 1er ter F et 1er quater ne sont pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – L’article 1er ter n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
III. – L’article 1er ter est applicable à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
IV. – L’article 1er quinquies est applicable en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
V. – L’article 2 est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
VI. – L’article 2 bis est applicable à l’exception des 2°, 2° ter, 3°, 4° et 5° du I, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement visait à laisser l’article 2 quinquies ouvert, dans l’attente d’une clarification du Gouvernement sur les extensions outre-mer. En effet, les services des douanes et le ministère des outre-mer ont communiqué des informations parfois contradictoires.
Je constate que l’appel de la commission a été entendu, puisque le Gouvernement a déposé dans la foulée un amendement complémentaire. La commission n’ayant pu, là encore, l’examiner, à titre personnel, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, et je retire l’amendement n° 137.
M. le président. L’amendement n° 137 est retiré.
L'amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le livre VII de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Avant le chapitre Ier du titre I, il est inséré un article L. 5710 ainsi rédigé :
« Art. L. 5710 – Pour l’application du présent code en Guyane et en Martinique, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au représentant de l’État dans la collectivité territoriale. » ;
2° Avant le chapitre Ier du titre II, il est inséré un article L. 5720 ainsi rédigé :
« Art. L 5720 – Pour l’application du présent code à Mayotte, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au représentant de l’État à Mayotte. » ;
3° Avant le chapitre Ier du titre III, il est inséré un article L. 5730 ainsi rédigé :
« Art. L 5730 – Pour l’application du présent code à Saint-Barthélemy, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy.
« Pour l’application à Saint-Barthélemy de la cinquième partie, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu de ces règlements européens. » ;
4° Avant le chapitre Ier du titre IV, il est inséré un article L. 5740 ainsi rédigé :
« Art. L 5740 – Pour l’application du présent code à Saint-Martin, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Saint-Martin. » ;
5° Avant le chapitre Ier du titre V, il est inséré un article L. 5750 ainsi rédigé :
« Art. L 5750 – Pour l’application du présent code à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article L. 5000-5, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu des règlements européens. » ;
6° L’article L. 5760-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
« Pour l’application de l’article L. 5000-5, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu de ces règlements européens. » ;
7° L’article L. 5770-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application de ces dispositions en Polynésie française, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
« Pour l’application de l’article L. 5000-5, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu de ces règlements européens. » ;
8° L’article L. 5780-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application de ces dispositions à Wallis-et-Futuna, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références à l’administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna.
« Pour l’application de l’article L. 5000-5, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu de ces règlements européens. » ;
9° L’article L. 5790-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application de ces dispositions aux Terres australes et antarctiques françaises, les références au représentant de l’État dans le département et au représentant de l’État dans la région sont remplacées par les références à l’administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises.
« Pour l’application de l’article L. 5000-5, les références aux règlements européens sont remplacées par les références aux règles applicables en métropole en vertu de ces règlements européens. »
II. – Les 4° et 5° de l’article 1er, les articles 1er bis A, 1er bis B, 1er bis C, 1er bis, 1er ter A, 1er ter B, 1er ter C, 1er ter D, 1er ter E, 1er ter F, 1er quater, ne sont pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L’article 1er ter E est applicable en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
L’article 1er ter n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
L’article 1er ter est applicable à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
L’article 1er quinquies est applicable en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
L’article 2 est applicable à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
L’article 2 bis est applicable à l’exception des 2°, 2° ter, 3°, 4° et 5° du I, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
III. – L’article 43 A de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer, dans sa rédaction résultant de l'article 1er ter E de la présente loi, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Saint-Pierre-et-Miquelon. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Cet amendement tend à répondre à l’attente de la commission, qui a posé une question pertinente par le biais de l’amendement d’appel n° 137 qui vient d’être retiré.
Le paragraphe I a pour objet de définir une grille de lecture pour adapter certaines formulations à l’organisation des collectivités ultramarines concernées. C’est par exemple le cas de la formule « le représentant de l’État dans le département », qui doit être adaptée pour les collectivités où l’échelon départemental n’existe pas.
Le paragraphe II a pour objet de reprendre, en les codifiant, les extensions à réaliser dans les collectivités d’outre-mer prévues dans la présente proposition de loi. De plus, lorsque le code prévoit déjà que les dispositions modifiées sont applicables dans les collectivités à spécialité législative, il convient de préciser par une disposition flottante que les modifications de ces dispositions seront applicables dans ces collectivités, conformément à un arrêt du Conseil d’État du 9 février 1990.
Par ailleurs, il convient, pour déterminer si l’extension envisagée est possible, de tenir compte non seulement du statut de pays et territoire d’outre-mer de certaines de ces collectivités, mais également des compétences qu’elles exercent en propre. C’est pourquoi certaines extensions initialement prévues ont été supprimées, comme l’extension de l’article 1 ter à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, pour tenir compte de leurs compétences en matière d’immatriculation des navires.
En outre, pour certaines collectivités à identité législative, il convient d’exclure expressément l’application des modifications de dispositions qui ne leur sont pas applicables. Je pense par exemple à Saint-Pierre-et-Miquelon concernant des articles du code des douanes.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. C’est le troisième amendement du Gouvernement que nous examinons en quelques minutes à peine. Or tous ces amendements ont été déposés très tardivement,…
M. Jean-François Rapin. C’est vrai !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … celui-ci l’ayant été pendant la discussion générale. Déposer un tel amendement, qui fait trois pages, qui renvoie à un certain nombre de dispositions de codes divers et variés, aussi tardivement n’est pas très satisfaisant. Je parlais précédemment des mauvaises conditions de travail qui sont les nôtres ; en voilà encore une illustration !
Agir ainsi n’est pas très respectueux pour l’outre-mer, dont nous avons évoqué l’importance au cours de nos débats et les atouts que représentent ces territoires pour notre espace maritime,…
M. Charles Revet. Absolument !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … ni pour le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. L’ancien ministre chargé des relations avec le Parlement que je suis est toujours sensible à ce type d’observation, monsieur le président de la commission. Néanmoins, vous le savez, le travail est plus compliqué lorsque des décisions interministérielles doivent intervenir. Je ne vous cache pas qu’ici c’est non pas le ministère porteur, mais le ministère des outre-mer qui essaie de trouver des solutions en fonction de l’évolution des travaux de la commission.
On me dit que cet amendement aurait été déposé avant la discussion générale. Pour ma part, je n’en sais rien, mais ce dépôt a probablement eu lieu assez tardivement. Au demeurant, compte tenu de l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte, il me paraît indispensable que les adaptations, qui sont parfois très compliquées, comme nous avons pu le voir avec l’amendement précédent, soient effectuées au fur et à mesure.
M. le président. En conséquence, l'article 2 quinquies est ainsi rédigé.
Chapitre II
Rénover la gouvernance des ports
Article 3 A
(Non modifié)
La sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code des transports est complétée par un article L. 5312-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-8-1. – Le conseil de surveillance constitue en son sein un comité d’audit.
« Ce comité comprend au moins un représentant de la région.
« Le commissaire du Gouvernement auprès du grand port maritime et l’autorité chargée du contrôle économique et financier assistent aux séances de ce comité avec voix consultative. Le président du conseil de surveillance ne fait pas partie du comité d’audit.
« Le comité d’audit assiste le conseil de surveillance dans sa fonction de garant de la qualité du contrôle interne et de la fiabilité des informations fournies à l’État.
« Le conseil de surveillance définit les affaires qui relèvent de la compétence du comité d’audit. Celles-ci comprennent notamment le contrôle de l’efficacité des systèmes de contrôle interne, la supervision du contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés, l’évaluation des risques d’engagement hors bilan significatifs ainsi que l’examen et le suivi de l’indépendance des commissaires aux comptes. » – (Adopté.)
Article 3 B
(Non modifié)
L’article L. 5312-7 du même code est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Deux représentants de la région ; »
2° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Trois représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, autres que la région, dont au moins un représentant du département ; »
3° Au 4°, après le mot : « État, », sont insérés les mots : « après avis du président du conseil régional, ».
M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bizet et Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Chaize et Cornu, Mmes Deroche, Des Esgaulx, Estrosi Sassone et Giudicelli et MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, P. Leroy, Masclet, Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Pointereau, Rapin, D. Robert, Trillard et Vaspart, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 5312-7 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-7. – Le conseil de surveillance est composé de trois collèges :
« 1° Un collège de seize membres réunissant les représentants de l’État et les représentants des collectivités territoriales et leurs groupements, dont au moins un représentant de la région, un représentant du département et un représentant de chaque commune ou groupement de collectivité dont tout ou partie est située dans l’emprise du port ou sur leur territoire.
« La répartition des membres de ce collège est réalisée au prorata de leurs participations financières aux investissements du grand port maritime.
« Les collectivités peuvent désigner un suppléant, à titre permanent, pour chaque membre du collège.
« 2° Un collège de trois membres réunissant les représentants du personnel de l'établissement public, dont un représentant des cadres et assimilés.
« 3° Un collège de cinq membres réunissant les personnalités qualifiées nommées par l'autorité compétente de l'État, après avis du président du conseil régional, dont un représentant élu de chambre consulaire et un représentant du monde économique.
« Le conseil de surveillance élit son président. La voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à fusionner les deux collèges des acteurs publics, celui des représentants de l’État et celui des représentants des collectivités. Il tend également à augmenter le nombre de membres du collège représentant les personnes publiques au sein des grands ports maritimes en modifiant l’article L. 5312-7 du code des transports, qui définit la composition de ce conseil de surveillance. Leur nombre est ainsi porté à seize au lieu de neuf à l’heure actuelle. Ces modifications permettront d’augmenter le poids de la représentation des bailleurs de fonds au sein du conseil de surveillance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier la composition des conseils de surveillance des grands ports maritimes en donnant plus de poids aux collectivités locales et en tenant compte du niveau des investissements effectués par les différents acteurs.
La commission est favorable à ce rééquilibrage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Charles Revet. Très important !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Reste que je vais me livrer à un exercice compliqué pour moi, mais noble, à savoir défendre la loi de 2008, dont l’équilibre serait remis en cause par un tel dispositif.
L’amendement vise à modifier significativement le nombre des membres du conseil de surveillance au profit des collectivités territoriales, en multipliant quasiment la représentation de ces dernières par quatre et en prévoyant une répartition des investisseurs publics au prorata des participations financières aux investissements. Le nombre de membres du conseil de surveillance serait alors porté à vingt-quatre, ce qui remettrait en cause le plafond de dix-sept membres instauré par la réforme portuaire de 2008 et changerait la gouvernance ainsi que l’équilibre entre les collèges.
L’adoption de cet amendement modifierait la nature juridique des grands ports maritimes, qui sont des établissements publics relevant de l’État, comme l’ont décidé le législateur et le gouvernement en 2008 ; c’est aussi le choix de l’actuel gouvernement.
Je l’ai toujours affirmé, la loi portuaire est une grande loi. Le Gouvernement est donc très défavorable à cet amendement, dont l’adoption entraînerait un changement de nature de ce texte et, surtout, des bouleversements en matière de gestion des grands ports maritimes que personne n’a mesurés.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Même si j’ai plusieurs fois souhaité que les collectivités locales, en particulier les régions, prennent toute leur place dans la définition des stratégies portuaires, nous touchons là à un sujet extrêmement important, comme vous le disiez, monsieur le secrétaire d’État, à savoir la loi de 2008. Je me demande donc si le principe du doublement et du regroupement des représentants de l’État et de ceux des collectivités est vraiment justifié. Ne tendrait-il pas plutôt à diminuer la force des représentants de l’État ?
Nous avons souvent insisté, notamment en 2008, sur la nécessité d’une stratégie nationale en faveur des grands ports maritimes. Compte tenu des difficultés qu’il y a parfois à faire travailler ensemble plusieurs collectivités locales sur une stratégie régionale, on peut se demander si la stratégie portuaire nationale ne souffrirait pas d’un tel changement. Il vaut mieux maintenir pour le moment les choses en l’état. C’est pourquoi notre groupe votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. J’étais le rapporteur de la loi de 2008, qui a d’ailleurs été adoptée conforme par l’Assemblée nationale. Si vous vous référez à mes interventions de l’époque, monsieur le secrétaire d’État, vous verrez que je soulignais déjà l’intérêt d’associer pleinement les collectivités.
J’avais fait le tour de l’Europe pour voir ce qui se passait en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie ou en Allemagne. Dans tous ces États européens, j’avais constaté que c’étaient les collectivités locales qui étaient derrière les grands ports. On ne trouvait des ports d’État que dans deux pays : l’Espagne et la France.
L’Espagne était dans la même situation que celle que connaît la France aujourd’hui : elle végétait. Elle a alors décidé de décentraliser la gouvernance de ses ports, tout en continuant d’octroyer à chacun d’entre eux le statut de port d’État, car les autorités nationales espagnoles voulaient éviter toute concurrence entre ses propres ports. Toutefois, la responsabilité a été déléguée aux régions, marquant le début d’un développement important de ces ports.
