Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 145 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Ajouter les instances représentatives du personnel est une initiative intéressante en ce sens que celles-ci ont aussi le souci de l’entreprise et de son devenir. Elles ne s’embarqueront donc pas dans une aventure qui serait incertaine en lançant de fausses alertes, qui risqueraient de mettre l’entreprise en difficulté pour rien.
Adopter cet amendement constituerait un progrès.
Mme la présidente. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Vincent et Yung, est ainsi libellé :
Alinéa 2, au début
Insérer les mots :
En cas de mise en cause des supérieurs hiérarchiques, de l’employeur ou du référent par le signalement,
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement va dans le même sens, mais la solution proposée est un peu différente. Nous nous intéressons en effet à la question de la procédure d’alerte elle-même, qui, selon nous, n’a pas été suffisamment approfondie.
Il s’agit donc de rendre possible la saisine directe du Défenseur des droits par le lanceur d’alerte, lorsque la hiérarchie ou l’employeur de celui-ci sont mis en cause par le signalement.
Cette possibilité ne figure pas dans la version actuelle du texte. Il est prévu que le signalement doit être porté dans un premier temps à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou d’un référent. On imagine bien ce que cela peut donner dans certains cas : je pense à la fraude fiscale chez UBS, à la fraude écologique chez Volkswagen, ou encore à l’optimisation fiscale des multinationales au Luxembourg. Cela fragilise le dispositif des lanceurs d’alerte.
C’est la raison pour laquelle nous proposons cette disposition, condition indispensable à l’efficacité du système.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 154 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand et Castelli, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Au début, insérer les mots :
En cas de mise en cause des supérieurs hiérarchiques par le signalement ou
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 111.
Mme Marie-Christine Blandin. En l’état, le texte ne prévoit pas les cas où sont mis en cause les supérieurs hiérarchiques. Or il serait absurde de dire que cette circonstance n’existe jamais. C’est pourquoi nous souhaitons l’ajouter.
Le Défenseur des droits ne saurait augmenter à l’infini son champ de compétences pour des tâches qui ne relèvent pas de celles-ci. Monsieur le rapporteur, au sein de l’article 1er de la proposition de loi organique que nous étudierons à l’issue de l’examen du présent projet de loi a été ajouté à l’article 10 de loi organique relative au Défenseur des droits l’alinéa suivant : « Il ne peut ni être saisi ni se saisir, au titre de ses compétences mentionnées au 5° du même article 4, des différends qui ne relèvent pas des situations prévues par la loi. » En apportant cette précision toutefois, vous obligez le législateur à être exhaustif sur les cas potentiels de saisines qu’il mentionne dans la loi ordinaire.
Or il existe une circonstance – heureusement, elle est rare ! – dans laquelle le supérieur hiérarchique par ses choix est initiateur et acteur du risque ou du danger : ce fut le cas des prothèses PIP. La restriction apportée dans la loi organique oblige donc à faire figurer dans la loi ordinaire ce cas. Faute de quoi, un scandale comme celui des prothèses PIP, avec de jeunes ouvrières n’osant pas parler par crainte d’un licenciement, se reproduirait, car ce type d’alerte, pourtant fondé, grave et d’intérêt public serait par votre texte condamné au silence.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 154 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, au début
Insérer les mots :
En dehors des relations de travail ou
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Pierre-Yves Collombat a déposé à l'article 6 A un amendement tendant à préciser la définition du lanceur d’alerte, pour lutter contre les rumeurs et une espèce de pandémie d’alertes. Il s’agissait de proposer un cadre strict, limité au monde du travail, avançant à juste titre qu’il fallait protéger les salariés des pressions potentielles.
Le présent amendement ne va pas dans ce sens. Il vise la circonstance où une alerte est issue de l’extérieur, c’est-à-dire en dehors des relations de travail. C’est l’indignation et la solidarité de nos concitoyens qui ont conduit à un texte qui protège mieux les lanceurs d’alerte dans le domaine de la finance dévoyée, avec l’aide de journalistes et de quelques émissions d’investigation salutaires.
C’est le bon sens légistique qui a permis de saisir cette occasion pour forger un socle commun de protection des lanceurs d’alerte et harmoniser en les fusionnant des mesures éparses et imparfaites.
À ce stade, ce travail méconnaît les particularités de l’alerte sanitaire. Pourtant, dans son rapport, le Conseil d’État est clair, affirmant son souhait que « soit étendue l’alerte à des personnes extérieures à la relation de travail ».
Je partage le souci de nos collègues d’encadrer la démarche, de ne pas susciter des vocations, de résister sans faille à une culture de la délation. Reste qu’on ne peut fermer la porte à certains cas dans lesquels étouffer l’alerte serait coupable
Je citerai trois exemples pour vous convaincre.
Premier exemple, une mère d’élève a lancé l’alerte en raison d’un nombre anormal de cancers pédiatriques observé dans une école bâtie sur un site contaminé, à Vincennes.
Mme Catherine Procaccia. Je vais en parler !
Mme Marie-Christine Blandin. Elle n’a pas été licenciée, mais a été traînée en justice, et la justice n’a pas accepté d’aller plus loin. Cet exemple, même s’il vous fait réagir, madame Procaccia, est significatif : il peut exister des alertes extérieures.
Deuxième exemple, des pêcheurs donnent l’alerte sur une mortalité brutale des poissons en aval d’une zone industrielle, à la suite d’une erreur de direction des eaux de nettoyage des cuves.
Troisième exemple, des sous-traitants du démontage de l’usine Georges-Besse-Eurodif I lancent l’alerte sur la présence massive d’amiante autour des cuves non envisagée lors de l’évaluation et de la planification des travaux. (M. le rapporteur s’exclame.)
Dans ces trois cas, les lanceurs d’alerte ont vu leur quotidien basculer : procès en diffamation, subvention à la société de pêche supprimée, menaces sur l’emploi. Vous le constatez, les lanceurs d’alerte extérieurs peuvent aussi subir des revers. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Richard Yung applaudit également.)
Mme la présidente. L'amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand et Castelli, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ou aux organisations syndicales représentatives
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’adoption des amendements nos 70, 112 et 145 rectifié, qui portent sur le même sujet, aurait pour conséquence de mettre sur le même plan le supérieur hiérarchique et les instances représentatives du personnel. Je ne crois pas que cette absence de hiérarchie du signalement soit appropriée.
En outre, quelle serait la compétence de l’instance représentative du personnel pour traiter de l’alerte ou attester de la véracité d’un signalement ? A-t-elle une immunité pour violer des secrets protégés par la loi ? Certainement pas !
La procédure de signalement doit permettre une sélection, un tri entre les signalements utiles et les dénonciations abusives ou infondées. Le supérieur hiérarchique, puis l’autorité judiciaire, par exemple, me semblent des acteurs plus appropriés à cette procédure.
La procédure de signalement retenue par la commission des lois, qui a très légèrement modifié la procédure retenue par l’Assemblée nationale, n’empêche en rien la personne de se confier aux délégués du personnel en cas de danger grave et imminent. Elle n’enlève rien au droit existant, qui se justifie pleinement en raison des compétences des instances représentatives du personnel en droit du travail.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
L’amendement n° 122 rectifié relatif à la saisine immédiate du Défenseur des droits en cas de mise en cause des employeurs est contraire à la position de la commission.
J’ai peur qu’il y ait un malentendu. Aucune saisine du Défenseur des droits n’est prévue dans le dispositif de signalement de l’alerte, même dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Le Défenseur des droits l’a assez répété en audition et de façon publique : il ne se considère pas comme une agence de traitement des alertes. Seules l’autorité judiciaire et certaines autorités administratives peuvent enquêter, vérifier et traiter un signalement.
Dès lors, on ne peut envisager une saisine immédiate du Défenseur des droits, puisque le texte de la commission ne prévoit pas l’intervention de ce dernier.
Sur le fond, le paragraphe I bis A de l'article 6 C prévoit d’ores et déjà la possibilité d’éviter une dénonciation auprès de l’employeur.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quant aux amendements identiques nos 111 et 154 rectifié, il s’agit là encore d’un malentendu, aucune saisine du Défenseur des droits n’étant prévue dans le dispositif du signalement d’alerte. La commission y est donc défavorable, pour les mêmes raisons.
Elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 115. Comme je l’ai indiqué ce matin, être lanceur d’alerte correspond non pas à un statut, une récompense, un trophée, mais à une protection. Il s’agit non seulement de protéger les lanceurs d’alerte contre les discriminations dont ils pourraient faire l’objet de la part de leur employeur, mais également de leur garantir une protection pénale eu égard aux secrets professionnels qu’ils auraient pu ou pourraient violer.
Or une personne qui révèle à l’autorité judiciaire ou administrative des faits n’étant pas couverts par le secret professionnel puisqu’elle n’en a pas pris connaissance dans le cadre d’une relation de travail n’a pas besoin de suivre la procédure de signalement. Elle ne risque rien sur le plan pénal. Comme tout citoyen, elle peut écrire au procureur de la République et porter ces faits à sa connaissance.
La loi doit être normative et protéger ceux qui ont besoin de protection. Il n’y a pas lieu en l’occurrence de « normer » la procédure de signalement des citoyens témoignant d’un fait. Il faut protéger ceux qui commettent un délit, qui violent le secret professionnel pour de bonnes raisons, définies limitativement par la loi.
Pour les mêmes motifs que précédemment, la commission est défavorable à l’amendement n° 147 rectifié, qui vise à associer les organisations syndicales représentatives du personnel au dispositif de signalement.
Au risque de me répéter, de quelle compétence une organisation syndicale dispose-t-elle pour traiter une alerte ou attester de la véracité d’un signalement ? Elle n’a pas d’immunité pour violer les secrets protégés par la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Clarifions un peu les choses.
Le premier paragraphe de l’article 6 C est clair : « Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci. » C’est là la manière normale de procéder.
Le deuxième paragraphe du même article, qui retient l’attention de tous, est ainsi rédigé : « En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte […] à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. »
Ces trois autorités ont en effet la capacité d’agir, contrairement aux organisations syndicales représentatives. Je dis cela non par méfiance à l’égard d’organisations syndicales ou d’organes représentatifs au sein de l’entreprise, mais parce que la disposition qui nous est proposée n’apporterait rien de plus en termes d’efficacité.
C’est la raison pour laquelle, madame la présidente, à l’instar de la commission, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur tous les amendements visant à introduire d’une manière ou d’une autre les organisations syndicales ou représentatives du personnel dans le mécanisme de signalement d’une alerte.
Les amendements nos 122 rectifié, 111 et 154 rectifié, même s’ils ne sont pas tous identiques, vont dans le même sens. J’avoue que je n’ai pas bien compris pourquoi il était question du Défenseur des droits dans l’objet des deux premiers. Le rôle de ce dernier est non pas d’agir, mais de protéger.
Cela étant dit, je ne suis pas opposé au fait de prévoir que, en cas de mise en cause du supérieur hiérarchique ou de l’employeur, il soit possible de saisir l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou les ordres professionnels.
Laissons de côté le Défenseur des droits, ainsi que les organisations syndicales ou représentatives du personnel, qui n’ont pas la capacité d’agir.
Le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos 111 et 154 rectifié, au profit de l’amendement n° 122 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. M. le rapporteur s’honore de suivre les avis de la commission, c’est à se demander à quoi nous servons ! Nous pouvons enregistrer ces avis sans discussion.
Le problème de fond est de permettre à un lanceur d’alerte de faire part d’une inquiétude ou d’un danger, sans pour autant que n’importe qui puisse se déclarer lanceur d’alerte et semer la pagaille dans une entreprise, au point d’y provoquer des désordres graves. Nous tâtonnons, nous nous interrogeons : tel ou tel a-t-il la capacité d’agir ? Nous improvisons un peu…
Certes, le signalement d’une alerte doit d’abord être porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou de son référent. Mais lorsque des faits dangereux se produisent, il est fort probable qu’ils ne soient pas survenus par inadvertance, qu’on les ait au moins laissé se produire. Il faut dans ce cas faire appel à l’extérieur, à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. À cet égard, les ordres professionnels ont-ils, eux, la capacité d’agir ?
Prévoir qu’il sera possible, après avoir alerté la hiérarchie et avant d’aller en justice, de s’adresser aux organisations professionnelles représentatives du personnel, c’est permettre de faire appel à des gens à la fois soucieux de l’intérêt de l’entreprise et ne craignant pas de dénoncer des situations dangereuses. Tel est l’intérêt d’introduire les organismes professionnels dans la procédure de signalement.
Si je peux comprendre qu’un avis défavorable ait été émis sur l’amendement n°145 rectifié, je dois dire que je comprends moins que tel soit le cas également sur l’amendement n° 147 rectifié. Je ne comprends pas les refus qui nous sont opposés.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Je trouve la position du Gouvernement et de la commission bien timorée sur ce sujet.
Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas faire preuve de méfiance à l’égard des syndicats – je veux bien vous croire –, mais que ces derniers n’ont pas la capacité d’agir et qu’il s’agit aujourd'hui d’être efficace. Or les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent agir : ils protègent les salariés, mais ils évitent également des dérapages en faisant valoir l’intérêt de l’entreprise. Par définition, le collectif permet d’empêcher les dérapages, les préoccupations étant partagées.
Monsieur le rapporteur, vous dites que les syndicats n’ont pas l’expertise nécessaire. Or nos représentants du personnel et nos organisations syndicales ont une sacrée expertise, reconnue par la loi : ils participent aux comités d’entreprise, donnent des avis sur les plans sociaux et maîtrisent parfaitement les mécanismes de l’entreprise. Ils pourraient d’ailleurs en l’occurrence se révéler contre-productifs, un syndicat pouvant faire taire l’un de ses adhérents au motif qu’il mettrait l’emploi en danger.
Il n’y a pas de solution miracle, mais l’argument selon lequel les syndicats et les organisations représentatives du personnel n’auraient ni expertise ni utilité me semble un peu limité.
Nous soutenons bien sûr l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Au-delà de la qualification de l’alerte, de l’apaisement de l’émotif au profit du rationnel, il est vrai que les syndicats agissent, comme l’a indiqué M. Abate : par exemple, ils valident l’organigramme, les postes de travail.
Ainsi, lorsqu’on s’est aperçu que les quatre éthers de glycol les plus dangereux n’étaient toujours pas interdits dans les processus d’élaboration, on a recommandé à toutes les entreprises de tenir les femmes en âge de procréer éloignées de ces postes de contamination. Les syndicats sont vigilants sur cette question et ont un rôle à jouer, même s’ils ne sont pas décisionnaires, dès lors qu’ils sont informés d’une alerte.
Par ailleurs, je rappelle que le groupe du RDSE avait déposé un amendement à la loi de 2013 visant à permettre aux lanceurs d’alertes de saisir le Défenseur des droits, mais que cet amendement avait été repoussé. Il aura fallu trois ans au Gouvernement pour s’y mettre, très bien !
Le Défenseur des droits ne serait en aucun cas une personne qui agit. Or la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte prévoit de compléter l’article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 afin de préciser que le Défenseur des droits est chargé « d’orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte ». « Orienter vers les autorités compétentes », n’est-ce pas agir ? Dans la négative, pourquoi une telle proposition de loi organique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Même s’il ne me semble pas avoir dit que c’était en raison d’un manque d’« expertise » des syndicats et des organisations représentatives que j’émettais un avis défavorable sur les amendements, je corrige néanmoins ce mot.
Selon moi, les membres des syndicats, ou au moins certains d’entre eux, sont certainement parfaitement aptes à vérifier et à apprécier une situation, mais, juridiquement, comme l’a indiqué le ministre, les syndicats n’ont pas vocation à agir. Je ne mets donc pas en doute les capacités des personnes en tant que telles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Lors de l’affaire de Vincennes qu’a évoquée Mme Blandin, j’étais maire adjointe chargée de l’enseignement et je puis dire à ce titre que la situation n’est pas exactement celle qu’elle a décrite.
Toutes les analyses, tous les rapports scientifiques et médicaux ayant été réalisés à l’époque, qu’il s’agisse de celui de l’Institut de veille sanitaire, de la Haute Autorité de santé, ou de celui de la direction de la santé, ont démontré qu’il n’y avait pas de lien entre l’ancienne usine et les cancers pédiatriques pour la simple raison que trois des quatre cancers signalés avaient des origines complètement différentes. En outre, médicalement, ce n’est pas en passant quelques heures par jour durant quelques mois dans une école maternelle qu’on peut développer un cancer.
Il se trouve que certaines personnes, malgré tout ce qui a été dit et fait, y compris le déplacement de l’école, ont continué à répandre la panique au sein de l’établissement, voire dans tout le quartier.
En tant qu’élu, lorsque vous rencontrez des familles affolées craignant que leur enfant attrape un cancer comme on attrape un rhume, vous finissez par vous demander si ceux qui refusent, des mois plus tard, les conclusions des analyses qui ont été faites sont alors toujours des lanceurs d’alerte.
Enfin, je précise que ce n’est pas moi qui ai traduit en justice la personne dont vous parlez, madame Blandin.
Je peux attester que, dans certains cas, le combat des lanceurs d’alerte se transforme en obsession.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 et 145 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 et 154 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. L’alinéa 3 de l’article 6 C prévoit que si les autorités administratives, judiciaires ou les ordres professionnels n’ont pas traité l’alerte qui leur a été signalée dans un délai de trois mois, celle-ci peut être rendue publique.
Ce délai intervient après celui qui est laissé au supérieur hiérarchique pour réagir, lequel, sans être quantifié, doit être raisonnable, terme pour le moins flou.
Aussi proposons-nous que le délai prévu à l’alinéa 3 soit réduit à deux mois, dans un souci de cohérence légistique, deux mois étant le délai administratif habituel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La réduction du délai de traitement de trois à deux mois pourrait être souhaitable. Néanmoins, si le délai administratif est de deux mois, je suis tout à fait d’accord avec vous, cher collègue, le délai judiciaire est plutôt de trois mois. Ainsi, ce n’est qu’à l’issue d’un délai de trois mois sans réponse après le dépôt d’une plainte que la victime peut déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction.
Je pense donc qu’il est plus sage d’en rester à trois mois. En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Abate, l'amendement n° 71 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 71 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Je l’ai déjà dit, la commission des lois du Sénat a renforcé et encadré au cours de la navette le dispositif d’alerte et les étapes indispensables de la procédure devant être respectées. La réintroduction à l’article 6 C des dispositions prévues aux alinéas 5 et 6 supprimés par l’Assemblée nationale nous semble superfétatoire. En effet, la notion de bonne foi est déjà inscrite à l’article 6 A, qui définit ce qu’est un lanceur d’alerte, lequel est tenu de respecter la procédure de signalement.
Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression des alinéas 5 et 6 de l’article 6 C.
Mme la présidente. L'amendement n° 116, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
prépondérant
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à supprimer l’adjectif « prépondérant » de l’alinéa 5 du présent article. Le schéma est le même que celui que nous avons défendu lors de l’examen de l’amendement n° 110. Nous avons intérêt à rester précis, à ne pas régresser par rapport au droit existant et surtout à ne pas préparer les contentieux de demain.
L’adjectif « prépondérant » décrit quelque chose ou quelqu’un ayant plus d’importance, plus de pouvoir qu’un autre. Ainsi, lorsqu’on dit d’un ministre qu’il joue un rôle prépondérant, on laisse entendre que son rôle est plus important que celui de ses collègues.
Il est en revanche quelque peu étrange de parler de « l’intérêt prépondérant du public à connaître de cette information ». On ne peut que s’interroger sur cette prépondérance et sur la hiérarchie qu’elle induirait. Le fait de parler au public serait-il un moyen de court-circuiter l’itinéraire normal de la progressivité de l’alerte ? Je me garderai bien de donner un ordre préférentiel.
Enfin, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la France ne peut pas, au travers d’un tel texte, tirer vers le bas des ambitions partagées à l’échelon international. Certains d’entre vous protestent régulièrement contre ce qu’ils considèrent être des transpositions de directives européennes abusives, mais tel n’est pas le cas en l’espèce. Nous devons nous garder d’inscrire dans le texte des qualificatifs aux contours incertains et aux visées régressives par rapport à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 117, présenté par Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé, Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
authentique
par le mot :
vraisemblable
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement porte cette fois sur l’adjectif « authentique ».
En matière d’évitement des atteintes à l’environnement et à la santé, on distingue habituellement la prévention – il s’agit d’éviter un danger avéré et ses effets reconnus par les instances officielles – et la précaution, qui suppose, face à un faisceau vraisemblable et convergent de risques probables, d’engager des compléments de recherche et de mettre en place des mesures transitoires d’évitement.
Le terme « authentique » inscrit dans le texte renvoie uniquement à des certitudes sans que soient mises en perspective les instances légitimes qui donnent acte de ces certitudes. Qu’est-ce que l’authenticité, la vérité ? Caricaturalement, le ministre de la santé considère que le tabac est dangereux, tandis que British American Tobacco, qui organisait voilà encore quelques années des déjeuners au Sénat, affirme le contraire. Selon Philipp Morris, le taux des cancers dus au tabac n’est pas authentique. À qui dois-je faire confiance ?
Dans le dossier de l’amiante, à partir de quand peut-on considérer que l’information était « authentique » ? De 1994, quand la Cour de cassation a parlé du danger des poussières ? De 1970, à la suite des alertes des salariés d’Amissol ou de Ferodo-Valeo ? De 1972, année où, lors du congrès qu’elle a tenu à Lyon, l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, a fait le lien entre amiante et cancer ? De 1977, date du décret réglementant l’amiante au travail, ou de 1997, année où cette fibre a été interdite ?
Quelle information était « authentique » en 1996 : le rapport de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, commandé par Jacques Barrot, qui concluait à la dangerosité de l’amiante, ou celui d’Étienne Fournier de l’Académie de médecine, qui en minimisait les risques ?
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous conseille d’éviter de vous engager sur le terrain très glissant de l’authenticité en matière de risques et de dangers sanitaires.