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Dossier législatif : projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain
Discussion générale (suite)

Statut de Paris et aménagement métropolitain

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (projet n° 815 [2015-2016], texte de la commission n° 83, rapport n° 82).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
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Autre (dans une discussion de texte de loi) (début)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, longtemps, très longtemps même, le législateur a considéré que Paris, ville unique au monde à de nombreux égards, devait être doté d’un cadre institutionnel particulier, pour ne pas dire d’exception.

C’est que, de la Révolution à la Commune, le peuple de Paris a toujours suscité la méfiance des gouvernants, et ce d’autant plus que la ville est aussi le siège des institutions de la République. L’historien Louis Chevalier a dépeint avec talent et minutie ce Paris-là dans son ouvrage intitulé Classes laborieuses et classes dangereuses.

Dès 1795, la loi du 19 vendémiaire an IV divise la ville en douze arrondissements, dotés chacun d’un maire et de deux adjoints nommés par le Gouvernement. Paris est alors dirigé par le préfet de la Seine, titulaire à la fois des fonctions préfectorales et des fonctions municipales, et par le préfet de police, responsable du maintien de l’ordre.

Sous le Second Empire, le décret d’annexion des communes limitrophes de 1859 élargit le territoire parisien en le dotant de vingt arrondissements au total.

Puis la IIIe République naissante fait adopter plusieurs lois importantes, notamment celle d’avril 1871, qui consacre l’élection des maires des communes de plus de 20 000 habitants, et celle d’avril 1884, relative aux libertés communales ; ces lois ne s’appliquent cependant pas à Paris.

Ainsi, la ville est volontairement maintenue dans un état de dépendance ; les maires sont nommés par décret du Président de la République et sont sous l’autorité du préfet de la Seine. Paris reste également dépourvu d’un conseil municipal élu et n’est pas doté de la clause de compétence générale.

Cette situation va perdurer jusqu’aux années soixante, au cours desquelles l’État et les élus vont avoir la même volonté d’amener Paris vers le droit commun.

En 1959 est créé, par ordonnance, le district de la région parisienne. Puis, en 1964, six nouveaux départements voient le jour, dont celui de Paris, aux frontières départementales et communales superposées. Paris devient alors une collectivité territoriale à statut particulier, le conseil de Paris exerçant les attributions antérieurement dévolues au conseil municipal, d’une part, et au conseil général de la Seine, d’autre part.

Dans le même temps, les élus parisiens se mobilisent, dès 1945, pour obtenir un élargissement de leurs prérogatives. Les parlementaires siégeant au conseil municipal de Paris déposent ainsi huit propositions de loi portant réforme du statut de Paris entre 1973 et 1974. Le Président de la République confie alors à son ministre de l’intérieur l’élaboration d’une réforme, qui aboutira à la loi du 31 décembre 1975. Son fil directeur est de faire entrer Paris dans le droit commun municipal.

Le terme de « statut » disparaît et l’article 2 dispose que la commune de Paris est régie par le code de l’administration communale, sous réserve de dispositions spécifiques. Enfin et surtout, le maire de Paris, également président du conseil général, sera élu au suffrage universel. L’élection de 1977 met ainsi fin à près de deux cents ans d’administration de la ville par l’État.

Amplifiant ce mouvement, la loi du 31 décembre 1982, la loi PML – Paris, Marseille, Lyon –, définit pour Paris, dans le contexte de la décentralisation conduite par Gaston Defferre, une organisation administrative plus proche du droit commun municipal et départemental, mais comportant encore de fortes particularités.

Le territoire parisien recouvre toujours deux entités distinctes, la commune et le département.

Les mairies d’arrondissement, conçues comme des instances de médiation entre la population et la mairie centrale, ont un rôle essentiellement consultatif et n’ont pas réellement de compétence. Il faudra attendre 2002 pour que s’opère un véritable mouvement de déconcentration, que le présent projet de loi vise à élargir de nouveau.

Mesdames, messieurs les sénateurs, procéder à ce bref rappel historique n’est pas superflu, au moment où nous vous proposons de nouvelles avancées qui s’inscrivent dans le droit fil des politiques menées par ce gouvernement et par ceux qui l’ont précédé : davantage de clarté et de simplicité dans l’exercice des compétences, davantage de décentralisation et davantage de déconcentration.

Je développerai tout à l’heure ces trois points, mais, auparavant, je tiens à dire à la représentation nationale que la réforme du statut de Paris proposée par le Gouvernement constitue, à partir de quatre thématiques, un ensemble cohérent et d’envergure.

Ces thématiques sont la fusion de la ville et du département, le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement, la création d’un secteur électoral unique formé des quatre premiers arrondissements et le renforcement des pouvoirs de police du maire.

Tous ces éléments nous paraissent indissociables. C’est pourquoi – je m’en expliquerai – je vous propose de réintroduire dans le texte ce que la commission des lois du Sénat a supprimé. Sans doute l’intention du Gouvernement doit-elle être mieux expliquée – je m’y efforcerai tout au long de ce débat – afin de pouvoir être partagée. Cela concernera également la création des nouvelles métropoles, un amendement tendant à rétablir les dispositions correspondantes ayant été déposé.

Par ailleurs, le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà des propositions qu’il a émises ; c’est pourquoi, en matière d’extension des pouvoirs de police – là encore, je m’en expliquerai –, il ne sera pas répondu favorablement aux amendements du rapporteur.

En effet, notre objectif n’est pas d’affaiblir la commune de Paris en donnant trop de pouvoirs aux arrondissements, lesquels doivent demeurer des démembrements de la commune, sans personnalité morale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la dualité du territoire parisien, à la fois commune et département, constitue, nous le savons, une spécificité unique en son genre.

Ce projet de loi vise fondamentalement à la modernisation du statut de Paris ; il s’inscrit dans le prolongement de la réforme territoriale engagée depuis le début du quinquennat, en simplifiant et en rendant plus lisible l’action publique pour les Parisiens.

Aujourd’hui, le département, à l’exécutif duquel ils élisent pourtant des représentants, les mêmes que pour la commune, est secondaire, voire invisible, à leurs yeux.

Cette superposition est par ailleurs anachronique ; il est donc temps d’y remédier et de mettre fin à cette « fiction institutionnelle », selon l’expression utilisée par la chambre régionale des comptes d’Île-de-France dans son rapport de 2015.

Il est par conséquent nécessaire, par souci de clarification des compétences, de finaliser l’absorption du département par la commune en les fusionnant. Si la Ville de Paris s’est effectivement engagée depuis longtemps dans la voie du rapprochement, seule la loi peut permettre d’aller au bout de la démarche. C’est l’objet du chapitre Ier du présent projet de loi.

La nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera donc les compétences de la commune et du département à compter du 1er janvier 2019.

Au-delà, la fusion permettra des simplifications administratives pour les Parisiens, les entreprises et les associations. La constitution de guichets uniques, par exemple, simplifiera les démarches administratives et les procédures de marchés publics.

La commission des lois du Sénat n’a pas remis en cause la philosophie et les grands axes de cette réforme, saluant même la clarification qui sera ainsi apportée. Je m’en réjouis. Elle a essentiellement introduit des modifications rédactionnelles, procédant – il faut le reconnaître – à des améliorations législatives réelles.

Les pouvoirs des maires d’arrondissement avaient, quant à eux, été considérablement renforcés par la loi du 27 février 2002. Il est aujourd’hui proposé de poursuivre ce processus de déconcentration, en étendant leur délégation de signature au directeur général adjoint des services, en les associant à l’approbation des contrats d’occupation et en leur confiant la possibilité de les accorder, dès lors que leur durée est inférieure à douze ans, en leur permettant de délivrer des autorisations d’étalage et de terrasse dans leur arrondissement.

Ce renforcement de la démocratie locale à Paris passe nécessairement par les acteurs de proximité que sont les mairies d’arrondissement.

À cette fin, le texte prévoit la fusion des conseils des quatre premiers arrondissements, avec la création d’un nouveau secteur électoral. Cela renforcera la capacité d’action du secteur fusionné et lui permettra de mener des projets à hauteur des enjeux propres à cette zone centrale de Paris.

Cette disposition, je le sais, a fait l’objet de beaucoup de débats. Elle a été supprimée par votre commission. Le Gouvernement proposera de la rétablir ; nous y reviendrons et j’aurai l’occasion de vous en exposer le bien-fondé.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’abord et avant tout d’améliorer la représentativité des conseillers de Paris issus de ces arrondissements, afin de tenir compte des évolutions démographiques de la capitale.

En effet – je l’avais dit devant votre commission –, la répartition actuelle, déjà modifiée en 1982 puis en 2013, fait apparaître des écarts importants et même inéquitables, au point de soulever des questions de constitutionnalité.

Il faut en moyenne 13 000 habitants pour élire un conseiller à Paris, mais 17 000 dans le Ier arrondissement et 11 000 dans le IIe arrondissement. La mise en œuvre de la correction proposée aboutirait à ce qu’un siège représente 12 720 habitants, la moyenne étant ainsi approchée. Je rappelle que la projection des résultats des votes de la dernière élection municipale sur la nouvelle configuration à dix-sept secteurs électoraux au lieu de vingt ne fait apparaître aucune modification des équilibres politiques existants.

M. Yves Pozzo di Borgo. Aïe, aïe, aïe !

M. David Assouline. C’est un fait !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi prévoit enfin une nouvelle et importante avancée en matière de décentralisation.

À Paris, depuis le Consulat, c’est le préfet de police qui est détenteur des attributions de police générale comme de polices spéciales. Là encore, l’histoire montre une convergence très progressive vers le droit commun municipal et une diminution des pouvoirs du préfet de police, toujours fixés par l’arrêté du 12 messidor an VIII, au bénéfice du maire de Paris.

Certaines compétences ont déjà été transférées à ce dernier, en matière tant de police générale – salubrité sur la voie publique, bruits de voisinage, sûreté sur les monuments funéraires – que de polices spéciales, telles que la police de la circulation et du stationnement.

Le projet de loi prévoit d’approfondir ce rapprochement du droit commun, dans une double perspective de clarification et d’efficacité de l’action publique.

Ainsi, le maire de Paris pourra exercer les compétences relatives à la verbalisation du stationnement gênant, à la gestion des fourrières automobiles, à la police des édifices menaçant ruine, à la sécurité des parties communes des immeubles d’habitation, à la police des baignades ou à la police des funérailles, et aura de nouvelles attributions en matière de police spéciale de la circulation et du stationnement.

Ce réaménagement substantiel permettra à l’État de se concentrer sur ses missions régaliennes relatives à la sécurité publique, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Dans cette optique, le projet de loi transfère la police des aérodromes de Roissy Charles-de-Gaulle et du Bourget du préfet de département au préfet de police.

La police de proximité sera, quant à elle, mieux exercée, à Paris comme partout ailleurs, par le pouvoir municipal.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite aussi dire quelques mots sur les dispositions relatives à l’aménagement métropolitain, qui seront défendues par ma collègue la ministre du logement et de l’habitat durable, Mme Emmanuelle Cosse.

Ces dispositions sont, pour la plupart, très techniques. Je me limiterai, dans ce propos introductif, à en indiquer les grands axes : tout d’abord, améliorer et développer certains outils propres aux opérations d’aménagement ; ensuite, s’intéresser à l’aménagement, à la gestion et à la promotion du territoire de Paris La Défense ; enfin, proposer des dispositions relatives aux transports et à la Société du Grand Paris, notamment.

S’agissant des conditions de création de nouvelles métropoles, les échanges en commission ont été nourris et ont abouti à la suppression de l’article 41.

Nous aurons largement l’occasion d’échanger, en fin de débat, sur ce sujet, mais le Gouvernement a naturellement déposé un amendement de rétablissement du texte initial.

Nous estimons en effet que l’élargissement de la catégorie des métropoles à quelques unités nouvelles est une mesure importante, qui complète la réforme territoriale menée depuis 2012.

Les métropoles se caractérisent en effet par un niveau d’intégration élevé et par la place donnée à la contractualisation avec les départements, les régions et l’État. Un tel statut permet aux élus de ces territoires très agglomérés d’accroître la cohérence territoriale de l’action publique et de favoriser la mutualisation des moyens au service des politiques menées notamment en matière de logement ou de transports.

Au regard de ces avantages, la question de l’élargissement des possibilités d’accès à ce statut en faveur des grands centres urbains dotés d’une zone d’emploi fortement peuplée se pose légitimement.

Ces possibilités d’extension sont subordonnées au critère d’une dimension économique importante : la population des zones d’emploi de ces futures métropoles devra être supérieure à 400 000 habitants. Je reviendrai précisément, au moment de la discussion des amendements, sur les conditions posées par le Gouvernement pour qu’un territoire puisse prétendre au statut de métropole.

Avant de conclure, je veux dire un mot de la question du suffrage universel direct dans les métropoles. Un amendement du groupe écologiste vise à reporter à 2019 l’échéance fixée par la loi MAPTAM, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, pour définir un mode de scrutin.

Compte tenu des échanges que j’ai eus mercredi dernier au ministère avec les représentants de l’association France urbaine, qui regroupe l’ensemble des présidents de métropole, j’estime que ce report constitue un bon point d’équilibre entre la position de ceux qui souhaitent que les conseillers métropolitains soient élus au suffrage universel dès 2020 et la position de ceux qui sont plus réservés en la matière. Je présenterai donc, au nom du Gouvernement, un amendement allant dans le même sens que celui du groupe écologiste.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà, rapidement retracées, les grandes lignes du projet de loi soumis à votre examen. Le débat public ne pourra que l’enrichir, j’en suis certain.

En définitive, ce projet de loi, l’un des derniers du quinquennat, répond pleinement aux objectifs de clarification de l’action administrative locale, d’approfondissement de la décentralisation et d’amélioration de l’efficacité de la gestion de proximité, au service de nos concitoyens et de Paris. (MM. Roger Madec et Jean-Claude Requier applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, mes chers collègues, je ne présenterai pas les principales dispositions du projet de loi ni ne reviendrai sur l’histoire de Paris, ô combien intéressante et essentielle pour comprendre l’évolution du statut de cette ville, M. le ministre s’en étant chargé.

Paris se caractérise par des rapports souvent conflictuels avec le pouvoir central et des penchants insurrectionnels qui ont tracé les contours de l’histoire nationale. Paris connaît de longue date un statut dérogatoire du droit commun applicable aux autres communes françaises. Cependant, l’évolution de la démocratie a conduit le législateur à rapprocher progressivement ce statut de celui des collectivités locales ; Paris continue d’y déroger cependant, en raison de sa fonction de capitale de la France.

Avant d’évoquer les principales dispositions de ce texte, qu’il me soit permis d’aborder deux points.

D’abord, monsieur le ministre, nous accueillons avec regret, et même avec étonnement, l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée sur ce texte. Rien, selon nous, ne justifie ce qui apparaît comme une démarche précipitée. Surtout, la procédure accélérée ne permet pas un débat approfondi et serein sur certaines dispositions dont l’adoption aurait pourtant des conséquences pour notre pays en matière d’aménagement du territoire. Dans le même esprit, est-il réellement opportun de revoir le régime des cercles de jeu au travers d’un texte traitant, de manière globale, des collectivités territoriales ?

Par ailleurs, je voudrais évoquer l’article 41 : à lui seul, il fait presque oublier le reste du texte, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Fallait-il, à nouveau, pour la deuxième fois en moins de trois ans, modifier les conditions d’accès au statut de métropole ? De ce point de vue, le débat que nous avons eu en commission, très centré sur l’aménagement métropolitain, fut assez éclairant.

C’est à l’aune de ces deux éléments que la commission des lois a adopté son texte, le mercredi 26 octobre dernier, à une large majorité.

S’agissant du statut de Paris, la commission a approuvé le principe d’une collectivité unique à statut particulier, qui s’impose presque naturellement. Cela représente en effet le point ultime de l’évolution, amorcée il y a quelques années, vers l’intégration du département et de la commune de Paris.

Sur ma proposition, la commission a adopté plusieurs amendements de précision, concernant notamment la commission permanente ou encore la création d’une conférence des maires – une telle structure de coordination entre le maire de Paris et les maires d’arrondissement permettrait de mieux associer ces derniers à la gestion et aux projets de la Ville et pourrait être le lieu d’une nécessaire déconcentration de ses compétences, aux fins de mieux répondre aux attentes des administrés.

S’agissant de la démocratie de proximité et des compétences des maires et des conseils d’arrondissement, la commission a supprimé le regroupement en un secteur unique des quatre premiers arrondissements.

Plusieurs raisons ont motivé ce choix.

Premièrement, les économies attendues d’un tel regroupement sont minimes, et surtout ne sont nullement démontrées par une étude d’impact peu convaincante – il s’agissait pour nous d’un point central, à l’heure où toutes les collectivités de France doivent fournir des efforts budgétaires.

Deuxièmement, nous sommes en droit de nous demander pourquoi le Gouvernement s’est contenté de ne prévoir qu’un seul regroupement, au lieu d’envisager une réorganisation plus large. Là encore, si ce texte avait été présenté plus tôt, et non à quelques mois de la fin de la législature, il aurait été tout à fait possible de mener cette réflexion d’ensemble, ce qui aurait permis de redonner une certaine cohérence au texte.

S’agissant des compétences des maires et des conseils d’arrondissement, la difficulté est que les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales au sens de l’article 72 de la Constitution. Par conséquent, renforcer leurs compétences ne peut se faire que dans un cadre contraint sur le plan juridique. La commission a préféré poursuivre l’examen de cette question jusqu’à la séance publique. Nous avons souhaité placer la notion de proximité au cœur de nos échanges. Je présenterai des amendements allant dans ce sens.

Concernant les pouvoirs de police du maire de Paris, nous pouvons nous réjouir, car le constat dressé par le Sénat il y a plus d’un an, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, est désormais partagé par le Gouvernement.

Plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet. Paris doit se rapprocher du droit commun et les pouvoirs du maire doivent être renforcés. Je proposerai un compromis articulé selon un principe simple : le maintien de la compétence du préfet de police en matière de bon ordre et la possibilité, pour le maire de Paris, d’appuyer le préfet en tant que de besoin. Il sera donc possible de mettre en place une police municipale. Ce modèle, en définitive, ne fait que reprendre celui qui est applicable dans la petite couronne !

S’agissant des aménagements métropolitains, la commission a globalement approuvé les dispositifs du projet de loi, dans la mesure où ils visent, pour la plupart, à répondre à des problèmes concrets rencontrés par les acteurs de terrain.

J’en viens à l’article 41, relatif aux aménagements métropolitains, qui élargit les critères requis pour la transformation de certains établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en métropoles.

Comment imaginer qu’un unique article puisse traiter d’un sujet aussi large ? Nous pouvons comprendre que certains élus souhaitent voir le statut de leur intercommunalité évoluer vers celui de métropole, mais la commission a considéré que l’assouplissement des critères proposé dans le texte pourrait à certains égards porter atteinte à l’équilibre des territoires et d’affaiblir la notion de métropole. Elle a estimé qu’une réflexion plus globale sur cette question s’imposait avant toute éventuelle augmentation du nombre des intercommunalités les plus intégrées.

Le texte présenté par le Gouvernement prévoit la création de quatre nouvelles métropoles. Par ailleurs, certains amendements – j’ai cru comprendre, lors de l’audition de M. le ministre en commission, que le Gouvernement y était plutôt favorable – visent à en créer encore trois autres, voire quatre… Aujourd'hui, il existe quinze métropoles sur le territoire national : leur nombre pourrait ainsi se trouver porté à dix-neuf, vingt-deux ou vingt-trois !

Tout cela a évidemment des conséquences, à commencer par la multiplication des systèmes dérogatoires permettant la création de métropoles.

Un amendement du groupe écologiste que vous avez évoqué, monsieur le ministre, a pour objet de reporter à 2019 la définition des modalités particulières d’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains.

Vous savez combien ce sujet est sensible pour la Haute Assemblée. À nos yeux, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct signe la disparition des communes. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter ! La commune joue aujourd'hui un rôle essentiel et irremplaçable en tant que cellule de base de la démocratie territoriale.

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mes chers collègues, ce projet de loi aurait donc mérité de plus amples travaux en amont et une ambition plus large. Surtout, il aurait mieux valu ne pas recourir à la procédure accélérée, qui, en l’occurrence, est plutôt une procédure précipitée !

Quoi qu’il en soit, la commission des lois, dans l’esprit constructif qui la caractérise, a choisi d’élaborer et d’adopter un texte plus équilibré, plus cohérent et, à bien des égards, plus audacieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de ce projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, le Gouvernement souhaite aborder une nouvelle étape décentralisatrice dans l’organisation institutionnelle de la capitale.

Dans le prolongement de la loi du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la ville de Paris et de la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, ou loi PLM, le présent texte vise à rapprocher le régime applicable à Paris de celui des autres communes.

En effet, Paris, en tant que ville-capitale, siège des institutions de la République, a toujours suscité la défiance du pouvoir central, ce qui s’est traduit, à travers l’histoire, par une tutelle de l’État sur les affaires municipales.

