PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive et devant l’affluence, je me contenterai de quelques remarques relativement modestes. En tout état de cause, nous aurons encore quelques heures de débat la semaine prochaine et je pourrai, là aussi, vous répondre.
Sur la forme, je voudrais, d’un mot, apporter à nouveau quelques clarifications. Le rapporteur général nous dit que la commission a passé des heures à analyser les choses. Peut-être, mais le travail d’un parlement digne de ce nom n’est pas seulement d’analyser, c’est de faire des propositions et de prendre des décisions ! (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Êtes-vous là, comme le Conseil économique, social et environnemental, pour faire des commentaires, présenter des rapports et regarder passer la caravane ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. C’est indigne !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faire des rapports et analyser, c’est bien, mais le Parlement doit évidemment être une force de proposition sur un acte essentiel comme le vote du budget !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous ferons un budget rectificatif au mois de mai !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais justement ! Comme les personnes qui suivent nos débats, j’aurais aimé connaître les dispositions que vous supprimerez, si vous devenez majoritaires, et celles que vous ajouterez…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut de la patience !
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Chaque chose en son temps !
M. Michel Canevet. Ne soyez pas impatient !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne le suis pas, mais j’ai l’impression que certains choix sont esquissés dans l’ombre.
Par exemple, on entend parler d’économies à hauteur de 100 milliards ou 110 milliards d’euros, mais les orateurs qui viennent de s’exprimer, en particulier les représentants des commissions, ont plutôt réclamé des crédits supplémentaires,…
M. François Marc. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … que ce soit pour l’ANSES, les agences de l’eau, l’ADEME, l’AFITF, le budget de la défense ou encore certains organismes culturels. Et j’en passe !
J’entends certains dire qu’ils vont réduire les effectifs de la fonction publique de 500 000 personnes, alors qu’il faudrait – comme on l’a entendu à l’instant – augmenter ceux de l’ANSES.
À un moment donné, il faut être cohérent ! Vous avez choisi de ne pas faire de propositions. Permettez-moi de faire remarquer que je trouve cela curieux !
Je n’ai quasiment pas entendu d’interventions sur le prélèvement à la source. Il me semblait pourtant que c’était un point important du projet de loi de finances…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons adopté un rapport spécifique sur ce sujet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, j’ai lu votre rapport, monsieur de Montgolfier. Vous savez, je ne fais pas que des mots croisés, je lis aussi beaucoup.
Vous y proposez un autre système et le premier élément que vous mettez en avant, c’est qu’il assure un gain de trésorerie d’environ 16 % pour les contribuables. Mais cela résulte uniquement de ce que les prélèvements sont opérés sur douze mois, non sur dix comme aujourd’hui, et je vous signale que c’est la même chose pour le prélèvement à la source que nous proposons !
Vous auriez aussi pu dire que certains aspects de notre proposition étaient positifs, car les choses sont, dans la vie, rarement binaires…
Vous avez également dit que l’amendement de Mme Dalloz faisait ce que vous aviez proposé dans votre rapport. C’est faux ! Il ne fait que rendre le prélèvement mensuel obligatoire, mais dans les conditions actuelles, c’est-à-dire en prenant en compte les revenus perçus l’année d’avant. Il ne modifie donc en rien le décalage entre les revenus et l’impôt.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ma proposition !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je le sais bien, mais vous avez dit tout à l’heure qu’il aurait fallu laisser l’amendement de Mme Dalloz...
En tout cas, hormis de votre part, monsieur le rapporteur général, je n’ai pas entendu de commentaires sur cette disposition importante, alors même que j’entends dire qu’elle serait la pire des choses…
Je me suis un peu énervé il y a quelques instants – oui, cela m’arrive ! –, lorsque M. Delahaye s’est exprimé. Il est parti, mais il lira sûrement le compte rendu des débats. D’habitude, il est très présent dans nos discussions budgétaires, je lui en donne acte. Il a dit que nous n’avions pas réduit les dépenses de l’État. Là encore, c’est faux ! Il est quand même irritant d’entendre ce type de contrevérités, dont je pense qu’elles ne nous rendent pas collectivement service.
En loi de finances initiale, les dépenses de l’État s’élevaient à 303,2 milliards d’euros en 2013, elles atteindront 298,6 milliards en 2017, ce qui représente une baisse de 4,6 milliards. On peut éventuellement dire que ce n’est pas assez ou que cela ne va pas assez vite, mais pas que les dépenses augmentent. Vous n’avez tout simplement pas le droit de le dire !
M. Michel Canevet. Il a dit : par rapport à l’année dernière.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, on a parlé à ce moment-là du quinquennat ! On relira le compte rendu des débats.
Et si l’on inclut la dette et les pensions, c’est la même chose : on passe de 395,2 milliards à 388,3 milliards d’euros, soit une baisse de 6,9 milliards. C’est très clair !
En ce qui concerne la dépense publique en pourcentage du PIB, je vous invite à l’humilité… Entre 2008 et 2012 – je tiens à votre disposition les chiffres précis année par année –, l’augmentation moyenne a été de 3,1 %, contre 1,3 % entre 2013 et 2017, soit 2,5 fois moins.
Là encore, on peut dire que ce n’est pas la bonne méthode ou le bon levier, mais pas que ce gouvernement a fait exploser la dépense publique.
