M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, vous avez répondu à ma première question, ce dont je vous remercie, mais pas à la seconde.
M. Alain Vasselle. Oui ! Il a répondu !
Mme Aline Archimbaud. Je vous demandais quelle serait la position de la France si l’ensemble des pays européens s’accordaient pour autoriser la prolongation de la distribution de ce produit. Il y aurait là un problème. Il existe des alternatives. C’est le serpent qui se mord la queue ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
projet de loi sur le travail et recours à l'article 49-3
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi., pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, qu’il est loin le temps où François Hollande déclarait : « Le 49-3 est une brutalité. Le 49-3 est un déni de démocratie » ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez donc été brutal en utilisant cette arme pour stopper le débat démocratique sur le projet de loi relatif au travail.
Je vous entends déjà me parler d’obstruction, d’une minorité de blocage qui vous aurait contraint, dans la souffrance, paraît-il, à la dégainer.
Obstruction ? Vous avez, d’emblée, bloqué les votes avant même celui de l’article 1er ! C’est vous qui avez stoppé la discussion de ce texte de 173 pages ! C’est vous qui obstruez la démocratie !
L’opposition serait minoritaire ?
M. Bruno Sido. Eh bien, oui !
Mme Éliane Assassi. Mais de quelle opposition parle-t-on, quand 75 % de nos concitoyens sont choqués par votre méthode et que 74 % refusent le projet de casse du code du travail ?
Un mouvement continu, diversifié, exigeant, tenace parcourt le pays, et c’est cela qui vous inquiète.
Passer en force est toujours un aveu de faiblesse, en politique comme dans d’autres domaines.
Aujourd’hui, vous êtes minoritaires dans le pays, minoritaires au Parlement, minoritaires au sein de votre électorat.
Vous n’incarnez plus la gauche, mais vous ne ferez pas plier celles et ceux qui sont encore de gauche et qui ne renoncent pas en répondant aux sirènes du libéralisme.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Votre projet de loi relatif au travail doit être retiré sans attendre. Ce texte ne conforte pas les droits des salariés.
Brandir le totem du compte personnel d’activité n’efface pas la scandaleuse inversion des normes, recul historique qui retire la protection de la loi au salarié. C’est un affront à ceux qui vous ont portés au pouvoir, à ceux qui attendaient des changements, et non cette restauration libérale dont M. Gattaz rêvait, que M. Sarkozy n’avait pu parfaire et que la droite sénatoriale va encore durcir !
Sortez donc de votre tour d’ivoire ! Cessez les provocations à l’égard de la jeunesse et des salariés ! Allez-vous, monsieur le Premier ministre, retirer enfin ce texte du débat parlementaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je vous ai écoutée avec évidemment beaucoup d’attention et d’intérêt parler de démocratie. Vous vous appuyez sur les sondages,…
Mme Éliane Assassi. Pas vous ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. … ce qui est, d'ailleurs, une conception assez étrange du rôle du Parlement que vous venez de rappeler : la légitimité du Parlement, la légitimité du Président de la République,…
Mme Éliane Assassi. Non ! Je parle de la légitimité du texte !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … même s’il faut, bien sûr, être en permanence à l’écoute du pays, découlent, tout simplement, du respect du mandat que le peuple a confié aux parlementaires, au chef de l’État, et je n’oublie pas le respect des institutions.
Ce débat, je le connais. L’article 49, alinéa 3, de la Constitution peut être utilisé par le Gouvernement. Il l’a fait parce que, comme je le disais tout à l’heure, il a considéré qu’il y avait l’alliance des contraires.
Vous voulez nous donner, comme d’habitude, des leçons de gauche. C’est tout à fait votre droit. Mais, dans quelques instants, à l’Assemblée nationale, vos amis communistes vont voter une motion de censure présentée par la droite répondant à un programme que vous-même, vous combattez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.) C’est leur droit !
Et même si la motion de censure, qui était déposée par des parlementaires de gauche n’a pas pu aboutir, de toute façon, elle n’avait de chance de passer que si elle recevait les voix de la droite. Donc, ne me donnez pas de leçons de gauche, madame Assassi, sur la méthode, sur la démocratie et sur le mélange des genres !
Quant au fond – parce que c’est cela qui intéresse nos concitoyens –, nous avons une divergence. Le débat est engagé, et il est tout à fait honorable. Mais c’est vous qui passez par pertes et profits le compte personnel d’activité,…
Mme Éliane Assassi. Non ! J’en ai parlé !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … les dispositions sur le droit à la déconnexion, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur la lutte contre la fraude au travail détaché, les mesures concernant la jeunesse…
Sur le débat qui concerne le dialogue social dans l’entreprise, oui, il y a des différences. Ces différences existent d'ailleurs dans le syndicalisme, elles existent dans le débat public, dans le débat politique.
Oui, la ministre du travail, Myriam El Khomri, et moi-même avons tranché : la négociation doit avoir lieu au sein de l’entreprise, parce que, aujourd'hui, il faut tenir compte à la fois de la confiance que nous devons aux entrepreneurs, comme aux salariés.
D'ailleurs, la plupart des syndicats signent des accords dans les entreprises. Et il faut regarder comment les choses évoluent et ce qu’attendent les salariés. Il n’y a aucune inversion des normes. C’est votre argument, que j’entends et que je respecte, mais il ne correspond pas à la réalité. C'est la raison pour laquelle nous considérons qu’il faut aller jusqu’au bout.
Enfin, par rapport à ce qui se passe dans le pays et dans la rue, vous le savez, je suis – et tel est le fondement de mon engagement en politique – extrêmement attentif à tout ce qui concerne la violence. Et la condamnation de la violence, madame la sénatrice, c’est un préalable pour un débat démocratique. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Et je regrette que vous, ou M. Pierre Laurent, l’ayez oublié en permanence !
Je pense à cette violence à l’égard notamment des forces de l’ordre, cette violence qu’on encourage quand on ne condamne pas les actes commis à l’encontre des forces de l’ordre, cette violence qu’on ne condamne pas quand on laisse passer des tracts de la CGT ignobles et insupportables vis-à-vis des forces de l’ordre. (Vifs applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain, sur les travées du groupe du RDSE, de l’UDI-UC, ainsi que sur celles du groupe Les Républicains – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Madame Assassi, quand on ne condamne pas la violence à l’égard des policiers et des gendarmes – mais c’est vrai, vous n’avez voté aucun des textes de loi destinés à lutter contre le terrorisme ! –, quand on ne condamne pas la violence, alors, le jour où la violence de l’extrême droite s’emparera de la rue, vous vous trouverez bien démunie pour la condamner !
En démocratie, il y a des principes. Et moi, contrairement à vous, je respecte ces principes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, à l’évidence, vous êtes mal à l’aise : alors que je vous pose une question sur l’article 49, alinéa 3, de la Constitution et le projet de loi relatif au travail, vous me parlez de violence.
J’ai le sentiment que, quoi que nous disions, vous aurez toujours raison. Cela me conforte dans le soutien que nous avons apporté aux cinquante-six députés de gauche qui ont tenté hier de déposer une motion de censure.
Cela me conforte aussi dans le soutien que nous apportons à nos camarades députés communistes et du Front de gauche pour le vote de la motion de censure cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
lutte contre la radicalisation et création d’un centre de « réinsertion et citoyenneté » en indre-et-loire
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Stéphanie Riocreux. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Ce lundi, vous avez présenté le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme. Ces mesures précises visent à compléter l’arsenal que vous avez déjà mis en œuvre pour faire face à l’évolution de la menace terroriste.
