Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Bruno Gilles, Serge Larcher.

1. Procès-verbal

2. Désignation d'un sénateur en mission

3. Fin de la mission temporaire de deux sénateurs

4. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

5. Inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution

6. Communications du Conseil constitutionnel

7. Dépôt de rapports

8. Candidature à une commission

9. Dépôt de documents

10. Décisions du Conseil constitutionnel sur quatre questions prioritaires de constitutionnalité

11. Hommage à Jean Chérioux, ancien sénateur

12. Rappel au règlement

M. Éric Bocquet ; M. le président.

13. République numérique. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jean-Pierre Bosino

M. Jean-Yves Leconte

Mme Corinne Bouchoux

M. Jean-Claude Requier

M. Philippe Leroy

M. Hervé Maurey

M. Yves Rome

Mme Dominique Gillot

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Article 1er

Amendement n° 272 rectifié de M. Éric Doligé. – Retrait.

Amendement n° 485 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendements identiques nos 14 rectifié ter de M. Alain Vasselle, 144 de M. Robert Navarro, 149 rectifié de M. Roland Courteau et 350 rectifié de M Loïc Hervé. – Rejet des amendements nos 14 rectifié ter, 149 rectifié et 350 rectifié, l’amendement n° 144 n'étant pas soutenu.

Amendement n° 522 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.

Amendement n° 524 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 1er bis A (supprimé)

Amendement n° 206 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 437 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 1er bis

Amendement n° 273 rectifié de M. Éric Doligé. – Retrait.

Amendement n° 486 rectifié de M. Alain Vasselle. – Adoption.

Amendement n° 438 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 181 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

M. Jean-Pierre Sueur

Adoption de l’article modifié.

Article 1er ter

Amendement n° 439 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendements identiques nos 93 de Mme Corinne Bouchoux et 207 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 208 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 526 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Adoption.

Amendement n° 274 rectifié de M. Éric Doligé. – Devenu sans objet.

Amendement n° 209 de M. Jean-Pierre Sueur. – Devenu sans objet.

Amendement n° 182 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.

Amendement n° 440 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 bis (supprimé)

Article 3 – Adoption.

Article 4

M. Jean-Pierre Bosino

Mme Catherine Morin-Desailly

Amendement n° 152 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel. – Retrait.

Amendement n° 441 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 153 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel. – Rejet.

Amendement n° 157 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Rejet.

Amendements identiques nos 94 de Mme Corinne Bouchoux et 580 du Gouvernement. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 210 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption par scrutin public.

Amendement n° 528 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.

Amendement n° 211 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

14. Dépôt d'un rapport

15. Retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

16. Nomination d’un membre d’une commission

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

17. Conférence des présidents

18. République numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 4 (suite)

Amendement n° 213 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendement n° 529 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Devenu sans objet.

Amendement n° 214 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendement n° 488 rectifié de M. Alain Vasselle. – Rejet.

Amendements identiques nos 158 rectifié de M. François Commeinhes, 275 rectifié de M. Éric Doligé et 487 rectifié de M. Alain Vasselle. – Rejet des amendements nos 158 rectifié et 275 rectifié, l’amendement n° 487 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendements identiques nos 159 rectifié de M. François Commeinhes et 276 rectifié de M. Éric Doligé. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 6 rectifié de M. Jacques Genest et 523 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait de l’amendement n° 523 rectifié, l’amendement n° 6 rectifié n'étant pas soutenu.

Amendement n° 533 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.

Amendements identiques nos 162 rectifié ter de M. François Commeinhes et 278 rectifié de M. Éric Doligé. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 442 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendements identiques nos 160 rectifié ter de M. François Commeinhes, 277 rectifié de M. Éric Doligé, 331 de Mme Corinne Bouchoux et 489 rectifié de M. Alain Vasselle. – Adoption des amendements nos 160 rectifié ter, 277 rectifié et 331, l’amendement n° 489 rectifié n'étant pas soutenu.

Amendement n° 551 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait.

Amendement n° 216 rectifié de M. Gaëtan Gorce. – Adoption.

Amendements identiques nos 303 de M. Daniel Raoul, 332 de Mme Corinne Bouchoux, 390 de Mme Sylvie Robert et 618 de Mme Éliane Assassi. – Devenus sans objet, l’amendement n° 390 n'étant pas soutenu.

Amendement n° 531 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 161 rectifié de M. François Commeinhes et 279 rectifié de M. Éric Doligé. – Devenus sans objet.

Amendement n° 280 rectifié de M. Éric Doligé. – Adoption.

Amendement n° 534 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.

Amendements identiques nos 163 rectifié bis de M. François Commeinhes et 281 rectifié de M. Éric Doligé. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 215 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendement n° 186 de Mme Corinne Bouchoux. – Devenu sans objet.

Amendement n° 535 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.

Amendements identiques nos 198 de M. Yves Rome, 333 de Mme Corinne Bouchoux et 444 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 283 rectifié de M. Éric Doligé. – Adoption.

Amendement n° 217 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendement n° 271 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 bis

Amendement n° 354 rectifié de M. Gérard Miquel. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 4 bis

Amendement n° 1 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 5

Amendement n° 391 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Adoption.

Amendements identiques nos 164 rectifié de M. François Commeinhes et 284 rectifié de M. Éric Doligé. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 6

Amendement n° 632 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 552 rectifié de M. Jean-François Husson. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 6 bis

Amendement n° 334 de Mme Corinne Bouchoux. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 7

Amendement n° 490 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendement n° 491 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendement n° 218 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendement n° 154 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel. – Retrait.

Amendement n° 492 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendement n° 335 de Mme Corinne Bouchoux. – Adoption.

Amendement n° 156 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel. – Retrait.

Amendement n° 155 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel. – Retrait.

Amendement n° 554 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait.

Amendement n° 362 de M. Philippe Bonnecarrère. – Non soutenu.

Amendement n° 553 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait.

Amendement n° 219 de M. Gaëtan Gorce. – Adoption

Amendement n° 445 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 571 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 7 bis

Amendements identiques nos 115 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly et 220 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 116 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.

Amendement n° 117 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 8

Amendement n° 493 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendement n° 494 rectifié de M. Alain Vasselle. – Retrait.

Amendement n° 185 de Mme Corinne Bouchoux. – Non soutenu.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 8

Amendements identiques nos 363 de M. Philippe Bonnecarrère et 555 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait de l’amendement n° 555 rectifié, l’amendement n° 363 n'étant pas soutenu.

Article 9

Amendements identiques nos 70 rectifié de M. Patrick Chaize, 348 rectifié de M. Loïc Hervé et 536 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait des trois amendements.

Amendement n° 7 rectifié de M. Jacques Genest. – Retrait.

Amendement n° 222 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet du I et adoption du reste de l’amendement, après un vote par division ; adoption de l’amendement modifié.

Amendement n° 221 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

19. Ordre du jour

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Bruno Gilles,

M. Serge Larcher.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 7 avril 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 7 avril 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Jacques Grosperrin, sénateur du Doubs, en mission temporaire auprès de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et de M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports.

Cette mission portera sur l’étude de la pratique des « combats mixtes » en France.

Acte est donné de cette communication.

3

Fin de la mission temporaire de deux sénateurs

M. le président. Par lettre en date du 11 avril dernier, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 18 avril 2016, de la mission temporaire confiée à Mme Françoise Cartron, sénatrice de la Gironde, auprès de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, dans le cadre de l’article L.O. 297 du code électoral.

Cette mission portait sur les rythmes scolaires.

Par ailleurs, par lettre en date du 14 avril dernier, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 20 avril 2016, de la mission temporaire confiée à M. Alain Duran, sénateur de l’Ariège, auprès de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de l’article L.O. 297 du code électoral.

Cette mission portait sur la mise en place de conventions pour une politique active en faveur de l’école rurale et de montagne.

Acte est donné de ces communications.

4

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 13 avril 2016.

5

Inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution

M. le président. Lors de sa réunion du 6 avril dernier, la conférence des présidents a décidé l’inscription à l’ordre du jour de la séance du mercredi 18 mai 2016, à dix-huit heures trente, sous réserve du respect du délai d’information préalable du Gouvernement, de la proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle. Cette proposition de résolution est présentée par le groupe socialiste et républicain en application de l’article 34-1 de la Constitution.

Le délai de quarante-huit heures prévu par la loi organique du 15 avril 2009 étant expiré, cette proposition de résolution peut désormais être inscrite à l’ordre du jour du mercredi 18 mai 2016, à dix-huit heures trente.

6

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du jeudi 21 avril 2016, le texte de trois décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :

- de la loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;

- de la loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections ;

- de la loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

Acte est donné de ces communications.

7

Dépôt de rapports

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, d’une part, le projet de programme de stabilité pour les années 2016 à 2019 et, d’autre part, le programme national de réforme.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.

8

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe UDI-UC a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Michel Mercier, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

Dépôt de documents

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre :

- l’avenant n° 2 à la convention du 16 juin 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, relative au programme d’investissements d’avenir, action « Équipements d’excellence », modifiée par l’avenant n° 1 du 8 décembre 2014 ;

- la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet Charles-de-Gaulle-express, accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement ;

- le tableau de programmation des mesures d’application de la loi n° 2016-298 du 14 mars 2016 relative aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat ;

- le rapport relatif à l’enseignement agricole et à l’enseignement général, technologique et professionnel : harmonisation et maintien des spécificités ;

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis, pour le premier, à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture, de l’éducation et de la communication, pour le deuxième à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour le troisième à la commission des affaires économiques, pour le quatrième, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture, de l’éducation et de la communication et, pour le cinquième, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à celle des finances.

10

Décisions du Conseil constitutionnel sur quatre questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 14 et du 22 avril 2016, quatre décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- les accidents du travail - Faute inexcusable de l’employeur : régime applicable dans certaines collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie (n° 2016-533 QPC) ;

- la suppression des arrérages de la pension d’invalidité en cas d’activité professionnelle non salariée (n° 2016-534 QPC) ;

- redevable de la taxe générale sur les activités polluantes pour certains échanges avec les départements d’outre-mer (n° 2016-537 QPC) ;

- l’exclusion des plus-values mobilières placées en report d’imposition de l’abattement pour durée de détention (n° 2016-538 QPC).

Acte est donné de ces communications.

11

Hommage à Jean Chérioux, ancien sénateur

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec tristesse que nous avons appris hier le décès de notre ancien collègue Jean Chérioux. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État chargée du numérique, se lèvent.)

Jean Chérioux fut sénateur de Paris de 1977 à 2004 et, comme vice-président du Sénat, siégea souvent à la place où je me trouve. Il fut également président du Conseil de Paris.

Ceux qui l’ont connu – je suis de ceux-là – se souviennent d’un parlementaire présent, actif et enthousiaste, intervenant fréquemment depuis ces travées pour faire entendre ses convictions : celles d’un gaulliste social qui croyait profondément à son rôle de législateur, notamment pour promouvoir la participation des travailleurs aux fruits de l’expansion.

Jean Chérioux fut un membre très engagé de la commission des affaires sociales, à laquelle il appartint sans discontinuer pendant ses vingt-sept années de mandat. Il fut son rapporteur sur de nombreux sujets, touchant à l’ensemble des compétences de celle-ci – je pense en particulier à la santé, au handicap et au travail –, mettant toute sa passion au service des combats qui lui étaient chers.

Jean Chérioux était un homme de grande spiritualité et un partisan de l’alliance du capital et du travail, ainsi que d’une politique familiale forte.

Ses colères – car il faut bien que j’en parle ! (Sourires.) –emplissaient souvent notre hémicycle ou la salle de la commission des affaires sociales. Elles y retentissent encore. Elles n’avaient d’égal que sa profonde humanité et le respect qu’il portait au débat public.

Au moment de lui rendre hommage, je lirai simplement la conclusion de sa dernière intervention dans notre hémicycle ; elle fut prononcée lors de l’examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, mais la portée du propos de Jean Chérioux dépassait ce seul texte.

« Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, quelles que soient nos options, nous devons être fiers d’être ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Nous sommes le législateur. Nous représentons la Nation. Ce que nous faisons, nous le faisons au nom de la Nation et pour la Nation. Ne serait-ce que pour cela, je remercie le Sénat de m’avoir donné l’occasion de participer à ses travaux. »

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, de ceux d’entre nous qui ont connu Jean Chérioux et partagé ses passions, sa gentillesse et ses colères, mais aussi des autres, j’assure de notre compassion sa famille, présente dans les tribunes, ainsi que les membres du groupe Les Républicains, qui est aujourd’hui l’héritier de l’histoire à laquelle appartenait Jean Chérioux. Je présente à ses proches nos condoléances les plus sincères.

Je vous invite à observer un moment de recueillement en mémoire de Jean Chérioux. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État, observent une minute de silence.)

12

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Éric Bocquet. Mes chers collègues, avant la suspension de nos travaux, Mme la présidente du groupe CRC a saisi le bureau du Sénat afin qu’il soit statué sur la situation du président-directeur général de la Société générale.

En effet, le 17 avril 2012, M. Oudéa a affirmé à la commission d’enquête qui l’auditionnait – sous serment, il faut le rappeler – que sa banque n’avait plus aucune activité au Panama. Or cette déclaration a été contredite voilà trois semaines par les révélations sur l’opération des « Panama papers ».

Monsieur le président, dans le courrier que vous m’avez adressé le 13 avril dernier, vous suggérez que le président-directeur général de la Société générale soit auditionné de nouveau par le président de l’ancienne commission d’enquête et par le rapporteur de celle-ci, c’est-à-dire moi-même. Cette démarche me semble inutile, pour deux raisons : d’abord parce que cette commission d’enquête n’existe plus, ensuite parce que, dans le cadre d’une telle procédure, M. Oudéa ne s’exprimerait pas sous serment.

Dans ce contexte, je m’étonne de n’avoir pas été prévenu de la rencontre qui a eu lieu entre M. Oudéa et Mme la présidente de la commission des finances pendant la suspension des travaux de notre assemblée. Je m’étonne aussi des déclarations faites par Mme la présidente de la commission des finances à l’issue de cet entretien. Elle a assuré avoir préparé la future audition de M. Oudéa : les faits étant établis aujourd’hui, qu’y avait-il lieu de préparer ? En outre, Mme la présidente de la commission des finances a conclu sa déclaration par ces mots : « La Société générale est une belle banque. » Est-ce bien là le sujet du jour ?

Monsieur le président, le bureau du Sénat se réunira après-demain, jeudi 28 avril. Les élus du groupe auquel j’appartiens s’en tiendront donc à la saisine officielle de cette instance, conformément aux dispositions en vigueur, que je me permets de rappeler : les poursuites judiciaires « sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée ».

De mon côté, dans l’attente de la décision du Bureau, je reste en contact avec mon avocat, Me Koubbi, pour le cas où nous aurions à pousser plus loin la procédure.

Monsieur le président, mes chers collègues, il me semble que, le jour où s’ouvre, au Luxembourg, le procès des trois lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks, Antoine Deltour, Édouard Perrin et Raphaël Halet, la Haute Assemblée serait à la hauteur de sa responsabilité politique en exigeant toute la vérité sur ce dossier-ci, au nom de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement, qui reprend la lettre que m’a adressée la présidente du groupe communiste républicain et citoyen et celle que vous m’avez envoyée le 22 avril dernier.

Par celle-ci, vous m’avez fait part, en votre qualité d’ancien rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, de votre hostilité à la procédure que nous avons retenue pour la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, c’est-à-dire l’audition de la personne mise en cause par l’ancien président et l’ancien rapporteur préalablement à la saisine du Bureau.

De son côté, l’ancien président de la commission d’enquête relative à l’évasion fiscale, M. Philippe Dominati, a donné son aval à cette procédure.

La commission des finances procède à des auditions, comme vous le savez, et continuera de le faire. Elle exerce ainsi pleinement le pouvoir de contrôle normal et naturel des commissions. Nous sommes à la fois des législateurs et des acteurs du contrôle, ainsi que de l’évaluation des questions relatives aux finances publiques.

Une nouvelle audition de la commission des finances, dont vous êtes membre, est prévue le 11 mai prochain. Je vous propose donc d’attendre la réunion du Bureau du mois de mai : au vu des résultats des auditions, le Bureau de mai pourra éventuellement être saisi de la situation que vous avez soulevée, comme celui d’avril est saisi des suites de la commission d’enquête relative à la pollution de l’air.

13

 
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Discussion générale (suite)

République numérique

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis sous l’œil bienveillant de Portalis pour parler de numérique. Nous sommes aussi sous l’œil avisé des internautes, qui nous regardent en direct depuis le site du Sénat et qui pourront suivre nos débats comme ils assisteraient à une compétition sportive en écoutant l’émission Acropolis d’un commentateur passionné de renouveau démocratique. Je n’oublie pas les étudiants de l’école informatique Épitech, qui, en ce moment même, au palais du Luxembourg, initient des parlementaires au codage…

Voilà une bien belle entrée en matière !

M. François Marc. En effet !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nos concitoyens ont été nombreux à participer à la construction du projet de loi aujourd’hui soumis à votre diligent examen. Oui, la consultation a largement influencé le texte, dans ses détails comme dans ses orientations plus profondes : pas moins de soixante-dix articles ont été modifiés de la main des contributeurs ! Cette démarche inédite a bouleversé le cours classique de l’élaboration d’un projet de loi.

Les parlementaires ont compris le pari qui a été fait : celui de l’intelligence collective, pour enrichir le texte et renouer le dialogue démocratique. Cette interaction, cet état de démocratie permanente ouvrent des perspectives pour construire une nouvelle manière de faire de la politique.

Face au numérique, au progrès technologique, nous oscillons tous plus ou moins entre l’exaltation et un sentiment de dépossession, de non-maîtrise.

Dans le contexte de ce changement, la loi doit fixer un cadre. Ce cadre, c’est notre modèle républicain. Celui-ci reste pertinent, y compris, et peut-être surtout, dans un monde numérique qui connaît moins de frontières et qui s’invente tous les jours. Liberté, égalité fraternité : tel est notre mot d’ordre !

La liberté et l’ouverture pour une meilleure transparence et plus d’innovation, c’est le postulat qui fonde le titre Ier du projet de loi.

L’égalité, quant à elle, permettra, par la libre concurrence et un comportement loyal des géants de l’Internet, d’assurer une place à tous les nouveaux entrants économiques, notamment aux jeunes entreprises innovantes. Il s’agit aussi de donner de nouveaux droits aux individus et de réaffirmer leur place face aux entreprises. Car, sans la confiance des individus, le numérique ne prendra pas son essor !

La fraternité, enfin, fera naître un projet collectif, une construction commune incluant les territoires les plus reculés, les personnes les plus éloignées du numérique ; grâce à elle, la technologie permettra de créer de nouvelles opportunités d’inclusion.

Pour y parvenir, il nous faut renouer avec l’ambition républicaine d’équité entre les territoires et avec l’aménagement de notre pays par la puissance publique. De ce point de vue, je tiens à souligner que c’est un véritable changement de paradigme que nous avons engagé en 2012 en matière de couverture numérique du territoire, et que ce changement va crescendo. Nous considérons en effet qu’il faut, lorsque cela est nécessaire, dépasser la seule concurrence par les infrastructures, qui ne suffit pas à satisfaire les besoins de la population.

À Bruxelles, je me bats pour que l’intervention publique soit entendue avec une plus grande souplesse. En France, notre ambition est identique à celle qui animait les pionniers qui, en leur temps, ont construit les voies ferrées et déployé les réseaux d’électricité. (M. Jacques-Bernard Magner opine.)

J’entends l’urgence et l’impatience que nos concitoyens expriment et que les sénateurs sauront certainement relayer. Je connais les enjeux qui s’attachent à la couverture numérique du territoire en termes de sécurité, de santé, d’éducation, de vie sociale et de tourisme, ainsi que d’attractivité pour les nouveaux venus, les entreprises et les services publics. Tous les jours, des élus locaux m’écrivent pour me décrire des situations qui, hier encore, restaient acceptables, mais qui sont aujourd’hui devenues insoutenables.

Le projet de loi répond à ces questions, qu’il s’agisse de la couverture internet, de la couverture mobile ou des lignes de téléphone fixe, qui, parfois, sont encore le seul point de contact pour certains habitants.

À l’Assemblée nationale, des mesures ont été ajoutées dans le projet de loi visant à accélérer le plan France très haut débit, notamment via le droit à la fibre. En particulier, le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, a été réintroduit, afin de soutenir les initiatives des collectivités territoriales en matière de couverture mobile.

Je souhaite avancer plus encore au Sénat. Je compte pour cela, mesdames, messieurs les sénateurs, sur votre ancrage local et sur votre connaissance précise de ces sujets.

Nous parlerons des zones blanches et de la nécessité de faire face à l’urgence.

Nous parlerons aussi du respect des engagements des opérateurs. À cet égard, il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déploiements massifs en cours seront respectés et que la commercialisation des réseaux sera possible.

Nous parlerons également de la mutualisation des réseaux mobiles en zone rurale. Il s’agit d’éviter que le dynamisme concurrentiel et les prix bas n’aient pour contrepartie une moindre couverture. Ce travail ne pourra pas être mené sans les opérateurs ; après l’échec de la concentration entre Orange et Bouygues, je les invite dès à présent à travailler à la rationalisation de leurs investissements.

Il conviendra d’éviter le travers consistant à aborder les questions numériques sous le seul angle des infrastructures. Celles-ci sont la colonne vertébrale sans laquelle rien n’est possible,…

M. Hervé Maurey. Bien sûr !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … mais le projet de loi est porteur d’une ambition qui va bien au-delà : il doit non seulement être le reflet de son temps, mais aussi préparer le pays à l’avenir numérique, pour faire de la France un champion incontestable dans ce domaine.

Voilà quarante ans, nous fixions le cadre du développement de l’informatique avec les lois instaurant la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA. Voilà dix ans, la loi pour la confiance dans l’économie numérique a établi le régime de responsabilité des acteurs de l’internet.

Quant au présent texte, sa plus grande nouveauté réside dans le pari de l’économie et de la société de la donnée ; il s’agit de mettre au point un cadre choisi et maîtrisé permettant l’essor de la data. Pour la première fois, l’infrastructure se construit sans qu’on la voie, puisque nous mettons en place, outre des tuyaux, des pylônes et des antennes, les fondations de l’économie et de la société de la donnée.

Avec la création d’une mission de service public de la donnée, l’exigence d’une publication présentant un certain niveau de qualité, qu’il s’agisse du format utilisé, de la granularité ou de l’interopérabilité, est enfin mise en avant pour certaines données de référence. Cette exigence de qualité vise à permettre l’accès aux données et le maniement de celles-ci, pour permettre l’invention de produits et de services innovants toujours plus nombreux et pour affiner l’efficacité des politiques publiques.

Je pense en particulier à la Base Adresse nationale, si utile pour identifier les foyers à atteindre dans le cadre du déploiement du très haut débit Fiber To The Home, le FTTH, et à la base Sirene, qui recense 10 millions d’entreprises en activité en France, mais aussi à la base de l’Institut national de l’information géographique et forestière et à son référentiel à grande échelle, qui cartographie le territoire pour mieux aider à la prise de décision dans les domaines de la protection de l’environnement, de l’aménagement du territoire, des transports, de l’agriculture et de la prévention des risques.

En vérité, l’enjeu de l’accès aux données est fondamental !

Avec l’introduction du concept de données d’intérêt général et l’obligation de publier des données publiques par défaut dans des standards ouverts, l’ambition n’est plus uniquement de rendre les données publiques, mais de les faire circuler. La donnée n’est pas une ressource rare, comme le pétrole ; elle est comme l’air, comme la lumière : elle doit se diffuser.

Reste que, pour actualiser le logiciel républicain, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton. Il faut définir collectivement la vision stratégique, politique que nous souhaitons promouvoir. Car, oui, le numérique, objet transversal, est aussi un objet politique. De ce point de vue, le Gouvernement poursuit une action cohérente qui sous-tend en filigrane tout le projet de loi.

Au cours de nos débats, je serai donc sans doute appelée à contrer un à un certains arguments, en explicitant les objectifs politiques visés, centrés sur les valeurs de la République.

Ainsi, la transparence de l’action publique, l’open data, l’ouverture des résultats et des données scientifiques, l’ouverture des codes sources, la transmission des algorithmes, la promotion des logiciels libres, la possibilité pour les chercheurs de faire de l’appariement de données à l’aide du numéro d’identification national, toutes ces mesures d’ouverture ne relèvent-elles que d’une mode passagère ? Ne sont-elles qu’un moyen de se faire plaisir, un gimmick politico-cosmétique ?

Non ! Elles marquent une évolution profonde de la manière de faire action publique, d’améliorer l’efficacité des services publics. Au demeurant, il faut le comprendre comme une réaffirmation, par la donnée, du rôle de l’intervention publique. De fait, le débat se déplace : il ne s’agit plus de savoir si l’on veut plus ou moins de services publics, mais, grâce aux données, de travailler à « mieux de services publics ».

Pour la première fois, en plein scandale des Panama papers, l’ambition démocratique d’une plus grande transparence des institutions rejoint un autre objectif : la création de valeur par l’innovation grâce à l’utilisation des données et à la diffusion des savoirs.

Ce texte serait-il une contrainte de plus pesant sur les collectivités territoriales ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous avons pris soin de prévoir des seuils d’application et d’assurer la progressivité de ses dispositions dans le temps. Nous nous sommes également engagés à mettre en œuvre des plans d’accompagnement.

Bien loin de subir une nouvelle contrainte, les collectivités territoriales pourront, par la maîtrise des données, renforcer leur pouvoir d’action locale. En vérité, ce texte les aidera à reconquérir leur autonomie et leur capacité réelle de libre administration, par exemple dans leurs rapports avec les concessionnaires de services publics et les établissements publics à caractère industriel et commercial.

On m’objecte qu’il faudrait choisir entre le libre marché et la protection des données personnelles. Pourtant, le premier ne peut pas aller sans la seconde ! Ce qui était vrai en 1978 l’est plus encore aujourd’hui, et les missions de la CNIL doivent évoluer pour être en accord avec l’utilisation massive des données.

Or, on le sent bien, le curseur s’est déplacé, et les rapports de force entre géants de l’internet et utilisateurs ont évolué. (Mme Corinne Bouchoux opine.) Dès lors, faudrait-il créer un droit de propriété sur les données personnelles ? Non, car, dans la conception que nous, Français, défendons, celles-ci ne sont pas un objet de commerce.

De là l’idée de la libre disposition des données personnelles, qui figure dans le projet de loi comme un principe général destiné à prospérer. C’est en son nom que l’utilisateur en France peut demander à se voir appliquer le droit français et invoquer le droit à l’oubli, les mineurs bénéficiant de procédures aménagées, plus rapides ; en son nom aussi qu’il peut bénéficier de la portabilité de ses données et qu’il a droit à la « mort numérique ».

Pour rendre ces droits effectifs, le projet de loi accroît les pouvoirs de la CNIL en matière de consultation comme de sanction.

Dans notre texte, la portabilité des données n’est pas au service seulement de la vie privée, mais aussi de la fluidité du marché et des petites et moyennes entreprises, notamment des jeunes pousses innovantes. De fait, elle est une condition de la concurrence équitable entre les acteurs économiques. Grâce à elle, chacun pourra, par exemple, récupérer ses relevés bancaires, son historique de préférences musicales ou les données qu’il a stockées dans l’informatique en nuage.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi au Sénat, nous prolongeons aussi le dispositif du suramortissement en faveur des entreprises, et, à leur demande, nous l’élargissons aux investissements dans les logiciels, dans le cloud et dans les serveurs. Car l’industrie du futur sera numérique ou ne sera pas…

MM. Jacques-Bernard Magner et François Marc. Très bien !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. … et la réindustrialisation ne sera possible que si nous parions sur la compétitivité par l’innovation !

En définitive, le numérique représente-t-il une menace ou une opportunité ? Devons-nous construire une résistance au changement ou accompagner celui-ci ? Faut-il rejouer la guerre des Anciens et des Modernes ?

Notre ligne est claire : pas de technophilie béate, mais la conscience éclairée que le monde bouge plus vite que jamais, que ce mouvement est inéluctable et qu’il faut en tirer le meilleur parti possible, car il ouvre des horizons nouveaux, des horizons excitants.

Il serait plus facile de céder à la tentation de l’immobilisme ou de la protection des intérêts corporatistes. Au reste, tous les corps de métier, toutes les professions, toutes les entreprises, toutes les institutions défilent quotidiennement ou presque dans mon bureau pour s’inquiéter du devenir de leur modèle : l’artisan, confronté à l’imprimante en trois dimensions ; le commerçant, qui se sent impuissant face à la force de frappe du commerce électronique ; le libraire, qui se sent délaissé par ses lecteurs ; l’agriculteur, qui doit racheter les données que produisent ses terres ; les journalistes, qui découvrent les outils de coproduction en direct ; les médias, qui s’interrogent sur leur modèle économique – marqué, d’ailleurs, par une concentration qui interpelle, car il y va de la liberté d’information ; la vieille industrie, qui réalise qu’elle doit muter ou mourir ; le tourisme des capitales et des stations balnéaires, concurrencé par des particuliers ; les acteurs de la mobilité urbaine, qui font face à des exigences nouvelles ; les travailleurs déqualifiés par une innovation plus fulgurante que jamais ; des jeunes, qui trouvent les plus vieux plus vieux encore, car les pratiques et les usages d’internet ont tout bouleversé ; les consommateurs, qui recherchent toujours plus de simplicité, d’immédiateté, de désintermédiation, face à l’étendue sans limite des choix.

On peut, certes, opter pour la protection, regarder en arrière ; mais on peut aussi prendre le parti de regarder en avant. Le projet de loi repose sur le choix de l’avenir, du long terme. Il s’agit d’accompagner la transition du sommeil vers la conscience, pour prévenir un réveil trop brutal. Dans ces conditions, autant embrasser le mouvement !

Telle sera l’orientation de la future loi, surtout si vous acceptez, entre autres mesures, de reconnaître la compétition des jeux vidéo comme une pratique digne de figurer dans notre droit ; il y aurait là un clin d’œil aux millions de Français, souvent des jeunes, qui s’y adonnent, ainsi qu’aux entreprises qui aimeraient que notre pays se positionne sur les blocs de départ d’un secteur en croissance exponentielle.

Une autre question se pose : faut-il réguler ou laisser faire ? Le plus souvent, j’entends : « Surtout, ne rien faire ! » Le lobby de l’impuissance publique s’affirme d’autant plus que certains acteurs économiques disposent d’une force de frappe sans doute inégalée dans l’histoire de nos institutions. (Mme Corinne Bouchoux opine.) Il faudrait laisser faire, nous dit-on, parce que l’Europe fera, parce que nous imposerions des freins aux entreprises, parce qu’internet, c’est la liberté. Mais cela, c’est le degré zéro de la politique !

Je refuse de faire de notre pays un acteur de second rang de la révolution numérique, et de nos concitoyens des consommateurs passifs de contenus produits par d’autres.

À la vérité, tout est question d’équilibre. Si le projet de loi penche plutôt du côté de l’intervention publique, c’est sur le fondement d’un constat : nous avons été trop impuissants à agir pour donner aux États et à leurs citoyens le contrôle de leur propre destin.

Nous faisons le choix de réguler de manière moderne, afin d’établir un environnement concurrentiel équilibré, qui favorise les nouvelles entreprises et protège les utilisateurs contre certaines pratiques constatées de la part d’acteurs du numérique finalement peu soucieux de respecter la loi, sinon celle qu’ils ont eux-mêmes édictée. Pour autant, nous n’avons pas opté pour une régulation excessive, car une intervention trop lourde se heurterait aux limites mêmes de l’exercice.

J’entends aussi que nous avancerions à contresens de l’Europe. C’est tout l’inverse ! Nous avons fait le choix d’un dialogue constructif, vigilant, actif avec Bruxelles, qui a permis une bonne coordination entre l’élaboration de ce projet de loi et les initiatives prises au niveau européen. Ainsi, les dispositions du projet de loi relatives aux données personnelles s’insèrent désormais parfaitement dans l’architecture fixée par le règlement européen qui vient d’être adopté sur le sujet. Quant à celles qui touchent à la loyauté des plateformes, elles sont conformes au droit de l’Union européenne en matière de pratiques commerciales et de droits des consommateurs.

On soutient également que le numérique et les avancées technologiques ne profiteraient qu’à une poignée. Là-dessus, on a raison. Ainsi, dans la « French Tech », cette formidable dynamique enclenchée sur tous les territoires, que chacun d’entre vous constate sur le sien, je vois beaucoup d’entrepreneurs hommes, jeunes, blancs et très éduqués. Or la vision du numérique que je défends est plus inclusive : le numérique est une chance pour l’intégration, pour l’insertion, pour l’égalité ! C’est pourquoi j’espère que la grande école du numérique fera son entrée dans le projet de loi au Sénat, et que vous permettrez l’octroi de bourses aux apprenants, afin que la formation aux futurs métiers du numérique ne rencontre pas d’obstacles financiers.

Les obligations relatives à l’accès au numérique pour les personnes en situation de handicap seront renforcées, sur le modèle des dispositions en vigueur dans les pays les plus progressistes en la matière, en particulier les pays nordiques. Dans ce domaine, nous avons le devoir collectif de placer la barre haut. La grande loi de 2005 sur le handicap a fixé en matière d’accessibilité des bâtiments des exigences qui n’ont pas été correctement appliquées. Nous devons apprendre de nos erreurs pour ne pas les reproduire et utiliser les technologies comme un formidable outil d’inclusion au service de tous.

Face aux situations d’impayés, qui se multiplient et constituent un nouveau problème social auquel nous devons répondre, le maintien de la connexion à internet permettra de lutter contre la précarité numérique des ménages les plus vulnérables. Nous lancerons une expérimentation locale avec les départements de Paris et de la Seine-Saint-Denis pour préfigurer le nouveau dispositif de maintien de la connexion.

Que l’on ne prétende donc pas que le Gouvernement ne fait rien !

À la vérité, la loi à laquelle ce projet de loi donnera naissance marquera une petite révolution : une petite révolution tranquille, comme j’aime à le dire.

Cette loi donnera à la France une longueur d’avance. De fait, le Royaume-Uni prépare pour l’été sa propre loi numérique, qui sera directement inspirée de la loi pour une République numérique. L’Union européenne a lancé voilà quelques jours une initiative pour favoriser l’essor de l’économie de la donnée. L’Italie vient d’annoncer un plan sur le très haut débit, trois ans après nous. Quant aux États-Unis, ils lancent tout juste une consultation pour garantir l’accès à internet aux publics fragiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à relever ce défi, y compris sur le plan linguistique : efforçons-nous de ne pas utiliser un seul anglicisme, au nom de notre belle langue française, mais aussi en signe de reconquête !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La reconquête, nous y pensons tous les jours ! (Sourires.)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. En effet, l’entrée dans une langue, c’est l’entrée dans un monde, et la primauté de telle langue sur telle autre est le reflet d’un rapport de force que nous n’acceptons pas.

Pour conclure, je citerai Francis Blanche, que vous connaissez peut-être (Marques d’approbation amusée.) : « Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ! »(Sourires.)

Fermons donc les portes du Palais du Luxembourg – provisoirement – pour ne pas laisser entrer le bruit de fond, celui des travaux et des klaxons, mais aussi des contestations, des colères et des lobbys, et écoutons ensemble la musique de la jeunesse qui nous demande de lui faire confiance et de nos concitoyens qui nous demandent de donner l’exemple en débattant dans un esprit de responsabilité et de bonne entente. Ne restons pas passifs face à l’avènement de l’ère numérique, mais imaginons ensemble le pays que nous voulons pour demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe UDI-UC.)

(M. Thierry Foucaud remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Roger Karoutchi. Si vous citez Bourvil, mon cher collègue, nous quittons cette séance ! (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, notre assemblée est appelée aujourd’hui à examiner le projet de loi pour une République numérique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Derrière un titre très ambitieux, ce projet de loi aborde des sujets dont la variété a conduit quatre autres commissions à se saisir pour avis de certaines de ses dispositions. La commission des lois, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, a conservé l’examen au fond de soixante-seize articles sur quatre-vingt-dix-neuf, qui relèvent de sa compétence au titre des libertés publiques, du droit administratif, du droit pénal, du droit de la consommation, du statut de la copropriété ou encore du droit des collectivités territoriales.

Je vous exposerai brièvement la position de la commission des lois sur ces nombreux thèmes. Cette position s’articule sur un axe central : approuver les orientations du texte, tout en l’encadrant davantage.

Votre commission a marqué son accord avec ce projet de loi. Sans constituer la révolution qu’annonce son intitulé – vous me permettrez, madame la secrétaire d’État, ce petit désaccord avec vous –, il comporte un certain nombre de dispositions utiles pour assurer une meilleure régulation de la société numérique et pour améliorer la protection des droits des individus.

Les cent soixante-douze amendements que votre commission a adoptés témoignent de sa volonté de renforcer l’adaptation de notre cadre juridique au monde numérique en respectant nos engagements européens et en veillant à ne pas créer plus de risques pour les droits de nos concitoyens que de bénéfices pour la société tout entière.

En premier lieu, votre commission s’est attachée à dissiper les inquiétudes des acteurs économiques suscitées par les nouvelles obligations en matière d’ouverture des données publiques.

Consciente du bouleversement que ces dernières représentent, en particulier pour les services publics industriels et commerciaux, votre commission a souhaité prolonger l’effort initié à l’Assemblée nationale pour renforcer les garanties apportées par la loi portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA ». Elle a ainsi introduit dans le code des relations entre le public et l’administration la notion de secret des affaires, déjà connue en droit de la concurrence. Elle a également prévu, à l’article 4 du projet de loi, une analyse des risques préalable à la diffusion des données, de façon à prévenir les violations de secrets protégés par la loi et la réidentification des personnes.

Par ailleurs, la commission des lois a souhaité rééquilibrer le dispositif d’envoi dématérialisé de données à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, en prévoyant notamment que la concertation prévue avec les entreprises soit organisée avant la décision du ministre chargé de l’économie d’exiger ce type d’envoi.

Certains acteurs économiques craignent que l’anticipation de la réglementation européenne ou la création de nouvelles obligations ne désavantagent nos entreprises par rapport à leurs concurrents européens. Votre rapporteur a été particulièrement attentif à cette inquiétude. C’est ainsi que, sur mon initiative, la commission a prévu que les dispositions relatives à la portabilité des données personnelles entreraient en vigueur en même temps que règlement européen, afin que nos entreprises ne soient pas soumises à une contrainte que ne subiraient pas encore leurs concurrents européens.

Votre commission a aussi supprimé plusieurs contraintes excessives pesant sur les plateformes, comme l’obligation de désigner une personne physique comme représentant légal dans notre pays, et en a remplacé certaines autres par des dispositifs plus adaptés. Ainsi, sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Philippe Dallier, dont je tiens à saluer le travail, la commission des lois a prévu de soumettre les plateformes collaboratives à une obligation de déclaration à l’administration fiscale des revenus perçus par les intéressés.

Votre commission a également refusé que la succession numérique soit traitée différemment de la mort numérique : après que son rapporteur eut souligné les multiples contradictions auxquelles conduisait le texte adopté par les députés, elle est revenue à la rédaction initiale du projet de loi, plus conforme aux principes qui régissent notre droit de la protection de la vie privée.

En deuxième lieu, nous nous sommes attachés à assurer la convergence entre le projet de loi et le futur règlement général européen sur la protection des données personnelles. À plusieurs reprises, votre commission a adopté des amendements visant à anticiper correctement la prochaine entrée en vigueur de ce règlement. Ainsi, elle a étendu les garanties offertes pour l’exercice du droit à l’oubli sur les données collectées auprès d’un mineur : le responsable de traitement devra lui-même contacter ceux auxquels il aurait transmis les données en cause.

En revanche, si votre commission a estimé nécessaire d’accroître le montant des sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, elle a jugé qu’il était prématuré de s’aligner sur les montants du règlement européen.

En troisième lieu, votre commission a souhaité promouvoir des dispositifs plus lisibles et mieux articulés les uns avec les autres.

Tout d’abord, elle a déploré la très grande complexité des dispositifs d’ouverture des données publiques prévus par le projet de loi, qui s’ajoutent à d’autres dispositifs issus d’autres textes. Par exemple, une même information relative à une délégation de service public pourrait faire l’objet de six flux de données différents, sous le régime de droit commun issu de la loi CADA, celui de l’ordonnance « concessions » et les différents régimes sectoriels. Cet empilement de dispositifs nuit à leur lisibilité et peut paraître contradictoire avec l’ambition initiale du projet de loi, qui consiste à faciliter l’accès des citoyens à l’information publique. Des amendements ont ainsi été adoptés pour simplifier les dispositifs applicables aux délégations de service public, ainsi qu’aux subventions.

De même, votre commission a veillé à rationaliser le régime applicable aux lettres recommandées électroniques, afin de permettre aux citoyens de s’approprier cet outil créé dans les années 2000, mais peu utilisé depuis lors.

Elle a également intégré la stratégie des usages et services dans un schéma territorial existant pour ne pas multiplier les documents de planification et rejeté la création de syndicats mixtes ouverts de syndicats mixtes ouverts, les SMO de SMO, pour privilégier les outils qui existent.

En quatrième lieu, votre commission a veillé à mieux encadrer certaines activités et pratiques, en vue de prévenir les dérives.

Ainsi, elle a adopté un dispositif permettant aux personnes découvrant des failles informatiques de les signaler, sans pour autant inciter à la cyberdélinquance.

Elle a également modifié la rédaction des dispositions relatives au délit réprimant les atteintes à la vie privée, afin que la présomption de consentement ne pèse que sur la captation de contenus privés, et non sur leur diffusion.

En outre, elle a proposé un cadre légal permettant le développement des pratiques compétitives de jeux vidéo, tout en encadrant ces manifestations.

Mes chers collègues, la commission des lois vous invite à adopter le projet de loi dans le texte qu’elle a établi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que débute aujourd’hui l’examen d’un projet de loi que l’on nous promettait depuis longtemps et qui était très attendu. En effet, il n’y a guère eu de texte d’importance sur le thème du numérique depuis la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dont je fus le rapporteur pour la commission des affaires économiques.

Dans un domaine où tout évolue si rapidement, il est bon d’actualiser des dispositions dont certaines ont déjà une douzaine d’années, mais aussi de traiter de nouvelles questions, qui ne se posaient pas voilà quelques années, mais qui sont devenues tout à fait fondamentales ; je pense en particulier à la notion de neutralité du net et à la régulation des plateformes.

Il est bon aussi, de mon point de vue, d’avoir ouvert l’élaboration du texte à la concertation, dans l’esprit de l’économie collaborative qu’il promeut. Je voudrais souligner l’aspect novateur de cette démarche, mise en œuvre à travers une consultation en ligne, et dont on peut penser qu’elle sera rééditée à l’avenir pour d’autres textes, sans bien entendu devenir systématique.

Il reste toutefois certaines interrogations sur l’économie générale du projet de loi.

Ainsi, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de certaines mesures, notamment celles figurant aux articles 21 à 24, relatifs à la régulation des plateformes, qui anticipent le règlement européen relatif à la protection des données personnelles. Dans la mesure où ce règlement doit être adopté définitivement dans peu de temps et entrera en vigueur d’ici à deux ans, fallait-il prendre dès à présent des mesures en droit interne, au risque que certaines ne soient pas entièrement compatibles avec les futures règles européennes et que celles-ci nous obligent à modifier notre droit dans quelques mois ?

Madame la secrétaire d’État, nous comprenons bien votre souci d’être pionnière dans ce domaine et de pousser les institutions européennes dans la bonne direction en allant plus loin qu’elles ; mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la sécurité juridique de nos entreprises. De ce point de vue, n’y a-t-il pas un risque de segmentation nationale du droit européen du numérique, nos entreprises étant soumises à un cadre plus contraignant que celui applicable à leurs concurrents dans d’autres États membres de l’Union européenne ? Cette inquiétude est revenue fréquemment dans nos auditions et je me dois de la relayer.

La commission des affaires économiques a supprimé des articles nouveaux introduits par l’Assemblée nationale, qui n’avaient pas vocation à figurer dans ce projet de loi ou étaient incompatibles avec le droit européen, comme, entre autres, les articles 20 bis A, 20 sexies, 22 bis et 23 ter, et à en préciser ou clarifier d’autres, comme les articles 20 bis, 21, 22 et 23, parmi d’autres.

En particulier, nous avons modifié l’article 39, relatif à l’entretien des abords du réseau téléphonique. Nous aurons une discussion à ce sujet, d’autant que mon collègue Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et moi-même avons une vision différente de la chaîne de responsabilités entre l’opérateur du service universel et les propriétaires privés. Nous vous présenterons deux amendements identiques visant à maintenir le caractère incitatif du dispositif que nous avons adopté en commission et à le clarifier lorsqu’une collectivité utilise ce réseau téléphonique dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, pour déployer la fibre optique.

Sous cette réserve, je pense, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons trouver des consensus, du moins pour les articles dont la commission des affaires économiques a été saisie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est vu déléguer au fond le chapitre II du titre Ier du projet de loi pour une République numérique, consacré à l’économie du savoir, à l’exception de l’article 18.

Nos débats se sont concentrés, pour l’essentiel, sur les articles 17, 18 bis et 18 ter, qui soulèvent la délicate question du juste équilibre qu’il convient de maintenir entre le respect de la propriété intellectuelle et le développement de la recherche publique, dans un contexte où le numérique modifie les pratiques en profondeur. Cet équilibre, résultat d’un compromis malaisé entre les intérêts des parties, ne fut pas facile à trouver, la liberté des uns ne devant pas entraîner de trop lourds désavantages pour les autres.

Internet et le développement de réseaux sociaux scientifiques ont des conséquences considérables sur la science, en permettant une diffusion très rapide des connaissances dans tous les pays et en facilitant grandement les recherches bibliographiques.

Pourtant, la forte augmentation du nombre de revues créées et d’articles publiés chaque année s’accompagne paradoxalement d’un accès plus limité des chercheurs aux publications et d’un renchérissement global des dépenses d’acquisition. Deux facteurs sont en cause : l’augmentation spectaculaire des coûts des abonnements par certains éditeurs et la cession des droits d’auteur du chercheur au profit de l’éditeur, de plus en plus souvent perçue comme une véritable confiscation, dans la mesure où elle est généralement réalisée à titre exclusif et gracieux.

Consciente de la nécessité de faciliter l’accès aux travaux financés par des fonds publics, la commission de la culture soutient le dispositif prévu à l’article 17, fondé sur l’instauration d’un droit secondaire d’exploitation par l’auteur de la publication à l’issue d’une période d’embargo de six mois dans le domaine des sciences et de la technique et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales. Toutefois, elle reste soucieuse de ne pas mettre en péril le modèle économique des éditeurs. C’est la raison pour laquelle nous écouterons avec attention vos propos, madame la secrétaire d’État, au sujet du plan d’accompagnement des revues en sciences humaines et sociales.

Par ailleurs, je souhaite préciser que le développement du libre accès ne dispense pas le Gouvernement de stabiliser les budgets affectés à l’acquisition de ressources documentaires par les organismes de recherche et les universités, qui risquent, sinon, de devoir réduire le nombre de leurs abonnements.

En outre, il me paraît important d’étendre le système de licences nationales négociées au niveau centralisé à des consortiums de revues n’appartenant pas aux grands éditeurs, sans quoi une rente de situation serait assurée à ces derniers au détriment de revues plus fragiles.

Au-delà des bouleversements introduits par l’article 17 en matière d’open access des publications scientifiques, le droit de la propriété intellectuelle a été affaibli par l’introduction dans le projet de loi, à l’Assemblée nationale, des articles 18 bis, relatif à la fouille de corpus scientifiques, dite « text and data mining », ou TDM, et 18 ter, ouvrant droit à la liberté de panorama. Tout en étant soucieuse de la préservation du droit d’auteur, j’ai jugé que ces deux nouvelles exceptions étaient justifiées. Le TDM constitue en effet une technique de recherche numérique dont la France, soumise à la concurrence internationale de pays où elle est autorisée, ne saurait raisonnablement se priver.

Toutefois, la forme choisie par l’Assemblée nationale – une exception au droit d’auteur que la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information n’autorise pas aujourd’hui – ne nous a pas paru appropriée ; nous lui avons préféré une limitation de la liberté contractuelle, en imposant aux éditeurs d’autoriser le TDM sans obstacle technique ni rémunération supplémentaire.

En ce qui concerne l’article 18 ter, nous avons choisi d’ouvrir son champ aux associations constituées sous le régime de la loi de 1901.

Sur tous ces sujets, nous sommes convaincus de l’intérêt des équilibres ainsi établis et nous appelons à leur maintien.

Pour conclure, je souhaite évoquer l’article 17 bis, qui assouplit les conditions d’enseignement à distance.

Ce type d’enseignement offre une opportunité majeure pour démocratiser la formation, lutter contre les inégalités et renforcer la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur français. Toutefois, son développement se heurte actuellement à deux obstacles : l’obligation d’un volume d’enseignement minimum en établissement et des conditions restrictives de délivrance d’un diplôme.

La voie réglementaire étant plus adaptée pour lever ces difficultés, même si la loi peut poser certains grands principes, je serai particulièrement attentive aux mesures que prendra le ministère de l’éducation nationale pour faire rapidement sauter ces deux verrous qui bloquent le développement de l’enseignement supérieur à distance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la société de l’information, l’utilisation du numérique est devenue une composante essentielle de la vie individuelle et collective. En abolissant les distances géographiques, les technologies numériques créent de formidables opportunités de développement pour nos territoires et ouvrent la voie à un renouvellement profond des politiques publiques locales et nationales.

Toutefois, pour bénéficier des avantages offerts par les technologies numériques, il faut disposer d’un accès de qualité aux réseaux de communications électroniques. Faute d’un tel accès, le numérique ne constitue pas une chance, mais devient un problème supplémentaire pour les habitants, en particulier dans les zones rurales.

La raison d’être de l’aménagement numérique du territoire est précisément de faire du numérique un outil au service de l’égalité des territoires, et non la source de nouvelles fractures, qu’il s’agisse des réseaux fixes ou mobiles. L’intervention publique doit compenser, compléter ou corriger l’initiative privée, afin d’assurer une couverture homogène de tous les territoires, malgré les différences de densité.

Dans cette perspective, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie de quatorze articles du projet de loi pour une République numérique. Nos propositions s’inscrivent dans la continuité directe du rapport d’information sur la couverture numérique des territoires, adopté par notre commission en novembre dernier. Du reste, certaines préconisations de ce rapport avaient déjà trouvé une traduction dans le projet de loi transmis au Sénat, ce dont nous nous réjouissons.

Deux priorités ont guidé le travail de notre commission : l’accélération du déploiement des réseaux fixes à très haut débit et le renforcement de la couverture mobile. Ces deux axes de l’aménagement numérique, essentiels pour nos territoires, correspondent également à des préoccupations très vives de leurs habitants et des élus locaux.

Pour accélérer le déploiement des réseaux fixes à très haut débit, notre commission propose de simplifier la création d’un syndicat de syndicats pour améliorer la commercialisation des réseaux d’initiative publique, de renforcer le rôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, dans la mise en œuvre du statut de zone fibrée, qui vise à accélérer la transition du cuivre vers la fibre optique, et de créer une contribution de solidarité numérique pour pérenniser le financement des réseaux publics et pour renforcer la péréquation entre zones urbaines et rurales. Selon nous, il convient également de réduire les coûts des réseaux en facilitant l’accès aux infrastructures existantes et de renforcer la responsabilité des opérateurs en matière de réseaux et de services pour garantir que l’initiative privée prenne sa juste part dans le déploiement du très haut débit.

En vue d’améliorer la couverture de nos territoires par les réseaux mobiles, notre commission suggère de sécuriser le pouvoir de sanction de l’ARCEP au titre des obligations de couverture du territoire, de faciliter l’identification des communes du programme « zones blanches » pour garantir qu’aucune commune ne soit oubliée, d’élargir la faculté donnée à l’ARCEP de mener des enquêtes afin de vérifier le respect des obligations de couverture par les opérateurs et d’insérer dans les licences mobiles des obligations relatives à la couverture des communes.

La grande majorité de ces propositions ont d’ores et déjà été intégrées au texte établi par la commission des lois. Certaines sont structurantes, d’autres plus techniques, mais elles constituent un ensemble cohérent au service d’un seul et même but : fournir les réseaux de communications électroniques les plus modernes à nos concitoyens, le plus vite possible et quels que soient leurs lieux de vie. Je ne doute pas que le projet de loi qui résultera de nos débats aura été notablement enrichi dans cette perspective ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, commençons par l’essentiel : le projet de loi pour une République numérique, dont nous commençons l’examen, traite de sujets très importants et doit nous rassembler au-delà des clivages politiques.

Parmi ces sujets figure l’ouverture des données publiques, l’open data – je m’excuse, madame la secrétaire d’État, d’employer l’expression anglaise !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. « Données ouvertes » va bien aussi !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Va pour « données ouvertes » !

En matière, donc, de données ouvertes, de même que de neutralité du net et de droits des internautes, en tant que consommateurs mais aussi qu’individus, la France montre aujourd’hui la voie en Europe, et c’est une bonne chose.

Rapporteur pour avis de la commission des finances, je suis astreint à une certaine humilité, puisque, sur la centaine d’articles que comporte le projet de loi, on compte sur les doigts d’une seule main ceux qui sont de nature fiscale ou financière…

M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être, mais ils sont importants !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Tant mieux, diront certains. Ce n’est pas mon avis, ni celui de la commission des finances. Car si ces sujets sont parmi les plus difficiles à traiter, ils sont aussi parmi les plus importants : la révolution numérique doit s’accompagner d’une révolution fiscale, que nous ne pouvons pas différer plus longtemps.

À cet égard, les choses avancent, il faut le reconnaître, mais bien doucement.

Le meilleur exemple est peut-être celui des plateformes en ligne, les Uber et autres Airbnb dont on parle tant.

Le projet de loi en donne pour la première fois une définition claire et pose les premiers jalons d’une nécessaire régulation, ainsi que d’une juste protection des consommateurs. Il manquait à ce dispositif un volet fiscal, qui, lui aussi, ne peut être considéré que comme un premier jalon. Sur l’initiative de la commission des finances, un article 23 quater a donc été introduit dans le projet de loi qui fait obligation à ces plateformes de déclarer automatiquement les revenus de leurs utilisateurs.

Cette proposition avait déjà reçu le soutien quasi unanime du Sénat à l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Depuis lors, plusieurs pays se sont engagés dans cette voie, en particulier l’Allemagne, l’Espagne et l’Estonie.

Je serai bref au sujet de deux autres articles de nature fiscale, les articles 37 A et 37 D.

L’article 37 A prolonge jusqu’en 2022 l’éligibilité au FCTVA des dépenses des collectivités territoriales pour la construction de pylônes dans le cadre de la couverture du territoire en téléphonie mobile.

Quant à l’article 37 D, il étend le suramortissement dit Macron de 40 % aux coinvestissements des opérateurs dans le déploiement de la fibre optique. Il s’agit d’une mesure d’équité, neutre pour les finances publiques puisque les doubles déductions ne seront pas possibles.

Ces deux mesures ont elles aussi été adoptées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, contre l’avis du Gouvernement. Celui-ci a manifestement changé d’avis aujourd’hui, ce dont je ne puis que me réjouir.

L’article 41 du projet de loi est plus substantiel. Il vise à élargir la possibilité de proposer des paiements par SMS et, plus largement, ce qu’on appelle la « facturation opérateur », par laquelle les achats sont directement imputés sur la facture téléphonique ou internet de l’abonné.

Aujourd’hui, seuls peuvent donner lieu à un tel paiement les produits directement consommés au moyen de l’appareil, par exemple une sonnerie ou un jeu pour téléphone. L’article 41 élargit la possibilité de payer par « facturation opérateur », conformément à la deuxième directive sur les services de paiement, la DSP 2, adoptée en 2015, à tout contenu numérique ou service vocal, quel que soit le dispositif utilisé pour son achat ou sa consommation, ainsi qu’aux tickets électroniques et aux dons à des associations caritatives.

Il sera donc possible de donner deux ou trois euros à la Croix-Rouge ou à l’UNICEF par un simple SMS. Afin de permettre aux campagnes de dons par SMS de commencer dans les meilleurs délais, comme le souhaitent les associations, la commission des finances a supprimé la date d’entrée en vigueur de janvier 2018 initialement prévue pour cet article.

Tous ces paiements par « facturation opérateur » seraient soumis à un double plafond de 50 euros par opération et de 300 euros par mois. Prévoir un plafonnement est la moindre des choses, car, si le paiement par SMS est plébiscité pour sa simplicité et sa fluidité, il comporte aussi un certain nombre de risques : l’explosion potentielle des factures pour les familles dont les adolescents oublient que certains services sont payants, des arnaques et des pratiques douteuses de certains services.

Je terminerai en abordant l’un des articles qui ont le plus mobilisé nos collègues à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est aussi celui qui a en grande partie justifié la saisine de la commission des finances. Je veux parler de l’article 42, relatif aux compétitions de jeux vidéo.

Quel est le problème de fond ? Les compétitions de jeux vidéo, dès lors qu’elles donnent lieu à un droit d’inscription à l’entrée et qu’elles offrent une récompense au vainqueur, sont aujourd’hui considérées comme des loteries au regard de la loi. Or les loteries sont prohibées par l’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure. Il est donc nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles les compétitions de jeux vidéo peuvent obtenir une dérogation pour se tenir en toute légalité.

De l’avis de tous, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale était loin d’être parfait. Je crois que M. le rapporteur et moi-même sommes parvenus à trouver un bon équilibre, en nous appuyant notamment sur le rapport d’étape de nos collègues Jérôme Durain et Rudy Salles.

Il s’agit de concilier le développement de cette filière, qui représente un potentiel économique important pour la France, et la maîtrise des risques d’addiction au jeu des mineurs, ainsi que des risques de fraude.

M. le rapporteur s’est exprimé sur l’autorisation des tournois physiques. Pour sa part, la commission des finances considère qu’il est possible d’autoriser ces compétitions, dès lors qu’elles ne sont pas précédées d’une préqualification payante en ligne et, partant, ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de régulation des jeux en ligne.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je conclus, monsieur le président, mais il est tout simplement impossible d’être complet en cinq minutes sur un tel sujet !

J’ajoute seulement que la commission des finances proposera l’introduction dans le projet de loi d’un article additionnel sur l’élargissement du poker en ligne. J’en ai terminé, monsieur le président ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens, après vous, madame la secrétaire d’État, à saluer les internautes qui nous écoutent.

Internet, le réseau des réseaux, est une technologie encore jeune : sa puissance transformatrice est loin d’avoir fini de se déployer. Si 1,4 milliard de terminaux étaient connectés à internet à la fin de 2012, ils devraient être dix fois plus nombreux en 2022, ce qui produira une quantité incommensurable de données en ligne.

Les perspectives de progrès qui s’ouvrent devant nous sont aussi grandes que les craintes suscitées par les effets incertains de la mise en réseau du monde, notamment sur l’emploi, mais, plus généralement, sur les fondements de nos économies, de nos sociétés, de nos cultures et de nos systèmes politiques. Une rupture profonde est en marche, que les États doivent comprendre pour s’adapter et agir. Aussi est-il légitime de réfléchir – dans le cadre d’une stratégie plus globale, car tout ne relève pas de la loi – à l’adaptation de notre législation à cette nouvelle réalité.

Le texte soumis à notre examen s’ordonne autour de trois axes : le développement de la circulation des données et du savoir, la protection dans l’environnement numérique et l’accessibilité au numérique, qu’évoquera tout à l’heure mon collègue Hervé Maurey.

Entre plusieurs transpositions de directives européennes, ce texte a dû être mis au point dans l’anticipation du règlement européen sur la protection des données personnelles, dont l’adoption est attendue depuis au moins deux ans. Certains de nos collègues députés ont critiqué cette anticipation. Il est vrai que la méthode n’est pas idéale, mais avait-on réellement le choix ?

Dans un rapport établi au nom de la commission des affaires européennes voilà déjà quatre ans, j’ai appelé à une prise de conscience de ce qui est en train de se jouer, qui n’est ni plus ni moins que la perte de notre souveraineté, et à une reprise en main urgente de notre destin numérique.

C’est, bien sûr, au niveau européen qu’une politique puissante et coordonnée doit être mise en place, mais, avouons-le, la lenteur des décisions prises à Bruxelles et la démission face au poids de certains lobbies sur ce sujet sont consternantes.

Vous savez, madame la secrétaire d’État, que le Sénat a lancé l’alerte en adressant à Bruxelles deux résolutions européennes adoptées à l’unanimité traduisant les préconisations de la mission commune d’information « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet », créée à la demande du groupe UDI-UC en 2014 et dont j’ai été le rapporteur, sous la présidence de Gaëtan Gorce. De nombreuses mesures préconisées dans le rapport de cette mission commune d’information ont été reprises dans le présent projet de loi.

Je n’ignore pas que vous-même, madame la secrétaire d'État, avez accompli un intense travail auprès des instances européennes. Force est de constater que, malgré vos efforts, pas grand-chose ne bouge. Il faut donc avancer.

Ce projet de loi, quoiqu’incomplet, comporte des dispositions utiles, d’ailleurs attendues et approuvées par les instances de réflexion et les instances régulatrices : le Conseil national du numérique, la Commission nationale de l’informatique et des libertés et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Il faut néanmoins admettre qu’il est décevant, car plus modeste que ne le laisse présager son intitulé un peu pompeux. Il est vrai qu’il a été en partie vidé de sa substance par la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et par la loi relative au renseignement, qui porte largement sur les droits et libertés numériques – vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, de tous les débats que ces questions ont suscités lors de son examen. Sans compter qu’il est amputé de sa partie économique, qui aurait dû figurer dans un projet de loi « Macron II » ; pour l’instant, on n’en prend pas vraiment le chemin…

Cela est regrettable, car les enjeux, notamment en ce qui concerne les données, sont globaux et transversaux. Les données représentent l’actif stratégique pour la transformation numérique de la société et de l’économie. Le sociologue des réseaux Manuel Castells a bien décrit le passage de l’espace des lieux à l’espace des flux : aujourd’hui, ce sont les flux d’informations, leur traitement et la localisation des données qui sont l’enjeu de la souveraineté.

Tout cela traduit, selon nous, l’absence de vision globale et stratégique du Gouvernement.

Or, comme les révélations d’Edward Snowden l’ont montré, internet est un instrument de puissance qui nous échappe largement, le support d’un monde d’hyper-surveillance et de vulnérabilité.

Face à une mainmise américaine avérée, il conviendrait, au niveau national comme au niveau européen, d’agir puissamment et concomitamment dans quatre directions.

Premièrement, à l’ère du cloud et du big data, nous devons nous doter d’un régime exigeant de protections des données. Le projet de loi prévoit un tel régime, mais il faudrait inclure également les conditions de traitement des données et, surtout, les technologies de protection de la confidentialité, qui représentent les nouveaux instruments de la souveraineté pour les Européens.

Deuxièmement, il faut nous doter d’une régulation offensive de l’écosystème numérique, pour assurer une meilleure répartition de la valeur et la loyauté des nouveaux marchés. Les dispositions du projet de loi relatives à la neutralité du net, à la loyauté des plateformes et à la portabilité des données sont de bonnes avancées, mais peut-être sont-elles encore insuffisantes.

Troisièmement, nous devons catalyser l’industrie française et européenne du numérique autour d’une vraie ambition affichée. Il faut faire des choix dans les secteurs clés pour les économies européennes que sont la santé, l’énergie et les transports. Ces secteurs, éminemment stratégiques et dont dépendent des infrastructures essentielles, doivent faire l’objet d’une réelle coordination juridique, industrielle et technologique.

Enfin, et même si cela ne relève pas vraiment de la loi, l’éducation et la formation continue sont capitales, y compris et surtout pour les décideurs qui ont aujourd’hui à opérer des choix technologiques, notamment en ce qui concerne le parc informatique public et le traitement de données publiques.

Mes chers collègues, comme le souligne l’Institut de la souveraineté numérique, dont je salue l’excellence des travaux, c’est la nature des solutions politiques et industrielles globalement envisagées qui déterminera le devenir de nos sociétés européennes. C’est pourquoi la coordination des actions numériques de l’État devrait être un objectif stratégique pour l’ensemble des responsables publics. J’observe à cet égard que, alors qu’aux États-Unis le président Obama est assisté d’un Chief Technology Officer, il n’existe toujours pas en France de structure de coordination interministérielle digne de ce nom placée sous l’autorité du Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’effort de concertation qui a présidé à l’écriture de ce projet de loi.

Comme vous l’avez expliqué, madame la secrétaire d'État, près de 21 000 personnes ont participé à cette concertation et 8 500 contributions ont été remises. Des sujets tels que l’extension des pouvoirs de la Commission d’accès aux documents administratifs ou l’obligation pour les administrations de communiquer les règles des algorithmes qu’elles utilisent pour arrêter une décision ont été intégrés au projet de loi à la faveur de cette démarche, ce dont nous nous félicitons. Si le nombre des contributions retenues est faible, surtout vu le nombre de participants, l’exercice doit être salué et renouvelé.

Madame la secrétaire d’État, vous affirmez que la donnée ouverte est une chance pour rendre l’action administrative plus transparente, une opportunité pour certaines entreprises et une nécessité incontournable pour notre pays, qui mène cette révolution numérique. Je voudrais revenir sur ces points.

Il est vrai que, aujourd’hui, l’informatique, qui touche à la vie même, irrigue tous les aspects de notre existence. Dans ce contexte, le pacte républicain ne peut se résumer à un jeu obscur d’algorithmes et de codes qui seraient la chasse gardée des gestionnaires et dont les données pourraient être pillées par des firmes en position dominante.

La donnée ouverte donne indiscutablement aux citoyens de nouveaux moyens de contrôle de l’action publique et, partant, participe au renouvellement de la vie démocratique. De ce point de vue, il convient de pouvoir faire toute la lumière sur les programmes utilisés par la puissance publique, afin de garantir un véritable droit d’accès aux documents administratifs. Tel est le sens de nos amendements sur l’extension de la communication des codes sources et la priorité donnée aux logiciels libres.

Dans le même temps, l’ouverture des données aura une incidence sur nos concitoyens en termes de protection de la vie privée. S’il est vrai que l’on craint moins aujourd’hui les effets des données massives que l’on ne redoutait hier les menaces de Big Brother, il n’en demeure pas moins que l’anonymisation des données collectées est assez illusoire, d’autant que vont se multiplier les sources de données de plus en plus précises dans des domaines ultra-personnalisés, comme la santé.

En effet, on sait que, aujourd’hui, en extrayant des données et en les croisant, même lorsqu’elles sont anonymisées, avec des sources publiques, il est possible d’identifier des individus. Ainsi, 89 % des patients d’un hôpital peuvent être identifiés nommément à partir de leur code postal, de leur mois et année de naissance, de leur sexe et des mois d’entrée et de sortie de l’hôpital en question.

La multiplication des sources de données, corrélée au fait que les individus sont par nature uniques, provoque une disparition progressive de l’anonymat à mesure que grossit la masse de données sur chaque individu.

C’est pourquoi nous ne sommes pas convaincus de la pertinence d’une ouverture massive des données publiques en termes de respect de la vie privée de nos concitoyens. Tel est le sens de notre amendement de suppression de l’article 12 bis et de notre amendement portant sur l’extension du secret des correspondances aux données de connexion.

L’information, notamment publique, constitue une nouvelle richesse des nations, mais elle est aussi celle des marchands. Dès lors, il n’est pas inutile de se poser la question : à qui profite la donnée ouverte ?

En effet, la gratuité de la réutilisation des données publiques, prévue dans le projet de loi, fait débat. Car la gratuité cache aussi une autre réalité : nos données constituent une véritable mine ; elles sont une masse qui, destinée à optimiser les services, sert en réalité de monnaie d’échange. Elles sont au fondement des revenus des géants de l’Internet, les fameux GAFA, qui peuvent définir, pour chaque utilisateur, un profil unique permettant un meilleur ciblage publicitaire, et donc l’optimisation des revenus liés.

S’agissant de ces entreprises, la gratuité des services est un leurre : en réalité, le produit qu’elles vendent, c’est l’individu connecté, le client. Sur ce principe, ces firmes amassent des centaines de milliards de dollars sur notre dos. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement sur la double licence d’utilisation.

Nous regrettons que le projet de loi ne comporte aucune disposition sur la fiscalité du numérique, ni sur l’instauration d’un principe de réciprocité imposé aux géants du numérique en termes d’accès à leurs données, par exemple dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises.

Comment peut-on imaginer ouvrir des données publiques et renforcer les modèles économiques des multinationales, ainsi que les dérives dénoncées dans le rapport BEPS de l’OCDE, sans demander sans plus attendre que la transparence fiscale, mais aussi sociale, soit de rigueur ?

En effet, comme le souligne le rapport Colin-Collin, alors même que l’économie numérique investit l’intimité de milliards d’individus, sa valeur ajoutée s’échappe vers les comptes de sociétés établies dans des paradis fiscaux. Et si la réponse, selon ces experts, ne peut être qu’internationale ou européenne, rien n’interdit à un pays comme la France d’avancer des propositions. Il n’y en a pas, malheureusement, dans ce projet de loi. L’économie numérique est une chance, mais elle peut aussi être source de destruction si les richesses sont captées sans partage.

Il y a un autre motif d’inquiétude : la révolution numérique et la dématérialisation de certains services – c’est bien de cela qu’il s’agit – portent en germe un risque d’accélération de la disparition physique de certains services publics. Comment ne pas voir que l’essor des cours en ligne, que l’article 17 encourage, cache en réalité des coupes budgétaires et la crise dont souffrent les universités ? Comment ne pas s’inquiéter de voir des centres des impôts fermer à l’heure du tout-dématérialisé ? Les exemples peuvent être déclinés à l’infini. Au bout du compte, c’est l’accès au droit qui risque d’être remis en cause !

De même, comment ne pas être alerté par la notion de services spécialisés, qui restreint une réelle neutralité d’internet pour faire place, par exemple, à des services de télémédecine qui ne feraient qu’entériner l’impuissance des pouvoirs publics face aux déserts médicaux ?

Le projet de loi est une chance pour les « start-up » – remarquez, madame la ministre, que je mets l’expression entre guillemets ! –, comme cela est répété à l’envi dans son exposé des motifs ; mais, plus largement, une politique et une stratégie industrielles sont indispensables pour accompagner cette transition numérique et pour faire en sorte que les gains de productivité se traduisent par le développement de nouvelles activités, créatrices d’emplois, sur notre territoire. En effet, selon le rapport Colin-Collin, l’économie numérique n’est pas par elle-même une grande créatrice d’emplois, du fait notamment de l’absence d’une politique fiscale adaptée.

En définitive, madame la secrétaire d'État, nous saluons l’encadrement et l’évolution du droit d’accès aux documents administratifs, ainsi que les mesures touchant à la loyauté des plateformes, au handicap, au droit à l’oubli, à la lutte contre la divulgation de la vie privée et à la mise en place d’un accès internet minimal ; il s’agit parfois de mesures a minima, mais toutes vont dans le bon sens. Reste que, de notre point de vue, nous restons très en deçà d’un texte qui répondrait véritablement aux défis du numérique. Il était possible d’être plus ambitieux et volontariste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le numérique change tout, et cela va continuer. Aussi, pour adapter le fonctionnement et le rôle de l’État et pour assurer la protection des citoyens, mais aussi pour faire en sorte que la France puisse maîtriser les évolutions qu’engendrent ces technologies, il convient aujourd'hui de légiférer.

Suivant les choix que nous ferons, nous nous bornerons à constater la domination de certains algorithmes et bases de données géantes ou, au contraire, nous signifierons que les meilleurs apports du net, c’est-à-dire l’économie collaborative, le partage, la mutualisation, la transparence de l’action publique et le contrôle des données, doivent rester des fondamentaux et s’amplifier.

Certes, notre pays ne pourra pas porter cette volonté seul ; mais la patrie de Proudhon, celle qui fut à l’origine de la philosophie mutualiste, doit rester à l’avant-garde de ces combats.

Le numérique est un domaine que nous devons sans doute aborder avec une grande humilité, car, tous ici, nous sommes des représentants du monde d’avant. Nous devinons certains des enjeux et des défis, mais rien n’est définitif, car la force de l’innovation, conjuguée aux évolutions sociales qu’elle engendre, ne peut être totalement maîtrisée.

Promesse d’émancipation pour ce qu’il propose, le numérique permet aussi au plus grand nombre d’accéder à ce qui était auparavant le lot des privilégiés. Aux TPE et PME il offre ainsi des capacités naguère réservées aux grandes entreprises. Mais il comporte aussi des risques : la surveillance, le fichage, la domination par les algorithmes.

Par ailleurs, le numérique est un facteur puissant d’innovation et de croissance, ce qui est essentiel. À cet égard, la créativité des Français, qu’ils vivent en France ou à l’étranger, et leur capacité à entreprendre dans des start-up sont un atout pour notre pays.

Pour que la France reste à l’avant-garde et progresse, trois séries de conditions doivent selon moi être réunies.

La première a trait à la maîtrise des technologies, c'est-à-dire à la puissance de calcul et à la puissance de stockage. En fin de compte, c’est d’abord d’énergie qu’il s’agit. Il faut également garantir l’accès au numérique pour tous au travers d’infrastructures et d’un cadre législatif favorable et encourager une éducation qui favorise l’aptitude des jeunes à innover.

La deuxième série de conditions se rapporte à la citoyenneté numérique, justifiant le titre du projet de loi. Il s’agit d’abord d’affirmer un principe, qui est une condition de la cohésion sociale : plus le virtuel prend de la place, plus il est essentiel de soigner le cadre de vie autour de soi. Nous devons développer un sentiment de protection et de non-impunité face au numérique et donner la priorité à l’éducation pour que les risques et la maîtrise du numérique soient bien connus de tous.

La troisième série de conditions touche à l’international. Nous devons rester ouverts, ne pas fermer notre réseau pour telle ou telle raison, et participer à l’ensemble des coopérations internationales tendant à normer le net au niveau mondial, sans nous refermer lorsque nous avons une crainte.

Permettez-moi de formuler trois remarques générales sur trois aspects du texte : l’open data, la portabilité des données et la loyauté des plateformes.

L’open data soulève deux préoccupations. J’ai déjà dit qu’il s’agit de la bonne philosophie, mais il faut veiller à la sécurité nationale et à notre indépendance, ainsi qu’à une anonymisation totale des données, ce qui nécessite des études de risques. Toute la différence entre la société numérique que nous pourrions subir et la République numérique que nous nous proposons de construire tient à cette consécration de l’accès public au savoir et de la non-exclusivité de l’information et des algorithmes, qui doivent être publics plutôt que secrets.

La capitalisation des entreprises n’est plus aujourd'hui corrélée à la valeur des actifs, mais d’abord aux algorithmes et aux bases de données qu’ils maîtrisent. La transparence en la matière est donc une exigence démocratique et sociale et un combat de société.

En ce qui concerne la portabilité des données, sa mise en œuvre au niveau européen nous apporte plus de force ; elle permet aux usagers de ne pas dépendre des fournisseurs d’accès, qui créent de la gratuité pour fabriquer de la dépendance, et crée les conditions de la libre concurrence.

Le prochain règlement européen va dans ce sens, mais, sur certaines catégories de données, comme les historiques de navigation, le contenu des mails, les commentaires que les internautes laissent sur des sites, les achats et les données de santé ou bancaires, j’estime qu’il conviendrait d’aller plus loin. Ces données doivent être protégées, car elles sont constitutives de la personne. En particulier, il me semble important d’interdire leur commercialisation, ainsi que l’obligation de les communiquer à un tiers afin, par exemple, de bénéficier d’un nouveau service.

J’en viens à l’article 22, relatif à la loyauté des plateformes.

Il revient au législateur de protéger, mais, dans le domaine du numérique, il faut tenir compte de deux contraintes. D’abord, le numérique se joue des frontières, de sorte qu’aucune protection n’est absolue ; le consommateur doit en être conscient, et les règles établies doivent être opérationnelles, sans quoi l’on construira des lignes Maginot numériques qui ne serviront à rien, sauf à déconsidérer la loi. Ensuite, il ne faut pas instaurer de protections qui conduiraient des compétences à quitter notre pays, car nous n’aurions alors ni les compétences ni les protections.

Madame la secrétaire d'État, l’initiative que vous avez prise de procéder à une consultation directe des internautes est intéressante. C’est une novation, qui favorise la démocratie directe. À présent, le Parlement doit avoir pour préoccupation d’assurer une participation encore meilleure de l’ensemble des citoyens à ses travaux, tant en commission qu’en séance publique, afin que ceux-ci comprennent la manière dont nous fonctionnons. C’est ainsi, me semble-t-il, que nous pourrons renforcer la démocratie représentative.

Pour terminer, je tiens à exprimer mon dépit d’avoir vu l’article 40 de la Constitution opposé à l’un de mes amendements, qui visait à permettre à tous les citoyens du monde d’avoir accès aux chaînes de la télévision française publique par internet. Je le regrette, car le sujet est important.

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste et républicain s’attachera à construire avec vous la République numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi pour une République numérique vise à adapter notre législation aux multiples enjeux du numérique, que les différents rapporteurs et les autres orateurs ont bien exposés.

Après la récente transposition de la directive sur la gratuité et la réutilisation des informations du secteur public – je me souviens qu’à cette occasion notre hémicycle était plus clairsemé que cet après-midi ! –, nous avons commencé à réfléchir à l’enjeu de l’ouverture des données publiques.

À cet égard, le projet de loi soumis à notre examen apporte de réelles réponses aux enjeux de transparence, de démocratie et de développement économique. Plus largement, il porte sur les droits des internautes et consacre de nouveaux droits réels pour les individus, liés à leurs données personnelles, à leur protection, au contrôle et au droit d’accès, y compris au moment du décès.

Un aspect important à nos yeux est également traité : l’accès à internet. En effet, le projet de loi prend en compte les enjeux associés au handicap, au maintien de la connexion et au développement de la fibre. Mais il faut aller plus loin encore.

Pour le groupe écologiste, le projet de loi marque une véritable avancée en matière de droits des citoyens dans la société numérique et de diffusion des connaissances et du savoir, ainsi que de couverture numérique des territoires.

Nous saluons également la démarche ayant permis l’aboutissement de ces mesures. En effet, comme il a été souligné précédemment, le projet de loi est le fruit d’un long travail préparatoire et participatif.

Par leurs préconisations, de très nombreux rapports, d’origines diverses, ont annoncé et guidé les orientations de ce texte. À cet égard, je tiens exprimer notre réelle satisfaction concernant l’articulation constructive de ce texte d’initiative gouvernementale avec le rapport d’information sénatorial intitulé Refonder le droit à l’information publique à l’heure du numérique : un enjeu citoyen, une opportunité stratégique, issu des travaux de la mission d’information présidée par notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest et dont j’étais la rapporteur. De très nombreuses recommandations de ce rapport ont été reprises dans le projet de loi ; certes pas toutes, mais c’est la loi du genre.

Autre fait marquant, le texte a donné lieu à une consultation en ligne riche. Peut-être les internautes n’ont-ils pas été assez nombreux, mais le débat a été vivant, et vous avez entendu, madame la secrétaire d’État, un certain nombre de messages.

J’en viens aux changements opérés.

En consacrant le droit de disposer en ligne d’une information publique de qualité, le projet de loi poursuit la traduction juridique de la politique d’ouverture des données publiques : l’administration sera tenue de mettre en ligne un nombre élargi de données. L’approche actuelle, qui repose sur une démarche purement volontaire, ayant atteint ses limites, il convient maintenant de s’engager dans une ouverture systématique et organisée.

Ce projet de loi permet bien de passer d’une logique de demande d’accès de certains citoyens à une logique d’offre des données par l’administration et les institutions publiques.

Certains verrous subsistent néanmoins, que nous regrettons ; ils ont été prévus notamment par nos collègues de la commission des lois, qui, par ailleurs, ont aussi fait des propositions qui vont dans le bon sens. Ainsi, pourquoi freiner la réutilisation des données en introduisant la mention « si possible » à propos du standard dans lequel l’administration doit publier les données ?

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. Selon nous, cette précaution est inutile et risque même d’être contre-productive. Si l’on ouvre d’un côté et que l’on ferme de l’autre, je ne suis pas sûre que l’on soit gagnant !

Ensuite, pourquoi vouloir ajouter dans le projet de loi le secret des affaires ?

Mme Corinne Bouchoux. Sur cette question très importante, nous sommes regardés de près. Le droit à la communication et à la publication est déjà assorti de très nombreuses garanties et limites. Pour siéger depuis 2011 à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, je puis vous assurer que la protection des secrets n’est pas un vain mot !

Selon nous, les règles actuelles protègent déjà suffisamment l’intérêt public, en particulier la sécurité publique et la défense, ainsi que le secret en matière industrielle et commerciale.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas la même chose !

Mme Corinne Bouchoux. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter dans le projet de loi le secret des affaires. Ce serait, là encore, ouvrir d’un côté en refermant de l’autre, ce qui n’est pas l’esprit du projet de loi.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je le répète : ce n’est pas la même chose.

Mme Corinne Bouchoux. Les administrations se conforment à la loi et mènent systématiquement une analyse de risques. Vous proposez à nouveau que l’on procède explicitement à une analyse de risques. Nous pensons, nous, que les administrations sont déjà très prudentes et s’assurent, avant toute communication de document, que les conditions de communicabilité sont remplies.

Nous comprenons certaines des inquiétudes exprimées par la majorité des membres de la commission des lois, mais nous pensons vraiment que la loi CADA telle qu’elle est appliquée suffit amplement. Ne gâtons donc pas ce projet de loi en y ajoutant le secret des affaires ! Cette mesure serait mal comprise, et les jeunes internautes auraient raison de mal comprendre.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous allons les éduquer !

Mme Corinne Bouchoux. Une autre avancée notable du texte réside dans le droit d’accès aux codes sources des logiciels et aux règles et caractéristiques de l’algorithme utilisé pour fonder nombre de décisions individuelles du quotidien, comme l’attribution d’un poste, d’une mutation ou le calcul d’une taxe. Il faut absolument lever cette opacité technologique, qui, souvent, masque la volonté de ne pas déranger politiquement ou de ne pas faire de vagues lorsque l’on prend une décision qui déplaît – je pense aux affectations scolaires.

Pourquoi avancer si lentement en ce qui concerne la promotion du logiciel libre et des formats ouverts au sein des services de l’État, des entreprises publiques et des collectivités territoriales ? On va, je le sais, me parler d’emplois,…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pas du tout !

Mme Corinne Bouchoux. … mais il s’agit aussi d’une question de souveraineté. Car vous savez comme moi que, dans une société numérique, celui qui détient le pouvoir est celui qui sait comment la technologie fonctionne. En matière d’espionnage, par exemple, le logiciel « propriétaire » offre moins de garanties de sécurité vis-à-vis des puissances étrangères.

L’ouverture des données publiques et la gratuité de principe affichée de la réutilisation remettent en cause les modèles de production des données publiques. Il faut donc réfléchir aux moyens de faire bénéficier tout le pays de ce nouvel écosystème.

Face à l’importance de ces enjeux, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et enrichi par le Sénat répondra à l’attente de nombreux citoyens, journalistes et associations, qui sont la vitalité de notre démocratie. Bien sûr, il permettra aussi le développement de services innovants et de start-up, à travers la réutilisation par tout un ensemble d’acteurs – collectivités territoriales, établissements culturels et entreprises privées – de ce qui est un bien commun.

Permettez-moi, madame la secrétaire d'État, de conclure par une expression anglaise : Code is Law. Puisque le code fait loi, à nous d’agir et de passer au XXIe siècle ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi, défendu avec ambition et un engagement remarqué, sert un objectif louable et partagé : lever les obstacles à l’exploitation du gisement des données publiques pour soutenir la croissance économique de notre pays.

La France, on le sait, ne manque pas de talents en matière numérique. Toutefois, pour être source de croissance, la mise à disposition des données publiques doit s’accompagner d’une amélioration de la couverture numérique de l’ensemble du territoire français, en métropole et en outre-mer. Pas question pour nous de jouer la partition « Paris et le désert numérique », à l’instar de ce qu’on fait les Britanniques avec Londres et le reste de leur pays.

C’est pourquoi la majorité des membres du RDSE considèrent que la mise à disposition des données publiques doit donner lieu, dans un premier temps, à une véritable transition numérique, respectueuse des droits et libertés des administrés et n’oubliant aucun territoire.

Pour donner au projet de loi une chance d’avoir les retombées économiques espérées, notamment en termes de créations d’emplois, il est nécessaire que chaque détenteur de données publiques soit en mesure de les mettre à disposition du plus grand nombre, après, bien sûr, avoir pris les précautions qui s’imposent.

En particulier, nous voulons nous assurer que la publication des données interviendra après les anonymisations et l’occultation des informations susceptibles de permettre l’identification de personnes ou la révélation de secrets protégés par la loi. Nous nous félicitons d’ailleurs de constater que ce projet de loi ne remet pas en cause l’existence de catégories de données ne pouvant faire l’objet d’un traitement informatique, ni celle de données sensibles, soumises à un régime de traitement informatique particulier.

L’esprit de la loi Informatique et libertés de 1978 est de ce point de vue respecté ; notre groupe y est très attaché, comme il est très attaché aux travaux menés sur le traitement des données et le droit à l’oubli par notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, la question des coûts liés à l’ouverture des données publiques ne doit pas être éludée. Au reste, à l’heure où les collectivités territoriales se voient notifier les prévisions de leurs futures dotations, le Gouvernement pourrait s’appliquer à lui-même les principes qu’il entend généraliser, en communiquant les algorithmes de calcul qu’il utilise en la matière…

D’autre part, il importe de prendre en compte les évolutions de notre société, dans laquelle les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont devenues incontournables. La numérisation des données publiques est inéluctable ; elle a d’ailleurs commencé. Une majorité d’entre nous est donc favorable au principe de gratuité des échanges de données publiques entre les administrations, ainsi qu’à la publication des données publiques par l’ensemble des services administratifs.

La réussite de cette transition numérique dépendra cependant de la capacité de l’État et de la CNIL à accompagner les services et les collectivités territoriales en les assistant dans les procédures d’anonymisation des données personnelles et de publication. De même, l’harmonisation du format des données de référence nationales devrait être prise en charge par l’État.

Dans la même logique de promotion d’une économie numérique innovante, il nous a paru nécessaire d’instaurer un cadre juridique favorable aux chercheurs. Ainsi, nous souhaitons donner au ministre de la recherche la possibilité d’imposer aux maisons d’édition scientifique un délai d’embargo inférieur à ceux fixés par la loi, afin de fluidifier les communications entre les chercheurs.

Il est également urgent de s’assurer que la fouille de texte et de données à des fins de recherche scientifique ne puisse être entravée par la volonté de grandes maisons d’édition ; il convient pour cela de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.

En ce qui concerne la protection des droits des acteurs et consommateurs de la société numérique, nous voyons d’un bon œil le développement d’une conception de l’Internet alternative au modèle défendu par les géants de Californie.

Nous souhaitons en effet que le projet de loi soit modifié pour renforcer les exigences de transparence concernant les avis déposés en ligne, afin que les utilisateurs exercent leur liberté d’expression de manière plus loyale, c’est-à-dire sans se cacher derrière des prête-noms permettant toutes les dérives.

Il s’agit également de lutter contre une tendance portée par les grands acteurs du numérique, qui sont aussi les promoteurs de nouveaux modèles économiques s’affranchissant parfois des règles les plus élémentaires de notre droit, comme celles relatives à la propriété ; nous aborderons ce point lorsque nous évoquerons les locations.

Les données bancaires des consommateurs devraient également être mieux protégées en ligne, et leur conservation par les plateformes plus strictement encadrée.

Dans la même logique, nous soutenons les dispositions destinées à mieux protéger la vie privée des personnes en ligne, telles que la reconnaissance d’une action collective pour obtenir la cessation d’une violation concernant l’utilisation de données personnelles et les droits reconnus aux personnes victimes de harcèlement et de chantage au moyen de contenus à caractère sexuel.

Enfin, si les sanctions prévues par le projet de loi peuvent paraître dérisoires au regard du chiffre d’affaires des plus grands acteurs de l’économie numérique, nous comprenons qu’elles correspondent aux standards définis par le futur règlement européen relatif à la protection des données personnelles.

Mes chers collègues, vous connaissez notre engagement en faveur de la lutte contre les inégalités territoriales et l’isolement administratif dans les territoires ruraux. Notre détermination est identique en ce qui concerne l’accès de tous les citoyens aux réseaux de communication.

Or, malgré les efforts de nombreux élus locaux, la couverture numérique du territoire reste inégale, en raison aussi des logiques concurrentielles qui prévalent. Lors des débats précédents, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi dont est issue la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, mes collègues et moi-même vous avons déjà alertée, madame la secrétaire d’État, sur l’existence de zones blanches, véritables îles intérieures du territoire français.

Face aux inégalités d’accès aux nouvelles technologies, qui s’accentuent, et alors que les administrations ont de plus en plus recours à ces outils, l’État doit réagir et proposer un plan de transition numérique en concertation avec les acteurs de terrain que sont les élus locaux.

En définitive, ce projet de loi comporte des dispositions visant à développer des technologies et des pratiques numériques très avancées, susceptibles de renforcer l’attractivité française. Les membres du RDSE veilleront avec un soin particulier à ce qu’aucun territoire de la République, notamment aucun territoire rural, ne soit privé du numérique. Si certains devaient en être exclus, la future loi ne mériterait pas de s’appeler « loi pour une République numérique » !

La République numérique, en effet, doit s’adresser à tous les citoyens et se réaliser sur tout le territoire. Les membres du RDSE veilleront à ce qu’il en soit ainsi, et c’est au regard de cette exigence que, au terme de nos débats – menés sans anglicisme, madame la secrétaire d’État ! –, ils arrêteront leur position sur l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Henri Tandonnet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Madame la secrétaire d'État, je reconnais l’opiniâtreté dont vous avez fait preuve pour pouvoir présenter ce projet de loi au Parlement.

Votre expérience anglo-saxonne vous donne une certaine largeur d’esprit en ce qui concerne les usages d’internet, et le projet de loi s’en ressent.

En évoquant Portalis, le père du code civil, puis Francis Blanche, le père d’une forme d’humour actuel, vous avez balayé large… Votre projet de loi lui aussi balaie large, puisqu’il traite des usages d’une façon générale comme des infrastructures.

Sur ces deux sujets, permettez-moi de vous faire part de nos inquiétudes, qui sont en fait celles des Français, et de l’indignation que l’on ressent parfois devant la résignation avec laquelle l’État accepte que l’évolution du numérique soit contrôlée par d’autres que les États.

Le développement exponentiel des applications et le foisonnement des initiatives font que l’État semble absent, à cause de la résignation dont je viens de parler. De fait, celui-ci a confié une grande part du contrôle et du suivi de l’économie numérique à de multiples autorités indépendantes aux compétences dispersées.

M. Philippe Leroy. Je ne citerai que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les autorités de la concurrence et de la vie financière et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes, mais il y en a d’autres. C’est un motif d’inquiétude, et même quelquefois d’indignation ! Madame la secrétaire d'État, l’article 16 ter du projet de loi ouvre la voie à la création éventuelle d’un Commissariat à la souveraineté numérique : faut-il y voir une tentative pour revoir la question ?

Il nous faut faire preuve d’une vigilance de plus en plus aiguë à l’égard, par exemple, des évolutions des Fin Tech, les technologies financières – pour parler en français, comme Mme la secrétaire d’État nous y a invités. En effet, ces technologies, comme les chaînes de blocs, les blockchains, risquent de désorganiser complètement la vie monétaire et fiscale. Ce mouvement international et décentralisé, qui dépasse de loin nos frontières, risque de faire naître des circuits monétaires illégaux, non contrôlés et qui ne supportent pas l’impôt, ce qui est grave. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)

À cet égard, la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, composée de députés, de sénateurs et de quelques experts, a récemment organisé à l’Assemblée nationale un colloque important sur les technologies financières et les risques que celles-ci font courir à tous les systèmes économiques dans le monde entier. Pourquoi donc avoir donné à cette commission un nom si difficile à retenir, si difficile que je ne m’en serais pas souvenu s’il n’avait pas été écrit sous mes yeux ?

Un amendement sera défendu visant à renommer cette instance « Commission parlementaire du numérique et des postes ». Je souhaite que nos collègues de la commission des lois et des différentes commissions saisies pour avis appuient cette proposition. Non seulement cette appellation serait plus facile à mémoriser, mais elle soulignerait la volonté des parlementaires d’accompagner l’État dans le suivi des évolutions en cours.

Notre second sujet d’inquiétude, ce sont les infrastructures – vous le savez bien, madame la secrétaire d'État.

Si je reviens sur cette question, c’est que j’ai l’impression que vous vous livrez à des tours de bonneteau. Vous parlez de la nécessaire égalité de tous les territoires pour l’accès au numérique, mais j’ai l’impression que, en jouant sur les mix technologiques, dont on parle tant, et sur les différentes alternatives technologiques auxquelles on peut songer, y compris le cuivre dopé comme substitut à la fibre optique, l’État ne fait pas absolument tout son possible pour assurer l’égalité numérique des territoires… Je souhaite que vous me démentiez, madame la secrétaire d’État !

Sous prétexte que le numérique coûte cher, on cherche à réserver aux zones rurales ou peu peuplées des technologies de substitution à la fibre optique : des technologiques que l’on dit moins coûteuses, mais qui risquent d’éloigner ces zones du développement numérique, alors que celui-ci s’accélère de manière exponentielle, de sorte qu’on ne peut pas attendre !

On nous oppose le problème du coût, mais on nous fait prendre des vessies pour des lanternes en nous faisant croire que le numérique par la fibre optique coûte très cher, tellement cher que certains quartiers ou certaines zones ne pourraient pas y avoir accès tout de suite. Sans doute par manière de plaisanterie, à la manière de Francis Blanche, on propose même à des secteurs isolés de recevoir le numérique via des postes de radio à galène… Oui, certains soutiennent que, désormais, on apportera le numérique dans les zones isolées au moyen de la radio ! Je crois, madame la secrétaire d’État, que vous l’avez vous-même suggéré. On ne saurait accepter cette idée.

Que le numérique soit cher, mes chers collègues, cela est certain, mais il est aussi une source de redevances. Dans les zones où son déploiement coûte cher, opérons des péréquations, donnons des subventions, mais installons-le !

Pour relativiser le coût du numérique, on peut comparer le prix d’une prise de fibre optique avec celui d’une prise d’assainissement des eaux usées. Le prix maximal pour les prises optiques dans les zones très isolées est de l’ordre de 400 à 500 euros.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Bien plus, monsieur le sénateur !

M. Philippe Leroy. Donnez-moi un chiffre, madame la secrétaire d'État !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En réalité, dix fois plus !

M. Philippe Leroy. Non, madame la secrétaire d'État, cela n’est pas vrai.

M. Philippe Leroy. Le prix de l’assainissement est largement supérieur, ce qui n’empêche pas qu’on l’installera partout, y compris sous forme individuelle. Or savez-vous combien coûte l’assainissement individuel ? Jusqu’à 10 000 euros dans certains cas, pour une maison ! Il faut donc relativiser.

Le numérique n’est pas cher. Simplement, son coût est mis en avant pour permettre à certains de profiter des rentes dont ils bénéficient en utilisant des technologies de substitution. Notez bien que c’est une hypothèse que je forme, et que je ne saurais évidemment soupçonner Orange, dont l’État est actionnaire, de vouloir profiter de sa rente sur le cuivre… Madame la secrétaire d'État, rassurez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me réjouis tout d’abord que nous soit – enfin ! – présenté un texte législatif sur le numérique et l’aménagement numérique du territoire.

Force est de constater que ce sujet essentiel a été traité, pour une large part, sans que le Parlement soit amené à statuer, y compris s’agissant de décisions très importantes, comme la possibilité donnée aux opérateurs de déployer leurs réseaux uniquement dans les zones où ils souhaitaient le faire, une décision qui a fait peser sur les collectivités territoriales l’obligation d’en déployer d’autres en dehors de ces zones. Un sujet aussi important que celui-là n’a jamais été traité par le Parlement !

Pourtant, le Parlement, tout particulièrement le Sénat, a toujours manifesté un très vif intérêt pour les questions liées à l’aménagement numérique du territoire. Je ne citerai pas tous les rapports publiés sur ce sujet. Je mentionnerai seulement la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi Pintat, dont Bruno Retailleau a été le rapporteur au Sénat, ainsi que la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, que j’ai défendue avec Philippe Leroy. Adoptée par notre assemblée en février 2012, celle-ci a malheureusement été rejetée par l'Assemblée nationale en novembre de la même année, à la demande du Gouvernement. Elle prévoyait pourtant un certain nombre de dispositifs grâce auxquels nous nous trouverions aujourd'hui dans une situation plus favorable, notamment en matière de téléphonie mobile.

Ce projet de loi est donc une opportunité pour toutes celles et tous ceux qui ont envie que la couverture numérique des territoires s’améliore, tout particulièrement pour Patrick Chaize et moi-même, qui avons présenté au mois de novembre dernier un rapport d’information avançant dix-sept recommandations en la matière. Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne les citerai pas toutes, par manque de temps ; permettez-moi seulement d’insister sur les axes qui nous paraissent les plus importants.

D’abord, il faut que les opérateurs tiennent leurs engagements. Comme je l’ai rappelé il y a quelques instants, on leur a permis de choisir leurs secteurs de déploiement, laissant aux collectivités territoriales le soin de s’occuper du reste. La moindre des choses aujourd’hui serait qu’ils tiennent leurs engagements. C’est pourquoi je souhaite que le Gouvernement demande aux opérateurs de confirmer leurs engagements et leur volonté de déployer leurs réseaux sous une forme contractuelle, au moyen d’une convention ayant une force juridique, de sorte que des sanctions puissent être prises en cas de non-respect des engagements.

Ensuite, nous souhaitons que la pérennité du financement des réseaux d’initiative publique soit enfin assurée. Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à demander depuis des années que le Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé en 2009 par la loi Pintat, soit enfin alimenté. Nous avons proposé à plusieurs reprises que soit créée à cet effet une contribution de solidarité numérique, et nous continuerons de le proposer.

Les collectivités territoriales ayant été obligées de développer des réseaux d’initiative publique qui vont coûter plusieurs milliards d’euros, la moindre des choses serait que les opérateurs les utilisent. Comme ils refusent aujourd’hui de le faire, il faut prendre des dispositions pour les y obliger.

Enfin, en matière de téléphonie mobile – c’est le dernier sujet que je pourrai aborder dans le temps qui m’est imparti –, je soutiens pleinement les mesures qui ont été prises par le Gouvernement dans le cadre de la loi Macron, mais force est de constater qu’elles sont tout à fait insuffisantes. De toute évidence, le nombre de communes identifiées comme non couvertes ne correspond pas à la réalité, comme chacun d’entre nous peut le constater sur son territoire.

M. Bruno Retailleau. Il a raison !

M. Hervé Maurey. Pour sortir de ce jeu de dupes, de cette illusion d’une couverture qu’on nous présente comme bonne en dépit des réalités, il faut trouver des solutions pour revoir la manière dont on mesure la couverture de nos territoires en téléphonie mobile.

Tels sont, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les sujets qui nous paraissent très importants et sur lesquels nous serons très attentifs tout au long des débats. Nous souhaitons que ce texte permette d’inscrire enfin dans la loi des dispositions propres à améliorer la couverture numérique de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’exprime devant vous, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi pour une République numérique, pour évoquer à la fois ce qui nous rassemble, la République, et ce qui nous projette dans l’avenir, le numérique.

En 1978, alors que la révolution numérique n’en était qu’à ses balbutiements, était votée la loi Informatique et libertés. Cette loi a fixé un cadre, proclamé des principes et institué une autorité, la CNIL, qui devait jouer le rôle de régulateur qu’on lui connaît aujourd’hui. Après avoir longtemps assuré le développement harmonieux des usages numériques au sein de la société française, elle devait être complétée et dépassée pour tenir compte de la révolution technologique, culturelle, économique et citoyenne à l’œuvre depuis près de quarante ans.

C’est chose faite avec le projet de loi pour une République numérique que vous défendez, madame la secrétaire d’État !

En défendant non seulement de nouveaux principes cardinaux – liberté d’accès, libre réutilisation, loyauté, portabilité, accessibilité pour tous aux données publiques, y compris pour les personnes en situation de handicap –, mais aussi de nouveaux usages, comme l’enseignement à distance avec les MOOC, les Massive Open Online Courses, vous nous proposez d’ajuster notre droit et de mobiliser l’administration, ainsi que les services publics, pour répondre aux attentes des citoyens et améliorer la position de notre nation dans une économie ouverte et mondialisée.

Pour ce faire, madame la secrétaire d’État, vous agissez avec la volonté de n’esquiver aucun sujet, même les plus sensibles, comme celui de la mort numérique.

Vous agissez également avec le souci d’éviter les querelles inutiles et de rassembler la Nation autour de ce texte. Vous y êtes d’ailleurs parvenue à l’Assemblée nationale en obtenant le vote quasi unanime des députés. J’espère que la qualité de nos débats contribuera à faire émerger un même compromis au sein de la Haute Assemblée !

Enfin, vous agissez en développant une méthode de coconstruction avec la société civile, qui permet d’enrichir le débat et correspond à un nouveau modèle de citoyenneté active, qui est de nature à ramener dans l’espace public des citoyens qui s’en étaient éloignés. C’est bien là l’originalité d’une démarche qui gagnerait à être généralisée à une grande partie de nos textes législatifs !

Je tiens avant tout à souligner l’audace et la cohérence gouvernementale sur la question numérique.

L’audace, tout d’abord, car le législateur français est ainsi à l’avant-garde des initiatives européennes. Les innovations introduites par le projet de loi feront assurément école en Europe, comme vous le souligniez vous-même tout à l’heure, madame la secrétaire d’État. Le ministre allemand de l’économie, M. Sigmar Gabriel, a d’ailleurs récemment affirmé qu’il souhaitait lui aussi bâtir une « République numérique » en Allemagne. (Mme la secrétaire d’État opine.)

La cohérence, ensuite, car le projet de loi constitue le volet législatif d’une stratégie d’envergure en faveur de la numérisation du pays, qui comprend également le plan France très haut débit et l’initiative « French Tech ».

En effet, il ne saurait exister de véritable République numérique si la connectivité de ses territoires n’était pleinement assurée. C’est la raison d’être du vaste plan mis en œuvre par l’État et les collectivités territoriales pour assurer le déploiement des réseaux d’accès à l’Internet à très haut débit sur l’ensemble du territoire d’ici à 2022.

Quelque 85 dossiers, traduisant l’engagement de 98 départements, ont déjà été déposés par les collectivités territoriales. L’engouement pour ces projets témoigne de la très forte attente des territoires pour lutter contre la fracture numérique. Longtemps accusé d’isoler les individus, le numérique se révèle au contraire à l’usage un formidable outil de lutte contre l’isolement territorial et favorise le maintien des services de proximité.

Le plan France très haut débit, qui se déploie à l’échelle industrielle, représente aussi un gisement d’emplois. Selon les derniers chiffres de la FIRIP, la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique, et de la Caisse des dépôts et consignations, quelque 6 000 emplois directs ont été mobilisés par les réseaux d’initiative publique en 2015. En outre, un pic de 10 000 emplois est attendu à l’horizon de 2020.

Pour accélérer le déploiement de la fibre, le présent projet de loi, dans son chapitre intitulé « Numérique et territoires », comporte un certain nombre de dispositions techniques qui visent à faciliter le déploiement des infrastructures et à renforcer le droit d’accès à la fibre. Sur ce point, j’aurai des propositions à formuler avec mes collègues Pierre Camani et Jean-Yves Roux, chefs de file de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur ce texte.

En complément de ce projet de loi et du plan France très haut débit, la « French Tech » – un label qui vous est cher, madame la secrétaire d’État – encourage le développement d’un écosystème de jeunes entreprises dynamiques et innovantes. Alors que le numérique est parfois considéré comme une menace, comme une « disruption » qui se traduirait par des destructions d’emplois, votre initiative insiste au contraire sur les opportunités qu’offre la transformation digitale.

Madame la secrétaire d'État, vous cherchez à faire vivre un écosystème, à le financer via la Banque publique d’investissement et à en assurer la promotion à l’étranger. Cette philosophie offensive semble plus que nécessaire lorsque l’on sait que la moitié de l’écart de croissance ente les États-Unis et l’Europe est imputable au retard européen en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC.

Pour clore mon propos, je souhaite évoquer la question européenne.

Madame la secrétaire d’État, je sais que vous défendez avec opiniâtreté les positions françaises, en particulier une régulation plus aboutie des acteurs du numérique, notamment des géants de l’Internet.

Cependant l’action européenne, même si elle se situe au niveau pertinent pour traiter ces questions, déçoit. La fiscalité des géants de l’Internet constitue une préoccupation majeure, comme le souligne souvent notre collège François Marc.

Comment instaurer une concurrence libre et non faussée, alors que les acteurs qui sont leaders sur les marchés acquittent un impôt sur les sociétés bien inférieur à celui de nos jeunes pousses ? Comment des États en mal de financement peuvent-ils accepter une telle érosion de leur base fiscale ? La loyauté des plateformes est un sujet central pour éviter les abus de position dominante. À peine la consultation européenne est-elle lancée que onze pays manifestent déjà leur hostilité à toute réglementation du secteur !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Yves Rome. Madame la secrétaire d’État, la représentation nationale compte donc sur votre volontarisme pour faire avancer ces dossiers à Bruxelles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comment mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons ?

Grâce à la généralisation, la démocratisation, la simplification des technologies numériques, grâce également à la puissance de calcul des outils domestiques qui sont à la portée de chacun, notre monde évolue à une vitesse exponentielle. Or nous ne pourrons jamais rejeter ni freiner ce monde. Il nous faut l’accaparer et y insérer nos valeurs d’éthique, de justice, d’égalité d’accès, de protection, de respect des individus et de leurs données personnelles.

Nous sommes tous des producteurs de données. Nous interagissons tous grâce aux technologies cognitives. Nous aspirons tous à obtenir ces appareils extraordinaires que nous avons parfois du mal à imaginer et dont nous ne savons pas toujours trop comment ils fonctionnent. La technologie numérique tend à devenir le troisième hémisphère de notre cerveau. Il faut désormais prendre cette donnée en considération.

J’ai pourtant lu que les sénateurs seraient frileux sur la question de l’open data. S’ingénier à créer des freins juridiques à la fouille massive des données et des textes scientifiques pourrait sérieusement handicaper la recherche française. Depuis plusieurs semaines, la communauté scientifique dans son ensemble s’est efforcée d’expliquer à quel point l’article 18, qui a été introduit dans le texte par les députés, était essentiel pour ses travaux.

En effet, le Text and Data Mining ou TDM – mes chers collègues, je m’excuse d’employer ce terme, mais c’est la seule fois que je le ferai – est un processus de recherche à part entière.

Par un changement d’échelle que seule la puissance du calcul numérique permet d’atteindre, il facilite les découvertes ciblées. C’est le cas, par exemple, lorsque l’on procède à l’analyse automatique des données de santé disponibles aux quatre coins du monde. Corpus immense d’articles scientifiques ou de relevés expérimentaux, le TDM, qui fait gagner un temps considérable, produit de nouvelles connaissances, contribue à développer des corrélations inconnues jusqu’ici, ainsi qu’à trouver des traitements contre des infections pandémiques.

Or notre pays, qui dispose de réels atouts dans la compétition scientifique internationale, accuse un retard par rapport aux autres grands pays producteurs de recherche, dont la législation est plus ouverte que la nôtre.

Continuer à empêcher la fouille massive des données mettrait les chercheurs français en position de faiblesse. Choisir d’autoriser la libre exploitation de fouilles massives et automatiques des textes et données scientifiques ne constitue pas une entrave au droit d’auteur ou à la propriété intellectuelle. C’est un acte libérateur de soutien à la recherche, un enjeu de souveraineté scientifique pour la France !

L’amendement de la commission, qui tend à établir une négociation autour de l’autorisation de fouiller les textes en créant des contrats entre éditeurs et chercheurs, se fonde sur un marché de dupes. Les scientifiques qui produisent, corrigent et valident les données publiées dans les revues scientifiques ne doivent pas être sous tutelle pour continuer à exploiter leurs données ou celles de leurs confrères, souvent rémunérés sur des fonds publics.

L’open science, la science partagée, ou l’open data, l’ouverture des données, sont des pratiques qui deviennent courantes. Les chercheurs se saisissent tous les jours des nouvelles opportunités scientifiques et économiques que suscite l’hyper-accélération des technologies de l’information. C’est ce qui nourrit l’innovation et la croissance !

Je défendrai donc plusieurs amendements visant à élargir le champ des possibles de la loi, afin de libérer les potentialités de la recherche contemporaine.

Par ailleurs, ce texte majeur constitue un rendez-vous à ne pas manquer pour actualiser les dispositions de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de 2013. Il faut inscrire dans le code de l’éducation que les enseignements sous forme numérique à distance ont un statut équivalent aux enseignements en présence du professeur. Ils permettent de diversifier les formes d’apprentissage, d’optimiser les temps d’enseignement et le nombre d’étudiants qui bénéficient de la formation. Il s’agit d’une réponse complémentaire pour favoriser l’inscription – obligatoire – des étudiants aux cours, et d’une alternative à la pratique contestée du tirage au sort, qui s’applique lorsque les capacités d’accueil des établissements sont atteintes.

Le numérique est l’un des outils fondamentaux « pour une société apprenante », feuille de route que s’est fixé le Gouvernement à la suite des travaux de la StraNES, la stratégie nationale de l'enseignement supérieur. Déjà, de nouveaux enseignants renouvellent leur pédagogie en encourageant l’interaction avec les étudiants, en l’adaptant aux besoins spécifiques de chacun, facilitant ainsi le développement d’un esprit critique, coopérant, cocréatif, communiquant, capable d’analyser et de domestiquer les technologies, pour s’asseoir sur les épaules des géants que sont les machines, puisque l’on ne peut pas les vaincre !

La société numérique bouleverse nos habitudes, provoque nos valeurs. N’oublions pas que notre société se doit aussi d’être inclusive, attentive à tous et particulièrement aux plus démunis !

Les personnes sourdes, avides de contacts, ont toujours été friandes des techniques facilitatrices. Après un long temps d’instrumentalisation du minitel, l’arrivée du téléphone portable, les possibilités de géolocalisation et de messagerie instantanée, ainsi que la transmission d’images à distance, ont transformé leurs vies. Elles sont très agiles, et pas seulement les plus jeunes d’entre elles, avec ces outils, qui leur ouvrent de réelles possibilités de communication.

Ralliées en cela par toutes les personnes en situation de handicap sensoriel, voire cognitif, les personnes sourdes sont demandeuses d’un accès facilité, libre et soutenable financièrement à toutes les technologies qui construisent une République numérique. Elles imaginent la liberté dont elles jouiraient grâce à elles, tant pour leur communication personnelle – entre elles, mais aussi avec des personnes « valides » – que pour leur inclusion professionnelle, citoyenne, culturelle et sociale. Les entreprises et les opérateurs convaincus de l’intérêt sociétal et économique d’un tel appétit ont d’ailleurs développé des applications numériques adaptées, évolutives, qui stimulent et optimisent des liens suscitant de grands espoirs.

La loi sur le handicap de 2005 prescrit l’accessibilité sans obstacles, qui ne peut se concevoir aujourd’hui uniquement pour le bâti et le bitume ! La revendication d’une conception universelle de l’accessibilité progresse : l’attente d’une accessibilité numérique garantie à tous, sans obstacles ni désavantages, est forte, quelles que soient les aptitudes sensorielles ou cognitives des individus.

Demander l’accès à un service de communication digitale d’intérêt public est légitime, ce que vous et vos services avez su entendre, madame la secrétaire d’État.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Dominique Gillot. Je suis convaincue que, à l’issue de nos débats, les articles 43 et 44 de ce texte auront trouvé une rédaction légistique conforme aux attentes de milliers de nos concitoyens, soutenus par une large communauté bienveillante et attachée aux mêmes droits pour tous dans une véritable République numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi pour une société numérique

TITRE IER

LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR

Chapitre Ier

Économie de la donnée

Section 1

Ouverture de l’accès aux données publiques

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 1er bis A (supprimé)

Article 1er

I. – Sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration et sans préjudice de l’article L. 114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu’elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l’article L. 300-2 qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public.

Les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration qui le souhaite à des fins d’accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.

À compter du 1er janvier 2017, l’échange d’informations publiques entre les administrations de l’État, entre les administrations de l’État et ses établissements publics administratifs et entre les établissements publics précités, aux fins de l’exercice de leur mission de service public, ne peut donner lieu au versement d’une redevance.

II à IV. – (Suppression maintenue)

(Non modifié). – Le A de l’article L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un 22° ainsi rédigé :

« 22° L’article 1er de la loi n° … du … pour une société numérique. »

VI (Non modifié). – Le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est applicable aux demandes de communication des documents administratifs exercées en application du I du présent article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 272 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 1

I. – Remplacer les mots :

les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 dudit code

par les mots :

l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs

II. – Remplacer les mots :

mentionnées au même premier alinéa de l’article L. 300-2

par les mots :

, c’est-à-dire l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement tend à restreindre à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics l’obligation de communiquer entre eux les documents administratifs qu’ils détiennent.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er prévoit de soumettre également les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public à cette obligation. Or le Conseil d’État a considéré que cette disposition ne pouvait pas être introduite dans le code des relations entre le public et l’administration.

Il convient donc de circonscrire le champ d’application de l’article, qui ne devrait concerner que les administrations stricto sensu et ne viser que l’amélioration de l’échange d’informations entre celles-ci.

M. le président. L'amendement n° 485 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mmes Deromedi et Deroche, MM. J.P. Fournier, Charon et Doligé et Mme Cayeux, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Sont exclues les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration qui sont des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant en charge un service public industriel et commercial dans un secteur exposé à la concurrence.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces deux amendements sont contraires à la position de la commission, puisqu’ils visent à réduire le périmètre des administrations auxquelles s’applique le nouveau droit d’accès garanti par l’article 1er. L’amendement n° 272 rectifié tend à le cantonner aux seules administrations de l’État et des collectivités territoriales et à leurs établissements publics administratifs. Il vise à en exclure les organismes privés chargés d’une mission de service public.

Or cela reviendrait à écarter, en particulier, les organismes de sécurité sociale, alors même que le rapport de M. Antoine Fouilleron, que nous avons auditionné au cours de nos travaux, montre que la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, est le plus gros vendeur de données à d’autres administrations, pour un montant estimé à 9,77 millions d’euros en 2014, et que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, ainsi que la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, figurent parmi les plus gros acheteurs.

Quant à l’amendement n° 485 rectifié, il vise à exclure les organismes privés chargés d’un service public industriel et commercial de cette obligation. Son objet va à l’encontre de l’esprit même du projet de loi.

La commission demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons évoquées par M. le rapporteur, le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements.

J’ajoute que, dans le souci de rendre plus lisibles et de simplifier les dispositifs d’ouverture des données publiques, nous cherchons à ne pas créer trop d’exceptions quant à la nature des institutions auxquelles s’appliquent ces obligations.

Enfin, le fait d’exclure de la réforme les services publics industriels et commerciaux, c’est-à-dire des entreprises publiques comme la RATP ou la SNCF par exemple, ou les entreprises privées chargées d’une mission de service public, comme les entreprises qui ont en charge la gestion des réseaux d’eau ou d’assainissement, réduirait trop significativement les effets attendus de l’ouverture des données.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. J’ai écouté les explications fournies par M. le rapporteur. Je trouve que la discussion commence mal ! (Sourires.) C’est un mauvais début, mais j’espère que M. le rapporteur, comme Mme la secrétaire d’État, d’ailleurs, se rattrapera par la suite ! (Nouveaux sourires.)

Compte tenu du sort qui semble réservé à ces amendements, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 272 rectifié et 485 rectifié sont retirés.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 14 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, de Legge, D. Laurent, Grosdidier, Reichardt, Commeinhes, Raison, Bizet, Bignon, Danesi et Dufaut, Mme Deromedi, MM. Lefèvre et Vaspart, Mme Hummel, MM. César, Pellevat, Béchu, Mayet et Savin, Mme Cayeux, M. Rapin, Mmes Lopez et Morhet-Richaud, MM. Longuet et Perrin, Mme Gruny, MM. B. Fournier, D. Robert, Masclet et Chasseing, Mmes Keller et Lamure et MM. de Raincourt, Houel, Laménie et Husson.

L'amendement n° 144 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 149 rectifié est présenté par MM. Courteau et Cabanel.

L'amendement n° 350 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère et Cigolotti, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Marseille, Tandonnet, Maurey, Médevielle, Pozzo di Borgo et Roche.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

À compter du 1er janvier 2017, l’échange d’informations publiques aux fins de l’exercice d’une mission de service public, ne peut donner lieu au versement d’une redevance entre les administrations de l’État, entre les administrations de l’État et ses établissements publics administratifs, entre les établissements publics précités et entre l’État et les collectivités territoriales et leurs groupements.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié ter.

M. François Commeinhes. Le principe de gratuité de l’échange de données entre administrations doit également concerner les collectivités territoriales, pour que le dispositif soit parfaitement efficient.

En effet, le rapport Fouilleron, qui a été précédemment évoqué, préconise bel et bien ce principe de gratuité entre administrations. Il y est souligné que « les administrations publiques locales représentent quelque 55 % des acheteurs publics de données à d’autres administrations, mais pour des montants faibles – elles ne pèsent que 8,6 % du montant total des flux recensés ».

Par ailleurs, ce même rapport précise que le coût des transactions comptables excède le plus souvent le montant des recettes attendues.

C’est pourquoi il paraît nécessaire d’élargir le principe de gratuité aux administrations des collectivités locales, à l’instar de ce qu’a proposé le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 144 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié.

M. Roland Courteau. Nous considérons également que le principe de gratuité de l’échange de données entre administrations doit s’appliquer aux collectivités territoriales.

Comme l’a rappelé notre collègue François Commeinhes, le rapport Fouilleron préconise bien une telle gratuité. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’élargir ce principe aux administrations des collectivités territoriales par voie d’amendement.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l'amendement n° 350 rectifié.

M. Loïc Hervé. C’est tout le sens de l’action du Sénat que de défendre l’intérêt des collectivités territoriales. L’extension du principe de gratuité de l’échange des données nous paraît donc tout à fait légitime.

M. le président. L'amendement n° 522 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

À compter du 1er janvier 2017, l’échange d’informations publiques aux fins de l’exercice d’une mission de service public, ne peut donner lieu au versement d’une redevance entre les administrations de l’État, entre les administrations de l’État et ses établissements publics administratifs, entre les établissements publics précités et les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à étendre le principe de gratuité de l’échange de données entre administrations aux collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et à leurs groupements.

Il s’agit de favoriser une meilleure transmission des informations entre les services administratifs, alors que la facturation de tels échanges pourrait représenter un obstacle injustifié à la communication des données entre administrations.

Ne pas soumettre les collectivités territoriales au principe de gratuité pourrait en outre entraîner un coût supérieur au produit des redevances escomptées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je comprends tout à fait l’objectif des auteurs des différents amendements : ils proposent d’étendre la gratuité des échanges d’informations entre administrations aux collectivités territoriales.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ils s’appuient pour cela sur le rapport Fouilleron, qui préconise effectivement la gratuité totale des échanges entre administrations au sens de la loi CADA, c’est-à-dire les administrations des collectivités publiques, établissements publics et organismes publics et privés chargés d’une mission de service public.

Cependant, comme M. Fouilleron l’indiquait lui-même au cours de son audition, son étude n’est pas exhaustive, dans la mesure où elle repose sur une enquête réalisée sous la forme d’un questionnaire et de tableaux à remplir auprès de quatre-vingts administrations seulement.

S’agissant des collectivités territoriales, en particulier, M. Fouilleron n’a pu que constater que les administrations publiques locales et les organismes divers d’administration locale étaient « largement acheteurs nets de données ». Dans son rapport, il rappelle également « que la mission n’a pas été en mesure de recenser les ventes de données de toutes les administrations publiques locales directement […], notamment en raison de leur nombre », même s’il reconnaît qu’elles sont « rarement vendeuses de données ».

C’est pourquoi, alors que je l’interrogeais sur cette même question de l’extension de la gratuité aux collectivités territoriales, M. Fouilleron a préconisé que soit réalisée une étude complémentaire au préalable. Pour ma part, je souhaite également une telle étude et m’en remets sur le sujet à la réponse que fournira Mme la secrétaire d’État.

En tout état de cause, je demanderai aux auteurs des différents amendements de bien vouloir les retirer, même si je partage leurs préoccupations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, bien qu’il en partage cette fois encore l’esprit.

La mécanique budgétaire mise en œuvre pour instaurer le principe de gratuité des échanges de données entre administrations de l’État ne peut être étendue ou transférée telle quelle aux collectivités territoriales.

La réforme, qui, je le répète, correspond à une mécanique budgétaire, consiste à compenser le coût que représentera la gratuité de l’échange des données pour les administrations qui produisent ces données. On augmentera les dotations budgétaires versées aux administrations qui vendent actuellement des données pour compenser la disparition des ressources qu’elles tirent de cette vente. Pour financer la hausse de ces dotations, on baissera à due concurrence les dotations budgétaires des administrations qui achètent des données.

Cette mécanique de compensation, envisageable au sein de la sphère étatique, serait très compliquée à mettre en œuvre entre l’État et les collectivités locales.

À très court terme, cela se traduirait certainement par une perte sèche pour l’État, certes très difficile à quantifier, mais qui se monterait à plusieurs millions d’euros. Surtout, plus à moyen terme, cela pourrait induire une charge nouvelle pour les collectivités. En effet, les administrations de l’État pourraient souhaiter leur demander une communication totalement gratuite des nombreuses données qu’elles-mêmes détiennent, ce qui serait susceptible de causer, pour elles, des dépenses difficiles à prévoir.

Par conséquent, autant il est possible à court terme d’opérer cette gratuité au sein de la machine de l’État, autant l’extension du mécanisme auprès de l’ensemble des collectivités locales serait extrêmement complexe et sans doute très coûteuse.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Si j’en crois les arguments des uns et des autres, nous convenons tous que l’idée est bonne et que le mécanisme servira à tout le monde. Simplement, d’un côté, on évoque le manque de précision du champ d’action, appelant un éventuel travail d’approfondissement de la réflexion ; de l’autre, on évoque une complexité technique ou financière.

Toutefois, si tout le monde est favorable à cette évolution, pourquoi ne pas enclencher la recherche d’une solution permettant de la rendre pratique et opérationnelle ?

On peut envisager un retrait – je laisserai aux auteurs des amendements le soin d’évoquer cette possibilité –, mais il me semble nécessaire de traduire cette proposition en action, dès lors que nous nous accordons tous sur le fait qu’il y a là une bonne solution, un réel service apporté aux collectivités.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Vous suggérez la réalisation d’une étude complémentaire, monsieur le rapporteur. Je comprends tout à fait la démarche, laquelle me paraît d’ailleurs judicieuse et fondée. Toutefois, dans quel délai cette étude sera-t-elle réalisée ? N’est-ce pas renvoyer le dossier aux calendes grecques ?

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Ici, l’intention est louable, mais, au regard de l’article 72 de la Constitution et du coût engendré par une telle mesure, je suis un peu étonnée que l’article 40 n’ait pas été évoqué.

Mon étonnement est d’autant plus grand que, avec cet article 1er, nous entrons directement dans le vif du sujet : les données des collectivités, notamment. Je vous rappelle, mes chers collègues, que des milliers, voire des dizaines de milliers d’internautes expérimentent pour la première fois un contact avec le Sénat et, nous, nous partons dans nos sujets !

D’après moi, il eût été intéressant, comme le proposaient les auteurs d’un certain nombre d’amendements retoqués au titre de l’article 41 de la Constitution, de planter le décor.

Nous aurions pu expliquer ce qu’est internet, indiquer que ce média est au service du bien commun, que toute personne est libre d’innover et de communiquer par ce biais, ce qui en fait un média différent de ceux du siècle passé, et, bien sûr, préciser que cette liberté a des limites, bien connues : la propriété, la liberté d’information, la liberté d’expression, la sauvegarde de l’ordre public, sans oublier, évidemment, la sécurité publique et la défense nationale.

Trois amendements, très voisins, avaient été déposés en ce sens, me semble-t-il, avec l’idée de planter le décor, de préciser les choses – qu’est-ce qu’internet ? De quoi parle-t-on ? –, avant que nous ne plongions dans le vif du sujet.

Je comprends très bien que, au titre de l’article 41, on cherche à rationaliser le travail, à évincer tout élément qui semblerait échapper au domaine de la loi, mais – pardonnez-moi si, comme les carabiniers, j’arrive quelque peu en retard – je persiste à penser qu’il eût été sage de planter d’abord le décor, c’est-à-dire de préciser le périmètre de notre action, la nature d’internet, à quoi ce média sert et à quoi il ne sert pas, avant d’évoquer le rôle des uns et des autres.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Je souscris aux propos de Mme Bouchoux. Effectivement, un certain nombre d’amendements avaient été déposés. Nous avions nous-mêmes proposé d’insérer un article additionnel avant l’article 1er, tendant à apporter des précisions quant au fonctionnement d’internet.

S’agissant de l’application du principe de gratuité de l’échange des données aux collectivités territoriales, l’idée pouvait paraître bonne. Néanmoins, nous avons entendu Mme la secrétaire d’État au sujet des problèmes que cela pourrait poser aux collectivités. Je suis donc aussi partisan de la réalisation d’une étude complémentaire, afin de savoir précisément où nous allons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe avait également déposé un amendement tendant à aller dans le sens de la position défendue par Mme Bouchoux et, à l’instant, par M. Bosino. J’ai alors reçu une missive, d’ailleurs fort bien rédigée, de M. le secrétaire général de la présidence du Sénat. Celui-ci m’indique avoir reçu instruction de M. le président du Sénat – c’est un fonctionnaire loyal, qui applique les instructions… – de déclarer l’amendement irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.

Vous savez, mes chers collègues, que l’application de l’article 40 suscite parfois quelques débats dans notre assemblée. Veillons à ne pas nous-mêmes restreindre, par des initiatives nouvelles, notre capacité à amender et à écrire des articles de loi !

Nous aurions voulu qu’il y eût – passez-moi l’usage du subjonctif –, en quelque sorte un fronton, comme dans les temples grecs, au texte de loi. Je vous sais d'ailleurs, madame la secrétaire d’État, sensible à ce problème.

Je voulais également rappeler, parce que j’ai quelque mémoire, la position défendue par M. le président de la commission des lois à l’occasion de la discussion de la loi sur le renseignement. Néanmoins, je ne le vois plus… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n’est pas là !

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’est opportunément éclipsé… Il va revenir, n’est-ce pas ?

Lors de la discussion de ce texte, M. le président de la commission des lois avait donc lui-même écrit un amendement « fronton » pour expliquer en quoi consistait le renseignement ; cet amendement n’avait pas plus de valeur législative, au sens strict, que les nôtres, mais il n’avait pas jugé utile, à l’époque, de saisir M. le président du Sénat.

Il serait bon que les pratiques fussent cohérentes et que nous puissions faire œuvre de prudence quant à l’autolimitation de nos prérogatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. En l’absence de M. le président de la commission des lois, je me permets, monsieur Sueur, d’apporter une réponse à votre questionnement.

Ainsi, je vous rappelle que l’article L. 801-1 du code de la sécurité intérieure, introduit sur l’initiative de la commission des lois lors de l’examen de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, comme vous l’avez évoqué, est destiné à fixer le cahier des charges de la légalité pour les techniques de renseignement. Il a une portée normative, car il soumet la mise en œuvre de ces techniques au principe de nécessité et de proportionnalité, en précisant les motifs pouvant justifier l’annulation d’une décision d’autorisation ou la mise en œuvre de l’une des autorisations.

Le caractère normatif de ces dispositions a été reconnu par le Conseil constitutionnel lorsque celui-ci a examiné la loi précitée. Le Conseil constitutionnel a en effet admis que les dispositions spéciales du livre VIII du code de la sécurité intérieure devaient être combinées avec celles de l’article L. 801-1, ici évoqué, qui fixe le cadre général. Le juge constitutionnel, monsieur Sueur, s’est fondé sur ces dispositions pour assigner à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, et au Conseil d’État la mission de s’assurer du respect de ces principes.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le président de la commission a une excellente vice-présidente. Je vous félicite, madame Troendlé ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je serai moins lyrique et plus brève que mes collègues. Ceux-ci ont beaucoup parlé du fond ; j’en resterai à la forme, en exprimant la demande que notre excellente administration tienne un registre de l’application des articles 40 et 41 de la Constitution. En effet, ces articles frappent avec un arbitraire réellement saisissant !

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Marie-Christine Blandin. Quatre de nos collègues présentent des amendements pertinents pour les collectivités locales, mais dont l’adoption entraînerait des coûts sur lesquels Mme la secrétaire d’État, elle-même, nous alerte : pas d’article 40 ! Il est proposé d’insérer un article tendant à définir ce qu’est internet : article 41 !

Par ailleurs, l’exemple donné par Mme Catherine Troendlé est fort pertinent et bien renseigné, mais je la mets au défi de tenir le même raisonnement sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, inauguré par cette phrase : « La création artistique est libre ». Là, c’est la raison et le cœur ! Je ne m’en offusque pas ; je m’offusque de l’arbitraire qui nous est imposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)

M. le président. Sans intervenir dans le débat, je précise que ces décisions, qui affectent la séance, ont été prises en accord avec le Gouvernement.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Le fait que ces amendements aient été déclarés irrecevables me pose, tout comme à Mme Bouchoux et à d’autres de nos collègues, quelques soucis. Ou alors, sincèrement, je n’ai pas bien compris le sens de ce texte !

Soit on considère que ce projet de loi, dont l’intitulé est donc « pour une République numérique », s’inscrit dans une vision, un projet de société, et il faut, en amont, préciser le cadre des ambitions qu’on lui prête, soit on considère qu’il s’agit d’un projet de loi purement technique et on en reste à une entrée directe dans le texte au travers d’articles relevant bien évidemment toujours du politique, mais sous son aspect purement technique.

J’ai donc de sérieuses interrogations lorsque je vois qu’une tentative visant à donner du souffle au texte, que l'on veut révolutionnaire, est balayée par une procédure que, pour notre part, nous avons toujours rejetée. Ce n’est d’ailleurs pas le cas de tous ceux qui protestent aujourd'hui ! Nous sommes donc face à un cas d’école : nous votons des mesures et, quelques semaines ou quelques mois plus tard, nous en voyons les limites et en sentons les effets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce débat est propre aux sénateurs et au fonctionnement du Sénat.

Toutefois, j’aimerais rappeler, à l’attention de tous ceux qui suivent nos débats, le contenu de l’article introductif au texte de loi qu’il était proposé d’insérer par amendement : « Internet est un outil au service du bien commun. À ce titre, il est libre, ouvert, neutre, accessible et sûr. Son développement s’opère dans le cadre de la coopération internationale.

« Toute personne est libre d’innover et de communiquer sur internet. À cette fin, elle a accès, dans les conditions fixées par la loi, aux réseaux de communications électroniques, aux données publiques et d’intérêt général, ainsi qu’aux contenus et services disponibles en ligne.

« L’exercice de cette liberté comme les limites qui peuvent y être apportées doivent être conciliés avec le respect de l’identité et de la dignité humaine, de la vie privée, de la propriété d’autrui, de la liberté d’information et d’expression, ainsi qu’avec la sauvegarde de l’ordre public, de la sécurité publique et de la défense nationale. »

Pour ma part, je juge effectivement important, au-delà d’une vision purement technocratique du droit, que la loi ait parfois une vocation déclaratoire pour refléter le sens d’une vision et d’une stratégie voulues par le Gouvernement et par le Parlement à un moment donné de l’histoire. J’aurais donc été favorable à cet amendement, qui avait le mérite de planter le décor, et je regrette qu’il n’ait pu être débattu en séance.

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement pourrait reprendre l’amendement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je souhaite répondre simplement sur deux points.

Mme Bouchoux s’étonnait que l’on entre dans le vif du sujet, les internautes qui suivent nos débats pouvant trouver la matière un peu aride. Je pense qu’ils ne découvrent pas le sujet, si j’en juge les réactions que j’ai pu lire, ici et là, sur des réseaux sociaux. J’ai tout de même rendu un rapport en deux volumes de plus de 300 pages chacun, et ils l’ont largement commenté !

Ils ne découvrent donc pas le sujet aujourd'hui, et ce même si nous entrons dans le texte avec cet article 1er un peu technique. Toutefois, c’est tout de même relativement cohérent avec l’objet du projet de loi : il n’est pas question, ici, d’apprendre ce qu’est Internet à tout le monde, surtout pas à certains internautes, qui le savent probablement mieux que nous tous.

Quant aux amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution, vous y semblez attachée, madame la secrétaire d’État. Mais alors, pourquoi le Gouvernement n’y a-t-il pas pensé avant ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié ter, 149 rectifié et 350 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 522 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 524 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent sont tenues de communiquer à titre gratuit les documents administratifs qu’elles détiennent aux autres administrations citées à l’article L. 300-2 dudit code pour l’accomplissement de missions de service public. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, en cohérence avec le précédent, tend à harmoniser les exigences fixées par le présent projet de loi et celles qui ont déjà été adoptées, concernant les collectivités territoriales, dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ». Mais peut-être est-il devenu sans objet…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à introduire, dans le code général des collectivités territoriales, une disposition incluant les collectivités et leurs groupements dans le dispositif. Or celui-ci les inclut déjà, dans la mesure où le premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration comprend les collectivités territoriales.

Dès lors, cet amendement n’apparaît pas nécessaire, et je demanderai à M. Requier de bien vouloir le retirer.

M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 524 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 1er bis

Article 1er bis A

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 206, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline et Guillaume, Mme Conway-Mouret, MM. Richard, Berson et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur les modalités de création d’une consultation publique en ligne pour tout projet de loi ou proposition de loi avant son inscription à l’ordre du jour d’une assemblée en première lecture, sans que cette faculté constitue une condition de recevabilité des initiatives législatives.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit ici, madame la secrétaire d’État, de tirer les leçons de l’excellente initiative que vous avez prise, initiative sans précédent d'ailleurs, ayant consisté à organiser, pendant la période d’élaboration du présent projet de loi, une grande consultation numérique. Cette consultation a permis à un grand nombre de nos concitoyens de s’exprimer, de formuler des propositions utiles, dont vous avez d’ailleurs tiré le meilleur parti dans la rédaction de ce texte.

Comme vous le savez, certains de nos collègues députés se sont fait cette réflexion : après tout, pourquoi ne procéderait-on pas de la sorte pour tous les projets de loi ? En effet, d’une certaine manière, vous avez ouvert un chemin.

Après bien des débats à l’Assemblée nationale, on a considéré qu’il était difficile d’envisager, en l’état, une généralisation, car cela créerait sans doute un certain nombre de contraintes et de difficultés. Pour autant, monsieur le rapporteur, il a été acté qu’il convenait d’explorer le chemin. Nous n’allons pas ouvrir une porte pour, aussitôt, la refermer, ouvrir un chemin pour nous arrêter en route !

C’est pourquoi il est proposé ici qu’un rapport explore cette voie et précise les modalités concrètes pouvant être retenues pour ces consultations.

Bien sûr, nous l’avons tous tant dit et redit qu’il n’est pas utile de le répéter, les demandes de rapports sont trop nombreuses, et il y a là une habitude néfaste. Toutefois, monsieur le rapporteur, vous-même en avez proposé quelques-uns ici ou là. Certes, c’était en nombre très faible, mais vous avez bien proposé la réalisation de quelques rapports. Il nous semble que cela s’impose ici pour explorer la possible généralisation de cette idée très prometteuse.

Si une telle demande était rejetée sans plus de manière, on dirait que le Sénat ne veut pas tirer parti de cette très belle initiative. Je rappelle, à cet égard, qu’un amendement de même nature a été adopté à l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 437, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur la nécessité de créer une consultation publique en ligne pour tout projet de loi avant son inscription à l’ordre du jour du Parlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Dans la lignée des propos tenus à l’instant par M. Sueur, notre amendement vise à rétablir l’article 1er bis A, tel qu’il avait été inséré par les députés, pour valoriser cette expérience de consultation en ligne que, pour notre part, nous jugeons très intéressante.

Cela a déjà été dit, le Sénat – cela devrait d’ailleurs nous interroger – est par principe opposé aux demandes de rapport. Mais certains rapports sont tout de même très utiles et nous pensons, en l’occurrence, que celui-ci le serait.

Comme je l’ai indiqué dans le cadre de la discussion générale, nous nous réjouissons de la démarche qui a été mise en œuvre et considérons qu’elle devrait être généralisée, tant pour les propositions de loi que pour les projets de loi, en veillant, malgré tout, à assurer une réelle prise en compte des expressions recueillies au cours de ces consultations. Or j’ai eu l’occasion de regretter, tout à l’heure, que sur les milliers de contributions reçues, bien peu aient été retenues dans le cadre du présent projet de loi.

Il se passe des choses dans le pays en ce moment. Je fais référence, mais j’espère que cela ne fera pas hurler, au mouvement Nuit debout et à toutes ces personnes qui se réunissent. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Parmi elles se trouvent des jeunes, qui nous montrent, au travers de ces initiatives, leur volonté d’être pleinement citoyens et de participer. En cherchant à encourager la participation et à consulter les citoyens par voie électronique, nous nous inscririons dans un même mouvement.

En tout cas, pour notre part, nous défendons la démocratie participative et nous estimons que nous pourrions disposer d’un bel outil pour la faire fructifier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. C’est un fait, cette maison n’aime pas beaucoup les rapports ! À titre personnel, c’est une position que je défends plutôt par pragmatisme. En effet, nous le savons, lorsque l’on demande un rapport, la probabilité est très faible que celui-ci voit le jour.

Par ailleurs, j’ai simplement accepté les demandes concernant les quelques rapports ayant survécu dans le projet de loi actuellement en débat. Je n’en ai pas ajouté un seul !

J’en viens à ces deux amendements tendant à rétablir une demande de rapport au Parlement qui a été supprimée – sur mon initiative, je l’avoue – par la commission.

Je tiens tout de même à remercier les auteurs de l’amendement n° 206 d’avoir tenu compte des critiques que j’avais formulées en commission à l’encontre de la rédaction initiale de cet article, notamment ce reproche essentiel : le législateur ordinaire ne saurait créer une nouvelle condition de recevabilité ou d’inscription à l’ordre du jour des projets et propositions de loi.

Pour autant, et si les auteurs de cet amendement n° 206 se sont bien gardés de conclure à la « nécessité » de créer une consultation publique en ligne – contrairement à ceux de l’amendement n° 437 qui, eux, ont rétabli le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale –, il est un point sur lequel j’aimerais entendre le Gouvernement.

Madame la secrétaire d’État, il me paraît indispensable, avant tout, de procéder à un véritable bilan de la consultation en ligne que vous avez menée préalablement à l’établissement de ce projet de loi.

Avant de rédiger un rapport sur l’établissement des consultations en ligne comme travail préparatoire à tout projet de loi ou toute proposition de loi, tel que le suggèrent les auteurs de l’amendement n° 437, il faut tirer les enseignements de la consultation en ligne ayant servi de travail préparatoire au projet de loi pour une République numérique. Puisqu’il s’agit d’une innovation, d’une première, ce bilan, qui serait communiqué aux deux assemblées, pourrait utilement éclairer le Parlement, dans son ensemble.

Pour l’instant, dans l’attente de la réponse du Gouvernement, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ma position vous étonnera peut-être, mesdames, messieurs les sénateurs.

Pour avoir siégé à la commission des lois de l’Assemblée nationale, j’ai connu la jurisprudence alors appelée « Urvoas », qui consistait à refuser toute demande de rapport au moment de l’examen des projets de loi. Il se trouve que, depuis lors, le Président de la République, au cours d’une émission de télévision,…

M. Éric Doligé. D’une fameuse émission ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … a indiqué sa volonté de réfléchir aux modes de fabrication de la loi et de généraliser un peu plus ce type de consultations en amont de l’élaboration des projets de loi.

Nous disposons de statistiques, d’un bilan quantitatif de la consultation, mais pas encore d’une analyse qualitative et d’une réflexion sur les suites à donner à ce type d’exercices. Or il serait à mon sens utile, à moi, à vous et à nos concitoyens, qu’un écrit puisse relater l’histoire de la bataille institutionnelle qu’a été la mise en œuvre de cette consultation, avec des questions posées en interne, au sein de la machine de l’État, complexes et constantes.

Lorsqu’une réunion interministérielle, ou RIM, a été fixée sur des sujets arbitrés avant de soumettre le texte à la consultation, faut-il organiser une nouvelle RIM après et, donc, revenir sur les arbitrages initiaux ? Quand l’avis du Conseil d’État doit-il être donné, et sur quelle version ? Quelle suite donner à cette procédure de consultation au moment de l’arrivée du texte au Parlement ? Doit-elle s’arrêter là ou doit-elle perdurer ?

Autant de questions qui, à mon avis, pourraient appeler des réponses, d’autant plus que la France prendra la présidence du Partenariat pour un gouvernement ouvert à compter du mois d’octobre de cette année. Un sommet international accueillera plus de 70 pays à Paris au mois de décembre prochain et il s’agira, pour le gouvernement français, de mettre en avant les initiatives d’innovation citoyennes qui ont été prises dans notre pays.

Nous pourrions demander que ce rapport soit établi par la mission Etalab, par exemple, ou par la Direction générale des entreprises.

Certains parmi vous ont évoqué mon opiniâtreté. Je crois que si nous souhaitons, ensemble, généraliser ce type de procédures, il faut un écrit qui en dresse le bilan qualitatif. Par conséquent, je vous dirai : « Aidez le Gouvernement à s’aider lui-même ! ».

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 206.

M. Jean-Yves Leconte. Même si leur objet est de demander la remise au Parlement d’un rapport, ces amendements n’en sont pas moins essentiels. Ce qui est proposé, en effet, c’est d’engager une réflexion complémentaire consacrée à l’implication du numérique dans l’évolution de la démocratie. Nous venons d’avoir la démonstration que le numérique a la capacité de permettre aux citoyens de s’impliquer plus directement dans le travail législatif. Depuis trente ans, déjà, il leur est plus facile d’accéder au fonctionnement du Parlement, qui était auparavant plus hermétique.

Le numérique change aussi le mode de fonctionnement des parlementaires : ils peuvent maintenant consulter sur leurs tablettes tous les textes que leurs prédécesseurs ne pouvaient trouver qu’à la bibliothèque.

Si nous avons d’ores et déjà le bénéfice du numérique, pour l’instant, le mode de fonctionnement de la vie politique, notamment celui de la démocratie représentative, n’a pas encore complètement changé. Nous ne pouvons pas envisager d’en rester à la situation actuelle, car il nous faut tenir compte de l’appétence d’un certain nombre de citoyens à prendre en compte les nouvelles capacités technologiques pour participer directement à l’élaboration de la loi et faire en sorte que la démocratie participative progresse au sein de la démocratie représentative.

Il me paraît important de réfléchir pour mieux conjuguer ces deux notions. Or ce rapport est un pas dans la bonne direction.

M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Allons-nous continuer à nous borner de constater, au lendemain de chaque élection, qu’un désamour de la politique conduit une grande partie de nos concitoyens à se réfugier dans l’abstention ou dans le vote protestataire ?

Madame la secrétaire d'État, avec votre projet de loi, vous avez apporté la démonstration que l’appétence et l’intérêt de nos concitoyens pour le numérique pouvaient avoir un effet particulièrement positif. En effet, sans vouloir tirer des conclusions trop hâtives sur ce qui se passe à l’Assemblée nationale, je constate que, pour ce texte, consacré à un sujet ardu, vous avez réussi à obtenir l’unanimité des députés moins une voix.

Il paraît donc opportun de tirer toutes les conséquences des modalités ainsi utilisées pour permettre à la machine administrative, qui tarde d'ailleurs à pénétrer le monde numérique, de vous accompagner. Je ferai mienne votre formule et demanderai à nos collègues de l’opposition « d’aider le Gouvernement à s’aider lui-même ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 437.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er bis A demeure supprimé.

Article 1er bis A (supprimé)
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Article 1er ter

Article 1er bis

(Non modifié). – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « prévisions », sont insérés les mots : « , codes sources ».

II. – Le 2° de l’article L. 311-5 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du d, les mots : « ou à la sécurité des personnes » sont remplacés par les mots : « , à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations » ;

2° (nouveau) Le g est ainsi rédigé :

« g) À la recherche et la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature ; ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le rapporteur, je me souviens du sort réservé au premier amendement que j’ai présenté et, je vous le dis franchement, je ne lâcherai pas aussi facilement cette fois ! (Sourires.)

Nous proposons de supprimer l’alinéa 1 de cet article, afin de mettre un terme à la possibilité que soient communiqués les codes sources des logiciels. Vous le verrez, les propositions contenues dans l’amendement suivant sont légèrement différentes et un peu moins restrictives.

Le code source d’un logiciel est un ensemble de fichiers informatiques qui contient des instructions devant être exécutées par un microprocesseur, dans un langage facilement compréhensible.

Transmettre le code source d’un logiciel permet en conséquence d’accéder aux informations qui régissent ce logiciel ; il n’y a plus besoin de le pirater ! La communication des codes sources aura des effets dissuasifs sur l’innovation, tant pour les entreprises chargées d’une mission de service public que pour les partenaires, dès lors que la transmission des codes sources permettra à toute personne de s’approprier les nouvelles technologies sans avoir à effectuer le moindre investissement.

La protection qui est apportée dans ce projet de loi ne nous paraît pas suffisante et ne manquera pas de susciter de nombreux contentieux, compte tenu des intérêts en jeu.

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mmes Deromedi, Cayeux et Deroche et MM. Charon, Doligé et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Le premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Constituent également de tels documents les codes-sources, à l’exception des codes sources des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence. »

La parole est à M. Doligé.

M. Éric Doligé. Au lieu de supprimer l’alinéa 1 de l’article, cet amendement, présenté notamment par M. Vasselle, vise à le réécrire en apportant une restriction sur les codes sources. Les auteurs considèrent en effet que transmettre le code source d’un logiciel permet, en conséquence, d’accéder aux informations qui le régissent.

L’adoption de cet amendement permettrait de transmettre les codes sources, à l’exception des codes sources des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence.

En effet, compte tenu des intérêts en jeu, cette disposition devrait susciter de nombreux contentieux, tant les GAFAMA souhaiteront s’approprier les technologies sans avoir à effectuer le moindre investissement. En conséquence, la communication des codes sources des entreprises chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence aura des effets fortement dissuasifs sur l’innovation, tant pour ces entreprises que pour leurs partenaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Doligé, je ne puis émettre un avis favorable sur ces deux amendements qui visent à exprimer une position contraire à celle de la commission. En effet, ils tendent tout simplement à supprimer le droit d’accès aux codes sources ou à ceux des personnes publiques ou privées chargées d’un service public exposé à la concurrence.

La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Vous savez, monsieur Doligé, Google n’a pas besoin des codes sources de Bercy pour développer ses propres algorithmes ! En revanche, bien trop souvent, la peur du contentieux paralyse l’action. Tel me semble être le cas ici.

Si le Gouvernement est défavorable à ces propositions, c’est parce que le dispositif nous paraît désormais équilibré. Il existe des protections très importantes, afin de permettre aux organismes publics de ne pas publier les codes qui doivent, pour des raisons légitimes, rester secrets : protection du secret industriel et commercial, du secret de la défense nationale, de la sécurité publique et, désormais, de la sécurité des systèmes d’information. Ces raisons sont amplement suffisantes pour ne pas craindre de manière infondée une utilisation malvenue des codes sources qui seraient rendus publics.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Monsieur Doligé, les amendements nos 273 rectifié et 486 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Éric Doligé. J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d'État.

Je vais retirer l’amendement n° 273 rectifié, mais je maintiens l’amendement n° 486 rectifié, présenté par M. Vasselle, que j’ai cosigné avec d’autres collègues. J’accorde en effet une importance particulière à ce problème des secteurs exposés à la concurrence, qui peut avoir un effet dissuasif sur l’innovation.

M. le président. L’amendement n° 273 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 486 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 438, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Pour notre part, nous considérons que parler de « République numérique », c’est accepter que l’on questionne les outils de l’action, qu’elle soit administrative ou réglementaire, et les conséquences de leur usage. Selon nous, la communication des codes sources est déjà soumise à de restrictions assez fortes pour qu’il soit inutile d’en rajouter.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression des alinéas 2 à 5 de l’article 1er bis.

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Je sens que nous allons ramer ! En effet, pour ma part, j’étais plutôt d’accord avec la position du rapporteur, que je n’ai pas entendue complètement. Notre proposition va dans un sens différent de ce qui était proposé par l’amendement n° 486 rectifié, qui vient d’être adopté. À mon avis, cela pose question !

Notre amendement vise à lever un obstacle disproportionné et, selon nous, sans fondement technique au droit d’accès aux codes sources des logiciels, qui constituent une véritable avancée et que consacre, je le rappelle, une jurisprudence de la révolutionnaire Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, jurisprudence qui est d'ailleurs en accord avec celle du Conseil d’État.

Qu’est-ce à dire ? La communication des codes sources est déjà soumise aux restrictions prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations du public et de l’administration, le CRPA, au rang desquelles figurent la protection du secret en matière commerciale et industrielle, la sûreté de l’État et la sécurité des personnes.

Selon nous, les administrations se conforment à la loi et conduisent systématiquement une analyse fine afin de vérifier à chaque fois le caractère communicable d’un document et les conditions de sa communicabilité avant toute publication. Mes chers collègues, je vous invite vraiment à examiner ce que fait la CADA. Certains trouvent qu’elle ne va pas assez loin, mais, en la matière, elle est d’une extrême prudence.

La communication du code source est donc interdite pour ces motifs. Dans ces conditions, il nous semble superfétatoire de prévoir une réserve supplémentaire. À l’heure de la société numérique, dans laquelle de plus en plus de décisions sont prises par des logiciels, le citoyen doit, plus que jamais, avoir un droit de regard, une lecture, une étude et une recherche d’erreurs en matière de programmation, notamment en ce qui concerne un certain nombre de recettes de la création de logiciels.

Bien que je sois d’un naturel optimiste, je suis très inquiète, car la disposition que nous avons votée est en retrait par rapport aux propositions de M. Frassa, dont j’ai déjà souligné les apports. J’aimerais que l’on cesse de dériver de la sorte. Sinon, autant aller nous coucher très tôt, car c’en sera fini de l’open data et de la loi numérique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Bouchoux, je ne pense pas qu’il faille dramatiser à ce point ! Je ne pense pas non plus que nous irons nous coucher très tôt ce soir… (Sourires.)

Les amendements nos 438 et 181 sont contraires à la position de la commission. Ils tendent à supprimer une précaution que j’estime indispensable dès lors que l’on rend accessibles les codes sources des administrations. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.

L’article 1er bis touche aux systèmes de sécurité. Si l’on rend publics les codes sources, les dispositions figurant aux alinéas 2 à 5 sont dès lors indispensables. Les supprimer reviendrait à mettre en cause bien des choses.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.

L’on peut regretter que plus d’exceptions aient été introduites à la communication des codes sources des administrations. En effet, à l’Assemblée nationale, le dispositif voté avait considérablement renforcé la protection du secret industriel et commercial.

En revanche, l’exception introduite par la commission des lois du Sénat sur la lutte contre les infractions nous semble justifiée. Elle donne en effet une garantie aux administrations, qui pourront prévenir efficacement les atteintes à la loi, notamment pour assurer une meilleure protection des biens et des personnes. Je vais vous citer un exemple très concret : la gendarmerie nationale étudie, avec la Direction interministérielle du numérique et des services d’information de l’État, de nouveaux algorithmes pour tenter de prévenir les vols d’automobiles.

Ces exceptions sont raisonnables. Nous veillerons à ce que cet ajout n’entrave ni l’action des organismes publics quant à la publication de leurs codes ni le droit des citoyens à être informés de la façon dont sont prises les décisions qui les concernent.

J’ai demandé au directeur interministériel du numérique et des services d’information de l’État, Henri Verdier, de préparer les outils pédagogiques qui doivent éclairer les organismes publics en ce sens, bien sûr en liaison étroite avec l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANESI.

Le mouvement vers la publication des codes sources publics est en marche. Il constitue un progrès pour l’ouverture des données et la transparence de l’action publique. J’en veux pour preuve la décision récente de l’administration fiscale de publier le code qui permet de calculer l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne souhaitez-vous pas que le chemin à parcourir pour calculer cet impôt soit rendu public ? Avec l’engagement en faveur du logiciel libre de plusieurs grandes entreprises publiques – je pense notamment à la SNCF –, nous accompagnons ce mouvement, qui consiste à ouvrir progressivement les codes sources dès lors que cela ne porte pas atteinte à la sécurité des systèmes d’information ni au secret industriel et commercial. Prenons bien garde à respecter cet équilibre fragile !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai quelque difficulté à comprendre. En effet, à partir du moment où, en vertu de l’adoption de l’amendement n° 273 rectifié de M. Doligé, le premier alinéa de l'article 1er bis a été supprimé…

M. Éric Doligé. Non ! Il n’a pas été adopté ! J’ai retiré l’amendement n° 273 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. D'accord. Je retire ce que je viens de dire !

En revanche, je tiens à préciser que nous sommes attachés à l’équilibre de l’article 1er bis, lequel a pour effet de rendre transmissibles et publiables les codes sources, tout en fixant des limites liées à la sécurité des personnes et à la sécurité des systèmes d’information.

Il me paraît très clair que nous ne pouvons pas voter la nouvelle rédaction de cet article 1er bis, telle qu’elle est issue de nos travaux.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er ter

Le livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Après l’article L. 300-2, il est inséré un article L. 300-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 300-4. – Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait, si possible, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » ;

1° Au premier alinéa de l’article L. 311-1, après le mot : « tenues », sont insérés les mots : « de publier en ligne » ;

2° L’article L. 311-9 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu’à l’intéressé en application de l’article L. 311-6. La publication peut être refusée si ces documents n’ont pas fait l’objet de demandes de communication émanant d’un nombre significatif de personnes. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 439, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

, si possible,

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les données mises en ligne sont régulièrement mises à jour. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Au travers de cet amendement, nous souhaitons, tout d’abord, que les administrations qui communiquent ou diffusent des documents administratifs dans un format électronique les mettent systématiquement à disposition du public « dans un standard ouvert et aisément réutilisable », et pas uniquement « si possible », comme l’indique le texte. Nous souhaitons, ensuite, que ces documents soient régulièrement mis à jour.

Comme le souligne l’association Regards citoyens, l’un des piliers de la donnée ouverte, c’est l’absence de barrière technique. Chacun doit être en mesure de pouvoir lire et réutiliser les données publiques sans que lui soit imposé l’usage ou l’achat d’un logiciel particulier. Il s’agit d’une application simple du principe de non-discrimination dans l’accès.

Aujourd’hui, l’administration n’a pas l’obligation d’utiliser un autre logiciel format que celui qu’elle utilise habituellement. Ainsi, certaines administrations utilisent parfois des logiciels propriétaires qui ne peuvent être lus par un logiciel libre, qu’il s’agisse d’un certain nombre de documents de Pôle emploi ou de fichiers d’autres administrations.

Cela fait écho indirectement à l’avis du Défenseur des droits, lequel souligne que « la lisibilité des formulaires et procédures de consultation des fichiers administratifs nécessite un degré de familiarité avec l’outil informatique que plusieurs internautes n’ont pas forcément, exigeant de ce fait la nécessité de penser le support à l’usager dans le recours à l’outil numérique mis en place par l’administration. » La mise à disposition dans un format ouvert et aisément utilisable rejoint, dès lors, les préoccupations d’égalité dans l’accès au droit.

Enfin, une donnée obsolète est une donnée qui n’a plus de valeur. L’obligation de mise à jour systématique participe, selon nous, à la valorisation du patrimoine immatériel de l’État et des collectivités territoriales.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 93 est présenté par Mme Bouchoux.

L'amendement n° 207 est présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, si possible,

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement vise à lever un frein important à la mise en œuvre de la politique d’ouverture et de réutilisation des données publiques.

La mention « si possible » vient limiter l’exercice du droit à communication par la publication et constitue, selon nous, un obstacle à l’accès et à la réutilisation des informations publiques. Nous considérons que les modalités de publication des informations publiques ne doivent pas contenir une telle restriction « si possible ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 207.

M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, dont les dispositions vont rigoureusement dans le même sens, nous voulons éviter les restrictions à l’interopérabilité des données mises à disposition.

La commission a opportunément déplacé, dans un article L. 300-3 nouveau du CRPA, le code des relations entre le public et l’administration, le principe selon lequel toute mise à disposition des documents se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Figurant dans les articles liminaires du livre III du CRPA, cette disposition générique ne doit pas être restrictive, ce qui serait contraire à l’objet du projet de loi en matière de publication de données.

Je conviens, avec la commission des lois, que l’article 5, paragraphe 1, de la directive européenne de 2013 prévoit une obligation de mise à disposition des documents « si possible et s’il y a lieu, dans un format ouvert et lisible par machine, en les accompagnant de leurs métadonnées. » Le paragraphe 2 du même article 5 de la directive dispose que cette mise à disposition ne doit pas entraîner « des efforts disproportionnés ».

Or, s’il faut veiller à ne pas imposer des charges excessives aux administrations, notamment à celles des collectivités locales, assurer cette opérabilité ne représente pas une obligation démesurément lourde. En effet, toutes les administrations sont tenues, depuis 2009, au respect du référentiel général d’interopérabilité prévu par l’article 11 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005.

En conséquence, l’insertion d’un « si possible » marquerait un réel recul par rapport à ce qui est actuellement une obligation. Je pense l’avoir démontré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer une mention introduite par le législateur, sur l’initiative du Gouvernement, lors de la discussion relative à la gratuité et à la réutilisation des informations du secteur public.

Le nouvel article L. 300-4, adopté par la commission, ne fait à cet égard que reprendre la disposition figurant actuellement au deuxième alinéa de l’article L. 321-1 du code des relations entre le public et l’administration. J’appelle donc en premier lieu le Sénat à ne pas défaire ce qui vient à peine d’être fait, et, en second lieu, le législateur de manière générale à être un tant soit peu cohérent et conséquent !

Sur le fond, cette mention reprend la jurisprudence du Conseil d’État – il s’agit d’un arrêt du Conseil d’État en date du 17 février 2010 –, qui a jugé qu’une administration « n’était pas tenue d’enregistrer les documents qu’elle devait communiquer à M. A. à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elle utilise. » Elle permet ainsi de ne pas faire peser une charge trop lourde sur les administrations, en particulier sur celles des collectivités territoriales.

Quant à l’argument selon lequel cette mention marquerait un recul par rapport à l’obligation d’interopérabilité née de l’ordonnance du 8 décembre 2005, je tiens à appeler votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le champ d’application de cette ordonnance ne recoupe pas celui des dispositions dont nous parlons, à savoir la loi CADA codifiée.

Par « autorités administratives », l’ordonnance de 2005 entend « les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes gérant les régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou mentionnés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif. » Les organismes gestionnaires d’un service public industriel et commercial en sont donc exclus.

Si l’interopérabilité est souhaitable, on peut saluer à cet égard la parution, le 20 avril dernier, de l’arrêté approuvant la version 2.0 de décembre 2015 du référentiel général d’interopérabilité. On ne peut toutefois imposer que tous les acteurs concernés par les dispositions que nous adoptons aujourd'hui changent tous leurs applicatifs du jour au lendemain, ou tout au moins très rapidement.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements, dont les dispositions vont à l’encontre de la position de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le texte initial du Gouvernement prévoyait que les organismes publics doivent publier en ligne leurs principaux documents administratifs dans un standard « ouvert et aisément réutilisable ». Cette précision est d’apparence technique et peut sembler quelque peu barbare, mais, en réalité, elle est capitale.

Le Gouvernement est tout à fait favorable aux deux amendements identiques nos 93 et 207. En effet, ils tendent à revenir sur une modification de la commission des lois, qui avait assorti cette exigence d’un « si possible ».

Soyons très concrets. Trop souvent aujourd'hui, les documents numériques communiqués par les administrations prennent la forme d’un simple scan, d’un document scanné qui est très difficile à réutiliser pour les entreprises, pour les entreprises innovantes, pour les citoyens et pour les associations qui le demandent.

Parfois, l’administration, qui dispose de données sous la forme d’un tableur, choisit de les fournir dans un format PDF, ce qui est à l’origine de la perte d’un temps extrêmement précieux pour les réutilisateurs.

Dans mon discours dans la discussion générale, j’avais insisté sur la qualité du format de la donnée et non pas uniquement sur son ouverture quantitative. Je citerai l’exemple de la start-up Kel Quartier. Celle-ci collecte des données publiques géographiques, qu’elle croise, qu’elle enrichit et qu’elle fournit ensuite comme un service innovant aux agences immobilières, afin que ces dernières puissent elles-mêmes offrir des services commerciaux plus opérants à leurs clients. Récupérer des documents PDF est à l’origine d’un coût important pour cette start-up, l’une de nos jeunes pousses prometteuses dans ce secteur, dont le développement est freiné, alors même que le marché est considérable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, s’il y avait un risque réel de surcroît de coûts pour les administrations, je vous le dirais. Or tel n’est pas le cas. La publication dans un standard ouvert n’entraînera pas des coûts significatifs pour les organismes publics, car cela ne s’applique qu’à des documents déjà disponibles sous forme numérique.

Le plus souvent, il s’agira simplement de fournir le document dans le format détenu par l’administration ou de le convertir en un format open office. Si c’est un document Word, l’opération est vraiment minime. En revanche, les gains seront considérables pour les réutilisateurs, c'est-à-dire pour nos entreprises, les associations, les citoyens et pour les parlementaires eux-mêmes.

Je demande donc, au nom du Gouvernement, le retrait de l’amendement n° 439 au profit des amendements identiques nos 93 et 207, que je vous incite très fortement à adopter.

M. le président. Monsieur Bosino, l'amendement n° 439 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Bosino. Avant de le retirer, j’aimerais que Mme la secrétaire d'État m’explique les raisons de son opposition. En effet, en dehors de la mention selon laquelle les données mises en ligne sont régulièrement mises à jour, nous suivons la même démarche que les auteurs des amendements identiques nos 93 et 207.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous sommes dans le contexte de l’ouverture des données publiques, de leur publication à des fins de communication, de rediffusion et de réutilisation. Créer une obligation de mise à jour des données publiées ajoute, en réalité, tout un nouveau volet au socle que nous sommes en train de construire. Pour le coup, cela ferait sans doute peser une charge supplémentaire sur les administrations concernées.

M. Jean-Pierre Bosino. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 439 est retiré.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 93 et 207.

Mme Catherine Morin-Desailly. L’ouverture et la circulation des données est l’une des avancées majeures de ce texte, pour nous permettre de nous engager dans une société de progrès.

Je n’entrerai pas dans les détails techniques, mais il me semble que la loi doit répondre par « oui » ou par « non », au lieu d’un « peut-être » quelque peu arbitraire. Il est gênant de laisser à la libre appréciation des services concernés la mise à disposition de telle ou telle donnée.

En outre, comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, les administrations pourraient tout à coup être submergées par des travaux supplémentaires et coûteux. Mme la secrétaire d’État a répondu de manière assez claire à cette réelle préoccupation que nous avons exprimée tout à l’heure lors de la présentation d’un autre amendement en faveur des collectivités territoriales.

En conséquence, nous soutiendrons ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 et 207.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 208, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

informations en ligne,

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. L’esprit du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi est d’opérer une révolution dans la communication des documents administratifs, en passant d’un « droit de demander » en faveur de chaque usager à une « obligation de publication » des administrations concernées, en vue de renforcer l’accès de tous à ces documents.

Or le présent amendement vise à supprimer l’apport de la commission des lois qui laisse à l’administration la faculté de s’opposer à une publication si les documents demandés n’ont pas fait l’objet d’un nombre significatif de demandes. Si l’on peut admettre que l’administration s’oppose à une publication dont l’intérêt n’est pas complètement démontré en raison du faible nombre des demandeurs, cette faculté ne pourrait toutefois pas être laissée à la seule appréciation de celle-ci, a fortiori en raison de la notion trop imprécise introduite par la commission des lois.

En effet, qu’est-ce qu’un nombre significatif de personnes ? Peut-être faudrait-il retenir un critère plus objectif en harmonisant les procédures d’instruction et en assurant une plus grande transparence dans le traitement des demandes. Cela se révélerait beaucoup plus efficace.

C’est pourquoi, après les mots « informations en ligne », nous proposons la suppression de la fin de cet alinéa 6.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer deux apports de la commission.

Le premier offre une clarification, afin de lever toute ambiguïté en la matière : seule la demande portant sur un document communicable à toute personne, et non au seul intéressé, peut faire l’objet d’une communication via publication.

Le second tend à offrir à l’administration la faculté de refuser la publication d’un document si l’intérêt de celle-ci n’est pas avéré.

J’accepte volontiers la critique sur la rédaction que j’ai proposée, à savoir qu’« un nombre significatif » de personnes paraît trop imprécis. Je suis donc ouvert à toute rédaction alternative, à condition, toutefois, que cette faculté de refus ne soit pas supprimée purement et simplement. Dans la mesure où, en l’état, cet amendement vise à supprimer la fin de cet alinéa, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Sous couvert de clarification, je crains que la modification apportée par la commission des lois du Sénat n’emporte une complexification du régime, avec la multiplication des exceptions et des dérogations. J’y vois même une véritable mécompréhension du potentiel que peut constituer l’ouverture des données publiques pour les entreprises innovantes de ce pays et la transparence démocratique de l’action publique.

Il s’agit, en l’occurrence, de passer d’un droit d’accès à des documents, qui est un droit individuel en faveur d’une seule personne, à une obligation de publication au profit de tous, c’est-à-dire de l’ensemble de la collectivité citoyenne.

À partir du moment où est introduite une nuance concernant « un nombre significatif » de demandes, la radicalité de la réforme, absolument nécessaire pour garantir son succès, est abandonnée. Cela introduirait une grande insécurité juridique et une forme d’arbitraire pour fixer le nombre significatif de personnes : sur quelles bases l’administration apprécierait-elle ce critère ? Comment juger de l’intérêt d’une publication uniquement à l’aune du nombre de demandeurs ? Autant d’interrogations auxquelles il n’est pas répondu dans ce texte.

C’est pourquoi le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Le texte adopté par la commission comporte l’adjectif « significatif ». À mon sens, il n’est pas acceptable de l’inclure dans la loi. Qu’est-ce qu’un « nombre significatif » de personnes ? Est-ce dix, cent, mille, dix mille ou cent mille ? Personne ne peut le dire. Cela ne signifie rien.

M. Jean-Pierre Bosino. Cela ne veut rien dire du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je vous demande de prendre en compte cet argument. Il vaudrait mieux supprimer la fin de cet alinéa, à moins que quelqu’un m’explique le sens de tout cela… Mais dans ce cas, cette personne en conclura inévitablement qu’il faut trouver une autre rédaction !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Sueur, il s’agit simplement, avec le « nombre significatif », d’une faculté offerte à l’administration, qu’elle choisira ou non d’utiliser.

Toute administration a, par nature, un intérêt à publier, à mettre en ligne des documents et à ouvrir ces données. Ne nous méprenons pas sur le sens de l’ouverture des données : il ne faut pas non plus penser que l’administration souhaite systématiquement les cacher ! Presque toutes les interventions des orateurs précédents laissent accroire que l’administration serait par nature rétive et qu’il faudrait la forcer à communiquer. En l’espèce, il s’agit d’éviter les demandes répétitives ou infondées.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne comprends toujours pas le sens de l’expression « un nombre significatif » !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Mea culpa, l’idée du « nombre significatif » se trouvait dans le rapport Hyest-Bouchoux, Bouchoux-Hyest ! (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Voilà !

Mme Corinne Bouchoux. Depuis lors, nous avons beaucoup dialogué, entre autres avec les associations et les administrations. Et en réalité, à l’heure des réseaux sociaux, parler d’un nombre significatif n’a plus de sens. Prenons l’exemple de deux internautes qui souhaitent obtenir un document : en deux jours, pour peu qu’ils communiquent correctement sur les réseaux sociaux, le nombre de demandes va devenir incalculable.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Non, il faut un nombre « significatif » !

Mme Corinne Bouchoux. Cette idée du nombre, que nous avions imaginée voilà trois ans et expliquée par écrit il y a deux ans, était pertinente. Elle est aujourd’hui totalement obsolète, caduque et, pardonnez-moi, presque ridicule ! L’autocritique est difficile, mais je partage sur ce point l’avis de mes collègues. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

À l’époque, nous voulions éviter les procéduriers, bien connus dans nos collectivités, qui inventent chaque fois des demandes de papiers impossibles à satisfaire. En démocratie, nous ne pouvons pas, à cause de quelques maniaques ou psychopathes, ne pas jouer le jeu de la transparence.

Je demande donc aujourd’hui le contraire de ce que nous avions suggéré dans notre rapport, car cela n’a plus de sens. D’ailleurs, ce n’est pas le nombre qui compte. Si un seul demandeur pose une question pertinente concernant la sécurité, notamment sanitaire, il faudra impérativement lui répondre. Sur ce point, nous devons nous remettre en question. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. François Marc. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Je partage l’argumentation de Mme Bouchoux et souhaiterais apporter une précision.

Selon M. le rapporteur, les administrations seraient suspectées de ne pas vouloir donner leurs informations. Affirmer cela, c’est faire un procès d’intention aux défenseurs de cet amendement. Avouons néanmoins que l’expression « un nombre significatif de personnes » est plutôt vague.

Si ces termes sont tellement importants qu’ils doivent figurer dans la loi, nous pourrions alors écrire dans un texte ultérieur que, quand un nombre significatif de personnes descend dans la rue, nous devons corriger un certain nombre de textes de loi ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter
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Article 2 bis

Article 2

(Non modifié)

Après l’article L. 311-3 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 311-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-3-1. – Sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 311-5, lorsqu’une décision individuelle est prise sur le fondement d’un traitement algorithmique, les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 526 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 311-3-1. – Sous réserve de l’application du 2° du L. 311-5, une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 2 de l’article 2 du projet de loi reconnaît à tout administré le droit de demander que lui soient communiquées les règles définissant un traitement algorithmique et ses principales caractéristiques, quand il est concerné par la mise en œuvre d’un tel traitement.

Cet amendement vise à rendre ce droit effectif, en prévoyant que toutes les administrations qui auront recours à de tels traitements algorithmiques pour la prise de décisions individuelles devront le mentionner explicitement lors de la notification de ces décisions aux administrés concernés.

M. le président. L'amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. – Après le mot :

individuelle

insérer les mots :

au sens d’un acte administratif unilatéral individuel

II. – Remplacer les mots :

l’administration

par les mots :

l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Tous ces amendements ont trait à la communication de la décision individuelle. Celui-ci tend à apporter des précisions sur la notion de décision individuelle et sur celle d’administration.

Je le rappelle, la notion de « décision individuelle » peut être entendue de manière très large, dans la mesure où la notion d’administration, prévue à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, vise également les entités effectuant des missions de services publics industriels et commerciaux.

Un tel champ d’application outrepasserait l’esprit du projet de loi. Il convient donc, dans un souci de sécurité juridique, de circonscrire le champ d’application de cet article aux « décisions individuelles » qui sont des actes administratifs individuels.

M. le président. L'amendement n° 209, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

à l’intéressé

insérer les mots :

de manière claire, transparente et loyale

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous proposons d’ajouter les mots : « de manière claire, transparente et loyale ». En effet, la prise en compte de l’algorithme, lorsqu’il fonde une décision individuelle, entre progressivement, mais sûrement, dans notre droit.

Tel est l’objet de l’article 2 de ce projet de loi, qui précise que la personne faisant l’objet d’une décision prise sur le fondement d’un traitement algorithmique a le droit d’obtenir communication des règles définissant ce traitement, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre.

La question qui se pose est de savoir sous quelle forme cet algorithme est transmis. Aujourd’hui, ce sont des traitements automatisés qui calculent les impôts et les allocations familiales, ou qui précisent les affectations dans les établissements scolaires. Ce processus se développera à l’avenir, comme cela se produira pour le numérique.

Vous le savez très bien, mes chers collègues, il est tout à fait possible de transmettre les algorithmes dans des formes qui sont pour le citoyen totalement inaccessibles, car elles sont très complexes, extrêmement techniques, illisibles, incompréhensibles.

Il ne nous paraît donc pas superfétatoire de préciser dans la loi que, pour avoir accès aux algorithmes permettant de déterminer toute une série de facteurs entrant dans la vie de chacun d’entre nous, cette transmission doit être réalisée de manière claire, transparente et loyale. Le Conseil constitutionnel attache lui-même une grande importance à l’intelligibilité des lois.

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces explications complémentaires garantissent un niveau d’information suffisant pour permettre à l’intéressé de connaître et comprendre la logique qui sous-tend le traitement de la décision individuelle.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Les dispositions de mon amendement vont dans le même sens. Mme Blandin, à l’époque où elle présidait la commission de la culture, défendait déjà cette position. En effet, il ne s’agit pas seulement de communiquer à tous des informations et des algorithmes ; encore faut-il pouvoir comprendre sans être informaticien, geek ou de niveau bac+18 le sens du document transmis.

Notre formulation vise à renforcer le droit d’accès aux règles, afin que celles-ci soient intelligibles pour tout un chacun. Comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, nombre de décisions de la vie quotidienne, telles que l’affectation des enfants à l’école ou à l’université, ou le paiement des impôts, obéissent à ces logiques.

Nous devons tous être placés dans une situation d’égalité devant la connaissance de ces données.

Par conséquent, afin de compléter le droit que tient toute personne de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés, notre amendement vise simplement à renforcer l’intelligibilité et à rendre compréhensibles ces algorithmes pour toutes les personnes concernées.

Il s’agit d’éviter que les explications ne soient trop complexes et inaccessibles pour les non-initiés. Si tel n’était pas le cas, nous verrions se développer une méfiance accrue chez nos concitoyens, car ils auraient l’impression que nous jouons l’avenir de leurs enfants, des futurs étudiants, à une sorte de loterie.

Conformément aux grands principes proclamés en 1789, chaque citoyen a le droit de connaître ce qui motive la décision de l’administration, qui rend des comptes. Autrement dit, chacun doit pouvoir comprendre la logique de cette décision.

M. le président. L'amendement n° 440, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’administration informe l’intéressé de l’existence de ce traitement algorithmique dans la décision qui lui est notifiée.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. La rédaction de l’article 2 nous paraît incomplète. Nous souhaitons donc, au travers de cet amendement, que l’administration informe l’usager de l’existence du traitement algorithmique dans la décision qui lui sera notifiée.

Le droit nouvellement créé, dont nous nous réjouissons, permet à l’administration de communiquer à l’intéressé les règles et caractéristiques ayant servi à la création des algorithmes concernés, s’il en formule la demande. Toutefois, comment l’intéressé peut-il le faire s’il ignore que la décision a été prise par traitement algorithmique ?

Lors des débats à l’Assemblée nationale, madame la secrétaire d’État, vous avez refusé des amendements similaires au titre d’un alourdissement de la charge des administrations. Permettez-moi de retourner le problème : si les usagers formulent une demande de communication des règles de traitement alors que les décisions n’ont pas été prises par des algorithmes, toutes ces sollicitations inutiles ne risquent-elles pas d’augmenter la charge des administrations ?

De plus, derrière l’aspect très technique, les algorithmes posent une question politique : il s’agit d’organiser la transparence dans les prises de décisions des administrations.

Aujourd’hui, de nombreuses décisions individuelles prises par l’administration résultent d’un traitement par des algorithmes. Je pense, par exemple, au calcul de l’impôt, à certaines allocations familiales, ou encore aux affectations post-bac qui occupent particulièrement les lycéens en ce moment. Ces derniers ont d’ailleurs demandé la publication de l’algorithme du site APB après que M. Thierry Mandon en eut annoncé la divulgation. Nous pouvons nous interroger sur ce point. Si le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche n’avait pas formulé cette proposition, les lycéens auraient-ils su que le traitement d’affectation post-bac était effectué en partie par algorithme ?

Porter cette information à la connaissance des usagers nous semble indispensable. Plus généralement, la création d’un droit nouveau exige la création de règles d’information et d’accès au droit.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les dispositions de l’amendement n° 526 rectifié semblent satisfaire plusieurs critiques soulevées à l’encontre du dispositif de l’article 2, en particulier la mise en œuvre par l’intéressé de son droit à communication, évoquée lors de la réunion pour l’établissement du texte de la commission. En outre, elles permettraient de satisfaire les amendements nos 209 et 440.

L’amendement n° 274 rectifié, quant à lui, ne semble pas opportun.

En premier lieu, il tend à préciser que, par « décision individuelle », on entend « acte administratif unilatéral ». Dans la mesure où il s’agit bien d’une décision, à mes yeux, aucune ambiguïté n’entache la nature des actes concernés, mais peut-être cet amendement est-il l’occasion de le préciser, pour écarter toute mauvaise interprétation du législateur.

En second lieu, cet amendement tend à limiter aux seuls État, collectivités territoriales et établissements publics administratifs le droit d’accès aux algorithmes. Là encore, je ne pense pas que le moindre doute subsiste sur le fait que la « décision individuelle » relève du service public administratif. En revanche, adopter cet amendement reviendrait à exclure les organismes de droit privé assurant une mission de service public administratif comme les organismes de sécurité sociale.

Enfin, l’amendement n° 182 tend à expliciter ce que l’on entend par « règles » et « principales caractéristiques ». Ses dispositions pointent toute la difficulté de l’exercice auquel le Gouvernement propose de soumettre les administrations, à savoir s’adapter au niveau de connaissance et d’expertise des individus. Pour autant, il ne semble pas possible en l’espèce d’inscrire dans la loi une obligation de résultat ; il faut seulement édicter une obligation de moyens pour les administrations.

En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 526 rectifié ; s’il était adopté, les amendements nos 209 et 440 n’auraient plus d’objet. En revanche, elle émet un avis défavorable sur les amendements nos 274 rectifié et 182.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement considère que l’amendement n° 526 rectifié est satisfait et il en sollicite le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable. En effet, l’obligation que suggère d’instaurer son auteur semble très difficile à mettre en œuvre, notamment pour déterminer si un algorithme a été utilisé, puisque la plupart des logiciels en comportent.

Nous risquons de nous retrouver face à une transmission automatique de tous les algorithmes au-delà d’une demande individuelle spécifique, ce qui ôterait tout intérêt à la communication d’une information au fond. Il est essentiel de donner du sens à la communication d’un algorithme relatif à une décision individuelle.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 274 rectifié, mais il prend acte de la demande de précision de M. Doligé et espère que cette rigueur se vérifiera tout au long de l’examen du texte.

Sur l’amendement n° 209, le Gouvernement émet un avis de sagesse, car l’objectif visé, à savoir que la procédure soit effectuée de manière claire, transparente et loyale, peut s’entendre. Toutefois, une telle précision aggraverait l’obligation déjà contenue dans le texte.

Quant aux amendements nos 182 et 440, le Gouvernement en demande le retrait, au profit de l’amendement n° 209 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 526 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 274 rectifié, 209 et 440 n'ont plus d'objet. (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame Bouchoux, l'amendement n° 182 est-il maintenu ?

Mme Corinne Bouchoux. Je vais le retirer, monsieur le président, car je suis sensible à l’argument portant sur l’obligation de moyens et l’obligation de résultat, ainsi qu’aux propos de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État.

Peut-être cela favorisera-t-il la création de petits boulots pour les jeunes, qui entreprendront de s’adonner à la traduction d’algorithmes à l’origine des décisions de l’administration, pour une meilleure compréhension de nos concitoyens. Serait-ce le but visé : créer des emplois de traduction simultanée ? (Sourires.)

Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 182 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 3

Article 2 bis

(Supprimé)

Article 2 bis
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 4 (début)

Article 3

Le second alinéa de l’article L. 312-1 du code des relations entre le public et l’administration est supprimé. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4

I A. – Au 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, les mots : « et au secret en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « , au secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, ainsi qu’au secret des affaires ».

I. – La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est complétée par des articles L. 312-1-1 à L. 312-1-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 312-1-1. – Sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 publient en ligne les documents administratifs suivants :

« 1° Les documents qu’elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre, ainsi que leurs versions mises à jour, à l’exclusion des documents communicables aux seuls intéressés en application de l’article L. 311-6 et à condition que ces documents aient fait l’objet de demandes de communication émanant d’un nombre significatif de personnes ;

« 2° Les documents qui figurent dans le répertoire mentionné au premier alinéa de l’article L. 322-6 ;

« 3° Le contenu des bases de données, mis à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ;

« 4° Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt pour le public.

« La publication est précédée d’une analyse de risques afin de prévenir toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés en application des articles L. 311-5 et L. 311-6.

« Le présent article ne s’applique pas aux collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants.

« Art. L. 312-1-2. – Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L. 311-5 ou L. 311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions.

« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant de rendre impossible l’identification de ces personnes.

« Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues des opérations de sélection prévues aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code du patrimoine.

« Art. L. 312-1-3. – Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles. »

II (Non modifié). – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission mentionnée à l’article L. 340-1 du code des relations entre le public et l’administration, définit les modalités d’application des articles L. 312-1 à L. 312-1-3 du même code.

III. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre II du titre unique du livre Ier de la première partie est abrogée ;

2° Au I de l’article L. 1821-1, la référence : « L. 1112-23 » est remplacée par la référence : « L. 1112-22 ».

IV (nouveau). – La section 3 du chapitre V du titre II du livre Ier du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est abrogée.

(nouveau). – Après le mot : « réutilisation », la fin du premier alinéa de l’article L. 322-2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigée : « dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-2. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bosino. Comme cela a été précisé dans le rapport, l’article 4 organise une sorte de continuum entre le droit à communication, la diffusion et la réutilisation des données publiques.

De notre point de vue, cet article est fondamental, car il précise la portée de ce nouveau droit à communication et à réutilisation. C’est pourquoi nous regrettons les nombreuses limitations qui lui ont été apportées par les différentes commissions.

Je pense ainsi à l’introduction de la notion de « secret des affaires », qui est tout simplement un pied de nez à nos concitoyens et à l’esprit même de ce projet de loi ; nous y reviendrons tout à l'heure en présentant un amendement sur ce sujet.

Que dire encore du renforcement du pouvoir discrétionnaire des administrations, entendu au sens large, à travers l’analyse des risques préalable à toute diffusion ? Autre limitation, la notion, inconnue en droit, d’« intérêt pour le public ».

Or, comme nous l’avons souligné, si nous ne sommes pas naïfs en ce qui concerne les données massives et sur le principe de gratuité absolu – nous sommes conscients de leurs limites –, nous pensons que les acteurs de la société civile, les citoyens et les usagers ont besoin d’interagir avec les administrations et le secteur public dans son ensemble et qu’il leur faut de la transparence et des clés de compréhension d’une action administrative toujours plus complexe.

Nous avons le devoir de répondre à cette aspiration. Tel était l’objectif de l’article 4 : mettre le numérique au service de l’intérêt général. C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à rétablir, de manière équilibrée, un droit réel d’accès aux données publiques.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est ici question de l’ouverture des données publiques. Comme nous avons eu l’occasion de le dire, celle-ci est sans nul doute un levier majeur de transparence démocratique et d’innovation économique et sociale.

De ce point de vue, on peut se réjouir que le projet de loi fasse reprendre des couleurs à l’open data français, qui en avait bien besoin.

Sur le sujet, je veux saluer l’apport de M. Luc Belot, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui a bien voulu enrichir le cœur du dispositif figurant à l’article 4, prévoyant le principe d’ouverture par défaut des données publiques. Au demeurant, nous tenons à souligner que la faculté est encore discrétionnaire, l’évaluation de l’intérêt de la publication restant soumise à l’appréciation de l’administration concernée.

Par ailleurs, de manière paradoxale, les collectivités territoriales, qui sont pourtant explicitement exclues du champ de l’article 4, risquent d’être soumises à une obligation beaucoup plus forte de mise en ligne spontanée des documents qu’elles produisent, si l’on s’en réfère, mes chers collègues, à l’article 106 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe. En effet, contrairement aux administrations centrales et aux établissements publics rattachés à l’État, les collectivités locales de plus de 3 500 habitants seront dans l’obligation de mettre en ligne toutes les informations publiques qu’elles produisent.

En revanche, l’obligation posée par la loi NOTRe ne porte que sur l’accès en ligne, et pas sur la réutilisation en tant que telle. Au final, on risque donc d’avoir, au niveau de l’État, une extension du principe de réutilisation, mais sans mise en ligne spontanée, et, au niveau des collectivités locales, une extension de la mise en ligne, sans possibilité de réutilisation.

On voit donc qu’en définitive ce n’est au niveau ni de l’État ni des collectivités locales que le présent projet de loi parviendra à satisfaire complètement l’objectif d’instauration d’un open data par défaut, ce que je regrette.

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le premier alinéa de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l’article L. 1115-1 du code des transports, ne sont communicables qu’à l’intéressé, dont les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 font partie, les documents administratifs : ».

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Le présent amendement a pour objet d’éviter que les dispositions introduites à l’Assemblée nationale par l’adoption de l’amendement n° 860 du Gouvernement ne viennent limiter la portée des dispositions de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », afin d’assurer pleinement l’accès des voyageurs à toutes les informations relatives aux services de transports publics et de mobilité, dans le respect de la doctrine actuelle de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.

Par ailleurs, le présent amendement tend à lever les incertitudes sur le fait que la notion d’« intéressé » visée à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration englobe également les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 du même code.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à préciser l’articulation entre les dispositions du code des relations entre le public et l’administration et celles du code des transports relatives aux données des services de transports publics et des services de mobilité qui ont été introduites par la « loi Macron ».

Comme le précise l’étude d'impact jointe au présent projet de loi, le régime général de la loi CADA codifiée ne remet pas en cause les régimes spéciaux d’ouverture des données introduits dans les différents codes, que ce soit celui des transports ou, comme le prévoit l’article 12 bis du texte, celui de l’énergie.

Je rejoins la préoccupation des auteurs de l’amendement quant à la lisibilité de ces dispositifs juridiques. Cependant, l’ajout qu’ils proposent ne me paraît pas nécessaire ; il me semble même source d’a contrario, puisqu’il n’est pas exhaustif.

À ce stade, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire de préciser que le code des transports s’applique, en vertu du principe selon lequel la loi spéciale – en l’occurrence, la loi du 6 août 2015 – déroge à la loi générale, à savoir les dispositions du présent projet de loi. Si les dispositions de la loi de 2015 sont relatives aux informations nécessaires aux voyageurs dans le secteur des transports, celles du présent texte portent sur toutes les autres informations. Il s'agit bien de deux champs d’application différents.

Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à cet amendement.

M. Guy-Dominique Kennel. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 441 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Actuellement, la communication des données publiques, notamment celles qui ont trait aux marchés publics au sens large, est limitée par la protection du secret en matière commerciale et industrielle, lequel recouvre « le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies commerciales. » Cette définition très large permet déjà de refuser de très nombreuses communications d’informations et s’appuie sur une jurisprudence fournie.

Dès lors, nous ne comprenons pas la volonté du rapporteur d’importer et d’appliquer la notion de « secret des affaires », qui est propre au droit de la concurrence. À l’heure où il faut, de notre point de vue, reconstruire le lien de confiance avec nos concitoyens, nous pensons que l’introduction de la notion de « secret des affaires » dans le code des relations entre le public et l’administration est une erreur politique et juridique.

Cette notion large et floue, qui permettra de recouvrir la quasi-totalité des informations internes à la gestion des services publics industriels et commerciaux, les SPIC, est dangereuse, parce qu’elle autorise la poursuite de toute personne qui divulguerait un secret d’affaires, même s’il n’y a aucune utilisation de ce secret à des fins commerciales. Cela pose la question des lanceurs d’alerte, alors que s’est ouvert, aujourd'hui, le procès d’Antoine Deltour et d’Édouard Perrin, respectivement lanceur d’alerte et journaliste à l’origine de l’affaire LuxLeaks, ainsi qu’Éric Bocquet l’a rappelé tout à l'heure.

De notre point de vue, cette notion menace sérieusement la capacité des citoyens à accéder aux informations relatives aux conséquences sociales, environnementales ou sanitaires des pratiques des entreprises gérant un SPIC.

Finalement, c’est aussi refuser aux élus des informations de base sur les conséquences budgétaires de contrats signés qui peuvent engager la puissance publique pour des délais et des montants très significatifs.

De plus, comme la CADA l’a rappelé le 6 janvier 2005, la notion de « secret en matière commerciale et industrielle » est très stable sur le plan doctrinal : elle comprend, comme je l’ai dit tout à l'heure, le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales. C’est suffisant.

M. le président. L'amendement n° 153 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I A. – Le 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est complété par les mots : « , lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, d’une part, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence et, d’autre part, de la nature des données lorsqu’elles ont trait à la qualité et aux conditions d’exécution du service public concerné. »

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Le présent amendement tend à rétablir un juste équilibre entre le respect du secret commercial et industriel des services publics industriels et commerciaux chargés d’exercer une mission de service public soumise à la concurrence et le principe de données d’intérêt général, introduit à l’article 10, au sein de la section 1 du projet de loi.

En effet, dans ce cadre, le respect du secret commercial et industriel des SPIC ne doit pas compromettre les politiques de suivi de la qualité et des conditions du service public concerné.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Longeot et D. Laurent, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

comprend

insérer le mot :

notamment

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Cet amendement vise à préciser l'article 4, qui limite la définition du secret commercial et industriel au secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles.

Cette nouvelle définition paraît trop restrictive, dans un domaine en constante évolution. Il convient donc de lui donner un peu plus de souplesse.

Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 94 est présenté par Mme Bouchoux.

L'amendement n° 580 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

, ainsi qu’au secret des affaires

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 94.

Mme Corinne Bouchoux. Même si cela peut étonner, ma position n’est guère éloignée de celle des deux derniers intervenants.

L’objectif est bien d’instaurer la communication des données publiques, sauf secrets protégés. Je veux de nouveau répéter qu’un certain nombre de secrets sont très bien protégés ; il n'y a pas d’inquiétude à avoir sur ce plan ! Y ajouter le secret des affaires serait inutile juridiquement, mais surtout dangereux politiquement, parce que cela donnerait de notre travail une image contraire à ce que nous voulons faire.

Je pense sincèrement que le secret en matière commerciale et industrielle n’est d'ores et déjà pas un vain mot. Ce secret est d'ailleurs précisé et explicité dans le présent texte, qui reprend la jurisprudence citée par plusieurs de nos collègues et y intègre le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, que vous semblez vouloir protéger, monsieur le rapporteur.

Par sa connotation, l’ajout de la mention « secret des affaires » nous semblerait complètement décalé.

Pour ma part, je vous propose, mes chers collègues, d’en revenir aux garanties apportées par la loi CADA de 1978, qui énumère les différents secrets protégés par la loi, tout en assurant les organismes chargés d’une mission de service public industriel et commercial d’un certain confort et d’une certaine sécurité.

À force de vouloir en rajouter, nous risquons d’aller à l’encontre de l’esprit du texte, qui vise à garantir un meilleur accès aux données publiques. Si nous voulons tout ouvrir, pourquoi créer un coffre-fort et le mettre à la cave ? Je crains que tout cela ne soit pas très lisible pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 580.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 210 rectifié, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

ainsi qu’au secret des affaires

par les mots :

et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Après réflexion, les membres de notre groupe ont pensé que la rédaction de l’Assemblée nationale était préférable à celle qui nous est proposée par notre rapporteur.

Dans la rédaction votée par nos collègues députés, le 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est complété par les mots : « lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».

Monsieur le rapporteur, il nous semble que cette définition prend en compte l’ensemble du champ qui vous préoccupe et qu’il n’est pas utile d’y ajouter le secret des affaires, notion qui, comme vous le savez, n’a pour le moment pas de définition stable en droit français, même si les choses évoluent.

En outre, le secret en matière commerciale et industrielle, qui figure dans la loi CADA, régit la communication des documents depuis presque quarante ans, sans qu’il ait été besoin jusqu'à aujourd'hui d’en étendre le champ et sans que cela pose de difficulté notable.

Il est donc souhaitable, à notre sens, de rétablir l’ajout de l’Assemblée nationale, qui avait inscrit dans le projet de loi la possibilité de prendre en compte le contexte concurrentiel pour refuser la communication d’un document administratif. Nous estimons que cela évitera les incompréhensions ou les procès d’intention que pourrait entraîner la notion de « secret des affaires », en particulier sur le droit d’information sur les réalités économiques dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le secret des affaires est une question très importante. Il s'agit en outre d’un sujet qui m’est cher, puisque nous l’avons abordé, l’année dernière, dans le cadre de la mission d’information sur le droit des entreprises que j’ai conduite avec mon collègue Michel Delebarre, au nom de la commission des lois.

Tous les amendements qui ont été présentés tendent à revenir sur les notions angulaires de « secret en matière commerciale et industrielle » et de « secret des affaires ».

Quel est l’enjeu ? Il s’agit de permettre l’ouverture et le partage des données, notamment celles des services publics industriels et commerciaux, les SPIC, sans nuire à l’efficacité, à l’innovation et à la compétitivité de nos services publics. Il ne nous faut effectivement pas perdre de vue, d’une part, la définition très large du service public à la française, qui rend difficile toute comparaison internationale en termes d’open data, et, d’autre part, le contexte de mondialisation et de concurrence dans lequel nos services publics évoluent.

Pour répondre aux craintes suscitées par la jurisprudence de la CADA, qui, il est vrai, a beaucoup évolué avant de se stabiliser, le Gouvernement a introduit, à l’Assemblée nationale, une définition du secret en matière commerciale et industrielle reprenant le triptyque secret des procédés, secret des informations économiques et financières, secret des stratégies commerciales et industrielles.

Je rappelle que cette acception large de la notion de « secret en matière commerciale et industrielle » dans la jurisprudence de la CADA répond à la difficulté née de ce que la notion de « secret des affaires » ne figure pas dans la « loi CADA » codifiée et que des avis se fondant sur ce secret des affaires ont été contredits – je tiens à rester aimable envers la CADA – par la jurisprudence du Conseil d’État, lequel a privilégié la notion de « vie privée des personnes morales », qui en laisse sceptiques plus d’un, à commencer par la Cour de cassation.

Cependant, comme M. Commeinhes le soulève très justement dans l’objet de son amendement, la difficulté que pose l’insertion opérée à l’Assemblée nationale tient à la cristallisation d’une jurisprudence, l’empêchant d’évoluer à l’avenir, au gré des évolutions de notre société.

J’ajoute, par ailleurs, que cette jurisprudence repose essentiellement sur des cas de demande de communication de documents dans le cadre de la commande publique, donnant lieu à une appréciation au cas par cas, comme le précise une note de la CADA et de la direction des affaires juridiques, la DAJ, datée du 5 février 2015 : « L’atteinte au secret en matière commerciale et industrielle est appréciée différemment par la CADA, selon que les documents concernent l’entreprise retenue ou les entreprises non retenues. […] En outre, dans certaines circonstances particulières, la communication de documents qui, à l’ordinaire, serait autorisée, peut être réduite, voire refusée dans un souci de garantir le respect de la libre concurrence. » On le voit, l’ouverture des données publiques nécessite une appréciation nouvelle de cette notion.

Pour cette raison, la commission des lois a, sur mon initiative, introduit la notion de « secret des affaires », en complément de celle du « secret en matière commerciale et industrielle ».

Cette notion n’est pas étrangère à notre droit : le code de commerce s’y réfère à plusieurs reprises, de même que le Conseil d’État. Ainsi, le 6 avril 2001, celui-ci a estimé que « l'administration ne peut être tenue […] de communiquer des pièces couvertes par un secret protégé par la loi, tel le secret des affaires, sans l'autorisation de celui dans l'intérêt duquel le secret a été édicté, qu'il s'agisse de pièces n'émanant pas de l'administration, mais qu'elle détient ou de pièces émanant de l'administration ou d'un organisme de contrôle dépendant de l'État, tels les passages de rapports reproduisant des informations couvertes par le secret ».

En outre, la directive sur le secret des affaires, que nous serons, je l’espère, appelés à transposer le plus rapidement possible, a été adoptée par le Parlement européen le 14 avril dernier. Le secret des affaires y est ainsi défini : « Aux fins de la présente directive, on entend par […] “secret d’affaires”, des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :

« a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

« b) elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ;

« c) elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

La principale différence de ces informations avec le secret en matière commerciale et industrielle réside donc dans la prise en compte des efforts entrepris par leur détenteur pour en garantir le secret.

Pour les raisons que je viens d’exposer, j’émets un avis défavorable sur tous ces amendements, qui sont contraires à la position de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de celui qu’il a présenté ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 441 rectifié, au profit de l’amendement n° 210 rectifié.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 153 rectifié, il ne s’agit nullement de mettre en cause la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, le respect du secret commercial et industriel des services publics industriels et commerciaux lorsque ceux-ci sont soumis à la concurrence, et, d'autre part, les données d’intérêt général.

Toutefois, dans la rédaction actuelle de l’amendement, tous les services de l’État pourraient se prévaloir d’une situation de concurrence pour ne pas communiquer leurs documents administratifs, puisque l’exception du secret commercial et industriel est étendue à toutes les administrations mises en situation de concurrence. Par exemple, on peut considérer que les organismes de recherche publique sont mis en situation de concurrence par rapport à d’autres laboratoires de recherche situés à l’étranger !

Je suis donc défavorable à cet amendement, dont l’adoption viderait le projet de loi d’une partie de son ambition en matière d’open data.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 157 rectifié bis. Il me semble très important d’être précis en droit. Les mots ont un sens ! Le secret industriel et commercial, ce n’est pas la même chose que le secret des affaires.

Il se trouve qu’un débat similaire a eu lieu à l’Assemblée nationale. La position trouvée paraît équilibrée, puisqu’elle permet de respecter le secret industriel et commercial des entreprises publiques pour la partie de leurs activités qui est en situation concurrentielle. L’objectif est bien là. Il ne s’agit nullement, par exemple, de nuire à la capacité de la SNCF ou de la RATP de soutenir la concurrence d’autres entreprises étrangères. Absolument pas !

À l’inverse, il ne faudrait pas que, au bénéfice d’une acception très large du secret des affaires, une entreprise publique, qui reçoit des financements publics pour conduire une partie de ses missions de service public, puisse jouer sur la situation de concurrence dans laquelle elle se trouve pour se soustraire à ses obligations.

Or je crains que nous n’aboutissions à cela si la rédaction faisant mention du « secret des affaires » est adoptée. La notion de secret industriel et commercial existe depuis la loi CADA, votée en 1978. Depuis quarante ans, son contenu a pu être précisément défini, comme cela a été indiqué à l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, il s'agit du secret des procédés ou du savoir-faire. Typiquement, le code source d’un logiciel autoproduit par une entreprise publique pourrait entrer dans cette catégorie et, ainsi, ne pas faire l’objet d’une publication.

De même, le secret des informations économiques et financières, lorsque celles-ci protègent des documents sensibles, comme les comptes d’une entreprise, est une exception qui doit empêcher la publication.

Le secret des stratégies commerciales ou industrielles fait lui aussi partie du secret commercial et industriel. En relève, par exemple, le fait de ne pas communiquer les prix, les remises ou les offres spéciales pratiqués, ou encore la liste des fournisseurs d’une entreprise.

Ces différents éléments sont inscrits dans une jurisprudence solide, vieille de plusieurs décennies. En revanche, la notion de secret des affaires, si elle est mentionnée, à quelques reprises seulement, dans le code du commerce et dans quelques jurisprudences disparates, n’a jamais été définie en droit.

Il est vrai qu’une directive européenne est en cours de discussion sur le sujet, mais vous avez dû lire dans les journaux, mesdames, messieurs les sénateurs, que son contenu est très polémique, notamment du fait d’une absence notable, celle de la protection des lanceurs d’alerte.

Il est tout à fait prématuré et sans doute déplacé de vouloir introduire la notion de secret des affaires par le biais du présent projet de loi, parce que cela emporterait une confusion juridique, voire un recul démocratique, et je pèse mes mots !

En effet, s'agissant de la confusion juridique, une commune pourrait s’interdire désormais de fournir à ses propres habitants les détails d’un marché public, au motif que cela porterait atteinte au secret des affaires avec le prestataire avec lequel elle a contracté, ou un ministère refuser de fournir aux citoyens les éléments d’un partenariat public-privé, alors que la diffusion de ces informations est au cœur même de cette notion nouvelle, innovante, précurseur des « données d’intérêt général », qui intéresse les États-Unis, le Royaume-Uni et la Commission européenne !

Pour ce qui est du recul de la démocratie et des droits, je veux rappeler que nos concitoyens financent par l’impôt les missions de service public qui sont conduites par les entreprises publiques. Ils doivent avoir accès aux informations publiques produites à leur sujet !

En réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, si la notion de secret des affaires est introduite dans ce texte, on considéra que le Sénat a enterré l’open data en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Monsieur le président, je retire l’amendement n° 580 du Gouvernement et je sollicite le retrait de l’amendement n° 94, au profit de l’amendement n° 210 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 580 est retiré.

Monsieur Bosino, l'amendement n° 441 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Bosino. Ce qui nous importe, c’est de voir effectivement disparaître la notion de secret des affaires, qui, comme l’a dit Mme la secrétaire d'État et comme nous l’avons nous-mêmes affirmé tout à l'heure, est extrêmement dangereuse et va à l’encontre de ce qui fait tout l’intérêt de ce texte.

Dès lors, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 441 rectifié est retiré.

Madame Bouchoux, l'amendement n° 94 est-il maintenu ?

Mme Corinne Bouchoux. Non, monsieur le président : je suis d’accord pour le retirer, au profit de l’amendement n° 210 rectifié, dont la rédaction est plus minutieuse.

M. le président. L'amendement n° 94 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 210 rectifié.

M. Alain Vasselle. J’ai bien entendu la longue argumentation développée par Mme la secrétaire d’État pour expliquer son opposition à la rédaction proposée par la commission des lois.

Il me semble que le rapporteur a été suffisamment explicite s’agissant de la définition du secret des affaires, dans le cadre de la disposition adoptée par le Parlement européen. Selon moi, le Gouvernement est pris à son propre piège dans cette affaire. La France a en effet souhaité devancer une initiative européenne dans le domaine du numérique, pour peser sur les négociations qui seront conduites ensuite.

M. le rapporteur a bien entendu intégré les dispositions qui risquent de s’imposer à la France après l’adoption de ce texte. J’ai donc du mal à comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement s’obstine à ne pas se rallier à des mesures sur lesquelles il aura d’ailleurs à échanger le moment venu au niveau européen, puisqu’une directive européenne légiférera en la matière.

C’est la raison pour laquelle je m’en tiendrai à la position de la commission des lois et ne voterai pas l’amendement n° 210 rectifié.

Je terminerai mon intervention par une dernière considération. N’oublions pas que les collectivités locales et l’État français gèrent également des services à caractère industriel ou commercial. Pourquoi y aurait-il deux poids, deux mesures ? Lorsqu’il s’agirait d’une maîtrise d’ouvrage publique, tout serait possible, mais dès lors qu’une entreprise privée serait concernée, il faudrait absolument protéger l’ensemble des données… Il y a là une certaine contradiction, que je tenais à souligner.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je tiens à vous répondre s’agissant de l’apparente contradiction que présenterait le choix du Gouvernement s’agissant de l’articulation de ce texte avec le droit européen.

Cette contradiction n’existe pas. Nous avons anticipé l’application d’un règlement européen sur la protection des données personnelles. Vous le savez, un règlement est d’applicabilité immédiate et ne peut être transformé dans sa forme au moment de sa mise en œuvre dans le droit national. À l’inverse, une directive doit faire l’objet d’une transposition, ce qui peut être l’occasion de modifier le texte, même si c’est à la marge.

S’agissant du règlement européen sur la protection des données personnelles, nous avons anticipé son entrée en vigueur dans le droit français. Surtout, nous avons avancé là où la Commission européenne nous l’autorisait, le texte laissant expressément une marge de manœuvre aux États. C’est notamment le cas en matière procédurale. Je pense au droit à l’oubli pour les mineurs.

Ici, nous sommes dans une situation bien différente. Une directive européenne, en cours de négociation, donc non adoptée, serait anticipée, en fonction de l’état actuel des discussions en cours au Parlement européen !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Mon intervention aura le même fondement que celle de Mme la secrétaire d’État. Je m’intéresserai d’abord à la procédure, avant d’en venir au fond du sujet, à savoir l’intégration, dans ce projet de loi, du secret des affaires.

Mes chers collègues, anticiper la transposition d’une directive, sans permettre un débat démocratique et partagé permettant de bien mesurer de quoi il s’agit, cela me gêne profondément. Si l’on commence à aller plus loin que la transposition des directives, à quoi servira le Parlement ? En effet, une grande part de notre législation repose aujourd’hui sur les décisions prises par l’Union européenne.

Le distinguo entre le secret industriel et le secret commercial, auquel, en tant que présidente de la commission de la culture, je suis extrêmement sensible, a été rappelé. Il s’agit en effet de la question des brevets et de la propriété intellectuelle. Le secret des affaires peut aussi servir de fondement à une entreprise pour attaquer soit un journaliste soit un ancien salarié qui ferait des révélations, au motif que celles-ci constituent un préjudice pour l’activité de l’entreprise en question.

Le vote récent par le Parlement européen de la directive sur le secret des affaires inquiète, car ce texte fixe un cadre très large, visant à protéger de nombreuses informations auxquelles l’opinion publique pourrait s’estimer en droit d’accéder. Les garde-fous prévus sont insuffisants, puisqu’ils placent la liberté d’informer sous l’épée de Damoclès de décisions judiciaires fondées sur des notions trop floues.

Le risque, c’est de transposer la sévérité du système luxembourgeois à l’ensemble des pays européens, alors que la plupart d’entre eux sont beaucoup plus protecteurs s’agissant de la liberté d’informer. En outre, la directive ne fait à aucun moment référence à la protection des sources.

En janvier 2015, nous avions débattu de ce sujet dans le cadre de la loi Macron, à l’occasion de l’examen de certains amendements, sans que le dispositif proposé protège réellement la liberté d’informer.

Certes, il est important de le rappeler, nos entreprises doivent protéger leur capital stratégique, ainsi que les informations non brevetables, mais indispensables à leur fonctionnement et à leur développement. Selon moi, un véritable débat est nécessaire en la matière. Par ailleurs, le statut légal des lanceurs d’alerte doit également faire l’objet d’une réflexion.

Tous ces débats sont devant nous. Nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau ces questions dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. De grâce, n’anticipons pas trop des débats qui sont de première importance pour la démocratie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210 rectifié.

J'ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 201 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 198
Contre 145

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

L'amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 3 de l’article 4 du projet de loi prévoit l’obligation, pour certaines administrations, de publier en ligne une liste de documents et données cités aux alinéas suivants, à condition qu’ils existent sous forme électronique.

Or il semble que l’ensemble des documents et données cités est déjà conçu et conservé par ces administrations sous forme électronique et qu’il est donc inutile de mentionner cette exigence dans le corps de l’article.

Cette mention pourrait au contraire constituer un obstacle à la publication des documents et données concernés, en créant une sorte de présomption d’absence de format électronique. Cela va contre la volonté des auteurs de ce projet de loi d’ouvrir les données publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission.

En effet, supprimer la condition selon laquelle la nouvelle obligation de diffusion ne s’applique qu’à des documents disponibles sous forme électronique implique que les administrations auraient à numériser les documents n’existant que sous forme papier. Cela ne serait pas conforme à la jurisprudence du Conseil d’État et de la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs, selon laquelle le droit à communication ne s’applique qu’à des documents existants en l’état ou pouvant être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, c'est-à-dire en ayant recours à un programme informatique de maniement aisé et à la disposition du service détenteur du document.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La question posée est la suivante : les administrations doivent-elles obligatoirement ouvrir au public tous les documents disponibles sous format papier, à partir du moment où l’objectif est la transparence de l’information ?

Tel n’est pas le choix effectué par le Gouvernement. Nous nous contentons de prévoir une telle obligation pour les documents existant déjà sous forme numérique. En effet, supprimer cette condition ferait peser une charge disproportionnée sur les administrations.

Toutefois, je rappelle qu’il est possible de demander la communication des documents qui ne sont pas sous forme numérique. Notre texte s’intéresse aux flux et non aux stocks d’archives qu’il serait nécessaire de numériser.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 528 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 528 rectifié est retiré.

L'amendement n° 211, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la référence :

L. 300-2

insérer les mots :

, à l’exception des personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret,

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à mieux prendre en compte les conséquences pratiques, notamment pour les petites structures, de la mise en œuvre des règles prévues par l’article 4.

Dans l’étude d’impact du projet de loi est mise en avant la nécessité de tenir compte des difficultés de mise en œuvre que l’obligation de diffusion des données publiques pourrait représenter pour les administrations dotées de moyens humains limités. La dispense d’une telle obligation ne peut intervenir – c’est là que réside la difficulté – qu’en fonction d’un seuil pertinent.

Le projet de loi initial introduisait un seuil fixé à 250 agents ou salariés. L’Assemblée nationale a renvoyé cette décision à un décret, en précisant que la dispense ne pouvait s’appliquer au-delà du seuil de 50 agents ou salariés.

Contrairement à ce qu’affirme la commission des lois, qui a supprimé cette exemption destinée aux petites structures, le Conseil d’État s’est montré réservé non pas sur le principe de la fixation d’un seuil, mais sur le plafond retenu dans le projet de loi initial.

Cet amendement vise donc à rétablir le principe d’un seuil, ce qui semble être une solution équilibrée, et à en renvoyer la définition à un décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir la version adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui vise à exonérer de l’obligation de publication de leurs données les entités dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret.

Je rappelle que la commission des lois a supprimé cette notion de seuil d’agents ou salariés, dans la mesure où chacun, à la suite du Conseil d’État, a pu noter son défaut de pertinence au regard de l’objectif d’ouverture des données publiques, de même que son défaut de transparence et de lisibilité pour les usagers, contrairement au seuil du nombre d’habitants retenu pour les collectivités territoriales.

Au surplus, l’argument selon lequel les moyens humains des petites structures seraient trop limités pour répondre à ces nouvelles obligations paraît sans fondement dès lors que les documents et données concernés doivent être disponibles au format électronique. Par ailleurs, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État, les documents doivent exister en l’état ou pouvoir être obtenu par un traitement automatisé d’usage courant.

Enfin, les représentants de l’association Open Data France, qui regroupe des collectivités territoriales investies dans l’ouverture des données publiques, ont fait valoir lors de leur audition que le nombre d’agents d’une collectivité, qu’elle soit de grande taille – je pense à la ville de Toulouse – ou de petite taille, dépendait pour beaucoup des choix opérés par les élus, notamment celui d’externaliser ou non certains services publics.

Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La question posée est la suivante : faut-il rétablir un seuil en deçà duquel ne s’applique pas l’obligation d’ouverture des données publiques ? En l’occurrence, vous proposez, monsieur le sénateur, de fixer un seuil par décret, sans prévoir le plafond de 50 agents ou salariés.

Cette proposition paraissant équilibrée, le Gouvernement y est favorable. Il s’agit tout simplement d’éviter que les plus petites collectivités ne soient surchargées. Celles-ci sont en effet dotées de moyens limités et il convient donc de les préserver. À cet égard, l’avis du Gouvernement rejoint les préventions exprimées par les associations d’élus et le Comité national d’évaluation des normes, lors de nos entretiens avec leurs représentants.

L’État souhaite accompagner les collectivités locales dans cette politique d’ouverture des données publiques et encourager toutes les formes de mutualisation des plateformes d’accueil et de partage de ces données, notamment en confiant cette responsabilité à la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, et à l’Agence du numérique. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour saluer M. Henri Verdier, directeur général de la DINSIC.

Il semble nécessaire de restaurer la possibilité d’un seuil pour les petites collectivités. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Connaissant la situation difficile dans laquelle se trouvent nos collectivités, je ne suis pas du tout insensible à l’amendement présenté par notre collègue Yves Rome. Au demeurant, je ne sais pas si la bonne référence à prendre en considération est le nombre des agents ou celui des habitants.

Par ailleurs, n’oubliez pas, mes chers collègues que le territoire national n’est pas entièrement couvert aujourd'hui par le haut débit, ce qui limite l’accès à Internet.

Au minimum, monsieur le rapporteur, il aurait fallu modifier cet amendement en fixant une limite dans le temps : je pense à la date à laquelle l’ensemble du territoire national bénéficiera du haut débit. Prenez en considération la situation des communes ayant de très faibles effectifs et moyens. N’allons pas leur imposer aujourd'hui une contrainte qu’elles ne pourraient pas assumer ou qui leur coûterait quelque argent !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.

(L'amendement est adopté.)

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Discussion générale

14

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la modification de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité et de chaleur.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires économiques et à celle de l’aménagement du territoire et du développement durable.

15

Retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, Mme Corinne Bouchoux, présidente du groupe écologiste, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du jeudi 19 mai 2016 de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à intégrer le principe de substitution au régime juridique des produits chimiques.

Acte est donné de cette demande.

16

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Sophie Joissains, membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Michel Mercier, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

17

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s’est réunie ce soir.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MERCREDI 27 AVRIL 2016

À 14 h 30

- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, ainsi que sur l’impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage

- Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord

- Débat sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances)

• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

À 16 h 30, le soir et la nuit jusqu’à 1 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

JEUDI 28 AVRIL 2016

À 10 h 30

- Explications de vote et vote, en deuxième lecture, sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (texte de la commission, n° 530, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure d’examen en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le rapporteur de la commission pendant 10 minutes et un représentant par groupe pendant 7 minutes, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pendant 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 avril, à 17 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 avril, à 11 heures

À 16 h 15 et le soir, jusqu’à 0 h 30

- Suite du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

VENDREDI 29 AVRIL 2016

À 9 h 30 et de 14 h 30 à 19 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

SEMAINE DE CONTRÔLE

LUNDI 2 MAI 2016

À 10 heures, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

MARDI 3 MAI 2016

À 15 h 15

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 2 mai, à 17 heures

De 16 heures à 16 h 30

- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (texte de la commission, n° 535, 2015-2016)

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 3 mai, à 12 h 30

À 17 h 45

- Débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 2 mai, à 17 heures

- Débat sur le cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques (demande de la commission des affaires sociales)

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 2 mai, à 17 heures

MERCREDI 4 MAI 2016

À 14 h 30

- Débat sur les conclusions du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les femmes et les mineur-e-s victimes de la traite des êtres humains (demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes)

• Temps attribué à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 3 mai, à 17 heures

- Débat sur le rôle et l’action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme (demande du groupe RDSE)

• Temps attribué au groupe RDSE : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 3 mai, à 17 heures

- Débat sur « la Stratégie Nationale de l’Enseignement Supérieur » (demande du groupe socialiste et républicain)

• Temps attribué au groupe socialiste et républicain : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 3 mai, à 17 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 10 MAI 2016

À 9 h 30

- 26 questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

• n° 1278 de Mme Pascale GRUNY à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Traitements innovants des déchets des établissements de santé)

• n° 1307 de M. Jacques GENEST à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (Allocation chômage d’un fonctionnaire révoqué)

• n° 1320 de M. Daniel CHASSEING à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Numerus clausus)

• n° 1321 de M. Jean-Baptiste LEMOYNE à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique (Fracture numérique et couverture des zones grises)

• n° 1323 de Mme Élisabeth LAMURE à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports (Assouplissement des démarches administratives relatives au service civique)

• n° 1325 de M. Patrick CHAIZE à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Enquête nationale sur l’éclairage public en 2014)

• n° 1327 de M. Yannick VAUGRENARD à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Faisabilité d’un dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante)

À 9 h 30 (suite)

• n° 1328 de Mme Élisabeth DOINEAU à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire (Création d’un statut de personne morale non professionnelle)

• n° 1332 de Mme Agnès CANAYER à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Politique forestière en Seine-Maritime)

• n° 1333 de M. Michel CANEVET transmise à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire (Simplification de la réglementation pesant sur le secteur touristique)

• n° 1335 de M. Alain MARC à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Atterrissements dans les cours d’eau)

• n° 1338 de Mme Dominique ESTROSI SASSONE à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Assurance des équipements et des infrastructures des collectivités locales)

• n° 1341 de Mme Laurence COHEN à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (Difficultés du pôle aérien d’Air France à Paris Charles-De-Gaulle)

• n° 1343 de M. Bernard CAZEAU transmise à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Modalités de recensement des logements sociaux dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement)

• n° 1350 de M. Patrick ABATE à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Avenir du régime local d’assurance maladie en Alsace-Moselle)

• n° 1351 de M. Alain NÉRI à M. le ministre de l’intérieur (Commissariats de police de Cournon-d’Auvergne et Gerzat)

• n° 1352 de M. Jean Louis MASSON à M. le ministre de l’intérieur (Cumul de mandats)

• n° 1357 de Mme Patricia SCHILLINGER à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Recettes de la communauté d’agglomération des Trois frontières et accord franco-suisse sur l’aéroport de Bâle-Mulhouse)

• n° 1358 de M. Roger MADEC à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable (Droit au logement opposable et disparité dans la mobilisation du contingent préfectoral entre les départements)

À 9 h 30 (suite)

• n° 1362 de M. Philippe KALTENBACH à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Intégration des départements de la petite couronne au sein de la métropole du Grand Paris)

• n° 1363 de Mme Catherine PROCACCIA à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Avenir du carburant diesel et des véhicules)

• n° 1367 de M. Dominique WATRIN à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Contrôle de l’utilisation des fonds publics dans les écoles privées)

• n° 1368 de M. Yves DAUDIGNY transmise à M. le ministre de l’intérieur (Restrictions de circulation des convois exceptionnels dans l’Aisne)

• n° 1371 de M. Roland COURTEAU à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Bassin versant de la Berre et réserve africaine de Sigean)

• n° 1390 de M. Pierre LAURENT à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (Ligne Charles-de-Gaulle-Express)

• n° 1422 de M. Martial BOURQUIN à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie (Difficultés financières des associations d’aide à la famille)

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 50-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : ouverture de la réunion de la commission pour le rapport et le texte

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 mai après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 7 minutes pour chaque groupe, à raison d’un orateur par groupe, et 3 minutes pour l’orateur des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 mai, à 17 heures

À 14 h 30 et le soir (suite)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réformant le système de répression des abus de marché (n° 542, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 mai, à 17 heures

- Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 484, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avec une saisine pour avis de la commission des lois pour la deuxième lecture.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 28 avril, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 3 mai, à 18 heures, et mercredi 4 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 mai début d’après-midi et mercredi 11 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 mai, à 17 heures

MERCREDI 11 MAI 2016

À 14 h 30 et le soir

- Suite de l’ordre du jour de la veille

JEUDI 12 MAI 2016

À 10 h 30

5 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant n° 6 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale (n° 348, 2015-2016)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 482, 2015-2016)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 669, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil en vue de l’établissement d’un régime spécial transfrontalier concernant des produits de subsistance entre les localités de Saint-Georges de l’Oyapock (France) et Oiapoque (Brésil) (n° 298, 2015-2016)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil concernant les transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises (n° 153, 2015-2016)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 10 mai, à 17 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord portant création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (n° 483, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 30 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 mai, à 17 heures

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 484, 2015-2016)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 12 mai, à 11 heures

À 16 h 15 et le soir

- Suite de l’ordre du jour du matin

SEMAINE SÉNATORIALE

MARDI 17 MAI 2016

À 14 h 30

- Proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, présentée par MM. Xavier PINTAT et Jacques GAUTIER (n° 504, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 mai début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 13 mai, à 17 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 17 mai, à 12 h 30

À 17 h 45 et le soir

- Suite éventuelle de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils (n° 504, 2015-2016)

- Proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, présentée par M. Gérard LONGUET (n° 522, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 mai début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 13 mai, à 17 heures

MERCREDI 18 MAI 2016

De 14 h 30 à 18 h 30

(ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen)

- Proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale, présentée par M. Éric BOCQUET et plusieurs de ses collègues (n° 402, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 mai, à 17 heures

De 14 h 30 à 18 h 30

(ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen) (suite)

- Proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs, présentée par Mme Éliane ASSASSI et plusieurs de ses collègues (n° 257, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 mai, à 17 heures

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit

(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

- Proposition de résolution présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Didier GUILLAUME, Richard YUNG et les membres du groupe socialiste et républicain, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle (n° 523, 2015-2016)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 mai, à 17 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit

(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) (suite)

- Proposition de loi visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale, présentée par M. Yannick BOTREL et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 273 rectifié, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 mai, à 17 heures

JEUDI 19 MAI 2016

À 10 h 30

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (n° 481, 2015-2016) (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 13 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 mai, à 17 heures

De 14 h 30 à 18 h 30

(ordre du jour réservé au groupe écologiste)

- Proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean DESESSARD et les membres du groupe écologiste (n° 353, 2015-2016)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 mai, à 17 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation (texte de la commission, n° 427, 2015-2016)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 24 MAI 2016

À 14 h 30 et le soir

- Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 495, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 10 mai après-midi et, éventuellement, le soir et mercredi 11 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 19 mai, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 24 mai matin et, éventuellement, à la suspension de l’après-midi et mercredi 25 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 mai, à 17 heures

MERCREDI 25 MAI 2016

À 14 h 30 et le soir

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 495, 2015-2016)

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (texte de la commission, n° 519, 2015-2016), en examen conjoint avec la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, présentée par MM. David ASSOULINE, Didier GUILLAUME et les membres du groupe socialiste et républicain (n° 416, 2015-2016) (rapport commun)

JEUDI 26 MAI 2016

À 10 h 30

- Suite de l’ordre du jour de la veille

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 26 mai, à 11 heures

À 16 h 15 et le soir

- Suite de l’ordre du jour du matin

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 11 mai 2016, à 19 heures

Je vais maintenant consulter le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.

Y a-t-il des observations ?…

Ces propositions sont adoptées.

18

Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 4

République numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier, l’examen des amendements déposés à l’article 4.

TITRE IER (suite)

LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR

Chapitre Ier (suite)

Économie de la donnée

Section 1 (suite)

Ouverture de l’accès aux données publiques

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 4 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 213, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

versions mises à jour

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement que nous avions défendu lors de l’examen de l’article 1er ter. Les termes du débat ont donc déjà été posés.

Nous ne pouvons pas admettre que l’administration s’oppose à une publication dont l’intérêt n’est pas avéré en raison du faible nombre de demandeurs.

La commission des lois s’inspire du rapport de la mission sénatoriale d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux documents publics pour opérer une distinction selon l’intérêt que représenterait leur diffusion.

Pourtant, le rapport de la mission sénatoriale précité prévoyait un dispositif permettant d’assurer une harmonisation des procédures d’instruction et d’apporter plus de transparence dans le traitement des demandes.

En l’absence de critères objectifs pour définir le « nombre significatif » – cela fait écho au débat que Jean-Pierre Sueur a soulevé tout à l’heure –, nous proposons de rétablir l’obligation de publication des communications à un usager.

M. le président. L'amendement n° 529 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Barbier, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

et à condition que ces documents aient fait l’objet de demandes de communication émanant d’un nombre significatif de personnes

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Nous partageons l’analyse de notre collègue Yves Rome. Nous souhaitons la suppression de la référence à un « nombre significatif de personnes », qui nous semble approximative et imprécise.

Cela me rappelle le sketch de Fernand Raynaud qui, à la question « Combien de temps le fût du canon met-il pour refroidir ? », répondait : « Un certain temps ! » (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les auteurs de ces deux amendements veulent supprimer deux apports de la commission.

D’une part, nous avons permis une clarification : la demande porte sur un document communicable à toute personne, et non au seul intéressé. D’autre part – il y est fait référence dans l’objet de l’un des amendements –, nous avons offert à l’administration la possibilité de refuser la publication d’un document lorsque l’intérêt n’en est pas avéré.

J’accepte volontiers la critique. La rédaction que j’ai proposée, « un nombre significatif de personnes », est peut-être trop imprécise.

Toutefois, les mêmes causes produisent les mêmes effets. J’avais demandé le retrait ou le rejet des amendements similaires lors de l’examen de l’article 1er ter ; ils ont d’ailleurs été rejetés. Par cohérence, je sollicite le retrait de ces deux amendements, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. À l’instar des sénateurs Yves Rome et Jean-Claude Requier, je m’interroge sur le sens de la notion de « nombre significatif ».

Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements, pour les raisons évoquées précédemment.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 529 rectifié n’a plus d'objet.

L'amendement n° 214, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

Le contenu des bases de données, mis

par les mots :

Les bases de données, mises

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à préciser que les « bases de données » feront l’objet du dispositif d’open data.

L’élargissement des obligations de publication marque une nouvelle avancée. La Commission d’accès aux documents administratifs, ou CADA, estime que le droit d’accès porte non seulement sur des documents stricto sensu, mais également sur des bases de données. Elle précise que les données présentent un caractère achevé dès lors qu’elles sont entrées dans la base et qu’elles sont donc immédiatement communicables de plein droit, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

En 2006, la Commission a émis un avis favorable sur la communication par voie électronique des données brutes du recensement des actes graves de violence survenus à l’école et à ses abords pour chaque collège et lycée public. Elle a invité le ministère de l’éducation nationale à compléter la communication de la base de données par celle du dictionnaire des codes, qui permet de comprendre les données. Et elle a recommandé au ministre, qui craignait que des erreurs ne soient commises, par exemple pour l’interprétation, de procéder lui-même au traitement des données demandées et d’indiquer au demandeur les précautions à prendre à cet égard.

La référence au « contenu » des bases de données crée une insécurité juridique. Un contenu non structuré est contraire à l’intention du législateur de voir fournir des données utilisables !

Enfin, publier uniquement le contenu d’une base de données reviendrait à en extraire toutes les informations pour créer un nouveau fichier. En définitive, cela aboutirait à obliger les administrations à créer systématiquement de nouveaux documents.

Or, dans le cadre de la loi du 17 juillet 1978, l’intention du législateur est de ne communiquer que des documents existants.

La doctrine de la CADA est d’ailleurs constante depuis 2000. Cette instance a toujours été défavorable aux demandes nécessitant l’élaboration d’un nouveau document allant au-delà d’un traitement automatisé d’usage courant et représentant une charge trop importante.

La restriction au contenu des bases de données n’est pas pertinente. Nous en demandons donc la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position que la commission a adoptée.

L’important, c’est le contenu de la base de données, et non la base en soi. Je prie donc l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La « base de données » et le « contenu de la base de données », ce n’est pas la même chose !

La confusion peut créer une insécurité juridique. Pour publier uniquement le « contenu » d’une base de données, il faudrait en extraire toutes les informations et créer un nouveau fichier. Cela aurait pour conséquence d’obliger les administrations à créer systématiquement de nouveaux documents. Je ne suis pas certaine que cela soit l’effet visé, monsieur le rapporteur.

Depuis 1978, l’intention du législateur a toujours été univoque : le droit de communication ne s’exerce que sur des documents existants, et non sur des documents nouvellement créés pour la publication.

Je vous en donne un exemple concret. Le Système national d’identification et répertoire des entreprises et de leurs établissements, ou répertoire SIRENE, est actualisé plus de 10 000 fois par jour. Nous n’allons pas demander à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, de procéder quotidiennement à 10 000 extractions de données pour créer une nouvelle base de données à chaque fois !

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement, qui est juridiquement très important.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 488 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

qu’elles produisent

insérer les mots :

à l’occasion de l’exploitation du service public dont elles assurent la gestion et qui sont indispensables à son exécution,

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement rédactionnel vise à aligner les obligations de l’article 4 sur celles qui s’imposeraient aux délégataires de service public en vertu de l’article 10 et qui ont déjà été adoptées par l’Assemblée nationale le 26 janvier dernier.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 158 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Mandelli et Longeot.

L'amendement n° 275 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller.

L'amendement n° 487 rectifié est présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi et M. J.P. Fournier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

ou qu’elles reçoivent

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 158 rectifié.

M. François Commeinhes. Cet amendement tend à limiter l’obligation pour les administrations de publier leurs bases de données à celles qu’elles produisent. En effet, l’alinéa 6 de l’article leur impose aussi de publier celles qu’elles reçoivent. Or il convient de ne pas imposer des charges trop lourdes aux administrations, notamment aux collectivités territoriales.

Au demeurant, la liste des documents administratifs prévus par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal est déjà très longue.

Une telle limitation nous paraît donc nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 275 rectifié.

M. Éric Doligé. Tout à l’heure, nos collègues Jean-Pierre Sueur et Yves Rome ont insisté sur la nécessité de ne pas créer de nouvelles charges pour les collectivités locales. Mme la secrétaire d’État était d’ailleurs d'accord. Les dispositions de mon amendement vont dans le même sens.

Je note une contradiction : chaque fois que nous formulons des propositions dont l’adoption aurait pour objet de créer une nouvelle charge, même minime, pour l’État, on nous oppose l’article 40 de la Constitution. Mais quand certains envisagent de créer de nouvelles charges pour les collectivités locales, là, il n’y a aucun « article 40 bis » à leur opposer !

Il faudrait peut-être y réfléchir. Voilà, me semble-t-il, une révision constitutionnelle qui serait utile… (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 487 rectifié n’est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 159 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Mandelli, Gremillet, Chatillon et Longeot.

L'amendement n° 276 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

ou qu'elles reçoivent

par les mots :

à l’occasion de l’exploitation du service public dont elles assurent la gestion et qui sont indispensables à son exécution,

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 159 rectifié.

M. François Commeinhes. Il s’agit d’un amendement de repli, lié au sort qui sera réservé à l’amendement n° 158 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 276 rectifié.

M. Éric Doligé. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à restreindre le champ de l’ouverture des données publiques en excluant les données reçues par les administrations. L’intention est d’écarter du champ d’application les données reçues notamment par les collectivités délégantes dans le cadre d’une délégation de service public.

Une telle restriction ne semble pas souhaitable. En effet, la loi du 17 juillet 1978 codifiée inclut dans la notion même de documents administratifs les documents produits ou reçus par les administrations. Cela reviendrait à créer au sein du régime général du droit d’accès un statut spécifique pour les données publiées de droit.

Cela dit, l’introduction de la notion de « secret des affaires », que j’avais proposée et qui aurait permis une protection supplémentaire, n’ayant pas été retenue, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je ne vois pas bien le rapport entre la distinction des documents produits et reçus par l’administration et le secret des affaires…

La rédaction envisagée dans le projet de loi n’introduit pas de charge nouvelle pour les collectivités locales. Selon une jurisprudence constante, les documents administratifs sont ceux qui sont produits et reçus par l’administration. C’est ce qui est proposé dans le texte.

Adopter de tels amendements reviendrait en quelque sorte à devenir borgnes, puisque l’on ne verrait plus que la moitié de l’activité administrative !

J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, dont je comprends d’ailleurs mal le sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 488 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 158 rectifié et 275 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 159 rectifié et 276 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Genest, Darnaud, Médevielle et Gremillet.

L'amendement n° 523 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

et qui ne font pas

par les mots :

, le cas échéant après concertation entre les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du présent code lorsqu’elles font déjà

L'amendement n° 6 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 523 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de prévoir une concertation entre les administrations concernées par l’obligation de publication, afin de prévenir en amont la création de doublons inutiles et coûteux.

Une telle concertation paraît d’autant plus utile que les dispositions prévues à l’article 9 ne permettent pas de comprendre clairement le rôle que les collectivités territoriales et leurs groupements auront à jouer dans le cadre de la publication de données de référence.

Le Conseil d’État a lui-même souligné le manque de clarté de l’article 9 et a considéré qu’il était entaché d’incompétence négative. La version transmise par l’Assemblée nationale n’a pas permis de clarifier les rôles des uns et des autres.

Compte tenu d’une telle incertitude, la concertation de toutes les administrations concernées par la publication de documents et données en ligne est nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une concertation entre les administrations pour éviter les doublons.

Cela alourdirait considérablement la procédure, alors même que l’objet de la disposition, telle qu’elle est issue de l’adoption d’un amendement du rapporteur en commission, vise précisément à ne pas donner de tâche supplémentaire aux administrations. Il me paraît inutile de publier de nouveau une base de données dont le contenu est déjà disponible.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 523 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 523 rectifié est retiré.

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 533 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 7 de l’article 4 mentionne les « données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt pour le public » parmi les documents et données devant être publiés en ligne par les administrations concernées.

Or cette formulation ne diffère pas réellement de celle qui figure à l’article 6, où il est fait référence au « contenu des bases de données, mis à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ».

Nous estimons donc que l’alinéa 7 pourrait être supprimé.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 162 rectifié ter est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, D. Laurent, Laménie et A. Marc.

L'amendement n° 278 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Mouiller et Milon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Après le mot :

régulière

insérer les mots :

que les administrations produisent et qui présentent un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 162 rectifié ter.

M. François Commeinhes. Cet amendement vise à préciser que seules les données produites par les administrations et présentant un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental sont publiées.

Néanmoins, je crains que cet amendement ne connaisse le même sort que mes précédents amendements.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 278 rectifié.

M. Éric Doligé. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 442, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

pour le

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Nous souhaitons également modifier l’alinéa 7, mais pour d’autres raisons.

La rédaction qui est envisagée pour déterminer les documents que les administrations doivent rendre disponibles sous forme électronique nous semble imprécise.

Selon l’alinéa 7, les administrations doivent publier en ligne « les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt pour le public ».

Or la notion d’« intérêt pour le public » ne nous paraît pas suffisamment précise. Elle emporte un risque de confusion sur un plan juridique, car elle n’est pas propre au droit administratif. Nous souhaitons donc supprimer les mots : « pour le ». Il faut éviter de complexifier le droit positif et de multiplier les nouvelles catégories juridiques.

Par exemple, le collectif Regards citoyens avait proposé de conserver l’expression « intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental », adoptée par l’Assemblée nationale, ou de se limiter à la formule « intérêt public ».

Ce débat n’est pas uniquement technique et juridique. En effet, selon la formulation retenue, la quantité de données qui devra être mise en ligne par les administrations pourra varier d’un à dix. Dans notre société, les citoyennes et citoyens connectés sont en demande de pouvoir bénéficier du plus grand nombre d’informations. La notion d’intérêt pour le public est extrêmement large.

À l’inverse, l’« intérêt public » est défini et encadré par le droit. Cela permettra de limiter les données rendues accessibles sur internet.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 160 rectifié ter est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, D. Laurent, Laménie et A. Marc.

L'amendement n° 277 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Milon et Mouiller.

L'amendement n° 331 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 489 rectifié est présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi et M. J.P. Fournier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

pour le public

par les mots :

économique, social, sanitaire ou environnemental

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié ter.

M. François Commeinhes. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 277 rectifié.

M. Éric Doligé. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 331.

Mme Corinne Bouchoux. Nous entrons dans le vif du sujet. Il est beaucoup question de transparence. Or l’avis de la CADA, qui est certes consultatif, mais qui est très intéressant, a-t-il été porté à la connaissance de nos collègues ? Cela permettrait d’éclairer nos débats.

Je me doute de ce que sera la réponse de M. le rapporteur. Il n’empêche : la notion d’intérêt « pour le public » est éminemment subjective ! Qui décidera de ce qui est intéressant pour le public ? Et d’ailleurs, pour quel public ? Le texte proposé manque de précision.

Les débats à l’Assemblée nationale, que nous avons suivis, ont été équilibrés, contradictoires et pertinents, nous semble-t-il. Nous souhaitons donc revenir à la rédaction de nos collègues députés, en rétablissant les mots : « économique, social, sanitaire ou environnemental » dans le texte.

Je constate d’ailleurs que cette demande est partagée sur différentes travées de l’hémicycle. Peut-être parviendrons-nous dès lors à avancer.

M. le président. L'amendement n° 489 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Chacun l’aura compris, ces amendements, qui visent à limiter la publication des données, sont contraires à la position de la commission.

Les auteurs des amendements identiques nos 160 rectifié ter, 277 rectifié et 331 veulent revenir sur le choix de la commission de substituer la notion d’« intérêt pour le public » à une énumération non exhaustive.

La notion d’« intérêt pour le public » n’est peut-être pas suffisamment précise, mais la liste qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, elle, est bien restrictive. Il n’est fait nulle référence à l’aspect culturel, par exemple la dimension historique, voire à l’aspect démocratique, alors que certains n’ont de cesse de parler de « démocratie » depuis le début de ce débat ! La rédaction proposée par la commission a au moins le mérite d’être générale et de n’oublier aucun aspect.

Les amendements identiques nos 162 rectifié ter et 278 rectifié tendent quant à eux à limiter la publication aux seules données produites par les administrations.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il serait sans doute contre-productif d’élargir le champ de l’application à toutes les données qui présentent un intérêt pour le public. En effet, cela renforcerait très certainement le caractère discrétionnaire et subjectif des choix opérés par l’administration. En revanche, il est utile de préciser que l’intérêt peut être d’ordre économique, social, sanitaire ou environnemental.

Prenons un exemple concret. La conférence environnementale, qui se tient sur une base annuelle depuis 2012, a eu lieu aujourd'hui. Les données publiques en matière de gestion des forêts, du littoral, des plages, d’impact environnemental, de déchets, d’énergie ou de transports, qui sont souvent issues de contrats exécutés par des régies ou des concessions, présentent un intérêt environnemental très fort.

Pour que la politique d’open data soit efficace, il faut mieux la cibler en orientant les administrations vers le type d’informations devant être rendues publiques.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception des amendements identiques nos 160 rectifié ter, 277 rectifié et 331.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 rectifié ter et 278 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 160 rectifié ter, 277 rectifié et 331.

M. Éric Doligé. Je remercie Mme Bouchoux d’avoir déposé un amendement identique au mien. Si elle l’avait fait pour certains de mes amendements du même tonneau, si j’ose dire, ils auraient eu des chances d’être adoptés. (Sourires.)

Tout cela est donc quelque peu « orienté ». Quoi qu’il en soit, je remercie infiniment ma collègue ; je veillerai dorénavant à m’entendre avec elle pour qu’elle soit cosignataire de mes amendements afin qu’ils connaissent un sort meilleur.

Néanmoins, je suis étonné. La position du rapporteur m’a semblé logique, car la disposition est relativement limitative. Tout à l’heure, Mme la secrétaire d’État était formellement opposée à des dispositions limitatives de ce type. Or maintenant elle trouve ça bien ! (Mme la secrétaire d’État proteste.) C’est difficile à suivre. Fort heureusement, j’arrive à me comprendre, ce qui est déjà important dans ce débat.

Je remercie de nouveau Mme Bouchoux, si jamais l’amendement est adopté. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai suivi attentivement les explications des uns et des autres. Ce qui me trouble c’est que, comme l’a rappelé M. le rapporteur, cet amendement me semble limitatif de par les thématiques qui peuvent faire l’objet de communication de données au sein d’une collectivité. Le rapporteur a cité leur caractère culturel, historique ou démographique.

Je m’interroge donc beaucoup sur l’opportunité de voter cet amendement. Pour ce qui me concerne, j’estime qu’à partir du moment où l’on adopte le principe de l’open data – je l’ai justifié tout à l’heure par un certain nombre de votes – il ne faut pas être limitatif, sauf dans le cadre d’une protection nécessaire et avérée des données.

Pour le moins, je m’étonne du retour à une écriture plus restrictive. Je me trompe peut-être, mais c’est du moins ce qu’il me semble d’après les explications données.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 160 rectifié ter, 277 rectifié et 331.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 551 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ et Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité mentionnées à l’article L. 1115-1 du code des transports.

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. La loi Macron introduit au sein du code des transports un chapitre dédié à la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité. Ces dispositions ont consacré l’obligation pour les producteurs de données de mobilité de diffuser celles-ci – c’est important – librement, immédiatement et gratuitement au public et aux autres exploitants.

Le format ouvert de diffusion doit permettre la réutilisation libre, immédiate et gratuite. L’encadrement des possibilités d’instauration d’une redevance a déjà été prévu par l’article dédié du code des transports, en matière de données de mobilité exclusivement.

Toutefois, le projet de loi pour une République numérique n’intègre pas dans ses dispositions actuelles les données de mobilité, alors même qu’il apparaît pertinent de placer ces données sous le même régime juridique que les autres données, en vue d’éviter une identification et un traitement différencié, sources de complexité et d’insécurité juridique pour les producteurs de données de transport chargés de les publier ou de les diffuser.

Le présent amendement vise à garantir un cadre juridique de publication et de réutilisation identique pour les données de mobilité et les données d’ores et déjà mentionnées à l’article 4 du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement rejoint l’amendement n° 152 rectifié de M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, que nous avons examiné tout à l’heure. Le commentaire est donc le même.

Comme le précise l’étude d’impact jointe au projet de loi, le régime général de la loi CADA codifiée ne remet pas en cause les régimes spéciaux d’ouverture des données introduits dans les différents codes, que ce soit le code des transports ou le code de l’énergie comme à l’article 12 bis du présent projet de loi.

Je rejoins la préoccupation des auteurs de l’amendement quant à la lisibilité de ces dispositifs juridiques. Pour autant, l’ajout qu’ils proposent ne me paraît pas nécessaire. Il semble même source d’a contrario puisqu’il n’est pas exhaustif.

La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Monsieur Husson, l'amendement n° 551 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 551 rectifié est retiré.

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

II. – Après l’alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 312-1-2-1. – Avant leur publication, les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 312-1-1 comportant des mentions entrant dans le champ d'application des articles L. 311-5 ou L. 311-6 ou des données à caractère personnel font l’objet d’une analyse du risque de divulgation des secrets protégés par la loi ou de réidentification des personnes.

« Cette opération est renouvelée à intervalles réguliers.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Une véritable politique de l’open data, soucieuse de la protection des données, doit permettre d’évaluer le risque que fait peser sur les individus la publication potentielle des bases de données de l’administration.

Cette évaluation est une démarche habituelle, promue notamment par la CNIL dans ses guides pratiques. Elle est aussi au cœur de la stratégie mise en œuvre par l’équivalent de la CNIL et de la CADA en Grande-Bretagne.

Elle consiste à s’interroger, préalablement à l’ouverture de la base, sur les risques de divulgation des secrets protégés par la loi, de réidentification ou de fuites de données personnelles, ainsi que sur leurs conséquences, et à déterminer s’il est souhaitable ou non de procéder à cette ouverture.

Cette analyse est effectuée par l’administration concernée, qui doit la reconduire à intervalles réguliers, pour tenir compte des nouvelles possibilités de réidentification.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 303 est présenté par M. Raoul.

L'amendement n° 332 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 390 est présenté par Mme S. Robert.

L'amendement n° 618 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 303.

M. Daniel Raoul. La commission a introduit la mesure suivante : « La publication est précédée d’une analyse de risques afin de prévenir toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés en application des articles L. 311–5 et L. 311–6 ». L’amendement proposé vise à supprimer cet alinéa.

Sur le fond, nous sommes tous d’accord au sujet de l’analyse des risques. Sauf que, en creux, tel que l’alinéa est rédigé, il suppose que nos administrations ne conduisent pas actuellement systématiquement une telle analyse afin de vérifier si un document est communicable et dans quelles conditions. C’est un procès d’intention par rapport aux administrations, qui doivent appliquer la loi.

Nous estimons que les administrations se conforment à la loi a priori et prennent donc en compte leurs obligations découlant des articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration, d’ailleurs mentionnés à l’alinéa premier de l’article L. 312–1–1 du même code. La disposition est donc superfétatoire ou alors il s’agit d’un procès d’intention !

Aujourd’hui, concrètement, les administrations sont particulièrement sensibilisées à ce risque qu’elles prennent très au sérieux. L’écrire dans la loi est superfétatoire ou relève d’un procès d’intention, je le répète, et laisse entendre que les administrations doivent produire un document supplémentaire. En toute rigueur, la mesure introduite par la commission devrait être supprimée au titre de l’article 40 de la Constitution, car il s’agit bien d’une charge supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’alinéa 8.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 332.

Mme Corinne Bouchoux. Tout à l’heure, j’ai présenté un amendement identique à celui de M. Doligé et, ici, je présente un amendement identique à celui de M. Raoul : c’est la magie de l’open data ! (Sourires.)

Cet amendement, comme l’a souligné mon collègue Daniel Raoul, vise à supprimer l’alinéa 8.

Premièrement, les administrations conduisent déjà une telle analyse de risques. Supposer, au travers d’une loi, qu’elles ne le feraient pas ou qu’elles le feraient mal n’est pas très correct à leur égard, d’autant qu’elles réalisent très bien leur travail.

Deuxièmement, à supposer qu’elles aient un doute ou une inquiétude, un remarquable site en open data contient maintenant toutes les jurisprudences de la CADA – je vous invite à le consulter. Dès qu’une administration se pose une question ou rencontre un souci, il lui est possible de demander une expertise, réalisée très sérieusement par l’administration et par la CADA.

Il n’y a donc aucune raison d’ajouter une telle mesure dans ce texte. C’est inutile et laisse penser que les administrations ne sont pas scrupuleuses. N’allons pas dans ce sens. Comme l’a souligné Daniel Raoul, ce n’est pas une bonne idée. Je vous renvoie sur ce point au rapport Hyest-Bouchoux, qui contient de nombreuses idées, mais en l’état pas celle-là !

Faisons confiance à l’administration. Il s’agit d’une loi d’ouverture, non d’une loi de méfiance. J’ai un peu l’impression que l’on donne d’une main et que l’on reprend de l’autre. Tout cela ne me paraît pas aller dans le bon sens.

M. le président. L'amendement n° 390 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 618.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 8 qui prévoit que, préalablement à la publication des données sur internet, les administrations procèdent à une analyse de risques afin de prévenir toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés.

Si nous sommes favorables à la protection des secrets protégés, les articles L. 311–5 et L. 311–6 prévoient déjà l’interdiction des diffusions portant atteinte aux secrets protégés.

Actuellement, sont par exemple protégés et non accessibles les documents qui pourraient porter atteinte à l’exercice des activités régaliennes de l’État et à l’intérêt général. Ainsi, ne sont pas communicables les délibérations du Gouvernement, le secret de la défense nationale, la conduite de la politique extérieure, la sûreté de l’État, la sécurité publique ou des personnes, le déroulement des procédures juridictionnelles, la recherche des infractions fiscales et douanières, etc.

Dès lors, ajouter à l’alinéa 8 cette mention ne semble pas opportun, d’autant que l’analyse des risques prévue n’est pas encadrée et peut donc se transformer en une contrainte excessive contraire à l’esprit du projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 531 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Afin de prévenir toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés en application des articles L. 311-5 et L. 311-6, la Commission nationale de l’informatique et des libertés assiste les administrations dans l’établissement d’une analyse de risques préalable à la publication de ces documents et données.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 8 de l’article 4 prévoit que la publication des documents et données concernés par l’article est précédée de l’établissement d’une analyse de risques.

Or l’élaboration de cette analyse de risques, qui vise l’objectif légitime d’éviter la publication de données sensibles énumérées aux articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration, pourrait représenter une formalité excessive pour les administrations concernées, sans le soutien de la CNIL.

La mention du rôle d’assistance de la CNIL dans cette tâche pourrait faciliter l’élaboration de ces analyses de risques et donc la publication des données publiques non sensibles.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 161 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Gremillet et Chatillon.

L'amendement n° 279 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Après le mot :

articles

insérer la référence :

L. 311-4,

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 161 rectifié.

M. François Commeinhes. Cet amendement prévoit d’étendre la prévention de toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés, aux cas mentionnés à l’article L. 311–4, relatifs aux droits de propriété littéraire et artistique.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 279 rectifié.

M. Éric Doligé. Un certain nombre de personnes, notamment des artistes, réalisent des documents paraissant sur tous les sites, sans leur autorisation. Cela pose des problèmes en termes de captation de la propriété artistique. C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement, bien que je ne sois pas forcément favorable aux restrictions. Quoi qu’il en soit, il me paraît important de respecter la propriété littéraire et artistique. M. le rapporteur nous expliquera peut-être les raisons qu’a la commission de penser autrement ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 216 rectifié est en partie satisfait par le texte de la commission, qui a introduit cette obligation d’analyse de risques.

Il est cependant plus limité dans la mesure où il se cantonne à ce risque de réidentification sans prévoir le risque de divulgation d’un secret protégé par la loi. Il est en revanche plus large dans la mesure où il inclut les publications effectuées en vertu de l’article L. 312–1 et prévoit un réexamen à intervalle régulier.

Je vous proposerai donc volontiers de mixer les deux rédactions. J’émets un avis favorable à l’amendement rectifié à la demande de la commission.

La commission est défavorable aux amendements identiques nos 303, 332 et 618, qui visent à supprimer l’alinéa 8, ce qui est contraire à notre position.

M. Requier a présenté un amendement n° 531 rectifié. L’analyse de risques va au-delà du seul risque de réidentification des personnes puisqu’elle inclut le risque de divulgation de secrets protégés par la loi. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 161 rectifié et 279 rectifié visent à inclure les droits de propriété littéraire et artistique dans le champ de l’analyse de risques. Ils méconnaissent ainsi la différence entre, d’une part, la protection assurée par la loi CADA codifiée aux secrets absolus – article L. 311-5 – et relatifs – article L. 311-6 – et, d’autre part, le respect des droits de propriété littéraire et artistique.

Si les secrets excluent ou restreignent toute communication ou diffusion, le respect des droits de propriété littéraire et artistique ne fait pas obstacle à la communication ou à la publication des documents. Comme le rappelle la CADA, il emporte proscription de « l’utilisation collective qui pourrait en être faite et notamment l’interdiction de reproduire, de diffuser ou d’utiliser à des fins commerciales les documents communiqués ».

Toute infraction aux droits protégés par cette disposition ou par le code de la propriété intellectuelle tomberait donc sous le coup des sanctions prévues par la loi.

Dès lors, l’inclusion dans le champ de l’analyse de risques ne fait pas sens. La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 303, 332 et 618. Par conséquent, il demande le retrait de l’amendement n° 216 rectifié ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Le texte issu de la commission des lois du Sénat a introduit la notion d’analyse de risques systématique avant la publication de données par une administration. Il s’agit selon moi d’une fausse bonne idée.

Tout d’abord, une analyse de risques systématique est déjà réalisée. L’article 4 du projet de loi prévoit d’obliger les administrations d’anonymiser rigoureusement les documents qu’elles publient. Elles doivent les soumettre à un traitement permettant de rendre impossible l’identification des personnes. Cette obligation est donc déjà satisfaite par l’article 4 du texte.

En outre, le respect de cette norme n’impose pas que l’administration effectue une telle analyse de risques à chaque fois qu’elle publie un nouveau document comportant des données personnelles. Il s’agirait d’une charge beaucoup trop lourde et d’un frein beaucoup trop important à la publication des données publiques. C’est un peu comme si on imposait aux médecins, toutes les fois qu’ils prescrivent un médicament, de réaliser leur propre évaluation scientifique de la molécule utilisée !

Inscrire dans la loi une telle obligation serait totalement irréalisable en pratique et impossible à contrôler. Ce serait suspendre une épée de Damoclès au-dessus de l’open data, notamment pour les collectivités locales, au moment de procéder à la publication des données.

Cela étant, je partage naturellement l’objectif visé, à savoir la protection des données personnelles. Il existe en effet des risques de réidentification, via l’utilisation du big data, de l’intelligence artificielle. C’est pourquoi il est essentiel de faire progresser les techniques d’anonymisation. Celles-ci sont très nombreuses, graduées, parfois complexes. Elles vont d’une simple occultation des nom, prénom et date de naissance, que l’on fait disparaître d’un document, à des méthodes statistiques très sophistiquées, qui utilisent la notion de « bruit statistique » ou des bases de données rendant moins réidentifiantes certaines variables.

L’action du Gouvernement va dans ce sens. Par exemple, je souhaite lancer un appel à projets dans le cadre du programme d’investissements d’avenir afin d’encourager la recherche et développement dans le secteur des technologies d’anonymisation. Cependant, l’amendement n° 216 rectifié va beaucoup trop loin, d’où l’avis favorable du Gouvernement sur les amendements visant à supprimer l’analyse de risques.

L’amendement n° 531 rectifié prévoit que la CNIL assiste les administrations pour réaliser l’analyse de risques. C’est faire peser une autre charge supplémentaire non seulement sur les administrations qui publient, mais de surcroît également sur la CNIL, qui n’est absolument pas demandeuse et n’aurait en réalité par les ressources nécessaires pour remplir cette tâche.

Quant aux amendements identiques nos 161 rectifié et 279 rectifié, le Gouvernement y est aussi défavorable. Il s’agit d’introduire une réserve relative au droit de propriété littéraire et artistique. Or la CADA a rappelé de nombreuses fois que la disposition concernée n’avait pas pour objet ni pour effet d’interdire la communication publique de ce type de documents. La CADA se borne à rappeler la proscription de l’utilisation collective qui pourrait être faite de documents incluant des droits de propriété littéraire et artistique, notamment l’interdiction de reproduire – je songe à la photocopie –, de diffuser et d’utiliser à des fins commerciales les documents concernés.

Par ailleurs, il existe des sanctions assorties en cas de non-respect des droits de propriété littéraire et artistique. À mes yeux, cet amendement est redondant. Je n’en vois donc pas l’intérêt ni l’utilité.

Pour autant, il explique aussi, et j’en viens à la position défendue par M. Frassa sur les données culturelles, l’absence de la mention expresse de données culturelles dans l’intérêt à publier. Dans la mesure où ce type de données est protégé par des droits spécifiques, cela ajouterait une complexité supplémentaire au moment d’analyser l’obligation de diffuser ou pas. Néanmoins, rien n’empêche les administrations de décider de publier ces données culturelles lorsque les droits de propriété littéraire et artistique sont bien protégés. Cela justifie l’absence de la mention expresse de données culturelles dans les données d’intérêt économique, social, sanitaire et environnemental.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 303, 332, 618, 531 rectifié, 161 rectifié et 279 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 280 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après la référence :

L. 311-6

insérer les mots :

ou contrevenant aux articles 38 et 53 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement de précision vise à assurer la mise en cohérence de l’article 4 avec l’ordonnance du 29 janvier 2016 et le décret du 1er février 2016 relatifs aux contrats de concession.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission souhaitait initialement demander le retrait de cet amendement, car elle avait anticipé l’adoption d’une mesure qui n’a finalement pas été retenue, à savoir l’introduction de la notion de secret des affaires. Dès lors que cette notion n’est pas inscrite dans la loi et que les préoccupations de M. Doligé ne sont pas satisfaites, je ne puis que m’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. Éric Doligé. Quel progrès !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 534 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

conformément à un protocole défini en concertation avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 10 de l’article 4 prévoit que des documents contenant des données sensibles visées par les articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration peuvent être rendus publics après avoir fait l’objet d’un traitement d’occultation, sans plus de précision.

Cet amendement vise donc à insister sur la nécessité d’associer la CNIL à ces opérations en proposant qu’elle puisse participer à l’établissement d’un protocole guidant les services en charge de l’occultation des données sensibles.

J’ai noté le succès qu’a eu tout à l’heure un amendement sur la CNIL. Je pense qu’il en ira de même ici… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Requier, laissez-moi le temps de vous répondre ! (Nouveaux sourires.)

Cet amendement est satisfait par l’article 30 du projet de loi, qui confie à la CNIL une mission de publication de référentiels et méthodologies des processus d’anonymisation. La commission vous demande de le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis que le rapporteur.

Cet amendement est doublement satisfait, monsieur le sénateur, car la CNIL détient déjà ce droit que vous demandez. Il est en effet précisé à l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978 que la CNIL « donne un avis sur la conformité aux dispositions de la présente loi des projets de règles professionnelles et des produits et procédures tendant à la protection des personnes à l’égard du traitement de données à caractère personnel, ou à l’anonymisation de ces données, qui lui sont soumis ».

Par ailleurs, le texte que nous examinons vise à confier un rôle encore plus spécifique de certification, en amont des procédés d’anonymisation qui sont mis en œuvre pour l’ouverture et la publication des données publiques.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 534 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Je retire notre amendement. Nous serons ainsi triplement satisfaits ! (Sourires. – M. Daniel Raoul applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 534 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 163 rectifié bis est présenté par MM. Commeinhes et Chatillon.

L’amendement n° 281 rectifié est présenté par MM. Doligé, Cardoux et Charon, Mmes Cayeux et Deroche et MM. Gournac, Laménie, de Legge, Milon et Mouiller.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

conformément aux indications de la personne ayant transmis les documents et données à l’administration

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 163 rectifié bis.

M. François Commeinhes. Cet amendement vise à renforcer la sécurisation des documents transmis en contraignant l’administration à se conformer aux identifications préalables réalisées par les personnes à l’origine de la transmission.

En effet, il est essentiel que la personne ayant transmis ces documents puisse s’assurer de la préservation de son patrimoine. Elle est par ailleurs plus à même d’identifier les données et informations sensibles la concernant, et qui relèvent du secret commercial et industriel.

Cet accord préalable visant à renforcer la protection des documents est d’autant plus nécessaire que les concurrents européens ou étrangers de ces entreprises ne sont pas soumis à l’obligation de publication de leurs données et informations. En conséquence, il convient de soumettre l’administration à l’obligation de se conformer aux identifications préalables faites par les personnes qui transmettent leurs documents et données.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l’amendement n° 281 rectifié.

M. Éric Doligé. J’ai cherché dans la liasse si Mme Bouchoux n’avait pas présenté un troisième amendement, mais je n’en ai pas trouvé ; cela augure mal du sort du mien… (Sourires.)

J’ai été si satisfait par la précédente adoption de l’un de mes amendements que je n’irai pas plus loin dans la défense de celui-ci. J’espère, quoi qu’il en soit, que celui de François Commeinhes sera adopté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Doligé va être surpris...

Ces amendements tendent à imposer la consultation des personnes ayant produit des documents pour l’occultation des mentions couvertes par un secret protégé par la loi ou susceptibles de porter atteinte à leur vie privée. Il ne s’agit que d’une reformulation d’une disposition déjà en vigueur, la charge de l’occultation revenant à l’administration.

J’émets cependant un avis favorable, car ces amendements ont été rectifiés à la demande de la commission des lois après examen, ce matin, par ladite commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Si je comprends bien le sens de cet amendement, il s’agit d’inscrire dans la loi une obligation d’identifier l’usager qui a transmis un document à l’administration à chaque fois que ce document doit être publié.

Je rappelle que les documents doivent être anonymisés avant leur publication. Par ailleurs, depuis la loi CNIL du 6 janvier 1978, l’accès aux documents administratifs est un droit qui ne saurait être restreint par une identification préalable à la communication des documents. Il n’est en aucun cas nécessaire que la personne concernée identifie le document ou qu’elle donne son consentement pour que le droit à l’information s’exerce. La voie qui est ici empruntée par les auteurs des amendements est très éloignée non seulement de l’esprit de ce projet de loi, mais aussi de celui de la loi CNIL.

Les données personnelles sont protégées, puisque cette loi s’applique, et elles constituent une exception dans le cadre de la communication, la publication et la rediffusion des documents administratifs. Je ne comprends donc pas l’intérêt de cette réidentification préalable à la publication.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je souhaite apporter une précision, sous le contrôle des auteurs des amendements, afin que le Sénat soit complètement éclairé au moment de voter.

Ces amendements visent à protéger les personnes morales dans le cadre de délégations de service public, au sens des articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 163 rectifié bis et 281 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

1° Première phrase :

Supprimer les mots :

ou réglementaires

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l’objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II. – Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :

V. – Le a de l’article L. 321–2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° Après les mots : « un droit », sont insérés les mots : « pour toute personne » ;

2° Sont ajoutés les mots : « conforme aux prescriptions des articles L. 312–1 à L. 312–1–2 ».

… – Le premier alinéa de l’article L. 322–2 du même code est supprimé.

… – Le II bis de l’article L. 1453-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« II bis. – Les informations publiées sur le site internet public unique mentionné au I du présent article sont réutilisables, à titre gratuit, dans le respect de la finalité de transparence des liens d'intérêts. L’article L. 322–1 du code des relations entre le public et l'administration est applicable à cette réutilisation ainsi que, lorsqu’elle donne lieu à un traitement de données, les dispositions de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 7, 38 et 40. »

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Le présent amendement vise à faciliter la publication des documents administratifs comportant des données personnelles.

Pour un très grand nombre d’entre eux, la publication ne porterait pas atteinte à la vie privée. Il est donc souhaitable qu’une disposition réglementaire autorise leur publication sans traitement d’anonymisation.

Pour faciliter la mise en œuvre de cette dérogation, l’amendement prévoit qu’un décret du Premier ministre fixe la liste des catégories de documents pouvant être ainsi rendus publics sans avoir, au préalable, fait l’objet d’un tel traitement. Il vise aussi à faciliter la réutilisation par des tiers de documents administratifs comportant des données personnelles, après qu’ils ont été communiqués sur demande ou publiés par l’administration.

Ce dispositif répond à l’objection formulée par le Conseil d’État au point 27 de son avis sur le présent projet de loi. Un document comportant des données personnelles susceptibles de porter atteinte à la vie privée et qui aurait été publié par erreur par une administration ne pourra donc pas être réutilisé.

En ce qui concerne les documents communiqués sur demande, l’administration doit déjà occulter les mentions portant atteinte à la vie privée en vertu de l’article L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration. Cette précaution permet ainsi de supprimer le premier alinéa de l’article L. 322–2 dudit code, dont les protections ne sont plus nécessaires pour garantir l’absence d’atteinte à la vie privée des personnes concernées.

M. le président. L’amendement n° 186, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

V. – Le premier alinéa de l’article L. 322–2 du code des relations entre le public et l’administration est supprimé.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Peut-être le rapporteur dira-t-il, à ma grande satisfaction, que cet amendement est satisfait ? Je serai également rassurée si Mme la secrétaire d’État me faisait part des mêmes assurances.

Dans son rapport datant d’octobre 2015, la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique de l’Assemblée nationale, composée à parts égales de députés et de personnalités expertes du domaine, indiquait dans sa proposition n°4 qu’il était nécessaire de mieux concilier l’exigence de protection de la vie privée avec l’impératif d’ouverture et de réutilisation des données publiques. Notre amendement s’inspire directement de cette proposition.

Cette recommandation impose la suppression du premier alinéa de l’article L. 322–2 du code des relations entre le public et l’administration qui limite strictement la réutilisation en cas de présence de données personnelles, même si ces données ne constituent pas des atteintes à la vie privée des individus.

Là encore, je ne sais pas si l’avis de la CADA a été rendu public, a été publié ou communiqué aux rapporteurs. Elle y estime que notre proposition n’affecterait pas la portée de la protection de la vie privée, laquelle est déjà assurée trois fois : par l’article 9 du code civil, qui protège d’une manière générale l’intimité de la vie privée ; par l’article L. 311–6 du nouveau code des relations entre le public et l’administration, qui prohibe la communication de documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou de la réputation des personnes, et donc la réutilisation des informations qu’ils comportent ; par le reste de la loi Informatique et libertés, à laquelle renvoie le deuxième alinéa de l’article L. 322–2 du code des relations entre le public et l’administration.

Cette modification, si vous l’adoptez, permettra, en revanche, la libre réutilisation des informations publiques comportant des données à caractère personnel qui ne contreviendraient à aucune de ces garanties protégées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent, comme le texte de la commission, à simplifier le régime de réutilisation des documents comportant des données personnelles.

En premier lieu, l’amendement n° 215 rectifié prévoit une liste de documents exonérés de l’obligation de recueil de l’accord des personnes intéressées ou de traitement en vue de rendre impossible la réidentification pour les documents communiqués ou publiés. Cela va indéniablement dans le sens d’une simplification, tout en apportant des garanties dans la mesure où la CNIL serait consultée.

Dès lors, on pourrait peut-être parfaire le dispositif en supprimant les mots « ou réglementaires » et en prévoyant que l’avis de la CNIL est motivé et publié.

En second lieu, l’amendement n° 215 rectifié précise que la réutilisation des informations ne s’applique qu’à celles dont la communication constitue un droit pour toute personne, à l’exclusion de celles qui sont communicables aux seuls intéressés en application de l’article L. 311–6. Ainsi la réutilisation d’informations comportant des données personnelles n’ayant pas fait l’objet d’un traitement rendant impossible toute réidentification ne devrait-elle plus se poser, ce qui permet de supprimer le premier alinéa de l’article L. 322–2 qui envisageait ce cas de figure.

En conséquence, l’amendement n° 215 rectifié modifie le II bis de l’article L. 1453–1 du code de la santé publique relatif à la réutilisation des informations sur les liens d’intérêt dans le champ de la santé publique.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, lequel a été rectifié à la demande de la commission. L’amendement n° 186 serait ainsi satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 215 rectifié et souhaite le retrait de l’amendement n° 186 à son profit.

Ces amendements concernent la réutilisation des documents administratifs. Faut-il s’interroger de nouveau sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles au moment de cette réutilisation ?

L’open data est une fusée à trois étages.

Le premier étage est la communication sur demande à titre individuel d’un document administratif. Le deuxième est la diffusion, la publication des documents administratifs. Le troisième est la réutilisation des documents qui ont été publiés par des tiers.

Au moment de la réutilisation, donc le troisième étage, faut-il de nouveau vérifier la conformité du document qui a déjà été publié avec la réglementation sur les données personnelles ? L’amendement n° 215 rectifié tend à dire que ce serait totalement superfétatoire et que la charge serait beaucoup trop lourde pour les tiers utilisateurs des documents administratifs qui ont déjà été publiés et qui sont donc en conformité avec cette réglementation.

Permettez-moi de vous citer un exemple réel qui illustrera mon propos.

Une start-up du domaine de la santé a voulu cartographier tous les médecins exerçant dans un quartier ou un arrondissement à partir de l’entrée d’une adresse. Il s’agissait de réutiliser une base de données, celle de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, qui recense, notamment, tous les médecins traitants spécialistes en cardiologie.

Cette start-up a reçu un préavis de la CNAM lui demandant de retirer dans les vingt-quatre heures les informations qu’elle avait mises à disposition, considérant qu’il fallait de nouveau répondre aux trois conditions de protection de la vie privée exigées au moment de la publication initiale des documents administratifs : demander le consentement des personnes concernées, anonymiser les données et obtenir une disposition réglementaire ad hoc.

Concrètement, la start-up devait demander aux plus de 100 000 médecins répertoriés sur la base de la CNAM de donner leur consentement et les données devaient être anonymisées. On voit mal l’intérêt d’une telle publication si les noms de ces médecins traitants n’apparaissent pas... À défaut, il fallait obtenir une modification de la loi. Mais les start-up ne peuvent pas se permettre de demander que l’on fasse une nouvelle loi chaque fois qu’elles rencontrent un obstacle réglementaire !

Vous l’aurez compris, la vie privée est totalement respectée dans ce projet de loi, puisque les exceptions à la loi CADA y sont maintenues. Ces garanties sont notamment prévues à l’article L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration, aux termes duquel les documents administratifs « ne sont communicables qu’à l’intéressé », dès lors que cette communication risquerait de porter atteinte à la vie privée. L’article 4 du présent projet de loi conditionne la publication à une anonymisation préalable. Enfin, la loi CNIL continue à s’appliquer à l’ensemble des personnes morales qui réutilisent les données par un traitement automatisé.

J’ai déjà évoqué la circulation des données. La capacité pour les entreprises innovantes d’utiliser les données qui ont déjà fait l’objet d’une publication pour créer de nouveaux services innovants est au cœur du sujet qui nous occupe. C’est une demande très forte des start-up françaises et, encore une fois, toutes les garanties de protection des données personnelles sont apportées par ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 186 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 535 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

conformément à un protocole défini en concertation avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 11 de l’article 4 prévoit que des documents contenant des données à caractère personnel puissent être rendus publics après un traitement rendant impossible l’identification des personnes concernées.

Nous proposons d’associer la CNIL à ces traitements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je ne voudrais pas avoir l’air de me répéter, mais cet amendement est satisfait par l’article 30 du projet de loi, qui confie à la CNIL une mission de publication de référentiels et méthodologies des processus d’anonymisation.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.

J’espère, monsieur le sénateur, que vous serez triplement satisfait une deuxième fois ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 535 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. J’avais déposé cet amendement avant d’être éclairé. Étant désormais à la fois éclairé et satisfait, je le retire. (Nouveaux sourires.)

M. le président. L’amendement n° 535 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 198 est présenté par M. Rome.

L’amendement n° 333 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

L’amendement n° 444 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

lorsque ces archives ne sont pas disponibles sous forme électronique

La parole est à M. Yves Rome, pour présenter l’amendement n° 198.

M. Yves Rome. Pour que le principe d’open data par défaut soit le plus large possible, il est proposé de limiter la restriction retenue par la commission et de rendre obligatoire la publication des archives uniquement lorsque celles-ci sont disponibles sous forme électronique.

C’est ainsi un retour à l’équilibre qui avait été trouvé à l’Assemblée nationale. En effet, l’intérêt de la diffusion des archives numériques est au cœur de la mission des archives publiques.

Au même titre que les bibliothèques ou les musées, la numérisation et la diffusion des contenus font partie intégrante de la mission de service public des services d’archives : collecter, classer, conserver, communiquer.

Les archives publiques ayant fait l’objet d’une opération de sélection, qui sont mentionnées à l’alinéa 12 de l’article 4 du projet de loi, sont celles qui présentent un intérêt historique, scientifique et administratif. En raison même de l’intérêt qui leur a été reconnu, leur diffusion s’impose.

Il n’est pas question de mettre en ligne une masse indifférenciée d’archives, mais bien celles qui présentent un intérêt pour les citoyens. D’ailleurs, le coût de diffusion est limité pour les finances des collectivités publiques si on le compare au coût de la numérisation de l’ensemble des archives départementales. En outre, l’obligation de diffusion n’équivaut pas pour les services d’archives à une obligation de création de plateformes. Il existe plusieurs tiers diffuseurs publics et gratuits, comme data.gouv.fr ou culture.gouv.fr.

On peut aussi inverser le raisonnement et considérer qu’il y a pour les archives départementales des économies de gestion à opérer. Ayant moi-même présidé un conseil général pendant longtemps, je puis vous dire que la diffusion des archives numérisées nous a permis de dégager des gains de productivité et d’éviter que les personnels des archives départementales ne croulent sous les demandes, notamment celles qui émanent des personnes férues de généalogie.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 333.

Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement vise à assurer la diffusion des archives publiques issues des opérations de sélection réalisées par les archivistes, dont nous savons tous qu’ils sont très compétents, dès lors qu’elles sont déjà numérisées, afin de permettre leur réutilisation.

Puisque la publication est ici limitée aux seuls documents numériques produits ou reçus par l’administration, toute objection liée au surcoût ne peut que tomber.

De plus, les services d’archives bénéficient déjà d’une plateforme de diffusion en ligne qui répond aux demandes particulières de communication des documents.

Enfin, la question du coût de stockage des archives publiques issues des opérations de sélection ne dépend pas de leur mise en ligne, ces informations publiques étant d’ores et déjà stockées sur les services et les serveurs des archives. Au contraire, selon nous, la non-diffusion des archives nativement numériques représenterait un coût pour les collectivités, un « renoncement à ». Des délais importants, des refus ou des coûts annexes en raison du temps nécessaire à l’extraction des informations qui font l’objet de demandes de communication peuvent être occasionnés lorsqu’il s’agit de satisfaire des demandes particulières.

Ainsi, avec une diffusion systématique, on laisse le travail de recherche se faire librement et la responsabilité du demandeur jouer. C’est parce que nous faisons confiance que nous défendons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 444.

M. Jean-Pierre Bosino. M. Yves Rome et Mme Corinne Bouchoux l’ont dit, la remise en cause de l’accès aux documents des archives, alors même que celles-ci existent sous format numérisé, est loin d’être anecdotique. Il ne s’agit pas pour nous d’une mesure de bon sens, mais d’un recul dans l’accès aux documents administratifs.

Nous ne pensons pas que la publication des archives disponibles dans un format électronique sera un frein au processus en cours de numérisation. Cela permettrait, au contraire, de valoriser le travail de ces services. Les archives sont en effet une véritable richesse et donnent un accès privilégié à notre patrimoine historique.

N’oublions pas, à cet égard, que nombre de chercheurs peuvent être freinés par des difficultés d’accès à des données cruciales, parce qu’elles sont difficilement trouvables, parce que leur coût est prohibitif, ou encore parce que les démarches pour les obtenir ne sont pas des plus simples.

Il s’agit, à travers cet amendement, de revenir à l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale. (Mme Corinne Bouchoux opine.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’adjonction prévue dans ces amendements aurait pour effet de vider la disposition de son sens puisque les archives non numérisées ne sont, de toute façon, pas soumises à l’obligation de publication.

Un autre effet serait que les services d’archives pourraient, au nom de l’intérêt historique, être amenés à publier la majeure partie des documents qui leur sont versés, alors même que les administrations initialement détentrices n’auraient pas été obligées de le faire, les documents en question ne présentant pas un intérêt suffisant durant leur durée d’utilité administrative. La charge incombant à ces services serait donc très importante, pour un intérêt public incertain. De plus, la charge financière pour les collectivités et pour les services serait énorme, et surtout non évaluée.

Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit ici de l’open data des archives, sujet que le Gouvernement a décidé de ne pas introduire dans le projet de loi.

Je note que ces amendements sont en quelque sorte de compromis puisque, selon vos dires, l’open data serait obligatoire dans le seul cas où les archives sont disponibles sous forme électronique.

Je comprends l’objectif poursuivi par les auteurs des amendements. Pour autant, je suis également sensible à l’argument relatif à la charge excessive pour les services administratifs des collectivités, en particulier ceux des départements, dans la mesure où c’est aux services d’archives et à leur tutelle qu’incombera ce travail.

Les départements sont en effet responsables de la publication de leurs propres archives. Mais ils sont aussi le réceptacle des documents produits par les autres administrations, y compris les services déconcentrés de l’État lorsque ceux-ci ont leur siège dans le département.

Concrètement, ces amendements aboutiraient à faire porter par les départements une charge qui pèse, au départ, sur l’État. Or j’ai cru comprendre que ce genre de proposition n’était pas très populaire, surtout dans cet hémicycle...

Je souhaite souligner que les services d’archives des départements faisaient d’ores et déjà un travail extraordinaire et qu’ils n’avaient pas attendu la loi pour mettre en open data de nombreux documents. Ont en effet été numérisés plus de 400 millions de documents, qui incluent ceux d’état civil, ceux qui sont relatifs au recensement de la population, les registres militaires, et cela depuis l’origine. Tous ces documents sont déjà accessibles en ligne, gratuitement.

Nous devons encourager fortement ce mouvement, mais nous ne franchissons pas le pas consistant à faire de l’open data une obligation légale.

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 198, 333 et 444.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 312–1–3. – Sous réserve des secrets protégés par le 2° de l'article L. 311–5 du présent code, les administrations mentionnées…

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Je souhaite voir une précision introduite dans le projet de loi. Selon nous, la publication des documents par les administrations devrait suivre les mêmes dérogations que la publication des documents administratifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à préserver les secrets protégés par la loi lors de la publication des règles des principaux algorithmes.

Ayant été rectifié ce matin à la demande de la commission, il a reçu un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons de légistique car, s’il était adopté, les mêmes articles seraient cités deux fois au sein de l’alinéa 13.

Vous proposez, monsieur le sénateur, de préciser que la publication des algorithmes, qui sont des documents administratifs, respecte les règles des articles L. 311–5 et L. 311–6. On peut naturellement comprendre cette préoccupation, mais cette précision n’est a priori pas nécessaire. L’alinéa 13 s’inscrit en effet dans la section relative aux règles générales applicables à la diffusion des documents administratifs, qui prévoient déjà que, sauf dispositions législatives contraires, les documents administratifs qui comportent des mentions entrent dans le champ d’application des articles L. 311–5 et L. 311–6.

Citer deux fois ces articles n’étant pas nécessaire, l’avis du Gouvernement est, je le répète, défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 283 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 217, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après la référence :

L. 300–2

insérer les mots :

, à l’exception des personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret,

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 4 s’applique à toutes les administrations et à toutes les personnes morales concernées, y compris les collectivités territoriales.

Il nous est donc apparu qu’il était sage de prévoir que ces dispositions relatives à la publication des algorithmes soient obligatoires, exception faite pour les personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret. Ce faisant, nous en revenons à ce qu’avait souhaité l’Assemblée nationale, avec une rédaction plus fluide.

Nous prenons en compte, par exemple, les petits villages. Car lorsque vous vous rendrez, mes chers collègues, dans nos villages qui comptent 60, 70, 100 ou 150 habitants, il faudra leur expliquer qu’ils doivent rendre publics leurs algorithmes ! Il serait donc sage d’adopter cet amendement, que nous avons déjà présenté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je ne pense pas que, dans les villages, on fonde les décisions sur des algorithmes... Mais je veux bien croire Jean-Pierre Sueur sur ce point.

Je ne répéterai pas l’argumentaire que j’ai déjà développé précédemment à l’occasion de la présentation d’un amendement portant sur l’alinéa 3.

Cet amendement étant contraire à la position de la commission, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Comme pour tous les autres documents administratifs, l’avis est favorable. Cet amendement porte sur la publication des algorithmes. Il nous semble judicieux d’instaurer un seuil afin de ne pas faire peser une charge trop lourde sur les petites collectivités, qui sont dotées de moins de moyens.

J’aimerais en profiter pour rappeler à quel point il sera important pour l’État d’accompagner les collectivités locales dans la mise en œuvre de cette politique ambitieuse d’ouverture de leurs données publiques. Nous disposons déjà d’un site, data.gouv.fr, sur lequel peuvent être centralisées les informations de toutes les administrations qui le souhaitent. Mais, au-delà, il faut qu’une démarche collective soit engagée avec les collectivités. C'est la raison pour laquelle je souhaite coordonner cette action avec les associations d’élus pour commencer l’identification de toutes les actions à mener, notamment en matière de formation à l’adresse des élus et des agents administratifs des collectivités.

Pour cela, j’aimerais m’appuyer sur l’expertise d’une association comme OpenData France, qui travaille beaucoup avec les collectivités étant à l’avant-garde dans l’open data, avec la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, dont je salue de nouveau la présence au banc du Gouvernement de son directeur, Henri Verdier, et avec la CADA naturellement, qui est la principale source d’expertise en matière d’open data avec la DINSIC.

Je le redis, j’aimerais que les collectivités locales soient éligibles, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, aux appels à projets qui seront lancés pour développer des briques techniques et des usages en matière de publication des données publiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis confus de reprendre la parole, mais M. le rapporteur n’a pas fourni d’arguments : il a simplement dit : « C'est comme ça ! ».

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’ai fourni l’argument à l’alinéa 3. C'est le même pour l’alinéa 13 !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais vous n’aviez pas non plus fourni d’argument dirimant, vous le savez bien !

Mes chers collègues, dans les communes qui ont moins de 200 habitants par exemple, vous allez devoir expliquer qu’en vertu de la loi ces collectivités font partie des administrations qui doivent publier en ligne, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions. Vos interlocuteurs seront certainement très satisfaits de l’entendre... Ils vont vraiment penser que le Sénat prend bien en compte les villages !

C'est la raison pour laquelle nous proposons de fixer un seuil. L’Assemblée nationale avait estimé que ce seuil pouvait être fixé à cinquante. On peut effectivement penser qu’une commune comptant cinquante agents peut mettre en œuvre cette mesure. Je plaide pour la simplicité en faveur des villages, et je m’étonne qu’il y ait des réticences au sein de cet hémicycle !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je comprends la position qui vient d’être exprimée par mon collègue. Aux termes de l’alinéa 9 de l’article 4, « le présent article ne s’applique pas aux collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants. » On fait une distinction selon la taille des collectivités. En réalité, on reconnaît que l’on prépare un texte qui engendrera des contraintes supplémentaires pour les collectivités en général.

Si l’on fixe une limite à 400 habitants, par exemple, la commune qui compte 401 habitants sera obligée de publier les algorithmes. Nous sommes en train de créer de nouvelles contraintes pour les collectivités quelles qu’elles soient, comme nous passons notre temps à le faire. Ce texte en est truffé : il y en a à toutes les pages, à toutes les lignes.

Monsieur Sueur, je le redis, je comprends votre position. D’ailleurs, lorsque je passerai après vous dans chacune des collectivités, leurs représentants me répéteront l’argumentation que vous leur aurez avancée.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous irons ensemble !

M. Éric Doligé. On sait bien comment les choses vont se passer ! C’est vrai que c’est insupportable. Mais comment fixer un seuil pour ce genre d’informations ?

Si votre commune comprend 399 habitants, vous n’aurez pas la possibilité d’avoir l’information, alors que dans une commune de 401 habitants, vous l’aurez. Pourra-t-on considérer que tous les citoyens seront à égalité devant la communication de l’information ? Cela est-il tout à fait clair vis-à-vis de la CADA et de la CNIL ? Je n’en sais rien, mais les choses me paraissent bien compliquées. Le citoyen habitant dans une commune de petite taille n’aura pas les mêmes informations que celui qui vit dans une ville plus importante. Cela pose problème.

Je me pose des questions quant à l’application et à la gestion de tous les éléments que nous inscrivons dans ce texte déjà assez compliqué, lesquels aboutiront à la création de nouvelles normes que nos collectivités devront supporter.

Quant au seuil, ce point n’est pas clair, il sera fixé par un décret, dans lequel on pourra mettre ce que l’on veut. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

en ligne

insérer les mots :

de manière claire, transparente et loyale

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà défendu la clarté, la transparence et la loyauté. Je vois mal qui, dans cette enceinte, serait hostile à ces valeurs fortes !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Personne ne peut être hostile à la clarté, à la transparence et à la loyauté. Cela dit, si les administrations ne sont souvent pas très claires, les soupçonner de ne pas être loyales et transparentes revient à leur faire un procès assez étrange.

M. Daniel Raoul. Vous l’avez déjà fait !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Raoul, sûrement pas moi !

Je le redis, ce serait leur faire un procès assez peu équitable et pas très « loyal », pour reprendre l’un des adjectifs utilisés dans votre amendement.

Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En matière de traitement algorithmique, je ne crois pas que ce soit faire un procès d’intention aux administrations que de considérer que leur communication peut être potentiellement un peu complexe. Cependant, l’ajout de cet amendement ne nous semble pas absolument nécessaire.

Néanmoins, j’entends les propos de M. Sueur.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article additionnel après l’article 4 bis

Article 4 bis

(Non modifié)

Après le 7° du II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les conditions dans lesquelles sont encouragées les démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets. »

M. le président. L'amendement n° 354 rectifié, présenté par M. Miquel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

relatives

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au volume et à la localisation des matières issues du traitement des déchets et disponibles pour une substitution matière. »

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. L’objectif de cet amendement est de promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. On notera que certains éco-organismes mettent déjà gratuitement à disposition du public ce type de données agrégées, et qu’il convient de développer cet échange d’informations pour favoriser l’écoconception et l’émergence de nouvelles entreprises dans le domaine de l’économie circulaire.

Cette mesure me semble d’autant plus importante que nous sommes à un tournant. Nous constatons aujourd’hui l’ouverture à la concurrence pour nos éco-organismes. Nous voyons arriver sur le marché des entreprises étrangères, car nous avons des quantités importantes de déchets à trier et à recycler.

Les éco-organismes sont des sociétés de droit privé sans but lucratif et nous souhaitons développer l’économie circulaire dans notre pays. Il me semble que ces données permettraient d’éviter que certains déchets triés et prêts à recycler ne partent vers d’autres horizons au lieu d’être traités chez nous, empêchant la création d’emplois sur notre territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement tend à préciser les informations pouvant faire l’objet de l’open data « déchets ».

Je rappelle qu’une disposition avait été votée dans la loi Macron, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel pour défaut de lien avec le texte.

Le texte de la loi Macron ne reprenait pas la précision prévue dans le présent amendement et je propose d’en rester à la formulation qui a fait consensus l’année dernière.

Enfin, il existe une quinzaine de filières différentes de traitement des déchets. Les précisions figurant dans l’amendement ne seront peut-être pas applicables à toutes : autant laisser plus de marges de manœuvre dans la rédaction des cahiers des charges au niveau réglementaire.

La disposition proposée dans l’amendement étant contraire à la position de la commission, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. La conférence environnementale qui s’est tenue aujourd’hui a confirmé l’importance que peut prendre l’open data dans la filière des déchets, notamment de la filière des éco-déchets.

Cet amendement précise utilement les dispositions de l’article 4 bis puisqu’il cible la réforme de l’open data sur les données les plus importantes qui concernent en particulier le volume et la localisation des matières.

Pourquoi pas ce type d’open data ?

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Je soutiendrai cet amendement déposé par notre collègue Gérard Miquel. Il vise à préciser que les données ouvertes seront celles qui sont utiles au développement du recyclage, notamment la localisation et le volume, tout en protégeant le secret industriel.

L’objet de cet amendement est ainsi d’éviter que l’on ne fasse du « cas par cas » entre les différentes filières à responsabilité élargie du producteur, les fameuses REP. Sa rédaction est suffisamment générique pour être applicable à toutes les filières REP organisationnelles ou financières sans exception.

L’amendement tend également à contribuer au développement de l’économie circulaire.

Je voterai donc en faveur de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je trouve l’initiative de Gérard Miquel pertinente, et je rejoins l’argumentation qui vient d’être développée par Claude Kern. Nous appartenons d’ailleurs tous trois au groupe d’études « Gestion des déchets » du Sénat et nous savons très bien que toute action qui tend à favoriser la revalorisation des déchets et la revalorisation matière contribue à atténuer le coût du traitement pour l’ensemble de nos concitoyens.

Il ne faut pas se priver de cette possibilité dans la mesure où nous ne pouvons qu’en tirer des avantages sur le plan économique. Si l’on se heurtait à des difficultés d’ordre juridique liées à la protection des données, il faudra peut-être y regarder à deux fois, mais je ne pense pas que la rédaction actuelle puisse contrarier ces éléments.

C'est l’une des raisons pour lesquelles je suis prêt à soutenir cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354 rectifié.

(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.

(L'article 4 bis est adopté.)

Article 4 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 5  (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 4 bis

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mmes Billon, Lamure et Lopez et MM. Bonnecarrère, de Raincourt, B. Fournier, Gabouty, Grand, L. Hervé, Laménie, Lasserre, Marseille et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1er de la loi n° 41-1987 du 24 mai 1941 relative à la normalisation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les documents produits dans le cadre du processus de normalisation ou en résultant ne relèvent pas des documents administratifs mentionnés à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. »

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Mes chers collègues, le projet de loi pour une République numérique introduit des dispositions favorisant l’accès aux données publiques, dans le but de développer l’économie du savoir.

Il s’agit, en soi, d’une bonne chose, mais l’article 4 bis nous pose un sérieux problème.

Je ne vous présente pas l’AFNOR, l’Association française de normalisation. Elle représente la France au sein d’organisations non gouvernementales de normalisation. Celles-ci sont européennes, comme le Comité européen de normalisation, le CEN, et le Comité européen de normalisation électronique, le CENELEC, et internationales, comme l’Organisation internationale de normalisation, l’ISO, ou la Commission électrotechnique internationale, l’IEC. À ce titre, l’AFNOR, reconnue d’utilité publique, assure la représentation et la défense des intérêts des acteurs économiques français.

Ce rôle est d’autant plus précieux que les nouvelles normes sont aujourd’hui essentiellement élaborées au sein de ces instances supranationales. Chacune de ces organisations dispose de ses propres règles de fonctionnement. Elles font obligation aux membres nationaux de respecter ces règles pour leurs activités propres.

Or la disposition du projet de loi qui impose, d’une part, la mise en ligne des données liées à l’ensemble des activités de normalisation de l’AFNOR et, d’autre part, l’accès le moment venu aux documents préparatoires serait contraire aux règles européennes et internationales de normalisation ainsi qu’aux évolutions en cours.

Si nous ne modifions pas l’article 4 bis en excluant la mise à disposition des multiples documents produits dans le cadre du processus de normalisation, nous faisons courir un risque majeur à l’influence française dans la normalisation volontaire européenne ou internationale.

Au mieux, l’AFNOR sera mise à l’index de la communauté internationale, au pire elle sera exclue des instances de normalisation. Cela priverait donc l’ensemble des acteurs économiques français d’un représentant national fort et crédible au sein de ces instances qui jouent un rôle si essentiel.

Sans porte-parole, la compétitivité et l’innovation des entreprises françaises, et plus largement la collectivité nationale, s’en trouveraient gravement affectées.

L’amendement que je vous propose vise donc à écarter ce risque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement a pour objet de sortir du champ d’application de la loi CADA les normes AFNOR, et tout particulièrement l’obligation de publication instituée par ce projet de loi.

La commission des lois a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’aurais aimé savoir pourquoi M. le rapporteur est favorable à cet amendement que, pour ma part, je ne comprends pas.

Je m’interroge puisqu’il s’agit d’une demande d’exclusion totale de l’open data. C’est la première demande et d’ailleurs la seule. Si l’AFNOR n’est pas soumise à l’open data, pourquoi pas en exclure aussi l’AMF – l’Autorité des marchés financiers –, qui en a fait la demande, la RATP, la SNCF ?...

L’AFNOR est une association qui exerce une mission de service public et qui, à ce titre, reçoit des subventions publiques. Cette association publie des normes obligatoires qui ne sont pas des secrets. Ces normes sont destinées à être publiées ; il est donc dans l’ADN de cette association de faire de l’open data.

Si je comprends bien, l’AFNOR refuserait de publier les documents préparatoires qui ont servi à l’élaboration des normes. Or les entreprises, en particulier celles qui sont très innovantes, nous expliquent que ces documents préparatoires leur sont très utiles pour comprendre le contenu des normes qui leur sont applicables.

En réalité, l’AFNOR est venue nous voir pour demander cette exclusion. Au fur et à mesure des discussions, nous avons compris que ce qui lui posait problème, c’était le principe de gratuité des données qui sont publiées. Nous avons donc entamé une négociation pour que des redevances soient acceptées dans certains cas de figure ou, du moins, maintenues. Nous avons donc clarifié le sujet AFNOR. Nous avons essayé de trouver une solution, et voilà qu’est déposé cet amendement maximaliste !

Non, l’article 4 bis n’entraînerait pas une exclusion de l’organisation française de l’ISO ! Non, il n’est pas contraire au droit européen, lequel poursuit une stratégie très offensive de publication des données publiques ! Non, il n’aboutira pas à une perte de compétitivité de nos entreprises françaises !

Cet amendement n’est pas justifié : le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. L’intervention de Mme la secrétaire d'État mérite une réponse. Le principe de gratuité ou de quasi-gratuité de la mise en ligne de ces données conduirait à impacter fortement le modèle économique de l’AFNOR en la privant, dans le prolongement d’une diminution déjà intervenue de plus de 50 % de la subvention publique sur les cinq dernières années, des recettes procurées par la vente des normes et autres documents associés.

Ce que le client ne paiera plus, ce que les entreprises n’apporteront plus par la voie contractuelle, devra être compensé par la contribution de l’État et donc celle du contribuable.

Lors de la journée de la délégation aux entreprises, la question de la menace pesant sur l’AFNOR nous est clairement apparue. La présidente de la délégation, Mme Élisabeth Lamure, a d’ailleurs cosigné cet amendement, comme de nombreux collègues ici présents. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de la commission des lois de l’avoir soutenu.

Mes chers collègues, si vous souhaitez soutenir la compétitivité et notre innovation, je vous invite à voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je crains qu’à nouveau nous ne confondions deux sujets : d’un côté, celui qui concerne l’application de l’obligation de publier des données publiques de la part d’une organisation qui, je le répète, exerce une mission de service public et reçoit des subventions publiques et, de l’autre côté, la question de la gratuité ou non des données publiées.

On peut tout à fait considérer comme légitime la demande de l’AFNOR visant à continuer de recevoir des redevances sur une partie des normes, en l’occurrence pas celles qui sont obligatoires, mais celles qui attestent de l’exécution de contrôles de conformité. Cela peut tout à fait être entendu. On sait que dans le budget de l’AFNOR, qui est d’environ 100 millions d’euros, quelque 30 millions relèvent de redevances reçues au titre de la production et de l’exploitation des normes.

La mutation qui est demandée avec l’avènement de l’open data, c’est celle qui est demandée aussi à l’IGN ou à Météo France. Les pouvoirs publics sont bien entendu aux côtés de ces institutions pour les aider à développer des modèles économiques innovants qui les obligent d’ailleurs à proposer des offres payantes de services aux entreprises, alors même que ces offres n’existaient pas auparavant.

Nous sommes dans la problématique de la mutation de toutes ces organisations face à l’avènement du numérique, et l’AFNOR ne fait pas exception. Mais, encore une fois, il faut faire attention à bien distinguer la question de l’obligation de la publication en open data et celle des redevances. Je regrette que l’amendement ne porte pas sur ce second volet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je suis assez époustouflé par cet amendement. Une norme a tout de même vocation à être connue du plus grand nombre, tout comme la manière dont est conçue une norme a vocation à être transparente !

Dans les comités de normalisation, un certain nombre d’entreprises sont présentes ; d’autres du même secteur n’y sont pas. Pourquoi celles qui n’en font pas partie ne pourraient-elles pas connaître la manière dont les normes sont préparées ?

Je dois dire que, par exemple, lorsque nous avons dû examiner une norme sur la loyauté des plateformes, l’AFNOR nous a facturé 50 euros. Pour que les normes puissent être diffusées et connues du plus grand nombre, afin d’être efficaces, ne faudrait-il pas que leur consultation soit tout de même un peu plus gratuite qu’elle ne l’est aujourd'hui ?

Finalement, une institution de normalisation est conçue pour diffuser ce qui a été fait. S’il y a des choses qui sont établies par cette institution, elles doivent l’être de manière transparente. C'est assez hallucinant de vous entendre expliquer que pour que cette structure vive, il faut qu’elle continue à fonctionner en percevant des redevances et que, en définitive, ces normes ne soient pas aussi diffusées que nécessaire.

Mon cher collègue, vous mélangez un peu les choses (M. Olivier Cadic fait un signe de dénégation.) : si des choses doivent rester secrètes, parce qu’il s’agit d’échanges avec les autres comités de normalisation, des exclusions de l’open data sont aussi prévues dans la loi sur la relation entre les citoyens et l’administration, laquelle exclut un certain nombre de points, en particulier lorsqu’il s’agit de secrets qui pourraient porter atteinte à la politique étrangère de la France.

Il me semble donc que, de tous les points de vue, votre amendement n’est absolument pas recevable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 bis.

Article additionnel après l’article 4 bis
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

I. – À l’article L. 311-4 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « communiqués », sont insérés les mots : « ou publiés ».

II. – La publication en ligne prévue à l’article L. 312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration est effectuée :

1° Six mois après la promulgation de la présente loi, pour les documents mentionnés au 1° du même article L. 312-1-1 ;

2° Un an après la promulgation de la présente loi, pour les documents mentionnés au 2° dudit article L. 312-1-1 ;

3° À une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, pour l’ensemble des autres documents entrant dans le champ d’application du même article L. 312-1-1.

M. le président. L'amendement n° 391 rectifié, présenté par Mme S. Robert et M. Raoul, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

à l’article L. 312-1-1

par les références :

aux articles L. 312-1-1 et L. 312-1-3

II. – Alinéa 5

Remplacer la référence :

du même article L. 312-1-1

par les références :

des articles L. 312-1-1 et L. 312-1-3

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Pour rappel, aux termes de l’article 4, « Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2 publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles. »

Afin de rendre la mesure applicable, il importe de prévoir une entrée en vigueur différée d’au moins deux ans après la publication de la loi.

La publication des règles définissant les principaux traitements algorithmiques est en effet une mesure absolument nouvelle. Cette situation doit être comparée à celle des codes sources sur lesquels il y a déjà de la jurisprudence.

Il s’agit non pas de donner les algorithmes, mais leurs règles, c'est-à-dire un document qui soit compréhensible par un non-spécialiste, pédagogique pour l’usager, mais suffisamment précis pour être exploitable et rendre compte de façon adéquate du processus.

Cela suppose un véritable travail de réflexion sur la formulation de la publication. Il faut donc prévoir des délais d’entrée en vigueur comme il en existe pour d’autres mesures d’open data. À l’article 5, vous prévoyez des délais de six mois à deux ans. Je vous propose que, pour cette mesure, le délai soit fixé à deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement, présenté par M. Raoul, vise à différer l’entrée en vigueur de l’obligation de publication des règles des principaux algorithmes fondant les décisions individuelles.

Il paraît en effet nécessaire de laisser tout de même le temps aux administrations de se conformer à leurs nouvelles obligations. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.

M. Daniel Raoul. Vous êtes trop bon, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 391 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Commeinhes et Chatillon.

L’amendement n° 284 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Remplacer le mot :

Six

par le mot :

Dix-huit

II. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

Un an

par les mots :

Deux ans

III. – Alinéa 5

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.

M. François Commeinhes. Cet amendement tend à allonger les délais permettant aux administrations et aux entreprises de prendre l’ensemble des mesures nécessaires à la publication des documents.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 prévoit une mise en œuvre de ses dispositions dans des délais allant de six mois à deux ans selon les cas de figure. Or la future loi engendrera des obligations importantes pour les administrations et les entreprises de service public.

Elle créera ainsi de nombreuses obligations, parmi lesquelles l’adaptation dans un format ouvert et réutilisable des documents communicables ainsi que leur mise à jour, la mise en place d’un hébergement correctement dimensionné, la mise en place de mesures de sécurité adaptées, le renforcement des conditions de stockage des documents, le renforcement de la bande passante pour faire face à la demande, la mise en place de mesures pour limiter les coûts d’énergie induits par ces obligations et l’adoption de licences.

Les délais actuellement prévus paraissent bien insuffisants pour faire face à ces nouvelles obligations. En conséquence, l’allongement des délais permettra aux entreprises et aux administrations de mieux appréhender ces évolutions sans que l’objectif de la loi soit dénaturé.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié.

M. Éric Doligé. C’est le même, monsieur le président ; cela dit, ne se télescope-t-il pas avec celui de M. Raoul, visant à allonger de deux ans, de façon générale, les délais ?

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non.

M. Éric Doligé. Alors, si c’est légèrement différent, je considère qu’il a été défendu par mon collègue François Commeinhes.

Je pensais toutefois que nous étions dans la même veine…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Autant l’amendement de M. Raoul se justifiait parce qu’il restait dans le cadre du créneau offert par la loi, autant ceux de MM. François Commeinhes et Éric Doligé excèdent un peu le cadre de la loi, puisqu’ils visent à porter jusqu’à trois ans le délai d’entrée en vigueur des dispositions de la loi.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements, considérant que les délais actuellement prévus par la loi pour la mise en œuvre des différentes dispositions visées, que je ne rappelle pas, sont raisonnables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.

M. le président. Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 164 rectifié est-il maintenu ?

M. François Commeinhes. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 164 rectifié est retiré.

Monsieur Doligé, l’amendement n° 284 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Doligé. Vous considérez donc que je suis hors la loi, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je ne me le serais pas permis ! J’ai dit que l’objet de l’amendement excédait le cadre de la loi.

M. Éric Doligé. Je retire donc mon amendement, monsieur le président, d’autant que celui de M. Raoul me convient.

M. Daniel Raoul. Vous prenez un virage dangereux, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L’amendement n° 284 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(L’article 5 est adopté.)

Article 5  (Texte non modifié par la commission)
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Article 6 bis

Article 6

Le titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° L’article L. 321-1 est ainsi modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Les informations publiques figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées… (le reste sans changement) » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Après les mots : « présent titre », la fin du dernier alinéa est supprimée ;

2° Le b de l’article L. 321-2 est abrogé ;

3° (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 322-6, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article » ;

4° (nouveau) À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 324-1, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article » ;

5° (nouveau) À l’article L. 325-7, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article ».

M. le président. L’amendement n° 632, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer le mot :

administratifs

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. En maintenant, dans l’article 6, la référence aux documents administratifs, des informations réutilisables aujourd’hui sur le fondement de dispositions particulières et ne relevant pas, à ce titre, du régime des documents administratifs pourraient être désormais exclues de la réutilisation, ce qui constituerait un recul regrettable.

Par exemple, les actes de l’état civil ne sont pas des documents administratifs car ils relèvent de l’autorité judiciaire. Toutefois, il s’agit d’informations publiques du code du patrimoine qui sont communicables.

Cet amendement vise donc à rétablir le sens de la rédaction actuelle de l’article L. 321-1, tout en tenant compte du nouveau régime qu’institue le présent projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission n’a pas pu se prononcer sur cet amendement en raison de son dépôt tardif ; nous ne l’avons eu qu’il y a très peu de temps. Je ne m’exprime donc qu’à titre personnel et j’émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 632.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 552 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ, D. Laurent et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Morhet-Richaud, Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre, Rapin, Gremillet et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 324-1, après les mots : « redevance de réutilisation », il est inséré le mot : « notamment » ;

…° La deuxième phrase de l’article L. 324-5 est complétée par les mots : « et aux collectivités territoriales » ;

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. L’alinéa 8 de l’article 6 tire les conséquences de la codification partielle de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », en faisant un renvoi à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Cet article vise quatre catégories de personnes publiques : l’État, les collectivités territoriales, les personnes de droit public et les personnes privées chargées d’une mission de service public.

Il semble que cet alinéa confirme le droit des collectivités territoriales à établir une redevance de réutilisation des données. Toutefois, en l’état actuel de sa rédaction, la portée de cet alinéa paraît poser problème au regard des dispositions de l’article 15 de la loi CADA, tel que modifié par la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, dite « loi Valter », qui limite le droit de redevance aux seules administrations contraintes de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public.

En conséquence, le présent amendement vise à confirmer le droit pour les collectivités territoriales de mettre en œuvre une redevance de réutilisation des données et à garantir des conditions d’établissement de ces redevances identiques à celles de l’État et des établissements publics administratifs, comme je le disais précédemment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement de M. Husson et de plusieurs de ses collègues ne paraît pas opportun à ce stade. Il n’est en effet pas nécessaire de revenir ici sur le sujet des redevances, puisque celui-ci a été tranché par la loi Valter de décembre dernier. La commission vous demande donc de bien vouloir le retirer, mon cher collègue ; à défaut, elle a émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 552 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. Très honnêtement, les arguments qui viennent d’être évoqués n’emportent pas vraiment ma conviction ; donc je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 552 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(L’article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 7

Article 6 bis

Après l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 300-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 300-3. – Les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre s’appliquent également aux documents relatifs à la gestion du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales. »

M. le président. L’amendement n° 334, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer la référence :

III

par la référence :

II

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à corriger ce qui semble être, au sein de l’article 6 bis, une erreur de référence au code des relations entre le public et l’administration. Sauf erreur de notre part, il convient de remplacer la référence au III par la référence au II.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Vous ne faites pas d’erreur, ma chère collègue, c’est bien vu. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 334.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.

(L’article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis
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Article 7 bis

Article 7

Le titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier est complété par un article L. 321-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 321-3. – Sous réserve de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers, les droits des administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2, au titre des articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent faire obstacle à la réutilisation du contenu des bases de données que ces administrations publient en application du 3° de l’article L. 312-1-1 du présent code.

« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable aux bases de données produites ou reçues par les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du présent code dans l’exercice d’une mission de service public soumise à la concurrence. » ;

2° L’article L. 323-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la réutilisation à titre gratuit donne lieu à l’établissement d’une licence, cette licence est choisie parmi celles figurant sur une liste fixée par décret, qui est révisée tous les cinq ans, après concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements. Lorsqu’une administration souhaite recourir à une licence ne figurant pas sur cette liste, cette licence doit être préalablement homologuée par l’État, dans des conditions fixées par décret. »

M. le président. L’amendement n° 490 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

les droits

insérer les mots :

de propriété intellectuelle

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement suivant, car les deux amendements sont liés et ont le même exposé des motifs.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 491 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, au titre des articles L. 342–1 et L. 342–2 du code de la propriété intellectuelle,

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Alain Vasselle. L’amendement n° 490 rectifié est un amendement de clarification puisqu’il vise à préciser que les droits en question sont les droits de propriété intellectuelle.

L’impossibilité pour les établissements publics industriels et commerciaux de faire valoir leurs droits de propriété intellectuelle pour justifier du refus de réutilisation de leurs données est disproportionnée par rapport à l’objectif du projet de loi et – je tiens à le préciser – il n’est conforme ni à la Constitution ni au droit européen de la concurrence.

Il y a lieu de souligner que les entreprises exploitant des services publics industriels et commerciaux interviennent sur le marché dans un contexte concurrentiel et ne peuvent partager leur savoir-faire industriel, technique et managérial, ainsi que leurs innovations, ni communiquer des informations sensibles à leurs concurrents directs et indirects. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent que, jusqu’à présent, les services publics industriels et commerciaux relèvent de législations distinctes des services publics administratifs.

Une expropriation pure et simple de leurs droits de propriété intellectuelle mettrait en péril l’avenir de certains grands fleurons de l’économie française.

Telles sont les raisons qui ont justifié le dépôt de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 490 rectifié, cette précision paraît peu utile dès lors que le même alinéa précise qu’il s’agit des droits détenus par les administrations au titre des articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle.

S’agissant de l’amendement n° 491 rectifié, il s’agit bien de ne suspendre les droits détenus par les administrations qu’au titre des articles L. 342-1 et L. 342-2 du même code.

En outre, la dérogation évoquée serait satisfaite si l’on adoptait par la suite l’amendement n° 335, présenté par Mme Bouchoux.

Je demande donc à M. Vasselle de bien vouloir retirer ses amendements ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Nous avons déjà eu cette discussion sur les données d’intérêt général, notamment des organismes chargés de services publics industriels et commerciaux, qui doivent être protégées quand elles contiennent un secret industriel et commercial. La position du Gouvernement ne présente aucune ambiguïté à ce sujet : ne seront réutilisables que les données communicables, donc celles qui ne sont pas couvertes par le secret industriel et commercial.

L’alinéa 4 du présent article permet de répondre aux inquiétudes motivant cet amendement en exonérant de réutilisation les bases de données relatives à une mission de service public industriel et commercial lorsque celle-ci est exercée en concurrence. L’amendement se comprend, mais il est satisfait par cette référence au secret industriel et commercial des services publics industriels et commerciaux exercés en situation de concurrence.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 490 rectifié, de même qu’à l’amendement n° 491 rectifié, que je vous demande de bien vouloir retirer au profit de l’amendement n° 218.

M. le président. Monsieur Vasselle, les amendements nos 490 rectifié et 491 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Alain Vasselle. Pour vous être agréable, monsieur le président (Sourires.), et surtout parce que M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État ont tous les deux réussi à me convaincre que ces amendements sont satisfaits, je vais les retirer. Pourquoi insisterais-je pour les maintenir ?

En tout état de cause, il faut que ceux qui auront à subir l’application des textes puissent être assurés que, le moment venu, ils ne rencontreront pas les difficultés qui ont justifié le dépôt de ces amendements. Je m’en remets donc à l’avis du rapporteur ; du reste, j’aurais préféré que la secrétaire d’État me demande de retirer mes amendements plutôt que d’émettre un avis défavorable.

Je retire ces deux amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 490 rectifié et 491 rectifié sont retirés.

L’amendement n° 218, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

faire obstacle à la réutilisation

insérer les mots :

, dans les conditions prévues par le présent titre,

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le présent amendement vise à clarifier l’articulation des dispositions du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration portant sur la réutilisation des données avec celles qui sont liées au droit sui generis du code de la propriété intellectuelle, afin d’empêcher l’invocation du droit sui generis lorsque la réutilisation est licite au regard du code des relations entre le public et l’administration et non dans tous les autres cas.

Autrement dit, il s’agit de limiter la dérogation au droit sui generis des administrations aux réutilisations des bases de données qui sont licites, c’est-à-dire qui respectent les dispositions précitées du titre II du livre du code.

Il s’agit en particulier des dispositions des chapitres III et IV de ce titre, c’est-à-dire la possibilité d’agir contre les violations des licences ou de recueillir des redevances. Le fait que le droit sui generis soit reconnu par le texte permet de lui redonner son plein effet dès lors que les dispositions du titre II seraient méconnues par les utilisateurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement, qui paraît être un amendement de précision, vise à indiquer que le droit sui generis du producteur d’une base de données ne peut faire obstacle à la réutilisation de ces données dès lors que celle-ci est légale, c’est-à-dire dès lors qu’elle respecte les principes énoncés au titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration – principes de non-altération, de non-dénaturation et de citation des sources ainsi que date de mise à jour, licence et, le cas échéant, redevance.

En effet, la dérogation au droit sui generis prévu à l’article 7 du présent projet de loi prive d’effet les sanctions prévues par le code de la propriété intellectuelle au bénéfice de celles qui sont prévues par le code des relations entre le public et l’administration.

Toutefois, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car cette précision paraît a priori superflue.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais cela va mieux en le disant !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Certes, mais la loi n’a pas vocation à dire mieux ce qui est déjà précisé par ailleurs. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’est pas écrit !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Une loi verbeuse est une loi vaseuse…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Au verbiage !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. … à cet amendement.

Au contraire, monsieur Frassa, cet amendement est très important parce qu’il vise à préciser que l’exemption de réutilisation des données produites par les organismes chargés d’un service public industriel et commercial ne s’applique que si ces organismes sont en situation de concurrence. Cela doit naturellement exclure une application à toutes les administrations en situation de concurrence.

Il faut en effet bien comprendre que, lorsque l’on introduit trop d’exceptions, de nuances, de réserves à ce troisième étage de la fusée, après l’accès et la diffusion des données, qu’est leur réutilisation, on réduit drastiquement l’impact de l’open data. En l’occurrence, toutes les garanties de protection du secret industriel et commercial des organismes chargés d’un service public industriel et commercial sont désormais incluses dans la loi. Il n’y a pas de raison d’étendre ces principes à toutes les administrations en situation de concurrence. Cette notion est vague et n’est donc pas souhaitable en droit.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, j’ai accepté de retirer l’amendement n° 491 rectifié compte tenu de l’avis émis par Mme la secrétaire d'État qui me demandait de le retirer au profit de l’amendement n° 218. Toutefois, le rapporteur m’a, pour sa part, demandé de le retirer en arguant qu’il serait satisfait par l’amendement n° 335.

J’aimerais bien que l’un et l’autre s’entendent…

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Alain Vasselle. … sur l’amendement qui permettra de satisfaire l’objet de mon amendement précédent. Est-ce l’amendement n° 218 ou l’amendement n° 335 ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. On y arrive, on n’y est pas encore !

M. Alain Vasselle. Ou bien faut-il que les deux soient adoptés pour satisfaire le mien ? Ces précisions sont nécessaires pour que mon vote soit éclairé.

M. le président. Nous allons vous éclairer, mon cher collègue.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il ne s’agit pas de l’amendement n° 218 mais peut-être de l’amendement n° 335.

M. Alain Vasselle. Le rapporteur ne semble pas très sûr de lui !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement n° 218 et je demanderai le retrait de l’amendement n° 154 rectifié au profit de l’amendement n° 335.

M. Alain Vasselle. J’en conclus qu’il faut adopter les amendements nos 218 et 335. (Exclamations et applaudissements ironiques sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Daniel Raoul. M. Vasselle est satisfait !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 154 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

I. – Au début

Insérer les mots :

Sans préjudice de l’article L. 1115-1 du code des transports,

II. – Après le mot :

public

insérer les mots :

à caractère industriel ou commercial

III. – Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exception de celles ayant trait à la qualité et aux conditions d’exécution du service public concerné

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Mme la secrétaire d'État s’étant déjà exprimée sur cet amendement, en demandant son retrait au profit d’un autre amendement, je me contenterai de solliciter tout simplement l’avis du rapporteur.

M. le président. L’amendement n° 492 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

dans l’exercice d’une mission de service public soumise

par les mots :

qui sont des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant en charge un service public industriel et commercial dans un secteur exposé

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. L’objet de cet amendement se rapproche de celui du précédent et il a exactement le même exposé des motifs que les amendements nos 490 rectifié et 491 rectifié. Je vous fais donc grâce de sa lecture.

M. le président. L’amendement n° 335, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

public

insérer les mots :

à caractère industriel ou commercial

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je comprends que cet amendement est attendu, donc je prends la parole.

Cet amendement vise à maintenir la limitation du bénéfice du droit sui generis – les droits de propriété intellectuelle – des producteurs de bases de données aux services publics à caractère industriel et commercial et non pas à l’étendre à toute administration se trouvant en situation de concurrence.

Cette extension n’est en effet pas cohérente avec la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, récemment promulguée. Dans ce cadre déjà, les établissements publics administratifs financés par la puissance publique ne peuvent se prévaloir d’un droit de producteur de bases de données, qui n’est ouvert qu’à ceux qui ont réalisé des investissements substantiels pour produire les bases, pour empêcher toute réutilisation de données communicables.

Il s’agit aussi de répondre à l’inquiétude qui a conduit à la nouvelle rédaction relative aux données de recherche du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, de l’Institut national de la recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, et de l’Institut national de recherche agronomique, l’INRA. Il est bon de rappeler que, dans le cadre actuel du code des relations entre le public et l’administration, les données de la recherche qui sont inachevées ou couvertes par le secret en matière industrielle ou commerciale ne sont pas communicables et sont donc d’ores et déjà protégées.

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exception des données dont la nature a trait à la qualité et aux conditions d’exécution du service public concerné

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 492 rectifié de M. Vasselle, qui me semble plus pertinent.

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 335, présenté par Mme Blandin, vise à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en réintroduisant une dérogation à la dérogation au droit sui generis des producteurs de bases de données pour les seuls services publics industriels et commerciaux.

La commission a émis un avis favorable à son sujet et il semble satisfaire les amendements nos 154 rectifié et 492 rectifié ; je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Monsieur Kennel, l’amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?

M. Guy-Dominique Kennel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 154 rectifié est retiré.

Monsieur Vasselle, l’amendement n° 492 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle. Je veux bien m’en remettre à la sagesse à laquelle nous invite le rapporteur. Je précise tout de même en passant que la rédaction que nous proposions au travers de l’amendement n° 492 rectifié était beaucoup plus complète et précise que celle de l’amendement n° 335.

Je le retire malgré tout, monsieur le président, mais ce n’est pas très satisfaisant.

M. le président. L’amendement n° 492 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 335.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mmes Deroche et Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux et MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

applicable

insérer les mots :

, en dehors des modalités de transmission aux administrations intéressées au sens de l’article 10 de la loi n° … du … pour une société numérique,

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 155 rectifié est retiré.

L’amendement n° 554 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre, Rapin et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 323-2 est complétée par les mots : « dont les conditions d’authentification des utilisateurs de données » ;

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Le présent amendement vise à conforter la possibilité de mettre en œuvre un procédé d’authentification des utilisateurs au titre des conditions de réutilisation des informations publiques définies par les licences de réutilisation.

Cette mesure paraît nécessaire pour permettre aux administrations de s’assurer que la réutilisation de leurs données n’est pas contraire à la préservation de l’intérêt général et à l’objectif d’un développement économique équilibré au niveau national et territorial associé à l’open data.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Puisque l’auteur de l’amendement, M. Husson, est là, je peux lui dire que son amendement m’a posé problème. Je ne comprends pas l’objectif de cette disposition, qui me semble un peu contraire à celui de l’ouverture des données au plus grand nombre visé par le projet de loi. Par conséquent, avouant mon ignorance et mon incompréhension, j’aimerais qu’il m’en dise plus parce que je ne saisis pas la disposition proposée, je n’en vois pas la finalité.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, parce que – je vous prie de m’excuser – je ne vois pas où vous voulez en venir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. J’émets un avis un peu similaire. Vous proposez, monsieur le sénateur, de procéder à l’authentification préalable des réutilisateurs pour chaque demande d’utilisation des données publiées. Cela supposerait, j’imagine, de s’enregistrer, de laisser ses coordonnées à chaque fois que l’on veut accéder à des données publiques pour les utiliser à d’autres fins.

Je me demande si, en réalité, il n’y a pas eu une confusion avec l’anonymisation des données personnelles des individus éventuellement mentionnés dans les documents publiés à des fins de rediffusion. En tout cas, je m’interroge.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 554 rectifié est-il maintenu et, dans ce cas, pouvez-vous le clarifier ?

M. Jean-François Husson. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 554 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 362, présenté par M. Philippe Bonnecarrère, n’est pas soutenu.

L'amendement n° 553 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ, D. Laurent et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Morhet-Richaud, Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Lorsqu’une administration souhaite recourir à une licence ne figurant pas sur cette liste fixée, elle garantit la cohérence des dispositions de la licence qu’elle a librement établie, avec les principes fondamentaux communs aux licences définies par décret.

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Comme le précise l’article 7 du projet de loi, lorsque la réutilisation de données à titre gratuit donne lieu à l’établissement d’une licence, cette dernière doit être choisie au sein d’une liste fixée par décret ou avoir fait l’objet d’une homologation préalable par l’État.

Or ces dispositions semblent contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le cas échéant, elles ne manqueront pas d’avoir des conséquences sur des licences déjà utilisées par certaines d’entre elles depuis plusieurs années.

Aussi, il paraît pertinent de garantir aux collectivités territoriales le droit au libre choix des licences, dès lors à et la condition que celles-ci reposent sur un socle commun de principes fondamentaux définis, précisément, par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il semble plus simple d’opter pour une homologation par l’État que de mettre en œuvre le dispositif ici proposé.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Monsieur Husson, vous proposez que les administrations puissent s’affranchir de la liste des licences qui doit être élaborée par décret.

Le présent article a été inscrit dans ce projet de loi à la suite de la consultation publique menée en ligne. Cette discussion illustre toute la difficulté de l’exercice suivi : une disposition proposée par nos concitoyens, votée par un grand nombre de participants au cours de la consultation, peut susciter des réserves au cours du débat parlementaire.

En l’occurrence, à quelles fins définir par décret une liste regroupant un certain nombre de licences ?

J’ai évoqué l’importance de la qualité des données mises à disposition afin d’être réutilisées.

La quantité est déjà là, et elle ne pourra que croître. Les entreprises sont, ainsi que nos concitoyens, placées face à une quantité massive d’informations et de données publiques. Mais en réalité, ce qui importe, pour que ces informations puissent être réutilisées, c’est leur format, leur standard, la manière dont elles sont présentées. Bref, c’est leur qualité.

Pour garantir cette qualité, il faut harmoniser les licences employées par les collectivités territoriales. Ces dernières le demandent d’ailleurs elles-mêmes, lorsqu’elles souhaitent utiliser des données produites par d’autres collectivités, qui ne sont pas interopérables et qu’elles ne peuvent donc pas ajouter à leurs propres bases de données, faute d’une harmonisation.

Le décret dont il s’agit dressera une liste de trois, quatre ou cinq licences, parmi les plus employées en France. Je pense par exemple à la licence Etalab, ou encore à la licence de partage à l’identique. D’autres seront également mentionnées.

L’enjeu, c’est bel et bien de créer un « marché unique de la donnée », même si, dans ce domaine, le terme de marché ne me semble pas opportun ; cette harmonisation est tout à fait nécessaire pour favoriser tous les usages innovants auxquels peut donner lieu la réutilisation de la donnée publique.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 553 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. La réponse de Mme la secrétaire d’État m’a davantage convaincu que celle de M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. On ne peut pas gagner à chaque fois ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Certes, monsieur le rapporteur. De surcroît, les explications apportées par Mme Lemaire m’ont paru plus complètes.

Madame la secrétaire d’État, vous mesurez bien l’enjeu existant pour les collectivités territoriales, notamment au titre des dispositifs qui sont d’ores et déjà en vigueur. J’espère que vous dites vrai. En tout cas, vos propos emportent mon adhésion.

Cette fois-ci, c’est donc avec une certaine satisfaction quant à la réponse qui m’a été apportée que je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 553 rectifié est retiré.

M. Yves Rome. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de traitement préalable de données protégées par une licence, celle-ci doit expressément interdire toute réutilisation abusive de ces données présentant un risque d’identification des personnes. Lors de son établissement, elle inclut obligatoirement une clause de suspension du droit de réutilisation ou une clause de rapatriement des jeux de données compromis. »

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le recours aux licences en matière d’open data vise à garantir la libre réutilisation des données d’un réutilisateur à l’autre ou, dans certains cas spécifiques, à encadrer les conditions de cette réutilisation – par exemple par le biais d’une redevance ou d’une limitation des droits.

Le présent article encadre plus précisément le recours aux licences, afin que ces dernières ne fassent pas obstacle à la libre réutilisation de documents et de bases de données diffusés publiquement.

La liste des licences que pourra employer l’administration pour encadrer la publication de ces données publiques sera fixée par décret afin d’assurer une plus grande sécurité juridique, partant une réutilisation plus libre des données publiques à titre gratuit.

Néanmoins, il semble nécessaire de préciser le contenu générique de ces contrats de licence, notamment pour ce qui concerne l’anonymisation.

Les licences doivent notamment avoir cette utilité : garantir l’interdiction de soumettre les jeux de données à un traitement destiné à permettre la réidentification de personnes physiques.

De surcroît, il semble nécessaire d’intégrer aux contrats de licence une clause de ce type : le service producteur peut suspendre le droit de réutilisation s’il apparaît que celui-ci présente un risque pour le respect de la vie privée.

Une telle mention a l’intérêt d’éviter tout recours contre l’administration sans faute lourde, pour le préjudice éventuellement causé au réutilisateur, en raison de la suppression de ce jeu d’informations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à reprendre judicieusement deux préconisations du rapport d’information établi par nos collègues Gaëtan Gorce et François Pillet, au sujet de l’open data et de la vie privée.

Il s’agit de la recommandation n° 13 : « Interdire expressément dans le contrat de licence toute réutilisation abusive qui aboutirait à lever l’anonymisation des données » et de la recommandation n° 14 : « Intégrer, au contrat de licence, une clause de suspension légitime du droit de réutilisation, ainsi que de suppression ou de rapatriement des jeux de données compromis, lorsqu’un risque de réidentification est apparu ».

La commission avait déjà approuvé le rapport d’information dont il s’agit. Aussi, elle émet un avis favorable sur le présent amendement.

M. Daniel Raoul. C’est cohérent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement se doit d’être défavorable à cet amendement.

M. Bruno Sido. Allez y comprendre quelque chose !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ces dispositions rouvrent le débat de la réidentification, lors de la réutilisation des données publiques.

Le présent amendement tend à introduire l’obligation, pour chaque licence, d’interdire expressément une réutilisation abusive des données qui permettrait une réidentification des personnes.

Ce processus apparaît très complexe et très lourd.

Naturellement, à l’heure du big data, l’objectif de protection contre le risque de réidentification est crucial. Mais les licences de réutilisation ne sont pas le bon instrument pour apporter aux individus des garanties en la matière, ne serait-ce que pour cette raison, que je réitère : toutes les garanties figurent dans la loi Informatique et libertés. (M. Loïc Hervé manifeste sa circonspection.) Ce texte, qui n’est pas amendé, précise des obligations de déclaration ou d’autorisation, par la CNIL, de traitement automatisé de données, lorsqu’il existe des risques pour les personnes.

La réutilisation des données personnelles est couverte par la loi CNIL, qui, je le dis et je le répète, est toujours applicable, qui est de droit commun ! À l’inverse, l’établissement des licences de réutilisation des données publiques n’est pas obligatoire. Au demeurant, lesdites licences sont le plus souvent contractuelles.

L’enjeu essentiel ne réside donc pas dans la définition des licences mais dans la bonne mise en œuvre, par la CNIL, de la loi Informatique et libertés. Voilà pourquoi nous visons cet objectif à travers le présent texte, ce surtout au titre II, qui renforce les pouvoirs de la CNIL. Cette instance doit pouvoir émettre des certificats de conformité et édicter des sanctions beaucoup plus lourdes qu’à l’heure actuelle.

Gardons-nous d’apporter une mauvaise réponse à une véritable question !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 445 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La licence retenue par l’administration prévoit que la réutilisation des données est gratuite lorsque toutes les données issues de la réutilisation sont diffusées sous une licence identique, et qu’elle peut donner lieu à redevance dans le cas contraire. »

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. À travers cet amendement, nous proposons la création d’une double licence pour la mise à disposition des données, à l’instar des dispositions en vigueur au titre de l’open source.

Pour notre part, nous distinguons deux types d’usage de la donnée publique : premièrement, un usage à titre gratuit par un citoyen ou par une entreprise, en général de petite taille, qui reversent les données traitées ou utilisées dans le domaine public ; deuxièmement, un usage commercial, par une entreprise, pour une entreprise, qui exploite les données mises à disposition et en tire un avantage d’ordre marchand. Ce second cas de figure concerne, en général, de grandes entreprises.

Face à l’usage différencié dont la donnée publique peut faire l’objet, nous souhaitons apporter une solution qui, à nos yeux, serait juste et utile. Nous suggérons l’instauration d’une double licence, gratuite pour les particuliers et les petites entreprises, si les résultats obtenus par eux sont reversés gratuitement dans le domaine public, et payante en cas d’utilisation commerciale.

En effet, la question inhérente à l’ouverture des données publiques, c’est la possible création de valeur dégagée par ces grandes entreprises que j’ai déjà évoquées au cours de la discussion générale, à partir des données publiques mises à disposition gratuitement. Je pense évidemment à Google, à Amazon, à Facebook ou encore à Apple. Aujourd’hui, ces monstres numériques parviennent à peser autant, si ce n’est plus, que le CAC 40, en contournant systématiquement les règles de fiscalité. À cet égard, nous aurions souhaité que ce projet de loi consacre une plus grande part aux enjeux fiscaux – je l’ai déjà indiqué cet après-midi.

Aux yeux du groupe CRC, la question ne fait aucun doute : la création de valeur exclusive et privée au moyen d’une donnée publique exige une licence payante.

Madame la secrétaire d’État, vous avez fait vôtre l’engagement d’instaurer ce principe par décret. Mais nous ne savons pas quelles seront les alternances de demain, et nous entendons faire respecter la volonté du législateur en inscrivant cette disposition dans ce projet de loi, en la complétant par décret si besoin est.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. À ce stade, il ne paraît pas nécessairement opportun de prévoir un tel dispositif ODbL, Open Database License, pour toutes les données publiques.

À notre sens, mieux vaut laisser aux administrations le choix de l’une des licences figurant sur la liste fixée par décret.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable. Elle vous demande de retirer cet amendement. À défaut, elle maintiendra cet avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, car il considère que celui-ci est satisfait. Monsieur Bosino, vous suggérez en somme de revenir sur les termes d’un texte qui a été examiné par la Haute Assemblée en octobre 2015, et qui est entré en vigueur à la fin du mois de décembre suivant.

Cette loi, relative à la gratuité, prévoit effectivement qu’un décret définisse les conditions dans lesquelles certaines catégories d’administrations pourront recourir à des redevances de réutilisation. A priori, deux critères seront employés et ressortiront des dispositions réglementaires. Tout d’abord, l’administration considérée, par exemple une collectivité territoriale, devra disposer de ressources propres. Ensuite, elle devra poursuivre une activité de diffusion et d’information.

Dès lors, il faudra mener un examen au cas par cas pour savoir si les collectivités locales sont autorisées, par cette loi, qui a déjà été votée, à recourir à des redevances de réutilisation.

À mon sens, il n’y a pas lieu de rouvrir, dans cet hémicycle, ce débat que le Sénat a déjà mené il y a peu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la secrétaire d’État, pour nous, il ne s’agit pas tant de rouvrir le débat que de réaffirmer un certain nombre de réalités. En particulier, il faut insister sur ce fait : si la réutilisation des données publiques se révèle d’ordre commercial, si elle donne lieu à un gain financier, elle doit être soumise à redevance. Ce principe doit tout particulièrement s’appliquer aux grandes entreprises.

Vous nous assurez que ce principe figure déjà dans une précédente loi : eh bien, réaffirmons-le dans le présent texte !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 571 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Commeinhes et Milon, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Cayeux, Deromedi et Duranton, MM. Vaspart, Cornu, Rapin, Doligé, Mouiller, G. Bailly et Vogel, Mme Garriaud-Maylam et MM. Savary et Mayet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 324-1 est ainsi rédigée :

« Toutefois, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2, les collectivités territoriales et leurs groupements, peuvent établir une redevance de réutilisation dans les conditions fixées par le présent chapitre IV. »

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. La loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public limite à certaines administrations la possibilité d’établir des redevances de réutilisation des données et, ainsi, de déroger au principe de gratuité imposé par les textes européens.

Cette dérogation est très encadrée, et le montant des redevances considérées est fixé selon « des critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires » et « révisé […] tous les cinq ans.

Au vu de cet encadrement strict, dont le bien-fondé n’est pas sujet à discussion, il n’est pas justifié que les collectivités territoriales et leurs groupements, pourvoyeurs de données stratégiques, se voient refuser cette possibilité dès lors qu’ils satisfont aux conditions énoncées par la loi.

L’open data doit être un outil au service du développement économique et de la création d’emplois sur les territoires et doit permettre que la valeur ajoutée des données publiques profite de manière égale à l’ensemble des acteurs économiques du territoire. On parle beaucoup d’ancrage territorial : en l’occurrence, il s’agit ni plus ni moins que de l’ancrage territorial des données.

Dans certaines situations, la redevance est l’un des seuls moyens propres à garantir un écosystème concurrentiel équitable et un égal accès au marché.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Gremillet, un précédent amendement m’a déjà permis de m’exprimer au nom de la commission sur ce sujet. Il ne nous paraît pas opportun de revenir sur le sujet des redevances, que la loi Valter a permis de trancher ici même en décembre dernier.

Au demeurant, deux amendements déposés à l’article suivant tendent à revenir sur cette question des redevances, qui a donné lieu à un long débat en commission avant d’être tranchée. La position de la commission est claire : ne rouvrons pas ce débat !

Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 571 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 8

Article 7 bis

I. – Le chapitre IV du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est complété par un article L. 324-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 324–5–1. – La réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public mentionné à l’article 1er de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques ne peut donner lieu au versement d’une redevance. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 115 rectifié est présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.

L'amendement n° 220 est présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – À l’article L. 324-4 du code des relations entre le public et l’administration, les mots : « de ces redevances » sont remplacés par les mots : « des redevances mentionnées aux articles L. 324-1 et L. 324-2 ».

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié.

Mme Catherine Morin-Desailly. Étant donné l’heure avancée à laquelle nous nous trouvons, je me contente d’indiquer qu’il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 220.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, comme vous le savez, la loi du 28 décembre 2015 a réécrit l’article 15 de la loi du 17 juillet 1978.

La première phrase de son I pose désormais le principe de la gratuité.

Toutefois, une première dérogation est immédiatement fixée. Elle concerne les administrations « tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public ».

Le II apporte une seconde dérogation au principe de gratuité. Il vise les « informations issues des opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et archives ».

Enfin, les deux premiers alinéas du III sont ainsi rédigés : « Le montant des redevances mentionnées aux I et II » – tout cela est logique – « est fixé selon des critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires. Ce montant est révisé au moins tous les cinq ans.

« Les modalités de fixation de ces redevances sont fixées par décret en Conseil d’État, après avis de l’autorité compétente. Ce décret fixe la liste des catégories d’administrations qui sont autorisées, en raison de la nature de leur activité et des conditions de leur financement, à établir des redevances en application du I. La liste des catégories d’administrations est révisée tous les cinq ans. »

Or la codification de ces dispositions dans le code des relations entre le public et l’administration, le CRPA, a donné lieu à des modifications formelles de l’agencement de l’article 15 qui pourraient porter à confusion.

Ainsi, l’article 15–I est devenu l’article L. 324–1 du CRPA. L’article 15–II est devenu l’article L. 324–2 du CRPA. Quant aux trois alinéas de l’article 15–III, ils forment maintenant trois articles différents dudit code.

Le lien qui résultait de l’insertion de ces trois dispositions au sein d’un même paragraphe n’est pas pour autant rompu.

Une ordonnance de codification devrait s’appliquer à droit constant sur cet ensemble de textes.

M. Alain Vasselle. Il faudrait conclure !

M. Bruno Sido. En effet !

M. Jean-Pierre Sueur. En conséquence, vous l’aurez compris,… (Marques d’impatience sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Sueur. … le projet de décret prévu à l’article L. 324–4 du CRPA doit nécessairement déterminer « les modalités de fixation » des redevances visées à l’article L. 324–1 et à l’article L. 324–2.

M. Alain Vasselle. Un peu long pour un amendement de précision…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Toute précision étant utile, la commission émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je pense que je suis favorable à ces amendements. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 115 rectifié et 220.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 116 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et MM. L. Hervé et Maurey, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

I. – Le chapitre IV du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° L’article L. 324-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Aucune redevance ne peut être perçue pour la réutilisation de ces informations publiques lorsque, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour une société numérique, elles ont déjà fait l’objet d’une diffusion publique en ligne, gratuite et dans un standard ouvert aisément réutilisable.

« Par exception, la réutilisation peut donner lieu au versement d’une redevance lorsqu’elle fait encourir aux administrations concernées des coûts incrémentaux spécifiques directement liés à une demande spécifique du réutilisateur. Le produit total de la redevance, évalué sur une période comptable appropriée en fonction de la nature des coûts, ne dépasse pas le montant total de ces coûts incrémentaux spécifiques encourus sur la même période. » ;

2° Il est ajouté un article L. 324-5-1 ainsi rédigé :

II. – Alinéa 3

Remplacer la référence :

I

par la référence :

2° du I

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai entendu qu’il n’était pas souhaité que le débat sur les licences soit rouvert ce soir. Néanmoins, je tiens à défendre le présent amendement, qui tend à inscrire dans ce projet de loi le principe du freemium pour la réutilisation des données publiques non couvertes par le principe de gratuité.

Je salue l’avancée assurée par la loi Valter, qui pose le principe de la gratuité et de la réutilisation des données publiques. Pour autant, je signale un sujet d’inquiétude : l’affirmation de ce principe de gratuité cache de nombreuses exceptions favorisant la généralisation du recours aux redevances, notamment pour l’ensemble des informations issues des opérations de numérisation des fonds et des collections des bibliothèques, y compris les bibliothèques universitaires, les musées et les archives.

Je rappelle ce qu’affirme le Conseil national du numérique dans l’avis qu’il a consacré au présent projet de loi : « […] Le recours à la redevance doit demeurer exceptionnel et temporaire en raison des externalités positives qu’entraîne l’ouverture gratuite des données publiques pour la collectivité, ainsi que des risques liés à la mise en place de redevances, en termes de dépendance de financement vis-à-vis du secteur privé ou encore de barrières d’accès pour les utilisateurs les moins dotés. La dynamique de réduction du recours aux redevances, encouragée par la décision du CIMAP du 18 décembre 2013, doit être poursuivie. »

Madame la secrétaire d’État, en décembre dernier, vous avez déclaré devant la commission des lois que le Gouvernement se dirigeait vers une telle solution de type « freemium ».

Selon les termes du présent amendement, aucune redevance ne peut être perçue par une collectivité publique lorsque la réutilisation porte sur des données publiques numérisées accessibles en ligne et gratuitement par tous. La réutilisation du patrimoine numérique culturel français ne devrait pas être limitée et réservée aux seules sociétés qui sont en mesure d’acquitter des redevances, si ces données font d’ores et déjà l’objet d’une diffusion en ligne, dans un format ouvert et aisément réutilisable.

Néanmoins, si la réutilisation expose les bibliothèques, y compris les bibliothèques universitaires, les musées et les services d’archives, à des coûts incrémentaux spécifiques directement liés à une demande particulière du réutilisateur, elle peut donner lieu à une redevance. Dans ce cas, le montant total des redevances perçues ne doit pas excéder le montant total de ces coûts incrémentaux spécifiques.

Mes chers collègues, je vous remercie de m’avoir écoutée patiemment.

M. le président. L'amendement n° 117 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. – Le chapitre IV du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 324-2 est ainsi rédigée :

« Le produit total du montant de cette redevance, évalué sur une période comptable appropriée, ne dépasse pas le montant total des coûts spécifiques de collecte, de production, de mise à disposition ou de diffusion, de conservation de leurs informations et d’acquisition des droits de propriété intellectuelle, encourus sur la même période. » ;

2° Il est ajouté un article L. 324-5–1 ainsi rédigé :

II. – Alinéa 3

Avant la référence :

I

insérer la référence :

2° du

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. La directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003, relative à la réutilisation des informations du secteur public, transposée récemment, par la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, soumet les ressources culturelles à l’obligation d’ouverture des données publiques.

Les modalités de réutilisation de ces données publiques culturelles ne doivent pas conduire à entraver leur réutilisation à des fins commerciales. En effet, des coûts qui ne seraient pas directement liés aux demandes de réutilisation ne peuvent pas être supportés à travers des redevances par des acteurs publics de la réutilisation en lieu et place de l’administration.

Aussi cet amendement tend-il à établir un principe plus juste et plus équitable. Il vise à préciser que la réutilisation peut donner lieu à une redevance si elle fait encourir aux bibliothèques, y compris les bibliothèques universitaires, les musées et les services d’archives, des coûts spécifiques directement liés à la demande de réutilisation.

En outre, afin de prévenir toute interprétation contraire au principe d’une redevance juste et proportionnée, il est nécessaire de préciser que les coûts spécifiques couverts par le produit total de la redevance évalué sur une période comptable appropriée sont ceux exposés par la collectivité publique durant la même période comptable de référence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les précédents amendements, dont j’ai demandé le retrait, tendaient à augmenter le montant des redevances. A contrario, ces deux amendements visent à le réduire. (M. Loïc Hervé opine.)

Je le répète : ne rouvrons pas le débat relatif à la redevance. Le Sénat a adopté la loi Valter, et, pour ce qui concerne le présent texte, la commission a tranché.

Aussi, je sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je ne suis pas fondamentalement opposée à ce que soit rouvert le débat relatif au principe de gratuité, instauré par la loi du 28 décembre 2015.

Toutefois, je rappelle que cette loi a transposé une directive européenne, la directive concernant la réutilisation des informations du secteur public, ou directive PSI, datant de 2013, qui elle-même introduisait le principe de gratuité. (M. Loïc Hervé le confirme.)

Ces deux amendements visent à étendre davantage ce principe de gratuité, tout en introduisant une forme d’exception, en ouvrant le recours à un modèle dit « freemium ».

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je confirme qu’il s’agit là d’un dispositif intéressant, susceptible d’être encouragé par le Gouvernement, dans certains cas et au cas par cas.

Ainsi, l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN, propose un modèle hybride. Certaines données sont mises à disposition gratuitement pour les usages les plus simples. D’autres, destinées à des usages premium, notamment par de grandes entreprises, font l’objet d’une redevance spécifique.

Un autre exemple illustre la prise en compte de ce modèle par le Gouvernement : l’open data en matière de transports a été introduit dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques de l’année dernière. À destination des voyageurs, il concerne les informations relatives à leur mobilité. Dans ce cas, le modèle freemium est encouragé. Ce n’est toutefois pas le seul modèle de redevance, et nous avons fait le choix de ne pas en imposer un plutôt qu’un autre.

En outre, votre amendement mentionne la demande particulière d’un réutilisateur susceptible d’engendrer des coûts incrémentaux spécifiques. Ce problème est déjà résolu par une disposition de la loi Valter de 2015 : les travaux à façon. (M. Loïc Hervé hoche la tête en signe de doute.) Il s’agit de prestations de services répondant à une demande spécifique. Ainsi, une entreprise qui aurait besoin de données cartographiques particulières pourrait les commander à l’IGN. Ce type de service peut déjà faire l’objet d’une redevance.

Enfin, on pourrait craindre que l’adoption de cet amendement, madame Morin-Desailly, ne remette en cause la dérogation spécifique introduite dans la loi permettant aux bibliothèques, aux musées et aux services d’archives – à des établissements culturels, donc – de recourir au système des ordonnances de réutilisation afin de financer des programmes de numérisation de leurs fonds, qui, vous le savez, sont coûteux. Ces programmes de rattrapage permettent au monde culturel d’être à la page de l’heure numérique.

Vous comprendrez que le ministère de la culture soit particulièrement défavorable à une évolution législative en ce sens, essentiellement pour des raisons de coût induit.

M. le président. Madame Morin-Desailly, l’amendement no 116 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous vous en doutez, mon intention n’était pas de priver les bibliothèques et la culture de moyens, mais de lancer le débat sur le freemium. Votre réponse, madame la secrétaire d’État, m’a permis de mesurer que ce sujet méritait d’être évoqué.

La réponse de notre rapporteur renvoie à la discussion générale, au cours de laquelle j’ai évoqué notre déception de constater que ce projet arrivait un peu tard au regard de la transposition, dans l’urgence, de la directive européenne par la loi Valter.

La déconnexion des sujets qui en a résulté nous prive aujourd’hui d’un débat sur ce thème, car il est considéré comme clos. Or, à mes yeux, dans le domaine du numérique, l’innovation est si rapide que les sujets sont très évolutifs.

En outre, je ne suis pas non plus favorable à ce que la loi soit redondante. J’ai bien compris que les coûts incrémentaux figuraient déjà dans la loi Valter.

Je retire donc l’amendement n° 116 rectifié bis, qui était un amendement d’appel, après avoir bien entendu l’ensemble de vos remarques.

M. le président. L’amendement n° 116 rectifié bis est retiré.

Monsieur Hervé, l’amendement n° 117 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.

(L’article 7 bis est adopté.)

Article 7 bis
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Article additionnel après l’article 8

Article 8

Le livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 322-6 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles publient chaque année une version mise à jour de ce répertoire. » ;

2° Le quatrième alinéa de l’article L. 326–1 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase, le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « un million d’euros » ;

b) À la seconde phrase, le montant : « 300 000 euros » est remplacé, deux fois, par le montant : « deux millions d’euros » ;

3° Le titre IV est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa de l’article L. 342–1, après les mots : « refus de communication », sont insérés les mots : « ou un refus de publication » ;

b) (Supprimé)

c) La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 341-1 est complétée par les mots : « ou déléguer à son président l’exercice de certaines de ses attributions » ;

d) L’article L. 342–3 est ainsi modifié :

- les mots : « à l’article L. 300–2 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article L. 300-2 ou par son président » ;

- il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la commission publie régulièrement la liste des avis favorables émis par la commission. Cette liste précise le nom de l’administration concernée, la référence du document administratif faisant l’objet de l’avis, les suites données, le cas échéant, par l’administration à ce dernier, ainsi que, le cas échéant, l’issue du recours contentieux. » ;

e) Le chapitre II est complété par un article L. 342-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 342-6. – Lorsque la commission est consultée sur un projet de loi ou de décret, son avis est rendu public. »

M. le président. L’amendement n° 493 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

un million d’euros

par les mots :

4 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise ou à 20 millions d’euros maximum

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je me propose, monsieur le président, de présenter en même temps cet amendement et le suivant, n° 494 rectifié, car ils sont très proches.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 494 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mme Deromedi, M. J.P. Fournier, Mme Deroche, MM. Charon et Doligé et Mme Cayeux, et ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Alain Vasselle. Il est préférable de ne pas chercher à chiffrer le préjudice en valeur absolue, car les amendes désormais proposées sont punitives pour les petites entreprises, mais représentent une somme négligeable pour les grosses.

Il est donc essentiel à nos yeux de prévoir des amendes qui seront adaptées aux préjudices supportés dans de telles circonstances, surtout si cette violation a permis à la personne qui n’a pas respecté les termes de la licence d’en tirer un avantage important.

Les montants proposés ici ne constituent qu’un plafond, le montant final de l’amende restant à la libre appréciation de la CADA ou du juge administratif.

L’amendement n° 494 rectifié poursuit le même objectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Vasselle, vous ne serez pas surpris : ces deux amendements sont contraires à la position de la commission.

À travers l’amendement n° 493 rectifié, vous proposez un dispositif identique à celui qui s’applique à la CNIL lorsqu’elle agit en guichet unique au niveau européen. C’est en effet la transposition des dispositions du règlement.

Cependant, cet amendement tend à modifier substantiellement le code des relations entre le public et l’administration, puisque la CADA ne peut aujourd’hui prononcer de telles sanctions.

Une telle disposition emporterait de lourdes conséquences, et la commission s’est prononcée en sa défaveur. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

L’avis de la commission est identique sur l’amendement n° 494 rectifié, par cohérence. En supprimant l’alinéa 6, vous mettez un terme à la gradation des peines, puisque vous supprimez leur augmentation en cas de récidive. Il n’y aurait, dès lors, plus la cohérence entre la sanction prévue à l’alinéa 5 et son aggravation prévue à l’alinéa suivant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, qui visent à augmenter très fortement le plafond des amendes prononçables en cas de non-respect des licences de réutilisation des données publiques.

À l’Assemblée nationale, ce plafond avait déjà été accru, passant de 150 000 euros à 1 million d’euros. Vous y allez fort, si je puis dire, puisque vous proposez de porter ce plafond à 20 millions d’euros, ou à 4 % du chiffre d’affaires.

On peut comprendre l’objectif que vous poursuivez : prévenir le préjudice avant qu’il ne soit commis.

Imaginez pourtant que les licences émanent d’entreprises publiques placées en situation de concurrence. La majoration telle qu’elle est prévue dans la version issue de l’Assemblée nationale me semble suffisante dans la mesure où aller plus loin créerait un risque véritable pour les entreprises privées qui réutiliseraient les données.

Le Gouvernement y est donc très défavorable.

M. le président. Monsieur Vasselle, les amendements nos 493 rectifié et 494 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Alain Vasselle. J’entends l’argumentation développée par le rapporteur sur l’amendement n° 494 rectifié, à propos de la récidive, pour autant, je le suis moins aisément à propos de l’amendement n° 493 rectifié.

Mme la secrétaire d’État vient de donner les chiffres et considère que la peine infligée aux entreprises concernées apparaît démesurée, quand celle que proposait l’Assemblée nationale lui paraissait plus proportionnée.

De cet amendement, toutefois, il faut retenir l’application d’une pénalité qui tienne compte du chiffre d’affaires réalisé. Il vise ainsi à substituer à une somme un pourcentage.

Si le 4 % vous paraît trop élevé, il est possible de retenir 1 % ou 2 %, voire 0,5 %.

À travers cet amendement, nous souhaitions que preniez conscience de la nécessité de doser la pénalité en fonction de l’importance de l’entreprise et de son chiffre d’affaires.

J’entends bien que sa rédaction actuelle n’est pas complètement satisfaisante, mais j’invite le rapporteur et le Gouvernement à y réfléchir afin que d’ici à la commission mixte paritaire nous puissions trouver une rédaction plus conforme à ce que nous pouvons en attendre.

J’accepte de retirer ces amendements, mais je reviendrai éventuellement à la charge si besoin est.

M. le président. Les amendements nos 493 rectifié et 494 rectifié sont retirés.

L’amendement n° 185, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 8.

(L’article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 9 (début)

Article additionnel après l’article 8

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 363 est présenté par M. Bonnecarrère.

L’amendement n° 555 rectifié est présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ, D. Laurent et Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre, Rapin et Laménie et Mme Deroche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le f) de l’article L.1115-1 du code des transports est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« f) Les dérogations au principe de gratuité à l’égard des réutilisateurs en situation de position dominante, justifiées par des coûts significatifs de mise à disposition, sans toutefois que la contribution desdits réutilisateurs puisse excéder ces coûts ;

« g) En vue de garantir la qualité de l’information et des services ainsi que la sécurité des usagers, les conditions assurant le caractère complet et neutre ainsi que la conformité à l’intérêt général de la réutilisation des données. »

L’amendement n° 363 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n° 555 rectifié.

M. Jean-François Husson. L’open data doit être un outil au service du développement économique et de la création d’emplois sur les territoires.

Dans le domaine du numérique, de grands acteurs diffusent aujourd’hui gratuitement des services performants. Cela peut empêcher le développement d’autres acteurs, qui ne sont pas en mesure de financer leurs offres. Il s’agit de permettre que la valeur ajoutée des données publiques profite également aux acteurs des territoires.

Il s’agit également de garantir aux administrations, y compris aux collectivités territoriales, la possibilité d’une redevance applicable aux acteurs dits « plateforme » en situation de position dominante, de monopole ou d’oligopole, sur leurs marchés.

Ce dispositif de redevance, applicable de manière très limitative, parce qu’encadrée par une directive européenne, permet que la valeur ajoutée des données publiques profite aussi aux entreprises de nos territoires et permette in fine la création d’emplois en France. Elle offre ainsi la possibilité de créer un cadre de confiance propice à la réutilisation des données.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous sommes aujourd’hui un peu plus d’un an après le vote et l’entrée en vigueur de la loi Macron. Est-il pertinent de revenir dès à présent, dans le texte dont nous discutons, sur ses dispositions ? Ne faudrait-il pas plutôt en tirer d’abord un premier bilan ? (M. Jean-François Husson sourit.) Je pose la question à l’auteur de l’amendement comme à Mme la secrétaire d’État.

La commission vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement, dans la mesure où il vise à modifier un article qui fait l’objet, en ce moment même, d’un décret d’application en phase de rédaction finale. En outre, les codes de conduite sont en cours de négociation avec tous les acteurs du secteur des transports concernés.

Or vous suggérez d’ajouter deux éléments à ces codes de conduite : des dérogations au principe de gratuité pour les réutilisateurs en situation de position dominante et des critères garantissant la conformité à l’intérêt général de la réutilisation des données.

D’abord, ces deux critères sont susceptibles d’être interprétés de manière très subjective de la part de celui qui émet les données. Ensuite, il me paraît très difficile de revenir sur un dispositif qui est en cours de mise en œuvre.

Je précise que l’objectif que vous poursuivez est partiellement satisfait, puisqu’une protection est déjà prévue à l’article L. 1115–1 du code des transports, lequel dispose que les protocoles des codes de conduite doivent contenir « les dérogations au principe de gratuité à l’égard des utilisateurs de masse, justifiées par des coûts significatifs de mise à disposition, sans toutefois que la contribution des utilisateurs puisse excéder ces coûts ».

Il existe donc déjà une dérogation au principe de gratuité dans les transports pour ces données relatives aux informations transmises aux voyageurs. À mon sens, nous devons respecter l’équilibre qui avait été trouvé dans cet hémicycle l’année dernière, à l’occasion des discussions sur la loi pour la croissance.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 555 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. Il arrive parfois que nous revenions, peu de temps après, pour les modifier, sur des textes de loi que nous avons adoptés.

On me dit aujourd’hui que la loi Macron est… en marche. (Rires.)

M. Loïc Hervé. Excellent ! Hé, oh, la gauche !

M. Jean-François Husson. Je vais, quant à moi, opérer une marche arrière de repli stratégique. (Nouveaux rires.) Je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 555 rectifié est retiré.

Article additionnel après l’article 8
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Article 9 (interruption de la discussion)

Article 9

I. – Le chapitre Ier du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration est complété par un article L. 321-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 321–4. – I. – La mise à disposition des données de référence en vue de faciliter leur réutilisation constitue une mission de service public relevant de l’État. Toutes les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 concourent à cette mission.

« II. – Sont des données de référence les informations publiques mentionnées à l’article L. 321-1 qui satisfont aux conditions suivantes :

« 1° Elles constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ;

« 2° Elles sont réutilisées fréquemment par des personnes publiques ou privées autres que l’administration qui les détient ;

« 3° Leur réutilisation nécessite qu’elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité.

« III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de participation et de coordination des différentes administrations. Il fixe les critères de qualité que doit respecter la mise à disposition des données de référence.

« IV. – Un décret dresse la liste des données de référence et désigne les administrations responsables de leur production et mise à disposition. »

II. – Le présent article entre en vigueur à la date de publication des décrets mentionnés aux III et IV de l’article L. 321-4 du code des relations entre le public et l’administration, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 70 rectifié est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Mandelli, Mouiller, Bignon, Bizet, de Legge, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat et P. Leroy, Mme Procaccia, MM. Savary, Bouchet et Vasselle, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras.

L’amendement n° 348 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère, Cigolotti et Détraigne, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Marseille, Maurey, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche et Tandonnet.

L’amendement n° 536 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

1° Au début

Insérer les mots :

La standardisation et

2° Remplacer le mot :

constitue

par le mot :

constituent

La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié.

M. Patrick Chaize. Cet amendement a pour effet d’intégrer la standardisation des données. Il est effectivement nécessaire d’impulser des travaux de standardisation, à la fois secteur par secteur, dans une cohérence d’ensemble, et en relation avec les instances européennes.

Les données non standardisées ne peuvent être réutilisées à une certaine échelle. Le coût initial des travaux de standardisation est bien moins élevé que celui de l’utilisation de données hétérogènes.

Les référentiels techniques, géographiques et cartographiques comme les modèles conceptuels de données utilisés, par exemple, dans le cadre des délégations de service public de réseaux de communications électroniques ou bien de gestionnaires de fluides doivent permettre l’utilisation d’un langage commun par les acteurs publics et privés, rendant possibles l’exploitation plus rapide des données, les échanges et les agrégations.

L’utilisation des données serait également accélérée et optimisée par une standardisation en amont concernant notamment les formats, les adresses ou les champs techniques.

In fine, ces actions rendront effective la réutilisation des données des délégataires. Les collectivités et l’État devraient se référer à des standards identiques dans leurs marchés et délégations de service public.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 348 rectifié.

M. Loïc Hervé. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 536 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Compte tenu de l’heure, je considère que cet amendement est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d’ajouter aux missions du service public des données de référence la standardisation des données.

Selon la commission des lois, cette proposition est satisfaite par le droit en vigueur.

L’article 11 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives a ainsi créé un référentiel général d’interopérabilité qui « fixe les règles techniques permettant d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information. Il détermine notamment les répertoires de données, les normes et les standards qui doivent être utilisés par les autorités administratives. Les conditions d’élaboration, d’approbation, de modification et de publication de ce référentiel sont fixées par décret. »

Concernant les données géographiques, en particulier, l’IGN utilise d’ores et déjà des normes européennes.

Dans ces conditions, ces amendements apparaissent contraires à la position de la commission. Je propose donc leur retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que ces amendements sont satisfaits et en demande le retrait. L’objectif de standardisation des données que poursuivent leurs auteurs est au cœur de la création de la mission du service public de la donnée. Celui-ci devra édicter un certain niveau de qualité pour les données les plus réutilisées dans notre pays, en ayant recours à la notion de données de référence ou de données pivots.

Quelques-unes seront, dans un premier temps, définies par décret, par exemple la Base adresse nationale, le cadastre, la base SIRENE ou le référentiel général publié par l’IGN. Leur format sera précisé dans les décrets d’application de cette loi.

L’objet de cette démarche est bien la standardisation, afin d’assurer la diffusion et l’interopérabilité de ces données, qui font l’objet d’une utilisation particulièrement intensive.

Enfin, le référentiel général d’interopérabilité, prévu par une ordonnance datant de 2005 et qui s’impose à l’ensemble des autorités administratives depuis 2009, a justement pour objet de standardiser – c’est le terme utilisé dans le texte – les échanges entre les administrations et le public ainsi qu’entre les administrations elles-mêmes.

Ce référentiel général d’interopérabilité fait l’objet d’une actualisation régulière : sa mise à jour la plus récente date de la semaine dernière. Vous le voyez, sur ces sujets, le Gouvernement est collectivement en marche ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?

M. Patrick Chaize. Je vais retirer cet amendement, monsieur le président.

Je vous ai entendu évoquer les données les plus courantes, madame la secrétaire d’État, mais en matière de contrat de service public, notamment, dans des domaines bien déterminés comme la communication électronique ou les réseaux électriques, la standardisation peine à être mise en place. Dans la vraie vie, les intentions que vous évoquez ne sont pas toujours apparentes !

Je retire néanmoins mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est retiré.

Monsieur Hervé, l’amendement n° 348 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 348 rectifié est retiré.

Monsieur Requier, qu’advient-il de l’amendement n° 536 rectifié ?

M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 536 rectifié est retiré.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Genest, Darnaud et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et des autorités administratives mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2, chacun en ce qui le concerne

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Dans son avis rendu en décembre 2015, le Conseil d’État a considéré que l’article 9 était entaché d’incompétence négative, dès lors que, en premier lieu, la mission de service public prévue à cet article, la nature des données de référence qui en relèveraient et ses modalités essentielles d’organisation n’étaient pas suffisamment précisées et que, en second lieu, les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public n’étaient pas définies.

Force est de le constater, la nouvelle rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne permet pas d’en savoir davantage, s’agissant en particulier de l’implication des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le cadre de cette nouvelle mission de service public.

Dans ce contexte, le présent amendement a pour objet d’associer clairement les collectivités locales à l’exercice de cette mission pour les données de référence qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent, et de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 2, qui est beaucoup trop approximative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier le rôle des collectivités territoriales dans le service public des données de référence.

Ce faisant, il met toutefois à la charge de l’ensemble des administrations ce service public, plutôt que de le laisser à la seule charge de l’État. Il est pourtant nécessaire, notamment pour les questions de standardisation évoquées plus tôt, d’identifier un chef de file en ce domaine.

Par ailleurs, cet amendement est en partie satisfait par le texte de la commission.

Pour ces raisons, mon cher collègue, je vous propose de le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Si je comprends bien le sens de cet amendement, vous proposez que les collectivités participent au service public de la donnée en apportant des données qu’elles produisent ou qu’elles collectent annuellement.

Vous demandez donc que le Gouvernement instaure une nouvelle mission de service public qui serait imposée aux collectivités. Cela serait certainement contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Pour autant, les collectivités seront naturellement bénéficiaires des données qui feront l’objet de la standardisation que nous venons d’évoquer, avec M. Chaize, dans le cadre de la mission de service public.

Par ailleurs, il n’est pas exclu que les collectivités prennent l’initiative de mettre en place des missions de service public d’ordre local.

Je me trouvais ainsi récemment à Rennes, agglomération qui a été à l’avant-garde de l’ouverture des données publiques et qui réfléchit à la mise en œuvre d’une mission de ce type au niveau local.

Il me semble préférable de conserver une mission réservée à l’État, qui a mis en place une plateforme destinée à collecter le plus grand nombre possible de données – Etalab, sur le site data.gouv.fr – parce que cette centralisation, qui ne se veut pas bureaucratique ou administrative, des données offre une accessibilité plus aisée.

Il s’agit d’un objet intéressant pour la diffusion des données de l’État et des collectivités territoriales qui le souhaiteraient.

M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Non, je le retire, monsieur le président, en raison, notamment, de la réponse de notre rapporteur. Nous proposions simplement de clarifier la rédaction, conformément à la demande du Conseil d’État, qui a relevé une imprécision. En outre, le texte adopté à Assemblée nationale ne contient pas de meilleure réponse.

Nous entendions préciser la possibilité pour les collectivités territoriales d’avoir leur place.

Le rapporteur affirme que l’apport de la commission répond partiellement à cet amendement. Dès lors, que cette disposition est satisfaite, je ne peux que moi-même m’en satisfaire !

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

L’amendement n° 222, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline et Guillaume, Mme Conway-Mouret et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment en termes de précision, de disponibilité ou de fréquence de mise à jour

II. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il dresse la liste des données de références et désigne les administrations responsables de leur production et de leur mise à disposition.

III. – Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

des décrets mentionnés aux III et IV

par les mots :

du décret mentionné au III

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 9 est assurément important, car il inscrit dans la loi une nouvelle mission de service public, ce qui illustre la grande importance que revêtent, aujourd’hui, la mise à disposition et la publication des données.

Les données de référence ne sont pas de simples données administratives. Leur périmètre est potentiellement plus large, puisqu’il s’agit d’inciter les administrations à produire des données non pour leur propre usage, mais pour une diffusion aux fins de réutilisation.

Cela concernera, par exemple, pour les besoins propres de l’administration ou entre administrations, les données qui circuleront grâce au programme « Dites-le-nous une fois », qui vise à éviter d’avoir à fournir les mêmes renseignements à différentes administrations.

Il faut donc un niveau d’exigence beaucoup plus élevé que pour la moyenne des données produites et publiées par l’administration.

C’est pourquoi le présent amendement vise à préciser dans le texte même de l’article 9 la définition de la qualité des données que la commission des lois a supprimée par souci de simplification.

Pourtant, comme il est précisé de manière très pertinente dans votre rapport, que nous avons lu avec soin, monsieur Frassa, la question de la qualité des données est essentielle en matière d’ouverture des données publiques, dans la mesure où de leur niveau élevé de qualité dépend l’effectivité de la réutilisation qui pourra en être faite.

Vous avez dit en commission ce matin que vous souhaitiez que nous rectifiions cet amendement de manière à supprimer le I, alors que, précisément, tout ce que je viens de dire, et tout ce que dit excellemment votre rapport, plaide pour le maintien du I !

Pour ce qui est du II, nous sommes d’accord, il ne serait pas logique qu’à un décret pris en Conseil d'État vienne s’ajouter un autre décret, qui de surcroît serait dépourvu de portée.

Monsieur le président, je sollicite un vote par division de cet amendement, afin que nous votions d’abord sur le I, auquel nous tenons beaucoup et qui nous semble tout à fait en accord avec ce que dit M. Frassa dans son rapport, puis sur les II, III et IV qui ont reçu un avis favorable du rapporteur ce matin en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme l’a dit M. Sueur, cet amendement a un double objet.

En premier lieu, il vise à définir la notion de qualité des données. La réintroduction d’une liste, à nouveau non exhaustive, de ce que l’on entend par qualité des données ne me paraît répondre ni à ce que l’on pourrait appeler une définition, ni à l’objectif sous-jacent de répondre à la critique légitime du Conseil d’État qui craignait une censure pour incompétence négative à propos de cet article. En quoi l’inscription dans la loi d’une liste non exhaustive permet-elle en effet au législateur d’épuiser sa compétence ?

La commission maintient donc sa position : avis défavorable sur le I de cet amendement.

En second lieu, cet amendement tend à rétablir un seul et unique décret en Conseil d’État là où la commission avait souhaité apporter de la souplesse en permettant que la liste des données de référence soit dressée dans un décret simple de manière à simplifier la procédure. Si tel n’est pas le cas, il est en effet inutile de prévoir deux décrets distincts.

Pour ces raisons, la commission émet un avis favorable sur les II, III et IV de cet amendement.

Par conséquent, monsieur le président, je demande un vote par division de cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à préciser les éléments permettant de déterminer la qualité des données : la précision, la disponibilité et la fréquence de mise à jour. Une telle définition contribuera à faciliter la diffusion, la réutilisation et l’exploitation de ces données.

Par ailleurs, le recours à un seul décret en Conseil d'État est une mesure de simplification, qui garantit de surcroît que la loi trouvera à s’appliquer plus rapidement.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’ensemble de cet amendement.

Permettez-moi d’apporter une précision sur la mission de service public de la donnée. Son but est finalement de tourner tout notre pays vers une vision et une utilisation stratégique des données produites par l’ensemble des administrations.

Il n’est pas si surprenant que le Conseil d'État ait éprouvé quelque difficulté à appréhender cette notion de mission de service public de la donnée. Cette mission n’existant pas, il n’est pas possible de raisonner à droit constant, de délimiter un périmètre totalement précis ni d’élaborer une étude d’impact aboutie. En proposant une projection dans cette nouvelle notion, nous faisons véritablement œuvre de création juridique.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Sur cet amendement présenté par notre collègue Sueur, avec beaucoup de brio comme à l’accoutumée, je me rallierai naturellement à la position du rapporteur.

Le sujet est très complexe, et les explications tout à fait pédagogiques que nous venons d’entendre ont souligné à quel point la qualité des données est essentielle et doit être traitée de manière prioritaire.

Cela pose notamment la question des compétences, aussi bien dans les administrations centrales citées par Mme la secrétaire d'État que dans les collectivités territoriales. Ces missions portent en effet sur des données très précises et parfois sensibles, et s’il requiert beaucoup de savoir-faire, le perfectionnisme qui est visé semble essentiel. Sur ce type de sujets, nous n’avons pas droit à l’erreur.

M. le président. Nous allons procéder au vote par division de l'amendement n° 222.

Je mets aux voix le I de l’amendement.

(Le I de l’amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le II, le III et le IV de l'amendement n° 222.

(Le II, le III et le IV de l’amendement sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 222, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 221, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’État, les collectivités territoriales, les établissements publics qui en dépendent et les organismes privés délégataires de services publics maintiennent à jour les informations de leurs sites internet.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Comme l’a souligné M. Sueur, l’article 9 a une très forte valeur symbolique puisqu’il inscrit dans la loi une nouvelle mission de service public. Celle-ci marque la volonté de transparence du Gouvernement et montre que le politique est prêt à accompagner l’innovation. Elle s’inscrit d’ailleurs dans la suite logique des mesures prises par le Gouvernement.

Cependant, lorsqu’on se connecte à certains sites internet, on remarque qu’un grand nombre d’informations ne sont pas mises à jour. Certaines mises à jour interviennent parfois quelques mois après les changements induits par les textes.

Ces sites sont pourtant des référentiels pour beaucoup de démarches administratives effectuées par les citoyens. Il paraît donc logique que les sites ayant une mission de service public ne véhiculent que des données exactes. L’objectif de cet amendement est donc bien de nous assurer que le travail de mise à jour sera effectué, et ce parce qu’il devient une obligation légale.

Le rapport sur le retour en France des Français vivant à l’étranger, que j’ai présenté au Premier ministre en juillet dernier, prévoyait la mise en place d’un site interactif dédié au retour, aujourd’hui hébergé sur le site service-public.fr.

Si des informations erronées ou obsolètes venaient à y figurer, nos compatriotes, qui dépendent entièrement d’internet puisqu’ils ne peuvent pas être physiquement présents, pourraient de fait accomplir des démarches auprès des mauvaises administrations, avec toutes les conséquences négatives que l’on peut imaginer, et, de surcroît, avec une perte de temps importante, y compris pour les fonctionnaires auxquels ils s’adresseraient.

La disposition proposée me semble donc bien nécessaire pour éviter ces désagréments, mais aussi pour faire vivre la République numérique au quotidien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à obliger toutes les administrations à tenir à jour leur site internet.

Je ne connais personne qui puisse s’y opposer. Nous avons tous été confrontés à ce problème, lorsque, ouvrant une page d’un site d’une administration ou d’un établissement public, nous avons quelquefois été un peu marris d’y trouver des nouvelles datant non pas du jour mais de quelques mois, pour ne pas dire de quelques années. L’objectif poursuivi apparaît donc tout à fait louable.

Cependant, l’injonction paraît peu effective faute de sanction. Si cette disposition semble une bonne idée, dans la rédaction proposée une incertitude demeure sur ce que l’on encourt si elle n’est pas appliquée, car aucune sanction n’est prévue.

Vous verrez dans la suite de la discussion que d’autres amendements tendant à contraindre les administrations, notamment à utiliser certaines mentions pour les personnes fragiles, prévoient d’assortir ces dispositions de sanctions.

Par ailleurs, l’obligation de mise à jour tombe sous le sens concernant des administrations dont le site internet constitue un outil de publicité et un facteur de crédibilité.

Votre amendement ne prévoyant aucune sanction, même minime, je l’interprète comme un amendement d’appel. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, peut-être au profit d’un engagement du Gouvernement à ce qu’un travail soit entrepris afin d’enjoindre les administrations de faire ces mises à jour régulières de leurs sites internet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Madame Conway-Mouret, vous soulevez le sujet important de la qualité de l’information diffusée en ligne par l’administration et sa mise à jour. Il n’est pas lié au sujet des données publiques au sens de documents administratifs faisant l’objet d’une obligation de publication par la loi CADA en lien avec la loi CNIL.

Votre objectif est évidemment légitime. A contrario, l’on peut difficilement imaginer qu’une administration fasse exprès de ne pas mettre à jour certaines informations. Si tel est le cas, il s’agit sans doute d’un oubli, d’une inadvertance ou d’un manque de ressources humaines ou techniques.

Pour les administrations centrales, la Charte de l’Internet de l’État, qui est portée par une circulaire du Premier ministre en date du 16 février 2012, si elle ne prévoit pas explicitement de mise à jour des sites de l’État, précise que les contenus, notamment les mises à jour, doivent être datés afin que les usagers des services publics dématérialisés accédant à une information publique puissent au moins dater sa mise en ligne.

La Direction de l’information légale et administrative, la DILA, propose pour sa part une information régulièrement mise à jour sur le site internet que vous avez cité, service-public.fr.

Si l’objectif poursuivi à travers cet amendement est légitime, sa mise en œuvre opérationnelle en termes juridiques est plus compliquée.

D’abord, quels critères sont-ils pertinents pour déterminer le moment où l’actualisation véritable d’une information est requise ? Est-ce un critère quotidien ou mensuel, dépend-il de la nature de l’information ? Et, comme l’a souligné le rapporteur, de quelle sanction assortir cette obligation ? Édicter une nouvelle obligation légale sans l’assortir de sanction revient en effet à la rendre par définition non opérationnelle en droit.

Toutefois, pour le caractère utile d’une telle disposition, le Gouvernement n’est pas totalement opposé à ce qu’elle figure dans ce texte. Il émet donc un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Cet amendement m’étonne, car la disposition qu’il propose ignore le coût d’entretien et de mise à jour d’un site internet.

En tant que président d’une collectivité territoriale, je précise d’ailleurs qu’il n’est pas obligatoire d’avoir un site internet. Dans un contexte de diminution des dotations de l’État, je pourrais d’ailleurs choisir de supprimer le site internet de mon administration plutôt que de dépenser de l’argent pour le mettre à jour. Il faut bien faire des économies !

Par ailleurs, cet amendement ne précise pas sous quel délai les mises à jour doivent être faites. Lorsqu’une décision est prise, faut-il mettre le site à jour dès le lendemain ?

La rédaction proposée est donc totalement insuffisante. J’ajoute que cette disposition serait très onéreuse, et que l’on pourrait invoquer l’article 40 de la Constitution.

Je ne le ferai pas, mais je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné sur ce texte 110 amendements ; il en reste 470.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 9 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Discussion générale

19

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 27 avril 2016 :

À quatorze heures trente :

Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, ainsi que sur l’impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage.

Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord.

Débat sur le projet de programme de stabilité.

À seize heures trente, le soir et la nuit jusqu’à une heure trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) ;

Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 535, 2015-2016) ;

Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016) ;

Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016) ;

Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016) ;

Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 27 avril 2016, à une heure vingt.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD