Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Bruno Gilles.
1. Ouverture de la première session extraordinaire de 2015-2016
3. Mise au point au sujet d’un vote
M. Jean-Claude Lenoir ; M. le président.
5. Candidature à une délégation sénatoriale
6. Retrait d’une question orale
7. Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
8. Hommage à Michel Rocard, ancien sénateur
9. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
10. Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Orientation et protection des lanceurs d’alerte. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale :
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
M. Michel Sapin, ministre ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois ; M. le président. Les réserves et les priorités sont ordonnées.
Amendement n° 560 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 127 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Non soutenu.
Amendement n° 519 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption.
Amendement n° 593 de M. André Gattolin. – Retrait.
Amendement n° 521 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 520 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 557 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 594 de M. André Gattolin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 522 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 308 de M. Alain Anziani. – Retrait.
Amendement n° 129 rectifié de M. Henri Cabanel. – Non soutenu.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Amendement n° 526 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 525 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.
Amendement n° 585 rectifié bis de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption.
Amendement n° 523 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 524 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 586 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 584 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Christophe-André Frassa. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 527 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.
Amendement n° 131 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 133 rectifié quater de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 552 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 642 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. François Pillet, rapporteur
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 309 de M. Alain Anziani. – Rectification.
Amendement n° 309 rectifié de M. Alain Anziani. – Retrait.
Amendement n° 417 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 310 de M. Alain Anziani. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 547 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 379 de Mme Marie-Christine Blandin. – Retrait.
Amendement n° 311 de M. Alain Anziani. – Rejet.
Amendement n° 528 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 644 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 312 de M. Alain Anziani. – Rejet.
Amendement n° 544 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 134 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 313 de M. Alain Anziani. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 151 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet par scrutin public.
M. Daniel Raoul ; M. le président ; Mme Catherine Troendlé ; M. le président.
Amendement n° 645 du Gouvernement. – Adoption.
Amendements identiques nos 272 rectifié quinquies de M. Jean-François Longeot et 487 de M. Cyril Pellevat. – Non soutenus.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 6 B
Amendement n° 595 de M. André Gattolin. – Rejet.
Amendement n° 589 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 314 de M. Alain Anziani. – Retrait.
Amendement n° 438 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 538 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption.
Amendement n° 439 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 655 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 380 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 381 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 382 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 135 rectifié bis de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 383 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 384 de Mme Marie-Christine Blandin. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 656 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 30 rectifié ter de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 440 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 583 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption.
Amendement n° 657 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Bruno Gilles.
1
Ouverture de la première session extraordinaire de 2015-2016
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, au cours de la séance du 17 juin dernier, le décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire, à compter du 1er juillet 2016, a été porté à la connaissance du Sénat.
La session extraordinaire est ouverte depuis vendredi dernier.
2
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 30 juin a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, lors du scrutin public sur la proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l’élection du conseil général de Mayotte présentée par notre collègue Thani Mohamed Soilihi, je souhaitais voter pour.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est très bien, mais cela ne change pas le vote !
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, je voudrais appeler l’attention de notre assemblée et de la présidence sur ce qui s’est passé jeudi dernier.
Nous examinions la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, texte déposé par le groupe socialiste et républicain. Ses dispositions ayant un coût pour les finances publiques étaient gagées par un relèvement des droits sur les tabacs prévu par son dernier article. Le Gouvernement a donné un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. J’ai demandé au ministre si, dans ces conditions, il levait le gage. Il m’a répondu par la négative. Un tel refus est tout à fait contraire à tous les textes en vigueur.
J’appelle donc l’attention de la présidence du Sénat sur cette dérive inacceptable. Si le Gouvernement accepte un amendement ou une proposition de loi gagés par des recettes de poche, il doit lever le gage.
J’aurais normalement dû demander une suspension de séance pour que la commission des finances soit saisie et puisse se prononcer. Ne voulant pas indisposer mes collègues, je ne l’ai pas fait, par esprit de camaraderie, mais il ne faudrait pas que cela se reproduise…
M. le président. Monsieur Lenoir, acte vous est donné de votre rappel au règlement. Je vous propose d’évoquer ce point lors de la prochaine conférence des présidents.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
5
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe UDI-UC a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale aux entreprises en remplacement de Mme Valérie Létard, démissionnaire.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
6
Retrait d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1427 de Mme Sophie Primas est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 19 juillet, ainsi que du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
Acte est donné de cette communication.
7
Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 1er juillet 2016, trois décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur la saisine d’office du président du tribunal de commerce pour ordonner le dépôt des comptes annuels sous astreinte (n° 2016-548 QPC), la dotation globale de compensation (n° 2016-549 QPC) et la procédure devant la cour de discipline budgétaire et financière (n° 2016-550 QPC).
Acte est donné de ces communications.
8
Hommage à Michel Rocard, ancien sénateur
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris samedi soir le décès de notre ancien collègue Michel Rocard, qui fut sénateur des Yvelines de 1995 à 1997, après avoir été député des Yvelines et maire de Conflans-Sainte-Honorine. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des finances et M. le ministre de l’économie, se lèvent.)
Européen convaincu, il siégea au Parlement européen de 1994 à 2009, présidant plusieurs commissions clés de cette institution.
Grand partisan de la décentralisation, il devint ministre d’État, chargé du plan et de l’aménagement du territoire, en 1981, au lendemain de l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand, exerça la fonction de ministre de l’agriculture de 1983 à 1985 et accéda aux fonctions de Premier ministre en 1988.
À ce poste qu’il occupa trois ans, il fut notamment l’inspirateur des accords de Matignon, qui mirent fin aux violences en Nouvelle-Calédonie : la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou est restée dans nos mémoires. Michel Rocard était d’ailleurs particulièrement fier de son action pour la pacification de la Nouvelle-Calédonie.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite présenter à sa famille et à ses proches, aux Conflanaises et aux Conflanais, ainsi qu’au président du groupe socialiste et républicain, nos sincères condoléances.
Je vous invite à observer un moment de recueillement en mémoire de Michel Rocard, auquel un hommage national sera rendu jeudi, à midi, aux Invalides. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
9
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par son président, M. Jacques Chagnon. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
La délégation est accompagnée par M. Jean-Claude Carle, président du groupe d’amitié France-Québec.
Elle effectue une visite d’étude sur les enjeux éthiques et législatifs du développement des nouvelles technologies sur l’édition du génome.
Elle s’est rendue ce matin au Genopole d’Évry, et doit rencontrer plusieurs experts dans ce domaine ainsi que des membres de la commission des affaires sociales et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques spécialistes de ces questions.
Une rencontre avec des sénateurs de la commission des affaires européennes, présidée par notre collègue M. Jean Bizet, est également prévue, demain, pour échanger sur l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada.
Nous souhaitons à nos homologues québécois de fructueux travaux et la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)
10
Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Orientation et protection des lanceurs d’alerte
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (projet n° 691, texte de la commission n° 713, rapport n° 712, tomes I et II, avis nos 707 et 710) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (proposition n° 683 rectifié, texte de la commission n° 714, rapport n° 712, tomes I et II).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de vous remercier des mots que vous avez prononcés en souvenir de Michel Rocard ; le Gouvernement s’y associe pleinement, ainsi que moi-même, à titre personnel.
Monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter et que je défends avec Jean-Jacques Urvoas, Stéphane Le Foll et Emmanuel Macron touche à différents domaines de la vie publique et de la vie économique : les relations entre les pouvoirs publics et les représentants d’intérêts, la lutte contre la corruption, la protection des lanceurs d’alerte, la régulation financière, l’activité d’artisan ou encore la vie des sociétés.
Chacun sait à quel point ces matières sont devenues sensibles pour nos concitoyens et le Gouvernement a entendu répondre à ces exigences nouvelles, car, à travers elles, c’est l’image même de notre démocratie et une part de la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions qui sont en jeu.
Ce texte doit contribuer à faire de notre pays une démocratie moderne, sûre de ses valeurs, et non pas une démocratie du soupçon ; il doit contribuer à construire pour notre pays une économie au service de tous et à combattre les excès d’une finance débridée et sans règles.
Ce texte doit hisser la France à la hauteur des meilleurs standards internationaux et renforcer la confiance de nos concitoyens dans leur système politique et économique. Il est sous-tendu par deux objectifs qui, je le pense, peuvent tous nous rassembler : d’une part, l’accroissement de la transparence dans le fonctionnement de la vie politique et économique ; d’autre part, l’encouragement de la « bonne finance » et la lutte contre la « mauvaise finance ». Il vise ainsi à permettre un financement efficace et sûr de notre économie. Il a aussi pour ambition de sanctionner plus sévèrement encore les dévoiements de la finance qui menacent notre modèle économique et social.
Pour aboutir à la discussion qui s’ouvre aujourd’hui, un débat intense s’est noué à l’Assemblée nationale et ici même au sein des commissions. Un important travail s’est engagé, d’où sont déjà ressorties des avancées notables, qui non seulement traduisent la volonté de la Haute Assemblée d’œuvrer dans un esprit constructif, mais aussi témoignent de la capacité d’un tel texte à rassembler au-delà des clivages partisans.
Au fond, sur un sujet comme celui-là, qui touche de si près à l’éthique et aux règles de notre vie publique, il est rassurant de constater que le travail parlementaire se déroule dans un tel esprit. Je tiens, à cet égard, à remercier tout particulièrement les rapporteurs, MM. Pillet, Gremillet et de Montgolfier, de leur mobilisation sur ce projet de loi et à saluer le travail qu’ils ont accompli.
Je ne peux cependant vous cacher que le texte, tel qu’il est présenté en séance publique, comporte quelques sujets de désaccord réel entre les deux assemblées et entre le Sénat et le Gouvernement. Je pense tout particulièrement au statut et à la protection des lanceurs d’alerte, point sur lequel les désaccords semblent marqués. Je souhaite profondément que nos échanges éclairent le débat sur ce sujet et nous permettent de progresser pour rapprocher nos points de vue.
Plusieurs axes du texte ont retenu l’attention de vos commissions ; je souhaite y revenir en quelques mots, car il s’agit d’enjeux majeurs sur lesquels il me paraît important que nous puissions avancer.
Le premier axe du projet de loi est le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte, par la définition d’un statut général de ceux-ci.
L’affaire Antoine Deltour et celle des « Panama papers », notamment, ont encore mis en lumière très récemment le rôle éminent des lanceurs d’alerte.
Bien sûr, il faut au législateur concilier, d’une part, la protection de la liberté de communication et d’expression du lanceur d’alerte contre toute atteinte ou sanction injustifiée, et, d’autre part, la sauvegarde de l’ordre public et la protection des droits des tiers, en particulier du droit au respect de la vie privée.
L’alerte éthique repose sur la responsabilité individuelle et le sens de l’intérêt général. Elle ne peut s’affranchir du respect de règles visant à encadrer sa révélation pour vérifier son authenticité et son bien-fondé et mettre à même d’agir les autorités compétentes.
La conciliation des exigences que j’ai mentionnées n’est aujourd’hui pas assez équilibrée, car la protection des lanceurs d’alerte reste nettement insuffisante. Il n’est pas juste que ceux-ci subissent, parfois dans l’indifférence générale, les conséquences de la révélation au public de faits, alors que cette révélation a profité à l’ensemble de la société. Il n’est pas juste par exemple qu’Antoine Deltour soit condamné à des peines d’emprisonnement avec sursis et d’amende par une juridiction luxembourgeoise alors que, grâce à son action, animée par un sens fort de l’intérêt général, il a été mis fin à des pratiques d’optimisation fiscale agressives hautement préjudiciables à l’intérêt général.
C’est pour ce motif que la protection des lanceurs d’alerte doit être renforcée, en prenant en considération au moins deux préoccupations.
En premier lieu, la loi doit donner une définition du lanceur d’alerte à la fois précise et étendue. Celle-ci doit, c’est certain, couvrir les graves atteintes à la légalité, mais elle doit aussi prendre en compte les situations s’apparentant à celle d’Antoine Deltour.
En second lieu, la loi doit déterminer un régime d’aide financière pouvant être accordée aux lanceurs d’alerte. Le lanceur d’alerte ne doit pas avoir à subir les conséquences financières de la révélation de faits d’intérêt général pendant des années de procédure judiciaire engagée pour faire valoir ses droits. C’est la raison pour laquelle la loi doit prévoir l’avance des frais de procédure judiciaire au bénéfice des lanceurs d’alerte dans une telle situation. Elle doit, en outre – nous avons sur ce point un débat –, garantir l’octroi d’une aide financière aux lanceurs d’alerte lorsque, en raison du signalement qu’ils ont effectué dans les conditions légales, ils connaissent de graves difficultés financières qui compromettent leurs conditions d’existence.
Le deuxième axe de ce projet de loi est l’institution d’un répertoire des représentants d’intérêts.
L’action des représentants d’intérêts doit être rendue transparente par la loi, non pas – j’insiste sur ce point – pour stigmatiser les uns et les autres, mais pour renforcer la légitimité de l’action publique. Les citoyens doivent pouvoir savoir qui intervient auprès des autorités publiques pour influencer leurs décisions. C’est une exigence démocratique impérieuse, à laquelle le Sénat s’est d’ailleurs soumis volontairement voilà quelques années et qui, je le rappelle, trouve sa source dans l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Cette transparence ne jette le discrédit sur quiconque ; au contraire, l’existence et l’utilité des représentants d’intérêts sont ainsi reconnues. Il n’y a donc pas lieu de s’en méfier dès lors qu’elle est raisonnée et au service d’un objectif d’intérêt général.
Vous le savez, l’Assemblée nationale a adopté un article 13 substantiellement modifié au regard de la version présentée par le Gouvernement. La commission des lois du Sénat a récrit une partie considérable de ces dispositions. Je salue la volonté de la commission d’avancer dans le sens d’une plus grande transparence du fonctionnement des principales institutions de la République.
Toutefois, le Gouvernement a le souci de garantir, d’une part, la conformité à la Constitution des dispositions de cet article, et, d’autre part, le caractère opérationnel du dispositif que nous souhaitons mettre en place.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé des amendements au texte adopté par la commission. Il vous sera demandé de supprimer les dispositions relatives au Président de la République et au Conseil constitutionnel, qui, de mon point de vue, ne relèvent pas de la loi ordinaire, de fixer vous-mêmes les obligations déontologiques auxquelles les représentants d’intérêts seront soumis, conformément à l’article 34 de la Constitution, de substituer à la sanction pénale, sans doute excessive, que la commission a prévue, en cas de méconnaissance par un représentant d’intérêts de ses obligations déclaratives, une sanction administrative, mieux adaptée à la nature des manquements en cause, qui pourra être prononcée par la HATVP, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Je dois enfin ajouter que je ne vois que des avantages à ce qu’un registre unique, commun au Gouvernement et au Parlement, soit adopté et à ce que les représentants d’intérêts soient tous soumis aux mêmes obligations déclaratives et déontologiques. De telles mesures constitueraient des simplifications appréciées.
Dans ces conditions, le répertoire des représentants d’intérêts sera un outil au service de nos concitoyens, qui participera utilement à l’entreprise de relégitimation de l’action publique engagée par ce gouvernement et profitable à tous.
Faire plus de transparence sur les relations entre les représentants d’intérêts, dont l’activité sera bien encadrée, et les pouvoirs publics constituera, je le répète, une avancée pour l’intérêt général.
Le troisième axe du projet de loi est la lutte contre la corruption.
Vous le savez, la France est encore mal notée par des organisations internationales, comme l’OCDE, ou des organisations non gouvernementales, comme Transparency International France. Il lui est reproché de manquer encore de dispositifs suffisamment puissants pour prévenir la corruption transnationale.
Il est à noter que la justice française n’a condamné définitivement aucune société française pour corruption active d’agent public étranger depuis 2000, date de la création de cette infraction. En revanche, certaines sociétés françaises ont été sanctionnées, parfois extrêmement lourdement, par des justices étrangères. C’est, de toute évidence, une situation inacceptable, nuisible in fine à notre image et à la souveraineté de la France, ainsi qu’à nos entreprises. C’est ce retard que nous avons voulu combler pour mettre notre pays au niveau des grandes démocraties modernes.
Il s’agit d’abord de mieux prévenir et détecter la corruption. Le projet de loi prévoit à ce titre la création de l’Agence de prévention de la corruption, qui remplacera le service central de prévention de la corruption créé par la loi du 29 janvier 1993, dont elle reprendra bien sûr les missions, tout en assurant celles, nouvelles, qui lui seront attribuées.
Il est créé aussi une obligation de vigilance dans le domaine de la lutte contre la corruption, applicable à certaines entreprises et établissements publics à caractère industriel et commercial.
Il s’agit ensuite de rendre plus effective la répression de la corruption au travers d’un renforcement de notre arsenal répressif. Deux mesures me semblent particulièrement significatives à cet égard. Il s’agit, d’une part, de la peine complémentaire dite de mise en conformité des procédures de prévention et de détection de la corruption applicables aux entreprises, et, d’autre part, de ce qu’il est convenu d’appeler, de manière imprécise, la transaction pénale, introduite dans le projet de loi par l’Assemblée nationale et que la commission des lois du Sénat a maintenue, après avoir amendé opportunément la rédaction de l’article concerné.
Je suis convaincu que vous pourrez améliorer le texte pour garantir sa pleine cohérence et son utilité, afin de mettre notre pays aux meilleurs standards de lutte contre la corruption, en particulier la corruption transnationale. J’appelle cependant votre attention sur la nécessité de rétablir le pouvoir de sanction de l’Agence de prévention de la corruption, qui est un gage d’efficacité et de célérité de son action.
Le quatrième axe est la modernisation de la vie économique, volet du projet de loi qu’Emmanuel Macron vous présentera. Le texte traduit quatre ambitions cohérentes.
La première ambition est le renforcement de la régulation financière. Rendre la régulation financière française encore plus efficace permet de contribuer à la stabilité financière et à la compétitivité de la place financière de Paris. Cela permet aussi d’accroître la protection des épargnants. C’est, j’en suis certain, une préoccupation que nous partageons tous.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bien sûr !
M. Michel Sapin, ministre. Le projet de loi prévoit ainsi plusieurs mesures pour étoffer les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers.
L’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui est l’autre superviseur financier français, verra également ses pouvoirs renforcés : nous allons en particulier créer un régime de résolution pour les assurances – c’est une première en Europe –, afin de renforcer la stabilité financière et la protection des assurés.
Afin de garantir la protection de tous les assurés, nous devons également veiller à harmoniser en regard le code de la mutualité. Les mutuelles ont par ailleurs besoin d’une gouvernance modernisée pour faire face à ces nouveaux enjeux de régulation. Le Gouvernement propose de travailler par voie d’ordonnance à ce toilettage technique et, bien entendu, d’associer le Parlement à ses travaux. L’habilitation a été supprimée en commission, mais je vous proposerai de la réintroduire dans le texte ; nous aurons un échange, que je souhaite approfondi, sur les raisons pour lesquelles cette réforme est importante et sur ce que le Gouvernement souhaite faire.
L’Assemblée nationale a également souhaité renforcer les pouvoirs du HCSF, le Haut Conseil de stabilité financière, créé voici deux ans. Cette institution, qui veille à l’interaction entre les développements financiers et la stabilité économique, a effectivement un rôle majeur à jouer, ce à quoi vous êtes, je n’en doute pas, également sensibles.
Vous avez procédé à quelques modifications, en commission des finances, pour renforcer le dispositif des sanctions dans le domaine financier ou pour préciser les pouvoirs du HCSF. Nous aurons l’occasion d’en discuter en séance publique.
Outre ce renforcement des pouvoirs du HCSF, il a été introduit une disposition visant à obliger les sociétés à déclarer l’identité de la ou des personnes contrôlant ou possédant véritablement leur structure, ce que l’on appelle les bénéficiaires effectifs. Désormais, les sociétés devront transmettre au registre du commerce et des sociétés les informations nécessaires à cette identification, permettant ainsi à toutes et à tous d’accéder à ces données, à l’instar de ce que permet le registre des trusts créé au début du mois de mai. Les pratiques consistant à se dissimuler derrière des structures complexes et opaques doivent cesser.
Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité introduire une disposition novatrice pour lutter contre les pratiques prédatrices de ce que l’on appelle les « fonds vautours ». Ce texte placera la France à la pointe de ce combat, avec un bon équilibre entre efficacité et constitutionnalité.
C’est une disposition très complémentaire de celle qui est soutenue par le Gouvernement pour améliorer la protection des biens d’États étrangers en France. La commission des lois avait des interrogations légitimes sur l’articulation entre ces deux dispositions, qui l’avaient amenée à supprimer les deux articles afin d’y retravailler. C’est ce qui a été fait en bonne intelligence avec le rapporteur, et le Gouvernement vous proposera de rétablir ces deux dispositifs dans une rédaction améliorée pour en assurer la sécurité juridique et l’efficacité.
La deuxième ambition est celle d’une meilleure protection des consommateurs et des épargnants.
J’insisterai tout particulièrement sur une disposition. J’ai souhaité proposer l’interdiction pure et simple de la publicité pour des plateformes internet donnant accès à des instruments financiers extrêmement risqués. « Devenez trader en quelques heures et vous gagnerez beaucoup d’argent ! » Depuis 2011, le nombre de réclamations auprès de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, a été multiplié par dix-huit. Plus de 90 % des personnes qui s’adonnent à ces sortes de paris perdent de l’argent, parfois des sommes très importantes, sans compter que certains acteurs se livrent à des pratiques frauduleuses. Cette mesure a été renforcée à l’Assemblée nationale. L’équilibre qui a été atteint me semble permettre de bien couvrir les situations à l’origine des plaintes.
La troisième ambition concerne le financement de l’économie française.
Une première mesure, qui me paraît d’importance majeure, vise à faciliter le financement de l’économie par les investisseurs. À cette fin, conformément à ce que permet le droit communautaire, le projet de loi crée un régime prudentiel adapté pour les régimes de retraite complémentaires, en maintenant un niveau de protection élevé des assurés. Cette évolution offrira des perspectives de rendement accrues pour les épargnants et permettra de dégager plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le financement des entreprises françaises.
Par ailleurs, le LDD, le livret de développement durable, comportera désormais un volet dédié à l’économie sociale et solidaire, laquelle représente, je le rappelle, 10 % du produit intérieur brut en France. Concrètement, les banques proposeront annuellement à leurs clients détenteurs d’un LDD d’en affecter une partie au financement d’une personne morale relevant de l’économie sociale et solidaire.
L’Assemblée nationale a également souhaité étendre les obligations d’emploi de l’épargne réglementée qui incombent aux banques aux entités de l’économie sociale et solidaire. Le Sénat a souhaité, en commission, revenir au texte initial du Gouvernement. De mon point de vue, cependant, l’extension des obligations d’emploi inciterait les banques à investir davantage dans ce secteur ; c’est la raison pour laquelle je serai favorable à l’amendement qui a été déposé en ce sens.
Les dispositions visant à favoriser le parcours de croissance des entreprises, notamment des entreprises artisanales, ont été considérablement enrichies par les travaux de l’Assemblée nationale et par ceux qui ont été conduits en commission par le Sénat. Je ne peux que saluer ce travail en commun, dont Emmanuel Macron s’attachera à vous exposer plus précisément le contenu.
Il en va de même pour le volet agricole, sur lequel, là encore, un important travail en commun a pu être accompli. Il s’agit de dispositions parfois subtiles, mais substantielles, qui touchent tant au foncier, c'est-à-dire au principal outil de production, qu’à l’organisation des chaînes de valeur dans ce secteur. La transparence doit être ici un moyen d’apaiser ce secteur et, ainsi, de le renforcer.
M. François Marc. C’était attendu !
M. Michel Sapin, ministre. Enfin, s’agissant de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, vos travaux ont permis, monsieur le rapporteur, de clarifier le dispositif proposé par l'Assemblée nationale et d’en améliorer la robustesse.
J’observe toutefois que le texte actuel est en retrait par rapport aux dispositions adoptées par les députés, avec le soutien du Gouvernement, alors que celles-ci constituaient un véritable progrès sur lequel il faut, de mon point de vue, capitaliser. C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à redonner aux actionnaires un pouvoir réel sur l’encadrement de la rémunération des dirigeants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec une véritable émotion que, près de vingt-cinq ans après avoir présenté devant votre assemblée un projet de loi portant quasiment le même titre, j’engage aujourd’hui le débat avec vous.
J’ai voulu faire part de l’esprit qui m’anime et laisser toute sa place au débat en séance publique. Mon expérience passée de parlementaire me conduit à penser que ce débat sera extrêmement utile. Je partage avec vous une ambition de coconstruction : nous devons montrer que, sur l’essentiel, à savoir la consolidation de la probité et l’éthique, en politique comme dans l’économie, nous parvenons à nous rassembler pour bâtir le cadre d’une démocratie moderne dont nous puissions être fiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite revenir, à la suite de Michel Sapin, sur quelques dispositions témoignant de la volonté qui est la nôtre de permettre à nos entreprises de saisir les nouvelles opportunités économiques pour notre pays et de restaurer une forme d’égalité des chances.
La grande transformation numérique en cours bouleverse très profondément nombre de secteurs d’activité et vient percuter certaines activités moyennement qualifiées, tout en offrant de nouvelles opportunités pour la création d’emplois à faible qualification ou particulièrement innovants.
Il importe de mettre notre économie en situation de créer ces nouvelles formes d’activité, en particulier en ouvrant le travail indépendant aux moins qualifiés. En effet, quand on compare l’économie française à d’autres économies européennes, on s’aperçoit que, bien souvent, des rigidités ou des blocages subsistent, qui nous ont empêchés de profiter pleinement des possibilités offertes par l’entrepreneuriat sous toutes ses formes.
Par ailleurs, nous devons permettre à notre économie d’innover et de croître beaucoup plus rapidement, afin de saisir toutes les opportunités de création de richesses et d’emplois portées par la grande transformation numérique.
Le défi que nous avons à relever est double.
D’une part, il s’agit de créer les conditions pour que nos concitoyens, notamment les moins qualifiés d’entre eux, puissent développer une activité et créer ainsi des emplois, pour eux-mêmes et pour d’autres. De tels emplois se créent d’ores et déjà sur notre territoire, mais pas suffisamment ou dans un cadre juridique incertain, voire dans l’illégalité.
À cet égard, je dirai, pour me référer au grand homme auquel un hommage a été rendu tout à l’heure, qu’il faut savoir parler vrai, et regarder la réalité en face. Il convient de remédier aux imperfections de notre système législatif, à ses rigidités, dans l’optique d’accompagner ce mouvement. Oserai-je rappeler ici que le taux de chômage dépasse 16 % pour les non-diplômés et peut même atteindre, dans certaines zones, 50 % pour les jeunes peu diplômés. Ces formes de création d’activités sont aussi des formes de création d’emplois pour celles et ceux qui ont plus de facilité à trouver des clients que des employeurs…
D’autre part, nous devons forger un nouveau modèle de croissance, fondé sur l’innovation. À cet égard, plusieurs dispositions de ce texte visant à faciliter la croissance des entreprises, mais aussi leur financement en fonds propres, sont absolument décisives.
En effet, le financement de notre économie est encore trop largement axé sur une économie de rattrapage, c'est-à-dire une économie reposant sur l’intermédiation bancaire et financière et sur l’endettement. Or l’innovation suppose d’être en mesure de lever rapidement des montants parfois importants en fonds propres. L’enjeu est donc aujourd'hui de trouver les voies et moyens de transformer le financement de notre économie.
Comment procéder à ces aménagements ? Plusieurs dispositions visant à accompagner ces mutations économiques figureront dans les lois financières à venir ; je pense en particulier au compte épargne-investisseurs. D’autres mesures sont d’ores et déjà inscrites dans le texte qui vous est soumis. Elles ont fait l’objet d’une longue concertation et d’un travail approfondi de Mme Pinville, notamment, et de Mme Barbaroux, présidente de l’Association pour le droit à l’initiative économique, en vue de lever les freins à l’entrepreneuriat individuel. Le débat parlementaire et notre réflexion commune parachèveront ce travail, afin de permettre à chacun de saisir les nouvelles opportunités économiques.
La démarche s’articule selon trois axes.
En premier lieu, il s’agit de faciliter la création et le développement d’activités et d’emplois par les travailleurs indépendants. Ainsi, des dispositions du projet de loi visent à réformer notre système de qualifications professionnelles. L’objectif est de permettre aux personnes éloignées du marché du travail qui souhaiteraient exercer légalement certains emplois, mais qui ne détiennent pas les titres de qualification nécessaires, de le faire, sans pour autant que cela n’amène aucunement à mettre en péril la santé ou la sécurité.
À cet égard, le durcissement progressif des conditions d’accès à certaines activités et métiers a pu fermer des opportunités d’emplois à des personnes qui sont prêtes à tous les efforts pour se lancer.
L’Assemblée nationale a fait évoluer le dispositif proposé par le Gouvernement, en confortant l’approche par activité et en redonnant de la souplesse pour que les activités connexes puissent être prises en compte. Le dispositif vise aussi à clarifier le droit actuel et à ouvrir les modalités de justification de la qualification professionnelle, pour permettre au maximum de personnes d’y accéder.
En deuxième lieu, plusieurs mesures visent à faciliter la création et le développement d’entreprises dans notre pays.
Aujourd’hui, la création d’entreprises et le développement de l’activité sont entravés par un certain nombre de freins administratifs, largement inutiles. Ce projet de loi vise à les supprimer.
En matière de création d’entreprises, les freins, en apparence de faible importance, produisent des effets sensibles. Le Gouvernement a d’abord proposé de supprimer, à l’article 39, l’obligation faite à tout auto-entrepreneur d’ouvrir un compte bancaire professionnel. L’Assemblée nationale a souhaité maintenir cette obligation, mais en reportant sa mise en œuvre, pour les micro-entrepreneurs, jusqu’à douze mois après la création de leur entreprise.
Un autre frein à la création d’activités tient à l’obligation d’effectuer un stage préalable à l’installation pour les métiers artisanaux. En pratique, il faut parfois attendre plusieurs mois avant de pouvoir suivre ce stage. Alors que plusieurs améliorations notables ont été apportées pour faciliter la création d’entreprises dans nombre de secteurs, une telle exigence apparaît paradoxale. Le projet de loi, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, encadre ce régime d’autorisation en prévoyant de laisser un court délai aux chambres de métiers et de l’artisanat pour organiser ce stage. L’Assemblée nationale a également approuvé la volonté du Gouvernement de définir des conditions de dispense de stage, en particulier pour les entrepreneurs soutenus par les réseaux.
Ensuite, le Gouvernement souhaitait rendre possible sans contrainte le passage du régime réel au régime de la micro-entreprise. Les lois de finances à venir reviendront sur ce point.
Enfin, ce projet de loi prévoit de lever des freins au développement des entreprises liés au changement de statut : la transformation d’une entreprise individuelle en société suppose ainsi le respect d’un certain nombre d’obligations coûteuses et inutiles qu’il convient de supprimer.
Sur l’ensemble de ces points, vos commissions et les rapporteurs ont bien voulu suivre l’orientation que je viens d’exposer et ont confirmé les solutions élaborées à l’Assemblée nationale. Je tiens à saluer l’esprit constructif dont ont fait preuve, au cours de nos échanges, MM. Bas, Pillet et Gremillet, ainsi que M. de Montgolfier, pour ce qui concerne les aspects fiscaux.
En troisième lieu, le projet de loi vise à moderniser le régime de financement des start-up, des PME et des ETI, les entreprises de taille intermédiaire.
Nous souhaitons agir de deux manières pour essayer de répondre à la nécessité de rendre le financement de notre économie plus conforme aux besoins d’une économie de l’innovation, et notamment de permettre aux entreprises de lever davantage de fonds propres.
D’abord, comme Michel Sapin vient de le rappeler, il convient de favoriser, ainsi que les directives le permettent, l’orientation à long terme des investissements des régimes de retraite supplémentaires, dont l’encours est de 130 milliards d’euros, vers le financement de l’économie, en particulier de l’innovation. Ces derniers avaient été rattachés à la directive Solvabilité II, dont le régime régulatoire extrêmement contraignant orientait largement l’allocation de ces montants vers le financement obligataire. Grâce à la réforme proposée, plus de 20 milliards d’euros pourront être à terme redirigés vers le financement en fonds propres de l’économie.
Ensuite, nous souhaitons ouvrir aux entreprises de l’économie sociale et solidaire l’accès aux ressources du livret de développement durable, pour permettre le développement de ce secteur. Là aussi, cela conduira à une plus forte croissance de nombre d’entreprises qui sont des acteurs de la transformation économique et de l’innovation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les compléments que je souhaitais apporter à la suite de la présentation par Michel Sapin du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Aujourd'hui, le rôle des responsables politiques que nous sommes est de se battre chaque jour pour que les Français soient égaux dans l’accès aux opportunités d’emploi et de création de richesses. Tel est l’objet des mesures de simplification et de fluidification visant à instaurer davantage d’efficacité économique et de justice sociale que je viens d’exposer rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique traitait initialement de ces trois thèmes en cinquante-sept articles ; il en comptait cent soixante-douze à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.
La commission des lois et les deux commissions saisies pour avis, dont je salue les rapporteurs, se sont efforcées de ramener ce texte à de plus justes proportions, en le délestant notamment de nombreux « cavaliers ». (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Ce texte gouvernemental était attendu, en particulier en raison des observations de l’OCDE ayant affecté l’image internationale de notre pays, montré du doigt pour son manque d’efficacité dans la lutte contre la corruption internationale. Il comporte des axes d’action forts en matière de prévention et de lutte contre la corruption, ainsi que de transparence de la vie publique et de la vie économique. Ces axes se déclinent au travers de dispositions extrêmement variées, dont la création d’une agence de prévention de la corruption, la mise en place d’un répertoire unique des représentants d’intérêts, l’aggravation des sanctions pénales pour divers délits d’atteinte à la probité publique, la mise en place d’un statut général protecteur des lanceurs d’alerte, l’extension des prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, l’instauration d’une procédure de transaction pénale pour les entreprises mises en cause pour des faits de corruption, la création d’une obligation de « conformité » pour les entreprises de plus de 500 salariés.
En matière de modernisation de la vie économique, le projet de loi s’apparente, en cette fin de législature, surtout après son examen par l'Assemblée nationale, à la « voiture-balai » d’occasions manquées, de réformes précipitées et de propositions de loi oubliées.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. François Pillet, rapporteur. Les dispositifs intéressant les entreprises, d’inspirations contradictoires, créent ainsi de nombreuses obligations, tout en comportant, je veux bien le reconnaître, une série de mesures de simplification et d’assouplissement. L’actualité a suscité l’ajout d’une réglementation concernant la rémunération des dirigeants.
Enfin, la discussion d’une proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits à l’égard des lanceurs d’alerte a été jointe à l’examen du projet de loi.
À ce stade de la discussion et avant que nous n’entamions celle des articles et des amendements, je vous invite, mes chers collègues, à porter votre attention sur les axes directeurs retenus par la commission des lois au terme de sa réflexion et sur les choix qu’elle a faits après analyse des objectifs visés au travers du texte.
En premier lieu, lutter efficacement contre la corruption passe par deux voies : la prévention, qui doit avoir les moyens de la détection, et la répression, qui peut passer par la transaction.
Concernant la première, il vous sera proposé d’élargir et de consolider la mission de la nouvelle agence chargée de la prévention.
S’agissant de la seconde, plutôt que de créer de nouvelles structures, commissions ou autorités dont il faudrait s’assurer, par de nouvelles constructions juridiques, de l’indépendance, de la transparence, de l’impartialité et du financement, il vous est recommandé avec force de réaffirmer le rôle de l’autorité judiciaire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est certain !
M. François Pillet, rapporteur. J’évoquerai, en deuxième lieu, la création d’un statut général des lanceurs d’alerte.
Dans l’intérêt général, le signalement d’un crime ou d’un délit, d’une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement par une personne physique désintéressée et de bonne foi est apparu parfaitement légitime à la commission des lois.
En protégeant le lanceur d’alerte de possibles discriminations, en le responsabilisant, en explicitant la procédure du signalement, la commission des lois a exprimé une volonté claire, à mon avis incontestablement susceptible de nous rassembler : l’alerte doit être éthique et son lanceur ne doit pas risquer d’être confondu avec un délateur.
En troisième lieu, en proposant la mise en place d’un répertoire commun des représentants d’intérêts, le Gouvernement entend combler son retard en matière de relations avec ces derniers par rapport aux assemblées, alors que le processus législatif est beaucoup plus transparent au sein de celles-ci qu’au sein de l’exécutif. Cette volonté est à l’évidence louable.
La créativité de l’Assemblée nationale, qui propose la mise en place d’un registre général commun des représentants d’intérêts ainsi que des conditions communes d’édification, de contrôle et de régulation, a conduit la commission des lois à vous mettre en garde contre l’entorse faite à un principe fondamental d’un régime républicain, celui de l’indépendance des pouvoirs publics constitutionnels.
J’aborderai maintenant, en quatrième lieu, les mesures de modernisation de la vie économique et de simplification du droit des sociétés.
Dès lors que ne seraient pas incidemment créées de nouvelles obligations au détriment de la compétitivité internationale de nos entreprises, la commission des lois, qui s’est par ailleurs attachée, souvent unanimement, au travers de l’examen de nombreux textes, à favoriser la simplification du droit dans ce domaine, comme dans celui de l’achèvement de la codification du droit de la commande publique, a souhaité contribuer à amplifier celle-ci en incorporant au texte le fruit d’initiatives et de travaux émanant de nos différents groupes.
Après avoir analysé les questions relatives à la rémunération des dirigeants, notre commission suggère que ce qui peut être considéré comme une avancée de la démocratie actionnariale se décline, pour préserver un consensus naissant, dans les conditions prévisibles de la future directive européenne en cours d’élaboration.
Oui, même si des réserves peuvent être émises quant à certaines innovations juridiques, imprécisions ou interrogations constitutionnelles – je pense, par exemple, à la nouvelle procédure de transaction, que nous avons voulu rendre plus solide –, je vous inviterai à approuver les objectifs généraux du projet de loi soumis à votre examen, à en aborder la discussion dans un esprit constructif, car nombre de mesures suscitent l’intérêt, à l’améliorer et à l’enrichir en écartant et en corrigeant les dispositions qui ne sont pas appropriées ou pas correctement conçues au regard de leurs finalités légitimes.
Nos débats, qui seront finalement le plus souvent très techniques, nous conduiront à réfléchir aux réformes et initiatives législatives nécessaires au regard des institutions et des règles que nous connaissons déjà, qui sont souvent propres à satisfaire l’ambition du texte que nous examinons, sans qu’il soit besoin d’inventer des procédures nouvelles.
Oui, il faut mieux lutter contre la corruption, protéger les alertes éthiques, améliorer la transparence de l’exercice des pouvoirs, simplifier l’environnement juridique des entreprises, mais il ne faut pas affaiblir l’autorité judiciaire, accorder d’immunité sans responsabilité, porter atteinte à l’indépendance des pouvoirs constitutionnels, créer d’entraves spécifiques à nos entreprises dans la compétition internationale.
Je vous invite, pour peser nos choix, à préférer la balance au clairon ; en d’autres termes, à conserver le dessein d’écrire et de préserver le droit opérant qui s’inscrit dans notre édifice juridique et à vous défier du droit proclamatoire, qui ne satisfait que la vanité de ceux qui s’en veulent les auteurs…
Enfin, principalement et prioritairement, mes chers collègues, soyons convaincus que nos intentions n’auront aucune chance de prospérer si, par des effets collatéraux, leur expression législative affecte tout ou partie de ce qui a construit notre État de droit protecteur de l’équilibre entre toutes les libertés qu’il proclame ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – MM. Pierre-Yves Collombat et Richard Yung applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la version initiale du présent projet de loi justifiait la saisine de la commission des affaires économiques pour moins d’une dizaine d’articles, qui concernaient la question agricole et celle des petites et moyennes entreprises, notamment l’artisanat. Mais, après l’« enrichissement » du texte par l’Assemblée nationale, sa saisine a dû être étendue à trente-neuf articles, dont trente-quatre au fond.
Cette situation m’inspire une première critique : lorsqu’un projet de loi passe de 58 à 172 articles, il n’est pas raisonnable que seulement quinze jours séparent son adoption par l’Assemblée nationale de son examen en commission au Sénat. Nous avons dû réaliser certaines auditions sans connaître le texte de l'Assemblée nationale.
Légiférer demande un temps d’examen suffisant pour pouvoir pleinement juger de la pertinence et de la légitimité de certains dispositifs, puis de leur bonne insertion dans l’ordre juridique. Or cela n’a pas forcément été le cas…
La seconde critique découle de la première. Le texte initial du projet de loi ne présentait déjà guère d’unité, puisqu’il associait à un volet relatif à la transparence et à la lutte contre la corruption un volet relatif à la modernisation économique ; après son examen par les députés, le nombre de ses domaines d’intervention s’était encore étoffé. Aussi, compte tenu de l’absence de lien entre les différentes dispositions à caractère économique dont nous sommes aujourd’hui saisis, il n’est guère possible de trouver un « fil directeur » à ce projet de loi : il s’agit simplement de l’un de ces textes portant « diverses dispositions » que nous connaissons bien, dépourvu de véritable stratégie, sous-tendu par la seule idée d’agir ponctuellement sur différents leviers, ce qui est toujours regrettable en matière d’action publique.
Dans ce contexte, la commission des affaires économiques a été mue par deux considérations.
Tout d’abord, nous avons cherché à ne pas remettre en question certaines orientations prises par le Sénat à l’occasion de l’examen de textes récents, afin d’être cohérents avec nous-mêmes, mais aussi pour lutter contre l’instabilité de la norme. C’est cette motivation qui a guidé notre démarche de suppression de plusieurs dispositifs relatifs aux sanctions des pratiques commerciales ou de maintien d’un encadrement du « droit de suite » dans le cadre de l’immatriculation au répertoire des métiers.
Ensuite, la commission des affaires économiques a entendu renforcer l’effectivité juridique des dispositifs du projet de loi.
Cela l’a conduite, par exemple, à proposer de perfectionner l’article 30 C, afin de conforter l’obligation d’intégrer, dans les contrats agricoles, la prise en compte des coûts de production des agriculteurs et des prix de marché dans la détermination du prix de vente. À cet égard, nous nous réjouissons qu’une grande partie des dispositions de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire aient été reprises dans le texte.
Cela nous a aussi conduits à perfectionner le dispositif du contrat-cadre signé entre acheteur et organisations de producteurs avant signature des contrats individuels.
Nous avons également voulu améliorer les règles relatives à la contractualisation agricole, notamment en ce qui concerne le mandat de facturation souvent donné par les agriculteurs à leurs acheteurs.
En matière agricole, nous avons préservé le principe de l’incessibilité des contrats laitiers. Nous avons aussi favorisé la transparence des informations économiques fournies à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en sanctionnant mieux les entreprises récalcitrantes, mais nous avons supprimé le nouveau dispositif d’injonction de publication de comptes, qui est inutile dans la mesure où une procédure existe déjà, qu’il suffirait d’utiliser.
Toujours dans le souci d’améliorer l’effectivité des dispositifs du projet de loi, la commission des affaires économiques a conforté la faculté de recourir à des conventions uniques pluriannuelles, sous réserve de laisser aux opérateurs économiques un délai suffisant pour s’adapter à ces nouvelles règles.
Nous avons également prévu que, dans ce cadre, les clauses de révision ou de renégociation du prix soient en rapport direct avec l’objet des produits ou prestations faisant l’objet de ces conventions.
Enfin, concernant la préservation du foncier agricole, nous avons voulu proposer une solution plus conforme au droit des sociétés, tout en préservant la capacité d’intervention des SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. Ce sujet mérite de faire l’objet d’un texte spécifique.
Sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous soumettra et de ceux auxquels elle a donné un avis favorable, la commission des affaires économiques vous invite, mes chers collègues, à adopter les articles dont elle a été saisie au fond dans le texte résultant de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances a examiné au fond environ un tiers du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, et elle s’est saisie pour avis de quelques articles.
Tout d’abord, la commission des finances regrette le très grand nombre de dispositions portant habilitation du Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance. Certaines d’entre elles ont été introduites par voie d’amendement en séance, sans aucun débat ni étude d’impact préalable. On ne peut admettre cette façon de faire quand le sujet n’est pas purement technique et aurait nécessité un débat parlementaire.
Je prendrai l’exemple de la réforme du code de la mutualité : alors que la ministre des affaires sociales et de la santé avait promis le dépôt d’un projet de loi, nous nous retrouvons avec un simple article habilitant le Gouvernement à réformer l’ensemble du code de la mutualité par ordonnance. Ce n’est évidemment pas acceptable.
Pour les directives, d’une manière générale, la commission des finances estime préférable d’opérer les transpositions « en dur », comme cela a été fait pour la répression des abus de marché, par exemple.
Dans le cadre de cette transposition, l’article 20 du projet de loi prévoit d’instaurer un plafond de 15 % du chiffre d’affaires pour les sanctions des personnes morales par l’Autorité des marchés financiers. La commission des finances propose, par parallélisme, d’instaurer un plafond de 10 % du chiffre d’affaires pour des infractions particulièrement graves sanctionnées par l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
D’une façon générale, la commission des finances est attentive à ce que le législateur fixe les règles en matière de protection des épargnants et des investisseurs : elle ne peut pas laisser le Gouvernement définir librement les conditions dans lesquelles les fonds d’investissement peuvent prêter aux entreprises. Nous touchons là au cœur de ce que l’on appelle le shadow banking, et il est nécessaire que le législateur établisse des garde-fous.
De même, plusieurs articles du projet de loi visent à interdire la publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et complexes : nous avons souscrit à ces mesures en adoptant une série d’amendements pour les sécuriser et en renforcer la portée, par exemple en permettant à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de sanctionner tout intermédiaire contribuant à la diffusion d’une publicité illégale.
Nous avons aussi introduit un article additionnel visant à mieux encadrer la publicité pour les produits défiscalisés. Nous proposerons également que la publicité pour les investissements « atypiques », tel l’achat de manuscrits, soit contrôlée par l’AMF.
Concernant le secteur bancaire, nous aurons un débat sur la réduction de la durée de validité des chèques. S’agissant des moyens de paiement, j’ai souhaité que les cautions judiciaires ne puissent être réglées en espèces au-delà d’un certain seuil fixé par décret. Il est très étonnant, monsieur le ministre, que l’on ne puisse pas payer ses impôts ou son loyer en espèces lorsque le montant excède 300 euros, mais qu’un trafiquant de drogue soit autorisé à verser une caution de plusieurs centaines de milliers d’euros en petites coupures ! Il y a sans doute à légiférer en la matière.
M. Roger Karoutchi. C’est normal que les trafiquants aient du liquide ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. En matière d’assurances, nous pensons souhaitable de mieux encadrer les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière et de rendre ses décisions publiques.
Pour renforcer les droits des assurés, nous proposons d’instituer une obligation d’information à l’égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaires lorsqu’ils ont atteint l’âge de départ à la retraite, et donc de combler l’une des lacunes de la loi Eckert. L’ACPR a en effet relevé que l’encours des contrats dont le capital ou la rente n’a pas été liquidé alors même que le souscripteur a atteint l’âge légal de départ à la retraite s’élevait à 6,7 milliards d’euros en 2015.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a introduit des dispositions nouvelles concernant le reporting public d’activités « pays par pays ». La commission des finances souhaite en rester aux dispositions présentées par la Commission européenne, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2018, sous réserve de leur adoption. En outre, nous savons tous que le Conseil constitutionnel sera particulièrement attentif au respect de la liberté d’entreprendre, comme il l’a fait savoir par sa décision du 29 décembre 2015.
Enfin, certaines mesures du texte visent à lutter contre la fraude fiscale, notamment en matière d’autoliquidation de la TVA, de prix de transfert ou de registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales. La commission des finances sera évidemment très attentive à ne pas faire supporter des charges excessives par les entreprises, tout en renouvelant son engagement en faveur de la lutte contre la fraude fiscale, dont témoignent les travaux que nous avons conduits ces derniers mois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. –M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, même l’intitulé de ce projet de loi, relatif à la « lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique », semble rendre hommage à Michel Rocard, qui se distingua à la fois par son intégrité intransigeante et par son réformisme économique.
Pour avoir eu le privilège de l’accompagner ces dernières années dans son combat pour la préservation des pôles et, au-delà de cette question éminemment écologique, d’échanger très régulièrement avec lui sur les grands enjeux de la planète, mais aussi de l’Europe et de la société française, je peux témoigner qu’il fut jusqu’au bout un homme de pensée et d’engagement, toujours en mouvement et tourné vers le futur, soucieux de l’avènement d’une société plus juste et, partant, véritablement humaine.
La célébration unanime consécutive à sa disparition voit chacun réclamer sa part d’héritage : il faut veiller à ce que le réformisme de Michel Rocard ne soit pas dévoyé, comme avait pu l’être sa fameuse sentence sur la « misère du monde », dont on avait sciemment omis la chute. À propos de la crise des réfugiés, il avait d’ailleurs récemment estimé que c’était la chancelière allemande qui avait « sauvé l’honneur » de l’Europe.
N’oublions pas que c’est à l’époque du programme commun que Michel Rocard fut qualifié de « réformiste », et que le contexte politique a depuis considérablement changé.
Dans son dernier ouvrage intitulé Suicide de l'Occident, suicide de l'humanité ?, il a eu des mots extrêmement durs contre les dérives du système bancaire, contre le capitalisme financier et contre le souverainisme, leur préférant un développement plus écologique, une réduction du temps de travail et une nouvelle coopération internationale.
Même si je ne discerne pas encore la manifestation de ce réformisme, à l’évidence audacieux, dans la politique du Gouvernement, le fait est, messieurs les ministres, que votre texte vise au moins à s’attaquer à l’hybris et à l’inacceptable que nous avons trop longtemps tolérés. Je veux parler du fait que l’économie prime aujourd’hui à ce point sur le politique, et que le profit semble s’imposer aux valeurs constitutives de la démocratie sociale.
La corruption est devenue une stratégie commerciale comme une autre. Les lobbys économiques s’immiscent partout, dans la plus grande opacité, entachant l’élaboration des normes et des lois de conflits d’intérêts persistants.
Ce ne sont pas les auteurs des scandales financiers qui sont condamnés, mais les lanceurs d’alerte qui révèlent ceux-ci. Ce ne sont pas les gouvernements élus qui imposent les règles fiscales aux multinationales, ce sont ces dernières qui mettent les États en concurrence. Devant un tel constat, l’ambition de changement dont témoigne ce projet de loi est – je dois le dire – salutaire.
Malheureusement, la puissance publique accuse toujours un très long temps de retard sur les abus et les détournements.
Cela tient d’abord à la temporalité. De la même manière que nous attendons de percevoir les symptômes de la crise écologique avant d’agir, nous attendons de voir s’épanouir les fraudeurs qui se soustraient à la fiscalité ou de s’accomplir les disruptions technologiques qui court-circuitent notre modèle économique et social avant de réformer. La régulation n’est mise en œuvre qu’à la suite de scandales ou d’accidents, jamais par anticipation, hélas !
Ensuite se pose la question de la territorialité. Lorsque nous disposons enfin des outils permettant de rendre la décision à la sphère politique, nous sommes confrontés à la question de la mondialisation. Demander à nos entreprises d’être transparentes ou de ne pas tricher, ce serait nuire à leur compétitivité, les autres n’étant pas aussi vertueuses.
Si l’on ne veut pas que notre économie se modernise ainsi, à rebours, il nous incombe d’appréhender la terrifiante évolution du monde sans faux-semblants, d’une part, et de refuser de faire abstraction de nos principes fondamentaux, d’autre part.
Ainsi, pour lutter contre le fléau que constitue l’évasion fiscale, nous devons appliquer, sans plus tergiverser, le reporting public pays par pays. Sauf cas très spécifiques, nous ne pouvons pas considérer que les montages fiscaux abscons participent d’une compétitivité qui concourrait au bien commun.
En matière de répression de la corruption, il faut prendre acte du manque d’efficacité de notre système. Pour autant, il semble difficile de se féliciter du fait qu’une transaction judiciaire permette de préserver les intérêts économiques d’une personne morale accusée de corruption.
En ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, même les ressources de notre droit positif ne sont pas toutes utilisées. Ainsi, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement, créée il y a déjà trois ans par la loi Blandin, n’a toujours pas été mise en place. À propos des groupes d’intérêts et de pression, tout reste encore à faire pour nous doter d’un mécanisme de traçabilité des informations qui permette aux décideurs publics d’écrire la loi.
En matière de financiarisation, enfin, nous devons porter une attention particulière à la prédation qui touche aujourd’hui le foncier agricole.
Avec mes collègues du groupe écologiste, j’aurai l’occasion de revenir plus en détail, au cours du débat, sur ces sujets et sur d’autres. Globalement, et même s’il pouvait nous paraître un peu tiède à certains égards, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale constituait, selon nous, une avancée, tandis que le texte élaboré en commission par le Sénat semble marquer un recul. Par conséquent, l’issue des débats déterminera notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. François Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place d’un dispositif de lutte efficace non pas contre la seule corruption, mais contre la délinquance financière en général, est une urgence, non parce que la France occupe la vingt-troisième place de l’étrange classement de Transparency International, loin derrière Singapour, le Luxembourg et Hong-Kong, hauts lieux bien connus de la morale financière, et juste devant les Émirats arabes unis, mais pour les trois raisons essentielles suivantes.
La première raison tient à l’impression qu’a l’opinion publique que la délinquance financière serait l’objet d’un traitement de faveur dans notre pays, comme si ses effets étaient moins graves que ceux du reste de la délinquance, comme si elle était le produit d’un manque de jugement ou de vigilance, sinon le prix à payer de la liberté d’entreprendre, plutôt que de la délinquance tout court !
La faiblesse des sanctions encourues pour la plupart des délits relevant de cette catégorie, l’existence de procédures de règlement parallèles, la primauté accordée à la négociation sur la répression, l’euphémisation progressive du vocabulaire – le peu reluisant « trafic d’influence », par exemple, devenant un respectable « conflit d’intérêts » relevant d’une haute autorité spécifique – montrent qu’il ne s’agit pas d’une simple impression, mais d’une réalité !
En France, en 2013, soixante-douze personnes ont été sanctionnées pour faits de corruption, et deux seulement ont été condamnées à de la prison ferme. En outre, vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’aucune société n’avait été sanctionnée à ce titre jusqu’à présent.
S’agissant de corruption d’agents publics dans le cadre de transactions internationales, les deux tiers des 298 personnes physiques ou morales condamnées depuis la convention internationale de 1999 l’ont été dans trois pays : les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie. Deux seulement l’ont été en France. Quand le montant annuel moyen des amendes pour abus de marché est de 25 millions d’euros en France, il est de l’ordre de 20 milliards de dollars aux États-Unis ! Même en tenant compte du taux de change, ce n’est pas la même chose !
Deuxième raison : contrairement à ce que l’on pense trop souvent, la délinquance financière ne pose pas qu’un problème de morale politique. Loin d’être un « lubrifiant » des affaires, c’est un danger mortel pour une économie aussi financiarisée et peu régulée que la nôtre.
Comme le plaide Jean-François Gayraud, « le problème ne doit donc pas être posé sur le terrain de la morale, mais sur le terrain de l’analyse rationnelle et systémique […].
« Le droit pénal n’est pas simplement un outil punitif, il permet aussi de réguler les marchés. Le droit pénal est une masse critique de droits que l’on place dans les mécanismes des marchés, ce qui permet aux acteurs sains d’avoir les mêmes avantages concurrentiels que ceux des acteurs malsains.
« Le droit pénal doit jouer son rôle, c’est fondamental car s’il n’y a pas d’actions au niveau national, d’autres le feront à notre place et dans un contexte de guerre économique. La lutte anti-corruption au niveau international, c’est l’arme des forts, donc des puissances impériales […].
« Par conséquent, quand la France ne sanctionne pas ses entreprises, des puissances étrangères le font. »
Troisième et dernière raison : les comportements délictueux étant toujours l’un des ingrédients des crises, une répression efficace de la délinquance financière nous donnerait plus de chances d’éviter le prochain krach financier.
Le présent projet de loi est-il à la hauteur des risques et des attentes ? Ma réponse est clairement négative, parce que, comme d’habitude, au lieu de donner les moyens d’exercer la mission de répression à l’institution et aux services qui en sont chargés, en l’occurrence la police et la justice, on bâtit à côté de ceux-ci une annexe censée régler le problème à coup de procédures, de déclarations, de conseils et de règlements à l’amiable. En quelque sorte, on harcèle le maximum de personnes pour s’éviter de sanctionner durement ceux qui le mériteraient.
Les amendements déposés par le groupe du RDSE ne visent pas seulement à apporter des corrections au présent texte. Cohérents, ils dessinent en creux ce qu’aurait pu être une politique de lutte non seulement contre la corruption, mais contre la délinquance financière en général, une politique dont les armes seraient le code pénal et des moyens d’investigation.
Si nous approuvons complètement le choix fait par notre rapporteur de placer le juge au cœur du dispositif, nous souhaitons que celui-ci soit muni d’un outil nouveau : une agence de prévention des crimes et délits financiers, dotée de réels pouvoirs d’investigation.
Nous défendons la même position s’agissant des lanceurs d’alerte. Ceux-ci ne sont pas là pour faire le travail de la justice à sa place, mais ils doivent être protégés, parce qu’ils prennent des risques pour lui permettre de mieux fonctionner. Le lanceur d’alerte n’est pas à côté du droit, encore moins au-delà : il est celui qui, dans certaines circonstances, lui permet d’advenir.
Faute de temps, j’en resterai là. Je conclurai mon propos par une question : quel est le rapport, mes chers collègues, entre la prévention de la corruption et les conditions d’exercice de la profession de courtier en vins et spiritueux ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Il n’y en a aucun !
M. Pierre-Yves Collombat. Si : ce sont deux des sujets abordés par le présent projet de loi ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme vous le voyez, ce texte embrasse large ; je crains qu’il n’étreigne peu ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et M. François Marc applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la promotion d’une plus grande transparence de notre vie publique et la lutte contre la corruption sont des préoccupations importantes et constantes du Parlement en général, et du Sénat en particulier. Cette question n’est pas nouvelle, tant s’en faut, puisque la première loi dite Sapin date du 29 janvier 1993. Nous ne pouvons que rappeler votre action passée dans ce domaine, monsieur le ministre.
Le présent projet de loi aborde notamment deux thèmes très importants, sur lesquels je concentrerai mon intervention : le statut des lanceurs d’alerte et le répertoire national des lobbyistes.
Les scandales du Mediator ou de la banque HSBC, sans oublier, de manière plus globale, l’affaire des écoutes de la NSA ou, moins récemment, la création du site WikiLeaks, ont rendu cette question incontournable. Il ne se passe désormais plus une année sans qu’un individu ne dévoile publiquement des agissements contraires à notre entendement ou à notre législation.
Ces personnes jouent ainsi un rôle important. Au regard des menaces qui pèsent sur elles et de la fragilité de leur situation, il est nécessaire de leur conférer une protection, et donc de légiférer à cette fin. Les dispositions introduites à l’Assemblée nationale vont dans le bon sens. Cependant, nous nous sommes efforcés, au Sénat, de trouver un équilibre sur ce sujet, l’idée étant d’éviter de bâtir un statut qui soit trop propice aux effets d’aubaine et aux démarches opportunistes de quelques-uns.
Gardons-nous, au motif de renforcer la transparence, de construire une société de la délation. C’est dans cette perspective que notre rapporteur a conduit les travaux de la commission des lois : il s’agissait de veiller à ce que les fraudeurs puissent être démasqués et les lanceurs d’alerte protégés dans le seul sens de la préservation de l’intérêt général et public, en évitant de fixer des critères trop larges, ce qui pourrait déboucher sur des excès.
Concernant le répertoire des groupes d’influence, nous devons avant tout dissiper quelques mythes. Le mot lobbying conserve une connotation extrêmement péjorative dans notre pays, ce qui alimente le soupçon de nos concitoyens.
Or, dans le cadre d’un travail parlementaire bien mené, il est important de pouvoir entendre les demandes émanant des différents secteurs qui composent notre société civile. Le lobbying est, à ce titre, un outil de démocratie. Dès lors, rien ne justifie que l’on remette en cause d’importants principes constitutionnels, tels que la séparation des pouvoirs ou l’indépendance des membres du Parlement. Un répertoire unique géré par une autorité indépendante constituerait un empiètement de l’administration, de l’exécutif donc, sur le législatif. Les parlementaires doivent rester libres de recevoir qui ils souhaitent, dans les conditions qu’ils souhaitent. L’administration de l’État n’a pas à s’ingérer dans le régime d’accès aux assemblées parlementaires.
Dans cette perspective, le travail du rapporteur me semble équilibré et respectueux tant de la demande citoyenne de transparence que des conditions réelles du travail parlementaire.
Mon temps de parole étant épuisé, je vais conclure mon propos…
M. Jean-Claude Lenoir. Quel dommage !
Mme Jacqueline Gourault. … en citant une formule de Guy Carcassonne qu’a récemment rappelée Jean-Louis Nadal devant la commission des lois et qui, je le crois, résume bien l’opinion de nombre d’entre nous : « Ne pas passer d’un secret maladif à la transparence névrotique. » (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, je citerai non pas Guy Carcassonne, mais Honoré de Balzac, qui écrivait, dans Le Père Goriot : « La corruption est l’arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe. »
Si la corruption est un fléau universel, elle affecte différemment chaque région du monde. Notre pays n’en est pas exempt. Figurant en piètre position dans le classement européen, la France fait l’objet de critiques récurrentes de la part d’organisations internationales telles que l’OCDE ou le groupe d’États contre la corruption.
Dans ce contexte, nous approuvons a priori l’initiative du Gouvernement et partageons les objectifs qu’il se fixe en présentant un projet de loi qui pourrait permettre à la France de rattraper enfin son retard en la matière.
Sur la forme, nous regrettons cependant que, une fois de plus, le débat au Sénat soit biaisé. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, largement modifié par la droite sénatoriale, sera rétabli par les députés, compte tenu de l’importance des divergences.
Alors que le projet de loi se composait initialement de cinquante-sept articles, le texte transmis au Sénat en comportait cent soixante-douze.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est lamentable !
Mme Éliane Assassi. Même si la commission des lois a supprimé de nombreux cavaliers législatifs, il nous reste à discuter de plus de cent cinquante articles !
Force est de constater que ce texte, dont les dispositions disparates s’éloignent des objectifs initialement annoncés, manque souvent d’un fil conducteur. On y trouve des mesures relatives au secteur de la coiffure, à celui des pneumatiques, à la boulangerie ou encore à l’étiquetage des produits laitiers… Ce sont là des mesures certes importantes, mais elles auraient dû figurer dans un autre texte,…
M. Jean-Claude Lenoir. Certes !
Mme Éliane Assassi. … pour éviter qu’à la loi « Sapin II » ne se substitue une loi « Macron II » ! Je note d’ailleurs la présence du ministre de l’économie et l’absence, regrettable, du garde des sceaux.
Certaines dispositions visant à moderniser la vie économique de notre pays vont dans le bon sens, y compris après leur examen en commission au Sénat ; nous les voterons. D’autres appellent un jugement négatif de notre part, à l’instar des mesures sur l’entrepreneuriat individuel. Dans la droite ligne de la loi Macron, elles visent à s’attaquer aux secteurs des services et de l’artisanat, en facilitant les infractions à la législation, la dérégulation et la baisse des exigences en matière de qualification professionnelle.
S’agissant des dispositions financières, en matière de lutte contre l’évasion fiscale, l’introduction à l’Assemblée nationale de deux nouveaux articles visant à renforcer les obligations de communication publique des données, pays par pays, auxquelles sont soumises les grandes entreprises va dans le bon sens. Cela étant, nous vous proposerons d’aller encore plus loin au travers d’amendements tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
La commission des lois du Sénat est revenue sur le dispositif d’encadrement des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises par l’assemblée générale des actionnaires. Il s’agit pourtant là d’une source majeure de corruption. Bien que très frileuse, cette mesure allait dans le bon sens. Nous vous proposerons, là encore, d’aller plus loin.
Sur ce qui aurait dû, à mon sens, constituer le cœur du projet de loi, mais se trouve noyé parmi toutes ces mesures d’ordre économique, à savoir la lutte contre la corruption et le renforcement de la transparence, nous sommes pleinement convaincus de la pertinence des objectifs fixés par le Gouvernement, mais beaucoup moins de celle des outils choisis pour les atteindre.
Ainsi, la création d’une agence de prévention de la corruption nous laisse dubitatifs. J’y reviendrai au cours du débat, mais il n’est pas souhaitable de pallier les lacunes de l’État en matière de corruption en créant une nouvelle agence indépendante, dont le statut reste par ailleurs assez flou. Il importe de faire confiance à notre justice. En ce sens, nous approuvons les modifications apportées au texte par la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !
Mme Éliane Assassi. Renforçons le pouvoir de notre parquet national financier et, au sein même des entreprises, associons davantage les instances représentatives du personnel. Un contrôle citoyen doit être mis en place.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis pour !
Mme Éliane Assassi. C’est ce que nous vous proposerons par voie d’amendements.
En matière de transparence, je ne reviendrai pas sur les scandales qui ont marqué ce quinquennat, mais force est de constater que, même s’il s’agit d’une minorité, certaines personnalités politiques sont loin d’être exemplaires. Si nous voulons éviter la suspicion généralisée, il nous faut tout mettre en œuvre pour accroître la transparence.
Les détenteurs d’un mandat électif, ceux qui animent la vie politique, se doivent d’être exemplaires, tout comme les principaux décisionnaires de l’appareil étatique, tels que les hauts fonctionnaires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Incontestable !
M. François Pillet, rapporteur. Nous sommes d’accord !
Mme Éliane Assassi. Il est scandaleux de constater que de plus en plus d’énarques ou de polytechniciens partent « pantoufler » dans les entreprises, sans même avoir respecté leur engagement de servir l’État durant dix ans.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Votez Le Maire !
Mme Éliane Assassi. Nous nous devons aussi de lutter contre cette forme « blanche » de corruption : nous présenterons un amendement à cette fin. Redonner le sens de l’État et de l’intérêt général dans cette époque où l’argent est roi est une urgence démocratique.
En parallèle, nous sommes favorables à la création du répertoire numérique des représentants d’intérêts. Le registre proposé doit être le plus large possible et imposer le plus haut niveau de transparence possible aux représentants d’intérêts, quel que soit l’échelon décisionnel.
Enfin, les lanceurs d’alerte sont des acteurs majeurs de la lutte contre la corruption. On connaît les nombreuses révélations qu’a permises leur action courageuse, parfois conduite au péril de leur vie. Elles ont fait la lumière sur des pratiques économiques ou stratégiques scandaleuses.
Notre droit actuel ne permet pas de protéger les lanceurs d’alerte. Or, compte tenu de l’organisation actuelle de notre société, l’intervention directe des citoyens dans la conduite des affaires publiques est malheureusement indispensable. En ce sens, nous veillerons à ce que la définition des lanceurs d’alerte issue des travaux de l’Assemblée nationale soit rétablie, même si l’on peut regretter que la loi continue à distinguer deux types de lanceurs d’alerte : les « bons », qui permettent à l’État de récupérer de l’argent qui lui revient, et les « mauvais », qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas en dévoilant des secrets d’État…
En définitive, comment ne pas partager les objectifs du Gouvernement en matière de transparence et de lutte contre la corruption ? Cependant, nous regrettons qu’un certain nombre des mesures proposées restent superficielles : il semble parfois que nous ayons plutôt à faire à un texte d’affichage, visant à la fois à répondre aux critiques récurrentes adressées à la France et à renouer le lien défait entre le Gouvernement et la « gauche ».
En outre, en se dotant de nouveaux outils juridiques dont l’efficacité reste entièrement à prouver, le Gouvernement avoue son échec en la matière et se défausse en créant une machinerie de « régulation », plutôt que d’assumer ses responsabilités.
Parce que « la corruption c’est aussi le manque de dignité, c’est l’absence de scrupule, c’est l’exploitation des gens sans défense », pour reprendre les mots de l’écrivain Tahar Ben Jelloun, la lutte contre la corruption est intimement liée à la nature de notre projet pour la société et pour la démocratie.
Si la rédaction issue de l’Assemblée nationale avait été conservée, nous aurions pu nous abstenir. Sur le texte tel qu’il a été récrit par la droite sénatoriale, nous réservons notre vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois et Mme Marie-Christine Blandin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail de nos rapporteurs, en particulier celui de M. le rapporteur de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est justice de le faire !
M. Alain Anziani. Je constate que ce projet de loi effraie, tant dans cet hémicycle, où certains d’entre nous s’interrogent sur l’utilité des lanceurs d’alerte et la volonté de transparence, employant les mots de « délation », de « transparence névrotique » ou d’« excès », que dans les entreprises, qui s’inquiètent de la création de nouveaux freins susceptibles de rendre encore plus difficile la conduite de leurs activités. Il effraie donc, mais il effraie à tort !
En matière de lutte contre la corruption, ne réformons pas à regret. Nous débattons aujourd’hui de mesures qui sont déjà en œuvre au Royaume-Uni depuis 1998, en Afrique du Sud depuis 2000, en Norvège depuis 2007, en Slovaquie, aux Pays-Bas, au Canada, en Australie, aux États-Unis…
Nous débattons de ces mesures non parce que les autres pays les appliquent, mais parce que la France a besoin de davantage de transparence.
Qui peut en douter ? En 2013, le Service central de prévention de la corruption n’a constaté que 299 poursuites pour corruption.
Face à un tel constat, nous avons le choix entre fermer les yeux en considérant que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles et affronter la réalité. La réalité, nous la connaissons ; je vous renvoie à nos propres travaux parlementaires.
Le rapport de la mission commune d’information sur le Mediator évoque un système de sécurité sanitaire fonctionnant « en vase clos » et « nourri d’informations scientifiques circulant en circuit fermé ». Le résultat d’une telle opacité est effroyable. Nous ne connaissons pas précisément le nombre de victimes – le journal Le Monde en a évoqué 1 800, mais il y en a peut-être plus –, et la vie de plusieurs milliers d’autres personnes a été bouleversée.
L’affaire de l’amiante a représenté un véritable séisme. Or les premières personnes à avoir révélé la dangerosité de ce matériau ont subi les foudres de leur hiérarchie.
Ce projet de loi « Sapin II », qui vient quelques années après la loi « Sapin I », améliore plusieurs dispositifs : celui des lanceurs d’alerte, la prévention de la corruption via la création d’une agence nationale, la réglementation des représentants d’intérêts. À cela s’ajoutent de multiples mesures de modernisation de l’économie. Richard Yung et Frédérique Espagnac interviendront, dans le cours du débat, sur ces questions très précises.
Notre pays en avait-il besoin ? Certes, il dispose déjà d’une réglementation concernant la transparence et les lanceurs d’alerte. Mais tout l’intérêt de ce texte est de clarifier et d’harmoniser l’existant, pour instaurer un véritable statut du lanceur d’alerte, comme l’a préconisé le Conseil d’État dans son remarquable rapport du mois de février 2016.
L’alerte est-elle un droit ou une obligation ? Dans quelle condition le lanceur d’alerte est-il protégé ? Comment doit-il procéder ? Quelle est sa responsabilité en cas de fausse information ? Le projet de loi traite l’ensemble de ces questions.
On m’objectera que notre pays applique déjà l’article 40 du code de procédure pénale. C’est exact. Mais nous savons que le champ d’application en est limité ; cela concerne les seuls services et agents publics.
En outre, selon le Service central de prévention de la corruption, l’utilisation de cet article 40 apparaît « très faible, voire inexistante dans certains secteurs », précisément ceux qui concernent la corruption ! Ce constat a été confirmé par le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lorsque nous l’avons entendu.
Des dispositifs préventifs existent aussi dans les entreprises, avec un droit d’alerte et de retrait face à un danger grave et imminent pour la vie ou la santé, voire en cas de défectuosité d’un produit. Sont aussi concernés, dans d’autres codes, les cas de maltraitance d’enfants ou d’adultes vulnérables.
Le monde de l’entreprise est demeuré dans un nuage de secrets plus ou moins bien gardés, que seules quelques affaires parviennent à dissiper.
Toutefois, la plupart des grandes entreprises s’inspirent désormais des pratiques de leurs homologues américaines. Les États-Unis ont effectivement donné l’exemple dès 2002, avec la loi Sarbanes-Oxley, dite SOX, qui a vu le jour après quelques scandales concernant des manipulations comptables. Le Congrès des États-Unis a adopté à la quasi-unanimité des mesures de transparence comportant des mécanismes d’alerte, avec interdiction de représailles à l’égard des salariés lanceurs d’alerte.
Si nos grandes entreprises appliquent déjà un certain nombre de ces dispositions, la plupart de nos PME y sont étrangères.
Une nouvelle loi était donc nécessaire. Le texte que nous examinons a le grand mérite de mieux définir le lanceur d’alerte. Si vous me le permettez, et sans vouloir faire de provocation à l’égard de notre rapporteur, je devrais plutôt dire qu’il « avait » ce mérite. Force est de le constater, la définition ne cesse de se réduire comme peau de chagrin au fil des discussions, en particulier après le passage en commission des lois ! Celle-ci n’a pas souhaité que les lanceurs d’alerte puissent être des personnes morales. Je connais les motifs du rapporteur, qu’il exposera probablement ; je ne les partage pas.
La commission a également supprimé – je n’ai toujours pas compris pourquoi – le droit d’alerte concernant les préjudices graves causés à l’environnement, à la santé et à la sécurité. Elle tend à circonscrire le droit d’alerte aux seules relations internes à l’entreprise, c’est-à-dire entre le salarié et ses supérieurs hiérarchiques. Pour moi, c’est totalement contraire à l’esprit de l’article concerné, qui ne se restreint pas uniquement à ces relations.
Il me semble également que nous aurions pu aller plus loin, par exemple en visant toutes les violations des engagements internationaux pris par la France, que ce soit dans le cadre d’accords approuvés ou d’accords ratifiés. Le Gouvernement et le groupe socialiste ont présenté un amendement en ce sens. Une telle évolution serait tout à fait utile, comme l’illustrent un certain nombre d’exemples actuels.
Quoi qu’il en soit, nous posons une définition. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais c’est déjà un progrès ! Et nous allons plus loin, en essayant de dresser un statut, encore insuffisant à mes yeux.
Quitte à faire grincer des dents, je rappellerai que les lanceurs d’alerte sont rétribués aux États-Unis. Certes, je ne souhaite pas forcément qu’ils le soient en France.
Comme M. le ministre l’a rappelé, au Luxembourg, le pauvre Antoine Deltour, qui a tout de même révélé les optimisations fiscales des LuxLeaks, vient d’être condamné à une amende et à dix-huit mois de prison avec sursis pour vol de documents et violation du secret professionnel.
Entre les États-Unis, qui rémunèrent les lanceurs d’alerte, et le Luxembourg, qui les condamne à des peines de prison, même avec sursis, il existe peut-être une solution médiane, celle sur laquelle nous pourrions travailler.
Dans notre pays, le lanceur d’alerte est un héros maudit. Stéphanie Gibaud a été licenciée pour avoir dénoncé les pratiques fiscales de la banque suisse UBS ; elle vit depuis dans la plus grande précarité. Nicolas Forissier, également cité par M. le ministre, a gagné son procès prud’homal et obtenu un dédommagement appréciable, mais il croule sous le poids des frais de procédure.
Peut-être faudrait-il essayer de voir comment alléger les frais de procédure d’une personne ayant tout de même rendu service à la société. La banque UBS a effectivement été mise en examen pour fraude fiscale, blanchiment et, récemment, subornation de témoin. Ce sont des millions d’euros que l’administration fiscale va recouvrer grâce à ce lancement d’alerte.
Trouvons donc des solutions, non pas pour enrichir les lanceurs d’alerte, mais au moins pour les indemniser et, bien entendu, les protéger dans leur travail.
Le code du travail prévoit déjà la nullité de toute sanction motivée par le fait d’avoir porté des faits de corruption à la connaissance de l’employeur ou de l’autorité administrative ou judiciaire. La Cour de cassation vient d’ailleurs de confirmer, dans un arrêt récent, le caractère illicite du licenciement d’un salarié pour ce motif. Nous devons renforcer ces dispositions.
En revanche, je défends un principe de responsabilité. Le lanceur d’alerte qui serait de mauvaise foi ou aurait agi de manière précipitée doit aussi en assumer les responsabilités. Mais le droit actuel offre également des dispositions en la matière, avec le délit de dénonciation calomnieuse et de diffamation, sans oublier les procédures civiles permettant à une victime d’obtenir réparation des dommages causés par un abus de droit.
Faut-il aller plus loin ? La commission a opté pour un système de gradation. J’ai bien examiné la question. La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé, avec justesse, que les salariés ont un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers leur employeur. Ils doivent donc d’abord l’informer et ne recourir à la divulgation publique qu’en dernier ressort.
La gradation s’impose. Mais, chers collègues de la commission des lois, je pense que nous avons été trop loin. La gradation ne doit pas être un parcours du combattant pratiquement impossible à effectuer. Il faut un équilibre, ainsi que des points d’appui permettant au lanceur d’alerte – c’est forcément une personne courageuse – de pousser la démarche à son terme s’il est de bonne foi.
Il est donc absolument nécessaire de lutter contre la corruption.
Mais les appréciations divergent aussi sur d’autres points. Par exemple, nous sommes favorables au maintien d’une commission des sanctions à l’intérieur de l’Agence de prévention et de détection de la corruption.
En effet, il s’agit de mesures administratives, et non pénales. Nous n’empiétons donc pas sur le pouvoir judiciaire. En revanche, le recours à cette commission des sanctions offrira plus de rapidité, donc d’efficacité, que la saisine d’un juge judiciaire. Nous le savons, dans ce cas, les délais peuvent être tout à fait considérables.
Le lobbying est une activité honorable, qui peut être utile, à condition que le représentant d’intérêts reste dans son rôle, que je qualifierai de « pédagogique ». La création d’un répertoire unique et numérique auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pourra l’y aider. Je crois que cela fait consensus.
Notre rapporteur a eu raison de clarifier la définition des représentants d’intérêts et de leurs obligations. Nous partageons aussi sa proposition, d’ailleurs conforme à celle du président de la Haute Autorité, de revenir à une liste des personnes concernées proche de celle qui avait été proposée par le Gouvernement et, donc, d’écarter les élus locaux et les élus déjà tenus à une obligation de déclaration de patrimoine.
Ce projet de loi comporte beaucoup d’autres propositions. Il m’était impossible de toutes les évoquer, mais nous aurons évidemment l’occasion de discuter de tous les points relatifs à la modernisation de l’économie au cours du débat.
L’inspiration essentielle du texte était bien la transparence. La question qui nous est posée est de savoir si nous voulons, ou non, faire tomber cette sorte de « ligne Maginot de l’opacité », qui n’a pas forcément beaucoup d’utilité, mais nous sépare beaucoup de nos populations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, et sur certaines travées du groupe écologiste.)
(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis souvent demandé comment l’auteur d’un amendement ou d’un texte législatif, projet ou proposition de loi, pouvait faire en sorte de lui donner son nom. Le plus ancien et le plus connu des amendements de ce type fut l’amendement Wallon, et la plus ancienne loi à porter le nom de son auteur fut la loi Le Chapelier, qui remonte à 1791.
D’autres lois se voient aujourd'hui attribuer le nom, bien connu, de ministres actuels, en particulier le vôtre, monsieur Sapin. Il faut le souligner, c’est la deuxième fois que vous entrez dans l’histoire des lois. Cela témoigne à la fois de votre longévité en politique et de votre persévérance à défendre des idées qui sont justes.
Toutefois, vous devriez être quelque peu embarrassé, car votre projet de loi a été alourdi d’un certain nombre d’articles relativement éloignés du sujet. Comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, il eût notamment été préférable de prévoir, en plus du texte émanant de votre ministère, un texte consacré spécifiquement à l’agriculture.
L’agriculture est le parent pauvre de ce texte ! Le projet de loi conçu par le Gouvernement ne comprenait qu’une dizaine d’articles sur ce thème. Certes, l’Assemblée nationale a multiplié leur nombre par quatre – cela a d’ailleurs mis à mal le travail du rapporteur, la version examinée en commission n’étant plus du tout la même que celle qui avait servi de base aux auditions –, mais il n’est absolument plus question d’agriculture aujourd'hui.
À cette tribune, on a évoqué l’essentiel, à savoir le texte, sans aucune mention de toute une série de dispositions qui auraient au demeurant justifié la présence dans l’hémicycle du ministre chargé de l’agriculture, au moins pour la discussion générale.
Autre particularité, que l’on retrouve à la fois dans le projet du Gouvernement et dans les mesures ajoutées par les députés, les dispositions touchant à l’agriculture ont, pour l’essentiel, été tirées d’une proposition de loi débattue au Sénat et adoptée à une large majorité.
Ce sont effectivement quelque 200 sénateurs qui se sont prononcés en faveur de cette proposition de loi, dont j’étais le premier auteur. Mais, une fois parvenu à l’Assemblée nationale, le texte a été rejeté sans ménagement par les députés, qui n’ont même pas voulu en discuter en séance publique.
Nous avons persévéré en deuxième lecture. Et, à notre grand étonnement, ainsi qu’à notre grande satisfaction, nous retrouvons la plupart de nos propositions dans plusieurs textes présentés par le Gouvernement. Je pense par exemple à la loi de finances initiale pour 2016 ou la loi de finances rectificative pour 2015. La semaine dernière encore, nous avons examiné une proposition de loi déposée par les socialistes sur les outils de gestion des risques en agriculture ; j’y faisais allusion en début de séance. À chaque fois, certaines des mesures que nous avions suggérées sont reprises.
Idem pour la transparence. À l’issue d’importants travaux menés par les sénateurs, d’ailleurs sur l’initiative du président du Sénat, M. Gérard Larcher, nous avions avancé des propositions, notamment pour faire en sorte que la formation des prix s’appuie sur des indicateurs de coût de production et de prix du marché.
Nous avions également appelé de nos vœux un renforcement de la contractualisation, avec des organisations de producteurs qui pourraient en être partie prenante et disposer d’un rôle accru dans les discussions avec leurs partenaires.
Nous retrouvons une autre proposition que nous avions formulée : une conférence pourrait réunir l’ensemble des acteurs de la filière, c’est-à-dire les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
L’origine des produits a également suscité un débat. Nous entendions pouvoir expérimenter une formule « eurocompatible » qui permette au consommateur d’avoir accès à des informations évidentes s’agissant de l’origine des produits carnés et laitiers consommés.
En outre, sur l’initiative de notre collègue Daniel Dubois, nous avions prévu la possibilité de communiquer et de publier la liste des entreprises ne répondant pas aux demandes de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. C’est une proposition que nous retrouvons aujourd'hui.
Enfin, le Gouvernement a également repris à son compte la disposition concernant la non-cessibilité à titre onéreux des contrats laitiers, que nous avions adoptée dans notre proposition de loi.
Nous aurions donc de quoi être satisfaits aujourd'hui. Mais que de temps perdu ! La proposition de loi que j’évoque a été examinée à l’automne, puis débattue et votée au mois de novembre. Huit mois plus tard, nous en sommes au même point !
Il eût été plus judicieux et plus efficace que le Gouvernement acceptât de discuter nos propositions. Certes, nous n’appartenons pas à la majorité présidentielle. Mais nous représentons un certain nombre d’électeurs et nous avions travaillé avec l’ensemble de la profession. Nous aurions ainsi mieux travaillé. Votre texte aurait été « dépouillé » de ce qui, au fond, ne vient pas de vous. Cela nous aurait permis d’avoir, à l’image de ce que vous avez réalisé voilà une vingtaine d’années, un texte sur la transparence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi contient de nombreuses dispositions relatives aux entreprises, qui auront un effet, notamment, sur les PME et les entreprises de taille intermédiaires, ou ETI.
J’aborderai rapidement les négociations commerciales, les délais de paiement et les sanctions afférentes et, enfin, la qualification des artisans.
Les négociations commerciales sont traitées au sens large, même si le sujet a été abordé sous le prisme des produits agricoles.
Ainsi, le projet de loi contient une des dispositions de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire : la prise en compte d’indicateurs de coût de production et de prix de marché dans la formation des prix.
Mais je voudrais également évoquer la possibilité qui est donnée de conclure une convention annuelle, biennale ou triennale, afin de permettre une visibilité sur les prix à plus long terme.
Cette convention devra être conclue avant le 1er février, et non plus au 1er mars, de l’année pendant laquelle elle prend effet, ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services. Or, outre que la date de conclusion de ces négociations est avancée d’un mois, celles-ci doivent en plus être menées en deux mois seulement, alors qu’elles sont déjà très tendues, comme nous le constatons chaque année.
Le problème réside aussi dans le fait que cela ne concernera pas seulement les produits agricoles. Les industriels sont touchés par la mesure, et ils s’en inquiètent, car ils voient les contraintes qu’elle fera peser sur les cycles de négociation. Je partage donc complètement l’analyse de notre rapporteur sur ce point.
Je me réjouis des travaux effectués par la commission des affaires économiques sur les délais de paiement.
Au mois de décembre dernier, nous avions déjà rejeté à l’unanimité de la commission l’allongement des délais de paiement pour les entreprises exportant hors de l’Union européenne. Nous avions tous convenu du fait que cette dérogation ferait supporter aux fournisseurs français de ces entreprises, majoritairement des PME, les coûts liés aux délais de paiement pratiqués sur les marchés éloignés.
Dans son rapport du mois de janvier 2014, l’Observatoire des délais de paiement s’était d’ailleurs exprimé contre une nouvelle dérogation, en indiquant : « La mise en place d’un régime dérogatoire « aurait pour conséquence de faire supporter aux fournisseurs résidents les coûts liés aux délais de paiement pratiqués sur des marchés éloignés. Les possibilités d’introduire des délais cachés, dénoncées sans relâche par l’Observatoire au fil de ses travaux, pourraient également s’en trouver renforcées. »
Bien entendu, il faut prendre en compte les problématiques des entreprises de grand export. Mais les solutions existent, qu’il s’agisse de l’affacturage ou des financements bancaires, notamment via la Banque publique d’investissement, qui préfinance déjà par ailleurs le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.
Nous le savons, le non-respect des délais de paiement représente un réel problème pour les entreprises de petite taille et de taille intermédiaire. C’est la principale cause de leurs difficultés de trésorerie, avec, à terme, la mise à mal de la pérennité de l’activité.
Ce phénomène est difficile à endiguer – le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement nous le rappelle –, avec une situation qui s’est particulièrement dégradée entre mi-2014 et mi-2015.
L’adoption de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, avait permis d’introduire de nouvelles dispositions visant à lutter contre ce phénomène.
Le Gouvernement nous propose de rehausser encore, de 375 000 euros à 2 millions euros, le niveau des amendes prononcées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et de publier les sanctions au nom du principe du name and shame.
La commission des affaires économiques partage ces objectifs. Elle supprime toutefois la possibilité de cumuler les amendes sans plafonnement, pour éviter des difficultés d’ordre constitutionnel.
La qualification des artisans était un sujet conflictuel au début du parcours législatif du texte. Je me réjouis que la solution finalement trouvée soit de nature à satisfaire les intéressés. L’artisanat étant un gage de savoir-faire, de qualité et de transmission des savoirs, il n’était pas question de brader cette tradition française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous arrive de l’Assemblée nationale avec désormais 172 articles, répartis en 8 titres, sur des sujets extrêmement variés, n’ayant souvent entre eux qu’un lien ténu, et c’est un euphémisme.
C’est un texte hétéroclite, ayant triplé de volume au cours de son examen par nos collègues députés. Il est parfois difficile de trouver un fil directeur à toutes les dispositions qui y figurent.
Au projet initial présenté par Michel Sapin, d’où son nom de « Sapin II », se sont ajoutées des dispositions relevant de la compétence du garde des sceaux et différentes mesures tirées de l’ancien projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, ou NOE, le fameux Macron II, sacrifié sur l’autel gouvernemental.
M. Stéphane Le Foll a profité des travaux à l’Assemblée nationale pour intégrer de nombreuses mesures relatives au secteur agricole ; Jean-Claude Lenoir en a fort bien parlé. Elles sont, pour une large part, reprises d’une proposition de loi votée par la Haute Assemblée.
Il a aussi fallu compter avec un certain nombre d’initiatives de nos collègues députés, particulièrement inventifs, qui ont ajouté des mesures diverses.
Sur les objectifs du texte, on ne peut évidemment qu’être favorable au renforcement des mesures de lutte contre la corruption. L’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et Transparency International soulignent depuis de nombreuses années les insuffisances de notre législation sur ce point.
On ne peut pas non plus contester la nécessité de reconnaître et protéger les lanceurs d’alerte, ou encore de réglementer les pratiques de lobbying après des décideurs publics. Ma collègue Jacqueline Gourault a fort bien précisé la position du groupe UDI-UC sur ces différents sujets.
Il y a évidemment une convergence de notre part avec le Gouvernement sur la nécessité de lutter contre la corruption et d’œuvrer pour la transparence.
La volonté de dépasser le cadre national nous est commune. Mais, nous le savons tous, vouloir embrasser un champ large n’est pas toujours la meilleure assurance d’atteindre l’objectif. Aussi le Sénat sera-t-il dans son rôle en recentrant parfois les dispositifs, en évitant une multiplicité des modes d’intervention – François Pillet l’a brièvement évoqué – ou en rappelant que des procédures existent déjà.
J’en viens à la partie du projet de loi sur laquelle la commission des finances est saisie.
Des mesures de renforcement de la régulation financière sont tout d’abord prévues, notamment à travers l’extension et le renforcement des compétences de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Le texte vise à sécuriser davantage le système financier et les consommateurs. Il tend également à adopter différentes dispositions concernant la protection des consommateurs, le financement des entreprises ou encore la modernisation de la vie économique et financière.
Ces mesures relèvent pour une bonne partie de la transposition en droit français de plusieurs textes européens, via de nombreuses ordonnances. Des habilitations nous paraissant trop larges et vagues sur des sujets dont l’importance justifierait que le Parlement ne se dessaisisse pas de son pouvoir d’examen. Parfois, ces ordonnances ressemblent à des blancs-seings tant les habilitations sont vagues, voire inexistantes. À juste titre, notre commission des finances a proposé d’encadrer ces dernières.
Dans la suite de la loi Macron, le projet de loi contient aussi un certain nombre de mesures – je pense aux dispositions de feu le projet de loi NOE – intéressantes pour les entreprises et l’activité économique. Il s’agit précisément de faciliter la création et le développement d’activités et d’emplois, notamment par le travail indépendant, et de réformer le financement des start-up, des micro-entreprises et des PME en jouant sur les seuils.
Je regrette simplement que ces mesures, utiles pour l’activité et la croissance, quoiqu’insuffisantes, ne fassent pas l’objet d’une stratégie globale. Le fait qu’elles soient éparses et disséminées dans différents textes nuit, me semble-t-il, à la cohérence de l’ensemble et à la visibilité dont les entreprises ont besoin.
Le groupe UDI-UC et la majorité sénatoriale ont abordé l’examen de ce projet de loi dans un état d’esprit constructif. Le travail en commission a considérablement amélioré le texte et, je crois, l’a enrichi, tout en s’inscrivant dans les objectifs de transparence, de lutte contre la corruption et de modernisation de la vie économique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’action de M. Pillet, rapporteur de la commission des lois, et de MM. de Montgolfier et Gremillet, rapporteurs des commissions saisies pour avis. Je n’oublie évidemment pas le président de la commission des lois, M. Philippe Bas. Ils ont effectué un remarquable travail d’analyse et de précision juridiques. C’est d’autant plus méritoire que les délais étaient extrêmement courts.
Lutte contre la corruption, transparence et modernisation de la vie économique… Qui s’opposerait à de telles orientations ? Nous les partageons sur toutes les travées.
S’il fallait rendre compte des progrès accomplis en la matière au poids des lois votées depuis une vingtaine d’années, nous serions incontestablement au sommet du classement de Transparency International.
Il y avait une loi « Sapin I ». Nous voici à la loi « Sapin II ». Faut-il s’attendre à une future loi « Sapin III » ? Nous devrions résister au risque d’inflation législative.
Il faut en tout cas féliciter notre commission des lois d’être parvenue à des solutions équilibrées, en supprimant certaines contraintes abusives du texte initial, tout en préservant les objectifs de transparence et de lutte contre la corruption.
Il faut féliciter la commission d’avoir préféré le droit commun, y compris en matière de sanctions, à l’empilement excessif de nouveaux dispositifs, qui finissent par constituer de véritables usines à gaz.
Il faut la féliciter aussi d’avoir donné la préférence au respect des prérogatives de l’autorité judiciaire et encadré par des garanties nouvelles les nombreuses procédures administratives créées par ce texte.
Mérite aussi d’être approuvé le choix de la commission de mieux circonscrire les missions de l’agence, dont elle a opportunément changé le nom en « Agence de prévention de la corruption ». La commission en a fait une instance où la pédagogie, le conseil et les recommandations, la volonté d’agir en amont, et non pas après la commission des infractions, l’emportent sur une logique de répression.
Nous approuvons la suppression des pouvoirs de sanction de l’agence, le traitement des infractions étant renvoyé à la justice.
La compétence de l’agence a été étendue aux personnes morales de droit privé, aux entreprises auprès desquelles elle pourra exercer sa mission d’assistance et de conseil. Ce dispositif sera particulièrement utile aux PME-TPE.
L’agence disposera-t-elle de moyens suffisants ? On peut en douter. L’étude d’impact estime à 77 personnes l’effectif nécessaire. En Italie, l’agence comparable rassemble 350 collaborateurs. Au Royaume-Uni, pays du Brexit, les effectifs du Serious Fraud Office sont de 380 agents permanents, auxquels peuvent être adjoints des collaborateurs occasionnels pour les affaires de corruption les plus importantes.
Des affaires récentes ont mis les lanceurs d’alerte sous les projecteurs des médias. Là encore, la commission des lois a adopté un dispositif plus équilibré, associant protection et responsabilité des lanceurs d’alerte.
J’insiste sur la responsabilité, car des réputations peuvent être ruinées par des signalements abusifs ou partiellement erronés, surtout dans la société actuelle, où une personne innocente peut être facilement livrée en pâture à la vindicte du public.
Mme Jacky Deromedi. La commission des lois a donc pris toutes les précautions nécessaires pour interdire des stigmatisations indues sans empêcher pour autant la divulgation d’informations exactes. Cela concerne la définition des lanceurs d’alerte et la création d’une procédure graduée du signalement que le lanceur d’alerte devra respecter s’il veut bénéficier de la protection de la loi.
Il importe que les victimes de signalements abusifs disposent de procédures rapides pour faire cesser ces agissements et obtenir des rectificatifs sans délai.
Je souhaite évoquer le nouveau régime des représentants d’intérêts ou lobbyistes. Les assemblées parlementaires ont été les premières à adopter de tels dispositifs. Ce système permet plus de transparence.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale portait la marque d’une méfiance caractérisée envers les représentants d’intérêts ; il était très invasif et disproportionné. Or, si l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, il n’est pas non plus nécessairement leur ennemi et ne saurait leur tourner le dos.
La commission des lois est parvenue à construire un régime équilibré. J’ai déposé un amendement tendant à exclure les associations caritatives ou philanthropiques du régime de représentants d’intérêts. Est-il admissible de soumettre à toutes ces obligations, par exemple, les Restaurants du cœur, la Croix-Rouge ou la Fondation Abbé Pierre ?
Dans toutes les procédures prévues par le projet de loi, il faut enfin être attentif au respect du secret professionnel. Au fil des lois successives, le champ du secret s’effiloche. Or il est indispensable de le protéger. Pensons, par exemple, au secret des médecins, des avocats, dans les domaines qui atteignent les citoyens dans leur vie privée ou relèvent de l’intime, du for intérieur.
Notre groupe votera ce projet de loi, amendé par la commission des lois et par notre Haute Assemblée. Revenu à l’équilibre, ce texte constituera un pas supplémentaire vers plus de démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
(M. Thierry Foucaud remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue la qualité des propos que nous avons entendus. Ne pas y répondre serait mal élevé de ma part, ce qui est toujours très mal vu ici.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pas seulement ici !
M. Michel Sapin, ministre. En effet !
J’ai apprécié la tonalité de ces interventions, même si certaines comportaient des aspects critiques, ce qui est parfaitement légitime. Toutefois, j’ai senti chez les uns et les autres une volonté d’avancer ; c’est très positif.
Les uns trouveront que le texte va trop loin, tandis que d’autres considéreront au contraire qu’il ne va pas assez loin. Certains, et je m’en réjouis, peuvent prendre comme élément de comparaison le texte initial du Gouvernement ou le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, que j’avais soutenu. Mais, globalement, la volonté d’avancer est réelle.
D’aucuns me diront qu’on ne peut évidemment pas être en désaccord avec des objectifs de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique. Mais, chacun le sait, des différences peuvent apparaître entre nous dans la manière de les appliquer dans les faits. L’examen du contenu concret du projet de loi nous permettra précisément de voir si nous convergeons bien sur tous les sujets.
Vous ne m’en voudrez pas, monsieur Lenoir, mais je laisse de côté les questions relatives à l’agriculture. Certes, je ne me sens pas incompétent en la matière, étant élu d’une région à dominante agricole et ayant quelques ascendances familiales dans l’élevage des vaches limousines. Mais la responsabilité de vous répondre revient plutôt à M. Le Foll, qui sera présent lors de l’examen des articles concernés.
J’ai noté votre insatisfaction quant à la lenteur de l’examen des propositions de loi, et votre satisfaction que ce projet de loi permette de faire accélérer les choses. Raison de plus d’avancer le plus rapidement possible pour le rendre effectif.
Beaucoup d’entre vous ont insisté sur la lutte contre la corruption ou sur le répertoire commun des représentants d’intérêts. À ce stade, la question des lanceurs d’alerte concentre une part importante des discussions.
On peut avoir une vision idéaliste du lanceur d’alerte, ce qui n’est pas mon cas, ou une vision par définition extrêmement soupçonneuse, ce qui n’est évidemment pas mon souhait. Un lanceur d’alerte n’est pas lanceur d’alerte parce qu’il le proclame ; il est lanceur d’alerte parce qu’il répond à un certain nombre de critères. L’enjeu, aujourd’hui, c’est la définition d’un statut.
À la différence de ce que l’on peut connaître dans d’autres pays, par exemple aux États-Unis, un lanceur d’alerte n’est pas rémunéré pour cela. Il agit dans l’intérêt général. Cette notion d’intérêt général me paraît être au cœur du débat sur son action.
Celui qui agirait par pure vengeance, par volonté de mettre en difficulté son employeur, parce qu’il serait mécontent de sa vie professionnelle, ne serait pas un lanceur d’alerte. En revanche, celui qui, par désintéressement personnel et volonté de défendre l’intérêt général – dès lors qu’il a respecté un certain nombre de procédures, ce qui est légitime –, déclenche l’alerte mérite d’être considéré, défendu et, parfois, aidé s’il fait l’objet de procédures judiciaires ou est privé de son emploi.
J’attire votre attention sur un point. Selon une vision assez simple, peut être considéré comme lanceur d’alerte celui qui révèle des faits délictueux, voire criminels. La question est alors de savoir si les faits mis au jour tombent, ou non, sous cette qualification. Si ce n’est pas le cas, la personne qui les a révélés n’est, dans cette logique, pas un lanceur d’alerte. Pourtant, nous connaissons des cas où les faits dénoncés n’étaient pas délictueux. Je pense en particulier à Antoine Deltour, qui a dénoncé non pas des faits délictueux, mais une situation parfaitement anormale, celle des LuxLeaks. Elle était tellement anormale que le nouveau gouvernement et le nouveau parlement luxembourgeois se sont empressés d’y mettre fin et que les États membres de l’Union européenne, sur la proposition de la Commission, ont adopté une directive pour faire la transparence sur la situation fiscale des entreprises dans chacun des pays concernés.
De fait, Antoine Deltour a agi dans l’intérêt général, sans pour autant dénoncer une situation illégale. Ce cas de figure doit être visé par la loi, même si, j’en conviens, le travail de rédaction n’est pas toujours simple. Certes, on ne rédige pas la loi en fonction d’une personne ou d’une situation. Mais on peut s’inspirer de faits concrets pour prévoir des dispositions de portée générale. Je vous demande vraiment d’y réfléchir.
Il faut évidemment procéder à des simplifications, apporter des garanties, protéger contre les entreprises de délation qui seraient uniquement motivées par un esprit de vengeance. Mais je vous invite à être attentifs à ce que je viens d’évoquer. Nous aurons fait œuvre utile si nous parvenons à avancer.
Je remercie M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois et l’ensemble des intervenants de leur important travail. Tous ont montré leur compétence sur ces sujets. Je souhaite que la discussion des articles nous permette de prouver notre capacité à converger autour d’objectifs communs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, le Sénat aura été sensible à votre volonté de « coproduction » législative, pour reprendre le terme utilisé par l’un des rapporteurs, sur ce texte de lutte contre la corruption.
C’est un souci que nous partageons sur toutes les travées. Il est vrai que les standards internationaux en matière de lutte contre la corruption ne sont pas toujours respectés en France. De fait, pour des raisons non seulement morales, mais aussi économiques, nous devons faire en sorte que notre pays les respecte. Par conséquent, nous entamons ce débat avec une volonté commune que je crois de bon augure.
Pour autant, nous avons des divergences. Vous avez mentionné l’organisation du lancement de l’alerte pour permettre la poursuite de crimes ou de délits, mais il y en a d’autres.
Dans un instant, nous allons aborder l’article 1er du projet de loi. À cet égard, je voudrais revenir sur l’autorité chargée de lutter contre la corruption et de la prévenir, que nous avons renommée « Agence de prévention de la corruption », afin qu’elle se concentre sur sa mission de prévention.
Je veux dès à présent vous exposer brièvement la position de la commission des lois du Sénat, en espérant pouvoir contribuer, avec d’autres collègues, à vous convaincre.
Le système prévu par l’Assemblée nationale est hybride. L’agence créée par les députés n’est pas une autorité administrative indépendante ; l’État agit sous l’autorité des ministres dans le cadre d’une structure interministérielle. Vous proposez que cette structure ait un pouvoir non seulement de recommandations et même d’avertissement – nous acceptons d’aller jusque-là –, mais également de sanction, avec une commission des sanctions. Là, nous vous mettons en garde. Nous estimons qu’il ne faut pas réinventer la justice. Les procédures judiciaires doivent garantir le respect des droits de la défense par une procédure contradictoire, confier à des magistrats la responsabilité des sanctions et prévoir la possibilité d’un appel et d’une cassation.
Par conséquent, confier à un service ministériel une responsabilité qui déborde sur les prérogatives de l’autorité judiciaire ne nous semble pas la bonne orientation à prendre. Assurons la mission de prévention et de conseil de ce service interministériel, et permettons à l’autorité judiciaire d’assumer sa mission de sanction, dans le respect des droits auxquels les justiciables sont à juste titre attachés !
C’est ce qu’a voulu faire la commission des lois. M. le rapporteur aura l’occasion de revenir plus en détail sur ce point, qui est, pour nous, tout à fait essentiel.
M. Michel Sapin, ministre. Ce texte est tellement riche qu’au moins trois ministres se succéderont au banc du Gouvernement au cours de son examen.
Le Gouvernement vous propose d’examiner aujourd’hui et demain les articles sur lesquels la commission des lois est saisie au fond. Nous pourrons examiner mercredi après-midi les articles sur lesquels la commission des affaires économiques est déléguée au fond, en présence de M. Macron. Puis, le mercredi soir et, si nécessaire, le jeudi, le Sénat pourra aborder les articles relatifs aux questions agricoles, en présence de M. Le Foll. Ensuite, nous pourrons reprendre les articles sur lesquels la commission des lois est saisie au fond, s’il en reste, et poursuivre avec les articles sur lesquels la commission des finances est déléguée au fond.
J’ignore si nous en aurons terminé avant vingt et une heures jeudi. (Exclamations.)
M. Philippe Dallier. Cela paraît peu probable !
M. Michel Sapin, ministre. Si tel n’est pas le cas, j’espère que nous pourrons reprendre à vingt-trois heures. Vous voyez à quoi je fais allusion : il y a match, ce soir-là ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Cela nous était sorti de l’esprit ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. En l’espèce, c’est plutôt l’Allemagne qu’il faut sortir ! (Rires.) Et c’est peut-être encore plus difficile !
Si nous n’avons pas achevé l’examen de ce texte jeudi soir, nous poursuivrons vendredi.
En clair, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à l’alinéa 6 de l’article 44 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des articles 16 à 16 quinquies et l’examen en priorité des articles 36 à 48 bis, en vue de leur discussion le mercredi 6 juillet, à la suite des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, jusqu’à la suspension du dîner, puis, le jeudi 7 juillet, à la suite du débat sur l’orientation des finances publiques et du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015.
Le Gouvernement demande par ailleurs que soient appelés en priorité les articles 30 AA jusqu’aux amendements portant articles additionnels après l’article 31 sexies le mercredi 6 juillet, le soir, et le jeudi 7 juillet, le matin, après la convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces demandes de réserve et de priorité ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Avis favorable, même si la commission n’en a pas délibéré.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?…
Les réserves et les priorités sont ordonnées.
Nous passons à la discussion du projet de loi, dans le texte de la commission.
projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
TITRE Ier
DE LA LUTTE CONTRE LES MANQUEMENTS À LA PROBITÉ
Chapitre Ier
De l’Agence de prévention de la corruption
M. le président. L'amendement n° 560 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
De l'Agence de prévention des crimes et délits à caractère financier
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Personnellement, au lieu d’avoir trois, quatre ou cinq ministres au banc, j’aurais préféré que nous n’en ayons que deux, en l’occurrence, vous, monsieur le ministre, et peut-être M. le garde des sceaux, pour s’occuper de la question essentielle à mes yeux : la lutte contre les délits financiers.
Comme je l’ai dit en discussion générale, c’est le fond du débat, la corruption étant un délit financier parmi d’autres. Cette lutte est une absolue nécessité.
Par conséquent, avec mon groupe, nous souhaitons que l’agence créée à l'article 1er ne soit pas seulement une agence de prévention. Elle doit également être un outil au service de la magistrature. Sur ce point, j’ai suivi ce qu’a dit notre rapporteur. C’est aux juges de prononcer les sanctions. Mais encore faut-il qu’ils disposent des outils d’investigation que l’agence leur fournira.
À quoi assiste-t-on ? L’Assemblée nationale a fait le choix de remettre en piste les sanctions administratives, avec les défauts qui ont été signalés. Mais le texte retenu par la commission des lois du Sénat ne fait plus référence qu’à la prévention ! Franchement, la prévention, c’est très bien ; mais, pour moi, ce qui importe, c’est l’efficacité des sanctions ! Or on cherche dans ce projet de loi où sont les mesures d’alourdissement des sanctions et les procédures autres que les procédures de négociation ; on en a même inventé une de plus !
Finalement, on n’enregistre aucun progrès dans la lutte contre la corruption, et encore moins contre l’ensemble des autres délits financiers. C’est cela ce que je regrette ! Si vraiment on veut aller jusqu’au bout, il faut prendre les décisions qui s’imposent ! À mon avis, la nouvelle agence doit assister les procureurs et les juridictions dans la lutte contre la délinquance financière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à donner une nouvelle dénomination à l’agence, que nous avons déjà renommée, pour souligner qu’elle aura vocation à prévenir d’autres délits que ceux qui relèvent de la corruption, comme la prise illégale d’intérêt ou le détournement de fonds publics.
Il est vrai que l’agence a pour mission de prévenir d’autres faits que les délits de corruption. Pour autant, sa prétention est de prévenir non pas tous les crimes et délits à caractère financier, mais seulement les manquements les plus graves à la probité, à commencer par la corruption.
La plupart des agences qui luttent dans le monde contre de tels phénomènes font expressément mention de la corruption dans leur intitulé.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Premièrement, je veux faire observer que, dans mon esprit, il ne s’agit pas uniquement de prévention ; il s’agit aussi de capacités d’investigation au service de la justice.
Deuxièmement, je voudrais attirer votre attention sur ce qui est en train de se passer. L’absence de toute mesure de lutte contre la délinquance financière sera complètement passée sous silence. En revanche, ce qui va occuper nos débats, ce qui va nous passionner, ce qu’on retrouvera dans les journaux, ce sont les lanceurs d’alerte !
Plutôt que de nous doter d’un outil de répression qui permettrait peut-être à certains d’éviter de prendre des risques pour que la justice passe, nous allons nous écharper pour savoir qui peut être considéré comme lanceur d’alerte, et comment faire…
C’est typique des procédés qui sont utilisés pour détourner l’attention des vrais problèmes ! Quand je dis que, dans ce pays, la délinquance financière n’est pas traitée comme le reste de la délinquance, en voilà une magnifique illustration ! Je le regrette.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Collombat, la suite des débats montrera que votre emportement n’est pas justifié. Ce texte contient des dispositions de lutte contre la corruption, au sens strict du terme. Nous le verrons lors de l’examen des articles suivants : des peines complémentaires sont créées ; un certain nombre d’associations et d’ONG, qui ne le pouvaient pas jusqu’à présent, pourront désormais saisir les tribunaux ; certaines peines seront alourdies. Nous nous préoccupons donc de la lutte contre la corruption en tant que telle. Là, il est question de l’agence, qui a principalement un rôle de prévention de la corruption. À cet égard, un désaccord subsiste entre la commission et le Gouvernement ; je considère qu’il est nécessaire de conserver à cette agence son pouvoir de sanction administrative. Nous en reparlerons.
Je le répète, ce texte renforce les moyens de lutte contre la corruption. Vous aurez les preuves de ce que j’avance dans quelques instants.
M. Pierre-Yves Collombat. Je les attends !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 560 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L’Agence de prévention de la corruption est un service à compétence nationale, placé auprès du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, ayant pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrons de plain-pied dans le débat.
La création d’une agence de prévention et d’aide à la détection de la corruption nommée « Agence française anticorruption » à l’Assemblée nationale et renommée par notre commission des lois « Agence de prévention de la corruption » – après avoir été déchue de son pouvoir de sanction, qui a été renvoyé à la justice – pourrait, semble-t-il, aller dans le bon sens, cette agence se substituant à l’actuel service central de prévention de la corruption, créé par la loi Sapin I.
Le Gouvernement préconise que cette nouvelle autorité indépendante dispose de moyens renforcés et soit dotée d’une commission des sanctions chargée de prononcer des injonctions et des sanctions à l’encontre des sociétés ne respectant pas leurs obligations de prévention de la corruption.
Cependant, la création de cette nouvelle autorité « indépendante » pour prévenir, contrôler, voire sanctionner ce qui relève normalement, selon nous, des prérogatives de l’État, de la justice judiciaire nous laisse nous aussi dubitatifs.
Ne faudrait-il pas plutôt – nous avons adressé maintes interpellations en ce sens – renforcer les moyens d’agir de la justice et, notamment, du parquet national financier, récemment créé pour lutter contre la grande criminalité économique et financière, plutôt que de pallier artificiellement ces lacunes ?
Nous pouvons en outre déplorer le manque d’études d’impact en matière de corruption. De quoi parle-t-on concrètement ? Et, par conséquent, que sommes-nous amenés à contrôler ? Au final, ne s’agit-il pas d’une disposition creuse, à plus forte raison au regard de la réduction effectuée par la droite sénatoriale, tout juste efficace pour « redorer le blason » de la France en matière de corruption à l'échelon international ?
A minima, nous pourrons réfléchir, au cours du débat, si cette instance est amenée à être conservée, à y associer des citoyens, en plus d’organisations syndicales, dans le contrôle réellement opéré.
La création pléthorique d’autorités indépendantes est symptomatique d’un recul du politique. En suivant cette voie, l’exécutif fait souvent le choix du « jeu de la défausse », qui permet de l’éloigner des tensions économiques, sociales, et de se déresponsabiliser d’arbitrages qu’il ne veut pas assumer.
Ainsi, comme nous l’affirmons maintenant depuis de nombreuses années, la multiplication des autorités administratives conduit à un démembrement et à un délitement de l’État.
Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2001, n’était d’ailleurs pas favorable à cette multiplication d’agences, qui consiste à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou en commission consultative, puis en autorité administrative indépendante, et parfois enfin en autorité publique indépendante.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux et Lepage, M. Labazée, Mmes Guillemot et Yonnet, M. Duran, Mme Schillinger, MM. Courteau et J. Gillot, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 519 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
et du ministre chargé du budget
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je pense que la répression de la délinquance financière est l’affaire du garde des sceaux. Je préférerais donc que l’agence soit sous sa seule tutelle.
M. le président. L'amendement n° 593, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui étudie la possibilité de doter l'Agence de prévention de la corruption du statut d'autorité administrative indépendante.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. J’aurais aimé que l’amendement n° 127 rectifié bis fût défendu ; cela m’aurait permis d’enchaîner.
La convention des Nations unies contre la corruption, qui engage la France, précise, en son article 6, que les organes nationaux de prévention de la corruption doivent bénéficier de l’indépendance nécessaire « pour leur permettre d’exercer efficacement leurs fonctions à l’abri de toute influence indue ».
Le Gouvernement a d’ailleurs jugé utile, dans le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale, de préciser que le directeur de l’Agence de prévention de la corruption ne pouvait pas recevoir ni solliciter d’instruction d’aucune autorité administrative ou gouvernementale dans l’exercice de certaines de ses missions, notamment le contrôle des procédures de prévention que doivent mettre en œuvre la plupart des entités publiques ou semi-publiques.
En revanche, pour l’exercice d’autres missions, comme la coordination stratégique ou la représentation de la France, c’est le même directeur qui est soumis au pouvoir exécutif. C’est donc à une forme de schizophrénie qu’il va se trouver soumis, devant respecter sa hiérarchie le matin, mais étant censé ne plus l’entendre l’après-midi.
Il aurait été plus clair, et porteur de plus de garanties, de conférer une véritable indépendance à cette agence, en lui donnant le statut, par exemple, d’autorité administrative indépendante, quitte à ce que ses missions qui requièrent des instructions du pouvoir exécutif soient exercées par un autre service.
Tel est le sens de cet amendement, qui prend la forme d’une demande de rapport, l’article 40 de la Constitution ne permettant pas de créer une autorité administrative indépendante. Je le précise, dans cette chambre, les rapports sur les autorités administratives indépendantes ne se soldent pas souvent par leur promotion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 519 rectifié est très intéressant, et nous serons attentifs à la position du Gouvernement à cet égard.
Il est proposé de rattacher l’Agence de prévention de la corruption au seul garde des sceaux, au lieu de la soumettre à une double tutelle, ce qui, il est vrai, ne facilite pas nécessairement l’affectation de moyens budgétaires. D’ailleurs, on ne sait pas à quelle mission budgétaire cette agence sera rattachée. Pourquoi avoir fait le choix de double tutelle alors que le Service central de prévention de la corruption dépend du seul garde des sceaux ?
Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp ! Un débat peut exister sur ce thème. J’avoue que cet amendement pourrait nous séduire.
L’amendement n° 593 présente un tout petit peu moins d’intérêt, puisque l’amendement n° 127 rectifié bis n’a pas été soutenu.
Madame Blandin demande la remise au Parlement d’un rapport sur l’opportunité de conférer à l’Agence un statut d’autorité administrative indépendante. Un tel rapport me paraît inutile dans la mesure où ce travail peut parfaitement être mené par le Parlement.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Les auteurs de ces amendements soulèvent le débat sur le rôle exact de la nouvelle autorité.
Le Gouvernement – nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 2 – souhaite que cette autorité détienne une double compétence ; il ne s’agit évidemment pas d’avoir un dispositif hybride.
Le premier volet est la lutte pour la prévention de la corruption. Cela passe par le partage d’informations. À cet égard, mon ministère peut disposer d’un certain nombre d’informations qu’il est utile de partager. C’est pourquoi le législateur à l’Assemblée nationale a souhaité une double tutelle.
Le second volet est la possibilité de prononcer des sanctions. Évidemment, cela ne concerne pas les faits de corruption ; dans ces cas, c’est la justice qui est saisie, qui poursuit et qui prononce des condamnations. Là, il s’agit de la mise en œuvre obligatoire – c’est nouveau – dans un certain nombre d’entreprises des plans de prévention. Le texte initial prévoyait que les entreprises ne respectant pas leurs obligations à cet égard pouvaient être sanctionnées par l’autorité administrative.
Le premier volet ne rend pas nécessaire un statut d’autorité administrative indépendante. Cela relève, comme précédemment avec le service de lutte contre la corruption, d’un service interministériel qui peut recevoir un certain nombre d’instructions du Gouvernement.
En revanche, le second volet rend absolument indispensable l’indépendance. C’est la raison pour laquelle le texte initial prévoyait que le président et les autres membres ne pouvaient recevoir aucune instruction en matière de sanctions.
Le texte initial a été quelque peu bouleversé par la commission des lois du Sénat, qui ne souhaite pas retenir le volet sanctions. Elle préfère confier au juge – cela ne me paraît pas opportun ; nous en reparlerons – le suivi de la mise en œuvre, exacte ou non, dans les entreprises des plans de prévention, avec les éventuelles sanctions. Je pense que ce serait plus efficace avec une autorité administrative.
La question ne porte donc plus sur le bien-fondé d’une autorité administrative indépendante. Le débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. En plus, vous avez, les uns et les autres, plutôt envie de diminuer le nombre des autorités administratives indépendantes ; vous avez déjà adopté un texte en ce sens. Il eût été étrange d’en créer une nouvelle.
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Michel Sapin, ministre. Ma volonté est de protéger l’indépendance totale de cette autorité lorsqu’elle prononce des sanctions. Mais, dans son rôle d’animation, de conseil, d’échange d’informations, il s’agit d’un service interministériel.
C’est la raison pour laquelle il me paraît indispensable d’instaurer une double tutelle, monsieur Collombat. La tutelle du ministère des finances concerne principalement la prévention et l’échange d’informations ; celle du ministère de la justice est également nécessaire, car, dans ma vision des choses, il y a aussi un volet « sanctions ».
C’est pourquoi, même si nous avons une volonté commune sur ce texte, je sollicite le retrait des amendements nos 519 rectifié et 593. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme Marie-Christine Blandin. Je retire l’amendement n° 593, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 593 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 519 rectifié, monsieur Collombat ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je persiste et signe. Je n’ai pas du tout la même vision des choses. Quelle que soit l’importance technique des autres ministères, ce dont nous parlons doit rester l’affaire de la justice.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Personnellement, j’estime que cet amendement pourrait être accepté. Mais la commission a émis un avis de sagesse.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 521 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
autorités
par le mot :
juridictions
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le terme « juridictions » me paraît beaucoup mieux correspondre à la mission de l’agence.
M. le président. L'amendement n° 520 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle assiste le procureur de la République financier, les juridictions interrégionales spécialisées et les autres services judiciaires compétents, dans le cadre de ses missions définies à l'article 3 de la présente loi.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement s’inscrit exactement dans le droit fil du précédent. Il s’agit de préciser les missions d’assistance de l’agence auprès du procureur de la République et des services judiciaires qui travaillent avec lui.
M. le président. L'amendement n° 557 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle assiste l'autorité judiciaire, dans le cadre de ses missions définies à l'article 3 de la présente loi.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’un amendement de repli, pour dire la même chose, avec la référence à l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 521 rectifié vise à redéfinir les missions de l’agence.
Mais le fait de remplacer le mot : « autorités », par le mot : « juridictions » aurait pour effet de supprimer l’aide aux collectivités territoriales, aux administrations centrales et aux entreprises dans la lutte contre la corruption de ces missions.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Collombat est cohérent. L’amendement n° 520 rectifié a pour objet de préciser les missions de l’Agence de prévention de la corruption, notamment son rôle d’assistance auprès des juridictions.
Or il ne s’agit pas de transformer l’agence en ressources supplémentaires pour le parquet national financier. D’abord, elle n’est pas uniquement composée de magistrats. Ensuite, ce service n’est pas rattaché à l’autorité judiciaire, qui doit rester indépendante et n’a, dès lors, pas à connaître des affaires judiciaires en particulier. Surtout, il existe déjà des services enquêteurs, notamment l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, qui assurent une mission d’assistance aux autorités judiciaires.
D’un côté, les services de police judiciaire et les autorités judiciaires luttent contre la corruption. De l’autre, l’Agence de prévention de la corruption a pour mission de mettre en place des protocoles et de vérifier l’application de ceux-ci, afin de prévenir toute démarche de corruption.
Néanmoins, un rôle général d’assistance de l’agence auprès des juridictions est évidemment nécessaire. Mais j’attire votre attention sur le fait qu’il est déjà prévu par l’article 3 du présent projet de loi.
Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 557 rectifié a un objet quasi identique aux précédents. Là encore, il ne s’agit pas de transformer l’agence en ressources supplémentaires pour le parquet national financier. L’avis de la commission est donc aussi défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Ce sera peut-être voué à l’échec, mais j’aimerais convaincre M. Collombat.
La mission de l’autorité créée par le texte adopté à l’Assemblée nationale comprenait, je le répète, deux volets qui s’inscrivaient dans le cadre de la prévention. Il y a par ailleurs des articles sur la sanction. Mais poursuivre la corruption relève du pouvoir judiciaire, c’est-à-dire du procureur, du parquet ou des magistrats qui, avec l’ensemble des organismes de police ou autres, peuvent juger et condamner.
Ces amendements concernent la prévention. S’ils étaient adoptés, l’agence créée aurait moins de pouvoirs que le service actuel de prévention de la corruption. Elle ne pourrait pas exercer son pouvoir d’influence, de conviction auprès d’un certain nombre d’organismes, collectivités territoriales ou établissements publics, qu’il faut aider à lutter contre la corruption. Or je ne pense pas que le souhait de M. Collombat soit de retirer à cette agence ce devoir et cette capacité de conseil. Sinon, il serait vain de vouloir maintenir l’agence en question, car elle n’aurait plus rien à faire.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable, sauf à ce que ma conviction soit contagieuse au point de devenir la vôtre, monsieur le sénateur. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas étonné de l’avis de M. le rapporteur. Ma conception de l’agence n’est pas du tout la sienne, qui consiste à lui donner un simple rôle de prévention. Pour moi, il s’agit d’un ensemble de moyens au service de la justice.
Je comprends l’avis négatif émis contre mon amendement n° 521 rectifié, car l’objection est valable.
Monsieur le ministre, je suis un vieux cartésien.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous savez ce que dit notre père à tous.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Qui est aux cieux !
M. Pierre-Yves Collombat. Pour Descartes, il faut « des idées claires et distinctes ». Ce qui met la pagaille, c’est le fait de tout mélanger !
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne le dit pas ainsi, mais il parle bien des idées claires et distinctes et de leur enchaînement. (M. Jean-François Husson acquiesce.) « Si vous ne vous trompez pas, vous allez à la vérité. » Je n’ai pas cette prétention.
Ce que je reproche, c’est cette nouvelle façon de concevoir les choses, qui est de créer à côté du monument « justice », chargé de la répression, une annexe où l’on s’occupe de totalement autre chose et où, subrepticement, on ne voit plus que cela. On ne réprime plus, on prévoit, on organise la prévention.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui, c’est plus important… Et cela évite de parler des choses qui fâchent ! Cela évite aussi de condamner des gens qui font n’importe quoi. Les affaires peuvent continuer ! C’est très bien !
Mais allez voir dans d’autres domaines du code pénal comment les choses se passent : on est un peu moins tolérant. Regardons ce qui a cours dans d’autres pays. Ce n’est certainement pas avec ce type de mesures, en mélangeant les genres que nous porterons un coup à la corruption !
Tel est l’objet de ma proposition. Mais je comprends que vous soyez contre. Jusqu’à présent, depuis quelques années, on fait exactement le contraire : on monte des machines pour éviter de régler les problèmes !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’Agence de prévention de la corruption est dirigée par un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé par décret du Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande, en cas d’empêchement ou de manquement grave.
Le magistrat qui dirige l’agence ne reçoit ni ne sollicite d’instruction d’aucune autorité administrative ou gouvernementale dans l’exercice des missions mentionnées aux 1° et 3° de l’article 3.
Le magistrat qui dirige l’agence est tenu au secret professionnel.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions de fonctionnement de l’agence.
M. le président. L'amendement n° 594, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’Agence de prévention de la corruption est dirigée par un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé par décret du Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande ou en cas d’empêchement.
Le magistrat qui dirige l’agence ne reçoit ni ne sollicite d’instruction d’aucune autorité administrative ou Gouvernementale dans l’exercice des missions mentionnées aux 1° et 3° de l’article 3. Il ne peut être membre de la commission des sanctions ni assister à ses séances.
L’agence comprend une commission des sanctions chargée de prononcer les sanctions mentionnées à l’article L. 23-11-4 du code de commerce.
La commission des sanctions est composée de six membres :
1° Deux conseillers d’État désignés par le vice-président du Conseil d’État ;
2° Deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation ;
3° Deux conseillers maîtres à la Cour des comptes désignés par le premier président de la Cour des comptes.
Les membres de la commission sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans. Le président de la commission est désigné parmi ces membres, selon les mêmes modalités.
Des suppléants sont nommés selon les mêmes modalités.
En cas de partage égal des voix, le président de la commission a voix prépondérante.
Le magistrat qui dirige l’agence et les membres de la commission des sanctions sont tenus au secret professionnel. Dans un délai de deux mois à compter de leur entrée en fonction, ils publient une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, établies et transmises dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du I et aux II et III de l’article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Les agents affectés au sein de l’agence ou travaillant sous l’autorité de ce service sont astreints aux obligations prévues au onzième alinéa du présent article.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions de fonctionnement de l’agence ainsi que les modalités de désignation de ses membres, de manière à assurer une représentation paritaire entre les femmes et les hommes pour chacune des catégories énumérées aux 1° à 3°
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à rétablir l’article 2 dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, tout en conservant la dénomination introduite par le Sénat.
La commission des lois a très largement élagué cet article. Cela nous semble de nature à amoindrir considérablement le rôle de l’Agence de prévention de la corruption.
D’abord, cet amendent tend à préserver la quasi-inamovibilité du directeur de l’agence, en supprimant la possibilité de le révoquer en cas de manquement grave. Nous venons de débattre des conditions d’indépendance déjà discutables de l’agence ; il ne nous apparaît pas opportun de les amoindrir davantage.
Ensuite, cet amendement tend à rétablir la commission des sanctions. Cette commission n’a en effet pas vocation à se substituer à l’action publique en matière de répression de la corruption. Elle permet simplement d’éviter que les recommandations de l’agence en faveur de la prévention ne se résument à de simples vœux pieux.
Enfin, cet amendement tend à rétablir la proposition, adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale, que les agents chargés de la prévention de la corruption transmettent à l'autorité compétente leur déclaration de patrimoine et d’intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 2 ; il est donc contraire à la position de la commission.
D’abord, la possibilité de mettre fin aux fonctions de directeur en cas de manquement grave de ce dernier est absolument nécessaire, sauf à vouloir le rendre définitivement inamovible, ce qui n’est dans l’intérêt de personne.
Ensuite, l’obligation de publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts est manifestement inconstitutionnelle s’agissant de fonctionnaires, selon la jurisprudence très claire du Conseil constitutionnel.
Enfin, nous avons proposé la suppression de la commission des sanctions. Je vais vous expliquer pourquoi. À partir du moment où l’on décidait que l’agence devait être une agence de prévention, il fallait qu’elle soit à l’écoute, mais aussi qu’elle ait l’oreille des entreprises et autres groupements de toute nature sur lesquels elle pourrait donner des avis. Nous avons vraiment voulu lui réserver un rôle de prévention et exclure toute mesure coercitive, pour éviter le mélange des rôles.
Monsieur le ministre, nous avons une divergence d’appréciations, mais je veux que votre système fonctionne. Et ce doit être possible avec la proposition de la commission des lois, qui a élargi le périmètre des contrôles.
Imaginons que l’Agence de prévention de la corruption ait procédé aux contrôles et invité une entreprise à corriger sa pratique. Cette entreprise ne s’exécute pas et reçoit un avertissement, mais les choses s’arrêtent là. Nous avons « cranté » les pouvoirs de l’agence au moment où elle donne l’avertissement. En effet, dans votre schéma, vous lui donnez le pouvoir de donner une injonction assortie d’une sanction administrative. Croyez-vous que cela va accélérer le processus ? Pas du tout ! Si l’entreprise n’est pas d’accord avec cette injonction, elle saisira le tribunal administratif, puis éventuellement la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. Tous ces recours sont possibles.
Pour notre part, nous proposons, dès que la situation justifie une injonction ou un dispositif un peu contraignant, de passer à la juridiction compétente. Il s’agira la plupart du temps du président du tribunal de commerce, saisi en référé par le directeur de l’agence et qui tiendra l’audience une semaine après. En cas d’extrême urgence, une autre procédure sera possible : le référé d’heure à heure permet d’obtenir une décision dans l’après-midi. Devant ce juge, la sanction sera beaucoup plus contraignante que celle que vous prévoyez, car le juge pourra prononcer une astreinte par jour de manquement au cas où l’entreprise n’aurait pas respecté l’injonction.
Enfin, un débat contradictoire est prévu devant la juridiction, ce qui n’est pas le cas dans votre texte.
M. Jean-François Husson. Très bonne proposition !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Nous avons cette discussion depuis le début de l’examen du texte. Je présenterai mes arguments pour la dernière fois. Je crains de n’avoir pas plus de résultats avec M. le rapporteur qu’avec M. Collombat.
Cette agence est là pour faire de la prévention, jusqu’au bout. Il ne s’agit pas de sanctionner la corruption. Cela relève du tribunal, selon les procédures habituelles et avec l’ensemble des garanties nécessaires. En l’espèce, il s’agit d’obliger les entreprises d’une certaine taille à mettre en œuvre des plans de prévention. Celles – peu nombreuses, je l’espère – qui refuseraient de s’exécuter après mise en demeure seraient sanctionnées.
La seule question qui se pose est celle de l’efficacité. C’est d’ailleurs sur ce terrain que vous vous êtes placés pour argumenter. Or, en l’espèce, la sanction est applicable immédiatement. En effet, le juge administratif peut être saisi ; ce n’est pas suspensif. S’il confirme l’injonction, la sanction est applicable immédiatement et le recours devant la Cour d’appel n’est pas non plus suspensif. Au contraire, dans le dispositif que vous prévoyez, si l’affaire est portée devant une juridiction judiciaire, quelle qu’elle soit, tout recours, par exemple en appel, suspend la sanction.
Il n’existe donc pas de dispositif plus efficace que celui que je vous propose. Je n’entrerai pas dans les débats sans fin qui ont mené à une saisine récente du Conseil constitutionnel. Ce dernier a rendu deux très belles décisions démontrant la possibilité et, parfois, la nécessité de recourir à des sanctions administratives et judiciaires dès lors – je ne reviens pas sur ses arguments – que tout cela n’est pas disproportionné et que les fonctions respectives de ces deux types de sanctions sont bien définies. La question du pouvoir administratif est importante. Nous y reviendrons en examinant d’autres aspects du texte.
Il ne s’agit aucunement de se substituer au juge, seul à pouvoir punir la corruption. Là, il s’agit de prévention. Il convient d’être efficace et d’agir le plus rapidement possible. Je suis favorable à l’esprit de l’amendement n° 594, mais sa rédaction présente les inconvénients que M. le rapporteur a soulignés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, nous avons une divergence de vues très nette.
La volonté de la commission des lois est d’unifier le contentieux. En effet, si une entreprise est poursuivie au pénal, le juge pénal portera inévitablement une appréciation sur la manière dont elle aura conçu son plan de prévention et dont elle l’aura appliqué. Il ne nous paraît pas souhaitable de porter à la fois le contentieux du plan de prévention devant la juridiction administrative et un autre contentieux, celui de la corruption elle-même, devant la juridiction pénale, dans un cadre où l’on saura si le plan de prévention existe et s’il a été respecté ou non.
Si vous laissez partir la discussion devant les juridictions administratives, ne croyez pas que l’efficacité que vous prêtez à votre système sera nettement supérieure au nôtre. Après le tribunal administratif, interviendront la cour administrative d’appel, puis l’instance de cassation. Que le recours soit suspensif ou non n’est pas le seul élément à prendre en compte. Dans ce système, le contentieux créera des incertitudes, d’autant que l’existence possible, et même probable, d’un double contentieux compliquera encore les choses.
Nous sommes donc partisans d’un système simple, rapide, dans lequel une autorité qui n’aurait pas l’indépendance d’une autorité administrative indépendante ne pourrait pas exercer un pouvoir de sanction d’une manière assez ambiguë au nom du ministre tout en profitant d’un certain nombre de garanties d’indépendance. Notre système a non seulement le mérite de la simplicité, mais il respecte en plus la procédure contradictoire, ce qui nous semble essentiel.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Il me semble utile de grouper la discussion, car plusieurs amendements traitent du sujet.
Je ne partage pas les analyses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission. Je rejoins M. le ministre.
Nous sommes quelques-uns ici à avoir une bonne connaissance du droit administratif. La question fondamentale est de savoir si l’on veut distinguer les mesures administratives et les mesures pénales. Veut-on distinguer la prévention et la répression ? Quand M. le président de la commission des lois parle de confusion, j’ai envie de lui retourner cette observation. Pour moi, la confusion, c’est de penser que l’on peut traiter de la prévention et de la répression dans un même bloc.
Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, et en partie repris par la commission des lois du Sénat, on trouve des mesures de prévention de la corruption, un code de conduite, un dispositif d’alerte, une cartographie des risques, des procédures d’évaluation, des procédures de contrôle comptable, un dispositif de formation, etc.
Le non-respect de ces mesures doit-il conduire vers le juge judiciaire et vers le procureur de la République, dont la saisine est possible ? Ces mesures doivent-elles plutôt faire l’objet d’un examen attentif par la commission des sanctions, donc par l’Agence de prévention de la corruption, qui prendra des mesures administratives ? Il me semble que ce serait plus simple.
L’argument consistant à dire que, s’agissant d’une mesure administrative, il risque d’y avoir saisine du tribunal administratif, de la cour administrative d’appel, puis du Conseil d’État, peut être retourné. Avec une ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce, il y aura saisine de la cour d’appel, puis de la Cour de cassation. Dans les deux cas, il y aura des délais et des procédures différents.
Cela étant, les sanctions ne seront pas nécessairement pécuniaires. Dans un ensemble de cas, la procédure administrative sera beaucoup plus simple, beaucoup plus rapide.
Monsieur le président de la commission des lois, voulez-vous oui ou non remettre en cause toutes les mesures administratives actuellement en vigueur ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Mais si ! Si l’on vous suit, dès qu’une mesure administrative peut aboutir à des injonctions, il faut passer la main au juge judiciaire. À vous entendre, on a vraiment l’impression que c’est votre conviction !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je souhaite revenir sur quelques éléments purement techniques.
Certes, la décision du tribunal administratif sera exécutoire, mais la décision du juge des référés peut être exécutoire par provision : c’est le cas dans presque 99 % des ordonnances de référé ! Il n’y a donc absolument aucune difficulté à cet égard.
Le système proposé par la commission permettra à tout le moins d’éviter le choc entre les deux ordres de juridiction : il n’y en aura qu’un seul dès le départ.
En outre, imaginez – certes, dans les faits, ce ne sera peut-être pas très fréquent – qu’un particulier défère une injonction au juge administratif. Le juge administratif suit l’avis du directeur de l’agence. Mais, après deux, trois ou quatre ans de procédure, il est établi que la décision initiale n’était ni régulière ni obligatoire. Comment résoudre le problème ? Avec un seul ordre de juridiction, il sera beaucoup plus vite réglé.
Les deux convictions totalement différentes qui s’opposent me semblent cohérentes. Je ne conteste pas la possibilité juridique qu’il y ait parallèlement et concomitamment des sanctions judiciaires et des sanctions administratives. Mais, dans votre lutte, que je salue encore une fois, ce n’est pas la bonne solution.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, en particulier pour les deux raisons que j’ai évoquées. Le dispositif proposé est radicalement contraire aux améliorations que la commission a apportées au texte, notamment s’agissant de la nomination du directeur de l’agence, qui deviendrait inamovible ad vitam aeternam si notre rédaction n’était pas retenue.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens pleinement la commission des lois sur ce sujet.
Nous sommes en train de créer un nouvel outil. Il vaut mieux éviter de créer d’emblée un handicap avec une dualité de juridictions.
Certes, on conçoit l’intérêt que présenterait une telle dualité. Mais, comme M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur nous l’ont bien expliqué, on attend également de l’efficacité et de la rapidité sur le front de la lutte contre la corruption.
Le nouvel outil implique un bloc de compétences. À cet égard, la position défendue par la commission des lois est tout à fait cohérente. Je la suivrai !
M. François Pillet, rapporteur. Merci, ma chère collègue !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 594.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 411 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 119 |
Contre | 224 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 522 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
Président de la République
insérer les mots :
après l'avis du Conseil supérieur de la magistrature
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Apparemment, cet amendement est défendu avec une conviction relative… (M. Pierre-Yves Collombat sourit.)
Le directeur de l’agence sera peut-être un magistrat, mais ses attributions resteront administratives ; il n’aura pas pour fonction de juger. Je ne vois donc pas en quoi l’avis du Conseil supérieur de la magistrature serait pertinent.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 308, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être membre de la commission des sanctions ni assister à ses séances.
II. – Après l’alinéa 2
Insérer huit alinéas ainsi rédigés :
L’agence comprend une commission des sanctions chargée de prononcer les sanctions mentionnées à l’article L. 23-11-4 du code de commerce.
La commission des sanctions est composée de six membres :
1° Deux conseillers d’État désignés par le vice-président du Conseil d’État ;
2° Deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation ;
3° Deux conseillers maîtres à la Cour des comptes désignés par le premier président de la Cour des comptes.
Les membres de la commission sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans. Le président de la commission est désigné parmi ces membres, selon les mêmes modalités.
Des suppléants sont nommés selon les mêmes modalités.
En cas de partage égal des voix, le président de la commission a voix prépondérante.
III. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le magistrat qui dirige l’agence, les membres de la commission des sanctions et les agents affectés au sein de l’agence ou travaillant sous l’autorité de ce service sont tenus au secret professionnel.
IV. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les modalités de désignation de ses membres, de manière à assurer une représentation paritaire entre les femmes et les hommes pour chacune des catégories énumérées aux 1° à 3°.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je persiste à penser que ce serait une erreur de retenir le texte de la commission. L’efficacité et la rapidité n’auraient rien à y gagner.
Toutefois, par courtoisie, je préfère épargner un nouveau scrutin public à notre Haute Assemblée.
M. François Pillet, rapporteur. Remarquable scrupule !
M. Alain Anziani. Je retire donc mon amendement, même si cela n’enlève rien à sa force.
M. le président. L’amendement n° 308 est retiré.
Mme Michèle André. Nous le savons bien, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux et Lepage, M. Labazée, Mme Yonnet, M. Duran, Mme Schillinger, MM. Courteau et J. Gillot, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 412 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 204 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
Article 3
L’Agence de prévention de la corruption :
1° Participe à la coordination administrative, centralise et diffuse les informations permettant d’aider à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
Dans ce cadre, elle apporte son appui aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale ;
2° Élabore des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
Ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés. Elles sont régulièrement mises à jour pour prendre en compte l’évolution des pratiques et font l’objet d’un avis publié au Journal officiel ;
3° Contrôle, de sa propre initiative, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Elle contrôle également le respect des mesures mentionnées à l’article L. 23-11-2 du code de commerce.
Ces contrôles peuvent être demandés par le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le Premier ministre, les ministres ou, pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, par le représentant de l’État. Ils peuvent faire suite à un signalement transmis par une association agréée par le ministre de la justice, dans les conditions prévues à l’article 2-23 du code de procédure pénale.
Ces contrôles donnent lieu à l’établissement de rapports qui sont transmis aux autorités qui en sont à l’initiative ainsi qu’aux représentants de l’entité contrôlée. Ils contiennent les observations de l’agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place dans les services contrôlés ainsi que des recommandations visant à l’amélioration des procédures existantes ;
4° Exerce les attributions prévues aux articles L. 23-11-3 et L. 23-11-4 du code de commerce et à l’article 764-44 du code de procédure pénale ;
5° Veille, à la demande du Premier ministre, au respect de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société française une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption ;
6° Élabore chaque année un rapport d’activité rendu public.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
M. le président. L'amendement n° 526 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
1° L’Agence de prévention de la corruption participe à la coordination administrative, centralise et diffuse les informations relatives à l’évolution du cadre réglementaire, législatif et conventionnel en matière de lutte contre la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme.
Dans ce cadre, elle :
- Élabore des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les infractions précitées ;
Ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés. Elles sont régulièrement mises à jour pour prendre en compte l’évolution des pratiques et font l’objet d’un avis publié au Journal officiel ;
- Répond aux avis sollicités par les administrations de l’État, les présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et toute personne physique ou morale concernant la mise en conformité de leurs mesures de prévention et de détection des infractions précitées ;
- Contrôle la qualité et l’efficacité des mesures mises en œuvre au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte et des associations reconnues d’utilité publique pour prévenir et détecter les infractions précitées ;
Ces contrôles peuvent procéder de sa propre initiative ou être demandés par le Premier ministre, les ministres ou, pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, par le représentant de l’État. Ils peuvent faire suite à un signalement transmis par une association agréée par le ministre de la justice, dans les conditions prévues à l’article 2-23 du code de procédure pénale.
Ces contrôles donnent lieu à l’établissement de rapports qui sont transmis aux autorités qui en sont à l’initiative ainsi qu’aux représentants de l’entité contrôlée. Une copie est adressée aux services judiciaires compétents. Ils contiennent les observations de l’agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place dans les services contrôlés ainsi que des recommandations visant à l’amélioration des procédures existantes.
- Contrôle la mise en œuvre des mesures destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence au sein des sociétés et établit des rapports dans les conditions prévues aux articles L. 23-11-3 et L. 23-11-4 du code de commerce et à l’article 764-44 du code de procédure pénale ;
- Veille, à la demande du Premier ministre, à l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société française une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption dans le respect de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, ;
- Élabore chaque année un rapport d’activité rendu public.
2° L’Agence de prévention de la corruption concourt aux actions de l’autorité judiciaire en faveur de la lutte contre la corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
Dans ce cadre, elle :
- Fournit des audits techniques et fournit un soutien logistique au parquet financier à compétence nationale, aux juridictions interrégionales spécialisées et aux services judiciaires qui en feraient la demande ;
- Transmet une copie des rapports établis lors de l’ensemble de ses contrôles prévus par le présent article aux services judiciaires compétents.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. L’article 3 concerne le volet « prévention ».
Notre amendement tend à clarifier les missions de l’agence. Il s’agit de mieux les distinguer, d’une part, en incitant les acteurs publics et privés à respecter les normes minimales de prévention et de détection de la corruption et, d’autre part, en associant l’agence aux poursuites pour faits de corruption avérés.
Parallèlement, il convient d’étendre le contrôle de l’agence aux associations reconnues d’utilité publique et d’expliciter le pouvoir qu’elle exerce sur la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption des sociétés privées.
Dans le même temps, l’autorité judiciaire doit pouvoir bénéficier de l’expertise et des travaux de l’agence. À cette fin, les rapports établis à l’occasion des inspections effectuées doivent lui être transmis.
Enfin, l’agence doit pouvoir répondre aux demandes d’intervention ou d’avis émanant des présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Certaines des évolutions proposées me paraissent souhaitables : nous y reviendrons en examinant les amendements suivants. D’autres sont d’ores et déjà satisfaites par le texte de la commission.
Cela étant, nous sommes globalement sur le même débat. Cet amendement tend à transformer l’agence en un service soumis à l’autorité judiciaire.
La commission y est donc défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 525 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Dans ce cadre, elle répond aux demandes d'avis émanant des administrations de l'État, des présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de toute personne physique ou morale concernant la conformité des dispositions de prévention et de détection des faits précités.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je récidive, mais en mode mineur ! (Sourires.)
Il s’agit de permettre aux personnes publiques et privées de solliciter les avis de l’agence pour s’assurer de la conformité des normes et procédures contenues dans les dispositifs élaborés par leurs soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Monsieur Collombat, je récidive à mon tour, mais de la manière la plus délicate possible ! (Sourires.)
La rédaction proposée par la commission répond pleinement à vos préoccupations : « Dans ce cadre, elle apporte son appui aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale. » Vous pouvez donc retirer votre amendement sans crainte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Collombat, l’amendement n° 525 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Non, monsieur le président ; je le retire sans crainte. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 525 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, Grand, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Bizet et D. Robert, Mme Deromedi, MM. Mouiller et Laménie, Mme Gruny, MM. Masclet et Mandelli, Mme Duchêne et MM. Chasseing et Pellevat.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par M. Kern, Mme Gatel, MM. Gabouty, Delcros, Longeot, Cigolotti, Lasserre, Détraigne, Bonnecarrère et Marseille, Mme Billon, MM. L. Hervé, Canevet et Médevielle et Mme Goy-Chavent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, cette publication est remplacée par une communication à l’assemblée délibérante de la collectivité concernée par la recommandation ;
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié ter.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement tend à remplacer la publication des recommandations de l’agence au Journal officiel par une simple publicité limitée aux collectivités territoriales concernées.
La parution au Journal officiel n’est pas une modalité de publicité adaptée à des recommandations destinées à aider les collectivités territoriales. Non seulement elle est coûteuse, mais elle paraît totalement inappropriée au regard de l’objectif. En effet, pour informer au mieux les populations locales des recommandations adressées par l’agence à leur commune ou, plus généralement, à leur collectivité, une publicité au sein même de la collectivité concernée semble nettement plus judicieuse.
M. François Pillet, rapporteur. Madame Deromedi, la disposition en question souffre peut-être d’un léger hiatus dans sa rédaction : les recommandations considérées ne s’adressent pas à une collectivité territoriale en particulier. Ce sont des documents de portée générale, applicables à toutes les collectivités.
Les recommandations ne sont pas ciblées sur un territoire spécifique.
Bien entendu, ces documents doivent bénéficier d’une large parution. Or il n’y a certainement pas meilleure publication que le Journal officiel.
De surcroît, je tiens à vous rassurer quant aux frais suscités. Ce coût de publication sera imputé non pas aux collectivités territoriales, mais à l’agence. En plus, il sera minime, voire nul : une simple mention sur internet suffira !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que M. le rapporteur a excellemment exposées.
M. le président. L'amendement n° 585 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
société d'économie mixte
insérer les mots :
, et des associations reconnues d'utilité publique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je le sais bien, il est dans l’ère du temps d’affirmer que les associations citoyennes sont par principe bien plus morales et plus légitimes que, notamment, les élus. Mais il ne serait peut-être pas mauvais que les associations, en particulier celles qui sont reconnues d’utilité publique, soient soumises au contrôle de l’Agence de prévention de la corruption.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne soumet pas les associations reconnues d’utilité publique aux procédures de contrôle. Mais il nous a paru souhaitable de permettre à l’agence d’auditer certaines d’entre elles, compte tenu de leur influence ou des fonds dont elles disposent.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 523 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique,
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vais encore me faire des amis…
Au train où vont les choses, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui est devenu une personnalité de plus en plus importante, risque de mourir sous le travail !
Inutile de l’associer aux diverses missions de surveillance chaque fois que l’on crée une nouvelle agence de moralisation. Il a déjà suffisamment à faire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité, pour le président de la Haute Autorité pour la surveillance de la vie publique, de demander à l’agence de contrôler l’efficacité de procédures de prévention de la corruption dans certaines administrations ou certains établissements.
Cette possibilité n’a pas choqué la commission des lois, et elle ne me choque pas personnellement. Si la Haute Autorité a vocation à s’occuper plus particulièrement de la sphère publique, elle pourra aider et orienter l’agence dans certains de ses contrôles. Il me paraît utile de rapprocher ces deux institutions et de les aider à travailler ensemble.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Collombat, l’amendement n° 523 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 524 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
qui en sont à l'initiative
insérer les mots :
, aux services compétents de l'autorité judiciaire
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement tend à permettre une meilleure communication entre l’Agence de prévention de la corruption et l’autorité judiciaire.
M. le président. L'amendement n° 586 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Une copie est adressée aux services judiciaires compétents.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise également à faire que l’autorité judiciaire soit informée des conclusions des travaux de l’agence. La transmission doit être automatique. C’est ainsi que l’on aidera la justice à agir le plus rapidement possible !
M. le président. L'amendement n° 584 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
7° Concourt aux actions de l'autorité judiciaire en faveur de la lutte contre la corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Dans ce cadre, elle fournit des audits techniques et fournit un soutien logistique au parquet financier à compétence nationale, aux juridictions interrégionales spécialisées et aux services judiciaires qui en feraient la demande. Elle transmet également une copie des rapports établis lors de l'ensemble de ses contrôles prévus par le présent article aux services judiciaires compétents.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. J’anticipe un avis défavorable…
M. François Pillet, rapporteur. Bonne pioche ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit de réaffirmer le rôle de l’agence au service de l’autorité judiciaire. C’est le système en vigueur dans certains pays. Cela me paraît la moindre des choses.
M. le ministre indiquait voilà quelques instants que l’agence aurait encore moins de pouvoirs que l’actuel Service central de prévention de la corruption. Mais c’est totalement faux ! Sauf erreur de ma part, ce service n’a pas les pouvoirs d’investigation que je souhaite donner à la future agence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 524 rectifié et 586 rectifié visent à permettre la transmission à l’autorité judiciaire d’informations relatives à des entités contrôlées par l’Agence de prévention de la corruption.
De deux choses l’une : soit l’agence constate des faits illégaux, et l’article 40 du code de procédure pénale s’applique ; soit aucun acte illégal n’est décelé, et il ne sert à rien d’adresser de nouveaux dossiers au procureur, dont le bureau est sans doute déjà suffisamment encombré. Il ne me paraît pas opportun d’engorger les services judiciaires de dossiers dans lesquels la justice ne mettra pas son nez.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Et nous nous sommes déjà expliqués sur l’objet de l’amendement n° 584 rectifié. La future agence a pour mission de déployer des protocoles et de vérifier leur application, afin de prévenir toute dérive de corruption. Les autorités judiciaires, les services de police judiciaire et même, le cas échéant, l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales agissent de leur côté !
Je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a trouvé les bons arguments.
Les amendements nos 524 rectifié et 586 rectifié sont un peu contradictoires avec la position qui a été défendue. Pourquoi l’agence informerait-elle une juridiction judiciaire de faits que cette dernière n’est pas susceptible de poursuivre ? L’encombrement qui en résulterait serait dommageable. Et si des faits délictuels sont constatés, l’article 40 du code de procédure pénale rend obligatoire la saisine de la justice.
Vous pouvez donc retirer ces deux amendements avec le sentiment du devoir accompli, monsieur Collombat.
Et j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 584 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’admets une divergence de fond quant à l’amendement n° 584 rectifié. J’ai l’impression que, dans cet hémicycle, on préfère limiter l’agence à un rôle décoratif.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Préventif !
M. Pierre-Yves Collombat. Pour ma part, je souhaiterais qu’elle devienne un véritable auxiliaire de la justice. Ce n’est pas le choix qui a été fait. Soit…
Cela étant, la transmission des informations ne sera pas assurée de la manière qui a été indiquée. L’article 40 du code de procédure pénale imposera la transmission en cas d’infraction constatée, mais encore faut-il la qualifier !
De surcroît, il faut tenir compte des faisceaux d’indices, dans un domaine un peu compliqué. Il ne serait pas totalement inutile que l’autorité judiciaire puisse avoir les informations que transmet l’agence. Cela peut aider dans telle ou telle affaire. En plus, ce n’est pas en contradiction avec les choix de la commission.
Je suis donc surpris de l’avis défavorable recueilli par mes amendements nos 524 rectifié et 586 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Gabouty, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 10
1° Après les mots :
dans le cadre de
insérer les mots :
toute demande d’information liée à une procédure engagée par une autorité étrangère imposant à une société française de fournir des informations dans une affaire de corruption, quel que soit le stade la procédure et en particulier au stade de
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et tient informé le service de l'information stratégique et de la sécurité économique créé par le décret n° 2016-66 du 29 janvier 2016
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il convient d’assurer, tant pour l’administration que pour les entreprises, une continuité et une unicité dans le suivi des dossiers, tout en garantissant une meilleure sécurité juridique.
À cette fin, il faut permettre au Service central de prévention de la corruption, le SCPC, de suivre dès le début et dans leur intégralité les demandes d’informations émanant d’autorités étrangères en matière de corruption.
Le SCPC assumerait cette mission en lien avec le service de l’information stratégique et de la sécurité économique.
En outre, une telle disposition assurerait une meilleure lisibilité des actions menées contre la corruption à l’égard des autorités étrangères.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Au-delà de l’exécution des décisions prises par des autorités étrangères, cet amendement vise à étendre l’intervention de l’agence à l’instruction de demandes d’information exprimées par des autorités étrangères.
La commission n’a pas jugé opportun d’élargir ainsi les attributions de l’agence.
Par ailleurs, ces dispositions me semblent d’ordre réglementaire. La loi ne saurait sans mal renvoyer à un service dont l’existence n’est assurée que par décret.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme Jacky Deromedi. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Dans le cadre de ses missions définies aux 3° et 4° de l’article 3 de la présente loi, les agents de l’Agence de prévention de la corruption peuvent être habilités, par décret en Conseil d’État, à se faire communiquer par les représentants de l’entité contrôlée tout document professionnel, quel qu’en soit le support, ou toute information utile. Le cas échéant, ils peuvent en faire une copie.
Ils peuvent procéder sur place à toute vérification de l’exactitude des informations fournies. Ils peuvent s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours leur paraît nécessaire.
Les agents habilités, les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels ils ont recours et, de manière générale, toute personne qui concourt à l’accomplissement des missions mentionnées à l’article 3 sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement de leurs rapports.
Le fait de faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice du droit de communication attribué aux agents de l’Agence de prévention de la corruption est puni de 30 000 € d’amende.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts, personnes ou autorités qualifiées auxquels il est recouru et les règles déontologiques qui leur sont applicables.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 527 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans le cadre des missions de contrôle définies par l’article 3 de la présente loi, les agents de l’Agence de prévention de la corruption chargés de ce contrôle sont habilités, par décret en Conseil d’État, à se faire communiquer par les représentants de l’entité contrôlée tout document professionnel, quel qu’en soit le support, ou toute information utile.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons déjà débattu de cette question en commission. Il ne s’agit évidemment pas de soumettre à une habilitation par décret en Conseil d’État le concierge de la future agence ; l’objet est bien de cibler les personnes qui seront chargées de mener les contrôles.
M. le président. L'amendement n° 131 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ et Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré, Husson et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, à l'exception des documents protégés par le secret professionnel quel qu'en soit le support
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il paraît indispensable d’assurer la protection du secret professionnel, notamment pour les avocats, les médecins, les notaires, les huissiers et les magistrats. Il est aussi capital de protéger les sources des organes de presse.
Progressivement, le secret disparaît en raison de très nombreuses exceptions instaurées par les lois successives. Or il est nécessaire que seule l’autorité judiciaire puisse intervenir avec les garanties légales actuelles. On ne saurait permettre à des fonctionnaires ou à des agents qui ne sont pas officiers de police judiciaire de porter de telles atteintes aux droits de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 527 rectifié concerne l’habilitation de tous les agents de l’Agence de prévention de la commission à se faire communiquer tout document. Il vise sans doute à limiter le pouvoir discrétionnaire du Gouvernement d’habiliter ou non certains agents de l’Agence de prévention de la corruption, afin de se voir communiquer tout élément utile à leurs missions.
Je suis persuadé que la plupart des agents seront habilités. Il me semble néanmoins utile de prévoir des hypothèses où certains agents, notamment dans certains corps de fonctionnaires exerçant des fonctions de gestion, ne devront pas nécessairement l’être. Laissons le Gouvernement fixer par décret en Conseil d’État dans quelle hypothèse ce droit de communication est possible.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 131 rectifié ter illustre la difficulté de trouver le bon équilibre sur ce texte. Adopter cet amendement remettrait en cause tout l’intérêt de la création de l’agence. Sur ce point, comme sur d’autres, j’essaie de trouver un équilibre satisfaisant pour M. le ministre, afin de l’amener à mieux me comprendre ! (Sourires.)
Cette disposition constitue le principal apport du projet de loi. En réduire la portée reviendrait à limiter l’efficacité de l’agence. C’est la raison pour laquelle la commission a considéré qu’il ne fallait pas aller trop loin.
Je demande donc également le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Collombat, l’amendement n° 527 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 527 rectifié est retiré.
Madame Deromedi, l’amendement n° 131 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 131 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé.
L’amendement n° 421 est présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la demande de communication concerne des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 du code de procédure pénale, la remise des informations ne peut intervenir qu’avec leur accord.
II. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la visite domiciliaire est effectuée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, dans les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, du Conseil national des barreaux, dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ou dans le bureau ou le domicile d’un magistrat, les dispositions des articles 56-1, 56-2 ou 56-3 du code de procédure pénale, selon les cas, sont applicables.
III. – Alinéa 4, au début
Insérer les mots :
À l’exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 du code de procédure pénale,
L’amendement n° 91 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 421.
M. André Gattolin. Sans remettre aucunement en question les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place de la future Agence de prévention de la corruption, nous considérons que ses droits de communication doivent être encadrés pour protéger le secret professionnel et le secret médical.
Cet amendement vise les professions mentionnées aux articles 56–1, 56–2 et 56–3 du code de procédure pénale, soit les avocats, les journalistes, les médecins, les huissiers et les notaires.
Ainsi, cet amendement vise à imposer que toute remise d’information se fasse avec l’accord du professionnel concerné et que toute visite domiciliaire suive les dispositions déjà applicables aux visites domiciliaires de l’Autorité des marchés financiers visées à l’article L. 621–12 du code monétaire et financier. En effet, le secret professionnel intrinsèquement lié à l’exercice de leur activité doit être impérativement préservé.
C’est pourquoi, si nous soutenons et encourageons le droit de contrôle de la future agence, nous considérons qu’il importe d’y adjoindre toutes les garanties nécessaires, afin d’en renforcer l’efficacité.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié quater, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ et Doligé, Mme Duchêne, MM. Grand, Houel, Houpert, Huré, Husson et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la vérification est effectuée dans le cabinet d’un avocat, au siège d’un organe de presse ou encore dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les articles 56-1, 56-2 ou 56-3 du code de procédure pénale, selon les cas, sont applicables.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Les lois se succèdent pour autoriser des visites ou vérifications domiciliaires et des saisies hors des garanties traditionnelles du droit français.
Notre amendement vise à imposer que les vérifications faites dans les cabinets de certains professionnels soient accompagnées de garanties, dès lors qu’elles ne sont pas effectuées par des magistrats ou des officiers de police judiciaire.
Doivent être protégés en particulier les cabinets de médecins, d’huissiers et d’avocats.
En ce qui concerne les modalités de cette protection, nous proposons de les calquer sur les garanties prévues pour les visites assurées par d’autres autorités indépendantes, comme l’Autorité des marchés financiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Ces amendements visent à prévoir des exceptions au droit de communication pour les professions protégées et à rappeler l’application des articles du code de procédure pénale concernant les perquisitions. La commission y est défavorable.
En premier lieu, je souhaite vous rassurer : ces dispositions sont inutiles.
M. François Pillet, rapporteur. Sans qu’il soit besoin de le préciser, les dispositions spécifiques du code de procédure pénale sont évidemment applicables en cas de perquisition chez une profession protégée. Néanmoins, l’article 4 du projet de loi ne crée ni un droit de perquisition ni un droit de visite domiciliaire. De telles précisions sont donc superfétatoires.
En second lieu, les dispositions de l’article 4 sont identiques aux dispositions existantes pour l’URSSAF, l’Autorité de régulation des télécommunications, les agents de la répression des fraudes et les agents de l’Autorité des marchés financiers, sans qu’il soit nécessaire de prévoir un dispositif particulier pour l’Agence de prévention de la corruption.
Si vous êtes rassurés, vous pouvez retirer ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Les arguments de la commission sont limpides et convaincants. (Sourires.)
M. le président. Monsieur Gattolin, l’amendement n° 421 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 421 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 133 rectifié quater, madame Deromedi ?
Mme Jacky Deromedi. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 552 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
échanges
insérer les mots :
, le respect du principe du contradictoire et après lui avoir notifié son droit d’être assisté d’un avocat
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a été conçu dans la perspective qui était la nôtre : donner de véritables pouvoirs d’investigation à l’agence. Comme elle n’en a plus aucun et n’est là que pour faire de la prévention, des mesures comme le respect du contradictoire ou l’assistance d’un avocat se justifient moins. N’en étant pas le premier signataire de cet amendement, je me refuse à le retirer, mais l’intention est claire !
M. François Pillet, rapporteur. M. Collombat a tout dit. Il a même prévu le retrait de cet amendement, qui n’interviendra qu’après le vote. (Sourires.)
Cet amendement vise à faire en sorte que tout entretien entre un membre de l’Agence de prévention de la corruption et une personne utile à ses missions respecte le principe du contradictoire.
C’est digne d’une juridiction ou d’une agence qui prononcerait des sanctions. Or c’est précisément ce dont nous n’avons pas voulu. La future agence n’est pas un service enquêteur qui rédigerait des procès-verbaux, mènerait des interrogatoires et déciderait de gardes à vue.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Nous en revenons au débat initial.
Les dispositions envisagées par les auteurs de cet amendement figuraient dans le texte lorsque le Gouvernement avait prévu une commission des sanctions. Infliger des sanctions exigeait le respect d’une procédure et le droit d’être défendu par un avocat.
Mais, à partir du moment où le Sénat a retiré tout pouvoir de sanction à cette agence, de telles dispositions me paraissent donc inutiles, ainsi que l’a parfaitement bien exposé M. le rapporteur.
Je ne sais pas s’il me revient de défendre la logique du Sénat – M. le rapporteur l’a fait avec talent – ou de vous suggérer d’en revenir à notre intention initiale. Vous vous trouvez entre les deux, monsieur Collombat !
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel, Vaugrenard et Lalande, Mmes Claireaux et Lepage, M. Labazée, Mmes Guillemot et Yonnet, M. Duran, Mme Schillinger, MM. Courteau et J. Gillot, Mme Monier, MM. Mazuir et Filleul et Mme Tocqueville, n’est pas soutenu.
M. François Pillet, rapporteur. J’en reprends le texte au nom de la commission des lois, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 664, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Nul ne peut procéder aux contrôles relatifs à une entité économique ou publique à l’égard de laquelle il détient ou a détenu un intérêt direct ou indirect.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à prévenir tout conflit d’intérêts entre les personnes qui interviennent au nom de l’Agence de prévention de la corruption et l’entité contrôlée. Cela allait peut-être de soi, mais il vaut mieux le préciser. Une telle mesure nous paraît utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I (Non modifié). – Les articles 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques sont abrogés.
II (Non modifié). – L’article 40-6 du code de procédure pénale est abrogé.
III. – Le II de l’article L. 561-29 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service peut transmettre à l’Agence de prévention de la corruption des informations nécessaires à l’exercice des missions de cette dernière. »
M. le président. L’amendement n° 642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – À compter de l’entrée en vigueur du décret nommant le directeur de l’Agence de prévention de la corruption mentionné à l’article 2 de la présente loi, les articles 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques sont abrogés.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement vise à garantir l’efficacité du dispositif. Vous savez qu’il existe aujourd’hui un service de prévention de la corruption. Il a été créé par la loi de janvier 1993 ; vous comprendrez donc que j’y sois particulièrement attentif. (Sourires.)
Il va être supprimé et une nouvelle agence va être créée. Afin d’éviter toute distorsion entre les deux, la fin de l’un doit donc être concomitante avec l’entrée en vigueur effective de l’autre, qui correspond à la nomination du directeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC s’abstient !
(L’article 5 est adopté.)
Chapitre II
De la protection des lanceurs d’alerte
Article 6 A
Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale, dans l’intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement dont il a eu personnellement connaissance.
Une personne faisant un signalement abusif engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 226-10 du code pénal et de l’article 1382 du code civil.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous abordons les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte. Si vous le permettez, je voudrais dire un mot de l’esprit qui a animé les travaux de la commission.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas éloignés sur le plan intellectuel. Comme vous, nous cherchons l’équilibre ! Nous ne trouvons certes pas le même point d’équilibre, mais c’est déjà un bon début.
Les lanceurs d’alerte jouent un rôle très utile dans notre société. Ils ne se résument pas à ceux qui ont alerté la presse pour des fraudes massives ou des délits très graves. La pratique de l’alerte peut rester confidentielle, l’important étant qu’elle aboutisse.
Notre souci de protection des lanceurs d’alerte est légitime. Mais elle ne va pas sans le souci concomitant de protéger ceux qui peuvent faire l’objet de dénonciations abusives, de calomnies ou de diffamation.
Souvenons-nous, mes chers collègues, des propos du président François Mitterrand aux obsèques de Pierre Bérégovoy, lorsqu’il fustigeait ceux qui, dans les médias, avaient jeté l’honneur d’un homme en pâture aux chiens. Cette forte intervention du président François Mitterrand était parfaitement justifiée par l’emballement qui s’empare parfois des médias dans des affaires de corruption, pour lesquelles il n’y a en réalité pas matière à poursuites ou à condamnation.
Soyons attentifs. Nous sommes les gardiens d’intérêts multiples : celui du lanceur d’alerte, qu’il convient évidemment de protéger, mais aussi celui des victimes d’éventuelles dénonciations abusives.
C’est la raison pour laquelle notre recherche d’équilibre nous a conduits à définir un cadre plus précis de l’alerte et du lanceur d’alerte, afin d’assurer la conformité à la loi et de garantir la défense des intérêts contradictoires.
Une définition de l’alerte doit être donnée. Elle doit être précise : des crimes, des délits, une violation grave et manifeste de la loi, et non pas un simple manquement. Cela signifie également qu’un lanceur d’alerte doit démontrer sa bonne foi en passant d’abord par l’employeur, par la hiérarchie administrative, par le référent éventuellement désigné par l’employeur. À défaut, il doit passer par l’autorité administrative, par l’autorité judiciaire ou par l’ordre professionnel. Il faut laisser le temps de réagir à ces institutions – le délai est de trois mois –, sauf dans les cas où il existe un risque de dommages graves et irréversibles.
Enfin, nous n’avons pas permis à des syndicats, à des associations agréées ou au Défenseur des droits de recevoir l’alerte, parce que ces institutions n’ont pas compétence à cet égard et qu’elles ne disposent pas des moyens de faire prospérer cette alerte autrement qu’en prenant à témoin l’opinion publique.
Nous voulons donner sa chance à l’alerte, qui va entraîner une réaction sans qu’il soit toujours besoin de passer par la prise à témoin de l’opinion publique.
Telle est l’économie générale de notre travail. Nous avons également considéré – nous y reviendrons – qu’il n’appartenait pas au Défenseur des droits, qui ne le réclame pas, d’apporter un dédommagement préalable au lanceur d’alerte, alors qu’une procédure judiciaire permettra de déterminer si l’alerte avait été donnée de bonne foi et si un préjudice doit être reconnu en faveur du lanceur d’alerte.
Ne créons pas une inégalité fondamentale entre justiciables, certains d’entre eux étant pris en charge et recevant un acompte sur leurs dommages par le Défenseur des droits quand d’autres n’auraient comme recours que l’aide juridictionnelle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je remercie M. le président de la commission des lois d’avoir éclairé la Haute Assemblée. Je vais moi aussi évoquer le fond du débat à ce degré de généralité. Nous entrerons ensuite dans les détails.
Nous partageons, me semble-t-il, l’idée qu’il est nécessaire de mettre en place une protection efficace des lanceurs d’alerte. Nous ne pouvons le faire qu’à trois conditions.
La première, la plus importante, est la définition.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Michel Sapin, ministre. Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? Comme je le disais dans la discussion générale, il ne suffit pas de se proclamer lanceur d’alerte pour l’être effectivement.
La deuxième condition est l’existence d’un canal de révélation des faits. Sur ce point, nous avons des différences d’appréciation. Mais nous devrions pouvoir converger.
La troisième condition concerne les modalités de la protection elle-même. Nous divergeons également sur ce point, au sujet de l’organisme susceptible d’accompagner et de protéger, du rôle de la justice, et de la mise en place d’un accompagnement. Il s’agit bien de cela, et non d’un dédommagement. L’indemnité, le calcul du montant du préjudice, revient au seul juge, qui prendra en compte tous les aspects : matériel, immatériel, etc.
L’accompagnement le plus visible pourra s’attacher à la procédure judiciaire. Elle coûte cher. Devons-nous accompagner le lanceur d’alerte dans cette démarche ? Nous proposons de le faire. Il me semble d’ailleurs que nos différences ne sont pas très importantes sur ce point.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En effet !
M. Michel Sapin, ministre. Se pose également la question de l’accompagnement financier. Je connais des lanceurs d’alerte qui se sont retrouvés sans rien du jour au lendemain. La justice leur a ensuite donné raison, mais après une période difficile, voire terrible à vivre. Je le répète, il ne s’agit pas d’indemniser un préjudice ; l’objet est de mettre en place les modalités de la protection. Nous en parlerons ; nous ne sommes sans doute pas si éloignés.
Le sujet fondamental est la définition. La rédaction de la commission ne considère comme lanceurs d’alerte que ceux qui révèlent des faits délictueux ou criminels.
Le cas de M. Antoine Deltour, par exemple, n’est pas couvert par cette définition, car celui-ci a révélé des faits qui n’étaient pas délictueux au Luxembourg, mais qui étaient profondément anormaux et dommageables à l’intérêt général.
Mme Jacqueline Gourault. Et amoraux !
M. Michel Sapin, ministre. En effet !
Ces faits étaient tellement dommageables que, à la suite de cette révélation, la législation luxembourgeoise a été modifiée, et tous les pays européens ont mis en place, par le biais d’une directive, les mêmes modalités de lutte contre ce type d’opacité fiscale.
Je vous demande vraiment d’y réfléchir. Il ne s’agit pas seulement de M. Deltour. Celui-ci illustre clairement une des dimensions importantes du rôle d’un lanceur d’alerte. Cette qualité ne s’attache pas seulement à cette jeune femme qui a révélé des faits illégaux commis par UBS en France, pour lesquels cette banque encourt des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale.
Dans le cas des LuxLeaks, à l’époque, les faits n’étaient pas illégaux ! Pourtant, il a eu raison de les dénoncer et il mérite d’être protégé. C’est le cœur du sujet. Je forme le vœu que cela ne soit pas le cœur de notre désaccord.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Nous avons tous en tête les lanceurs d’alerte qui ont été évoqués. Nous sommes tous d’accord. Toutefois, le texte que nous allons voter concernera non seulement ceux-ci, mais également les lanceurs d’alertes relatives à de petites entreprises ou à des PME.
Si la situation des lanceurs d’alerte est difficile, celle des victimes de fausse alerte ou de rumeurs l’est-elle moins ?
Imaginons une société de restauration spécialisée dans la viande dénoncée parce qu’elle vendrait du cheval ou de la viande qui ne serait pas parfaitement homologuée. Il y aurait lancement de l’alerte, chute de la clientèle, puis du chiffre d’affaires ; puis, après une perte de la valeur de l’entreprise, voire un dépôt de bilan et des licenciements en masse, un non-lieu est ordonné cinq ou six ans après. Il n’y avait strictement rien à voir ! Nous devons également nous préoccuper de telles situations.
Dans une PME en pleine campagne, un lanceur d’alerte affirme de bonne foi que les effluents de l’entreprise lui semblent nocifs pour le ruisseau dans lequel ils sont déversés. L’émotion générale aboutit à une perte totale de la clientèle de l’entreprise, au dépôt de bilan et à une cinquantaine d’emplois en moins. Deux ou trois ans après, on s’aperçoit que, certes, l’effluent était blanchâtre – je parle en connaissance de cause –, mais qu’il n’a entraîné aucune pollution. Quel dégât avons-nous commis ?
C’est à cela que la commission des lois entend vous faire réfléchir. Il faut, me semble-t-il, être particulièrement mesuré.
J’en termine avec l’exemple d’Antoine Deltour. Je rassure M. le ministre : la définition que nous donnons du lanceur d’alerte le concerne. La violation manifeste des lois et des règlements, ce n’est pas forcément un délit. Antoine Deltour est protégé en France par notre définition.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Au regard de la législation française !
M. François Pillet, rapporteur. Je sais que la France a vocation à éclairer le monde. Mais il se trouve que, parfois, le monde n’accepte pas l’éclairage de la France. Quelle que soit la législation française, Antoine Deltour sera condamné au regard de la loi luxembourgeoise.
M. François Pillet, rapporteur. Certes, mais cela aurait été pareil s’il avait dénoncé en France des montages fiscaux allant au-delà de l’ingénierie. Le débat est plus large que ce que l’on croit généralement quand on pense aux lanceurs d’alerte. Nous avons bien l’intention de les protéger. Il faut prêter attention à ceux que l’on ne connaît pas encore et que la loi va susciter.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, sur l’article.
M. Patrick Abate. Mercredi dernier, le verdict qui a condamné Antoine Deltour et Raphaël Halet a été prononcé. Le premier avait reçu le prix du citoyen européen au mois de juin 2015. Le second n’a pas eu cette chance, car une clause de confidentialité l’a empêché d’obtenir publiquement une telle reconnaissance.
Les lanceurs d’alerte ont donc été reconnus, mais la loi luxembourgeoise et les directives européennes ne permettaient pas de les protéger.
Ce procès LuxLeaks, particulièrement révélateur, s’est ouvert peu de temps avant le vote à l’Assemblée nationale du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui. La définition du lanceur d’alerte adoptée en première lecture, sur laquelle est malheureusement revenue la commission des lois du Sénat, nous convenait assez bien. Le texte prévoyait de protéger toutes les personnes, mais on avait oublié de mentionner clairement celles qui dénonceraient des actes contraires à l’intérêt général, comme l’optimisation fiscale.
Il est nécessaire de proposer une définition véritablement protectrice. C’est le nœud du problème ! Notre ambition doit être de fonder un dispositif qui fasse école, soit efficace, respecte la vie privée, disqualifie les aventuriers et réponde aux préoccupations exprimées par M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur.
Certes, comparaison n’est pas raison. Mais je vais tenter de dresser un parallèle avec un dispositif connu : la non-assistance à personne en danger. Le lanceur d’alerte ne fait en effet rien d’autre que d’assister la société en danger.
D’abord, celui qui devrait être poursuivi, ce n’est pas le lanceur d’alerte ; c’est celui qui se rend coupable de non-assistance à société en danger.
En tout état de cause, le principe de l'assistance à personne en danger ne suscite plus de controverse juridique ou philosophique. Il pourrait en aller de même des lanceurs d’alerte.
Ce principe n’autorise pas à effectuer un acte chirurgical sur un accidenté de la route sans avoir appelé le SAMU et attendu l’arrivée des professionnels. À défaut, on est fautif et on paye. Il n’autorise pas non plus à forcer la porte de sa voisine…
Mme Jacqueline Gourault. Pourquoi sa voisine ?
Mme Nathalie Goulet. Cela rappelle la chanson de Brassens !
M. Patrick Abate. … en prétendant avoir entendu appeler au secours pour le simple plaisir de lui causer un mal qui pourrait être irréversible. Ce serait aussi condamnable.
En adoptant une telle philosophie, nous nous simplifierions la vie et les lanceurs d’alerte seraient effectivement protégés par une définition très large.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de l’article 6 A.
Article 6 A (suite)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article, qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, donne tout son sens au projet de loi.
À ce jour, cinq textes portent déjà sur l’alerte. Chacun s’accorde à constater qu’ils ont tous des imperfections et ne couvrent pas tous les champs, même si leur périmètre est vaste. Pire, devant un tribunal, la mosaïque qu’ils forment et l’imprécision de certains termes peut laisser des arguments aux avocats qui voudraient obtenir condamnation du lanceur d’alerte.
Vouloir établir un socle commun en précisant les procédures adaptables selon les cas est donc une ambition qui honore les auteurs de ce projet de loi, dont vous-même, monsieur le ministre.
Il me semble que cette définition est prévue pour être exhaustive. Elle doit donc pouvoir couvrir les fuites financières comme les fuites de benzène. Or beaucoup de descriptions du lanceur d’alerte présentées par nos collègues oublient ces fuites. On dirait que tous les lanceurs d’alerte sont sortis de Bercy ! Cela pose problème, sauf à prévoir que d’autres parties du code pénal traitent des autres types de lanceurs d’alerte.
Le Conseil d’État a bien éclairé le sujet. Je suis heureuse qu’il ait reconnu la qualité des dispositions introduites par la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, adoptée en 2013 sur mon initiative.
Permettez-moi de me livrer à un petit règlement de comptes. Monsieur le ministre, à l’époque, vous aviez quelque peu érodé ce texte en pesant de tout votre poids pour que le droit à la formation spécifique des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, en cas d’alerte soit supprimé par l’Assemblée nationale. Dommage ! C’était une proposition de la commission des affaires sociales du Sénat.
J’ai également noté que, lors de la présentation d’un amendement visant à ajouter la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement à la liste des autorités indépendantes susceptibles d’être destinataires d’une alerte à l’Assemblée nationale, vous aviez quelque peu persiflé sur la non-existence de cette instance. Vous avez raison : elle n’existe pas ! Mais quand on persifle, c’est soit que l’on en veut à un ennemi – or nous sommes partenaires, puisque nous ramons dans le même sens –, soit que l’on veut souligner la défaillance de l’autre. Or qui est défaillant ?
Sur les vingt-cinq membres que doit compter cette commission, vingt-trois ont été nommés. Les deux seuls membres qui n’ont pas été nommés doivent l’être par le Gouvernement. Pourquoi ne veut-on pas installer cette commission ? Gêne-t-elle quelques grandes firmes pharmaceutiques ? La loi est votée, et les décrets sont pris. Il ne manque plus que ces deux nominations.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. En complément de ce que notre collègue Patrick Abate a excellemment indiqué avant la suspension, je développerai simplement trois idées.
Premièrement, la notion de lanceur d’alerte, qui est parfois présentée comme quelque chose d’un peu virtuel, renvoie à des situations très concrètes. En pratique, les lanceurs d’alerte s’exposent à des représailles de tous ordres, qui peuvent aller du licenciement abusif à la diffamation, en passant par la mise au placard ou les sanctions disciplinaires. Malheureusement, l’actualité fournit de nombreux exemples à l’appui de ce constat ; je ne vais pas les énumérer de nouveau ici.
Faute d’une législation protectrice, les salariés sont démunis face à l’alerte. C’est donc une bonne chose que des procédures se mettent en place, avec des interlocuteurs connus.
Selon un sondage réalisé par Transparency International au mois de novembre dernier, les personnes garderaient le silence face à des actes de corruption par peur des représailles dans 39 % des cas et par conviction qu’il ne serait donné aucune suite à une alerte dans 40 % des cas.
De plus, une large majorité des salariés français ne savent pas à qui s’adresser pour mettre fin à de telles pratiques. La création de l’Agence de prévention de la corruption leur apporte une réponse concrète.
Deuxièmement, je crois que la commission a raison de garder en tête le risque de fausse alerte, de diffamation ou de rumeur infondée. Oui, ce risque existe. Mais je pense que nous pouvons faire confiance à l’agence pour agir avec discernement ; les moyens dont elle disposera lui permettront de séparer le bon grain de l’ivraie.
Troisièmement, Antoine Deltour a été condamné parce qu’il a enfreint le droit luxembourgeois. Le secret bancaire est une disposition légale au Luxembourg. La législation des États évolue avec l’histoire. Peut-être sera-t-il reconnu demain qu’Antoine Deltour a rendu service à l’intérêt général. C’est fondamentalement ce que je pense. Le système de l’apartheid était légal en Afrique du Sud depuis 1948 et jusqu’à 1991 ; contester ou dénoncer ce système, c’était enfreindre la loi. De même, l’esclavage fut légal en son temps. Laissons donc à la loi le temps d’évoluer.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout d’abord, nous ne sommes pas là pour légiférer sur ce qui se passe au Luxembourg.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Les condamnations qui ont été prononcées au Luxembourg sont scandaleuses. Mais le fait que des pratiques de ce genre y soient légales l’est encore plus ! Comme le déclarait notre ancien collègue Jean Arthuis à propos du président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker : « Le matin, il nous fait la leçon, et l’après-midi, il nous fait les poches. »
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être méchant – ce n’est pas dans ma nature –, mais, franchement, l’urgence n’est pas de pondre un texte sur les lanceurs d’alerte. L’urgence, c’est de faire cesser le scandale permanent d’une Europe qui vit sur ces pratiques !
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne vous fais pas de dessin.
Concernant les lanceurs d’alerte à proprement parler, il me paraît un peu difficile d’autoriser des pratiques illégales.
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? C’est une personne qui, par sa profession, a des informations que les autres n’ont pas et qui est en situation de dépendance, d’une manière ou d’une autre. Il s’agit donc de lui assurer l’immunité.
Le hasard faisant bien les choses, un arrêt récent de la Cour de cassation précise le périmètre de l’alerte : il s’agit de conduites ou d’actes illicites constatés sur le lieu de travail et susceptibles de caractériser une infraction pénale. Il me semble difficile de sortir de ce cadre.
Pour le reste, les lanceurs d’alerte sont effectivement en avance, mais les révolutionnaires le sont toujours ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 309, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Un lanceur d'alerte est une personne qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Les suspensions de séance ont beaucoup d’intérêt. Elles permettent de réfléchir aux paroles qui ont été prononcées.
Quand j’écoute M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, je me dis qu’ils ont raison et que nous partageons la même ambition. Mais quand je lis leurs textes, je vois les choses différemment, et je réalise que ça ne va pas.
La commission nous explique que, selon sa définition, un lanceur d’alerte est une personne qui dénonce un crime ou un délit, et un peu plus, mais juste un peu plus. Mais s’il s’agit seulement de dénoncer un crime, inutile d’instituer un droit d’alerte et de protéger les lanceurs d’alerte. L’article 434-1 du code pénal, aux termes duquel le fait de ne pas dénoncer un crime est passible d’une peine de prison, suffirait. Comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, si l’on veut instituer un statut du lanceur d’alerte, c’est pour aller plus loin.
Mes chers collègues, je vous demande de ne pas avoir la main qui tremble. Voulons-nous une définition du lanceur d’alerte en retrait par rapport à tout ce que nous connaissons ?
Dans sa recommandation du 30 avril 2014, le Conseil de l’Europe invite les États membres à disposer d’un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour « protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général. » Nous sommes nettement en deçà.
Dans une note du 18 septembre 2015, les Nations unies précisaient que le lanceur d’alerte est une personne qui « dévoile des informations qu’elle a des motifs raisonnables de croire véridiques au moment où elle procède à leur divulgation et qui portent sur des faits dont elle juge qu’ils constituent une menace ou un préjudice pour un intérêt général ».
Mes chers collègues, voulez-vous que nous soyons constamment en retrait de tout ce qui se passe dans le monde, quitte à donner un piètre exemple ? Voulez-vous que le Sénat apparaisse une nouvelle fois comme le grand timoré de la République, celui qui fait deux pas en avant et trois pas en arrière ? Il y va de l’image de notre Haute Assemblée. Ne donnons pas cette impression d’un Sénat qui a peur de toute innovation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Le Sénat n’a pas peur. Il fait preuve de mesure, recherche l’équilibre, réfléchit et se pose en rempart de certaines libertés.
Encore une fois, il faut trouver une définition qui permette de protéger les lanceurs d’alerte, mais sans négliger qu’une définition mal rédigée ou un dispositif défaillant feraient des victimes collatérales.
Nous avons le devoir de trouver une définition. Des conceptions se heurtent. Peut-être n’aboutirons-nous pas aujourd'hui.
Votre proposition est contraire à la position de la commission. Vous définissez comme lanceur d’alerte toute personne dénonçant un manquement au droit en vigueur. Mais qu’est-ce que le droit en vigueur ? Est-ce que cela inclut les conventions internationales rectifiées, la Convention internationale des droits de l’enfant, la coutume internationale ? La définition de la commission précise que le lanceur d’alerte dénonce la violation d’une loi ou d’un règlement. Il s’agit bien du droit en vigueur, mais c’est clairement défini.
Votre amendement vise à élargir encore la définition du lanceur d’alerte à la dénonciation de « menace ou préjudice graves pour l’intérêt général ». C’est tout de même ouvrir une faille. Comment interpréter le mot « menace » ? Il n’est pas certain que votre définition, en étant trop peu précise, protège vraiment les lanceurs d’alerte. Qu’est-ce que les juges considéreront comme une menace ? Votre définition est plus large, mais celle de la commission est plus protectrice pour les victimes et les lanceurs d’alerte.
De plus, de la définition du lanceur d’alerte naît une irresponsabilité pénale. Or on ne peut pas faire reposer un tel effet juridique sur une définition aussi imprécise. Au demeurant, la jurisprudence constitutionnelle, qui est particulièrement exigeante en matière pénale, risque, je le crains, de trouver votre texte insuffisamment précis.
La commission propose une définition faisant référence à une « violation grave et manifeste de la loi ou du règlement », de l’intérêt général et de la bonne foi du lanceur d’alerte. Tous ces éléments visent à préserver les lanceurs d’alerte. Chacun peut avoir de la sympathie pour ces derniers. Mais les exemples que je vous ai donnés et que je pourrais multiplier à l’envi montrent qu’il y a un problème. N’adoptons pas une loi que nous serons obligés de réécrire dans cinq ans parce que trois ou quatre personnes n’étant pas de vrais lanceurs d’alerte auront mis au tapis des entreprises importantes et fait supprimer deux cents ou trois cents emplois !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. J’ai une difficulté. Je présenterai dans quelques instants un amendement tendant à réécrire l’alinéa 1er. L’amendement n° 309, qui vise à réécrire l’ensemble de l’article, est logiquement présenté avant. Mais il ne m’est pas possible de m’y opposer, ce que je voudrais faire, sans défendre mon amendement, qui me paraît mieux convenir aux objectifs de M. Anziani.
L’idéal serait que M. Anziani rectifie son amendement pour l’inclure dans la série d’amendements en discussion commune.
M. le président. M. Anziani, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. Alain Anziani. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un lanceur d'alerte est une personne qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 417, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un lanceur d'alerte est une personne physique ou morale qui signale, dans l'intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste des droits fondamentaux, de la loi et du règlement, dont elle a eu personnellement connaissance.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. La définition du lanceur d’alerte est extrêmement attendue, car la législation est aujourd'hui totalement disparate, fragmentée et éclatée. Il y a beaucoup d’hésitations sur le lanceur d’alerte, comme sur l’action de groupe, parce que ce sont des procédures qui heurtent notre conception juridique habituelle.
La rédaction que je vous propose intègre d’autres éléments que ceux qui ont été signalés précédemment. Je pense donc que c’est la meilleure.
M. le président. L'amendement n° 646, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le lanceur d’alerte est une personne physique qui, de manière désintéressée et de bonne foi, signale un crime, un délit, une violation grave ou manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ou un risque ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont il a eu personnellement connaissance.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. La définition du lanceur d’alerte est l’un des points les plus importants de cette partie du projet de loi, car elle conditionne l’application des autres dispositions. Si le dispositif est trop restreint, des gens que nous considérerions de bonne foi comme des lanceurs d’alerte n’auraient pas cette qualification devant un juge ; s’il est trop large – c’est la préoccupation de la commission –, il risque d’englober des personnes qu’aucun d’entre nous ne verrait comme des lanceurs d’alerte. Il faut donc bien calibrer les choses.
M. Collombat nous a rappelé, avec sa fougue habituelle, que nous ne légiférions pas au Luxembourg. Heureusement ! De même, le Luxembourg ne légifère pas en France. Permettez-moi d’ajouter, car j’ai cru entendre comme une invitation à agir à l’échelon européen, qu’une directive a été adoptée !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est tout de même un peu tardif !
M. Michel Sapin, ministre. Il y a sûrement des tas de choses à faire en plus… Mais cette directive est appliquée dans l’ensemble des pays, dont la France, permettant la transparence entre les administrations fiscales.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne règle pas le problème !
M. Michel Sapin, ministre. Si ! La transparence règle le problème du paiement de l’impôt. Si des situations de type LuxLeaks avaient perduré, elles seraient connues de l’administration française, qui, considérant qu’il n’y avait pas d’imposition réelle au Luxembourg, aurait imposé en France les bénéfices réalisés dans notre pays. Comme le montrent plusieurs événements récents dans la vie judiciaire et fiscale de certaines grandes entreprises, le dispositif fonctionne. Les faits révélés à l’occasion des LuxLeaks n’ont plus cours, mais ces situations ont bien existé.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous le saviez !
M. Michel Sapin, ministre. Ce que nous souhaitons, c’est qu’une situation de cette nature ne puisse pas exister, non pas au Luxembourg, mais en France. Est-ce que M. Deltour serait ou non un lanceur d’alerte en France ? C’est la question que je pose.
Monsieur le rapporteur, le texte de la commission prévoit que le lanceur d’alerte doit signaler une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement. Certes, ce n’est pas forcément un crime ou un délit. Mais, sauf à ce que vous parveniez à me convaincre du contraire, et avec moi une partie de vos collègues dans cet hémicycle, cela suppose tout de même qu’une loi a été transgressée par l’entreprise.
M. François Pillet, rapporteur. Oui ! Et je vais m’en expliquer !
M. Michel Sapin, ministre. Au Luxembourg, dans le cas de LuxLeaks, la loi n’a pas été transgressée par les entreprises. C’est précisément parce que les conséquences de la loi luxembourgeoise sont apparues tellement contraires à l’intérêt général que M. Deltour a considéré qu’il était de son devoir de les faire connaître à l’extérieur. Votre définition ne couvre pas ce cas.
Je rejoins donc en grande partie les propositions de Mme Goulet, et peut-être de beaucoup d’autres, en suggérant une définition du lanceur d’alerte qui retienne une référence explicite à la norme internationale – d’aucuns objecteront qu’elle s’applique directement, mais je crois préférable qu’elle figure dans cette définition – et une référence au signalement d’un préjudice grave pour l’intérêt général. Cette rédaction me paraît être la seule susceptible de couvrir des situations comme celle de M. Deltour.
Nous en avons largement débattu à l’Assemblée nationale. J’ai personnellement beaucoup réfléchi à la rédaction, parce que je suis très attaché à l’idée qu’il ne faut pas dissoudre ce beau statut du lanceur d’alerte dans une sorte de marécage des divers règlements de comptes personnels. Ce n’est pas l’objectif du Gouvernement.
Cette rédaction n’est peut-être pas la seule possible – il ne faut jamais considérer qu’il n’y en a qu’une –, mais elle permet en tout cas de protéger ceux que nous considérons comme de vrais lanceurs d’alerte, sans pour autant ouvrir ce statut à des gens qui, à nos yeux, ne le méritent pas.
M. le président. Le sous-amendement n° 651, présenté par Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Poher, Labbé et Desessard, est ainsi libellé :
Amendement n° 646, alinéa 3
Après les mots :
un préjudice grave
insérer les mots :
pour l’environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par ce sous-amendement, nous prenons acte que la meilleure des rédactions mentionne l’intérêt général, afin de couvrir les cas qui viennent d’être évoqués. Ceux-ci seraient des translations en France de ce qui s’est passé au Luxembourg.
Toutefois, comme Mme Deromedi l’a indiqué, la notion d’intérêt général est sujette à débat. Par exemple, tous les partis politiques prétendent défendre l’intérêt général, mais les programmes n’en sont pas moins drôlement différents !
Ce sous-amendement vise à préciser des secteurs susceptibles de subir un préjudice grave : la santé, l’environnement, les finances publiques, l’intérêt général, etc. Les thèmes sur lesquels on a le droit d’alerter seraient ainsi plus clairs.
Permettez-moi d’apporter une petite précision à l’attention de M. Collombat. Dans ce projet de loi, le lanceur d’alerte n’est pas seulement un salarié d’une entreprise. Il peut aussi être un riverain ou un citoyen témoin de quelque chose.
M. le président. L'amendement n° 310, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
physique
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Pourquoi réduire le lanceur d’alerte à une personne physique ? C’est contraire à la définition retenue par l’article 6 A.
Pourquoi exclure, par exemple, une ONG qui signalerait des problèmes dans la fabrication de médicaments ou dans d’autres activités ? Pourquoi exclure une association ou un groupe de personnes physiques engagées dans une action collective ? Pourquoi exclure une organisation syndicale qui pourrait reprendre à son compte des observations de salariés au sein de l’entreprise ? Pourquoi exclure, même, une entreprise qui s’apercevrait qu’une autre société procède de manière frauduleuse, soit illégalement soit en ne respectant pas certains règlements ? En résumé, pourquoi exclure les personnes physiques ? Cette limitation me semble extrêmement forte.
Je sais que la référence à des textes internationaux fait toujours grincer des dents, mais il ne faudrait pas nier la réalité ! Nous sommes tous profondément européens. Dans sa recommandation, le Conseil de l’Europe n’opère aucune distinction entre personnes morales et personnes physiques dans la définition des lanceurs d’alerte. Le Conseil d'État ne le fait pas non plus dans son excellente étude du mois de février 2016.
Si nous retenons la notion de « personne », les personnes physiques comme morales pourront être protégées.
M. le président. L'amendement n° 547 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
qui
insérer les mots :
, ne pouvant utiliser la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous voulons définir un statut général de lanceur d'alerte qui permettrait d’assurer une protection spécifique à un individu ayant signalé un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement. L’idée est notamment qu’il ne puisse pas être licencié ou sanctionné professionnellement ou voir sa candidature écartée.
Un tel statut existe déjà aujourd'hui pour l’environnement et la santé publique. Nous proposons de l’étendre à tous les domaines.
La crainte partagée par une grande partie des membres du RDSE est de voir court-circuitée l’autorité judiciaire, dont nous connaissons les difficultés budgétaires.
Il ne faudrait pas que des individus adoptent le réflexe de se tourner systématiquement vers la presse plutôt que vers les tribunaux quand ils observent des violations de la loi ou du règlement.
Nous sommes donc majoritairement favorables à un statut de lanceur d'alerte qui soit subsidiaire de l’action du juge, qui la complète et qui intervienne en dernier recours.
Cet amendement a donc pour objet d’inscrire la référence de l’article 40 du code de procédure pénale au cœur même de la définition des lanceurs d'alerte, pour rappeler que le recours au juge doit rester la procédure normale et le statut de lanceur d'alerte, l’exception.
M. le président. L'amendement n° 379, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Supprimer les mots :
, dans l’intérêt général,
2° Après le mot :
règlement
insérer les mots :
ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou l’intérêt général,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vous renvoie aux arguments que j’ai développés en défendant le sous-amendement n° 651.
Il s’agit de repréciser la définition du lanceur d'alerte, avec une référence à la santé, à l’environnement, aux libertés, aux finances et à la sécurité aux côtés de « l’intérêt général ».
M. le président. L'amendement n° 311, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
délit
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, un manquement grave à un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, à un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publiques.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement est un mixte. Nous reprenons certains des termes de l’amendement du Gouvernement, notamment sur le droit de dénoncer un manquement à un engagement international ratifié ou approuvé par la France, et ceux de l’amendement de Mme Blandin.
Je ne comprends pas pourquoi la commission des lois a abandonné la mention « des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publiques », qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale.
M. le rapporteur nous dira que ces précisions sont reportées à d’autres endroits du texte. Mais c’est bien l’article 6 A qui définit les lanceurs d'alerte ! Il me semble donc tout à fait utile de préciser ici ces éléments.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans le cadre de sa relation de travail
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. N’en déplaise à ma collègue Marie-Christine Blandin, un lanceur d'alerte n’est pas un riverain.
À mon sens, il y a une confusion entre le droit d’expression et la situation d’une personne qui, du fait de son activité, détient des informations que les autres n’ont pas et, surtout, se trouve en position de faiblesse vis-à-vis de son employeur.
Rien n’empêche un riverain de dénoncer un agissement dangereux ou contraire à tel ou tel texte. Au pire, il risque d’être attaqué pour diffamation. (Mme Marie-Christine Blandin acquiesce.) Et vu les conditions dans lesquelles les condamnations pour diffamation sont prononcées, il n’y a pas trop de souci à se faire à cet égard, surtout s’il y a anguille sous roche !
Le problème se pose de manière totalement différente lorsque des personnes dépendant d’un employeur dénoncent ce qui se passe au sein de l’entreprise. Toute la question est celle de l’équilibre à maintenir entre la protection de ceux qui prennent des risques et la situation de ceux qui n’en prennent pas. Il y a ceux qui dénoncent des agissements ressemblant à des infractions et les autres.
J’ai eu la joie de constater que la Cour de cassation partageait à peu près cette vision des choses, même si l’affaire n’avait pas de rapport avec le sujet qui nous intéresse.
Centrer la définition du lanceur d'alerte sur le cadre de la relation de travail me paraîtrait une bonne manière d’éviter un certain nombre de dérives et de protéger ceux qui méritent le plus d’être protégés ; ils sont effectivement en danger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Le nombre de formulations proposées – chacun y va de la sienne, que ce soit Mme Goulet, Mme Blandin, M. Anziani, M. le ministre, M. Collombat ou la commission – prouve qu’il n’est pas très facile de trouver une définition au lanceur d'alerte.
Tous les intervenants ont fait allusion au cas d’Antoine Deltour, M. le ministre lui-même m’ayant demandé de démontrer que notre définition permettait à cette personne d’être protégée. Si j’y parviens, nous retiendrons donc la définition de la commission ; n’est-ce pas, monsieur le ministre ? (Sourires.)
M. François Pillet, rapporteur. Le cas d’Antoine Deltour est bien visé par la définition du lanceur d'alerte retenue par la commission. J’en rappelle les termes : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale, dans l’intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement dont il a eu personnellement connaissance. »
Certaines pratiques abusives visant à se soustraire à l’impôt sont des violations graves et manifestes de la loi, même si elles ne sont pas constitutives de délits. Or c’est ce qui était en cause dans le cas d’Antoine Deltour.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. François Pillet, rapporteur. L’article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui définit l’abus de droit, permet de caractériser les manquements signalés par M. Deltour. Aux termes de cet article, l’abus de droit fiscal est le fait de rechercher « le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs », faits qui « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » de l’intéressé.
Actuellement, l’abus de droit fiscal n’est pas sanctionné pénalement. Pour autant, il est prohibé par le livre des procédures fiscales.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. François Pillet, rapporteur. Avec notre définition, Antoine Deltour est donc protégé en France. Il ne l’est pas au Luxembourg, pour toutes les raisons que nous avons évoquées.
Au demeurant, Antoine Deltour est poursuivi au Luxembourg pour divulgation du secret des affaires, ce qui n’est pas un délit en France, et, surtout, pour s’être introduit frauduleusement dans un système informatique, ce que tout lanceur d'alerte n’a pas forcément vocation à faire. (M. André Gattolin s’exclame.)
J’en viens maintenant aux amendements.
Leurs auteurs me proposent différentes définitions du lanceur d'alerte. Celle de la commission des lois a ma préférence.
L’amendement n° 417 tend à élargir considérablement la notion de lanceur d’alerte ; vous ne vous en cachez pas, madame Goulet ! Un lanceur d’alerte pourrait être une personne morale. Or lanceur d’alerte, ce n’est ni un brevet ni un titre de gloire ! Selon nous, c’est avant tout un moyen de défense : le lanceur d'alerte va se défendre contre l’accusation de violation du secret professionnel qu’il a commise, avec l’accord de la loi, et contre une discrimination dont il fait l’objet dans son travail. Il ne peut donc pas être une personne morale. Une société ne connaît pas personnellement d’une situation : cela passe nécessairement par une personne physique. D’ailleurs, une personne morale ne saurait être tenue pour responsable.
C'est la raison pour laquelle nous avons exclu qu’un lanceur d’alerte puisse être une personne morale. Un choix contraire risquerait d’élargir considérablement le champ des lanceurs d’alerte, et diluerait totalement leur responsabilité.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
La définition du Gouvernement est un peu plus restrictive que celle de M. Anziani. Elle permettra peut-être de nourrir la réflexion. Pour autant, que signifie « risque ou un préjudice grave pour l’intérêt général » ? Cette expression ne me paraît pas assez précise. Je ne crois pas qu’un renvoi à la notion d’intérêt général, non pas comme une condition – c’est ce que prévoit la commission –, mais comme un motif de l’alerte, soit conforme à la jurisprudence constitutionnelle. De cette définition naît tout de même une irresponsabilité pénale. Ou alors, c’est l’application de délits prévus par le droit commun.
Je considère qu’une définition aussi large pourrait mettre le lanceur d’alerte en difficulté, car le juge pourrait lui refuser cette qualification.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, la commission est défavorable au sous-amendement n° 651, qui vise à ajouter…
Mme Marie-Christine Blandin. Non ! À préciser !
M. François Pillet, rapporteur. … à l’intérêt général l’environnement, la santé, les libertés, sans préciser d’ailleurs lesquelles, les finances et la sécurité publiques. Je rappelle que la loi pénale est d’interprétation stricte. Je crains donc que l’adoption de ce sous-amendement ne nous suscite quelques difficultés et que le Conseil constitutionnel ne nous invite à revoir notre copie.
L’amendement n° 310 appelle les mêmes commentaires que l’amendement de Mme Goulet. Je ne pense pas qu’une personne morale soit capable de connaître personnellement d’un fait ; c’est un débat. Je suis donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 547 rectifié vise à préciser que le lanceur d’alerte soit une personne n’ayant pas pu utiliser la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale. Je pense qu’il y a une confusion.
L’article 40 du code de procédure pénale ne concerne que les agents publics. (M. le ministre acquiesce.) Il pose donc l’obligation de dénoncer un délit ou un crime dont un agent public a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Le lanceur d’alerte, lui, n’est pas un fonctionnaire signalant au procureur de la République des faits qu’il a l’obligation de dénoncer. Dans cette hypothèse, il doit évidemment suivre les procédures qui s’imposent à lui, notamment celles que prévoit l’article 40 du code de procédure pénale.
Le lanceur d’alerte n’est pas une victime, un témoin ou un journaliste. Ce n’est pas forcément le voisin qui souffre d’une situation. Ces personnes disposent d’autres possibilités : se plaindre auprès du procureur de la République ; saisir le juge d’instruction en cas d’absence de réponse dans un délai de trois mois ; contacter un journaliste…
Mes chers collègues, chacun a ses convictions et ses certitudes. Il n’est pas du tout évident de trancher, eu égard aux conséquences que pourront entraîner les signalements effectués par des lanceurs d'alerte, même de bonne foi. La bonne foi n’empêche pas les dégâts !
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Les amendements nos 379 et 311 visant aussi à élargir la notion de lanceur d’alerte, le Gouvernement y est également défavorable, pour les mêmes raisons.
Enfin, l’amendement n° 528 rectifié tend à encadrer la définition du lanceur d’alerte, en limitant les informations pouvant être signalées à celles qui sont issues d’une relation de travail. Cet amendement est intéressant et suscitera peut-être un débat.
Monsieur Collombat, vous avez fait allusion à un arrêt récent de la Cour de cassation. D'ailleurs, cet arrêt ne marque pas une révolution dans notre droit : en droit du travail, on ne peut pas justifier un licenciement pour faute grave par le fait qu’un employé a dénoncé un délit au sein de son entreprise. La précision que votre amendement tend à apporter me semble utile.
La protection des lanceurs d'alerte n’existe que si un risque de représailles pèse sur eux. Or, si la personne dénonce des faits extérieurs à son employeur, elle n’encourt pas de représailles, notamment sur son contrat de travail ! Elle n’a pas non plus à être protégée de l’accusation de violation du secret profondément en cas de plainte. En l’absence de plainte, c’est le tribunal civil qui aura à se prononcer sur la demande d’indemnisation formulée sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Les témoins sont protégés. Les journalistes bénéficient du secret des sources.
La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement. À titre personnel, j’y suis assez favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous dire que vous ne m’avez pas convaincu ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Franchement, nous sommes tous de bonne foi. En regardant les choses en face, nous devrions au moins pouvoir tomber d’accord sur le diagnostic.
Dans le cas des Luxleaks, il ne s’agit pas d’entreprises qui, comme on pourrait le dire en France, commettent un « abus de droit ». C’est le gouvernement du pays qui accorde à certaines entreprises ce que l’on appelle en français un « rescrit », autorisant ces entreprises, pour l’avenir, à ne quasiment pas payer d’impôt.
M. François Pillet, rapporteur. Oui !
M. Michel Sapin, ministre. M. Deltour a eu connaissance de toute une série de situations de cette nature, ce qui l’a choqué ; on peut le comprendre ! Il a fait connaître ces situations anormales, tellement anormales que la loi a été changée au Luxembourg et que des dispositions interdisant de telles pratiques existent désormais dans l’ensemble des vingt-huit pays de l’Union européenne.
Imaginons qu’un ministre français des finances se mette à accorder des rescrits à toute une série d’entreprises, leur permettant de ne payer aucun impôt, et qu’un salarié d’une entreprise concernée trouve cette situation anormale. La définition de la commission ne couvrirait pas ce cas.
Le Gouvernement ayant déposé un amendement, il m’est difficile de me prononcer en faveur de ceux qui lui font concurrence. Puisque je souhaite l’adoption de l’amendement du Gouvernement, j’émets un avis défavorable sur les autres.
Cependant, je suis sensible aux arguments de M. Anziani sur la personne morale et à ceux de M. Collombat sur la relation de travail.
En effet, nous voulons protéger le lanceur d'alerte, parce qu’il se met en danger s’il fait connaître des faits qu’il a découverts.
Une association ayant vocation à défendre l’environnement ou à lutter contre la corruption qui révèle telle ou telle situation ne se met pas en danger. Elle fait simplement son travail, sauf à verser dans la dénonciation calomnieuse.
La situation à considérer est donc celle du salarié engagé dans une relation de travail au sein de l’entreprise. Je ne serais donc pas gêné que cette dimension soit prise en compte dans le texte.
Le sous-amendement n° 651 n’est pas du tout en contradiction avec l’amendement du Gouvernement.
Mme Marie-Christine Blandin. En effet !
M. Michel Sapin, ministre. Il vise non pas à préciser, mais à illustrer les cas d’atteintes graves à l’intérêt général, que ma proposition ne définit pas de manière exhaustive. C’est d'ailleurs exactement ainsi que les députés ont raisonné, sauf que, à leurs yeux, cette liste recensait tous les cas d’atteintes graves. Attention à ne pas restreindre quand on veut illustrer !
À mon sens, il vaut mieux retenir ma proposition, qui est un peu plus large. Évitons les précisions qui risqueraient de conduire à une restriction de la définition du lanceur d'alerte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, nous pouvons être en désaccord, mais il ne faut surtout pas que nous restions sur un malentendu. Certains font de la politique-fiction. Nous ne faisons pas de la loi-fiction !
Pour que nous nous prononcions de telle manière qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France, encore faudrait-il que le Gouvernement français puisse prendre des rescrits conduisant à exonérer certaines entreprises de charges fiscales dues par l’ensemble des entreprises de France.
D’ailleurs, le rescrit est une pratique très utile, que l’on pourrait songer à étendre ; vous ne nous le proposez pas aujourd'hui. Cela consiste à garantir au contribuable, en l’occurrence l’entreprise, que la loi fiscale soit interprétée d’une certaine manière, mais pas en contradiction avec sa lettre.
Dans la mesure où la législation fiscale française n’est en rien comparable à la législation fiscale luxembourgeoise, pourquoi voulez-vous que, par notre définition, nous fassions courir le risque d’être condamné à un Antoine Deltour qui interviendrait en France comme lanceur d'alerte ?
Que nous adoptions le texte de la commission des lois ou non, un M. Deltour ne pourrait être condamné que si la loi luxembourgeoise s’appliquait en France. Or vous ne nous proposez pas de la transposer chez nous ! Sinon, nous aurions légitimement pu envisager de retenir la définition que vous souhaitez.
De mon point de vue, la définition de la commission crée un système clair, simple, qui ne pourra pas donner lieu à des divergences d’interprétation. Crime, délit, violation de la loi et du règlement : la formule en est très large. Comme M. le rapporteur vient de le dire, la violation de la loi ou du règlement comprend aussi l’abus de droit fiscal.
Si nous sommes bien d’accord sur le fait que le contexte de la législation fiscale française est totalement différent de celui de la législation fiscale luxembourgeoise, si nous sommes aussi d’accord pour dire que l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, définissant l’abus de droit fiscal, s’appliquerait et permettrait d’exonérer de sa responsabilité pénale un lanceur d'alerte qui révélerait un tel abus, alors notre débat est juridique et technique, et non politique.
J’espère que nos débats vous auront rassuré ; la définition des lanceurs d'alerte que la commission des lois vous propose de retenir satisfait pleinement votre souhait qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je voudrais simplement revenir sur l’exemple qui a été pris.
Supposons qu’un ministre distribue dans l’ombre des faveurs fiscales à telle ou telle entreprise et qu’un Antoine Deltour vienne dénoncer cette situation. Ce lanceur d’alerte aurait parfaitement raison : le ministre commet une violation grave et manifeste de la loi, en l’occurrence un délit de concussion, en vertu duquel on ne peut pas renoncer volontairement à la perception de l’impôt.
Dans cet exemple, non seulement Antoine Deltour ferait la une des journaux, mais il serait sanctifié ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je vais retirer l’amendement n° 309 rectifié, au profit de l’amendement du Gouvernement, dont la rédaction est plus précise.
Néanmoins, je maintiens l’amendement n° 310, qui a le mérite de traiter de toutes les personnes, et pas uniquement des personnes physiques.
En quoi le premier alinéa de l’article 6 A empêchera-t-il des poursuites contre une personne signalant que l’on a trouvé des produits dangereux, comme de l’amiante ? Je rappelle que des personnes ont été poursuivies pour avoir révélé l’existence de l’amiante à une époque où il n’y avait pas de loi ou de règlement pour l’interdire. Dans un tel cas de figure, le texte de la commission ne fonctionne pas.
Il y a donc bien des lanceurs d'alerte tout à fait utiles pour la santé qui ne pourront pas être protégés ! (Mme Marie-Christine Blandin et M. André Gattolin applaudissent.)
Je retire l’amendement n° 309 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 309 rectifié est retiré.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue Alain Anziani nous a dit qu’il s’agissait d’aller « plus loin ». Je crains que l’on n’aille plutôt « à la place ».
Certes, il faut assurer la sécurité de ceux qui dénoncent des irrégularités et se mettent ainsi en danger, notamment dans leur cadre de travail. Mais nous devons également réduire progressivement les zones floues entre le licite et l’illicite.
Vous le savez tous, l’un des terreaux de la délinquance financière est le flou existant entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, ce qui existe entre les deux, ce qui est permis tant que cela rapporte… Je ne reviendrai pas sur l’affaire Kerviel, qui n’a rien à voir avec nos débats de ce soir. Mais elle montre bien que l’on ne sait pas où l’on en est et que l’on laisse perdurer le flou.
C’est pourquoi je plaide pour la pénalisation maximale des délits financiers. Cela les rendra plus consistants.
On dit que le système financier est criminogène, qu’il crée la tentation de transgresser… On va dans le sens du vent. On cherche à régler le problème en sécurisant les lanceurs d'alerte. On attend les dénonciations, et on agit de manière à protéger celui qui crée le scandale. Pour moi, l’idéal serait que l’on prévienne les agissements et que l’on mène le travail de clarification qui s’impose.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien compris que les personnes morales étaient hors de la sphère d’entendement de notre commission.
Reste la question des droits fondamentaux, dont la mention permettrait tout de même une définition un peu plus large des lanceurs d'alerte. Cela comprendrait évidemment les éléments soulevés par Mme Blandin, notamment les questions liées à l’environnement et à la santé.
Mais je ne suis absolument pas d’accord avec le fait de limiter la définition des lanceurs d'alerte au cadre de la relation de travail. Ce n’est vraiment pas suffisant. Toutes les notes rédigées par les différentes instances intéressées par le sujet, notamment Transparency International, que l’on a cité à plusieurs reprises, ont montré que le problème concernait aussi les bénévoles, les sous-traitants, les stagiaires et l’ensemble des personnes pouvant avoir eu connaissance d’un certain nombre de difficultés. Il me semble extrêmement réducteur de réduire la définition aux relations de travail.
Toutefois, pour alléger les débats, je retire l’amendement n° 417. Mais, j’y insiste, la mention des droits fondamentaux ne me paraissait pas tout à fait absurde.
M. le président. L’amendement n° 417 est retiré.
La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Deux visions s’affrontent.
D’un côté, on note une envie, que je pense assez sincère, de protéger les lanceurs d'alerte, mais on nous dit qu’il ne faut pas aller trop loin en ce sens et ne pas généraliser, afin d’éviter les abus et autres situations difficiles.
De l’autre, il y a une volonté de créer un véritable statut de lanceur d'alerte. C’est l’esprit dans lequel l’Assemblée nationale a travaillé. Cela me paraît tout à fait correct.
Je partage l’idée qu’il ne faut pas réduire le problème au monde du travail. Le citoyen lambda subit aussi des pressions, par exemple pour sa consommation d’eau ; je vous renvoie à un célèbre film sur le sujet.
Certains craignent des dérapages. Je ne suis pas un grand spécialiste, mais notre arsenal juridique me paraît suffisant pour punir ou dissuader tous ceux qui s’adonneraient à la diffamation ou à la délation pour se faire de la publicité.
Notre groupe approuve la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. Nous sommes donc favorables aux amendements du Gouvernement, mais nous aimerions que les associations et autres personnes morales soient mieux intégrées.
De deux choses l’une, madame Blandin : soit on précise les choses de la manière la plus détaillée possible, et alors il faut absolument intégrer les affaires financières ; soit on s’en tient à la notion d’intérêt général, qui inclut, par nature, les affaires financières et autres problèmes de fiscalité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je mentionne bien la finance dans la rédaction que je propose. L’intérêt général vient après, pour servir de voiture-balai.
La commission propose de retenir la notion de crime, de délit ou de violation du droit. Mais une telle rédaction ne couvrirait pas une fuite de benzène, des émanations de perchloréthylène ou la pollution d’une rivière par le mercure. En effet, il ne s’agit pas d’un délit volontaire ou d’une violation du droit ; c’est bien souvent un tuyau qui s’est rompu… En revanche, l’amendement du Gouvernement et celui de M. Anziani couvrent bien ces cas.
La proposition de M. Collombat, qui a failli séduire, consiste à se limiter au monde du travail. Or un lanceur d’alerte n’est pas nécessairement dans une relation de travail. Ainsi, Véronique Lapides s’était tellement émue du nombre de leucémies dans une même classe de maternelle de Vincennes que l’on a fini par examiner la friche industrielle sur laquelle l’école était construite pour y découvrir des choses pas catholiques. Or elle n’était pas dans une relation de travail. Elle a été poursuivie pour diffamation et a eu les pires ennuis.
De même, Pierre Meneton, chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, a publié un article rappelant que la consommation de sel ruinait les artères et causait une mortalité excessive en France. Le comité des salines de France l’a poursuivi, et il est aujourd’hui ruiné. L’INSERM ne l’a pas défendu. On n’était pas dans une relation de travail ; un chercheur faisait de l’outing sur ce qu’il avait découvert.
Il me semble donc essentiel de ne pas restreindre la définition du lanceur d’alerte aux relations de travail. Il s’agirait d’un retour en arrière par rapport au droit existant. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Madame Blandin, si votre loi de 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte n’est pas passée à la trappe, c’est grâce au Sénat !
Mme Marie-Christine Blandin. Je le sais !
M. François Pillet, rapporteur. En revenant sur les suppressions décidées à l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat a permis à la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement de continuer d’exister, même s’il faut encore attendre la nomination des deux derniers membres…
Inutile d’ajouter ce qui existe déjà, et qui, en l’occurrence, a été sauvé grâce à la commission des lois du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour explication de vote.
M. Maurice Vincent. Tout le monde comprend bien la logique de la commission. Il ne faut effectivement pas aller vers une société de la délation ou créer des situations juridiques inextricables.
Mais, monsieur le rapporteur, en vous calant de manière très rigoureuse sur les principes actuels du droit, vous excluez de fait les situations, de plus en plus nombreuses dans notre société, qui ne sont pas encore prévues par ces principes.
Prenons l’exemple du secteur financier. Ces dernières années, la France a perdu des dizaines de milliards d’euros dans plusieurs affaires. Certains salariés des entreprises concernées auraient évidemment pu faire savoir que les risques pris étaient manifestement en décalage avec les possibilités des banques concernées et, par la suite, de l’ensemble de l’économie.
Ce type d’alerte ne peut être pris en compte en se calant sur les principes qui sont les vôtres. Au contraire ! Nous pourrions tirer efficacement profit d’une définition faisant référence à un préjudice grave à l’intérêt général. Une telle qualification juridique devrait permettre de ne retenir que des situations relativement exceptionnelles.
M. le président. Madame Blandin, le sous-amendement n° 651 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 651 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 646.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 413 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 310.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 414 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 204 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 547 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 379 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 379 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 311.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 528 rectifié.
Mme Marie-Christine Blandin. L’adoption de cet amendement constituerait une grande régression.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 528 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 644, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les faits, informations ou documents, quels que soient leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’exclure le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client du régime de l’alerte.
Je pense que l’Assemblée nationale avait eu raison de retenir ce principe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Nous n’avions pas fait le choix d’insérer une telle disposition à cet endroit du texte. Mais nous pouvons comprendre les craintes du Gouvernement.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 312, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le premier alinéa de l’article reconnaît le droit d’alerte, mais la rédaction du second alinéa met d’emblée en garde les futurs lanceurs d’alerte sur le thème : « Faites attention, cela pourrait vous coûter cher ! »
Une telle articulation ne nous semble pas des plus heureuses. Elle est maladroite et témoigne d’un certain manque d’enthousiasme.
Par ailleurs, je n’en vois pas l’intérêt. Les sanctions contre les lanceurs d’alerte de mauvaise foi ou malintentionnés existent déjà. L’alinéa 2 vise l’article 226-10 du code pénal et l’article 1382 du code civil, mais il en existe d’autres : la diffamation, la dénonciation calomnieuse, ainsi que toutes les voies de procédure civile visant à réparer les préjudices causés à autrui.
Faut-il que la loi bégaye ? Faut-il répéter ce que d’autres textes prévoient déjà ? La commission des lois se montre généralement très sourcilleuse sur ce point. Pourquoi changer d’attitude aujourd’hui ? Selon moi, c’est une erreur de rédaction.
Nous aurions pu rédiger un article sur la responsabilité, mais pas dès la définition du lanceur d’alerte. Il est paradoxal, sinon particulièrement maladroit, de parler d’entrée de jeu de la sanction, et non de la protection…
M. le président. L'amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la publication de la décision de condamnation dans trois journaux diffusés dans le département de son domicile à ses frais, au choix de la personne victime de la dénonciation calomnieuse
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de prévenir une utilisation dévoyée du statut général de lanceur d’alerte.
Il s’agit de prévoir la large diffusion d’une éventuelle décision de condamnation prise à l’encontre d’un individu qui aurait utilisé le statut de lanceur d’alerte pour faire des dénonciations calomnieuses par voie de presse.
Nous proposons donc de faire figurer dans la définition du lanceur d’alerte une mise en garde à l’égard de ceux qui souhaiteraient utiliser ce statut à des fins détournées, à la suite de la référence aux articles 226-10 du code pénal et 1382 du code civil ajoutée par la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Nous avons voulu inscrire dans la loi l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Nous rappelons que le lanceur d’alerte est protégé, mais pas à n’importe quel prix, ni hors de toute responsabilité.
Nous aurions pu faire l’économie de telles précisions, mais elles ont le mérite de poser le problème. La loi est faite pour être lue, y compris par les lanceurs d’alerte. Elle en sera d’autant plus claire.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l’amendement n° 312.
Les précisions que l’amendement n° 544 rectifié vise à introduire dans le texte nous semblent inutiles : le code pénal prévoit déjà des peines complémentaires de publicité de l’information.
De même, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse permet l’application de plusieurs dispositions en matière de diffamation.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Avis favorable sur l’amendement n° 312 et avis défavorable sur l’amendement n° 544 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Nous voterons contre ces deux amendements, qui témoignent d’une grande timidité dans la protection des lanceurs d’alerte, d’une peur des dérapages. Pourtant, de votre propre aveu, les dispositifs législatifs permettant d’éviter de telles dérives existent déjà.
On nous dit souvent que la loi est bavarde. En l’occurrence, je ne vois pas du tout l’utilité de ces amendements.
Il s’agit de définir un statut pour les lanceurs d’alerte, et non de prévoir d’emblée des sanctions au cas où ces derniers feraient des choses illégales. Ce n’est pas l’esprit dans lequel nous abordons ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Cela fait plusieurs années que nous peinons à mettre en place ce statut de lanceur d’alerte. Prenons garde ce soir qu’il ne relève de la délation.
Il me semble d’autant plus indispensable de rappeler les responsabilités des lanceurs d’alerte que le temps judiciaire entre une alerte abusive et la réparation peut être extrêmement long.
Comme l’ont très bien rappelé M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, une entreprise victime d’une alerte abusive peut mettre des années à retrouver sa position, voire être conduite à la faillite.
En raison de ce décalage du temps judiciaire, il me paraît indispensable de rappeler les limites de l’exercice, en même temps que la définition.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Il semble qu’une des spécialités de notre pays est de passer d’un extrême à l’autre. Il a fallu des années et des années pour faire reconnaître le scandale de l’amiante. Et maintenant, c’est l’inverse ! Tout le monde va pouvoir lancer des alertes et mettre en danger n’importe qui !
Je ne trouve donc pas complètement stupide de rappeler aux gens qu’ils engagent leur responsabilité en lançant une alerte.
M. Alain Anziani. Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, pourquoi s’acharner contre une disposition, certes, redondante, mais bienvenue ?
Vous ne mesurez pas bien dans quoi nous nous engageons sous prétexte qu’il y a eu de grandes iniquités en sens inverse.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 544 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 544 rectifié est retiré.
L'amendement n° 134 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement, avant toute condamnation, par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupable de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias.
En effet, des réputations peuvent être ruinées pour une longue période par de fausses accusations.
Si le recours aux dispositions du droit commun offre des garanties aux personnes lésées, il nous semble nécessaire, pour les cas les plus urgents, d'apporter des précisions, dans un souci de plus grande rapidité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions en vigueur, qui permettent au juge des référés de prendre toutes les dispositions utiles.
L’article 9-1 du code civil relatif au référé présomption d’innocence dispose : « Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
Mais il existe également un référé concernant l’exercice du droit de réponse et l’atteinte à la vie privée.
Ces trois procédures me semblent à même de vous rassurer. C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, je comprends très bien que cette disposition ne s’intègre pas à votre dispositif sur les lanceurs d’alerte.
Toutefois, pour avoir survécu à ce genre d’épreuve, permettez-moi de vous dire qu’il y a loin de la loi à son application en matière de diffamation ou de respect de la vie privée.
Madame Deromedi, je pense qu’il faudrait probablement reprendre cet amendement dans un autre texte.
Si nous avons droit, un jour, à une deuxième lecture convenable du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, nous pourrons en profiter pour revoir les dispositions relatives à la diffamation et à la protection de la vie privée. Je peux vous assurer que l’on ne se remet pas très facilement de telles épreuves…
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le lanceur d’alerte est une création relativement récente. Nous manquons de recul pour apprécier la manière dont les juges appliquent le dispositif que nous sommes en train de compléter et de renforcer. Mais l’expérience et la crédibilité du rapporteur en matière de droit nous incitent plutôt à suivre ses avis.
Cela étant, je pense que Mme Goulet n’a pas complètement tort lorsqu’elle considère que les magistrats sont parfois un peu frileux s’agissant de la stricte application du droit. Il serait bon, au vu de l’expérience qui sera la nôtre après la mise en œuvre du droit relatif aux lanceurs d’alerte, de préciser la loi en tant que de besoin.
L’objet de l’amendement déposé par Mme Deromedi est simplement d’apporter certaines précisions, de manière à s’assurer que le droit commun sera effectivement appliqué. Il lui a en effet paru pertinent d’aller un peu plus loin et d’être un peu plus précise, pour que le juge soit enclin à l’appliquer strictement.
Sans doute ma collègue va-t-elle prendre la décision de retirer cet amendement. Toutefois, il était bon que nous échangions sur ce sujet.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 134 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 6 A, modifié.
(L'article 6 A est adopté.)
Article 6 B
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-9 ainsi rédigé :
« Art. 122-9. – N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 A de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« La cause d’irresponsabilité pénale définie au premier alinéa n’est pas applicable lorsque la divulgation porte atteinte au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des relations entre un avocat et son client. »
M. le président. L'amendement n° 313, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Conformément à l’esprit qui nous anime, cet amendement vise à ne pas conditionner le bénéfice de l'irresponsabilité pénale au respect des procédures de signalement.
La proposition que nous souhaitons supprimer nous paraît superfétatoire, dans la mesure où elle reprend une disposition déjà inscrite dans le projet de loi.
Votre inspiration, mes chers collègues, est toujours la même : réduire, rétrécir, revenir en arrière, faire en sorte que les lanceurs d’alerte soient les moins nombreux possible et ne fassent pas peur… Pourtant, un jour ou l’autre, ceux-ci pourront nous être très utiles !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est bien évidemment contraire à la position de la commission concernant l’équilibre du dispositif relatif aux lanceurs d’alerte.
Il vise en effet à introduire l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte, même si ceux-ci n’ont pas suivi la procédure prévue par le texte, en adressant leur déclaration au référent, au supérieur hiérarchique ou au chef d’entreprise, la presse ne devant être contactée qu’à la toute fin, et seulement si l’alerte n’a pas eu d’effet. C’est précisément ainsi qu’on se protège des faux lanceurs d’alerte et qu’on protège le lanceur d’alerte lui-même d’une éventuelle mauvaise foi.
Si de nombreux débats en commission ont permis d’imaginer de meilleures rédactions concernant la définition du lanceur d’alerte, tel n’est pas le cas s’agissant de la procédure d’alerte, à laquelle la commission tient beaucoup.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 415 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 204 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux, Lepage et Yonnet, MM. Labazée et Duran, Mme Schillinger, M. Courteau, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute obligation de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie au premier alinéa est réputée nulle.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La nullité de l’obligation de confidentialité, notamment contractuelle, doit être inscrite dans la loi. En effet, son omission laisserait selon nous l’agent public ou le salarié dans une totale incertitude quant à la hiérarchie de ses divers droits et obligations face à l’alerte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à inverser la logique du lanceur d’alerte, qui a vocation à violer un secret professionnel, voire des obligations légales.
En contrepartie, lorsque cette alerte est faite dans l’intérêt général, il bénéficiera non seulement d’une protection pénale contre les éventuels délits ainsi commis, mais également d’une protection dans ses relations de travail. Dès lors, il n’est pas nécessaire de réputer nulle toute obligation de confidentialité, le lanceur d’alerte étant protégé par les éléments que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement pourrait selon moi être dangereuse pour la protection des secrets, en conduisant à une absence totale de confidentialité, même en l’absence d’un lanceur d’alerte.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne suivrai pas M. le rapporteur : j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous raconter une anecdote absolument véridique.
Après l’affaire du Mediator, dans les années 2012-2013, l’APFFAPS a muté en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Alors même que nous venions de voter la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, un salarié de cette nouvelle agence m’a alertée sur le nouveau règlement en cours de rédaction. Il était en effet question de verrouiller complètement les commissions de vigilance relatives au retour d’informations sur les effets néfastes des médicaments.
Heureusement, le directeur de l’agence était à cette époque Dominique Maraninchi, avec lequel j’avais travaillé dans le cadre du Grenelle. Un coup de téléphone a été passé, et les choses se sont arrangées ; le règlement a été modifié. Vous le voyez, les mauvaises habitudes – pas forcément celles d’un président ou d’un directeur, mais celles d’un cadre zélé, avide de tout verrouiller – peuvent revenir très vite.
Cet amendement est donc très utile. Nous le soutiendrons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je veux le répéter, la protection apportée aux lanceurs d’alerte ne nécessite pas d’inscrire dans la loi que toute obligation de confidentialité fait obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie à l’article 6 A. Le lanceur d’alerte pourra en effet violer un secret professionnel, tout en bénéficiant d’une immunité pénale. Parallèlement, dans la mesure où il peut être discriminé, il sera protégé au regard des préjudices qu’il pourrait subir sur son lieu de travail.
Ainsi les dispositions prévues par cet amendement n’apportent-elles rien de plus au statut de lanceur d’alerte, si ce n’est une imperfection dans la loi, en laissant supposer que les mesures dont il est question peuvent être utilisées par des personnes qui ne sont pas des lanceurs d’alerte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 416 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, vous pouvez considérer cette intervention comme un rappel à notre futur règlement, dans la mesure où une réflexion est menée actuellement sur la gouvernance et l’évolution du règlement du Sénat.
En effet, après ce que nous avons vécu la semaine dernière et ce que nous continuons de vivre ce soir, il serait important de réfléchir au nombre de scrutins publics autorisés sur un projet de loi. Ceux-ci devraient pouvoir être mis en œuvre sur les principes fondamentaux du texte, et non pas sur chaque amendement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La situation devient intolérable. Soit il y a une majorité dans cet hémicycle – je me demande d’ailleurs où elle se trouve ce soir –, soit tout cela ne sert à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, l’intervention de M. Daniel Raoul n’est pas un rappel au règlement !
Notre règlement précise en effet que nous pouvons organiser autant de scrutins publics que nous le souhaitons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Daniel Raoul. Cela ne nous a pas échappé !
Mme Catherine Troendlé. Le règlement étant parfaitement respecté, les propos de M. Daniel Raoul ne peuvent entrer dans cette catégorie de prises de parole.
M. le président. Je vous donne acte de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
Article 6 B (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 645, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé.
L'amendement n° 422 est présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
au secret des relations entre un avocat et son client
par les mots :
au secret professionnel de l’avocat
L'amendement n° 92 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 422.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à introduire une modification rédactionnelle.
L’article 6 B se fixe pour objectif d’assurer l’articulation entre l’alerte éthique et les secrets, notamment professionnels, qui sont pénalement protégés. Il tend ainsi à exonérer de responsabilité pénale le lanceur d’alerte ayant émis un signalement répondant aux critères évoqués précédemment, notamment à celui de la bonne foi.
Aussi, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité que les cas relatifs au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des avocats soient expressément exclus de ce dispositif et continuent donc à être opposables aux lanceurs d’alerte.
Nous considérons toutefois que la rédaction actuelle du texte, qui fait référence au « secret des relations entre un avocat et son client », manque de clarté. Cette expression n’est en effet utilisée dans aucun texte de loi. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’y substituer l’expression plus générique de « secret professionnel de l’avocat ».
M. le président. Les amendements identiques no 272 rectifié quinquies, présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau, Roche et Marseille, et n° 487, présenté par M. Pellevat, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 645 et 422 ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 645, présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 422 vise à étendre la protection absolue dont bénéficient les avocats. Or seul le secret des relations entre un avocat et son client est absolument protégé et non pas l’intégralité de l’activité professionnelle d’un avocat, y compris en dehors de ses relations avec un client.
La commission, estimant que le secret des relations entre l’avocat et son client est nettement et amplement indiqué dans le texte, a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 422.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 422 ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 422 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6 B, modifié.
(L'article 6 B est adopté.)
Article additionnel après l'article 6 B
M. le président. L'amendement n° 595, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne qui a tenté de commettre ou commis ce délit est exemptée de poursuites si, ayant averti immédiatement l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause, elle a permis d’éviter toute atteinte ultérieure aux données ou au fonctionnement du système. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Le présent amendement a pour objet de protéger les lanceurs d’alerte qui découvriraient des failles de sécurité informatique.
En effet, l’absence d’une telle disposition dans notre législation conduit à des situations ubuesques, dans lesquelles des lanceurs d’alerte sont condamnés par la justice, alors qu’ils ont non seulement fait la preuve de n’avoir aucune intention de nuire, mais également rendu un service notable aux responsables des systèmes informatiques concernés.
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal sanctionne aujourd'hui tout accès non autorisé à un système de traitement automatisé de données.
Cet amendement vise à prévoir l’immunité pénale pour l’auteur de l’infraction, lorsque celui-ci révèle immédiatement à qui de droit la faille de sécurité découverte et évite ainsi qu’il ne soit porté atteinte au système par ce biais. Bien sûr, il ne s’agit pas de dédouaner un pirate informatique ! Le lanceur d’alerte n’est pas protégé par cette immunité s’il supprime ou modifie les données du système, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 323-1 du code pénal.
Si nous n’adoptons pas cet amendement, les lanceurs d’alerte qui trouveraient des failles de sécurité informatique seraient dissuadés de les signaler, ce qui serait dommageable à la sécurité nationale, en raison de l’augmentation du nombre de failles de sécurité qui ne seraient pas corrigées, car elles ne seraient pas signalées aux responsables des systèmes informatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une disposition introduite par l’Assemblée nationale dans le projet de loi pour une République numérique et supprimée par le Sénat.
S’il était adopté, toute personne qui accèderait frauduleusement et intentionnellement à un système de traitement automatisé de données, ou STAD, afin de supprimer des données ou d’altérer le fonctionnement du système, devrait être exemptée de peine dès lors qu’elle aurait contacté, après son forfait, le responsable du traitement en cause ou l’autorité administrative.
Ce dispositif créerait ainsi une immunité pénale pour tous les hackers, dès lors que ces derniers préviennent une autorité après leur acte. Une telle immunité ne peut qu’encourager le développement des attaques informatiques, puisqu’il suffirait d’un simple courriel pour échapper à toute peine.
Enfin, ce dispositif offrirait une immunité même à ceux qui attaquent un STAD sans succès, du fait d’une sécurité convenable.
La commission est donc radicalement défavorable, si j’ose dire, à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 595.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6 C
I. – Le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur.
En cas de mise en cause des supérieurs hiérarchiques par le signalement ou en l’absence de diligences de l’entité à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, celui-ci peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur, chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes.
En l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai de trois mois, en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être rendu public. La légitimité de la divulgation au public est déterminée en fonction de l’intérêt prépondérant du public à connaître de cette information, du caractère authentique de l’information, des risques de dommages causés par sa publicité et au regard de la motivation de la personne révélant l’information.
II (nouveau). – Le respect de la procédure de signalement est un des éléments constitutifs de la bonne foi, mentionnée à l’article 6 A de la présente loi.
III (nouveau). – Le recours abusif à la procédure de signalement prévue au I du présent article engage la responsabilité civile de son auteur dans les conditions de droit commun.
IV. – Des procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
V. – Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article vise la procédure de remontée des alertes.
Le Sénat prévoit une gradation. Celle-ci a le mérite de présupposer que, dans la majeure partie des cas, le fonctionnement et la communication interne d’une entreprise ou d’une instance sont à même de permettre le traitement du problème.
Toutefois, la loi se doit de prévoir la gestion des exceptions dommageables à l’intérêt public et de protéger les faibles. Lors du débat à l’Assemblée nationale, on a bien senti que le ministère était préoccupé par la résolution législative de récents scandales financiers, dont les victimes ont pu être le budget de la Nation, l’image des institutions bancaires, voire de Bercy, enfin, ce qui est profondément injuste, des individus vertueux ayant rendu publics ces scandales.
La présentation qui a été faite de cette partie du texte, inspirée par les recommandations du rapport du Conseil d’État, témoigne aussi d’une autre ambition : il s’agit d’installer une définition et une procédure compatibles avec tous les types d’alertes. Je remercie au passage la commission des lois d’avoir rétabli un alinéa indispensable de la loi, supprimé un peu hâtivement par l’Assemblée nationale.
Les amendements que j’ai déposés sur cet article visent à prendre en compte les spécificités des alertes d’un type autre que financier, ainsi que leurs exigences propres. Songez, mes chers collègues, au Mediator, aux alertes internes des agences sanitaires, aux risques à la fois imminents et récurrents – je pense aux irradiés de l’hôpital d’Épinal –, et vous comprendrez que, dans certains cas, trois mois, c’est trop long !
Dans le texte qui nous est proposé, le respect de la procédure est constitutif de la bonne foi. Toutefois, et ce sera l’objet de l’amendement n° 381, il faut prévoir tous les cas de figure, notamment la consultation d’associations spécialisées, de type Transparency International ou Les Périphériques vous parlent. Ces associations ne constituent pas un palier de signalement : elles jouent le rôle de consultants.
Enfin, on peut retenir les trois premiers critères de la qualification, dans notre droit de la presse, de la bonne foi, afin de ne pas enfermer celle-ci dans le respect, en toutes circonstances, d’une procédure. Il s’agit, en vertu de l’arrêt du 6 juin 2007, de la légitimité du but poursuivi, de l’absence d’animosité personnelle, ainsi que de la prudence et la mesure dans l’expression.
M. le président. L'amendement n° 589 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Toute personne qui, dans le cadre de ses relations de travail, prend personnellement connaissance de faits susceptibles de constituer un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi et du règlement, a fortiori s’ils présentent le risque de causer un dommage grave, imminent et irréversible, en alerte son supérieur hiérarchique direct ou indirect ou son employeur.
Lorsque l’alerte met en cause un supérieur hiérarchique ou l’employeur, elle est signalée à la personne de confiance désignée par l’employeur chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes. L’alerte n’ayant pas fait l’objet de traitement est adressée à l’Agence de prévention de la corruption ou de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement au-delà du délai de trois mois, sans délai en cas de risque de dommage imminent.
En dernier ressort, au-delà d’un délai de trois mois après le signalement de l’alerte par la voie hiérarchique et interne, à défaut d’avoir fait l’objet d’un traitement, et après avoir été transmise à l’autorité judiciaire selon la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de lancement de l'alerte, dans le cadre des relations de travail.
Il s’agit de préciser la gradation des opérations à mettre en œuvre, pour arriver, in fine, à la révélation au public de l’alerte. L’originalité des dispositions proposées ici tient au nombre réduit des différentes phases, la procédure étant ainsi raccourcie. Par ailleurs, nous faisons référence à la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, ainsi qu’à l’Agence de prévention de la corruption, qui fait l’objet de ce projet de loi.
Telles sont, pour l’essentiel, les modalités proposées au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est une réécriture de la procédure de signalement. Or, chaque fois qu’il s’agira de réécrire l’article 6 C, auquel la commission tient beaucoup, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 314, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – L’alerte peut être portée à la connaissance du référent désigné par l’employeur ou, à défaut, de tout supérieur hiérarchique ou de l’employeur.
En cas de crainte de représailles ou de destruction de preuves, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux instances représentatives du personnel, aux ordres professionnels ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
À défaut de prise en compte par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa ou en cas d’urgence, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Il s’agit d’un amendement d’appel. Si nous sommes persuadés qu’il faut une gradation dans l’alerte, principe retenu dans la plupart des pays, nous nous interrogeons sur la gradation la plus appropriée. En effet, celle qui nous est proposée nous paraît beaucoup trop rigide.
Aux termes de l’article 6 C, « le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. » Ainsi, nous sommes globalement dans le cadre d’une relation de travail. Quid lorsque tel n’est pas le cas, comme le permet l’article 6 A du texte ? Aucune gradation et aucune méthode de transmission de l’alerte ne sont prévues !
Revenons au cas d’une relation de travail, pour lequel la rédaction pourrait être améliorée, bien qu’elle ait déjà été beaucoup travaillée. Si le signalement doit être porté à la connaissance de l’employeur, il faut auparavant passer par un certain nombre de phases. Toutefois, que se passe-t-il si l’employeur est lui-même l’objet de l’alerte ? Il convient de s’adresser à une personne de confiance, laquelle est désignée par l’employeur faisant justement l’objet de l’alerte ! Il y a donc bien là une difficulté.
Le texte précise donc que, « en l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part », on pourra s’adresser à l’autorité judiciaire ou à l’autorité administrative. Que se passera-t-il si l’autorité judiciaire ne témoigne pas d’un certain empressement ou si l’autorité administrative a autre chose à faire ? Telle est pourtant la réalité, aujourd'hui, de notre société.
Certes, dans ce cas, il existe une solution : à défaut de traitement dans un délai de trois mois, le signalement peut être porté à la connaissance du public.
Attention, néanmoins : cela vaut seulement « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles ». Qui en jugera ? Cela revient en quelque sorte à dire aux lanceurs d’alerte : « Lancez l’alerte si vous voulez, mais vous risquez d’en prendre plein la figure ; le mieux est donc que vous restiez chez vous et gardiez le silence ». J’estime qu’il s’agit d’une incitation au secret, plutôt qu’à la révélation des faits incriminables.
Je dois reconnaître que je ne dispose pas vraiment moi-même de la solution et que la rédaction de notre amendement pourrait être améliorée – c’est pourquoi j’ai dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Quoi qu’il en soit, la solution à laquelle nous sommes parvenus sur ce sujet n’est pas bonne. En définitive, celle de l’Assemblée nationale me convient davantage.
M. le président. L'amendement n° 438, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. – L’alerte est préalablement effectuée par voie interne auprès de la personne de confiance désignée par l’employeur, les instances représentatives du personnel, les supérieurs hiérarchiques ou l’employeur lui-même.
En cas d’impossibilité d’emprunter la voie interne ou si aucune suite n’est donnée à l’alerte dans un délai de deux mois, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux ordres professionnels, à un parlementaire ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mes explications vaudront également pour l’amendement n° 439.
La question posée ici est celle de l’articulation entre les différentes procédures de signalement de l’alerte. À l’instar de la formule retenue par la commission de l’Assemblée nationale, nous proposons deux paliers de signalement : un palier interne, au sein de l’entreprise, et un palier externe, en dehors de l’entreprise.
Notre amendement vise à introduire dans les canaux de signalement interne les instances représentatives du personnel, ainsi que l’ensemble des supérieurs hiérarchiques, et non seulement le supérieur hiérarchique direct.
En l’état actuel du texte, l’employeur vis-à-vis duquel le lanceur d’alerte peut entretenir des craintes légitimes de représailles est largement surreprésenté dans la procédure, puisque le signalement de l’alerte peut être porté, au sein de l’entreprise, à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. En cas de mise en cause de l’employeur, le signalement peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur.
Cette première étape du signalement nous semble phagocytée par l’employeur, ce qui pourrait saper l’efficacité de la procédure et de l’ensemble même du dispositif. En permettant au lanceur d’alerte de s’adresser aux instances représentatives du personnel ou à un autre supérieur hiérarchique, nous créerions les conditions d’une protection plus efficace.
Par ailleurs, dans les cas où il n’est pas possible d’emprunter le canal interne, notamment en cas de crainte de représailles, ou dans les cas où aucune suite n’est donnée au signalement, le présent amendement vise à prévoir la possibilité d’un signalement par voie externe.
La liste déjà prévue par le texte comporte l’autorité judiciaire, l’autorité administrative et les ordres professionnels. Nous proposons d’y ajouter le Défenseur des droits, un parlementaire, ainsi que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte.
L’amendement n° 439 est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 438. Il vise, a minima, à donner aux lanceurs d’alerte la possibilité d’effectuer tout signalement auprès des instances représentatives du personnel. Cela nous paraît la moindre des choses, et parfaitement du ressort de ces instances.
Le lanceur d’alerte doit pouvoir trouver une oreille attentive au sein même de son entreprise, en dehors de ses supérieurs. Il doit pouvoir se sentir en confiance et s’adresser à la personne de son choix au sein des instances représentatives du personnel.
Ces deux amendements visent donc à garantir l’efficacité de la procédure de signalement et son caractère protecteur pour les lanceurs d’alerte, dont l’importance du rôle n’est plus à démontrer.
M. le président. L'amendement n° 538 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
éthique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le terme « éthique » me paraît un peu trop vague. Sont en jeu, ici, des infractions ou des manquements graves : il ne s’agit pas d’un simple problème de moralité. L’usage du terme « éthique » revient à poser le problème d’une façon un peu trop générale et à ouvrir la porte à toute forme d’intervention.
M. le président. L'amendement n° 439, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
direct ou indirect,
insérer les mots
des instances représentatives du personnel, lorsqu’elles existent,
Cet amendement a été précédemment défendu,
L'amendement n° 655, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
ou de l'employeur
par les mots :
de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci
II. - Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
auprès d'une personne de confiance désignée
par les mots :
auprès du seul référent désigné
2° Remplacer le mot :
chargée
par le mot :
chargé
III. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
personne de confiance
par les mots :
référent désigné
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise, notamment, à préciser la procédure de signalement. En effet, il tend à permettre aux entreprises de préférer une première médiation du signalement par un référent désigné – cette solution, d’ailleurs, est susceptible de satisfaire un certain nombre de personnes.
À supposer que cette hypothèse ne s’applique pas, cet amendement vise à autoriser que les supérieurs hiérarchiques ne soient pas prévenus du signalement dans deux situations seulement : en l'absence de diligences des supérieurs hiérarchiques à traiter le signalement dans un délai raisonnable, ou dans les cas où ceux-ci seraient mis en cause.
Enfin, cet amendement tend à substituer le terme de « référent » à celui de « personne de confiance ».
M. le président. L'amendement n° 380, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si le risque imminent, le délit ou le danger sont du fait d’un supérieur hiérarchique, le lanceur d’alerte peut s’adresser directement aux instances publiques ou au défenseur des droits.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le présent texte est destiné à protéger l’exception ; chacun, ici, s’entend à préférer que les systèmes ne dysfonctionnent pas, qu’il n’existe pas de comportements indélicats et que, en cas de signalement d’une alerte, la chaîne hiérarchique entende, diagnostique, puis traite le problème.
Ce projet de loi a vocation à protéger le lanceur d’alerte, voire le lanceur d’alerte non entendu. Présumant le système vertueux, ses auteurs invitent l’auteur du signalement à respecter les différents paliers de la procédure, au rang desquels est d’ailleurs inscrit le Défenseur des droits.
L’objet de cet amendement est de proposer une gestion du pire, à savoir du cas où le désordre est causé par une personne en position hiérarchique de receveur d’alerte. Le lanceur d’alerte doit alors pouvoir « sauter » cette étape. Une autre situation devrait justifier l’alerte directe aux instances publiques : celle du risque imminent ou du danger.
À titre d’exemple, prenons le cas, qui s’est posé dans les années 2000, des prothèses PIP, emplies d’un gel inapproprié : une salariée qui s’en serait émue auprès du supérieur qui s’est depuis rendu célèbre aurait risqué le pire, le projet de loi Sapin II n’étant pas voté. Néanmoins, il n’est pas certain que le texte actuel, qui dresse une liste de destinataires d’alertes à suivre dans l’ordre chronologique, aurait d’emblée protégé ladite salariée, laquelle n’aurait pas pu respecter la chronologie prévue.
M. le président. L'amendement n° 381, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou un professionnel ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Sur l’initiative d’ONG internationales spécialisées dans l’alerte, une journée d’étude en droit comparé a été organisée à l’université Paris-Descartes le 10 juin dernier.
La confrontation des environnements juridiques de l’alerte aux États-Unis d’Amérique, au Canada, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et en Russie a permis de relever un point commun : le lanceur d’alerte a souvent besoin de conseil et d’appui pour objectiver sa démarche, rassembler ses observations, les mettre en forme, rester dans le rationnel, ne pas tomber dans la calomnie, s’entourer.
Des associations font ce travail de conseil. Il est donc nécessaire que le lanceur d’alerte puisse recourir à leurs services. Je précise qu’il ne s’agit pas d’en faire un palier nécessaire, mais de reconnaître leur rôle de conseil, afin d’éviter l’isolement du lanceur d’alerte.
M. le président. L'amendement n° 382, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le signalement peut être rendu public à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai raisonnable, ou en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le principe de cette proposition avait été adopté à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et pluralisme des médias. Ce vote avait été complété, au Sénat, par celui d’un amendement du Gouvernement, Mme Azoulay ayant proposé, à juste titre, que des peines d’enfermement et d’amende soient appliquées dans les cas de dénonciation calomnieuse. Tout cela a néanmoins disparu, la commission mixte paritaire sur ce texte ayant échoué.
Pourtant, il s’agissait d’un point consensuel. L’amendement n° 382 vise à réintroduire cette disposition dans le présent texte, l’expression publique du signalement pouvant se justifier en cas d’absence de traitement.
En outre, si un délai de trois mois nous semble approprié en cas de dénonciation d’un scandale financier, nous proposons malgré tout de lui substituer la mention d’un délai « raisonnable », afin de couvrir des cas où il est nécessaire d’agir plus vite : émanation toxique, présence d’un mélange inadéquat dans un processus de fabrication ou, plus généralement, « danger grave et imminent », circonstance mise en avant par le Conseil d’État dans son étude Le Droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, adoptée en février 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 314 de notre collègue Alain Anziani est peut-être le plus fondamental, puisqu’il vise à réécrire le dispositif du signalement de l’alerte dans un sens contraire à la position défendue par la commission. Or cette dernière est très attachée à sa position.
Cher collègue, je comprends vos préoccupations. Je vous demande toutefois de bien vouloir retirer votre amendement : je pense que la liste d’acteurs que vous proposez est inadaptée.
J’évoquerai ce seul point : pourquoi un signalement devrait-il être adressé à une association ? De quel pouvoir est dotée l’association pour arrêter le délit ou le crime ? Aucun, bien entendu. Tout lanceur d’alerte peut évidemment s’adresser à une association, mais une communication à une association ne saurait en aucun cas être considérée comme une étape « normale » de la procédure de signalement. En outre, une association n’est pas habilitée à connaître un secret protégé par la loi.
Enfin – vous avez pu constater, cher collègue, que ce point risquait de faire problème dans la suite du débat –, cet amendement tend à replacer le Défenseur des droits, à son corps défendant, ainsi que les instances représentatives du personnel, au même rang que l’autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Au bénéfice de la modération de mes propos, peut-être M. Anziani acceptera-t-il de le retirer.
Madame Assassi, vous proposez, avec l’amendement n° 438, une réécriture du dispositif du signalement de l’alerte.
En vertu de cette réécriture, l’information devrait d’abord être transmise soit à l’employeur, soit aux instances représentatives du personnel, soit à la « personne de confiance ». Cette hiérarchie du signalement me semble inappropriée – j’ai déjà expliqué la position de la commission concernant les instances représentatives du personnel. Mon avis est donc défavorable sur cet amendement.
Monsieur Collombat, avec l’amendement n° 538 rectifié, vous proposez de supprimer le terme « éthique ». La commission a considéré qu’il n’était en effet sans doute pas nécessaire de le maintenir, et cela quand bien même l’éthique doit bel et bien constituer un élément majeur dans la motivation et la décision du lanceur d’alerte. La commission émet donc un avis favorable.
L’amendement n° 439 vise à réintroduire le rôle des instances représentatives du personnel dans la procédure de signalement. Celles-ci ne sont pourtant pas des autorités administratives ou judiciaires aptes, comme telles, à juger de la véracité ou de la fausseté du signalement.
Par ailleurs, après tout, cela n’empêche en rien les instances représentatives du personnel d’œuvrer à la mise en place d’une procédure interne de signalement : elles sont ainsi parfaitement dans leur rôle. Mais il s’agit d’un problème distinct. Pour cette seule raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Blandin, avec l’amendement n° 380, vous conditionnez la possibilité de s’adresser aux instances publiques ou au Défenseur des droits aux seuls cas de « risque imminent ». En définitive, votre rédaction est extrêmement restrictive ; elle est donc contraire à la vision plus large qui est celle de la commission. Mon avis est donc défavorable.
Il est défavorable également pour l’amendement n° 381 : chère collègue, vous intégrez deux nouveaux acteurs dans la procédure, dont le premier, « un professionnel », me paraît excessivement large.
Quant à l’amendement n° 382, il vise à remplacer le délai de trois mois par un délai « raisonnable ». Qu’est-ce qu’un délai « raisonnable » ? Trois mois peuvent paraître en effet trop longs ; néanmoins, la notion de « délai raisonnable » me semble trop sujette à des jurisprudences parfois diverses et évolutives…
En outre, ce délai de trois mois n’a pas été choisi au hasard : il s’agit du délai d’attente nécessaire, à compter du dépôt d’une plainte devant le procureur de la République, à partir duquel il devient possible, en l’absence de réponse, de saisir le juge d’instruction. Ce choix relève donc d’une certaine cohérence. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Anziani, votre proposition est intéressante, mais, comme vous le disiez vous-même, elle pose des problèmes de rédaction. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 314.
En ce qui concerne l’amendement n° 438, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qui ont été invoquées par M. le rapporteur.
S'agissant de l’amendement n° 538 rectifié de M. Collombat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l’amendement n° 439, le Gouvernement émet le même avis que la commission, à savoir un avis défavorable.
Il est en revanche favorable à l’amendement n° 655 de la commission.
Enfin, pour les mêmes raisons que la commission, il émet un avis défavorable sur les amendements nos 380, 381 et 382.
M. le président. Monsieur Anziani, l'amendement n° 314 est-il maintenu ?
M. Alain Anziani. Non, je le retire, monsieur le président, même si je souhaite que nous réfléchissions à une meilleure rédaction.
M. le président. L'amendement n° 314 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 438.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupables de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. En cas de signalement d'une alerte éthique, il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias. En effet, des réputations peuvent être ruinées pour une longue période par de fausses accusations.
Certes, le recours aux dispositions de droit commun offre des garanties aux personnes lésées, mais il nous a paru nécessaire d’y apporter des précisions, au nom de la rapidité des décisions dans les cas les plus urgents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Chère collègue, je vous demande d’appliquer l’excellente jurisprudence que vous avez constituée précédemment en retirant l’amendement n° 134 rectifié ter, dont l’objet était très proche de celui du présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Deromedi, l'amendement n° 135 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 135 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 383, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
de plus de 10 000 habitants
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Vous conviendrez, mes chers collègues, que les modalités du signalement d’une alerte ne peuvent être fonction de la taille de la commune concernée. À ce jour, environ 33 500 communes ont moins de 3 500 habitants, et seules 900 communes sont au-dessus du seuil envisagé de 10 000 habitants.
Les procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres du personnel ou les collaborateurs des communes doivent pouvoir être accessibles facilement, partout sur le territoire. Le Sénat a coutume de défendre l’allégement des contraintes pour les collectivités ; mais, en l’occurrence, il ne s’agit vraiment pas d’une contrainte : nous ne demandons pas aux communes d’installer une instance, mais de tenir un registre et d’en informer le public. Cela ne coûte rien et cela permet à chacun de se faire entendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Mme Blandin ne sera pas étonnée que la commission émette un avis défavorable. Dans le département du Cher, certaines communes comptent vingt ou trente habitants. Supprimer purement et simplement le seuil de 10 000 habitants reviendrait à leur imposer ce type de procédure !
Au moment où les maires, lors de toutes leurs assemblées générales, se plaignent de façon quasi systématique de l’explosion des normes, il me paraît excessif d’instaurer celle-ci, alors même qu’elle n’aura pas beaucoup d’importance dans les petites communes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je comprends les propos de M. le rapporteur, mais les remarques de Mme Blandin ne sont pas sans fondement. En effet, un certain nombre de très petites communes ont sur leur territoire des sites classés Seveso, par exemple, ce qui peut poser des difficultés.
Certes, monsieur Pillet, il est important de maintenir un seuil, et il ne faut pas alourdir le travail des maires. Je suivrai donc l’avis de la commission en ce qui concerne le vote de l’amendement. Néanmoins, il n’est pas absurde de considérer que des communes de moins de 10 000 habitants peuvent rencontrer des problèmes de ce genre.
M. le président. L'amendement n° 384, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action tel que défini à l’article 6 A de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ne me faisant aucune illusion au sujet du sort qui sera réservé à cet amendement, dont la rédaction comprend d'ailleurs une coquille, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 384 est retiré.
Je mets aux voix l'article 6 C, modifié.
(L'article 6 C est adopté.)
Article 6 D
I. – Les procédures et les outils informatiques mis en œuvre pour recueillir les signalements, dans les conditions mentionnées à l’article 6 C, garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci.
Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués qu’en cas de renvoi de la personne concernée devant une juridiction de jugement.
II. – Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
M. le président. L'amendement n° 656, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et les outils informatiques
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié ter, présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Cayeux, M. Laménie, Mmes Gruny et Duchêne et MM. Pellevat et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le caractère fondé de l’alerte est établi par l’autorité judiciaire ou administrative compétente, dans le respect de l’obligation de confidentialité et des règles procédurales en vigueur.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de transmission de l’alerte entre la personne l’ayant recueilli et l’autorité publique compétente pour en vérifier le caractère fondé.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet de parfaire le dispositif adopté à l’Assemblée nationale pour garantir le respect des droits de la défense et éviter l’instrumentalisation du dispositif du lanceur d’alerte.
Le traitement de l’alerte a pour principal objet d’en vérifier le bien-fondé et, lorsque cela est vérifié, d’engager les procédures judiciaires – pénales ou civiles – ou administratives nécessaires afin de faire cesser ou de sanctionner le comportement grave ainsi mis en évidence. La vérification du bien-fondé de l’alerte est donc une phase essentielle du processus de traitement d’une alerte, afin de ne pas mettre en cause, à tort, une personne physique ou morale.
La procédure de traitement de l’alerte prévoit, dans ce sens, l’obligation de confidentialité. Cependant, bien que cette obligation soit nécessaire, elle n’est pas suffisante pour garantir un respect strict des droits de la défense et des libertés individuelles.
Afin d’assurer la légitimité du dispositif de lanceur d’alerte, il est nécessaire que le processus de vérification du bien-fondé de l’alerte soit formellement encadré, pour éviter toute dérive et instrumentalisation du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission partage, depuis le début, le souci des auteurs de cet amendement. Il s’agit ici de rappeler que le caractère fondé de l’alerte est établi par l’autorité judiciaire ou par l’autorité administrative. C’est un rappel évident !
Néanmoins, il ne me semble pas approprié d’insérer cette précision au sein de l’article qui définit la procédure graduée. En effet, nul n’est compétent a priori, pas même l’autorité judiciaire, pour apprécier le caractère fondé ou non de l’alerte. Seule une juridiction, à l’occasion d’un litige particulier, pourrait retenir ou non le motif de défense invoqué, fondé sur le signalement de l’alerte. C’est alors un argument de défense.
Il n’existe pas de statut a priori du lanceur d’alerte. Il n’y a qu’une protection pénale et une protection disciplinaire ou contractuelle dans le cadre du contrat de travail. Aussi, l’insertion de cet amendement reviendrait à affirmer qu’il est possible de déterminer a priori le bien-fondé de l’alerte, ce qui n’est évidemment pas concevable – je suis sûr que vous en conviendrez, monsieur Vasselle.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 30 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Comme M. le rapporteur est un expert sur ces sujets, ce qui n’est pas mon cas, je me plierai à sa demande.
Je me permets néanmoins de faire remarquer que l’objet de cet amendement, qui semble poser quelques difficultés, était bien de veiller à ce que l’alerte lancée par le lanceur d’alerte soit appréciée par la justice quant à son bien-fondé. Tel était notre souci. En effet, l’article n’évoque pas du tout le bien-fondé de l’alerte lancée par le lanceur d’alerte.
La commission estime que les autres dispositions du droit permettent de prendre en considération ce point. Le lanceur d’alerte n’ayant pas de statut, M. le rapporteur s’appuie sur cet argument pour affirmer que le caractère fondé de l’alerte n’a pas à être apprécié par un magistrat. Cela me surprend, mais, comme M. Pillet est un spécialiste du droit, je m’en remets à son expertise. Je reste malgré tout interrogatif et je me demande s’il n’y aura pas lieu, le moment venu, au vu de la jurisprudence, de prévoir de nouvelles dispositions.
En attendant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 6 D, modifié.
(L'article 6 D est adopté.)
Article 6 E
L’article L. 1132-3-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte éthique dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou une alerte éthique, dans le respect des dispositions précitées, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. »
M. le président. L'amendement n° 440, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de révocation, de licenciement ou de non-renouvellement de contrat faisant suite à une alerte de bonne foi, la nullité emporte la réintégration de l’agent public ou du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d’ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral du préjudice qui en résulte.
« Ce dédommagement est assuré par l’employeur, public ou privé, mis en défaut et fixé par l’autorité judiciaire compétente.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. L’article 6 E entend protéger les lanceurs d’alerte contre les éventuelles mesures de représailles, notamment dans le milieu professionnel. Et nous savons tous à quel point cela peut être compliqué.
Les risques sont hors normes. D’un point de vue professionnel, le signalement est loin d’être anodin, et des mesures de représailles peuvent être prises par l’entreprise à l’égard du lanceur d’alerte. C’est malheureusement une réalité !
En l’état, la protection à l’égard des représailles doit être consolidée, la mouture actuelle du projet de loi ne prévoyant aucune règle en cas de licenciement ou de mesure disciplinaire injustifiée.
Cet amendement tend d’abord à prévoir qu’en cas de licenciement, de révocation ou de non-renouvellement de contrat faisant suite à une alerte, la décision disciplinaire prise est frappée de nullité, ce qui entraînera la réintégration ou le dédommagement intégral du préjudice qui en résulte. Il vise ensuite à préciser que le dédommagement du préjudice est assuré par l’employeur mis en défaut, qu’il soit public ou privé. Ce dédommagement est bien entendu fixé par l’autorité judiciaire compétente.
Comme M. le rapporteur, qui a souhaité supprimer l’article 6 F en commission, nous considérons qu’il n’est pas forcément du ressort du Défenseur des droits de financer les frais de procédure, ainsi que la réparation des dommages moraux et financiers des lanceurs d’alerte.
C’est pourquoi nous proposons une solution de rechange, pour le moins logique, en prévoyant d’attribuer ce rôle aux principaux concernés, fautifs de tels dommages. De nouveau, il s’agit d’un amendement de bon sens et de justice, dont l’adoption doit permettre d’améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les dispositions de cet amendement vont tout à fait dans le sens des propositions de la commission, qui estime, par exemple, que le conseil de prud’hommes fera mieux le travail que le Défenseur des droits.
Toutefois, il vise à entrer dans le détail du droit à la réintégration. De telles dispositions sont redondantes avec le droit commun de la justice administrative et prud’homale sur cette question, me semble-t-il. Je suggère de laisser au juge son plein pouvoir de réintégrer ou non ; à lui de déterminer dans quelles conditions tout cela se fera.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 583 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Supprimer le mot :
éthique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a été défendu et même d’une certaine façon adopté, monsieur le président, puisque le mot « éthique » a déjà été supprimé précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 657, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :
a) Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;
b) Les mots : « ou d’une situation de conflit d’intérêts » sont remplacés par les mots : « , d’une situation de conflits d’intérêts ou d’un signalement constitutif d’une alerte au sens de l’article 6 A de la loi précitée ».
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à appliquer aux fonctionnaires la protection des lanceurs d'alerte, prévue par le texte de la commission, contre toute mesure discriminatoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement partage tout à fait l’objectif de la commission.
Pour autant, sauf erreur de ma part, cet amendement est d’ores et déjà satisfait par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Dans un souci de stabilité du droit, il ne serait pas de bonne législation de modifier encore des dispositions législatives.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 657 est-il maintenu ?
M. François Pillet, rapporteur. En fait, il s’agit ici d’intégrer la notion de violation grave des lois et règlements. Cette violation ne figure pas dans le texte évoqué par M. le ministre.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je formulerai deux remarques.
Tout d’abord, l’intervention de M. le rapporteur laisse à penser que nous n’aurions pas été suffisamment attentifs lors de la rédaction du texte relatif à la déontologie des fonctionnaires, puisque nous avons omis d’y intégrer le terme « violation ». (M. le rapporteur le conteste.) M. le rapporteur fait un signe de dénégation : il m’expliquera pourquoi !
Par ailleurs, je m’interroge sur la nécessité de prévoir une disposition spécifique pour les fonctionnaires. J’avais la naïveté de penser que, à partir du moment où le droit commun vise toute personne, cela comprend à la fois ceux qui travaillent dans les entreprises privées et les fonctionnaires. La loi sur la déontologie des fonctionnaires est-elle incomplète, comme l’a souligné M. le rapporteur ?
Quoi qu’il en soit, le droit commun devrait s’appliquer invariablement à tous. Il n’y a pas deux catégories de Français !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Monsieur Vasselle, les fonctionnaires ne sont pas soumis au code du travail.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. François Pillet, rapporteur. Telle est la raison d’être de cet amendement. Cela ne remet nullement en cause le travail réalisé précédemment, qui ne prenait pas en compte l’hypothèse des lanceurs d’alerte.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 E, modifié.
(L'article 6 E est adopté.)
Article 6 FA
(Non modifié)
Après l’article L. 911-1 du code de justice administrative, il est inséré un article L. 911-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 911-1-1. – Lorsqu’il est fait application de l’article L. 911-1, la juridiction peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation en méconnaissance du I de l’article 6 E de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, y compris lorsque cette personne était liée par une relation à durée déterminée avec la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 68 amendements au cours de la journée ; il en reste 528.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe UDI-UC a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Anne-Catherine Loisier membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de Mme Valérie Létard, démissionnaire.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 5 juillet 2016, à quatorze heures trente et à vingt et une heures :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 691, 2015-2016) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (n° 683 rectifié, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 712, tomes I et II, 2015-2016) ;
Textes de la commission (nos 713 et 714, 2015-2016) ;
Avis de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 707, 2015-2016) ;
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 710, 2015-2016).
Par ailleurs, je vous informe que la séance de l’après-midi sera suspendue à dix-neuf heures, compte tenu de la réunion, ouverte à tous les sénateurs, de la commission des affaires européennes, pour l’audition de M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers. La séance reprendra à vingt et une heures.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 5 juillet 2016, à zéro heure cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD