M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en introduction, permettez-moi de saluer un groupe de jeunes élus du conseil municipal d’Angles, en Vendée, et d’autres élus de la commune qui sont présents en tribune et de leur souhaiter la bienvenue. (Applaudissements.)
La question du report du délai de mise en œuvre des nouvelles intercommunalités, objet de la présente proposition de loi présentée par M. Mézard et les membres du RDSE, a été tranchée, voilà moins d’un an, lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, devenue la loi dite « NOTRe ».
Certes, à deux reprises, le Sénat, dans sa majorité, avait porté le délai de mise en place de la nouvelle carte de l’intercommunalité au 1er janvier 2018. Néanmoins, l’accord qui est ensuite intervenu lors de la commission mixte paritaire a permis d’aboutir à un calendrier que nous jugeons adapté et qui conserve l’objectif d’achèvement de la refonte de la carte intercommunale au 1er janvier 2017. Ainsi, sénateurs et députés s’étaient accordés pour ajuster le calendrier initial, donnant ainsi au préfet et à la commission départementale de la coopération intercommunale le temps supplémentaire nécessaire à la concertation pour élaborer le nouveau schéma de coopération intercommunale conformément aux orientations définies par la loi NOTRe.
Il s’agissait là, je le crois, d’un bon compromis, obtenu après un véritable travail de convergence avec l’Assemblée nationale, ce qui a permis au Sénat d’obtenir de nombreuses avancées. Je veux rappeler à ce stade l’important travail qui a été mené par notre collègue René Vandierendonck et notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest pour aboutir à ce compromis, qui a été trouvé en contrepartie d’un assouplissement du seuil à 15 000 habitants, ainsi que d’un certain nombre de dérogations à ce seuil.
La plupart d’entre nous, mes chers collègues, nous étions alors félicités de cet équilibre retrouvé autour d’un calendrier plus resserré. Si le délai semble aujourd'hui contraint, il s’inscrit néanmoins dans un calendrier fixé en toute connaissance de cause et dans le cadre d’un compromis accepté par la majorité des parlementaires.
Monsieur le ministre, vous avez décliné un certain nombre d’orientations que je partage, mais je veux rappeler que l’un des objectifs de la loi NOTRe – vous en êtes d’accord, mes chers collègues – est de renforcer les intercommunalités. Le relèvement du seuil minimal de création des intercommunalités à 15 000 habitants permettra de mieux faire coïncider leur périmètre avec les bassins de vie et les réalités des territoires et de leurs habitants.
Je comprends, bien entendu, les inquiétudes qui ont été relayées notamment par l’Association des maires ruraux de France et par de nombreuses associations départementales. Néanmoins, nous sommes persuadés que l’intercommunalité, qui ne signifie pas une remise en cause de la commune,…
M. Pierre-Yves Collombat. Allons !
M. Jacques Mézard. Eh bien si !
Mme Delphine Bataille. … constitue un moyen d’offrir aux habitants des services publics de qualité, dans une logique de solidarité et de subsidiarité. En mutualisant leur gestion et leur financement, elle permet l’accès à des services nouveaux que les petites communes n’auraient pas pu financer seules, d’autant que, tout le monde en est d’accord, le contexte budgétaire est contraint.
Par ailleurs, un certain nombre de revendications ont été entendues et un certain nombre d’inquiétudes apaisées.
Pour ce qui concerne le seuil, des dérogations sont prévues pour tenir compte des spécificités locales, notamment dans les territoires les moins denses ou de montagne.
Quant à l’accroissement des compétences, la loi NOTRe apporte des éléments de souplesse au nouvel EPCI à fiscalité propre, qui reprend toutes les compétences obligatoires, optionnelles et facultatives communes aux EPCI fusionnés.
Ainsi, s’agissant des compétences optionnelles, le nouvel EPCI disposera d’un délai d’un an pour délibérer en faveur soit de ces compétences, soit de la restitution de celles-ci aux communes membres. Le délai est même porté à deux ans pour les compétences facultatives.
Il est également prévu un transfert différé de certaines compétences nouvelles à caractère obligatoire : en janvier 2017 pour la promotion du tourisme, la collecte et le traitement des déchets, l’accueil des gens du voyage ; en janvier 2018 pour la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » ; en janvier 2020 pour l’eau et l’assainissement.
Des délais ont donc été accordés pour permettre aux maires de se préparer sereinement et de décider de l’organisation la mieux adaptée à leurs territoires.
En réalité, la plupart des intercommunalités ont évolué plus vite que la législation.
Mme Delphine Bataille. Elles exercent déjà un nombre croissant de compétences et une grande majorité des fusions d’EPCI en cours se font, heureusement, sur la base du consensus.
Les préfets ont engagé un travail collaboratif avec les élus locaux et les membres des commissions départementales de la coopération intercommunale pour préparer les projets de schéma actualisé. À cet égard, de nombreuses remontées de terrain témoignent des discussions fructueuses qui ont eu lieu entre les services de l’État et les élus locaux.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est le monde rêvé !
Mme Delphine Bataille. Certains territoires ont même anticipé le travail en commençant les réflexions collectives dès l’été 2014, date du dépôt du projet de loi NOTRe au Sénat, et de nombreuses concertations ont effectivement été engagées avant l’automne 2015 au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale.
Rallonger les délais pour certains territoires et surtout pour ceux qui n’ont pas anticipé les évolutions donnerait, à coup sûr, un mauvais signal aux très nombreuses collectivités qui les ont largement préparées.
De surcroît, la phase d’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale vient juste de s’achever avec succès dans la très grande majorité des territoires, et un gros travail a déjà été effectué au sein des CDCI.
Ainsi, et M. le rapporteur peut en témoigner, dans le département du Nord, à l’issue d’un important travail de concertation mené dans le cadre de la CDCI depuis son installation en décembre 2014, le nouveau schéma arrêté par le préfet permet la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales, ainsi que la rationalisation des périmètres des EPCI.
Il semble donc plus difficile de retarder des regroupements intercommunaux qui permettent, j’y insiste, d’étendre, en particulier dans les zones rurales, des services publics très attendus par les habitants, de mutualiser les budgets et les projets, et de répondre aux nombreux problèmes de gestion que rencontrent les élus municipaux.
Prévoir de reporter, même partiellement pour les fusions les plus complexes, la date de mise en œuvre au 1er janvier 2018, comme vous le proposez, monsieur Mézard, pourrait constituer un obstacle à une mise en place efficace de cette nouvelle organisation. Un tel report pourrait également avoir des effets collatéraux dommageables pour les territoires.
Ce sera d’autant plus difficile que les enjeux financiers et fiscaux de la nouvelle carte intercommunale ne sont pas négligeables.
Ainsi, les modifications de périmètre ont naturellement une incidence sur le classement en zone de revitalisation rurale. En effet, la réforme du dispositif des ZRR est maintenant engagée, mais le classement actuel demeure jusqu’au 30 juin 2017, justement pour tenir compte des reconfigurations des périmètres intercommunaux qui pourront intervenir jusqu’au 31 décembre 2016.
Le nouveau classement des communes sera fonction de quatre principes.
Le classement en ZRR se fera au niveau de l’intercommunalité « sans distinction entre les communes la composant, afin d’éviter les effets de concurrence au sein d’une même intercommunalité ».
Le classement pluriannuel couvrant la durée des mandats communautaires permettra « aux élus de disposer d’un cadre stable et pérenne ».
À ces deux principes sont venus s’ajouter deux nouveaux critères : d’une part, la densité et la richesse des habitants, critère qui reflète mieux l’isolement des territoires et leur santé économique que ceux qui sont actuellement en vigueur ; d’autre part, le maintien des seuls avantages fiscaux ayant un réel effet sur le développement des territoires ruraux.
En conclusion, notons que le report au 1er janvier 2018 interviendrait après une année électorale importante – ce qui n’aura échappé à personne –, chargée en élections, et, dans le même temps, remarquons que l’inscription à ce moment du calendrier parlementaire ne doit certainement rien au hasard.
Dans ce contexte, mon groupe n’est pas favorable à une proposition de loi qui prévoit de rallonger d’un an, même à titre exceptionnel, l’entrée en vigueur de certaines intercommunalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois des remerciements d’abord à l’auteur de la proposition de loi, l’excellent Jacques Mézard, qui nous a présenté une solution de bon sens pour régler des problèmes qui subsistent dans nos départements, des remerciements ensuite au rapporteur, qui a fait une démonstration convaincante qui devrait, je le pense, emporter la plus grande majorité d’entre nous dans un vote positif.
Et, n’en soyez pas surpris, je veux vous remercier également, monsieur le ministre, car, grâce à vous, nous avons assisté à un moment très rare : un ministre affichant le principe de la solidarité gouvernementale. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Reconnaissez que ce sont des démonstrations qui ne sont pas si fréquentes que cela…
Venons-en maintenant au sujet. Il y a des problèmes, monsieur le ministre, dans l’application de la loi, cette loi que le Sénat a votée, mais ne vous méprenez pas sur le vote de sa majorité.
Nous étions extrêmement attachés à ce que puissent subsister des communautés de communes dont la population soit d’une taille correspondant à ce que nous appelons, notamment dans nos territoires ruraux, un « bassin de vie ».
Si nous n’avions pas adopté le texte proposé par la commission mixte paritaire, le seuil de population retenu par l’Assemblée nationale, qui aurait eu le dernier mot, aurait prévalu.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est la raison majeure pour laquelle, avec confiance, nous avons remis un texte qui a été publié au Journal officiel, promulgué par le Président de la République, mais qui est aujourd'hui battu en brèche,…
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. … puisque l’encre était à peine séchée que l’on voyait les représentants du Gouvernement dans les départements, les préfets, dessiner des territoires qui ne correspondaient ni aux souhaits ni aux réalités.
Vous avez dit, monsieur le ministre, ce que je crois être une erreur, que, dans la plupart des départements, les commissions départementales de la coopération intercommunale avaient finalement ratifié les schémas approuvés par les préfets. Non, monsieur le ministre ! Ce n’est pas possible, puisque la loi ne donnait pas cette faculté aux élus des CDCI.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. La seule possibilité qui leur était laissée par la loi consistait à voter ou non les amendements visant à modifier le projet de périmètre figurant dans le schéma. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Au point où nous en sommes, monsieur le ministre, je propose que nous soyons pragmatiques : mettons de côté, dans une malle, les idées, les convictions, pourquoi pas même le respect d’une directive donnée, et fermons cette malle à clef. Les élus ont besoin, dans certains cas, d’un peu de temps pour s’y retrouver.
M. Jacques Mézard. Voilà !
M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi le leur refuser ? Le nombre de cas n’est pas si élevé : il n’y a pas de raison de les ignorer.
Je voudrais conclure mon propos, monsieur le ministre, en me réclamant d’un philosophe dont je sais qu’il nourrit votre réflexion, et qui a la particularité d’être né dans ma commune, Mortagne-au-Perche.
Vous le connaissez : vous êtes allé vous incliner devant sa statue, laquelle est plus grande que nature, quand bien même l’homme était très grand ! Alain, puisque c’est de lui qu’il s’agit, disait que les deux vertus du citoyen sont la résistance et l’obéissance.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. « Par l’obéissance, il assure l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté. »
Monsieur le ministre, retrouvez les mânes du philosophe Alain, et faites un peu de résistance – autrement dit : donnez de la liberté ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il me soit à mon tour permis de féliciter et de remercier l’auteur de cette proposition de loi, M. Mézard, ainsi que M. le rapporteur, de la qualité de leurs travaux.
Comme vous, monsieur le ministre, je voudrais saluer le rôle du Sénat lorsqu’il s’est agi, lors de l’examen du projet de loi NOTRe, en commission mixte paritaire, de faire entendre la voix des territoires et de ses nombreux élus.
Ces derniers appelaient notre institution à revenir sur la définition des seuils adoptée par l’Assemblée nationale, à les préserver d’une élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, et surtout à les laisser un peu respirer en ménageant leur capacité à exercer de nouvelles compétences.
Vous avez aussi salué tout à l’heure, monsieur le ministre, le travail de la mission sénatoriale de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, dont je suis corapporteur, avec Pierre-Yves Collombat, René Vandierendonck et Michel Mercier.
Qu’il me soit permis, à ce titre, de porter témoignage et de dire que, entre les discours tenus à l’encontre des CDCI et la réalité, un écart important existe.