Et, comme l’a fait voilà quelques instants la vice-présidente de la commission des affaires sociales, je voudrais ajouter un élément qui n’est pas assez souvent évoqué : le budget de l’État prend en charge l’ensemble des réductions de cotisations sociales décidées par le Gouvernement et le Parlement. On peut ou non s’en réjouir. En tout cas, cela explique le fait que le déficit de la sécurité sociale s’améliore, ce qui est, là aussi, une constatation tout à fait factuelle, alors que celui de l’État se réduit moins vite.
Je souligne ce point, parce que cela touche un débat de fond sur le modèle de financement de notre protection sociale. Je conviens qu’il s’agit d’un sujet technique, mais il me semble qu’il peut tout à fait être soulevé dans cet hémicycle.
Je voudrais également répondre à M. Requier, qui m’a interrogé sur le prélèvement à la source concernant les élus. Aujourd’hui, ceux-ci peuvent opter pour un tel prélèvement – et c’est ce qu’ils sont nombreux à faire –, mais ils peuvent aussi choisir d’imputer leurs revenus sur leur déclaration annuelle classique.
Chacun choisit, ce qui est logique, la solution la plus avantageuse. Dans certaines situations, par exemple lorsque le conjoint n’a pas de revenus ou que des enfants sont à la charge du contribuable, il peut être avantageux de ne pas choisir le prélèvement à la source.
Nous nous heurtons, sur ce dossier, à une véritable difficulté : si nous conservons le système actuel, l’impôt sur le revenu de l’année 2017 serait annulé pour certains contribuables, ceux qui ont choisi de rattacher les revenus d’élu au foyer fiscal, et maintenu pour les autres, ceux qui ont choisi le prélèvement à la source. En outre, il y a une question de temporalité, puisque cette option est choisie en fin d’année.
Devant cette difficulté, toute autre solution que celle que nous avons retenue serait inconstitutionnelle, car elle créerait une inégalité entre un même type de contribuables, d’activités et de revenus : pour certains, une année n’aurait pas été imposée, pas pour les autres.
Voilà pourquoi nous avons fait ce choix ! Alors, qui sont les gagnants et qui sont les perdants ? Objectivement, cela dépend. Il est nécessaire de faire des simulations – les associations d’élus en ont sans doute fait – dans toutes les situations possibles pour bien appréhender la réponse à cette question. Certains sont clairement gagnants, par exemple ceux qui ont des enfants ou dont les autres revenus fiscaux sont faibles.
En tout cas, pour tous ceux qui ont opté pour le prélèvement à la source, c’est un cadeau correspondant à une année d’imposition sur l’indemnité de fonction, puisqu’il n’y aura pas d’imposition sur 2017. En outre, tout cela se calcule sur la durée du mandat ; seules cinq années seront imposées, pas six, ce qui constitue un gain.
Je voulais vous apporter ces quelques éléments, nous aurions pu en parler plus en détail, mais ce ne sera pas possible vu la manière dont les débats ont été organisés au Sénat…
Je souhaite aussi dire quelques mots au sujet de l’intervention du premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui a fait un descriptif de la situation internationale et de ses dangers. Je partage assez largement son analyse géopolitique, mais, concernant les crédits, quelques observations doivent tout de même être faites.
Premièrement, c’est la première fois qu’une loi de programmation militaire est respectée. Deuxièmement, elle a même été révisée à la hausse en 2015, ce qui n’était évidemment pas prévu. Troisièmement, Jean-Pierre Raffarin a eu la courtoisie et la justesse de souligner l’abondement important des crédits de l’aide publique au développement : 130 millions d’euros, auxquels se sont ajoutés 270 millions, soit un total de 400 millions.
Je suis moins en accord avec lui sur la question du coût des facteurs, qui est un sujet récurrent de débats entre plusieurs ministères et le mien. On ne peut tout de même pas dire que les prix de l’énergie et du pétrole sont les mêmes aujourd’hui qu’au moment où a été établie la loi de programmation militaire. Des études très précises ont été réalisées par l’Inspection générale des finances et le contrôle général des armées. J’estime que cela est incontestable.
Or nos forces armées, avec tout le respect que je leur dois, consomment énormément de kérosène et de gazole, ce qui représente une part importante de leurs dépenses.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. D’ailleurs, elles ont mis en place un système d’achat très performant, il permet de sécuriser les prix en achetant sur des durées longues. Il n’empêche que les prix du pétrole et de l’énergie en général ont baissé.
Sur ce point, nous avons un différend avec le ministère de la défense et j’imagine auprès de qui le premier ministre Jean-Pierre Raffarin est allé chercher ses informations, ce qui est certes légitime. J’assume cette différence, je crois qu’on peut se permettre de prendre en compte l’évolution des prix de l’énergie.
En conclusion, je le répète, je regrette profondément la manière dont le débat s’organise ici. On me dit que le Gouvernement n’accepte pas beaucoup d’amendements du Sénat, mais, vous le savez, nous n’y sommes pas majoritaires…
Il me semble que je prends toujours le temps de répondre aux questions et d’expliquer les différents sujets qui sont soulevés. Un choix a été fait et, bien évidemment, j’assisterai mardi prochain sur une longue durée à la suite des travaux, le vote aura lieu mercredi, et nous retournerons ensuite à l’Assemblée nationale. Je vous remercie de votre écoute. (MM. François Marc et Jean-Claude Requier applaudissent.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 novembre 2016, à quatorze heures trente :
Suite du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (n° 139, 2016-2017) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 140, 2016-2017) ;
Suite de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD