M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Paris, ville-capitale, par sa proximité avec les lieux de pouvoirs, par ses révoltes et ses révolutions, a toujours suscité la méfiance du pouvoir étatique.
Depuis 200 ans, le peuple de Paris paye son obstination à vouloir prendre son destin en main.
Onze ans après la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, la ville de Paris a été privée de ses compétences en matière de police. Après la Commune de Paris, le peuple insurgé a été privé du droit d’élire son maire. Cette injustice n’a été levée qu’un siècle plus tard, Paris n’ayant rejoint le droit commun démocratique des communes de France qu’en 1975.
Il est temps de rendre au peuple de Paris les prérogatives démocratiques qui lui reviennent de droit ! C’est un combat historique des forces de progrès que de faire des communes le centre de la démocratie. La commune est l’échelon le mieux à même de répondre aux aspirations des citoyens, à Paris comme ailleurs.
Paris occupe une place unique aux plans démographique et économique. C’est aussi le seul territoire qui compte un seul département et une seule commune. Pour des raisons de bon sens et de facilité de gestion, il paraissait logique qu’il puisse exister un seul et unique cas en France de fusion du département et de la commune. D’ailleurs, les Parisiens ont précédé la loi et intégré ce changement depuis longtemps : pour eux, la commune et le département de Paris ne font déjà qu’un.
Mon groupe veillera à ce que cette particularité et cette exception institutionnelle ne puissent en aucun cas être « exportées » via l’adoption d’amendements cavaliers susceptibles de mettre en danger l’existence de la commune ou du département dans d’autres territoires. Les Français ont exprimé à plusieurs reprises leur attachement à ces deux échelons indispensables à leur vie quotidienne. Nos 36 000 communes et 101 départements sont autant de foyers de démocratie ; ce sont les piliers de la République et de la nation.
Je pense notamment aux trois départements de la petite couronne, qui constituent des outils indispensables pour corriger les inégalités sur des territoires que le pouvoir central a parfois abandonnés.
L’ambition des sénateurs du groupe CRC est de construire un projet au service des Parisiens. La ville doit être pensée, dans l’ordre, pour ses habitants, pour les salariés qui y travaillent et pour ses visiteurs. Les dernières réformes des collectivités ont modifié profondément les territoires sans consultation des habitants : nous voulons au contraire travailler à ce que rien ne puisse se faire sans eux. Il faut en finir avec les décisions imposées d’en haut, avec les « bouillies » législatives et technocratiques qui éloignent les citoyens des institutions. Dans cette perspective, nous proposons que soit organisée, au titre des articles 72 et 72-1 de la Constitution, une consultation des Parisiens sur la partie du projet de loi qui les concernent. Les Corses et les Alsaciens ont été, par le passé, consultés sur des modifications concernant leur territoire ; il doit en aller de même pour les Parisiens. Je suis pour ma part convaincu que le peuple de Paris a toute légitimité pour donner son avis, son éclairage sur ce projet de loi.
Quand j’évoque les salariés travaillant à Paris, je pense tout particulièrement aux agents de la mairie de Paris et de la préfecture de police. Certains d’entre eux sont concernés par les transferts de compétences ; tous le sont par la mise en place de la collectivité unique. Mon groupe propose d’amender le texte afin que ces personnels ne perdent aucun droit, ne subissent aucune modification de statut. Je vous appelle, chers collègues, à voter ces amendements. Ce serait adresser un signe important à ces agents qui font au quotidien de Paris une des plus belles villes du monde.
Permettez-moi à présent de m’attarder sur le titre II, relatif à l’aménagement métropolitain.
La présence des articles 33 à 41, dont l’objet est éloigné de celui du projet de loi, au sein d’un titre que l’on pourrait qualifier de « fourre-tout », montre bien à quel point les dernières réformes territoriales ont été produites à la va-vite. Qu’il s’agisse de la loi MAPTAM ou de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, il aurait décidément fallu davantage écouter les élus locaux et approfondir les concertations.
Ces articles montrent à quel point, à l’heure où se construit le Grand Paris Express et où s’ouvrent d’immenses chantiers qui changeront le quotidien des Franciliens, les questions qui touchent à l’aménagement occupent aujourd’hui une place centrale dans la région-capitale.
Les articles 34 à 37 du présent projet de loi répondent à ces enjeux et traitent notamment du rapprochement entre les établissements publics d’aménagement et Grand Paris Aménagement. Les discussions entre l’État et les collectivités territoriales tendaient vers un rapprochement fondé sur un modèle fédératif de coopération, sans tutelle d’une autorité sur une autre. C’est une philosophie à laquelle adhèrent nombre d’élus locaux d’Île-de-France, toutes sensibilités politiques confondues. J’espère que nous trouverons un terrain d’entente sur ce sujet, pour permettre la mise en place d’outils d’aménagement respectant les gouvernances actuelles et les projets des communes concernées.
Enfin, je ne peux que me réjouir de la suppression en commission de l’article 41, portant sur la création de nouvelles métropoles ; elle relevait du bon sens, mais je sais que certains voudraient rétablir cet article, ou pire l’étoffer.
Une telle multiplication des métropoles n’aurait aucun sens. Qu’y a-t-il de commun entre la métropole du Grand Paris et les futures métropoles de Dijon ou de Tours ?
M. Philippe Dallier. Rien !
M. Christian Favier. Avec la création des métropoles, vous avez peu à peu, sans réelle vision d’ensemble, bouleversé notre pacte républicain, fondé sur des institutions locales de proximité. Celles-ci disposaient jusque-là d’un pouvoir d’intervention décentralisé, afin de répondre aux besoins et aux attentes de nos populations. Ces diverses réformes ont été engagées sans qu’il ait été envisagé à aucun moment de donner la parole aux citoyens.
Il pourrait y avoir à l’avenir vingt-deux ou vingt-trois métropoles. Ainsi s’installerait petit à petit une autre République, toujours plus technocratique, qui ne serait plus une et indivisible, mais d’abord fédéraliste et concurrentielle. Nous rejetons cette vision de métropoles excluantes, instaurant dans la durée une dichotomie entre des périphéries fragilisées et des centres de plus en plus développés. Nous restons attachés au socle territorial, fondé sur le renforcement des communes et des départements, et à l’existence d’intercommunalités choisies.
Nous avons décidé de défendre cette vision coopérative de l’intercommunalité à travers une série de propositions. Nous souhaitons par exemple que Paris continue, même après cette réforme, à contribuer à la péréquation intercommunale et interdépartementale. Nous proposerons aussi un rééquilibrage est-ouest des agréments de bureaux, afin que tous les territoires puissent bénéficier du dynamisme économique. Ces réformes sont indispensables pour renforcer l’égalité entre les territoires de la métropole.
Prendre en compte les aspirations et les besoins quotidiens des Franciliens, respecter la démocratie citoyenne, donc la légitimité de l’ensemble des collectivités territoriales existantes, promouvoir une vision fédérative, coopérative du fonctionnement l’agglomération francilienne : voilà notre boussole ! C’est la prise en compte ou non de ces exigences qui déterminera notre vote sur le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la République est forte par son État, mais aussi par ses territoires », déclarait le Président de la République le 5 octobre 2012, lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Quatre ans plus tard, ce texte relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain vient couronner, si j’ose dire, une série de réformes toutes plus dommageables les unes que les autres pour nos territoires, et particulièrement les territoires ruraux : ni la réforme de la carte régionale, ni celle des périmètres de l’intercommunalité, ni la création d’un nombre sans cesse croissant de métropoles, ni le changement des modalités de divers scrutins n’ont permis, hélas ! d’instaurer une vision politique de l’aménagement des zones interstitielles, fortement délaissées !
Une nouvelle fois, il nous faut regretter d’avoir à examiner en procédure accélérée un texte aux dispositions aussi diverses : traiter dans un même texte de la fusion du département et de la commune de Paris, de la création d’un nouveau secteur électoral, du régime des cercles de jeu, de la création d’une nouvelle catégorie de sociétés publiques locales d’aménagement et, dans la foulée, des métropoles, cela n’a pas de sens ! Certes, me direz-vous, nous y sommes désormais habitués…
Dans l’idéal – mais nous n’en sommes plus là… –, l’assouplissement des conditions d’obtention du statut de métropole aurait dû faire l’objet d’un texte spécifique. Il était pourtant réellement nécessaire de permettre au législateur d’engager le débat sur l’avenir des métropoles, et parallèlement de prendre les mesures urgentes que requiert la situation des territoires les plus enclavés, qui ne peuvent bénéficier des effets positifs du rayonnement métropolitain !
Si, financièrement, il est de bon sens de suivre les recommandations émises en octobre 2015 par la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, en fusionnant le département de Paris et la Ville de Paris au 1er janvier 2019, il aurait été également tout à fait bienvenu que l’interdiction du cumul d’indemnités s’applique aux élus parisiens ! Au contraire, l’article 6 leur permettra de conserver, après la fusion, le même niveau d’indemnités qu’auparavant, quand ils siégeaient à la fois au conseil municipal et au conseil départemental. Le non-cumul des mandats s’accompagne donc du cumul des indemnités : on aura vraiment tout vu !
L’élargissement des critères d’accès au statut de métropole prévu au détour d’un article du projet de loi met une nouvelle fois en lumière l’incohérence globale de l’architecture dessinée par l’empilement des réformes territoriales.
Premièrement, à chaque fait urbain correspond désormais une forme de métropole : cette évolution est sans grand rapport avec l’esprit de la loi MAPTAM de 2014. Il s’agissait alors, pour le législateur, d’instituer des moteurs de croissance et de compétitivité territoriale capables de rivaliser avec leurs concurrents européens. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, je doute que les quatre nouvelles métropoles qui seront créées si l’article 41 est rétabli dans sa rédaction initiale devancent un jour Hambourg, Turin, Francfort ou Milan ! Restons sérieux : ne galvaudons pas la notion de métropole, sous peine de la vider de son intérêt !
Deuxièmement, une multitude de régimes différents de métropoles coexistent, créant un processus de métropolisation à plusieurs vitesses : la collectivité territoriale-métropole de Lyon, les métropoles relevant du régime de droit commun et celles pour lesquelles ce dernier est assorti de spécificités tenant à leur dimension européenne présentent des niveaux d’intégration très différents. N’aurait-on pas pu faire sans ce label métropolitain qui recouvre des réalités fort peu homogènes ? À l’’évidence, ce n’est pas le choix du Gouvernement
Cette question mérite d’autant plus d’être posée que la logique de métropolisation a déjà des conséquences négatives sur l’architecture institutionnelle locale et la vie des territoires.
D’une part, l’opportunisme financier consistant à passer à la strate intercommunale supérieure – communauté urbaine ou métropole – induit une réduction des dotations des communautés d’agglomération, mais aussi, à un degré moindre, de celles des communautés de communes pendant plusieurs années, ce alors même que le Gouvernement s’était engagé, lors de l’examen de la loi MAPTAM, à maintenir l’enveloppe pour les communautés de communes qui ne changeaient pas de statut ! Cette année, le Gouvernement s’est engagé à renforcer, dans le projet de loi de finances pour 2017, le montant de dotation globale de fonctionnement alloué aux communautés d’agglomération : que ces engagements soient tenus, ou certaines communautés se trouveront étranglées !
D’autre part, il n’est pas impossible d’anticiper la disparition progressive de certains départements par métropolisation. Le Sénat et vous-même, monsieur le ministre, avez lutté pour préserver les départements, en supprimant les transferts obligatoires de certaines compétences départementales aux métropoles contenus dans le projet du Gouvernement du 10 avril 2013, préférant adopter une logique de contractualisation. Aujourd’hui, les départements sont peu à peu dessaisis des missions justifiant leur existence et étranglés financièrement ; leur avenir est plus que jamais compromis.
Mes chers collègues, il est urgent de penser l’aménagement du territoire et des zones rurales enclavées, d’avoir une vision d’ensemble et équilibrée de notre territoire. Or ce n’est pas le choix du Gouvernement… L’État se désengage de ces territoires au profit des métropoles au nom du sacro-saint principe de la « recherche de l’efficacité de l’investissement public » !
Dans Le Monde du 7 juillet 2016, M. Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, expliquait qu’« il faut miser sur la dynamique de métropolisation, on n’a pas le choix, même si elle est douloureuse pour les territoires ». La question de l’avenir des territoires ruraux plus ou moins enclavés et non limitrophes d’une métropole reste en donc en suspens. Après les contrats de ruralité, à quand un nouveau texte portant sur ces territoires oubliés ? À moins que vous ne leur proposiez d’accéder à leur tour à ce statut de métropole de plus en plus convoité ? Peut-être verrons-nous un jour Aurillac, Cahors et Mende devenir des métropoles ? (Rires.)
Mme Évelyne Didier. Et Figeac !
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose aujourd’hui de réformer le statut de Paris – un texte important de réforme des collectivités locales, dit-il. Un de plus ! Je ne dresserai pas la liste des textes gouvernementaux modifiant l’organisation territoriale du pays depuis 2012, car cela prendrait trop de temps. Nous n’aurions pas assez de cette séance pour le faire !
Je me contenterai de citer la loi MAPTAM du 27 janvier 2014. Ce texte important réforme notamment la métropole du grand Paris, sujet fondamental et stratégique, non seulement pour les Franciliens, mais plus largement pour le rayonnement de la France. En effet, vous le savez très bien, monsieur le ministre, le développement économique est surtout le fait des grands centres urbains. C’est pourquoi le problème du Grand Paris et de la métropole de Paris est fondamental pour l’économie du pays.
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Yves Pozzo di Borgo. Comment toutefois imaginer que l’on réforme la métropole du Grand Paris, puis que, deux ans plus tard, l’on modifie dans un autre texte le statut et l’organisation de la principale ville de cette métropole, la capitale de la France ?
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
M. Yves Pozzo di Borgo. Cette méthode ne peut conduire qu’à des incohérences. Elle témoigne surtout d’un manque de vision globale sur l’organisation de la métropole parisienne.
M. Philippe Dallier. Excellent !
M. Yves Pozzo di Borgo. Or la situation n’est pas si bonne pour la métropole parisienne. Paris est une petite ville de deux millions d’habitants ; ce n’est même pas un village en Chine ! Vous le savez très bien : Paris n’existe que parce qu’il y a l’ensemble de l’Île-de-France !
M. Philippe Dallier. Oh oui !
M. Yves Pozzo di Borgo. Vous faites un texte pour un petit village !
Mes chers collègues, la réalité, nous la connaissons ; il ne faut pas l’occulter. Il était urgent pour la maire de Paris de profiter d’un gouvernement de gauche pour faire adopter une modification du statut de Paris conforme à ses désirs.
M. Philippe Dallier. Bravo !
Mme Catherine Procaccia. Bien dit, et en peu de mots !
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le ministre, Mme Hidalgo peut dire merci à ce gouvernement : il a bien suivi la commande qu’elle a passée,…
M. Hervé Marseille. C’est du bidouillage !
M. Yves Pozzo di Borgo. … à une exception près peut-être : la maire de Paris se serait bien passée du fameux article 41 sur l’extension du statut de métropole, que la commission a supprimé, avec grande intelligence. Il suffit de se rappeler les échanges qui ont eu lieu en commission des lois : c’est bien simple, les membres de la commission n’ont pratiquement parlé que de cela et n’ont quasiment pas évoqué Paris !
Pourquoi une telle disposition sans aucun lien avec le statut de Paris ? L’explication est toute simple : il s’agit d’un texte de fin de mandature, la voiture-balai du droit des collectivités territoriales en quelque sorte…
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Yves Pozzo di Borgo. La méthode consistant à mélanger allègrement les sujets dans un même texte est malheureusement devenue une habitude chez vous. S’y ajoute l’engagement de la procédure accélérée : encore un grand classique !
Voilà pour la forme. J’en viens au fond. Que nous propose le Gouvernement sur le statut de Paris ? De petits ajustements, sans vision d’ensemble, sans mise en perspective avec les défis métropolitains.
On nous annonce un texte visant – je cite l’exposé des motifs – « à renforcer les missions confiées aux maires et aux conseils d’arrondissements de Paris ». En réalité, ce texte ne prévoit quasiment rien sur ce thème, sinon de permettre aux conseils d’arrondissement d’approuver les contrats d’occupation des équipements de proximité.
Monsieur le ministre, vous avez formulé un rappel historique. En 1981, après l’élection de François Mitterrand, Gaston Defferre lance la décentralisation ; en ce sens, ce fut un grand ministre de l’intérieur.
Mme Évelyne Yonnet. Oui, absolument !
M. Yves Pozzo di Borgo. En même temps maire de Marseille, il se rend compte qu’il risque d’être battu aux élections municipales suivantes, si le suffrage universel direct est maintenu.
Pour être élu de nouveau maire de Marseille en 1983,…
M. Philippe Dallier. Même en étant minoritaire !
M. Yves Pozzo di Borgo. … il décide alors de supprimer le suffrage universel direct et de créer les arrondissements de la ville de Marseille : ce seront désormais les conseillers d’arrondissements qui éliront le maire.
Le premier texte qu’il dépose contenait deux dispositions majeures : ce nouveau système électoral et, Gaston Defferre ayant le sens de la démocratie et celui de la décentralisation, une organisation donnant beaucoup plus d’importance aux mairies d’arrondissement. Or, ce texte ne pouvant concerner la seule ville de Marseille, il décide d’en étendre le champ à Paris et à Lyon. Jacques Chirac et le centriste Francisque Collomb, respectivement maires de Paris et de Lyon, soucieux de sauvegarder l’intérêt et l’unité de leurs villes, refusent. Gaston Defferre retire alors toutes les mesures concernant l’indépendance des mairies d’arrondissement et conserve le système lui permettant d’être réélu.
En 1983, Gaston Defferre obtient bien moins de voix, mais il est réélu grâce aux conseillers d’arrondissement. Il en est de même pour Bertrand Delanoë en 2001.
M. Philippe Dallier. Utile rappel !
M. Yves Pozzo di Borgo. Ces rappels s’imposent de temps en temps, car les grands choix et les grandes lois sont souvent l’émanation de petits intérêts particuliers.
Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de ce projet de loi, qui est en parfait décalage avec l’une des demandes les plus fortes de nos concitoyens – plus de proximité ! – et l’esprit de la loi PLM de Gaston Defferre. Il faut aller beaucoup plus loin est confier de réels pouvoirs et de véritables missions à ceux qui sont au plus près des problématiques des Parisiens, à savoir les mairies d’arrondissements.
Il faut rappeler la réalité des missions des vingt mairies d’arrondissement aujourd’hui. Le VIIe arrondissement équivaut à la ville de Colmar ou à celle de Cannes. Le XVe arrondissement est beaucoup plus grand que la ville de Bordeaux… Or les chiffres sont très explicites : alors que le budget de la Ville de Paris s’élève à près de 8,5 milliards d’euros, celui de l’ensemble des vingt mairies d’arrondissement de Paris n’atteint que 148 millions d’euros, et encore pour des crédits fléchés ! C’est bien une insulte faite aux conseillers d’arrondissement.
Les habitants se sentent frustrés et ils vont voir leurs maires d’arrondissement pour leur demander de résoudre leurs problèmes, lesquels n’ont ni compétence ni moyens financiers : ils n’ont que leur bonne parole. Ils passent leur temps à répondre que c’est la mairie centrale qui décide. D’un point de vue démocratique, est-il normal pour une capitale de continuer à fonctionner ainsi ?
Le projet de loi promet aussi un « renforcement des prérogatives du maire de Paris », notamment en matière de pouvoir de police. J’ai d’abord cru que le Gouvernement avait enfin entendu le message de nombreux élus parisiens, comme celui du Sénat, qui avait adopté au mois de mai 2015 un texte transférant enfin le pouvoir de police générale au maire, comme cela se passe dans les 35 818 autres communes de France, même lorsqu’elles comptent 300 habitants.
Or il n’en est rien ! Le projet de loi ne prévoit que quelques modifications en matière de pouvoirs de police spéciaux. La confiscation des pouvoirs de police du maire de Paris par le préfet, héritée de Napoléon Bonaparte, n’est-elle pas pourtant devenue obsolète ? Si les réformes de 1975, de 1982 et de 2002 ont permis un élargissement progressif des pouvoirs de police du maire de Paris, ce dernier n’a toujours pas les moyens opérationnels d’exécuter ses propres décisions.
Les 1 848 agents de surveillance de Paris, les ASP, chargés d’assurer le respect de la police du stationnement, ne sont pas placés sous l’autorité du maire, mais sous celle du préfet. Or la Ville de Paris finance tout ce personnel : chaque année, quelque 300 millions d’euros prélevés sur le budget de la Ville servent à financer 5 975 agents aux ordres du seul préfet !
La maire de Paris refuse toujours que sa « brigade de lutte contre les incivilités » soit chargée de la prévention des troubles à la sécurité publique, alors même que les agressions répétées de touristes à Paris nuisent considérablement à l’image de la capitale et à sa fréquentation touristique. Alors que le Gouvernement envisage de renforcer l’armement des polices municipales, seule Paris continue à se tenir en retrait, comme si le climat d’insécurité ne la concernait pas…
Avec le transfert marginal de quelques compétences de police spéciales que propose le Gouvernement, on rate une occasion d’agir pleinement sur l’amélioration du cadre de vie des Parisiens. Nous vous proposerons donc de rétablir les dispositions adoptées par le Sénat en 2015 sur la police municipale à Paris, à moins que nous ne nous ralliions à l’amendement du rapporteur.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons pas approuver le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission des lois. Nous abordons donc cet examen en séance publique avec prudence : soit la Haute Assemblée est en mesure de modifier profondément ce texte en adoptant les amendements que nous soumettrons, soit le texte reste plus ou moins en l’état, c'est-à-dire conforme à la volonté du Gouvernement – et de la maire de Paris ! –, auquel cas nous ne pourrons pas cautionner cette réforme. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Marseille. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Ce texte, les écologistes l’appellent de leurs vœux depuis fort longtemps, convaincus que seule une réforme d’ampleur du statut de Paris permettra de faire progresser l’égalité entre les Parisiennes et les Parisiens, la démocratie locale et l’efficacité des services publics.
Mes chers collègues, permettez-moi de saluer ici l’excellent travail du groupe écologiste de Paris, qui, par sa ténacité et ses propositions constructives, a sans aucun doute contribué à améliorer le texte présenté par le Gouvernement.
Nous partageons tout à fait l’idée que le statut de Paris est devenu incompatible avec les réalités contemporaines et que la coexistence de deux collectivités – commune et département –, intervenant sous la direction d’une même assemblée délibérante, est source d’une extrême complexité. La création d’une collectivité unique à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », est une excellente décision. Les écologistes sont depuis longtemps favorables à plus de simplification administrative, donc à la suppression du département, à Paris bien sûr, mais également au sein de la métropole du Grand Paris.
M. Philippe Dallier. Très juste !
Mme Esther Benbassa. En ce qui concerne l’importante question de la répartition des compétences entre l’État et la Ville d’une part, et la mairie centrale et les arrondissements d’autre part, les écologistes souhaitent vivement le retour au droit commun et soutiennent les mesures proposées en ce sens.
Il est ainsi de bon augure que la maire de Paris se voie confier l’exercice de la police de la circulation lors des manifestations festives, sportives et culturelles non itinérantes, la majeure partie de la police de salubrité des bâtiments, la police des baignades et la gestion des voies publiques.
Rappelons ici que les niveaux de pollution de l’air dans la capitale et ses alentours constituent un enjeu majeur de santé publique et nécessitent une action immédiate et de proximité qui devrait être facilitée par le présent texte.
Dans le même sens, il nous semble tout à fait nécessaire de rééquilibrer les arrondissements ; le regroupement des quatre premiers d’entre eux est à ce titre un premier pas vers plus de rationalité et d’égalité. En effet, avec un rapport, en termes de démographie, d’un à quatorze entre le Ier et le XVe arrondissement, il est évident que la gouvernance ne peut être la même et que les habitants de ces arrondissements n’ont pas un égal accès aux services publics municipaux, dont la qualité peut largement varier selon les endroits.
Au motif qu’« une réforme plus ambitieuse de la carte des secteurs électoraux de Paris aurait permis à la fois de réduire les écarts de population entre les secteurs les plus peuplés et les moins peuplés et, en conséquence, de réduire les écarts de représentativité des conseillers de Paris au sein des nouveaux secteurs », la commission des lois a supprimé le regroupement proposé.
Le groupe écologiste regrette cette suppression, et je défendrai tout à l’heure un amendement visant à rétablir le texte proposé par le Gouvernement. Si, à terme, il nous semble indispensable de regrouper les arrondissements les moins peuplés afin qu’aucun secteur ne soit en dessous du seuil de 100 000 habitants, la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris constitue un premier pas important qu’il ne faut pas négliger.
Soyons réalistes : le plus probable est que, à l’issue des débats, le projet de loi ne soit modifié qu’à la marge et reste amputé de certaines des avancées majeures qu’il contenait. C’est donc avec regret que la majorité du groupe écologiste ne soutiendra pas ce texte, nécessaire réforme encore une fois sacrifiée sur l’autel de l’électoralisme et des postures politiciennes.
Je terminerai en ayant une pensée, à quelques jours du triste anniversaire des attentats du 13 novembre, pour les Parisiennes et les Parisiens qui se sont montrés tellement forts et dignes. Ils ont fait preuve d’un courage immense, auquel il ne sera probablement pas rendu hommage aujourd’hui ; je le regrette. (Mme Jacqueline Gourault applaudit.)