Nos ports, eux, ne se développent toujours pas. Nous avons pourtant, du nord au sud, les ports les mieux placés d’Europe, avec l’axe Seine – Le Havre-Rouen-Paris – d’un côté, et, de l’autre, Marseille et les autres ports. Malheureusement, Anvers est encore le premier port de France !
Si l’on ne modifie pas un certain nombre de choses, dont la gouvernance, la situation restera la même. Quel est aujourd’hui le support financier des ports en dehors de leurs ressources propres ? Ce sont les collectivités, qui les aident à investir. Ayant été pendant plus de dix ans président de conseil général, je me souviens que nous avions été sollicités pour participer au financement de Port 2000.
Il faut tout faire pour assurer le développement des ports, car cet outil permet de créer des milliers d’emplois.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. J’entends bien vos propos, monsieur Revet, mais je me permets d’insister : les dispositions que vous suggérez induiraient une véritable révolution.
Vous citez l’exemple de l’Espagne, mais, en la matière, comparaison n’est pas raison. Nous, nous avons des établissements publics. Ce pays, lui, avait une administration centralisée qui voulait gérer tous les ports.
M. Charles Revet. La France est exactement dans cette situation !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je connais la perspicacité avec laquelle le Sénat examine les compétences des collectivités territoriales. Aussi, je ne comprends pas pourquoi cette discussion émerge aujourd’hui, alors que vous avez débattu, pendant des semaines et même des mois, des compétences des collectivités territoriales et que personne, dans ce cadre, n’a posé la question des ports gérés par l’État. Cela aurait pourtant été le moment opportun pour formuler une revendication majeure.
Je vous mets en garde : à ce stade, personne ne peut mesurer les conséquences d’un retour à des stratégies portuaires non unifiées.
Mme Odette Herviaux. Absolument !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je suis peut-être un peu trop alarmiste, mais je tiens à relever cette incertitude.
Je le vois bien, nous sommes tous les deux à contre-emploi. Pour ma part, je souhaite que, dans la République, les dispositifs qui fonctionnent soient préservés.
Le constat que vous dressez au sujet des ports du Havre et d’Anvers tient-il à la structure juridique ? Non !
M. Charles Revet. En partie !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Il y a d’abord la question des liaisons entre les ports et leur hinterland, qui est majeure. Des missions parlementaires vont d’ailleurs être consacrées à ce sujet. Il y a ensuite la situation des lignes capillaires. J’ai quand même permis, vous le savez parfaitement, le développement de ce fret à des coûts acceptables, grâce aux OFP.
Le canal Seine-Nord, la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors constituent de meilleures réponses que le dispositif que vous défendez aujourd’hui, même s’il a reçu un avis favorable de la commission. L’adoption de votre amendement modifierait dans des proportions considérables le statut des ports français, tel qu’il est fixé par la loi de 2008.
M. le président. En conséquence, l'article 3 B est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 3 B
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Revet, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bizet et Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Chaize et Cornu, Mmes Deroche, Des Esgaulx, Estrosi Sassone et Giudicelli et MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, P. Leroy, Masclet, Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Pointereau, Rapin, D. Robert, Trillard et Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 3 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5312-9 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-9. – Le nombre de membres du directoire est déterminé, pour chaque grand port maritime, par décret.
« Le président du directoire est nommé par décret, après avis du président du conseil régional de la région dans laquelle se trouve le siège du port.
« Le président du directoire porte le titre de directeur général.
« Les autres membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance sur proposition du président du directoire.
« La durée du mandat des membres du directoire est fixée par voie réglementaire. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement tend à modifier les modalités de nomination du président du directoire, en prévoyant un avis du président de la région dans laquelle se trouve le siège du port.
À nos yeux, il est pertinent d’accorder une plus grande place à la collectivité régionale dans le choix du président du directoire, eu égard au rôle que jouent les régions dans le développement économique de notre pays. Cette évolution de la gouvernance devrait contribuer à améliorer la compétitivité de nos ports.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cette disposition est une conséquence logique des transferts de compétences et du renforcement du poids économique de la région décidés au titre de la loi NOTRe. Aussi la commission a-t-elle émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je vais continuer à défendre le travail accompli par la précédente majorité…
Le présent amendement vise à modifier nettement les modalités de désignation des membres du directoire.
Actuellement, le mode de nomination du président du directoire implique un avis conforme du conseil de surveillance. Celui-ci serait remplacé par un avis du président de la région dans laquelle se trouve le siège du port.
Cette nouvelle consultation risque de peser fortement sur les délais de nomination, par décret, du président du directoire. Elle ne permettra pas d’assurer la fluidité indispensable dans le processus de désignation du président du directoire, lequel, je le rappelle, est nommé en conseil des ministres en tant que dirigeant d’un établissement public portuaire relevant de l’État. Je précise à cet égard que l’on mesurera bientôt les conséquences de l’amendement précédemment adopté.
Les autres dispositions de cet amendement ne sont que la reprise partielle de mesures déjà prévues au niveau réglementaire.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Même si ces dispositions sont dans la droite ligne de celles que le Sénat vient d’adopter, je souscris pleinement aux propos de M. le secrétaire d’État.
Monsieur Revet, nous nous sommes rendus à Algésiras pour observer comment l’Espagne a modifié sa législation, quant à la place de l’État dans la gestion des ports. Je vous rappelle ce que nos interlocuteurs nous ont indiqué à cette occasion : il leur a fallu cinq ans pour développer leur réflexion, mener à bien les analyses nécessaires et observer comment le dispositif conçu pourrait évoluer. Je crains donc que l’on ne puisse résoudre un tel problème au détour d’un amendement, déposé, qui plus est, au titre d’un texte inapproprié.
Mes chers collègues, j’ajoute que, lors de l’examen du projet de loi NOTRe, j’avais défendu un amendement visant à assurer le transfert, vers les régions, de l’ensemble des ports décentralisés. Or la majorité de la Haute Assemblée s’était prononcée contre cette mesure. Voilà pourquoi je m’étonne : pour des ports déjà décentralisés, on refuse de renforcer le poids des régions, puis, tout à coup, on entend leur confier les grands ports maritimes ! Se serait-il passé quelque chose depuis ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Tout ça est bizarre…
Mme Évelyne Didier. Les régions concernées sont désormais à droite ! C’est une question politique !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Oh !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Mme Didier, elle, ne fait jamais de politique…
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. À l’instar de Mme Herviaux, je m’étonne de la méthode suivie en la matière.
Chers collègues de la majorité, M. le rapporteur a dénoncé le défaut d’études préalables permettant de mesurer les conséquences des décisions prises. Il a fait valoir que les enjeux dont il s’agit méritaient un grand texte, et non une loi fourre-tout ou une simple proposition de loi. Or, à travers des amendements d’opportunité et de circonstance, vous faites fi de tous les beaux principes que vous ne cessez de défendre. C’est tout de même curieux…
Bien entendu, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Le texte de 2008, dont j’ai été le rapporteur, est certes une grande loi, mais j’ai commis depuis lors un certain nombre de rapports…
En 2012, la commission des affaires économiques constatait que le système ne fonctionnait pas comme il le devrait. Or nos ports sont un outil très important pour le développement économique de bien des régions et, partant, pour l’emploi.
À l’heure actuelle, entre 2 et 2,5 millions de conteneurs transitent chaque année par le port du Havre, tandis que, dans le même temps, Anvers en totalise 8 millions. Pourtant, il y a vingt ans, ces deux ports étaient au même niveau. Je le répète, des milliers, voire des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu.
Mes chers collègues, je ne demanderai à personne de lire l’intégralité des rapports que j’ai rédigés au cours des dernières années… Admettez-le néanmoins, dans plusieurs de ces documents, et notamment dans le dernier d’entre eux, détaillé en présence de M. le secrétaire d’État lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, j’ai insisté sur le fait qu’un certain nombre de dispositifs devaient être revus.
Mme Odette Herviaux. C’est vrai !
M. Charles Revet. Je l’admets en toute franchise, sur un point, je me suis fait avoir. Lors de la discussion du texte de 2008, j’avais insisté pour que les acteurs économiques soient, à tout le moins, représentés au sein du conseil de surveillance. Cette disposition a été adoptée, mais lesdits acteurs ont en définitive été portés sur la liste des personnalités qualifiées. Dès lors, il était acquis qu’ils n’auraient pas voix au chapitre, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
Voilà pourquoi il faut changer les choses, pour que nos ports puissent se développer. Je le rappelle, les collectivités territoriales ont une mission importante à assumer,…
Mme Odette Herviaux. Tout à fait !
M. Charles Revet. … notamment au titre des investissements portuaires.
Un port, c’est un outil d’acheminement et de transfert, pour ceux qui s’y rendent et pour ceux qui en partent. Pour assurer son développement, on ne saurait se contenter d’aménager son environnement immédiat : il faut aller très loin, en étoffant les moyens d’acheminement, notamment les plateformes logistiques. Ces chantiers sont bien du ressort des collectivités territoriales !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. On ne saurait accuser Charles Revet de se livrer à des manipulations politiciennes : notre collègue aime les ports, il est spécialiste du sujet. Or, il l’a rappelé avec pertinence, désormais, le premier port de France, c’est Anvers !
Il importe que nous nous rassemblions tous, dans cet hémicycle, lieu de respect s’il en est. Dépassons les clivages partisans pour nous élever quelque peu au-dessus de la ligne de flottaison !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je persiste et signe : nous sommes face à une décision essentiellement politique.
Sur cette proposition de loi, on ne saurait nous reprocher un soutien aveugle au Gouvernement – c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. En effet !
Mme Évelyne Didier. Selon certains, si tel ou tel port ne fonctionne pas, c’est parce qu’il y a trop de charges, parce que ses salariés bénéficient d’un trop grand nombre de protections…
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, les infrastructures et l’intermodalité sont des enjeux essentiels au fonctionnement des ports : il est toujours préférable que ces derniers soient bien reliés à leur environnement. Mais jamais je ne vous entends interroger la stratégie industrielle. Là est pourtant la question essentielle ! Quand on vous écoute, c’est toujours la faute de quelqu’un d’autre. Or, en définitive, peut-être certaines décisions sont-elles mal prises ?
Parallèlement, on nous demande un vote conforme pour les dispositions relatives à la commission des investissements. C’est incroyable ! Adopter ces dispositions reviendrait à donner les pleins pouvoirs à ceux qui font les choix relevant de la stratégie industrielle. Cet arbitrage ne me semble pas très cohérent.
Voilà pourquoi je parle d’une position, non politicienne, mais assez politique. Au reste, le président Retailleau est cosignataire de ces amendements, ce qui n’est pas anodin. On constate clairement que le positionnement de nos ports connaît, à l’heure actuelle, une évolution réelle.
Enfin, je souligne à mon tour que ces dispositions n’ont pas fait l’objet de véritables études d’impact. On s’apprête à opérer de nombreuses modifications sans savoir quelles en seront les conséquences.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3 B.
Article 3
(Non modifié)
I. – L’article L. 5312-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-11. – Dans chaque grand port maritime, sont représentés dans un conseil de développement :
« 1° Les milieux professionnels, sociaux et associatifs ;
« 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements, dont la région dans laquelle se trouve le siège du port.
« Les membres du conseil de développement mentionnés au 1° sont nommés par le représentant de l’État dans la région, après avis du président du conseil régional de la région dans laquelle se trouve le siège du port.
« Le conseil de développement rend des avis sur le projet stratégique ainsi que sur les projets d’investissements et la politique tarifaire du grand port maritime. Il peut émettre des propositions et a le droit de faire inscrire à l’ordre du jour d’une réunion du conseil de surveillance toutes questions en lien avec son champ de compétence.
« Une commission des investissements est constituée au sein du conseil de développement. Elle est présidée par le président du conseil régional ou son délégué et composée en outre à parité :
« a) Du directoire du grand port maritime et de représentants des investisseurs publics, membres du conseil de développement ;
« b) D’investisseurs privés, ces derniers étant choisis parmi les membres du conseil de développement représentant des entreprises ayant investi sur le domaine du grand port maritime de manière significative et titulaires d’un titre d’occupation supérieur ou égal à dix ans.
« Le projet stratégique est obligatoirement soumis à l’avis de la commission des investissements du conseil de développement avant sa transmission pour examen au conseil de surveillance, dans un délai suffisant pour que cette commission puisse statuer en toute connaissance de cause.
« L’avis obligatoire rendu par la commission des investissements est annexé au projet stratégique et cet avis est publié au recueil des actes administratifs du département.
« Les délibérations de la commission des investissements sont prises à la majorité. À la demande des investisseurs, la commission rend un avis sur les projets d’investissements publics d’infrastructure d’intérêt général à réaliser sur le domaine portuaire et à inclure au projet stratégique.
« Le conseil de développement peut demander à la commission des investissements une nouvelle délibération sur les investissements à inclure au projet stratégique avant de rendre son avis définitif transmis au conseil de surveillance.
« Les avis de la commission des investissements sont transmis au conseil de développement et au conseil de surveillance.