Vous avez mis à disposition du public un numéro vert national pour permettre aux proches des personnes radicalisées ou en voie de l’être de trouver des interlocuteurs. Plus de 9 000 personnes ont ainsi déjà été signalées ; 1 600 d’entre elles font ou ont fait l’objet d’un suivi sur la base du volontariat et 800 familles bénéficient d’un accompagnement.
Les chiffres sont là, et plus personne aujourd’hui ne peut contester la nécessité de poursuivre et de développer la mise en œuvre des mesures de prévention. Des familles de tous milieux ont besoin d’aide. Les collectivités territoriales et les maires, que nous représentons ici, sont chaque jour un peu plus confrontés à ce phénomène.
Vous avez annoncé la création de centres spécifiques dans chacune des régions. Deux types de centres seront créés : les uns pour des personnes déjà radicalisées, de retour de zones de conflits ; les autres pour des personnes en voie de rupture sociale et menacées par la radicalisation, tel le centre expérimental avec hébergement sur la base du volontariat que vous envisagez d’ouvrir prochainement en Indre-et-Loire, sur le site de Pontourny, à Beaumont-en-Véron.
Comme j’ai pu le constater localement, la perspective de l’ouverture d’un tel centre fait naître attentes et interrogations. À Pontourny, les salariés d’une structure locale d’accueil qui allait fermer ses portes s’investissent particulièrement pour la réussite de cette expérimentation nationale. Mais, dans le contexte général actuel, des inquiétudes légitimes, suscitées par le profil des personnes attendues, se manifestent également.
Les élus locaux de tous bords sont mobilisés aux côtés des services de l’État pour la réussite de cette structure à but préventif. Pouvez-vous leur garantir – nous garantir – que sera mis en place, tel qu’annoncé, un comité de suivi auquel ils seront associés afin de veiller à la bonne intégration du projet sur le terrain et à l’efficacité d’une mesure dont notre pays attend beaucoup pour ne pas, comme l’a affirmé avec force M. le maire de Beaumont-en-Véron, revivre la terrible année 2015 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous avez rappelé l’action du Gouvernement en matière de déradicalisation.
Voilà maintenant près de deux ans, avant même que le phénomène d’engagement de jeunes Français dans des activités à caractère terroriste ne prenne une dimension importante, M. le Premier ministre et moi-même avons mis en place une série de mesures extrêmement précises qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité, dont un numéro vert ayant permis le signalement de 5 000 personnes, les services de renseignement en ayant eux-mêmes signalé près de 5 000 autres : ce sont donc 10 000 personnes au total qui sont suivies par les services du ministère de l’intérieur en raison de leur radicalisation.
Nous avons également mis en place autour des préfets et des procureurs de la République, depuis avril 2014, un dispositif qui mobilise l’ensemble des administrations de l’État, du ministère de la santé lorsqu’il s’agit de problèmes de santé mentale jusqu’aux services de renseignement du ministère de l’intérieur, en passant par l’éducation nationale ou la protection judiciaire de la jeunesse, en vue d’instaurer des dispositifs individualisés de déradicalisation des jeunes concernés.
Près de 4 000 fonctionnaires ont déjà été formés au titre de la mise en œuvre de ces politiques transversales de déradicalisation.
Nous avons en outre voulu agir sur internet avec les entreprises du secteur pour développer un contre-discours et bloquer administrativement les sites et les blogs qui appellent au terrorisme.
Nous entendons également œuvrer en lien avec les collectivités locales. À cet égard, nous signerons dans quelques jours une convention avec l’Association des maires de France et les missions locales.
Enfin, les centres de déradicalisation que vous avez évoqués, qui accueilleront les jeunes sur la base du volontariat, permettront de mener en milieu semi-ouvert, en association étroite avec les territoires, de véritables actions coordonnées et concertées de déradicalisation, pour amplifier la politique efficace que nous avons déjà conduite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
normes agricoles et ferme des mille vaches
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe de l’UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Daniel Dubois. Ma question s'adressait à Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Cependant, monsieur le ministre de l’agriculture, vous allez pouvoir y répondre, car vous êtes aussi concerné.
Par une lettre en date du 2 mai adressée à M. le préfet de la Somme, Mme Ségolène Royal annule les conclusions d’une enquête publique diligentée par vos soins, monsieur le ministre de l’agriculture, dans le cadre d’une procédure de regroupement laitier.
Les trois commissaires-enquêteurs désignés par les services de l’État venaient de rendre un avis favorable, sans réserve, à l’extension de l’exploitation laitière de Drucat, dite « ferme des 1000 vaches », qui devait ainsi passer de 500 à 880 vaches laitières.
En parallèle, Mme Ségolène Royal lance une nouvelle procédure, complète, de demande d’autorisation, beaucoup plus longue.
Ma question est simple, monsieur le ministre : pourquoi Mme Royal a-t-elle annulé votre enquête publique et pourquoi en relance-t-elle une nouvelle avec étude d’impact, procédure qui n’est pas prévue dans les textes pour une telle extension ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que toutes les enquêtes concernant les installations classées relèvent du ministère de l’environnement.
M. Jean Bizet. C’est bien dommage !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Des propositions visant à faire évoluer cette situation seront peut-être faites, mais, pour l’heure, c’est ainsi !
Je tiens également à vous rappeler que nous avons beaucoup simplifié et rationalisé les procédures dans ce domaine. Ainsi, en ce qui concerne la procédure d’enregistrement en matière d’élevage porcin, les délais pour réaliser un investissement sont passés de douze à cinq mois. Nous agirons de même pour l’aviculture, l’élevage bovin et la production laitière.
Cette procédure simplifiée fonctionne si bien que nous n’avons enregistré aucun recours. Parallèlement, nous avons d’ailleurs réduit, au travers de la loi pour la croissance et l’activité, les délais de recours, pour empêcher que les projets ne prennent du retard.
En outre, nous avons simplifié une procédure de contrôle périodique qui était une pure surtransposition due, je vous le rappelle, monsieur le sénateur, à une majorité précédente…
S’agissant de la « ferme des 1 000 vaches », comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire des dizaines de fois, la première autorisation portait sur 500 vaches et il avait été clairement précisé dès le départ qu’une nouvelle enquête publique serait nécessaire pour aller au-delà de ce chiffre. Une médiation avait même été organisée à l’époque au ministère de l’agriculture pour que les choses soient le plus transparentes et le plus claires possible.
Un projet d’extension à 880 vaches ayant été avancé, la ministre de l’environnement a pris la décision de rouvrir une enquête publique. Le ministre de l’agriculture que je suis respecte cette décision, cela va de soi, d’autant qu’elle correspond tout à fait à ce qui avait été prévu à l’origine, le méthaniseur ayant été calibré pour un élevage de 500 vaches. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour la réplique.
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, votre réponse démontre que vous ne connaissez pas parfaitement ce dossier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Un permis de construire a été délivré pour un élevage de 1 000 vaches ; l’extension projetée ne nécessite en aucun cas une nouvelle procédure d’autorisation.
Je vous invite à venir visiter cette ferme : il n’y a pas d’odeurs, les nuisances sont maîtrisées et le méthaniseur répond aux objectifs fixés par le ministère de l’environnement.
Cet acharnement contre cette ferme manifeste l’incohérence du Gouvernement : que fait le ministère de l’environnement des engagements pris par le Président de la République et le Premier ministre en matière de simplification des normes agricoles et d’arrêt des surtranspositions du droit européen en matière d’élevage ?
Par ailleurs, se pose la question, ô combien importante, de l’État de droit. Comment expliquer qu’une ferme qui tente de se moderniser en conformité avec la loi fasse l’objet de démarches arbitraires et d’instructions supplémentaires par rapport à ce que prévoient les textes ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Daniel Dubois. Cette partialité de l’État et son double discours sont de très mauvais signaux pour nos agriculteurs, qui auront à moderniser et à regrouper leurs élevages pour faire face à la crise ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
résolution de l'unesco et lieux saints de jérusalem
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 16 avril dernier, à l’UNESCO, la France a malheureusement voté une résolution portée, nous dit-on, par un groupe de pays arabes modérés,…
M. Roger Karoutchi. Très modérés…
M. Philippe Dallier. … mais comptant en son sein, par exemple, le Soudan.
Les termes de cette résolution sont une injure à l’histoire. Pis, ils sont une négation de l’existence même de ce qu’il y a de plus sacré pour le peuple juif, le Mont du Temple, à Jérusalem.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Philippe Dallier. Au sein de la communauté juive de France, l’émoi est considérable.
Est-ce donc ainsi que la France compte faire progresser le processus de paix, une paix que nous appelons tous de nos vœux ?
Mardi dernier, à l’Assemblée nationale, M. le ministre des affaires étrangères semblait embarrassé. Hier, monsieur le Premier ministre, vous avez dit regretter vivement ce vote de la France. Le Président de la République lui-même a exprimé des regrets, paraissant surpris que ce texte soit interprété de cette manière. C’est à se demander si quelqu’un l’avait lu !
Dès lors, deux questions viennent immédiatement à l’esprit : qui détermine et conduit aujourd’hui la politique étrangère de la France ?
M. Alain Gournac. Ah !
M. Philippe Dallier. Plus précisément, qui a autorisé notre représentant à l’UNESCO à voter en faveur de l’adoption de cette résolution ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Dallier, le vote, le 16 avril dernier, de cette résolution a effectivement suscité, en Israël et en France, des interrogations, des inquiétudes et un sentiment d’indignation.
Je le redis avec beaucoup de force et de conviction : nier la présence de l’histoire juive à Jérusalem n’a aucun sens. (M. Robert del Picchia acquiesce.)
Quand on veut traiter d’un tel sujet, en quelque lieu que ce soit, il faut choisir ses mots avec beaucoup d’intelligence. En l’occurrence, tel n’a pas été le cas. Cette résolution de l’UNESCO, qui n’est pas nouvelle, contient des formulations malencontreuses, maladroites et blessantes.
M. Christian Cambon. Pourquoi l’avoir votée, alors ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces dernières auraient incontestablement dû être évitées. Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et moi-même regrettons ce vote. Jean-Marc Ayrault et moi-même aurons l’occasion de le dire au Gouvernement israélien et, au-delà, à la société israélienne : à la fin de cette semaine, le ministre des affaires étrangères sera à Jérusalem et dans les territoires palestiniens ; je m’y rendrai pour ma part dans une dizaine de jours.
Quand il s’agit de Jérusalem, de cette cité unique au monde, de cette ville du Livre où sont représentés les trois monothéismes, il faut faire preuve de la plus grande clarté.
M. Christian Cambon. Mais alors, pourquoi avoir voté ce texte ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer. Ce vote, cette erreur sont derrière nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Robert del Picchia applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le Premier ministre, personne ne met en doute la sincérité des regrets que vous avez exprimés, mais nul, dans cet hémicycle, ne peut croire que notre représentant à l’UNESCO ait agi de son propre chef !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. La question qui se pose est la suivante : y a-t-il un pilote dans l’avion ? Nous pensons qu’il y en a un !
Sur ce sujet extrêmement sensible, la France doit conserver une position équilibrée. Sinon, l’initiative qu’elle a prise d’organiser une conférence internationale à la fin du mois de mai n’a absolument aucune chance d’aboutir. Il faut faire bouger les choses, mais ce n’est pas avec de semblables procédés que nous y parviendrons. Nous espérons qu’un tel incident ne se reproduira pas : c’est le crédit et le sérieux de notre diplomatie qui sont en cause ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
situation en centrafrique
M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Claude Haut. Vendredi, le Président de la République effectuera un déplacement en République centrafricaine. Il y rencontrera le président nouvellement élu, Faustin-Archange Touadéra, qui a fait de la réconciliation nationale la priorité de son mandat, ainsi que les forces françaises de l’opération Sangaris. Ces dernières ont joué un rôle décisif dans ce pays, qui était au bord du chaos il y a trois ans à peine.
Traversant les affres d’une guerre civile consécutive à la chute du président Bozizé, la République centrafricaine voyait alors se mettre en place les éléments d’une mécanique génocidaire. La coalition de la Séléka, à dominante musulmane, était aux prises avec les milices anti-balaka, sur fond de lutte pour le contrôle des gisements de diamants. Au cycle pré-génocidaire s’ajoutait donc le risque d’une partition du pays.
Partenaire historique de la République centrafricaine, la France ne pouvait rester les bras croisés. En décembre 2013, alors qu’elle luttait contre les forces djihadistes au Mali et qu’elle était déjà présente sur d’autres théâtres, elle a engagé l’opération Sangaris sur le fondement de la résolution 2127 de l’ONU.
Les forces françaises sont parvenues à stabiliser la situation et à empêcher l’indicible. Leur action a permis une transition politique qui s’est achevée avec le second tour de l’élection présidentielle, le 14 février dernier. Je tiens à rendre hommage aux femmes et aux hommes qui ont œuvré pour sortir la République centrafricaine d’une situation qui risquait de devenir inextricable, et tout particulièrement à nos trois compatriotes qui ont perdu la vie au cours de ces opérations.
Le 30 mars dernier, le ministre de la défense a annoncé une réduction des effectifs concomitante à la montée en puissance de la mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation des Nations unies en République centrafricaine, la MINUSCA, et de la mission européenne de formation de l’armée centrafricaine.
Peut-on aujourd’hui affirmer que la mission est accomplie ? Quelles actions la France va-t-elle engager pour aider à une stabilisation durable de la République centrafricaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, depuis le lancement de l’opération Sangaris, en décembre 2013, la République centrafricaine a été stabilisée.
Vous venez de le rappeler : l’élection présidentielle s’y est tenue au mois de février dernier, et elle a été marquée par une forte participation. M. Faustin-Archange Touadéra a été élu dans des conditions incontestables.
Un nouveau Parlement a également été élu. Une opération de l’ONU est déployée. L’Union européenne est elle aussi présente et s’apprête à lancer une mission de formation de la future armée.
Les conditions sont donc réunies pour le retrait de Sangaris, qui interviendra dans le courant de l’année 2016, de manière progressive et échelonnée.
La France est fière d’avoir aidé ce pays dans les moments les plus difficiles. Elle restera engagée politiquement pour le soutenir dans la phase qui s’ouvre, qui est celle de la réconciliation, de la sécurité et du développement.
La tâche est immense. Le désarmement des groupes armés doit débuter. Les forces de sécurité doivent être réformées. L’État doit être reconstruit, quand il ne doit pas tout simplement être construit. L’économie doit être relancée. Enfin, le vivre-ensemble entre communautés religieuses, problème à l’origine de cette crise, doit être promu et garanti.
En tout état de cause, en franchissant avec succès la phase critique des élections démocratiques et pacifiques, les Centrafricains ont affirmé leur volonté de sortir de la guerre civile.
Un engagement international soutenu, résolu reste nécessaire. Les Centrafricains peuvent compter sur le soutien de la France pour mobiliser la communauté internationale. Tel est le message que portera demain le Président de la République à Bangui.
Enfin, je saisis cette occasion pour redire l’importance attachée par le Gouvernement à ce que l’enquête ouverte après l’assassinat de notre jeune compatriote, la photographe et journaliste Camille Lepage, en mai 2014, permette d’éclaircir les circonstances de ce drame et conduise à la condamnation des coupables.
La France est et restera mobilisée aux côtés de la République centrafricaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
application de l’article 49-3