Ma conviction est que le texte qui nous est présenté par M. Mézard est un texte « facilitateur ». Il fera œuvre utile auprès de tous ces élus qui ont bien pris acte de la nécessité d’adapter la taille des intercommunalités, mais ne souhaitent pas pour autant se perdre en errements ; ils refusent, par-dessus tout, de devoir user de multiples artifices pour finalement dévoyer le but de la loi NOTRe qui est de redéfinir le contour des intercommunalités.
Je ne reviendrai pas sur l’exemple des compétences exercées par les anciennes communautés, et qui risquent de se retrouver orphelines. La prise en charge de ces compétences orphelines pourrait nécessiter – reconnaissez que ce serait paradoxal ! – la création de nouveaux syndicats mixtes, voire de communes nouvelles, dont la seule finalité serait en définitive d’assurer cette prise en charge.
Il y a lieu, au contraire, de faire confiance aux élus, donc de leur laisser, dans certains cas, un peu plus de temps, sans pour autant remettre en cause les dispositions de la loi NOTRe, ni bien sûr les nouveaux périmètres définis dans les schémas départementaux de coopération intercommunale.
Ce texte a l’intérêt majeur – je viens de l’évoquer – de faire entendre la voix des territoires et des élus, qui nous demandent parfois de ralentir légèrement le rythme beaucoup trop rapide de la réforme.
Fusionner dix intercommunalités, regrouper près de 210 communes, cela nécessite des adaptations, notamment pour ce qui concerne l’exercice de nouvelles compétences. Il est par conséquent naturel que cela prenne un petit peu de temps ! Ce temps nécessaire à la mise en œuvre de la réforme, nous devons le laisser aux élus !
Il nous faudra par ailleurs mesurer avec exactitude l’incidence, qui n’est pas neutre, de la création de ces nouvelles intercommunalités sur le futur calcul des dotations.
Je renouvelle donc mon soutien – largement partagé, me semble-t-il – à ce texte, qui constitue une avancée significative, et dont les signataires, fidèles à l’esprit porté par le Sénat lors de la commission mixte paritaire que j’ai évoquée tout à l’heure, tentent de faire entendre la voix des territoires.
Il est peut-être temps en effet, monsieur le ministre, d’entendre cette voix. Elle nous rappelle combien ces réformes territoriales sont souvent anxiogènes, et lourdes à mettre en place. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute évolution de l’organisation territoriale de proximité, celle qui touche au cœur de nos territoires, doit à mon sens respecter trois principes.
Premier principe : notre organisation territoriale, dans un monde qui change, ne peut pas rester figée. Le développement du numérique, en particulier, accélère les mutations, remodèle tout un pan de notre société, tout en ouvrant de nouveaux champs du possible, en particulier dans les territoires ruraux.
Si cette organisation ne peut rester figée, c’est aussi parce que le contexte institutionnel évolue. Depuis la création des intercommunalités à fiscalité propre par la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, une succession de lois et de réformes a en effet changé la donne.
Autre changement majeur : les dotations de l’État aux collectivités, hier en forte progression, connaissent aujourd’hui une diminution importante, ce qui conduit les élus locaux à rechercher des pistes de mutualisation et de rationalisation, ou même à repenser le développement de leurs collectivités.
Il était donc bel et bien nécessaire, dans un tel contexte, d’adapter l’organisation de nos territoires.
Deuxième principe : pour pouvoir inscrire leur action dans la durée, les élus locaux ont besoin de visibilité.
Certes, je l’ai dit, il est parfois nécessaire de faire évoluer l’organisation de nos territoires, pour l’adapter à un contexte nouveau. Mais, une fois cette adaptation réalisée, une période de stabilité est nécessaire.
Nous parviendrons bientôt au terme d’une période de profonds bouleversements : fusion des cantons, fusion des régions, agrandissement des intercommunalités, nouveaux transferts de compétences, de l’État vers les collectivités, et entre collectivités, baisse des dotations de l’État, engagement de la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
Lorsque cette étape aura été franchie, une période de stabilité s’imposera. Nous le savons bien, en effet : pour construire efficacement l’avenir des territoires, les élus locaux ont besoin de s’inscrire dans la durée.
Nous aurons donc bien besoin de visibilité, sur le plan à la fois institutionnel et financier.
Troisième principe : pour donner aux territoires toutes les chances de réussir, nous devons entendre et tenir compte de l’avis des élus de terrain qui détiennent la légitimité du suffrage universel de proximité.
Quelle est la situation, aujourd’hui, dans les départements ?
Cela a été dit, dans la grande majorité des cas, les élus ont anticipé ; ils avaient déjà des habitudes de travail en commun, et préparent les fusions. Ils seront prêts pour le 1er janvier 2017, et souhaitent pouvoir avancer sans délai. Il faut le leur permettre : nous ne devons pas les retarder.
Mais tous les territoires n’ont pas la même histoire : des spécificités locales existent et, dans certains cas, les élus demandent un délai supplémentaire pour l’entrée en vigueur des nouveaux périmètres.
Nous le savons, pour que ces nouvelles intercommunalités se construisent sur des bases solides, les élus doivent mettre en place les harmonisations techniques nécessaires en matière financière, en matière fiscale, ou s’agissant de l’exercice de compétences nouvelles – plusieurs orateurs en ont parlé. Mais ils doivent aussi et surtout réussir à construire ensemble une nouvelle stratégie de développement, un nouveau projet de territoire, un nouveau programme pluriannuel d’actions.
C’est pourquoi il est nécessaire d’entendre ces élus, et de leur accorder un délai supplémentaire. D’ailleurs, cela ne pose vraiment pas de difficulté ; je n’en vois en tout cas aucune.
Tel est précisément l’objet de la proposition de loi de Jacques Mézard que j’ai personnellement tenu à signer.
Je veux à cet égard, et à mon tour, saluer le travail de la commission, qui a, dès que c’était nécessaire, modifié et amélioré le texte initial, en en encadrant les dispositions – mon collègue Jean-François Longeot l’a rappelé.
La commission a aussi souhaité limiter la portée de ce texte aux cas de fusion.
Mon groupe est donc majoritairement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je salue à mon tour l’excellente initiative de Jacques Mézard. Sa proposition de loi ouvre aux collectivités la faculté de différer d’un an l’entrée en vigueur des arrêtés de fusion créant les nouvelles intercommunalités, modifiant ainsi la loi NOTRe.
Elle permet aux collectivités qui en ont besoin de prendre le temps nécessaire à la construction de nouvelles entités, en appréhendant de façon plus satisfaisante les conséquences de cette construction en termes de compétences exercées, d’évolution de la fiscalité ou de projections financières.
J’espère vivement que cette proposition de loi ira jusqu’au terme de son parcours législatif, et que ses dispositions seront appliquées.
Les collectivités, jusqu’à présent, n’ont ressenti aucun choc de simplification. Elles demandent avec force des assouplissements. Il faut les entendre, monsieur le ministre !
Il n’était guère besoin d’être visionnaire pour imaginer, dès le stade de sa discussion, les difficultés d’application de la loi NOTRe. Le Sénat avait certes permis l’amélioration du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, comme l’a rappelé Jean-Claude Lenoir. Mais, à l’époque déjà, s’il y avait bien une certitude, c’était celle des difficultés pratiques inhérentes à la mise en œuvre simultanée d’opérations de fusion et de mutualisation.
Anticipant, comme beaucoup d’entre vous, ces difficultés, j’avais déposé un amendement au projet de loi visant à reporter, du 1er mars 2016 au 1er septembre 2016, la date à laquelle devait être transmis pour avis aux conseils municipaux des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le rapport relatif aux mutualisations de services et le projet de schéma afférent, et du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016 son adoption par l’EPCI.
Ce double report était justifié par la nouvelle carte intercommunale qui devait intervenir, en application de l’article 14 dudit projet de loi, avant le 31 décembre 2016. Cela permettait d’harmoniser les dates de fusion et de mutualisation.
Cet amendement avait été adopté et intégré dans le texte. Malheureusement, l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale lui avait ensuite été fatal.
Monsieur le ministre, différer d’un an la date d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités, ce n’est pas faire preuve de mauvaise volonté ! C’est laisser le temps aux collectivités de finaliser leurs projections fiscales et d’harmoniser leurs fonctionnements respectifs. C’est permettre aux élus locaux, là où c’est difficile, de mettre en œuvre ces fusions dans la sérénité.
D’autres problèmes se posent déjà ; il faut y apporter des réponses, et vite.
Monsieur le ministre, je vous ai saisi de ces questions voilà déjà plusieurs semaines.
Je prends l’exemple des conséquences fiscales de ces fusions sur les taxes d’habitation perçues par les communes. Les projections font état de répercussions fortes, à la hausse et à la baisse, sur les taux de taxe d’habitation. Certaines communes, par le simple effet de la fusion, verraient leur taux augmenter de 5, de 7 ou de 11 %. C’est insupportable et inadmissible !
Or la loi ne permet pas, actuellement, de lisser sur plusieurs années ces hausses du taux de la taxe d’habitation, sauf si le taux appliqué dans l’EPCI préexistant le moins imposé était inférieur à 90 % du taux appliqué dans l’EPCI préexistant le plus imposé – ce taux, qui était auparavant de 80 %, a été fixé à 90 % au 1er janvier 2016. Mais il semble que cela soit insuffisant : il faudrait un lissage total.
Concernant le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, j’attire votre attention sur le fait que certaines intercommunalités n’en bénéficient pas. Le seul fait de fusionner peut permettre au nouvel ensemble d’en bénéficier.
Ainsi, dans mon territoire, une commune qui ne percevait rien du FPIC recevra désormais une dotation de 100 000 euros. La fusion la rend-elle plus pauvre pour autant ? Dans le même temps, et sur le même territoire, des communes qui ont géré leur budget de façon rigoureuse depuis des années vont voir leur taux de taxe d’habitation augmenter significativement !
Où est l’équité, où est la justice ? Tout cela se fait dans la précipitation, sans évaluation préalable. Comme le disait Jacques Mézard, la technocratie a fait son œuvre, une fois de plus.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Michel Vaspart. Dans bien des territoires, nous avons de mauvaises surprises, dont nous n’imaginons pas encore toutes les conséquences. Monsieur le ministre, il faudra ajuster la loi au fur et à mesure que nous en connaîtrons les conséquences néfastes, si nous ne voulons pas que le mécontentement des élus locaux se renforce terriblement, et à juste titre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je souhaite remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de leurs propos empreints de bon sens, comme c’est toujours le cas dans cette assemblée, et de la qualité de cette discussion. La sérénité du Sénat est toujours un véritable bonheur pour un membre du Gouvernement.
Je voudrais, sans répondre dans le détail à chacune et à chacun, préciser quelques points.
Monsieur le sénateur Vaspart, des textes relatifs à l’intercommunalité ne peuvent être néfastes. J’ai moi-même, dans une autre vie gouvernementale, porté l’intercommunalité sur les fonts baptismaux, et je mesure, en trente ans, les progrès réalisés en la matière.
On peut être d’accord ou ne pas l’être, mais parler de texte aux « conséquences néfastes », c’est peut-être excessif !
Je voudrais maintenant – c’est ce qui m’a décidé à intervenir – m’adresser à l’excellent sénateur Lenoir pour louer la qualité de son art oratoire. Qu’il ne se laisse pas, cependant, au nom même de cet art, entraîner à tenir des propos qui sont peu respectueux des convictions de chacun.
Je respecte vos convictions, monsieur le sénateur, mais je ne peux accepter que vous disiez que, au nom de la solidarité gouvernementale ou d’instructions que j’aurais reçues, je prendrais des positions contraires à mes convictions. C’est tout le contraire !
Je l’ai dit dès mon intervention liminaire, je le précise de nouveau : je considère que porter à vingt mois le délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités serait une erreur : au lieu d’aller dans le sens de la simplification, qu’un certain nombre d’entre vous ont pourtant appelé de leurs vœux, vous iriez vers davantage de complexité.
À partir d’un moment, lorsque les textes ont été votés, lorsque le débat a eu lieu – et il y a un moment déjà que le débat sur la réalisation de ces schémas est engagé ; il reste d’ailleurs neuf mois pour débattre ! –, il faut avoir le courage et la volonté de passer à l’action, ne serait-ce qu’au nom de la stabilité institutionnelle, dont vous êtes tous ici des défenseurs. Je précise en outre que je connais bien ce sujet, puisque je préside moi-même une intercommunalité.
Monsieur Lenoir, au fond nous avons tous deux raison.