« Les avis du conseil de développement sont transmis au conseil de surveillance.
« La nature et le niveau des projets d’investissements soumis à l’avis de la commission des investissements mentionnée au présent article sont fixés par décret. »
II. – Le 5° de l’article L. 5713-1-1 du même code est ainsi rédigé :
« 5° Le 1° de l’article L. 5312-11 est complété par les mots : “, avec, notamment, au moins un représentant des consommateurs” ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bizet et Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Chaize et Cornu, Mmes Deroche, Des Esgaulx, Estrosi Sassone et Giudicelli et MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, P. Leroy, Masclet, Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Pointereau, Rapin, D. Robert, Trillard et Vaspart, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 9
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Une commission des investissements est constituée au sein du conseil de développement. Elle est présidée par le président du conseil régional ou son délégué et est composée de deux collèges égaux en voix :
« a) Un collège des investisseurs publics, composé des membres du directoire du grand port maritime et de représentants des investisseurs publics, membres du conseil du développement, dont le nombre est proportionnel à leur niveau d’investissement avec un minimum d’un siège par membre éligible à ce collège, ainsi que d’un représentant de l’État. Ces nominations s’effectuent par décret ;
« b) Un collège des investisseurs privés, choisis parmi les membres du conseil de développement représentant des entreprises ayant investi, de manière significative, sur le domaine du grand port maritime. Chaque grand port maritime définit le seuil d’investissements significatifs réalisés par les entreprises sur son domaine. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. La création d’une commission des investissements au sein du conseil de développement d’un grand port maritime permettra de rendre plus efficace le système de gouvernance des ports. De surcroît, elle aura le mérite de dynamiser le conseil de développement lui-même.
Le présent amendement tend à préciser la composition de cette commission. Il s’agit d’y créer deux collèges, l’un rassemblant les investisseurs publics, dont l’État, l’autre représentant les investisseurs privés du domaine du grand port maritime.
Ces deux collèges peuvent différer quant au nombre de représentants, mais ils demeurent égaux en voix. Parallèlement, la représentation des investisseurs publics devra être proportionnelle à leur niveau d’investissement. Cependant, un siège au moins sera garanti par collectivité territoriale.
En renforçant le poids des investisseurs privés dans les décisions prises au sein de cette commission, on contribuera au développement du port tout en favorisant la modernisation de notre économie portuaire.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des représentants des organisations syndicales
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 3 vise à redynamiser le conseil de développement, dont les compétences sont étendues.
Nous proposons, par cet amendement, que les organisations syndicales soient représentées au sein de la commission des investissements, ce qui correspond à l’esprit du texte, bien que ce point ne soit pas expressément formulé. En effet, pour nous, les organisations syndicales disposent d’une expertise et d’une connaissance de l’outil de travail qui peuvent être particulièrement utiles aux travaux de cette commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’amendement n° 91 rectifié bis tend à préciser la composition des deux collèges de la commission des investissements, en laissant le grand port maritime définir le « seuil d’investissements significatifs » requis pour siéger au sein du second collège. La commission a donc émis un avis favorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 1, je rappelle que les organisations syndicales sont représentées au sein du conseil de développement. L’utilité de la commission des investissements consiste à associer en amont les investisseurs publics et privés à la réflexion visant à renforcer la compétitivité des ports. Un tel ajout n’ayant pas de sens ici, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. L’adoption de l’amendement n° 91 rectifié bis alourdirait la procédure de nomination des investisseurs publics au sein de la commission des investissements, qui devrait intervenir par décret. En outre, l’amendement supprime à tort le critère de la disposition d’un titre d’occupation domaniale pour les investisseurs privés.
Par ailleurs, prévoir une représentation des investisseurs publics au sein de la commission des investissements en proportion d’un niveau d’investissement paraît inutile : le texte actuel prévoit déjà que les investisseurs concernés sont membres du conseil de développement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 1 vise à augmenter le nombre des représentants au sein de la commission des investissements, ce qui en modifierait l’équilibre. En outre, une telle mesure me paraît plutôt de nature réglementaire. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Revet, Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bizet et Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Chaize et Cornu, Mmes Deroche, Des Esgaulx, Estrosi Sassone et Giudicelli et MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, P. Leroy, Masclet, Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Pointereau, D. Robert, Trillard et Vaspart, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 15
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
« Sont soumis à l’avis conforme de la commission des investissements :
« - le projet stratégique du grand port maritime, avant sa transmission pour examen au conseil de surveillance ;
« - les projets d’investissements publics d’infrastructures d’intérêt général à réaliser sur le domaine portuaire et à inclure dans le projet stratégique.
« Les avis de la commission des investissements sont publiés au recueil des actes administratifs du département.
« Le conseil de développement peut demander à la commission des investissements une nouvelle délibération sur les investissements à inclure dans le projet stratégique avant de transmettre son avis définitif au conseil de surveillance.
« Les délibérations de la commission des investissements sont prises à la majorité de trois cinquièmes des membres de la commission.
« Ses avis sont transmis au conseil de développement et au conseil de surveillance.
« La nature et le montant des projets d’investissements soumis à l’avis de la commission des investissements mentionnés au présent article sont fixés par décret.
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Cet amendement prévoit que l’avis rendu par la commission des investissements au sein du conseil de développement sur le projet stratégique du grand port maritime et sur les projets d’investissements les plus importants doit être conforme.
La création, par l’article 3, d’une commission des investissements au sein du conseil de développement a pour objectif de développer l’attractivité des grands ports maritimes et les investissements en leur sein, en favorisant notamment un dialogue en amont entre les investisseurs privés et les autorités portuaires.
Afin de donner tout son poids à cette commission, il convient de lui octroyer un véritable rôle dans la politique d’investissement du port.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié ter, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, Calvet, César, Mouiller, Pellevat, Rapin, Revet, Bonhomme et Charon, Mmes Deroche et Gruny, M. Kennel, Mmes Lopez et Morhet-Richaud et MM. Milon, Pointereau, Doligé, B. Fournier, Gremillet, Masclet et Lefèvre, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10 à 14
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« Sont obligatoirement soumis à l’avis de la commission des investissements dans un délai suffisant pour que cette commission puisse statuer en toute connaissance de cause :
« - le projet stratégique du grand port maritime, avant sa transmission pour examen au conseil de surveillance ; l’avis rendu par la commission des investissements est annexé au projet stratégique ;
« - les projets d’investissements publics d’infrastructures d’intérêt général à réaliser sur le domaine portuaire qui n’auraient pas été inclus dans le projet stratégique.
« Les avis rendus par la commission des investissements sont publiés sans délai au recueil des actes administratifs de la préfecture du département.
« Les délibérations de la commission des investissements sont prises à la majorité. À défaut d’avis dans les trois mois de sa saisine, la commission est réputée avoir rendu un avis favorable.
« Le conseil de développement peut demander à la commission des investissements une nouvelle délibération sur les investissements à inclure au projet stratégique avant de transmettre son avis définitif au conseil de surveillance.
« Les avis de la commission des investissements sont transmis au conseil de développement et au conseil de surveillance et rendus publics sans délai.
II. – Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La nature et le montant des projets d’investissements soumis à l’avis obligatoire de la commission des investissements mentionnée au présent article sont fixés par décret. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cet amendement vise à favoriser le dialogue permanent entre la commission des investissements et les instances portuaires, en rendant obligatoires les avis de la commission sur tous les projets d’investissements et non pas simplement sur l’élaboration du projet stratégique.
Par ailleurs, nous proposons que ces avis soient rendus publics dès leur adoption, avant même que le conseil de surveillance n’ait pris sa décision sur les projets d’investissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’amendement n° 92 rectifié renforce le poids de la commission des investissements créée par cette proposition de loi en précisant qu’elle rend des avis conformes. La commission a donc émis un avis favorable, dans la mesure où une majorité des trois cinquièmes est requise pour que la délibération de la commission des investissements soit adoptée.
En revanche, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 30 rectifié ter. En effet, l’adoption du précédent amendement donnerait partiellement satisfaction à ses auteurs. Surtout, l’amendement n° 30 rectifié ter n’est pas compatible avec l’amendement n° 92 rectifié, puisqu’il prévoit que les avis de la commission des investissements sont adoptés à la majorité simple.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Sur ces deux amendements, ma position sera exactement inverse à celle du rapporteur. Je souligne, par ailleurs, que nous poursuivons le « détricotage » de la loi de 2008. En effet, le même débat avait eu lieu à l’époque, et je ne vois pas quels sont les éléments objectifs qui permettraient d’adopter aujourd’hui une position différente, sauf à vouloir changer considérablement la nature de cette loi, comme la majorité du Sénat est en train de le faire.
Il s’agit ici de soumettre l’adoption du projet stratégique du grand port maritime et des projets d’investissements à l’avis conforme de la commission des investissements, revenant ainsi sur l’autonomie de décision du conseil de surveillance en cette matière, autonomie instaurée par la réforme portuaire de 2008. D’ailleurs, nous ne retrouverions pas les mêmes clivages, puisque certains défendaient une position inverse de celle qu’ils soutiennent aujourd’hui. À l’époque, ils défendaient la cohérence du texte qu’ils s’attachent maintenant à « détricoter ».
La simple mention de la transmission de l’avis conforme au conseil de surveillance pourrait suffire à lier en droit la décision du conseil de surveillance lui-même. Il s’agit donc bien d’une remise en cause importante de l’économie générale de la réforme de 2008 et de la nature des grands ports maritimes, établissements publics relevant de l’État. Une telle modification, si elle était adoptée, risquerait d’induire des situations de blocage préjudiciables au bon fonctionnement de nos places portuaires. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cette initiative et donc à cet amendement.
En revanche, l’amendement n° 30 rectifié ter clarifie le texte adopté par votre commission. Ses auteurs proposent que la commission des investissements émette un avis simple, conformément à la position adoptée par le Gouvernement. La concertation serait ainsi renforcée, sans remettre en cause l’économie générale de la loi. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. On peut légitimement se réjouir de la création de cette commission des investissements, où les investisseurs privés seront représentés, car elle répond à un véritable besoin de développement de nos ports.
S’il est normal de mieux associer les investisseurs au projet stratégique et aux prises de décisions sur les investissements, il faut cependant veiller à ne pas modifier la hiérarchie institutionnelle des grands ports maritimes – ou du moins ce qu’il en reste, après les amendements que vous avez adoptés, mes chers collègues !
Même dans le cas où les régions joueraient un rôle plus important, il sera nécessaire qu'un débat ait lieu entre l’État et les collectivités territoriales, notamment pour ce qui concerne les orientations stratégiques du développement de ces ports. Si on permet à la commission des investissements de rendre des avis conformes, on peut aboutir à un blocage complet du développement stratégique des grands ports maritimes, au moins en l’état actuel de la loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’amendement n° 92 rectifié et pour l’amendement n° 30 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé, et vous avez raison, que j’étais le rapporteur de la loi de 2008 portant réforme portuaire. J’ai été heureux d’être le rapporteur de ce projet de loi important, puisqu’il modifiait complètement le fonctionnement des ports autonomes, devenus grands ports maritimes.
Entre 2008 et aujourd’hui, il y a une différence : la loi de 2008 séparait complètement les investissements d’aménagement des ports, concernant les quais et autres infrastructures, qui relevaient des acteurs publics, des activités de fonctionnement, comme les portiques, confiées aux entreprises privées. Auparavant, les ports géraient tout !
Associer aujourd’hui les entreprises privées aux décisions concernant les infrastructures – certaines d’entre elles ont investi lourdement, j’en connais même qui ont engagé des centaines de millions d’euros –, afin qu’elles indiquent ce qui leur paraît le plus adapté, n’est pas choquant. Je pense même que c’est normal.
Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie. J’ai cru comprendre que vous aviez exprimé une forte inquiétude, à l’Assemblée nationale, concernant le fonctionnement difficile de la plateforme multimodale du Havre.
Les entreprises rappellent aujourd’hui que mon rapport faisait état de deux choix d’investissement : celui qui était proposé par les responsables du port et les services du ministère et celui qui était soutenu par les entreprises, à savoir la création d’une « chatière ». Finalement, le centre multimodal a été réalisé au prix de lourds investissements, de 130 millions d’euros à 140 millions d’euros, et on en voit le résultat aujourd’hui !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Charles Revet. Les entreprises, lors de nos réunions, nous ont dit qu’elles ne pouvaient plus suivre, en raison des surcoûts liés à la manutention. Ces équipements ont été réalisés, et il faut essayer de les faire fonctionner : nous ferons tout ce que nous pourrons…
M. le président. Il faut conclure !
M. Charles Revet. Je le répète, un port est un outil de transfert des conteneurs, mais cela suppose qu’un certain nombre de services fonctionnent. Or nous sommes obligés de constater que les dysfonctionnements actuels empêchent le port du Havre de se développer comme il le devrait.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez d’émettre un certain nombre d’avis défavorables en vous retranchant derrière une prétendue intangibilité de la loi de 2008.
