Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article 52 de la Constitution affirme clairement la responsabilité de l’État en matière d’engagements internationaux de la République, mais la situation géographique de nos collectivités d’outre-mer a rendu nécessaire une évolution du développement de la coopération régionale. En effet, depuis une vingtaine d’années, une véritable diplomatie territoriale de proximité tente de se développer, en dépit d’un cadre juridique encore trop incertain et restrictif.
Ce cadre, fixé par les lois de décentralisation de 1982 et 1992, mais principalement par la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales ultramarines d’être autorisées par l’État à négocier et à signer des conventions internationales à des fins de coopération régionale. Cette faculté n’a pas toujours été très utilisée, en raison de la complexité des procédures de décision, quelque volontariste que soit la politique menée par les collectivités concernées.
La présente proposition de loi a pour objet d’accroître la liberté d’action des collectivités ultramarines, bien trop souvent enfermées dans des carcans imposés par la métropole. Permettez-moi d’insister sur quelques-unes des raisons pour lesquelles son adoption est nécessaire.
Premièrement, les États de la Caraïbe veulent régulièrement négocier avec les décisionnaires locaux, mais ceux-ci n’en ont pas les moyens, bien que, dans tous les cas, ils connaissent parfaitement les sujets, l’environnement et les contraintes.
Deuxièmement, la France continue d’agir de manière unilatérale, et la concertation avec les élus locaux peut encore être singulièrement améliorée.
Troisièmement, les outre-mer, aujourd’hui encore, sont considérés comme la périphérie d’une France malheureusement trop à l’aise avec la centralité décisionnaire.
Quatrièmement, trop souvent encore, les outre-mer sont regardés comme une charge pour la France, un handicap, et non – ou peu souvent – comme une richesse.
Il me plaît souvent de rappeler que les outre-mer sont des vitrines avancées de la France et que, pour cette raison, il leur importe de devenir encore plus des acteurs de leur propre développement économique. Il nous faut sortir non seulement des stéréotypes que je viens de décrire, mais aussi de notre dépendance socio-économique vis-à-vis de la métropole, et même de l’Europe, en accédant à ce vaste marché supplémentaire de près de 300 millions de personnes que représente la Grande Caraïbe.
Le territoire insulaire de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter, rencontre des difficultés liées à sa binationalité et à la coexistence de deux statuts européens différents : celui de région ultrapériphérique et celui de pays et territoire d’outre-mer.
Nous arrivons pourtant à avancer avec les autorités néerlandaises, en matière, par exemple, de coopération policière, de politique de l’eau et d’assistance hospitalière, mais sans cadre formalisé, sauf pour la coopération policière. Il me semble que c’est ce vers quoi tendent les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. La définition d’un cadre formalisé est donc nécessaire.
Au demeurant, j’aurais souhaité que les collectivités territoriales régies par l’article 74 de la Constitution soient elles aussi comprises dans le dispositif de la proposition de loi, afin que la coopération régionale puisse aller encore plus loin. Je suis toutefois conscient qu’une modification des dispositions organiques régissant ces territoires eût été nécessaire, et que tel n’est pas l’objet du présent texte.
Par ailleurs, nous nous félicitons de l’élargissement de la notion de voisinage : plus vastes, les espaces de coopération permettront des échanges avec des pays situés dans un périmètre plus lointain.
De même, il est indispensable que les régions et collectivités territoriales d’outre-mer soient en mesure d’assurer à leurs représentants un régime indemnitaire – rémunération, protection sociale et retraite –, ainsi que des facilités de résidence et de remboursements de frais, en lien avec leurs fonctions, selon les articles 13, 14 et 15 du présent texte.
Permettez-moi toutefois de formuler une interrogation quant à l’article 16 de la proposition de loi, qui prévoit pour les agents territoriaux nommés dans les ambassades de France la possibilité de bénéficier des privilèges et immunités du corps diplomatique de l’État qui sont reconnus par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. J’ai bien entendu sur ce sujet la remarque de M. le rapporteur, éclairé par notre collègue Jean-Pierre Raffarin.
Malgré les quelques réserves que vous m’aurez autorisé à formuler, cette proposition de loi ouvre la voie à une réelle avancée pour la liberté d’action des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution. Elle favorisera une meilleure intégration régionale et permettra une véritable diplomatie territoriale, sans altérer en rien le rayonnement international de la France, bien au contraire. Le groupe RDSE la votera donc avec conviction ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mmes Gélita Hoarau et Lana Tetuanui applaudissent également.)
(Mme Françoise Cartron remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cette après-midi a pour objectif de favoriser l’émergence d’une coopération régionale moderne, efficace et pérenne, menée par nos collectivités ultramarines.
Trop souvent, nous nous plaignons dans cet hémicycle d’une vision trop centralisatrice et trop parisienne de nos politiques. Si la République est assurément une et indivisible, elle n’en est pas moins constituée de territoires dont chacun a ses richesses et ses spécificités.
S’agissant de l’outre-mer, ses richesses et ses spécificités sont nombreuses. Deux spécificités, en particulier, me viennent à cet instant à l’esprit : l’éloignement de ces territoires et leur étendue. De l’hémisphère sud à l’hémisphère nord, de l’Atlantique au Pacifique en passant par l’océan Indien, nos outre-mer sont éloignés de l’Hexagone et, nous le savons, se sentent souvent oubliés, alors même que certains disposent d’étendues maritimes ou terrestres particulièrement vastes.
Conscient de cette double spécificité, le Sénat, représentant tous les territoires de la République, a toujours veillé à prévoir pour les outre-mer des dispositions particulières. Nous sommes tous soucieux de ménager dans les lois les adaptations nécessaires. Toutefois, il existe des domaines où cette adaptation aux réalités locales reste perfectible, et notre action extérieure en fait partie.
De fait, il devenait urgent de dépoussiérer et de moderniser quelque peu notre vision d’une diplomatie dictée de Paris et éloignée des réalités régionales de nos territoires ultramarins. La présente proposition de loi nous offre l’occasion historique de reconnaître une spécificité ultramarine en matière de coopération.
L’objectif n’est pas de créer une diplomatie parallèle, comme certains ont pu le craindre ou le craignent encore ; ce serait, de toute manière, non conforme à nos institutions. Il s’agit de donner à nos collectivités d’outre-mer les moyens de s’inscrire naturellement dans leur environnement régional. Cette proposition de loi répond à un principe de réalité en faisant entrer nos outre-mer et notre diplomatie dans une modernité qui leur offrira une meilleure visibilité sur la scène internationale.
En élargissant la notion de voisinage et le périmètre dans lequel les collectivités territoriales ultramarines peuvent contracter avec des pays étrangers, la proposition de loi donne corps à une réalité que nul ne peut contester : la France ne se résume ni à sa seule métropole hexagonale ni à sa seule administration centrale parisienne. La France est riche de ses outre-mer, et ses pays frontaliers sont, tout autant que la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, le Brésil et le Surinam, ou encore les Comores et Maurice. Son vaste espace maritime nécessite l’élaboration de coopérations régionales spécifiques. Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour identifier et accompagner ces coopérations régionales.
Cette réforme permettra également à nos départements et régions d’outre-mer de renforcer leur intégration économique régionale, alors qu’ils ont souvent le privilège de se trouver dans des environnements géographiques émergents et très dynamiques. La nécessité pour ces territoires de commercer avec leurs voisins et de conclure des traités a été largement soulignée par les orateurs précédents. Les nouvelles possibilités qui leur sont offertes contribueront peut-être à les sortir d’économies encore trop figées, où les monopoles restent nombreux. De ce point de vue, les premiers articles de la proposition de loi ne sont que la reconnaissance et la traduction juridique d’une évidence et d’une réalité géographique incontestable.
Par ailleurs, la proposition de loi inscrit nos collectivités dans la modernité, en leur donnant les outils nécessaires pour mener une coopération régionale renforcée.
Plus précisément, elle permet aux collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution de négocier plus facilement des accords avec un ou plusieurs États étrangers dans les domaines relevant de leurs compétences propres, en conformité avec un programme-cadre de coopération régionale adopté par leur assemblée. Ces outils juridiques, tout en étant conformes à notre Constitution – il n’y a aucune ambiguïté à cet égard – et soumis à une validation des autorités de la République, permettront aux territoires concernés d’être maîtres de leur destin régional et pleinement associés aux décisions prises dans leur aire géographique.
Enfin, la proposition de loi renforce la visibilité régionale de notre diplomatie. C’est, en somme, du gagnant-gagnant. En effet, le multilatéralisme auquel la France est particulièrement attachée passe également par des coopérations régionales renforcées. Pont entre l’Europe et les aires géographiques extraeuropéennes, nos collectivités ultramarines seront essentielles, à l’avenir, pour dynamiser et rénover notre action diplomatique, dans le respect de nos institutions républicaines.
En ce sens, la proposition de loi me paraît à la fois équilibrée et novatrice. Comme l’indique à juste titre notre collègue Mathieu Darnaud dans son rapport, ses dispositions « apportent la souplesse réclamée par les Ultramarins tout en l’inscrivant dans notre cadre constitutionnel selon lequel la diplomatie est un domaine régalien par excellence ».
En donnant une base légale à de futurs textes réglementaires qui valorisent les enjeux territoriaux de notre diplomatie, la proposition de loi contribue à moderniser notre action extérieure en évitant d’en faire un produit hors-sol, tout en favorisant des dynamiques concrètes sur le terrain, dans l’intérêt de nos concitoyens et de nos partenaires locaux. Certains territoires qui ont déjà la possibilité de conclure des accords en font d’ailleurs le meilleur usage.
Symbole du lien que nous devons tisser entre, d’une part, l’international et le national, et, d’autre part, le régional et le local, cette proposition de loi favorise l’émergence d’une diplomatie à la fois pragmatique et concrète, ambitieuse et moderne. Il s’agit d’une pierre essentielle sur la voie de cette diplomatie moderne dont la France a tant besoin et que j’appelle de mes vœux, comme nombre d’entre nous, sur toutes les travées.
Si certains de mes collègues de l’UDI-UC n’ont pas été convaincus par mes arguments…
M. Didier Guillaume. C’est impossible ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Bockel. … et s’abstiendront, comme ils sont en droit de le faire, tous les membres de notre groupe présents dans l’hémicycle, au premier rang desquels les deux sénateurs polynésiens, voteront la proposition de loi avec conviction et enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Gélita Hoarau applaudit également.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous souscrivons tous à l’objectif du texte soumis à notre examen, ce qui n’est pas si fréquent. Il s’agit de reconnaître une activité diplomatique spécifique des collectivités territoriales ultramarines et de donner à celles-ci davantage d’outils pour la mettre en œuvre.
La situation géographique de ces territoires et leur histoire, à laquelle il a été fait référence, ont entraîné, d’une façon ou d’une autre, une proximité très forte entre eux et les États voisins, ce dont chacun se félicite. De fait, nos collectivités d’outre-mer ont souvent avec ces États une culture commune, mais aussi des défis proches à relever.
Donner à ces territoires une marge de manœuvre dans le développement de leurs relations culturelles, économiques et commerciales n’allait pourtant pas de soi ; il y a même fallu beaucoup de temps. C’est de longue date, en effet, que collectivités ultramarines demandent des compétences plus nombreuses pour conclure des accords et partenariats sans devoir attendre la validation du Quai d’Orsay.
Notre collègue Marie-Christine Blandin, ancienne présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, se souvient encore très bien du déplacement qu’elle a effectué en Martinique en 1999 à la demande de Charles Josselin, alors ministre délégué chargé de la coopération dans le gouvernement Jospin. L’ambiance était tendue, sur fond de conflits sociaux liés à la crise de la pêche et au conflit dit « de la banane ». Selon notre collègue, cet épisode avait parfaitement démontré « l’absurdité » du cadre juridique de l’époque, qui ne permettait pas aux collectivités d’outre-mer d’avoir des relations commerciales directes avec leurs voisins immédiats.
S’ensuivirent des promesses du Premier ministre d’une plus grande autonomie, puis, en 2000, la loi d’orientation pour l’outre-mer, qui a marqué d’importantes avancées, déjà détaillées par les précédents orateurs. Mais Lionel Jospin lui-même, alors candidat à la présidentielle, fit le constat, lors d’une visite à La Réunion en 2002, qu’il fallait « aller beaucoup plus loin ».
Or nous voilà en 2016 ! C’est dire à quel point cette proposition de loi est attendue et mûrie. Selon nous, elle donnera aux collectivités une plus grande souplesse et des outils renforcés dans toutes leurs coopérations régionales ; elle garantira aussi une meilleure protection à leurs agents chargés de missions diplomatiques.
Les collectivités d’outre-mer sont, de fait, aux avant-postes de la diplomatie française, du fait de leur situation géographique. D’ailleurs, certains dirigeants de ces collectivités ont déjà rempli ce rôle. Je pense particulièrement à notre regretté collègue Paul Vergès, qui, comme président du conseil régional de La Réunion, s’était rendu dans différents pays africains voisins. C’est l’occasion pour moi de lui rendre hommage et de saluer Mme Gélita Hoarau, nouvelle sénatrice de La Réunion.
La diplomatie des territoires n’est plus un vague concept : elle est devenue une réalité sur la scène internationale, notamment dans les négociations sur le climat.
Cette reconnaissance du rôle des territoires, très forte dans l’accord de la COP 21, a été possible parce que ceux-ci ont fait la démonstration de véritables savoir-faire sur des actions concrètes, des bonnes pratiques et des connaissances fines des problématiques de la vie quotidienne des citoyens, donc d’une véritable légitimité. En matière d’action extérieure et de coopération décentralisée, les collectivités territoriales ont à jouer, et jouent d’ailleurs déjà, un rôle majeur. Souvenez-vous du rapport que notre collègue Michel Delebarre avait remis à Pascal Canfin, en 2013, sur le rôle des collectivités territoriales dans la préparation de la COP 21.
L’histoire et la situation géographique de nos collectivités d’outre-mer placent ces dernières dans d’excellentes conditions pour développer des coopérations régionales aux enjeux stratégiques, en particulier dans un domaine qui nous intéresse tout spécialement : la préservation des écosystèmes marins et terrestres, la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique et les conséquences de celui-ci.
La montée en puissance d’une vision régionale de ces sujets est bien illustrée par la conférence régionale de l’océan Indien organisée en avril dernier à La Réunion par l’ambassadeur délégué à la coopération régionale, avec les représentants de La Réunion, de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises et des agents des ambassades françaises des pays d’Afrique de l’Est : elle a mis au menu de ses discussions les enjeux liés au climat et à l’environnement, sous l’angle, notamment, de la préservation des ressources naturelles et de l’adaptation aux effets du changement climatique.
Le projet « Géothermie Caraïbe » est un autre exemple intéressant : financé par le programme européen INTERREG et mené par la région Guadeloupe en partenariat, notamment, avec la région Martinique, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et l’Agence française de développement, il vise à développer la géothermie dans les Caraïbes, en premier lieu en Dominique.
On pourrait certainement multiplier les exemples innovants – je ne veux me fâcher avec personne… – qui montrent qu’il n’y a lieu que de se réjouir de voir les collectivités ultramarines enfin dotées de plus grandes libertés permettant une action concrète. C’est pourquoi l’ensemble du groupe écologiste – ce n’est pas si fréquent – votera la proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Gélita Hoarau et M. Claude Kern applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi, adoptée en mars dernier par l’Assemblée nationale, qui nous importe particulièrement, à nous sénatrices et sénateurs, puisqu’elle touche aux collectivités territoriales.
Pendant un quart de siècle, le législateur a accompagné de façon empirique la volonté des élus locaux de valoriser leurs atouts à l’étranger et de construire des partenariats. Il s’agit à présent de surmonter les obstacles qui subsistent, tout en respectant le principe, posé par notre Constitution, selon lequel la conduite des relations internationales est un pouvoir régalien de l’État.
Si cette proposition de loi fixe, dans son article 1er, les cas dérogatoires à l’interdiction faite aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers, son objet principal est de donner leur pleine efficacité aux facultés d’ores et déjà accordées aux départements, régions et collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution.
En effet, la loi leur permet déjà de représenter la France auprès d’organismes régionaux et parfois d’y adhérer en leur nom propre, mais aussi de participer à la négociation de traités internationaux et d’affecter des agents pour les représenter au sein des missions diplomatiques. La pratique a cependant montré que les procédures d’autorisation et de décision sont trop complexes, que la notion de voisinage est trop restreinte et que les agents territoriaux envoyés à l’étranger connaissent des difficultés matérielles nuisant à l’efficacité de leurs actions.
De là cette proposition de loi, qui ouvre la voie à une nouvelle étape. Les régions et départements d’outre-mer et les collectivités de Guyane et de Martinique agiront dans un cadre élargi aux continents voisins. Ils élaboreront des programmes-cadres de coopération régionale dans les domaines relevant de leurs compétences propres et négocieront et signeront plus facilement des accords. Par ailleurs, un statut donnera aux agents un minimum de sécurité.
Par leur ancrage géographique, les outre-mer ont constitué et demeurent l’avant-garde de la coopération extérieure des territoires. À des dizaines de milliers de kilomètres de l’Hexagone, ils partagent avec leurs voisins une part d’histoire, des cultures, des richesses et des fragilités communes.
Or leurs échanges avec eux restent faibles, en matière de santé, d’éducation et de culture comme de transport et de produits industriels et agricoles. De fait, les DOM ne représentent que 0,5 % des exportations françaises ! Les pays voisins de la Guadeloupe lui achètent moins de 3 % de ses exportations et ne lui fournissent que 15 % de ses importations, le montant des transactions restant d’ailleurs très modeste.
Pourtant, nos collectivités ne sont-elles pas les mieux placées pour impulser dans leur environnement régional, très éloigné de l’Hexagone, des politiques adaptées à leurs réalités et aux aspirations des populations qui y vivent ?
Il faut organiser et réguler un codéveloppement mutuellement profitable. Les enjeux sont importants et les potentialités de croissance économique, réelles. Les défis sont cependant multiples et difficiles à relever, parce que, aujourd’hui, dans la Caraïbe comme dans l’océan Indien, les économies sont plus concurrentes que complémentaires.
Aussi l’action extérieure de nos collectivités ultramarines ne réussira-t-elle pleinement que si l’État, qui garde la maîtrise de la politique extérieure de la France, et l’Europe, dont des fonds ont vocation à soutenir nos économies ultramarines, mais dont les règlements sont parfois inadaptés, voire contraires à nos impératifs, agissent en synergie avec elles. La Réunion, Mayotte, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe sont aussi la France, sont aussi l’Europe ! Les décisions prises à Paris, Bruxelles ou Strasbourg doivent donc aussi tenir compte de leur situation et préserver leurs intérêts.
Cette proposition de loi est nécessaire et, comme nous sommes contraints par le calendrier législatif, la commission des lois l’a adoptée conforme. Nous pourrions faire de même en séance. À titre personnel, même si j’entends tout à fait le souhait commun de la majorité sénatoriale et de la majorité gouvernementale de procéder ainsi, par-delà les clivages traditionnels, afin que cette proposition de loi soit adoptée définitivement avant la fin de la session parlementaire, j’avoue regretter un peu que la qualité rédactionnelle ait à en pâtir.
Les deux amendements que j’ai déposés visaient à illustrer mon propos. Nous légiférons beaucoup, et les textes se bousculent. Élaborés quelquefois dans la précipitation, ils peuvent contenir des maladresses ou des incohérences susceptibles d’entraîner des difficultés. Pour ce qui est des dispositions dont nous débattons, il se dit d’ores et déjà que des rectifications pourront être opérées dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Toutefois, pour ne pas nous faire perdre du temps inutilement et nous permettre d’adopter un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale, je retirerai les amendements déposés en mon nom. Unanime, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste. – MM. Guillaume Arnell et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite que nous examinions aujourd’hui la proposition de loi élaborée par mon collègue et ami Serge Letchimy, qui nous a fait l’honneur de se déplacer pour assister à notre débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
Ce texte, qui est soutenu par le Gouvernement, est le fruit d’une expérience acquise localement. Il répond aux engagements pris par le Président de la République lors de son déplacement aux Antilles au mois de mai 2015. Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par nos collègues députés. J’ose espérer que la Haute Assemblée saura en faire de même, restant ainsi fidèle à l’intérêt qu’elle a toujours manifesté pour les outre-mer.
Le présent texte a pour objet d’entretenir et de servir le développement d’une politique d’insertion régionale plus ambitieuse, en mettant en avant les fers de lance de l’action locale, à savoir les collectivités ultramarines. Il constitue une avancée majeure pour les territoires d’outre-mer évidemment, mais également pour la France. En effet, s’appuyant sur des bases rigoureuses, il accroît les possibilités d’intervention des collectivités ultramarines dans le cadre de l’action diplomatique de notre pays.
En favorisant également le développement de la francophonie, cette proposition de loi répond à la fois à l’intérêt manifesté par les collectivités concernées et à un enjeu plus global pour la France. Les territoires ultramarins constituent un atout indéniable pour renforcer l’influence de la France dans des zones situées aux quatre coins du globe. Ils sont aux avant-postes et servent d’ambassadeurs de l’Europe sur tous les océans.
Si l’insertion des départements d'outre-mer au sein de leur environnement régional est une préoccupation relativement récente, elle est tout à fait essentielle pour des régions ultrapériphériques aussi éloignées de l’Hexagone.
La loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 en a posé les fondements. La loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, quant à elle, accorde un rôle accru à ces collectivités. Depuis 2011, les régions et départements d’outre-mer peuvent adhérer en tant que membres associés à des organisations internationales à travers le CIOM, le Conseil interministériel de l'outre-mer.
Cette nouvelle liberté d’action, pourvoyeuse d’énergie créatrice, a immédiatement été mise à profit par les collectivités ultramarines dans leurs bassins régionaux. Actuellement, une soixantaine d’actions de coopération sont menées par les départements et régions d’outre-mer avec leurs pays voisins, dont trente-trois projets conduits par les collectivités de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane.
Aujourd’hui, l’insertion régionale est considérée comme l’une des clefs du développement des outre-mer. Le renforcement de la coopération régionale répond également aux intérêts communs des collectivités d’outre-mer et de leurs voisins. Il est de l’intérêt de toutes les parties, y compris de l’Union européenne, de favoriser une coopération étroite dans des secteurs aussi variés que les transports, la sécurité civile, l’environnement, l’énergie, les services à la personne, la culture, le sport, et bien d’autres encore.
La coopération régionale et transfrontalière est un axe fort du mouvement de décentralisation qu’a connu notre pays. Partout où elle s’est développée, elle a contribué à résoudre des problèmes communs recensés conjointement dans les régions voisines. Elle a également permis d’exploiter le potentiel inutilisé de certaines zones et d’améliorer le processus de coopération aux fins d’un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union.
En vérité, il s’agit là d’un outil supplémentaire pour le développement économique, social et humain de nos bassins, qui permet de mettre en avant les points forts, si spécifiques, de nos régions. La coopération pourrait concourir efficacement à la diversification et l’internationalisation de nos économies, ce qui aurait un effet bénéfique sur la création d’emplois stables et à forte valeur ajoutée.
Malgré les efforts entrepris ces quinze dernières années, l’insertion des collectivités françaises d’outre-mer dans leur environnement régional restait trop limitée, notamment du fait de nombreux obstacles, que l’auteur de la proposition de loi a parfaitement identifiés, avant de formuler des propositions concrètes pour les lever. En réalité, il existe encore une série de freins d’ordre institutionnel, économique ou culturel à la coopération régionale. Ils tiennent à la diversité des pays concernés, bien sûr, à leurs différences de statut ou encore aux relations qu’ils ont nouées avec l’Union européenne.
Enfin, des éléments d’ordre juridique et matériel affectent toujours la crédibilité des collectivités d’outre-mer auprès de leurs partenaires régionaux, ce que Serge Letchimy a souligné à de nombreuses reprises.
La présente proposition de loi vise à apporter des réponses pratiques à chacune de ces difficultés.
En premier lieu, elle propose d’étendre la notion de voisinage, afin de permettre à chaque collectivité ultramarine de coopérer avec un bassin géographique élargi, ce en quoi elle répond aux préoccupations de notre collègue Georges Patient.
En second lieu, elle offre la possibilité à chaque collectivité d’outre-mer qui le souhaite d’établir un programme-cadre avec l’ensemble des pays du bassin géographique transfrontalier, afin de négocier et de signer des accords de coopération. Elle formalise ainsi la possibilité de s’inscrire dans un partenariat avec les institutions financières de proximité.
Enfin, elle reconnaît un véritable statut aux agents territoriaux des collectivités d’outre-mer affectés dans les missions diplomatiques de la France à l’étranger.
Grâce à la vision globale de ses auteurs, ce texte de loi entraînera, à n’en pas douter, un développement endogène des collectivités d’outre-mer. Plus largement, ces avancées en matière de coopération représentent une chance. Elles recèlent un gisement de compétitivité encore insuffisamment exploité. Elles forment des catalyseurs du développement et participent à la nécessaire union entre les peuples.
Mes chers collègues, nous sommes à la veille de Noël,… (Exclamations amusées.)