Capitale de la France, Paris est également la ville des insurrections, depuis les soulèvements médiévaux jusqu’à l’insurrection d’août 1944, sans oublier les soulèvements de 1800 et de 1848 ou l’épisode tragique de la Commune de Paris. Cette tradition frondeuse du peuple de Paris a incité le pouvoir central à se méfier du pouvoir communal.

Ainsi, du Moyen Âge au milieu des années soixante-dix, l’histoire des institutions parisiennes est dominée par la volonté du pouvoir central de limiter les possibilités d’expression autonome du corps municipal parisien. En effet, la centralisation française fait de la capitale un enjeu essentiel. Les périodes de timide libéralisation ont été suivies de reprises en main consécutives à la révolte du peuple parisien. Il a donc fallu attendre la fin du XXe siècle pour que, dans le cadre d’une démocratie apaisée, le statut de la capitale se rapproche du droit commun.

Quand l’État a décidé d’accorder plus d’autonomie à la Ville de Paris, le fonctionnement de celle-ci demeurait extrêmement centralisé. En effet, jusqu’en 1983, les commissions d’arrondissement créées par la loi de 1975 étaient, dans les faits, composées aux deux tiers par les soins du maire de Paris, seul un tiers de leurs membres étant élus au suffrage universel. Ce n’est qu’avec la loi du 31 décembre 1982 que les conseils d’arrondissements ont été institués et élus au suffrage universel.

Après l’élection de Bertrand Delanoë; en 2001, la Ville de Paris a engagé une politique de décentralisation et de déconcentration entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, ainsi que de renforcement de la démocratie locale, avec la création des conseils de quartier.

C’est dans la continuité de cette action que se place la maire de Paris, Anne Hidalgo, en appelant à une nouvelle étape dans l’organisation de la Ville de Paris. C’est en tenant compte du vœu des élus parisiens que le Gouvernement de Manuel Valls propose aujourd'hui au Parlement de poursuivre l’évolution du statut de Paris au travers de ce projet de loi.

Je regrette que la majorité sénatoriale ait entrepris de modifier le texte en profondeur, même si les travaux de la commission des lois se sont déroulés dans un esprit constructif.

J’évoquerai d’abord les dispositions qui figuraient dans le texte initial.

Le projet de loi s’organisait selon deux axes : d’une part, la réforme du statut de Paris et l’aménagement métropolitain, au travers des quarante premiers articles ; d’autre part, à l’article 41, l’assouplissement des critères pour l’accès au statut de métropole, afin d’ouvrir celui-ci à quatre établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

La réforme du statut de Paris répond à plusieurs objectifs.

Le premier est la fusion des deux collectivités territoriales en une collectivité unique à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, appelée « Ville de Paris ». Cette fusion est justifiée par le Gouvernement par la mise en place de guichets uniques, la simplification de la gestion des finances locales et une amélioration de la lisibilité de la gouvernance.

En effet, la complexité excessive de l’organisation actuelle a été soulignée par la chambre régionale des comptes d’Île-de-France dans son rapport public du 2 octobre 2015 sur la gestion du département de Paris depuis 2011, qui préconisait une fusion de la commune et du département de Paris, considérant que le processus d’intégration et d’absorption du département par la commune de Paris était irréversible.

Le deuxième objectif est de renforcer la démocratie locale, en transférant aux maires d’arrondissement de nouvelles compétences de proximité. Aujourd’hui, les enjeux locaux doivent être pris en compte, et le rôle des conseils d’arrondissement dans les processus de décision doit être accru, afin de mieux associer les citoyens à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques. Anne Hidalgo s’est déjà largement engagée dans cette voie.

Le troisième objectif était le regroupement des quatre premiers arrondissements de Paris en un secteur électoral unique, avec une mairie unique, pour assurer une meilleure représentativité des conseillers de Paris et mutualiser les services publics de proximité. Ce regroupement d’arrondissements en un seul secteur électoral, déjà opéré à Marseille, par exemple, est apparu nécessaire au regard des déséquilibres démographiques et des écarts importants existant entre les arrondissements.

Ces écarts avaient d’ailleurs amené le Conseil constitutionnel à censurer, à l’été 2013, le tableau fixant la répartition des conseillers de Paris. Une proposition de loi avait alors été adoptée dans la précipitation, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, par le Sénat et l’Assemblée nationale, quelques mois avant les élections municipales de 2014. L’idée d’un regroupement des quatre premiers arrondissements avait été évoquée à cette occasion, avant d’être abandonnée en raison de la trop grande proximité des élections municipales.

Le texte tend également à approfondir les transferts de pouvoirs de police entre le préfet de police et la maire de Paris, au profit de cette dernière. La poursuite de ces transferts paraît aujourd’hui nécessaire, d’une part dans un souci de simplification administrative et de meilleure prise en compte par les élus municipaux des attentes des Parisiens, d’autre part pour permettre aux services de la préfecture de police de se recentrer sur leurs missions de sécurité, de maintien de l’ordre et de lutte contre le terrorisme. La maire de Paris assumerait des pouvoirs de police spéciale de proximité, comme la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel ou la police de la salubrité des habitations et hébergements.

Une telle réforme s’inscrit dans un grand mouvement de reconquête par Paris de la plénitude de ses compétences. En effet, le maintien du traitement dérogatoire de Paris n’a plus lieu d’être et nuit à l’efficacité de politiques de proximité.

Comme tous les autres maires de France, le maire de Paris doit disposer des pouvoirs nécessaires pour faire face aux problématiques essentielles de la vie quotidienne de la population. Paris doit redevenir une commune de plein exercice, sans perdre pour autant son statut de ville-capitale, siège des institutions de la République, qui justifie notamment son statut particulier en matière de sécurité.

En matière de circulation, les pleines compétences permettraient à la collectivité de mettre en œuvre une politique de lutte contre la pollution et de déplacements apaisés voulue par les Parisiens.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, avec ce projet de loi, il s’agit non pas, pour le Gouvernement, de susciter un big bang de l’organisation institutionnelle de la capitale, mais plutôt de favoriser une adaptation et un rapprochement avec le droit commun. Plus de trente ans se sont écoulés depuis l’adoption de la loi PLM. Il convient de tenir compte des profondes mutations qui ont affecté Paris ces dernières années et de répondre à l’aspiration des Parisiens à une meilleure répartition territoriale et à une gestion plus efficace des moyens.

Pourtant, on peut regretter que les représentants de la majorité sénatoriale au sein de la commission des lois n’aient pas fait le choix d’adopter une démarche constructive visant à enrichir le texte. Ils ont plutôt cherché à le dénaturer. J’espère que nos débats permettront de trouver un point d’équilibre.

Ainsi que je l’ai indiqué, le regroupement de quatre arrondissements au sein d’un secteur électoral était une solution pour remédier aux déséquilibres démographiques et aux carences dans la représentativité des conseillers de Paris. Cela aurait renforcé le pluralisme, en permettant la représentation de l’opposition locale de ces arrondissements au conseil de Paris, ce qui n’est plus le cas depuis 2014. En outre, la suppression de la péréquation pour la répartition des dotations d’arrondissement remet en cause le principe d’unité de la collectivité parisienne.

Le Sénat aurait pleinement joué son rôle en enrichissant le texte et en proposant d’autres solutions. Le statu quo ne saurait être une option. J’espère que nous n’allons pas manquer une occasion de répondre à la volonté de Paris de relever les défis et de s’adapter aux réalités contemporaines, quelques mois après l’adoption de la loi MAPTAM, qui a créé la métropole du Grand Paris.

Au-delà de nos clivages, nous aurions pu faire en sorte d’améliorer ce texte. C’est encore possible. Le texte proposé par le Gouvernement présentait un certain équilibre. Les modifications apportées par la majorité sénatoriale en commission des lois le rendent quelque peu bancal. Je reste persuadé que nous pouvons y remédier.

Une ville aussi dynamique que Paris ne peut être enfermée dans un carcan. Nous avons la responsabilité d’accompagner le mouvement de décentralisation. Le regroupement des arrondissements centraux dans un secteur électoral aurait permis d’ouvrir la voie à d’autres regroupements ultérieurs. Je n’ose imaginer ce que nous aurions entendu si nous avions ouvert ce débat ! Au regard des résultats électoraux de 2014, le regroupement d’un certain nombre d’arrondissements aurait avantagé la majorité municipale plutôt que l’opposition.

Au cours de la discussion des articles, mes collègues du groupe socialiste et républicain s’exprimeront sur les dispositions relatives à l’aménagement métropolitain et sur l’article 41. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)