Quels que soient les mérites de cette loi, que personne ne conteste, pas même le Gouvernement – je m’en réjouis puisque, comme vous l’avez rappelé, cette loi a été adoptée sous une autre majorité et notre collègue Charles Revet a joué un rôle tout à fait prépondérant lors des débats –, celle-ci n’a pas été adoptée pour l’éternité, que je sache ! Cette loi, nous l’envisagions comme une étape, nous permettant de passer d’un monde où l’État était tout-puissant dans les ports – je parle sous le contrôle de Charles Revet, qui connaît le sujet bien mieux que moi – à un monde où l’on accordait progressivement plus de place aux collectivités locales et aux investisseurs. Les différents amendements sur lesquels vous avez émis un avis défavorable s’inscrivent dans cette logique qui fait de la loi de 2008 une étape dans une évolution.
Le monde a changé depuis 2008 : les collectivités locales, avec les réformes qui ont été adoptées, notamment la création des grandes régions, exercent de nouvelles compétences économiques, et il est normal que ce changement se traduise dans la gestion des ports ; les investisseurs privés ont besoin de jouer un rôle plus important dans les ports, dans l’intérêt même de ces derniers. Je comprends que vous ne soyez pas d’accord avec ces choix, parce que vous défendez une philosophie différente, ce que je respecte. En revanche, je suis étonné que vous vous abritiez derrière une loi de 2008 en prétendant qu’il ne faudrait pas y toucher. Un tel conservatisme me surprend !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission, je n’ai aucune compétence en matière d’éternité, je ne vais donc pas engager de débat avec vous sur ce sujet…
En revanche, je tiens à rappeler que la loi ne date pas des années cinquante. Elle a huit ans ! J’ai relu les débats de l’époque : les discussions que nous avons aujourd’hui ont déjà eu lieu à ce moment-là.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Vous l’avez dit, c’était il y a huit ans !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. La situation n’a pas été bouleversée au point que nous soyons conduits à prendre une autre décision.
Nous avons besoin de grands ports. Nous pourrions d’ailleurs aussi parler des ports décentralisés, au sujet desquels les régions vont désormais avoir un rôle important à jouer. C’est l’un des acquis de loi NOTRe, dont je vous remercie d’avoir rappelé l’importance puisqu’elle a été proposée par le Gouvernement.
Débattre est toujours légitime, mais je ne comprends pas que l’on prenne le risque de changer la nature de la loi, puisque c’est bien ce que nous sommes en train de faire, sans avoir prévenu personne.
Mme Évelyne Didier. Et sans étude d’impact !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Certes, nos débats sont publics, mais prenons garde aux conséquences de ce que nous nous apprêtons à faire aujourd’hui. Surtout, il me semble avoir lu ces derniers jours des prises de position, disons dans la majorité départementale, de grands responsables politiques, aspirant parfois à des responsabilités encore plus importantes. Selon eux, il faut absolument que l’État assume ses responsabilités en cas de difficultés pour les grands ports. En outre, ils réclament le respect absolu de la loi de 2008.
Tout en vous renvoyant à la lecture de déclarations et d’articles de presse récents – c’était il y a quelques jours – sur la situation du grand port de Bordeaux, je me permets d’en appeler à votre perspicacité à ce stade de la discussion.
Monsieur Revet, je ne sais pas quelle est votre position. S’il y a une évolution de la majorité de droite du Sénat, je la respecterai, mais elle ne me paraît pas correspondre à ce que j’entends par ailleurs sur ce que pourrait être demain votre politique maritime, en remplacement de celle d’aujourd’hui. De ce point de vue, il me semble déceler un grand désordre dans votre famille politique, et je ne veux pas croire qu’il y aurait là une réflexion aboutie. J’attends les réactions, car personne n’a encore mesuré ce que vous êtes en train de faire. Or elles vont venir !
Mme Odette Herviaux. Eh oui !
M. Jean-Jacques Filleul. Absolument !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Certes, la situation est également compliquée dans la majorité gouvernementale, et certains diront peut-être qu’ils sont d’accord avec vous. Après tout, rien n’est impossible, mais je suis sûr que, si votre amendement est adopté, il provoquera un débat très important.
Ayant été convaincu par vos principes, monsieur le président de la commission, je dirai qu’il vaut mieux réfléchir avant et voter après ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'amendement n° 30 rectifié ter n'a plus d'objet.
L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Revet et Vaspart, Mme Lamure et MM. P. Leroy et Bignon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où le conseil de surveillance décide de passer outre un avis défavorable de la commission des investissements, celui-ci motive sa décision. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Dans la mesure où nous venons d’adopter le principe de l’avis conforme, cet amendement de repli n’est plus utile. Je vous invite donc, mon cher collègue, à le retirer, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Décidément, on ne se comprend pas avec M. le rapporteur. Pour ma part, je trouve cet amendement très pertinent. J’émets donc un avis favorable.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, ne m’en veuillez pas, mais je serai un peu plus prudent que la commission.
Certes, d’une certaine façon, il s’agit d’un amendement de repli, mais je ne sais pas ce qui va se passer. Si le conseil de surveillance n’est pas d’accord avec les projets présentés, il ne me paraît pas anormal qu’il dise au moins pourquoi. C’est du bon sens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Dans la mesure où l’avis sera conforme, il sera forcément suivi. Le conseil de surveillance ne pourra pas passer outre un avis défavorable. Ce serait juridiquement incompatible.
M. le président. Monsieur Revet, que décidez-vous ?
M. Charles Revet. Dans l’hypothèse où la commission mixte paritaire ne retiendrait pas le dispositif que nous avons adopté, monsieur le rapporteur, il faudrait que vous veilliez à ce que cet amendement soit intégré dans la proposition de loi. En attendant, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 18
Après le mot :
consommateurs
insérer les mots :
et un représentant d’une association de protection de l’environnement
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Évelyne Didier. Fidèles à nos positions, nous proposons d’élargir la composition du conseil de développement.
Les associations de protection de l’environnement demandant d’asseoir leur représentation, cet amendement a pour objet de les introduire dans ce conseil.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Joël Labbé. Il nous paraît à nous aussi important de rendre obligatoire la nomination d’un représentant d’une association de protection de l’environnement.
Ce représentant pourra faire part de son expertise et de son analyse sur l’impact environnemental des projets des grands ports maritimes. Une représentation équilibrée des personnes qualifiées dans les conseils de développement sera ainsi assurée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent qu’il y ait au moins un représentant d’une association de protection de l’environnement au sein des conseils de développement des grands ports maritimes. Or la modification proposée porte non sur l’article L. 5312-11 du code des transports, comme il est indiqué dans l’objet, mais sur son article L. 5713-1-1. Mes chers collègues, je vous laisse consulter le texte de l’alinéa 17 de l’article 3 de la proposition de loi. Or cet article ne concerne que les ports de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, et non pas tous les grands ports maritimes.
La proposition de loi, dans la rédaction issue de nos travaux, a seulement pour objet de retranscrire un ajout intervenu au moment du vote de la loi portant réforme des ports d’outre-mer. Portée notamment par notre collègue Odette Herviaux, cette mesure prévoyait spécifiquement un représentant des associations de consommateurs au sein des conseils de développement des ports ultramarins, en raison de la spécificité de la problématique de formation des prix dans ces territoires et de la crise qui avait eu lieu.
Votre proposition n’est donc pas utile, car les associations de protection de l’environnement sont bien représentées au sein des conseils de développement des grands ports maritimes aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Ces amendements tendent effectivement à ajouter, mais seulement pour les outre-mer, un représentant des associations de protection de la nature au sein des conseils de développement.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Compte tenu des explications qui viennent de nous être fournies, je retire mon amendement.
M. Joël Labbé. Je retire également le mien.
M. le président. Les amendements nos 2 et 55 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 5312-12 du même code, les mots : « de grands » sont remplacés par les mots : « d’un ou de plusieurs grands » et le mot : « autonomes » est supprimé. – (Adopté.)
Article 3 ter A (nouveau)
Après le mot : « représentés », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 5312-12 du code des transports est ainsi rédigée : « dans le but d’élaborer des positions communes par façade sur les enjeux nationaux et européens. Ce document peut proposer des modalités de mutualisation de leurs moyens d’expertise et de services, y compris de dragage et de remorquage. » – (Adopté.)
Article 3 ter
(Non modifié)
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 219-6-1 du code de l’environnement, après le mot : « publics, », sont insérés les mots : « des ports décentralisés, ».
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Revet, Mayet, César, Vaspart, P. Leroy et Houel, Mme Lamure et MM. Trillard et D. Laurent, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 219-6-1 du code de l'environnement, le mot : « métropolitaine » est remplacé par les mots : « du territoire français sous la responsabilité du représentant de l’État dans les départements concernés » ;
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Il faut le répéter, la France dispose aujourd'hui de la plus vaste zone économique maritime du monde. Nous étions deuxièmes voilà encore quelques mois, nous sommes désormais les premiers ! Or la majorité de ces espaces sont hors de la métropole. Il apparaît donc normal que la mise en place des schémas se fasse non pas seulement dans des espaces liés à la métropole, mais aussi dans les collectivités et départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier l’article L. 219-6-1 du code de l’environnement afin de prévoir que les conseils maritimes de façade soient mis en place pour « chaque façade maritime du territoire français » – et non plus pour les seules façades métropolitaines – « sous la responsabilité du représentant de l’État dans les départements concernés ».
Je comprends l’idée, mon cher collègue, mais votre amendement est satisfait par le droit en vigueur puisqu’un décret du 15 mai 2014 est venu répondre à votre inquiétude par anticipation. Ce décret a défini le périmètre des bassins maritimes ultramarins et organisé leur gouvernance au sein des conseils maritimes ultramarins.
Quatre bassins ont été définis : le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; le bassin « Sud océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises et Mayotte ; le bassin « Guyane » ; le bassin « Saint-Pierre-et-Miquelon ». La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, qui exercent des compétences propres en matière maritime, conformément aux lois statutaires qui les régissent, ne sont pas concernées par le dispositif.
Ces conseils maritimes sont composés, comme les conseils maritimes de façade, de représentants de l’État et de ses établissements publics, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des entreprises, des organisations syndicales, des associations et de personnalités qualifiées.
Votre proposition d’ajout étant redondante, compte tenu de l’état actuel du droit depuis la publication du décret du 15 mai 2014, l’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. C’est sur mon initiative qu’a été introduit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche le dispositif visant à établir des schémas sur l’ensemble du territoire. L’objectif était de déterminer les zones à protéger à tout prix en raison de leur flore et de leur faune et celles susceptibles de permettre un développement économique.
Si j’ai l’assurance que l’ensemble du territoire national, y compris les départements et les collectivités d’outre-mer, est couvert – des dispositions ont peut-être été prises qui m’auraient échappé –, je suis prêt à m’incliner… (M. le secrétaire d’État fait un signe d’assentiment.)
Dans ces conditions, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article 3 quater
(Non modifié)
Le II de l’article 1695 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « les personnes » sont remplacés par les mots : « l’ensemble des personnes, physiques ou morales, » ;
b) Après la référence : « 287 », la fin est supprimée ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « précité » est remplacé par les mots : « établissant le code des douanes communautaire ».
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le II de l’article 1695 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’elles sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et redevables de la taxe pour des opérations mentionnées aux premier et dernier alinéas du I, peuvent, sur option et par dérogation à ces alinéas, porter le montant de la taxe constatée par l’administration des douanes sur la déclaration mentionnée à l’article 287 :
« 1° Les personnes établies sur le territoire de l’Union européenne :
« a) Titulaires du statut d’opérateur économique agréé, mentionné au a du 2 de l’article 38 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union ;
« b) Ou titulaires d’un agrément de dédouanement centralisé national délivré par l’autorité compétente de l’État, conformément au deuxième alinéa du 1 de l’article 179 du règlement n° 952/2013 précité, et respectent les critères repris aux a à c de l’article 39 de ce règlement ;
« 2° Les personnes autres que celles mentionnées au 1°, établies sur le territoire de l’Union européenne, qui dédouanent par l’intermédiaire d’un représentant en douane, mentionné à l’article 18 du règlement n° 952/2013 précité, lorsque :
« a) Elles respectent les critères repris aux a à c de l’article 39 du règlement n° 952/2013 précité ;
« b) Et le représentant en douane est titulaire du statut d’opérateur économique agréé pour les simplifications douanières mentionné au a du 2 de l’article 38 du règlement n° 952/2013 précité ;
« 3° Les personnes non établies sur le territoire de l’Union européenne, qui dédouanent par l’intermédiaire d’un représentant en douane, mentionné à l’article 18 du règlement n° 952/2013 précité, titulaire du statut d’opérateur économique agréé pour les simplifications douanières mentionné au a du 2 de l’article 38 du règlement n° 952/2013 précité.
« L’option prévue aux 1°, 2° et 3° prend effet le premier jour du mois suivant celui de la demande et prend fin le 31 décembre de la troisième année qui suit celle de la demande. Elle est renouvelable par tacite reconduction, par période de trois années civiles, sauf dénonciation formulée au moins deux mois avant l’expiration de chaque période. »
II. – A. – Le I s’applique à compter du 1er mai 2016.
B. – Les options prévues par le II de l’article 1695 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du I du présent article, exercées avant le 1er mai 2016, demeurent valables jusqu’au retrait de l’agrément ou jusqu’à son remplacement par un agrément de dédouanement centralisé national et, au plus tard, jusqu’au 1er mai 2019. En cas de remplacement de l’agrément, le bénéfice de l’option s’applique conformément au II de l’article 1695 précité, dans sa rédaction issue du I du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir pour objectifs de bien recouvrer la TVA due et de ne pas créer de blocages préjudiciables au bon fonctionnement des installations portuaires.
Le Gouvernement partage votre souci de favoriser l’autoliquidation de la TVA. J’en veux pour preuve que nous l’avons mise en œuvre depuis janvier dernier. Plus de 1,9 milliard d’euros – quasiment 2 milliards d'euros – sont autoliquidés en matière de TVA à l’importation ; les chiffres qui nous sont transmis tous les mois sont en augmentation constante. Néanmoins, l’article 3 quater tel qu’il est rédigé pose plusieurs difficultés.
D’abord, la rédaction de l’article 1695 du code général des impôts qui résulte de cet article continue de subordonner le bénéfice de l’autoliquidation, notamment pour les opérateurs non domiciliés en France, à la procédure de domiciliation unique, qui est appelée à disparaître le 1er mai prochain avec l’entrée en vigueur du code européen des douanes. Il s’ensuit une distorsion de traitement qui n’est pas acceptable.
Ensuite, il nous semble que la rédaction actuelle de l’article, qui généralise complètement, sans aucune restriction, la possibilité d’autoliquider, présente des risques en matière de fraude à la TVA. Qu’on ne se méprenne pas : je ne suis pas en train de dire que les entreprises concernées ne pensent qu’à frauder la TVA. Toutefois, chacun le sait ici, nous devons lutter contre une fraude à la TVA qui a pu être constatée, notamment au travers d’un certain nombre de sociétés éphémères.
Le Gouvernement vous propose, par cet amendement, de permettre à beaucoup plus d’opérateurs du secteur de bénéficier de l’autoliquidation. L’élargissement concernera les titulaires du statut d’opérateur économique agréé ainsi que les titulaires d’un agrément de dédouanement centralisé national. Instauré par le code européen des douanes, le processus de dédouanement centralisé national sera beaucoup plus souple que la procédure de domiciliation unique, à laquelle il est reproché d’imposer la constitution d’un dossier et de se soumettre à un audit avant de recevoir l’agrément.
Nous souhaitons, par mesure de précaution, limiter la possibilité d’autoliquidation aux seules entreprises qui satisfont à trois critères d’ores et déjà prévus dans le code des douanes : l’absence d’infractions graves ou répétées à la législation douanière et aux dispositions fiscales – chacun comprendra ici que l’infraction peut faire l’objet d’un simple constat par l’administration de la DGDDI, sans constitution d’un dossier – ; une bonne gestion des écritures douanières, ce qui préserve des sociétés éphémères ; la solvabilité financière, qui peut être constatée par l’intermédiaire de la DGFIP, y compris via l’utilisation du FICOBA.
Tel est l’objet de cet amendement.
En l’état, l’article 3 quater nous paraît restrictif, voire dangereux. En effet, je le répète, faire référence à la procédure de domiciliation unique, qui va disparaître, empêchera de fait les opérateurs non domiciliés en France qui souhaiteraient bénéficier de l’autoliquidation et, donc, d’utiliser nos installations portuaires de venir chez nous.
Enfin, j’indique que l’amendement du Gouvernement a été discuté avec les professionnels du secteur pas plus tard que lundi dernier. Ils ont donné leur accord à cette formulation. J’ajoute que le Gouvernement s’engage à ce que l’instruction d’application de la mesure leur soit soumise. Il y a là matière à sécuriser les choses et à satisfaire l’ensemble des demandes de tous les acteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement a été déposé hier soir à vingt-deux heures. Comme la commission s’est réunie le matin pour examiner l’ensemble des amendements, elle n’a pas pu se prononcer.
L’amendement vise à revenir sur la généralisation de la possibilité d’autoliquidation de la TVA à l’importation à toutes les entreprises, possibilité que l’Assemblée nationale a introduite dans la proposition de loi et que nous avions adoptée telle quelle en commission.
Depuis le 1er janvier 2015, l’autoliquidation à l’importation de la TVA n’est permise dans les ports français qu’aux entreprises importatrices titulaires d’un agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique, la fameuse PDU. Cela a limité l’ouverture de l’autoliquidation à 476 entreprises seulement. Or, on le sait, cette situation crée de réelles difficultés pour nos ports. Ceux-ci sont en effet soumis à une distorsion de concurrence par rapport aux ports du Benelux, par exemple, qui, eux, pratiquent l’autoliquidation de la TVA, comme seize autres États.
Il faut aller encore plus loin que ne l’avait fait la loi de finances rectificative pour 2014. C’est le sens de l’article 3 quater, qui généralise la procédure à toutes les entreprises. L’amendement du Gouvernement vient restreindre cette généralisation au motif affiché de lutter contre les risques de fraudes, qui sont réels. Il prévoit que l’autoliquidation est une possibilité pour les entreprises agréées à la PDU, pour celles bénéficiant du statut d’opérateur économique agréé, ainsi que pour les intermédiaires d’opérateurs certifiés. Cela porterait le nombre de bénéficiaires à 7 500, ce qui est un progrès évidemment important, mais ne concerne que 50 % des entreprises potentiellement bénéficiaires.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire en commission, il me paraît néanmoins indispensable d’aller plus loin. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet article conforme. Il est attendu par l’ensemble des professionnels du secteur. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur. Pour rencontrer régulièrement les opérateurs et les utilisateurs des ports, je peux vous dire que l’élargissement de l’autoliquidation est l’un des sujets qu’ils abordent le plus. Un pas avait été fait, mais ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale permet un élargissement complet.
Quand des bateaux préfèrent aller décharger à Anvers ou ailleurs des marchandises qui viennent ensuite en France, cela nous fait perdre beaucoup d’activités et, à la clé, beaucoup d’emplois. Qui plus est – vous devriez être sensible à cette remarque, monsieur le secrétaire d’État –, dès lors que les navires transitent par un autre port, même si nous récupérons une partie de la TVA, il semble que, en application des directives européennes, 20 % de cette taxe est reversée au pays par lequel ils ont transité.
Nous ne pouvons pas vous suivre, monsieur le secrétaire d'État, et voter l’amendement proposé.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. C’est vrai que l’autoliquidation est une attente très ancienne de l’ensemble des acteurs du secteur. Personnellement, je serais plutôt favorable à un vote conforme de l’article 3 quater, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur, Arnaud Leroy.
L’amendement du Gouvernement a été déposé trop tardivement pour que nous puissions vraiment l’analyser sur le fond. Reste que je comprends et je partage les craintes de M. le secrétaire d'État au sujet d’une éventuelle fraude. C’est pourquoi j’apprécie qu’un certain nombre de critères aient été prévus pour lutter contre ce risque.
Néanmoins, la grande majorité de notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Certains de nos collègues souhaitent même voter contre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’entends bien les arguments développés, mais j’aimerais dire solennellement à ce micro – cela figurera au compte rendu – à ceux d’entre vous qui ont rédigé des rapports sur la fraude à la TVA que la décision qu’ils vont prendre – le Parlement est souverain – aura des conséquences extrêmement importantes.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur Revet, la rédaction actuelle de l’article ne permettra pas aux entreprises qui ne sont pas domiciliées en France de dédouaner dans notre pays. Elles ne viendront donc pas dans nos ports. Je vous invite à relire le texte tel qu’il est rédigé : je vous le dis, il ne tourne pas ! Ces opérateurs non domiciliés en France, notamment les expressistes, ne pourront pas venir dédouaner en France puisque vous leur demandez d’avoir une PDU, laquelle n’existera plus à partir du 1er mai prochain compte tenu de l’entrée en vigueur du code européen des douanes.
J’entends bien la demande d’autoliquidation. Elle ne se limite pas à la TVA à l’importation. Elle ne se limite pas non plus à la France. Cependant, il est un peu facile de rédiger des rapports dénonçant une fraude à la TVA scandaleuse, volumineuse et insupportable et de voter, ensuite, des dispositions qui ouvrent la porte à cette pratique très grave !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Notre groupe était particulièrement réservé sur l’article 3 quater tel qu’il était rédigé. Les risques de fraudes sont réels et dénoncés depuis longtemps. Aujourd'hui, il est inimaginable de pas pouvoir appliquer les lois de la République ! À ce compte-là, on supprime absolument toutes les barrières !
Parce que l’amendement présenté par le Gouvernement nous paraît utile pour limiter cette évasion fiscale, nous allons le voter.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les inquiétudes exprimées par M. le secrétaire d'État chargé du budget. Je ne peux que me féliciter que le titulaire de cette fonction veille à ce qu’il n’y ait pas de fraude…
Le meilleur texte du monde n’empêchera jamais la fraude. Pour avoir été avocat pendant près de quarante ans, des fraudeurs, j’en ai vu, de toutes les couleurs, de tous les côtés, dans toutes les professions. Et aucune loi n’a jamais empêché celui qui a envie de frauder de le faire !
M. Jérôme Bignon. C’est malheureusement vrai ! Les tribunaux correctionnels sont remplis de gens qui fraudent le fisc à longueur d’année.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Quelle leçon d’anthologie ! Il faut la mettre sur Facebook !
M. Jérôme Bignon. On sait également que les contrôles fiscaux aboutissent régulièrement à des redressements. Cela prouve au moins que l’administration fiscale marche très bien, ce dont je me réjouis.
Prenons la question à l’inverse. Nos amis et voisins hollandais, allemands et belges encouragent-ils la fraude en acceptant l’autoliquidation ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ils ont le même dispositif que celui qui est prévu par l’amendement !
M. Jérôme Bignon. Je pense que nous aurons un acquis en émettant sur cet article un vote conforme à celui de nos amis députés, qu’on ne peut pas suspecter d’encourager les fraudeurs puisque c’est la majorité qui vous soutient.
Imaginons un instant que cet article soit voté. Si, par hasard ou par malheur, ce que vous dites se révèle exact, rien n’empêchera le Gouvernement de revenir devant la représentation nationale, pour opérer des modifications à la marge. Pour l’instant, nous disons non à un chèque en blanc. La profession attend depuis trop longtemps ces mesures. C’est vital pour un secteur qui se porte mal et qui connaît des difficultés. C’est pourquoi nous devons suivre la position de nos collègues députés et voter cet article.
Mme Annick Billon. Très bien !
M. Jérôme Bignon. Ce n’est pas si souvent que nous le faisons dans cette maison.
Mme Évelyne Didier. Quel acharnement !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Je tiens à apporter ma contribution à ce débat.
J’entends parler de fraude, mais, moi, j’ai envie de parler d’emploi : mille conteneurs, c’est six emplois en permanence !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Là, c’est trop ! (M. le secrétaire d’État chargé du budget quitte l’hémicycle.)
M. Jean-François Rapin. Je veux bien que l’on invoque des mesures fiscales d’ampleur nationale ou la fraude, mais, si l’on ne prend pas en compte l’emploi, on n’a rien compris aux dernières élections !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Il est nécessaire de favoriser le développement du transport maritime dans notre pays. Le texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, le permet. Or, avec cet amendement, on réduit au contraire sa capacité.
Nous savons bien que nos ports connaissent un sérieux problème et qu’il faut absolument juguler la déviation de trafic. Le texte adopté par l’Assemblée nationale élargit le champ de ceux qui peuvent bénéficier de l’autoliquidation de la TVA.
Les procédures actuellement en place empêchent les PME de se développer. Il est donc nécessaire de les favoriser. C’est pourquoi le groupe UDI-UC soutient le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je m’étonne du comportement du secrétaire d’État chargé du budget.
M. Jean-François Rapin. Il est parti quand j’ai parlé d’emploi !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. De façon parfaitement légitime, il participe à ce débat sur les ports, mais il interpelle notre collègue Bignon un peu cavalièrement, sous prétexte que les arguments qu’il avance ne lui conviennent pas, et, voyant que ses arguments à lui ne portent pas, visiblement choqué en entendant le mot « emploi », s’en va de manière tout à fait incorrecte. (M. le secrétaire d’État chargé du budget regagne l’hémicycle.)
Mme Catherine Procaccia. Il revient avec sa sacoche !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Maintenant, par un effet théâtral digne d’un vaudeville – c’est Au Théâtre ce soir ! –,…
M. Jacques Chiron. Ces propos sont scandaleux !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … il nous fait l’honneur de revenir.
Revenons aux choses sérieuses.
M. le secrétaire d’État a affirmé – j’ai noté ses propos – que, la priorité, c’était de bien recouvrer la TVA. Comme l’a souligné Jean-François Rapin, notre priorité à nous, c’est l’emploi. Je l’ai rappelé dans la discussion générale, deux à trois millions de conteneurs sont perdus chaque année à cause de cette non-liquidation.
M. Charles Revet. Et pourraient revenir !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cela représente 8 000 emplois, 1 milliard d’euros. Cela vaut donc la peine que nous votions ce dispositif. S’il n’est pas parfait, il sera toujours temps de procéder à des ajustements. Dieu sait que le Gouvernement ne manque pas de nous proposer des projets de loi de finances, des projets de loi de finances rectificative ou des projets de loi de règlement !
Je le répète, il est assez curieux que le Gouvernement dépose des amendements à la dernière seconde sur une proposition de loi qui a été déposée au mois de juillet dernier. Il s’aperçoit tout à coup que les mesures ne conviennent pas…
Je comprends que mes collègues, de droite comme de gauche, soient très attachés à ce que nous votions en l’état cet article. Cela fait en effet plus de trois ans que le Gouvernement nous balade sur l’autoliquidation, plus de trois ans que Charles Revet et d’autres demandent sa mise en place à chaque projet de loi de finances.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Or, quand le Gouvernement voit que ça va se faire, il est pris d’une espèce de panique et sort in extremis de son chapeau un amendement dont l’objet serait mieux. C’est d’ailleurs tellement vrai qu’il le dépose au dernier moment pour que nous ne puissions pas l’expertiser.
Ce n’est pas correct. D’ailleurs, je l’ai déjà dit deux ou trois fois depuis le début de ce débat, le Gouvernement n’agit pas correctement avec la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je n’ai pas l’habitude de vous voir lors de l’examen des projets de loi de finances. Il me semble que je passe beaucoup de temps au Sénat et que je l’écoute attentivement.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Pas sur ce sujet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission, cela fait quinze ans que tout le monde attend l’autoliquidation. Qui l’a mise en place ? C’est ce gouvernement !
M. Jacques Chiron. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Premièrement, depuis plus d’un an, l’autoliquidation est possible.
Deuxièmement, 8 000 entreprises peuvent être concernées par le dispositif que propose le Gouvernement.
Troisièmement, le dispositif prévu par cet amendement a été discuté lundi dernier avec les professionnels du secteur – je l’ai signalé lorsque je l’ai présenté. C’est pourquoi il n’a été déposé que mardi au Sénat.
Quand j’entends, messieurs les parlementaires,…
Mme Catherine Procaccia. Messieurs ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mesdames, messieurs les parlementaires, dans une assemblée qui fait la loi, qu’aucune loi ne pourra jamais empêcher la fraude,…
M. Jérôme Bignon. C’est la vérité !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … pour les ministres qui consacrent une grande part de leur activité à lutter contre la fraude et l’optimisation fiscales – on en a beaucoup parlé ces derniers jours –, c’est sidérant !
M. Roland Courteau. Le mot est faible !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pardonnez par conséquent cette réaction d’humeur que j’ai eue tout à l’heure.
Qu’un certain nombre de parlementaires souhaitent privilégier les aspects économiques aux règles d’équité et de justice fiscales, voilà qui me paraît là aussi pour le moins surprenant.
Je vous répète qu’une partie de cet article est contre-productive. J’ai passé suffisamment de temps dans cet hémicycle pour deviner l’issue du vote de l’amendement du Gouvernement, mais je tiens à vous dire que la décision que vous allez prendre ce soir est assez peu responsable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission de l’aménagement du territoire, l'autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 176 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 237 |
Pour l’adoption | 46 |
Contre | 191 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est dur pour le Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 quater.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'aménagement du territoire.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour l’adoption | 297 |
Contre | 16 |
Le Sénat a adopté.
Article 3 quinquies
L’article L. 5314-12 du code des transports est ainsi modifié :
1° Après le mot : « stratégique », sont insérés les mots : « , la prise en compte des questions environnementales » ;
2° (Supprimé)
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil portuaire forme, à chaque renouvellement, des commissions chargées d’étudier l’exploitation, les tarifs, le développement ou toute autre question soumise au conseil. » – (Adopté.)
Article 3 sexies
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 5321-1 du code des transports, après le mot : « navires », sont insérés les mots : « et de leurs équipages ». – (Adopté.)
Article 3 septies
(Non modifié)
I. – La section 1 du chapitre VII du titre III du livre III de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° À l’article L. 5337-3-1, les références : « aux 3° et 4° de l’article L. 5331-6 » sont remplacées par la référence : « au 3° de l’article L. 5331-5 » ;
2° Il est ajouté un article L. 5337-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5337-3-2. – Dans les grands ports maritimes mentionnés au 1° de l’article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président du directoire du grand port maritime saisit le tribunal administratif territorialement compétent dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière. Il peut déléguer sa signature à un autre membre du directoire. »
II. – À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, les mots : « l’autorité désignée à l’article L. 5337-3-1 du même code est compétente » sont remplacés par les mots : « les autorités mentionnées aux articles L. 5337-3-1 et L. 5337-3-2 du même code sont compétentes ». – (Adopté.)
Article 4
(Suppression maintenue)
Chapitre III
Renforcer l’employabilité des gens de mer et leur protection
Article 5
(Suppression maintenue)
Article 5 bis
Le 3° de l’article L. 5511-1 du code des transports est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les marins comprennent notamment les marins au commerce et les marins à la pêche, ainsi définis :
« a) “Marins au commerce” : gens de mer exerçant une activité directement liée à l’exploitation de navires affectés à une activité commerciale, qu’ils soient visés ou non par la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail, à l’exception des navires affectés à la pêche ou à une activité analogue ;
« b) “Marins à la pêche” : gens de mer exerçant une activité directement liée à l’exploitation des navires affectés à une activité de pêche relevant de la convention (n° 188) sur le travail dans la pêche, 2007, de l’Organisation internationale du travail ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 74 rectifié est présenté par Mme Claireaux, MM. Cornano, Antiste et S. Larcher, Mme Bataille, MM. Lalande et Masseret, Mme Riocreux, M. Cabanel, Mme Schillinger, MM. Lorgeoux et J.C. Leroy, Mme Herviaux et MM. J. Gillot, Filleul et Patient.
L’amendement n° 83 est présenté par Mme Billon et M. Canevet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Après les mots :
affecté à une activité de pêche
insérer les mots :
telle que définie à l'article L. 911-1 du code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant,
La parole est à Mme Karine Claireaux, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.
Mme Karine Claireaux. Cet amendement vise à prendre en compte la diversité des activités de pêche exercées sur le littoral français, parmi lesquelles on peut citer la pêche professionnelle en apnée, la pêche en plongée avec bouteille d’oxygène, ou encore la pêche à pied. Ces activités, dans de nombreux cas, exigent l’utilisation d’un navire professionnel. Il s’agit ainsi de reconnaître que l’utilisation du navire comprend notamment sa conduite, la manœuvre des engins de pêche et le transport des produits de la pêche.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Annick Billon. Ces pêcheurs sont confrontés aux mêmes risques et aux mêmes contraintes que les marins pêcheurs et endurent toutes les difficultés inhérentes à leur activité commune.
L’adoption de ces amendements identiques permettrait aux pêcheurs à pied, ainsi qu’à d’autres professionnels, de se voir délivrer un permis d’armement plus adapté aux contraintes qu’ils doivent assumer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Ces amendements identiques visent en effet à élargir la définition de la pêche, afin d’étendre, par voie de conséquence, le périmètre des marins à la pêche. La définition de la pêche prévue par la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail est pourtant déjà très large : aux termes de cette convention, la pêche commerciale désigne « toutes les opérations de pêche, y compris les opérations de pêche dans les cours d’eau, les lacs ou les canaux, à l’exception de la pêche de subsistance et de la pêche de loisir ».
L’ajout d’une référence à la définition prévue par le code rural et de la pêche maritime ne contribue pas à un effort de clarté. Par ailleurs, les objets de ces amendements mentionnent des activités qui n’ont pas nécessairement recours à un navire affecté spécifiquement à l’activité de pêche. Or je rappelle que les marins restent définis comme gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l’exploitation du navire affecté à l’activité de commerce ou de pêche.
Les présents amendements ont pour objet d’intégrer les pêcheurs à pied professionnels dans le périmètre des marins. Le débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Sans évoquer les différences en termes d’activité, une telle extension pourrait avoir des conséquences financières indirectes puisque certains pêcheurs à pied professionnels se retrouveraient affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine, ou ENIM, plutôt qu’à la mutualité sociale agricole, alors que ces deux régimes ont des équilibres financiers très différents.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. L’article L. 5511-1 du code des transports définit les marins comme des « gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l’exploitation du navire ». Cette définition fonde les règles en matière de droit du travail.
L’article L. 911-1 du code rural et de la pêche maritime, quant à lui, vise non pas la profession de marin pêcheur, mais l’activité de pêche. Il peut ainsi exister des pêcheurs qui ne sont pas considérés comme des marins et qui ne relèvent donc pas des règles du code des transports.
Dès lors, il n’est pas justifié de se référer au code rural et de la pêche maritime pour fonder une définition utilisée en matière de droit du travail.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié et 83.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis.
(L’article 5 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 bis
M. le président. L’amendement n° 88 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Roche, Longeot, Gabouty, Cadic et Cigolotti et Mme Gatel, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 5542-26 du code des transports, les mots : « au titre de la présente sous-section » sont remplacés par les mots : « et seulement dans ce cas ».
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Le régime spécial géré par l’ENIM dont bénéficient les marins est dans certains cas – ainsi de la prise en charge des soins et salaires par l’armateur lorsque le marin est blessé au service du navire – plus favorable et dans d’autres moins favorable que le régime général. Il s’agit néanmoins d’un régime complet et cohérent, auquel on ne peut superposer le régime général.
Le présent amendement vise à clarifier la situation relative au maintien du salaire du marin, en particulier, le laps de temps durant lequel il a droit à la prise en charge de ses soins par l’employeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Ce sujet est sensible. Les auteurs de cet amendement proposent une modification de l’article du code des transports relatif au maintien du salaire du marin en cas de maladie ou de blessure.
Je ne perçois pas clairement ce qu’une telle modification apporterait et l’objet de l’amendement procure peu d’éclairage à cet égard. Je devine toutefois que l’esprit de cet amendement, tout comme celui de deux autres amendements que nous examinerons ultérieurement, est de circonscrire les dispositifs d’indemnisation des marins en cas de blessure ou de maladie.
Je rappelle que ce dispositif est déjà encadré à titre général : le versement du salaire est lié à l’existence de soins aux frais de l’employeur. Au terme de cette obligation de soins à la charge de l’employeur, le versement du salaire cesse. L’article L. 5542-22 du code des transports dispose expressément : « Les soins à donner au marin cessent d’être dus par l’employeur lorsque la blessure est consolidée ou lorsque l’état du malade, après la phase aiguë, a pris un caractère chronique. »
En tout état de cause, dans sa rédaction actuelle, l’amendement ne comprend pas toutes les modifications nécessaires pour aller jusqu’au bout de sa logique. En effet, il ne tend pas à modifier l’alinéa suivant de l’article L. 5542-26 du code précité qui vise un autre cas dans lequel le marin continue de percevoir son salaire malgré sa guérison, à savoir lorsqu’il est débarqué hors de la métropole, et ce le temps d’y revenir.
Peut-être existe-t-il certaines dérives qui ne nous ont pas été signalées ; en tout état de cause, le dispositif prévu par cet amendement ne me semble pas pouvoir clairement contribuer à les prévenir.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : l’adoption de cet amendement entraînerait une régression sociale importante. Il a en effet pour objet la prise en charge par l’armateur du salaire du marin en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Plus précisément, il vise à passer d’une indemnisation basée sur le salaire réel à une indemnisation forfaitaire. De fait, certaines catégories de marins, en particulier ceux qui touchent les salaires les plus bas, subiraient une diminution de l’indemnisation de 1 000 euros par mois.
Chacun est mis devant ses responsabilités. Le Gouvernement, quant à lui, émet évidemment un avis très défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Canevet, l’amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 88 rectifié est retiré.
L’amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Cadic, Cigolotti et Gabouty, Mme Gatel et MM. Longeot et Roche, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5542-27 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la rémunération du marin ne consiste pas en un salaire fixe, le salaire versé au marin en application de l’article L. 5542-26 du présent code est déterminé par référence à son salaire forfaitaire. » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il s’agit là encore de clarifier les règles applicables concernant l’assiette des indemnités maladie pour les marins, ce en accord avec les partenaires sociaux. Quelle que soit la situation, cette assiette serait le salaire forfaitaire, qui constitue de fait la seule base fixe du revenu du marin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Selon le code des transports, lorsque la rémunération du marin ne consiste pas en un salaire fixe, le salaire qui lui versé lorsqu’il est malade ou blessé est fixé par une convention de branche. Le présent amendement tend à supprimer la référence au salaire prévu par la convention de branche au profit du salaire forfaitaire.
Il paraît délicat, à l’heure où l’on privilégie le dialogue social comme mode de précision du droit du travail, de s’en référer au salaire forfaitaire sans laisser de marges de manœuvre aux partenaires sociaux. Par ailleurs, une convention collective relative à la pêche est en cours d’élaboration. Je comprends que les dispositions d’une convention de branche puissent ne pas convenir à tous les employeurs concernés. Néanmoins, le dialogue social a au moins le mérite d’aboutir à une solution élaborée collectivement et qui reflète une certaine position majoritaire au sein de la branche.
Les écarts entre salaire forfaitaire et salaire réel sont souvent significatifs dans le secteur de la pêche. Le présent amendement pourrait donc avoir des conséquences difficiles à évaluer sur la protection des marins. Je suis, pour ma part, réticent à modifier le régime d’indemnité en cas de blessure ou de maladie sans disposer d’un état des lieux clair et, en tout état de cause, sans concertation préalable.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il est le même que celui de la commission ; si l’amendement n’est pas retiré, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Canevet, l’amendement n° 89 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 89 rectifié est retiré.
L’amendement n° 90 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Cadic, Cigolotti et Gabouty, Mme Gatel et MM. Longeot et Roche, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5544-35 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 5544-35. – Les parts de pêche et les primes et allocations de toute nature stipulées dans le contrat et en référence aux conventions collectives et accords de branches sont, pour l’application de la présente section, considérées comme salaires de production pour les périodes embarquées. Pour les périodes passées à terre, les salaires et indemnités correspondant sont déterminés dans un cadre conventionnel. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Le salaire à la part est un dispositif spécifique au secteur des pêches maritimes. À l’origine, ce type de salaire n’était versé que pour les périodes embarquées au sens strict. Aujourd’hui, à la suite d’évolutions mal maîtrisées, il sert de base pour la plupart des rémunérations à terre : travail à terre, congés, indemnités de départ en retraite, de licenciement ou de maladie. Or ces évolutions ne correspondent pas à la nature du salaire à la part. Il est souhaitable de laisser aux partenaires sociaux la possibilité de définir les bases ad hoc pour les différentes rémunérations et indemnités ne correspondant pas à des périodes de pêche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le salaire à la part, c’est-à-dire suivant le produit de la pêche, ne soit pas pris en considération dans différents dispositifs d’indemnisation, ce afin de tenir compte des variations de l’activité de pêche et de son équilibre économique. L’objectif semble in fine de prendre en compte une base moins élevée pour définir différentes indemnités à verser aux marins.
Le changement proposé n’est pas négligeable. Le renvoi à une convention collective pour l’identification des salaires et des indemnités à prendre en compte peut affecter plusieurs composantes de la rémunération des marins, comme le mentionne l’objet même de l’amendement : travail à terre, congés, indemnités de départ en retraite, salaire en cas de blessure et de guérison.
Le maintien d’une définition englobante du salaire me semble plus équilibré. Pour les raisons évoquées précédemment, je suis réticent à l’idée de modifier une disposition sensible – la définition du salaire des marins à la part de pêche – à l’occasion de l’examen d’un amendement en séance.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 90 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié est retiré.
Article 5 ter
I. – (Non modifié) La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 5521-1 est ainsi modifié :
a) Le 3° du IV est abrogé ;
b) Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – Les normes d’aptitude médicale à la navigation des gens de mer sont définies par arrêté du ministre chargé de la mer, pris après consultation du Conseil supérieur des gens de mer. Elles tiennent compte des recommandations internationales relatives à la santé et au travail en mer, des particularités des conditions de travail et de vie à bord des navires et des impératifs de la sécurité maritime. Le cas échéant, ces normes sont déterminées selon les fonctions à bord ou les types de navigation. » ;
2° L’article L. 5521-2 est ainsi modifié :
a) Au I, les mots : « ne satisfait aux conditions de formation professionnelle correspondant » sont remplacés par les mots : « n’est pourvu de titres de formation professionnelle maritime et de qualifications correspondant aux capacités qu’il doit avoir et » ;
b) Les 1° et 2° du II sont remplacés par des 1° à 4° ainsi rédigés :
« 1° Les conditions de délivrance et de validité des titres de formation professionnelle maritime ;
« 2° Les conditions de dérogation au I ;
« 3° Les modalités de suspension et de retrait des prérogatives attachées aux titres de formation professionnelle maritime ;
« 4° Les conditions dans lesquelles sont reconnus, le cas échéant après des épreuves ou des vérifications complémentaires, les titres, diplômes et qualifications professionnelles obtenus ou acquis dans un État étranger. » ;
c) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Les titres de formation professionnelle maritime et les qualifications mentionnés au I sont définis par voie réglementaire. » ;
3° À l’article L. 5524-1, la référence : « L. 5521-1 » est remplacée par la référence : « L. 5521-2 » ;
4° Au second alinéa de l’article L. 5725-1, après le mot : « que », est insérée la référence : « le V de l’article L. 5521-1 et ».
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 5 ter, issu de l’adoption d’un amendement du rapporteur à l’Assemblée nationale, viserait, selon ce dernier, « à simplifier la procédure de prise de décrets relatifs aux normes en matière d’aptitude médicale et de formation des marins. »
En l’état actuel du droit, le code des transports dispose qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis des organisations les plus représentatives d’armateurs et de gens de mer intéressés, détermine les conditions d’application des normes d’aptitude médicale selon les fonctions exercées à bord ou les types de navigation.
Sous prétexte de simplification, cet article supprime la consultation de ces représentants et renvoie à l’avis du Conseil supérieur des gens de mer. Nous ne pensons pas qu’il soit souhaitable d’écarter les organisations professionnelles sur des questions aussi importantes, quelle que soit la qualité d’expertise du conseil précité.
Par ailleurs, cet article modifie l’article L. 5521-2 du même code qui dispose : « Nul ne peut exercer la profession de marin s’il ne satisfait aux conditions de formation professionnelle correspondant aux fonctions qu’il est appelé à exercer à bord du navire. » Pourquoi vouloir viser désormais, aux termes du présent article, les « titres de formation professionnelle maritime et de qualifications correspondant aux capacités qu’il doit avoir » ?
En raison de ces interrogations, nous demandons la suppression de l’article 5 ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. En matière d’aptitude médicale, le code des transports est modifié par le présent article afin que les normes soient fixées par arrêté du ministre chargé de la mer et non plus par décret en Conseil d’État. L’arrêté en question est adopté après consultation du Conseil supérieur des gens de mer.
Je rappelle que cette instance, créée en 2011, est un véritable parlement de la mer qui regroupe des élus, des représentants de l’administration, des représentants des gens de mer et des employeurs, des associations œuvrant pour les gens de mer et des personnalités qualifiées. Si nous disposons d’une instance ouverte et propice au dialogue, c’est bien celle-là !
En matière de formation professionnelle, les modifications prévues à cet article permettent de revoir la répartition entre décret en Conseil d’État et voie réglementaire. En réalité, il s’agit d’une clarification de la hiérarchie des normes réglementaires. Les conditions de délivrance des titres de formation et de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger sont fixées par décret en Conseil d’État. Le contenu et les conditions d’obtention des titres et des qualifications sont déterminés par arrêtés ministériels. Les arrêtés sont présentés devant le comité spécialisé de la formation professionnelle maritime, qui regroupe l’ensemble des partenaires sociaux.
Le présent article n’a donc pas d’effet significatif sur la consultation des partenaires sociaux, compte tenu de la consultation des deux instances représentatives susvisées.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il est similaire : le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.
M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Roche, Longeot, Gabouty, Cadic et Cigolotti et Mme Gatel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …°Les modalités de recours à la formation pratique à bord du navire, notamment par la voie de l'apprentissage, accordant aux enseignements pratiques une place prépondérante dans le cadre de la formation professionnelle ;
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement vise à tenir compte de la situation extrêmement préoccupante du secteur de la pêche.
On s’aperçoit en effet que ce secteur est en train de régresser significativement en France, assez paradoxalement parce que l’on ne trouve plus suffisamment de marins pour armer les navires. Le nombre d’établissements de formation a singulièrement diminué ces dernières décennies dans notre pays. Même si ces établissements accueillent un certain nombre d’élèves, trop peu d’entre eux s’orientent vers la pêche. Si les navires quittent nos ports, c’est tout simplement, je le répète, parce que les armateurs ne trouvent plus suffisamment de marins pour les armer. Il importe donc de tout mettre en œuvre pour remédier à ce fait.
L’une des voies possibles est sans doute l’accentuation des efforts en faveur de l’apprentissage. Il n’est pas suffisant que des jeunes apprennent les métiers de la mer de manière théorique ; il faut également qu’ils suivent une formation pratique la plus importante possible. En effet, des jeunes ayant suivi une formation aux métiers de la mer risquent ensuite d’abandonner leur profession et de se réorienter vers d’autres activités parce qu’ils se rendent compte que la vie sur un bateau est différente de ce qu’ils avaient imaginé et que le métier ne leur plaît plus. Cela signifie très concrètement qu’il faut accroître la partie professionnelle de la formation aux métiers de la pêche.
Au lycée professionnel maritime du Guilvinec, dans le Finistère, un peu moins de 25 % des élèves suivent la formation en apprentissage. C’est totalement insuffisant pour compenser les départs à la retraite et les cessations d’activité.
Monsieur le secrétaire d’État, la voie de l’apprentissage doit donc être privilégiée à l’avenir pour la formation aux métiers de la pêche, afin que nos navires puissent être armés avec des marins français et non avec des étrangers venus uniquement pour quelques mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à accroître la place de la formation pratique au sein de la formation professionnelle des gens de mer, en faisant notamment appel à l’apprentissage.
Les formations initiales maritimes de l’enseignement secondaire, les CAP et les baccalauréats professionnels, comportent des périodes de formation en milieu professionnel pendant lesquelles le jeune est en stage d’une durée respective de douze semaines et de vingt-deux semaines. Ces formations peuvent également être effectuées en alternance, après la conclusion d’un contrat d’apprentissage. La formation à bord est alors plus longue, car elle intègre une partie de la formation en établissement.
Ces équilibres entre formation théorique et pratique sont déterminés par arrêté selon les formations. Dans le cas d’un apprentissage, la durée passée en entreprise est fixée par le contrat.
Compte tenu de la formulation très générale de l’amendement, il est difficile d’évaluer les effets du dispositif proposé par rapport au droit existant, qui relève essentiellement du niveau « infra-décrétal » et des contrats d’apprentissage.
L’attractivité des métiers de la mer pour les jeunes est une préoccupation que je partage entièrement, comme nombre d’entre nous dans cet hémicycle, car il s’agit d’un paramètre important pour l’avenir du pavillon français. Le signal envoyé par cet amendement est clair, mais ses effets juridiques le sont nettement moins. Votre proposition, monsieur Canevet, est en fait un amendement d’appel visant à attirer l’attention de tous, en particulier du Gouvernement, sur une évolution inquiétante pour notre marine. La commission vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Comme la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Canevet, l'amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président, mais je souhaite que M. le secrétaire d’État se penche véritablement sur ce problème, auquel il faut trouver des solutions si nous voulons avoir demain une marine de pêche qui tienne la route et qui se développe.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Sur le fond, je partage complètement les observations qui ont été faites.
J’ajoute que cette question suscite chez moi une certaine incompréhension. Ces formations sont de qualité, les outils de formation sont performants. Ces métiers, s’ils sont difficiles, sont rémunérateurs. Je pense donc qu’il faut effectuer à leur sujet un travail d’information et de conviction.
Quand je visite un lycée maritime et que je constate que toutes les places disponibles ne sont pas occupées, sachant en outre que les élèves qui suivent ces formations n’ont ensuite aucun mal à trouver un emploi, je me dis que l’échec est collectif.
Le dispositif proposé par le biais de l’amendement qui vient d’être retiré n’était cependant pas la solution à ce problème, car il n’aurait rien changé à la situation – je n’entrerai pas dans le détail du droit positif. Ce qu’il faut, d’abord dans cette enceinte, mais surtout sur le terrain, c’est que chacun de nous, à son niveau de responsabilité, porte le message que le secteur maritime offre des formations de qualité, des métiers d’avenir, des métiers rémunérateurs, qui sont en plus passionnants.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter.
(L'article 5 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 72 rectifié ter, présenté par M. Rapin, Mme Canayer et M. Masclet, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 5521-4 du code des transports, après les mots : « de chef mécanicien », sont insérés les mots : « hormis sur les navires de pêche » ;
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement vise lui aussi à favoriser les armements de pêche.
Les conditions de moralité pour l’engagement des mécaniciens de bord sont très restrictives, ce qui rend difficile le recrutement de chefs mécaniciens aujourd'hui, notamment pour les petits armements de pêche. Cet amendement tend donc à modifier l’article L. 5521-4 du code des transports afin que ses dispositions ne s’appliquent pas aux navires de pêche.
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par Mme Billon et M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 5521-4 du code des transports, après les mots : « de chef mécanicien », sont insérés les mots : « , sauf pour la pêche, ».
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer les conditions de moralité pour exercer les fonctions de chef mécanicien à bord d’un navire de pêche. Ces conditions sont liées non pas directement à la sécurité à bord du navire, mais plutôt à la sécurité du navire lui-même et de sa navigation. Le chef mécanicien a un certain nombre de responsabilités et effectue des tâches cruciales pour l’ensemble de l’équipage.
Les conditions relatives au bulletin n° 2 du casier judiciaire semblent proportionnées. Les infractions qui y figurent sont considérées comme préoccupantes pour l’exercice d’une telle responsabilité. Le régime en la matière n’est pas aussi binaire que pour les capitaines et leurs suppléants.
Par ailleurs, la spécificité de la pêche n’apparaît pas très clairement dans la rédaction de ces amendements. Je sais que cette demande émane du secteur de la pêche qui n’a pas souhaité empiéter sur d’autres périmètres, mais le secteur de la marine marchande pourrait s’étonner d’un traitement différencié.
Je précise enfin que les personnes souhaitant exercer cette fonction ont la possibilité de demander l’effacement d’une condamnation auprès du procureur de la République, comme tout citoyen. Cette faculté me semble adaptée à des difficultés ponctuelles.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. C’est un sujet important ; j’émettrai, au nom du Gouvernement, un avis très différent de celui de la commission.
La question des conditions de moralité pour exercer les fonctions de commandant de navire de pêche est sensible. J’ai eu de longs échanges avec les représentants professionnels ces dernières semaines afin d’essayer de trouver une ou des solutions justes et applicables.
Pour ce qui concerne les conditions de moralité requises pour les capitaines et leurs suppléants, j’ai saisi le ministre de la justice pour travailler avec lui sur une évolution des conditions appliquées à ces fonctions dans le cadre d’une réflexion sur le décret d’application. Mesdames, messieurs les sénateurs, nos débats et le travail en cours avec le ministère de la justice permettront de trouver des solutions adaptées.
Ces amendements traitent plus spécifiquement de la question du chef mécanicien sur les navires de pêche. La liste des infractions ne permettant pas d’exercer cette fonction est plus restreinte que celle qui est applicable au capitaine. Les conditions qui sont imposées à ces professionnels sont donc différentes et plus souples.
Conscient de la nécessité de différencier le rôle du chef mécanicien à bord d’un navire de commerce et à bord d’un navire de pêche, je suis ouvert à votre proposition, messieurs les sénateurs. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 72 rectifié ter, mais non sur l’amendement n° 82 rectifié, dont la rédaction est un peu différente, même si l’esprit est le même.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir engagé des discussions avec le ministère de la justice, mais aussi avec les représentants des pêcheurs. Vous êtes sur la bonne voie pour trouver des solutions et satisfaire la demande très forte des marins pêcheurs.
Nous soutenons l’amendement n° 72 rectifié ter, car il est nécessaire de différencier ce qu’il se passe à bord d’un navire de commerce et à bord d’un navire de pêche, notamment dans les plus petites unités.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5 ter.
Par ailleurs, l'amendement n° 82 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 73 rectifié ter, présenté par M. Rapin, Mme Canayer et M. Masclet, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 5521-4 du code des transports est complété par les mots : « et notamment les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire qui sont compatibles avec l’exercice des fonctions visées au premier alinéa. »
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement vise à renvoyer à un décret les précisions concernant les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par Mme Billon et M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 5521-4 du code des transports est complété par les mots : « et notamment les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire qui sont compatibles avec l’exercice des fonctions de capitaine, d’officier en charge de sa suppléance, de chef mécanicien sauf pour la pêche ou d’agent chargé de la sûreté du navire ».
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 5521-4 du code des transports est complété par les mots : « , notamment les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire qui sont compatibles avec l’exercice des fonctions de capitaine, d’officier chargé de sa suppléance, de chef mécanicien ou d’agent chargé de la sûreté du navire ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 73 rectifié ter et 85 rectifié.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président, au bénéfice de l’amendement n° 85 rectifié, qui intègre les conditions relatives au chef mécanicien.
M. le président. L’amendement n° 130 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 73 rectifié ter et 85 rectifié ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. M. le rapporteur ayant retiré l’amendement n° 130, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 85 rectifié et demande le retrait de l’amendement n° 73 rectifié ter ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Rapin, l'amendement n° 73 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-François Rapin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5 ter.
Article 5 quater
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre II du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un article L. 5521-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 5521-5. – Les capitaines et leurs suppléants embarqués à la petite pêche ne bénéficient pas des prérogatives de puissance publique. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 109 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx et MM. D. Laurent, César, Commeinhes, P. Leroy et Mouiller, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 52, présenté par M. Le Scouarnec, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
petite pêche
insérer les mots :
, à la pêche côtière ou aux cultures marines
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement vise à résoudre le problème que j’avais soulevé lors de la discussion générale, à savoir la nécessité pour les marins pêcheurs d’avoir un casier judiciaire vierge.
La difficulté résulte de la nouvelle rédaction de l’article L. 5521-4 du code des transports issue d’une loi de 2013, article qui dispose : « Nul ne peut exercer les fonctions de capitaine, d’officier chargé de sa suppléance, de chef mécanicien ou d’agent chargé de la sûreté du navire s’il ne satisfait à des conditions de moralité et si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice de ces fonctions. » Les conditions d’application de cet article sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Les capitaines pouvant avoir à exercer des pouvoirs de police sur leur navire, on considère qu’ils exercent des prérogatives de puissance publique et que cela ne peut se faire sans certaines garanties.
Cet article s’applique aux navires de pêche. Or certains marins pêcheurs ne remplissent pas ces conditions. Afin de résoudre ce problème, les députés ont adopté l’article 5 quater. Celui-ci prévoit que les capitaines des navires armés à la petite pêche, c’est-à-dire pour des sorties de moins de vingt-quatre heures, ne sont pas considérés comme exerçant des prérogatives de puissance publique. Le bulletin n° 2 de leur casier judiciaire peut donc ne pas être vierge.
Cet article ne règle toutefois qu’une partie du problème, car la petite pêche n’est pas toute la pêche. Au final, 15 % des navires pourraient rester à quai si l’article L. 5521-4 du code des transports était appliqué strictement !
Mon amendement vise par conséquent à étendre l’exception à la pêche côtière – soit quatre jours de mer – et aux navires utilisés par les aquaculteurs.
Toutefois, depuis son dépôt, M. le rapporteur a proposé une solution un peu différente. L’amendement n° 129, qui porte sur l’article que nous examinons, tend à régler le problème pour ce qui concerne l’aquaculture. L’amendement n° 130, à l’article 5 ter, visait – il a été retiré – à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de préciser les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire compatibles avec les fonctions en cause. Il sera donc possible d’aller pêcher même si son casier judiciaire n’est pas tout à fait vierge.
Je me réjouis qu’une solution pragmatique ait pu être trouvée, même si sa mise en œuvre dépend du Gouvernement. Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.
L'amendement n° 129, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
à la petite pêche
insérer les mots :
ou aux cultures marines
La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je ne sais pas si le présent amendement est meilleur. En tout cas, je vous remercie de l’avoir présenté, monsieur Le Scouarnec.
Bien que vous l’ayez retiré, je souhaite revenir brièvement sur l’amendement n° 52. Vous proposiez la suppression des prérogatives de puissance publique pour la pêche côtière et les cultures marines. Il s’agit de la solution que nous envisagions jusqu’à très récemment, mais des discussions avec le secteur de la pêche ont abouti à la proposition que nous venons d’examiner. Le renvoi au pouvoir réglementaire apporte une solution intermédiaire et plus adaptée, car dans certains cas des prérogatives de puissance publique pourraient être utiles à la pêche côtière.
Je tiens, par ailleurs, à souligner l’impulsion que, en tant que rapporteur pour avis, vous avez donnée à cette question lors des travaux de la commission pour aboutir à la solution que nous avons adoptée à l’instant, fruit d’un travail réalisé en concertation par la commission des affaires économiques et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Quant aux cultures marines, elles sont visées spécifiquement par le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 129 ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le dispositif auquel nous parvenons s’inscrit parfaitement dans le travail engagé par le Gouvernement, y compris grâce au vote qui est intervenu tout à l’heure malgré l’avis défavorable de la commission. Il essaie de répondre aux aspirations des pêcheurs, tout en respectant des principes de la loi républicaine. Un travail devra être réalisé sur le décret. Je vous remercie de vous être rangé à cet avis, monsieur Le Scouarnec.
Naturellement, le Gouvernement soutient, dans la logique de ce qu’il a préparé et de ce sur quoi il travaille, le fait d’étendre à la conchyliculture la suppression des prérogatives de puissance publique du capitaine.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quater, modifié.
(L'article 5 quater est adopté.)
Article 5 quinquies
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5542-18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à la pêche maritime, un accord collectif de branche peut prévoir une période ouvrant droit à indemnité, qui ne peut être inférieure à la durée de l’embarquement effectif. » ;
2° À l’article L. 5725-4 et au 2° des articles L. 5785-3 et L. 5795-4, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ». – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 5522-3 du code des transports est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les autorités françaises compétentes peuvent demander cette liste à tout moment. » ;
3° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
Après le deuxième alinéa de l’article L. 5542-48 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’accusé de réception de la demande aux fins de tentative de conciliation interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir. » – (Adopté.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est dix-huit heures et les quatre heures imparties sont écoulées.
Rappel au règlement
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais faire un rappel au règlement au nom de la commission des affaires économiques.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a délégué une partie de l’examen au fond de la présente proposition de loi à la commission des affaires économiques. Comme nous sommes dans le cadre d’une niche parlementaire de quatre heures, le débat est clos à dix-huit heures trente et la poursuite de l’examen du texte est renvoyée au 23 mars, voire au 24 mars. Contrairement à ce que certains pensent, ces dates correspondent non pas à une semaine gouvernementale, mais à une semaine de contrôle.
Nous en avons parlé hier, monsieur le président, en conférence des présidents, où nous siégeons l’un et l’autre. De plus en plus souvent, nous examinons des textes d’origine prétendument parlementaire qui sont en fait soutenus par le Gouvernement, celui-ci éprouvant une certaine facilité à demander à des parlementaires de déposer des propositions de loi.
Franchement, la longueur du présent texte montre que l’on échappe aux propositions de loi qui viennent régulièrement en discussion. Le Gouvernement a de surcroît déposé un amendement comportant des modifications assez lourdes confirmant que ce texte est vraiment d’intérêt gouvernemental.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Nous avons passé l’après-midi à examiner quelques articles ; il en reste beaucoup. La commission des affaires économiques, quant à elle, est concernée à partir de l’article 13 par un certain nombre de dispositions concernant la pêche.
Monsieur le président, je ne m’adresse pas au Gouvernement, qui a déjà été interpellé hier par le président du Sénat lors de la tenue de la conférence des présidents, mais il faudrait mettre un peu d’ordre pour éviter de « saucissonner » un texte de cette importance en renvoyant la discussion à une date qui reste relativement incertaine. J’attire votre attention sur le fait que, le 23 mars, nous tenons d’abord un débat, suivi de l’examen d’une proposition de loi – elle est vraiment d’origine parlementaire puisque j’en suis le premier des nombreux signataires – en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, ce qui va tout de même nous prendre un certain temps. Ce n’est qu’à l’issue de cet examen que nous poursuivrons la discussion de la proposition de loi pour l’économie bleue, puis sans doute le lendemain. Les membres de la commission des affaires économiques sont mobilisés pour être présents.
Pour conclure, monsieur le président, mon temps de parole étant épuisé, je proteste, au nom de la commission des affaires économiques, sur les conditions dans lesquelles nous travaillons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur le président de la commission des affaires économiques.
Il n’en reste pas moins que la conférence des présidents a, hier, donné son accord pour que l’examen de cette proposition de loi soit poursuivi d’ici à une quinzaine de jours.
Mes chers collègues, nous avons examiné 32 amendements ; il en reste 104.
La suite de la discussion est renvoyée au 23 mars 2016.
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Nomination de membres d’un office parlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et républicain a présenté des candidatures pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame Mme Catherine Génisson et M. Franck Montaugé, membres de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de MM. Jean-Pierre Masseret et Daniel Raoul, démissionnaires.
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Demande de modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, demande l’inscription à l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 6 avril :
- de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Henri Cabanel, Didier Guillaume, Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain,
- et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, pour examen conjoint avec la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, présentée par MM. David Assouline, Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
Acte est donné de cette demande.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 15 mars 2016 :
À neuf heures trente : vingt-cinq questions orales.
À quatorze heures trente :
Hommage à Claude Estier.
Quatre conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (n° 106, 2014-2015) ;
Rapport de M. Jean-Marie Bockel fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 455, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 456, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978 (n° 212, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Gisèle Jourda, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 449, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 450, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe) (n° 173, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 453, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 454, 2015-2016).
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou (n° 352, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Gisèle Jourda, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 451, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 452, 2015-2016).
Projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord (procédure accélérée) (n° 286, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 457, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 458, 2015-2016).
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
À dix-sept heures trente : débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 mars.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD