M. le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste et républicain s’attachera à construire avec vous la République numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi pour une République numérique vise à adapter notre législation aux multiples enjeux du numérique, que les différents rapporteurs et les autres orateurs ont bien exposés.
Après la récente transposition de la directive sur la gratuité et la réutilisation des informations du secteur public – je me souviens qu’à cette occasion notre hémicycle était plus clairsemé que cet après-midi ! –, nous avons commencé à réfléchir à l’enjeu de l’ouverture des données publiques.
À cet égard, le projet de loi soumis à notre examen apporte de réelles réponses aux enjeux de transparence, de démocratie et de développement économique. Plus largement, il porte sur les droits des internautes et consacre de nouveaux droits réels pour les individus, liés à leurs données personnelles, à leur protection, au contrôle et au droit d’accès, y compris au moment du décès.
Un aspect important à nos yeux est également traité : l’accès à internet. En effet, le projet de loi prend en compte les enjeux associés au handicap, au maintien de la connexion et au développement de la fibre. Mais il faut aller plus loin encore.
Pour le groupe écologiste, le projet de loi marque une véritable avancée en matière de droits des citoyens dans la société numérique et de diffusion des connaissances et du savoir, ainsi que de couverture numérique des territoires.
Nous saluons également la démarche ayant permis l’aboutissement de ces mesures. En effet, comme il a été souligné précédemment, le projet de loi est le fruit d’un long travail préparatoire et participatif.
Par leurs préconisations, de très nombreux rapports, d’origines diverses, ont annoncé et guidé les orientations de ce texte. À cet égard, je tiens exprimer notre réelle satisfaction concernant l’articulation constructive de ce texte d’initiative gouvernementale avec le rapport d’information sénatorial intitulé Refonder le droit à l’information publique à l’heure du numérique : un enjeu citoyen, une opportunité stratégique, issu des travaux de la mission d’information présidée par notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest et dont j’étais la rapporteur. De très nombreuses recommandations de ce rapport ont été reprises dans le projet de loi ; certes pas toutes, mais c’est la loi du genre.
Autre fait marquant, le texte a donné lieu à une consultation en ligne riche. Peut-être les internautes n’ont-ils pas été assez nombreux, mais le débat a été vivant, et vous avez entendu, madame la secrétaire d’État, un certain nombre de messages.
J’en viens aux changements opérés.
En consacrant le droit de disposer en ligne d’une information publique de qualité, le projet de loi poursuit la traduction juridique de la politique d’ouverture des données publiques : l’administration sera tenue de mettre en ligne un nombre élargi de données. L’approche actuelle, qui repose sur une démarche purement volontaire, ayant atteint ses limites, il convient maintenant de s’engager dans une ouverture systématique et organisée.
Ce projet de loi permet bien de passer d’une logique de demande d’accès de certains citoyens à une logique d’offre des données par l’administration et les institutions publiques.
Certains verrous subsistent néanmoins, que nous regrettons ; ils ont été prévus notamment par nos collègues de la commission des lois, qui, par ailleurs, ont aussi fait des propositions qui vont dans le bon sens. Ainsi, pourquoi freiner la réutilisation des données en introduisant la mention « si possible » à propos du standard dans lequel l’administration doit publier les données ?
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Corinne Bouchoux. Selon nous, cette précaution est inutile et risque même d’être contre-productive. Si l’on ouvre d’un côté et que l’on ferme de l’autre, je ne suis pas sûre que l’on soit gagnant !
Ensuite, pourquoi vouloir ajouter dans le projet de loi le secret des affaires ?
M. Jean-Pierre Sueur. En effet !
Mme Corinne Bouchoux. Sur cette question très importante, nous sommes regardés de près. Le droit à la communication et à la publication est déjà assorti de très nombreuses garanties et limites. Pour siéger depuis 2011 à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, je puis vous assurer que la protection des secrets n’est pas un vain mot !
Selon nous, les règles actuelles protègent déjà suffisamment l’intérêt public, en particulier la sécurité publique et la défense, ainsi que le secret en matière industrielle et commerciale.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas la même chose !
Mme Corinne Bouchoux. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter dans le projet de loi le secret des affaires. Ce serait, là encore, ouvrir d’un côté en refermant de l’autre, ce qui n’est pas l’esprit du projet de loi.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je le répète : ce n’est pas la même chose.
Mme Corinne Bouchoux. Les administrations se conforment à la loi et mènent systématiquement une analyse de risques. Vous proposez à nouveau que l’on procède explicitement à une analyse de risques. Nous pensons, nous, que les administrations sont déjà très prudentes et s’assurent, avant toute communication de document, que les conditions de communicabilité sont remplies.
Nous comprenons certaines des inquiétudes exprimées par la majorité des membres de la commission des lois, mais nous pensons vraiment que la loi CADA telle qu’elle est appliquée suffit amplement. Ne gâtons donc pas ce projet de loi en y ajoutant le secret des affaires ! Cette mesure serait mal comprise, et les jeunes internautes auraient raison de mal comprendre.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous allons les éduquer !
Mme Corinne Bouchoux. Une autre avancée notable du texte réside dans le droit d’accès aux codes sources des logiciels et aux règles et caractéristiques de l’algorithme utilisé pour fonder nombre de décisions individuelles du quotidien, comme l’attribution d’un poste, d’une mutation ou le calcul d’une taxe. Il faut absolument lever cette opacité technologique, qui, souvent, masque la volonté de ne pas déranger politiquement ou de ne pas faire de vagues lorsque l’on prend une décision qui déplaît – je pense aux affectations scolaires.
Pourquoi avancer si lentement en ce qui concerne la promotion du logiciel libre et des formats ouverts au sein des services de l’État, des entreprises publiques et des collectivités territoriales ? On va, je le sais, me parler d’emplois,…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pas du tout !
Mme Corinne Bouchoux. … mais il s’agit aussi d’une question de souveraineté. Car vous savez comme moi que, dans une société numérique, celui qui détient le pouvoir est celui qui sait comment la technologie fonctionne. En matière d’espionnage, par exemple, le logiciel « propriétaire » offre moins de garanties de sécurité vis-à-vis des puissances étrangères.
L’ouverture des données publiques et la gratuité de principe affichée de la réutilisation remettent en cause les modèles de production des données publiques. Il faut donc réfléchir aux moyens de faire bénéficier tout le pays de ce nouvel écosystème.
Face à l’importance de ces enjeux, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et enrichi par le Sénat répondra à l’attente de nombreux citoyens, journalistes et associations, qui sont la vitalité de notre démocratie. Bien sûr, il permettra aussi le développement de services innovants et de start-up, à travers la réutilisation par tout un ensemble d’acteurs – collectivités territoriales, établissements culturels et entreprises privées – de ce qui est un bien commun.
Permettez-moi, madame la secrétaire d'État, de conclure par une expression anglaise : Code is Law. Puisque le code fait loi, à nous d’agir et de passer au XXIe siècle ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi, défendu avec ambition et un engagement remarqué, sert un objectif louable et partagé : lever les obstacles à l’exploitation du gisement des données publiques pour soutenir la croissance économique de notre pays.
La France, on le sait, ne manque pas de talents en matière numérique. Toutefois, pour être source de croissance, la mise à disposition des données publiques doit s’accompagner d’une amélioration de la couverture numérique de l’ensemble du territoire français, en métropole et en outre-mer. Pas question pour nous de jouer la partition « Paris et le désert numérique », à l’instar de ce qu’on fait les Britanniques avec Londres et le reste de leur pays.
C’est pourquoi la majorité des membres du RDSE considèrent que la mise à disposition des données publiques doit donner lieu, dans un premier temps, à une véritable transition numérique, respectueuse des droits et libertés des administrés et n’oubliant aucun territoire.
Pour donner au projet de loi une chance d’avoir les retombées économiques espérées, notamment en termes de créations d’emplois, il est nécessaire que chaque détenteur de données publiques soit en mesure de les mettre à disposition du plus grand nombre, après, bien sûr, avoir pris les précautions qui s’imposent.
En particulier, nous voulons nous assurer que la publication des données interviendra après les anonymisations et l’occultation des informations susceptibles de permettre l’identification de personnes ou la révélation de secrets protégés par la loi. Nous nous félicitons d’ailleurs de constater que ce projet de loi ne remet pas en cause l’existence de catégories de données ne pouvant faire l’objet d’un traitement informatique, ni celle de données sensibles, soumises à un régime de traitement informatique particulier.
L’esprit de la loi Informatique et libertés de 1978 est de ce point de vue respecté ; notre groupe y est très attaché, comme il est très attaché aux travaux menés sur le traitement des données et le droit à l’oubli par notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier.
Dans un contexte de restrictions budgétaires, la question des coûts liés à l’ouverture des données publiques ne doit pas être éludée. Au reste, à l’heure où les collectivités territoriales se voient notifier les prévisions de leurs futures dotations, le Gouvernement pourrait s’appliquer à lui-même les principes qu’il entend généraliser, en communiquant les algorithmes de calcul qu’il utilise en la matière…
D’autre part, il importe de prendre en compte les évolutions de notre société, dans laquelle les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont devenues incontournables. La numérisation des données publiques est inéluctable ; elle a d’ailleurs commencé. Une majorité d’entre nous est donc favorable au principe de gratuité des échanges de données publiques entre les administrations, ainsi qu’à la publication des données publiques par l’ensemble des services administratifs.
La réussite de cette transition numérique dépendra cependant de la capacité de l’État et de la CNIL à accompagner les services et les collectivités territoriales en les assistant dans les procédures d’anonymisation des données personnelles et de publication. De même, l’harmonisation du format des données de référence nationales devrait être prise en charge par l’État.
Dans la même logique de promotion d’une économie numérique innovante, il nous a paru nécessaire d’instaurer un cadre juridique favorable aux chercheurs. Ainsi, nous souhaitons donner au ministre de la recherche la possibilité d’imposer aux maisons d’édition scientifique un délai d’embargo inférieur à ceux fixés par la loi, afin de fluidifier les communications entre les chercheurs.
Il est également urgent de s’assurer que la fouille de texte et de données à des fins de recherche scientifique ne puisse être entravée par la volonté de grandes maisons d’édition ; il convient pour cela de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.
En ce qui concerne la protection des droits des acteurs et consommateurs de la société numérique, nous voyons d’un bon œil le développement d’une conception de l’Internet alternative au modèle défendu par les géants de Californie.
Nous souhaitons en effet que le projet de loi soit modifié pour renforcer les exigences de transparence concernant les avis déposés en ligne, afin que les utilisateurs exercent leur liberté d’expression de manière plus loyale, c’est-à-dire sans se cacher derrière des prête-noms permettant toutes les dérives.
Il s’agit également de lutter contre une tendance portée par les grands acteurs du numérique, qui sont aussi les promoteurs de nouveaux modèles économiques s’affranchissant parfois des règles les plus élémentaires de notre droit, comme celles relatives à la propriété ; nous aborderons ce point lorsque nous évoquerons les locations.
Les données bancaires des consommateurs devraient également être mieux protégées en ligne, et leur conservation par les plateformes plus strictement encadrée.
Dans la même logique, nous soutenons les dispositions destinées à mieux protéger la vie privée des personnes en ligne, telles que la reconnaissance d’une action collective pour obtenir la cessation d’une violation concernant l’utilisation de données personnelles et les droits reconnus aux personnes victimes de harcèlement et de chantage au moyen de contenus à caractère sexuel.
Enfin, si les sanctions prévues par le projet de loi peuvent paraître dérisoires au regard du chiffre d’affaires des plus grands acteurs de l’économie numérique, nous comprenons qu’elles correspondent aux standards définis par le futur règlement européen relatif à la protection des données personnelles.
Mes chers collègues, vous connaissez notre engagement en faveur de la lutte contre les inégalités territoriales et l’isolement administratif dans les territoires ruraux. Notre détermination est identique en ce qui concerne l’accès de tous les citoyens aux réseaux de communication.
Or, malgré les efforts de nombreux élus locaux, la couverture numérique du territoire reste inégale, en raison aussi des logiques concurrentielles qui prévalent. Lors des débats précédents, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi dont est issue la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, mes collègues et moi-même vous avons déjà alertée, madame la secrétaire d’État, sur l’existence de zones blanches, véritables îles intérieures du territoire français.
Face aux inégalités d’accès aux nouvelles technologies, qui s’accentuent, et alors que les administrations ont de plus en plus recours à ces outils, l’État doit réagir et proposer un plan de transition numérique en concertation avec les acteurs de terrain que sont les élus locaux.
En définitive, ce projet de loi comporte des dispositions visant à développer des technologies et des pratiques numériques très avancées, susceptibles de renforcer l’attractivité française. Les membres du RDSE veilleront avec un soin particulier à ce qu’aucun territoire de la République, notamment aucun territoire rural, ne soit privé du numérique. Si certains devaient en être exclus, la future loi ne mériterait pas de s’appeler « loi pour une République numérique » !
La République numérique, en effet, doit s’adresser à tous les citoyens et se réaliser sur tout le territoire. Les membres du RDSE veilleront à ce qu’il en soit ainsi, et c’est au regard de cette exigence que, au terme de nos débats – menés sans anglicisme, madame la secrétaire d’État ! –, ils arrêteront leur position sur l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Henri Tandonnet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Madame la secrétaire d'État, je reconnais l’opiniâtreté dont vous avez fait preuve pour pouvoir présenter ce projet de loi au Parlement.
Votre expérience anglo-saxonne vous donne une certaine largeur d’esprit en ce qui concerne les usages d’internet, et le projet de loi s’en ressent.
En évoquant Portalis, le père du code civil, puis Francis Blanche, le père d’une forme d’humour actuel, vous avez balayé large… Votre projet de loi lui aussi balaie large, puisqu’il traite des usages d’une façon générale comme des infrastructures.
Sur ces deux sujets, permettez-moi de vous faire part de nos inquiétudes, qui sont en fait celles des Français, et de l’indignation que l’on ressent parfois devant la résignation avec laquelle l’État accepte que l’évolution du numérique soit contrôlée par d’autres que les États.
Le développement exponentiel des applications et le foisonnement des initiatives font que l’État semble absent, à cause de la résignation dont je viens de parler. De fait, celui-ci a confié une grande part du contrôle et du suivi de l’économie numérique à de multiples autorités indépendantes aux compétences dispersées.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Philippe Leroy. Je ne citerai que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les autorités de la concurrence et de la vie financière et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes, mais il y en a d’autres. C’est un motif d’inquiétude, et même quelquefois d’indignation ! Madame la secrétaire d'État, l’article 16 ter du projet de loi ouvre la voie à la création éventuelle d’un Commissariat à la souveraineté numérique : faut-il y voir une tentative pour revoir la question ?
Il nous faut faire preuve d’une vigilance de plus en plus aiguë à l’égard, par exemple, des évolutions des Fin Tech, les technologies financières – pour parler en français, comme Mme la secrétaire d’État nous y a invités. En effet, ces technologies, comme les chaînes de blocs, les blockchains, risquent de désorganiser complètement la vie monétaire et fiscale. Ce mouvement international et décentralisé, qui dépasse de loin nos frontières, risque de faire naître des circuits monétaires illégaux, non contrôlés et qui ne supportent pas l’impôt, ce qui est grave. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)
À cet égard, la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, composée de députés, de sénateurs et de quelques experts, a récemment organisé à l’Assemblée nationale un colloque important sur les technologies financières et les risques que celles-ci font courir à tous les systèmes économiques dans le monde entier. Pourquoi donc avoir donné à cette commission un nom si difficile à retenir, si difficile que je ne m’en serais pas souvenu s’il n’avait pas été écrit sous mes yeux ?
Un amendement sera défendu visant à renommer cette instance « Commission parlementaire du numérique et des postes ». Je souhaite que nos collègues de la commission des lois et des différentes commissions saisies pour avis appuient cette proposition. Non seulement cette appellation serait plus facile à mémoriser, mais elle soulignerait la volonté des parlementaires d’accompagner l’État dans le suivi des évolutions en cours.
Notre second sujet d’inquiétude, ce sont les infrastructures – vous le savez bien, madame la secrétaire d'État.
Si je reviens sur cette question, c’est que j’ai l’impression que vous vous livrez à des tours de bonneteau. Vous parlez de la nécessaire égalité de tous les territoires pour l’accès au numérique, mais j’ai l’impression que, en jouant sur les mix technologiques, dont on parle tant, et sur les différentes alternatives technologiques auxquelles on peut songer, y compris le cuivre dopé comme substitut à la fibre optique, l’État ne fait pas absolument tout son possible pour assurer l’égalité numérique des territoires… Je souhaite que vous me démentiez, madame la secrétaire d’État !
Sous prétexte que le numérique coûte cher, on cherche à réserver aux zones rurales ou peu peuplées des technologies de substitution à la fibre optique : des technologiques que l’on dit moins coûteuses, mais qui risquent d’éloigner ces zones du développement numérique, alors que celui-ci s’accélère de manière exponentielle, de sorte qu’on ne peut pas attendre !
On nous oppose le problème du coût, mais on nous fait prendre des vessies pour des lanternes en nous faisant croire que le numérique par la fibre optique coûte très cher, tellement cher que certains quartiers ou certaines zones ne pourraient pas y avoir accès tout de suite. Sans doute par manière de plaisanterie, à la manière de Francis Blanche, on propose même à des secteurs isolés de recevoir le numérique via des postes de radio à galène… Oui, certains soutiennent que, désormais, on apportera le numérique dans les zones isolées au moyen de la radio ! Je crois, madame la secrétaire d’État, que vous l’avez vous-même suggéré. On ne saurait accepter cette idée.
Que le numérique soit cher, mes chers collègues, cela est certain, mais il est aussi une source de redevances. Dans les zones où son déploiement coûte cher, opérons des péréquations, donnons des subventions, mais installons-le !
Pour relativiser le coût du numérique, on peut comparer le prix d’une prise de fibre optique avec celui d’une prise d’assainissement des eaux usées. Le prix maximal pour les prises optiques dans les zones très isolées est de l’ordre de 400 à 500 euros.
M. Philippe Leroy. Donnez-moi un chiffre, madame la secrétaire d'État !
M. Philippe Leroy. Non, madame la secrétaire d'État, cela n’est pas vrai.
M. Guy-Dominique Kennel. Il a raison !
M. Philippe Leroy. Le prix de l’assainissement est largement supérieur, ce qui n’empêche pas qu’on l’installera partout, y compris sous forme individuelle. Or savez-vous combien coûte l’assainissement individuel ? Jusqu’à 10 000 euros dans certains cas, pour une maison ! Il faut donc relativiser.
Le numérique n’est pas cher. Simplement, son coût est mis en avant pour permettre à certains de profiter des rentes dont ils bénéficient en utilisant des technologies de substitution. Notez bien que c’est une hypothèse que je forme, et que je ne saurais évidemment soupçonner Orange, dont l’État est actionnaire, de vouloir profiter de sa rente sur le cuivre… Madame la secrétaire d'État, rassurez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me réjouis tout d’abord que nous soit – enfin ! – présenté un texte législatif sur le numérique et l’aménagement numérique du territoire.
Force est de constater que ce sujet essentiel a été traité, pour une large part, sans que le Parlement soit amené à statuer, y compris s’agissant de décisions très importantes, comme la possibilité donnée aux opérateurs de déployer leurs réseaux uniquement dans les zones où ils souhaitaient le faire, une décision qui a fait peser sur les collectivités territoriales l’obligation d’en déployer d’autres en dehors de ces zones. Un sujet aussi important que celui-là n’a jamais été traité par le Parlement !
Pourtant, le Parlement, tout particulièrement le Sénat, a toujours manifesté un très vif intérêt pour les questions liées à l’aménagement numérique du territoire. Je ne citerai pas tous les rapports publiés sur ce sujet. Je mentionnerai seulement la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi Pintat, dont Bruno Retailleau a été le rapporteur au Sénat, ainsi que la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, que j’ai défendue avec Philippe Leroy. Adoptée par notre assemblée en février 2012, celle-ci a malheureusement été rejetée par l'Assemblée nationale en novembre de la même année, à la demande du Gouvernement. Elle prévoyait pourtant un certain nombre de dispositifs grâce auxquels nous nous trouverions aujourd'hui dans une situation plus favorable, notamment en matière de téléphonie mobile.
Ce projet de loi est donc une opportunité pour toutes celles et tous ceux qui ont envie que la couverture numérique des territoires s’améliore, tout particulièrement pour Patrick Chaize et moi-même, qui avons présenté au mois de novembre dernier un rapport d’information avançant dix-sept recommandations en la matière. Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne les citerai pas toutes, par manque de temps ; permettez-moi seulement d’insister sur les axes qui nous paraissent les plus importants.
D’abord, il faut que les opérateurs tiennent leurs engagements. Comme je l’ai rappelé il y a quelques instants, on leur a permis de choisir leurs secteurs de déploiement, laissant aux collectivités territoriales le soin de s’occuper du reste. La moindre des choses aujourd’hui serait qu’ils tiennent leurs engagements. C’est pourquoi je souhaite que le Gouvernement demande aux opérateurs de confirmer leurs engagements et leur volonté de déployer leurs réseaux sous une forme contractuelle, au moyen d’une convention ayant une force juridique, de sorte que des sanctions puissent être prises en cas de non-respect des engagements.
Ensuite, nous souhaitons que la pérennité du financement des réseaux d’initiative publique soit enfin assurée. Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à demander depuis des années que le Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé en 2009 par la loi Pintat, soit enfin alimenté. Nous avons proposé à plusieurs reprises que soit créée à cet effet une contribution de solidarité numérique, et nous continuerons de le proposer.
Les collectivités territoriales ayant été obligées de développer des réseaux d’initiative publique qui vont coûter plusieurs milliards d’euros, la moindre des choses serait que les opérateurs les utilisent. Comme ils refusent aujourd’hui de le faire, il faut prendre des dispositions pour les y obliger.
Enfin, en matière de téléphonie mobile – c’est le dernier sujet que je pourrai aborder dans le temps qui m’est imparti –, je soutiens pleinement les mesures qui ont été prises par le Gouvernement dans le cadre de la loi Macron, mais force est de constater qu’elles sont tout à fait insuffisantes. De toute évidence, le nombre de communes identifiées comme non couvertes ne correspond pas à la réalité, comme chacun d’entre nous peut le constater sur son territoire.
M. Bruno Retailleau. Il a raison !
M. Hervé Maurey. Pour sortir de ce jeu de dupes, de cette illusion d’une couverture qu’on nous présente comme bonne en dépit des réalités, il faut trouver des solutions pour revoir la manière dont on mesure la couverture de nos territoires en téléphonie mobile.
Tels sont, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les sujets qui nous paraissent très importants et sur lesquels nous serons très attentifs tout au long des débats. Nous souhaitons que ce texte permette d’inscrire enfin dans la loi des dispositions propres à améliorer la couverture numérique de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)