Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Baroin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 que nous avons la responsabilité d’examiner aujourd’hui a ceci de particulier qu’il porte sur une année civile durant laquelle les Françaises et les Français seront appelés à désigner leur futur Président de la République, puis à élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Un tel texte doit donc en théorie être l’occasion d’achever un programme politique déroulé durant cinq années.
Il doit aussi faire œuvre de responsabilité et anticiper les exercices budgétaires ultérieurs, en dressant un portrait sincère de la situation de nos finances publiques, afin que l’équipe gouvernementale qui arrivera aux responsabilités en 2017, quelle qu’elle soit, puisse se mettre au travail dès le premier jour.
Or, je regrette d’avoir à le dire devant vous aujourd’hui, monsieur le secrétaire d'État, ce projet de loi de finances pour 2017 est l’inverse de ce qui est attendu en de telles circonstances.
C’est une fuite en avant désespérée du gouvernement socialiste, que vous représentez ici, qui se rend compte que, à trop vouloir multiplier les promesses faites aux Français, il n’a pas été en mesure d’en tenir la plupart.
C’est une tentative désespérée de travestir la réalité de la situation économique et financière de notre pays, afin de la rendre plus acceptable aux yeux des Français. Vous le savez d’ailleurs, cette tentative a été vertement critiquée par le Haut Conseil des finances publiques ; j’y reviendrai.
C’est pour finir un geste désespéré du gouvernement socialiste pour tenter une nouvelle fois de jouer aux apprentis sorciers avec notre politique fiscale, dans un contexte préélectoral, alors que le plus grand service à rendre aux contribuables français aujourd’hui – aux ménages et aux dirigeants d’entreprises qui croulent sous les charges administratives – serait au contraire de leur proposer une fiscalité plus claire, plus juste et, surtout, plus stable dans le temps.
Si l’on doit dresser le bilan des promesses non tenues de ce gouvernement, il faut bien évidemment commencer par la douloureuse problématique du chômage. C’était une promesse de campagne de François Hollande, personne ne l’a oublié. L’inversion de la courbe du chômage devait se produire dès 2012. Or nous sommes bientôt en 2017, et les sursauts saisonniers ne parviennent pas à masquer l’échec abyssal de la politique socialiste en matière d’emploi.
Certains ont voulu se battre sur les chiffres ou recourir à des artifices statistiques. La vérité, c’est que, toutes catégories confondues, le chômage a tendanciellement progressé durant l’ensemble de cette mandature, avec le résultat désastreux sur notre économie que l’on connaît. Un niveau historique de chômage a été atteint cette année : 10,5 % de la population active en recherche d’emploi au mois d’août 2016 ! C’est inédit.
À ces centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, François Hollande n’a su proposer que des contrats aidés, ces vieilles lunes socialistes qui, depuis Jospin, ont mille fois fait preuve de leur inefficacité. Ce ne sont que cautères sur une jambe de bois ou rustines sur un dispositif qui ne fait que nous mener à l’impasse. Et ce n’est pas fini : quelque 298 000 emplois aidés étaient prévus par la loi de finances pour 2016, auxquels il faut ajouter 150 000 nouveaux contrats aidés prévus par un décret d’avance pris au mois de septembre dernier.
Le Président de la République s’était également engagé devant les Français à agir sur les déficits et à faire diminuer notre niveau d’endettement, en principe dès l’année 2014.
La promesse de retour à un déficit public de 3 % n’a pas été remplie en 2013, alors que c’était un engagement de campagne. Elle ne l’a pas non plus été en 2014. Elle ne l’a pas plus été en 2015. Elle ne l’est toujours pas en 2016. Vous savez, monsieur Eckert, car je vous sais sincère, que malgré les postures du Gouvernement, elle ne le sera pas en 2017.
M. François Baroin. Cette hypothèse est estimée « improbable » et plus qu’« incertaine » par le Haut Conseil des finances publiques.
M. François Baroin. Si l’on peut vous considérer comme subjectif et moi comme partial, au moins le Haut Conseil des finances publiques donne la ligne : nous ne serons pas au rendez-vous de l’engagement pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens de respecter le traité budgétaire que notre pays a ratifié.
M. François Baroin. Le pic d’endettement était annoncé par François Hollande pour 2013 à 91,3 % du PIB. Il devait en principe être suivi d’une décrue. La réalité a été tout autre. Notre endettement n’a cessé de progresser, malgré des taux d’intérêt historiquement bas. Il dépasse aujourd’hui les 98 % du PIB. Le moindre relèvement des taux, et une telle tendance nous guette, risque mécaniquement de précipiter nos comptes publics dans une situation très difficile.
M. François Baroin. L’observation des marchés, notamment du marché américain, laisse penser qu’un tel renchérissement du crédit est pour bientôt.
Parole de connaisseur, dites-vous, monsieur Eckert. Lorsque nous étions aux responsabilités, nous avons eu à affronter la plus grande crise financière depuis 1929.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. François Grosdidier. Eh oui !
M. François Baroin. Toutes les économies ont pratiqué de la relance budgétaire pour soutenir l’activité économique en préservant les minima sociaux et l’ensemble de notre dispositif de soutien à l’investissement privé et public.
La dette française a augmenté au cours de la période 2007-2012, c’est vrai.
M. François Baroin. Mais quid de la dette britannique, de la dette allemande, de la dette américaine ? Toutes les économies se sont retrouvées dans cette situation ! Nous nous sommes engagés à revenir, grâce au traité budgétaire, à un cadre de gestion rigoureuse et vertueuse de nos finances publiques.
Vous avez accentué cette tendance, vous l’avez amplifiée, après l’avoir contestée.
M. François Grosdidier. Oui !
M. François Baroin. Au fond, au travers de ce budget, c’est ce dernier mensonge qui est révélé aujourd'hui, ce mensonge qui a créé les conditions permettant à François Hollande d’accéder à l’Élysée.
Vous voilà aujourd'hui au pied du mur après ces quatre années. Ce texte présenté par le Gouvernement est le dernier artifice de cette gestion, et nous serons bien obligés de corriger cette dette.
M. François Baroin. Je cesse ici la litanie des promesses que François Hollande n’a pas tenues. Annoncé, le plan d’économies de 50 milliards d'euros n’a jamais eu lieu. Le Président socialiste l’avait promis en 2014, mais l’objectif n’a eu ensuite de cesse de se décaler dans le temps. Deux années ont passé, et son objectif a été consciencieusement raboté d’une dizaine de milliards d'euros.
En revanche, le niveau de la dépense publique, lui, n’a pas été raboté sous la présidence Hollande.
M. François Baroin. En quatre années, elle a progressé trois fois plus rapidement en France que dans le reste des pays de l’OCDE.
M. François Baroin. En particulier, la masse salariale de l’État doit augmenter de 4 % pour la seule année 2017. Au total, nous avons aujourd’hui une dépense publique qui avoisine les 57 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’Union européenne se situe à 47,4 % et que celle de l’Allemagne atteint 44 %.
M. François Baroin. Hors dette et pensions, naturellement.
Est-ce là le fruit d’une politique responsable ? Le projet de loi de finances pour 2017 présente une vision édulcorée de la situation budgétaire de notre pays. Cela se manifeste tout d’abord en matière de prévision de croissance. Ce projet de loi de finances retient une hypothèse de 1,5 % pour 2017, avec un acquis de croissance pour 2016 estimé à 1,5 %. Rien de tout cela n’est plausible.
Le matin, en vous rasant ou en vous regardant, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, cher Christian Eckert, vous devez savoir que vous êtes très loin de cet objectif. Je puis comprendre le recours à la méthode Coué – du nom d’un remarquable pharmacien né à Troyes (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – pour conforter votre doctrine budgétaire,…
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut plutôt un remède de cheval !
M. François Baroin. … mais les chiffres sont là, et il n’est qu’à constater le consensus des économistes en la matière : pour 2016, la croissance sera sans doute plus proche de 1,3 % ; pour 2017, le FMI comme l’OCDE tablent sur des taux compris entre 1,2 % et 1,3 %. À cause de vos choix, qui ont aussi contribué à altérer profondément la confiance, il faut s’attendre à un reflux et, finalement, l’acquis de croissance sera uniquement concentré sur l’exercice du premier trimestre.
La surévaluation de la croissance entraîne mécaniquement une surestimation des recettes annoncées dans ce projet de loi de finances pour 2017, de l’ordre de 3,5 à 6 milliards d'euros, selon la commission des finances du Sénat. De ce point de vue, le rapporteur général de cette dernière a éclairé de façon remarquable les travaux de la Haute Assemblée, et je partage pleinement son analyse.
À cela s’ajoutent les recettes de 2018 avancées sur 2017, grâce à des artifices budgétaires que je ne détaillerai pas ici : acompte d’impôt sur les sociétés, acompte sur la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, etc. En tout, quelque 1,2 milliard d'euros sont imputés fictivement au budget 2017 sur des recettes prévues en 2018.
M. François Baroin. Il y a une forme d’insincérité – je lâche le mot – en la matière.
Les mêmes penchants créatifs se manifestent côté dépenses, avec des postes que l’on sous-estime grossièrement. Ainsi, les dépenses de santé sont sous-évaluées de 500 millions d’euros.
M. François Baroin. Plus de 10 milliards d’euros de dépenses prévues pour 2017 sont reportées comptablement à 2018.
M. François Baroin. Je pense à la montée en charge de la baisse d’impôt sur les sociétés – 1,12 milliard d'euros –, à la hausse du CICE – 1,6 milliard d'euros – ou au crédit d’impôt pour la transition énergétique – 1,6 milliard d'euros également.
Je sais que vous ne le direz pas, monsieur le secrétaire d'État, mais reconnaissez que vous laisserez une situation plus que difficile, plus qu’exigeante et plus que complexe à redresser, lorsque nous arriverons aux responsabilités.
M. François Baroin. Cette addition d’estimations biaisées et d’artifices comptables, en recettes comme en dépenses, va bien au-delà de l’insincérité budgétaire. C’est indigne. C’est irresponsable. C’est le gouvernement socialiste qui tente de quitter le restaurant par la porte de derrière, en laissant son ardoise. Et tant pis pour le contribuable français qui devra au bout du compte régler l’addition ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Qui va faire la vaisselle ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. François Baroin. Voilà, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les éléments qui me conduisent naturellement à critiquer avec une sévérité juste et lucide la réalité de ce projet de budget. Et que dire des « petits cadeaux », véritables écrans de fumée, qu’il s’agisse de l’augmentation du crédit impôt compétitivité sur la moyenne européenne concernant l’impôt sur les sociétés ou du crédit d’impôt de 20 % destiné aux « classes moyennes ».
Cependant, le véritable écran de fumée, c’est le projet de prélèvement à la source,…
M. Alain Bertrand. Et les deux points de TVA ?
M. François Baroin. … une réforme mal ficelée, mal organisée, alors que le taux de recouvrement de l’impôt est très élevé, de l’ordre de 99 %. Ce que le Gouvernement propose n’est pas acceptable, puisqu’il demande aux entreprises de faire le travail à la place de l’administration, sans que celle-ci en profite pour se réformer. Il n’y a là ni efficacité ni modernité.
C’est donc un projet de budget insincère, qui ne va pas dans la bonne direction et qui ne pourra être exécuté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous invite à respecter avec la plus grande rigueur les temps de parole impartis, pour éviter tout dérapage. (Exclamations.)
M. Éric Doligé. Le groupe socialiste et républicain nous a offert son temps de parole !
Mme Évelyne Didier. C’est curieux de le rappeler au moment où un sénateur CRC va s’exprimer !
Mme la présidente. Madame Didier, tous les groupes politiques ont dépassé leur temps de parole – à l’exception bien sûr du groupe écologiste, qui a toujours à cœur de maîtriser ses énergies. (Sourires.)
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le service public, c’est le capital de ceux qui, justement, n’en ont pas. Le dogme libéral de la réduction de la dépense publique s’attaque donc au bien de tous ! C’est à partir de cette formule éclairante que nous souhaitons réhabiliter aujourd'hui encore le concept même de dépense publique.
Ceux qui critiquent l’investissement dans l’éducation ou dans les hôpitaux publics sont beaucoup moins regardants quand il s’agit de s’interroger sur l’opportunité et l’efficacité de certains crédits d’impôt. Inévitable au mieux ou nuisible au pire, la dépense publique est parée de tous les défauts par certains observateurs orientés par un libéralisme aveugle, qui, depuis le « dégraissage du mammouth », ne supportent plus que l’impôt serve l’intérêt général.
En parfaite contradiction, ces contempteurs de la dépense n’hésitent évidemment pas à proposer un outillage complet en matière de déductions fiscales au profit des plus riches. Pour eux, la dépense publique, c’est mal, mais la déduction fiscale, c’est bien !
En obéissant aux dogmes libéraux du traité de Lisbonne, il faudrait donc, pour que cela aille mieux, réduire drastiquement la dépense publique, en commençant par le plus dur, la rémunération et les postes des fonctionnaires. On nous a rabâché pendant des années qu’il fallait réduire les déficits et parvenir aux 3 %, mais que fera-t-on une fois cet objectif atteint ? Ce sera bientôt le cas, et on tient toujours le même discours, on chante toujours la même sérénade : la dépense publique est trop forte, il faut aider les plus riches, notamment les grosses entreprises.
M. Fillon aujourd’hui, comme la majorité sénatoriale hier, prône la suppression de rien de moins que 500 000 postes d’agents publics. Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français : vous voulez casser le service public qui protège les plus faibles, notamment face à la violence de la crise !
Cette mesure est présentée, chiffres à l’appui, comme devant permettre d’assurer, à terme, une économie annuelle de 15 milliards d'euros. Le chiffrage de la fondation iFRAP du MEDEF, base de calcul du programme de François Fillon, a-t-il ou non intégré les pertes de recettes fiscales liées à la suppression de quelques-uns des emplois objectivement contributeurs à l’impôt sur le revenu, aux impositions locales ou encore à la TVA ?
Vous le savez bien, mes chers collègues, plus de chômage, c’est moins de recettes pour la sécurité sociale et pour les retraites !
M. Alain Bertrand. Ils vont supprimer la sécurité sociale et les retraites !
M. Éric Doligé. Nous allons diminuer le chômage !
M. Thierry Foucaud. On peut imaginer la suite… En menant une telle politique, nous irons de mal en pis, nous aurons de plus en plus de chômeurs et la situation de la France ne sera pas celle que nous souhaitons.
Ce chiffrage a-t-il pris en compte que les emplois publics, ce sont les « couches moyennes » qui, par leurs impôts, leurs habitudes culturelles, leur consommation, sont à l’origine de l’activité de bien des secteurs et de l’encaissement de bien des recettes fiscales ? Ce projet casse la croissance, casse l’économie. Ce thatchérisme après l’heure mettrait définitivement la France à genoux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hubert Falco. N’importe quoi !
M. Thierry Foucaud. Dans le même esprit – Marie-France Beaufils l’a indiqué –, la réduction des dépenses des collectivités locales, imposée au forceps, aura entre autres conséquences celle de dégrader la situation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, donc de remettre en cause la solidarité entre régimes de retraite et, par ricochet, de poser la question de l’équilibre du régime social des indépendants ou celui du régime agricole. (M. Hubert Falco s’exclame.)
La vision réductrice de la dépense publique qui sous-tend ce projet de budget d’austérité et qui mobilise maintenant la droite dans une surenchère destructrice pour notre pays n’est décidément pas d’actualité. Elle ne s’inscrit ni dans l’avenir ni dans l’appel à la modernité que souhaitent les Français. Elle ne répond pas aux exigences de développement.
Il faut par exemple inverser la tendance à la forte baisse de l’investissement public ces dernières années, clef du développement de notre pays. Oui, il faut le rappeler, le TGV, Airbus, l’énergie – des barrages à l’éolien, en passant par le nucléaire –, c’est de la dépense publique. L’effort considérable des collectivités locales s’inscrit également dans cette tendance.
La dépense publique doit être dédiabolisée. Certains qui la critiquent sans mesure l’apprécient bien. Je pense aux concessionnaires d’autoroutes, qui ont profité plein pot de l’énorme investissement public.
Nous n’acceptons donc pas, en toute logique, que des sommes considérables soient mobilisées pour des crédits d’impôt dont la seule fonction est de restaurer les marges des entreprises. Non, l’argent public n’a pas cette vocation. Cela doit plutôt découler de la capacité desdites entreprises à améliorer leurs processus de production, la qualité de l’emploi et le niveau de qualification de leur personnel ou encore à développer leurs efforts de recherche pour produire mieux à moindre coût.
Mes chers collègues, il y a mieux à faire avec les 20 milliards d'euros du CICE, les 30 milliards d'euros d’exonérations de cotisations sociales et les 6 milliards d'euros du crédit d'impôt recherche !
Oui, nous sommes pour un soutien de la dépense publique au secteur privé de l’économie, mais, s’il vous plaît, cessez ces cadeaux indécents à des grands groupes qui privilégient la spéculation financière, la rémunération des actionnaires ou les salaires de leurs dirigeants, au détriment d’une politique de création d’emplois.
Nous venons ainsi d’apprendre que la SEITA à Riom allait licencier, alors qu’elle a bénéficié du CICE. Je pourrais multiplier les exemples.
M. Jean-Claude Lenoir. Le Gouvernement est devant vous !
M. Thierry Foucaud. Tout au contraire, la dépense publique doit être renforcée dans bien des domaines. Je pense en particulier au développement durable et à l’écologie. Il faut dans ce domaine refuser que les politiques en matière de transport et d’infrastructures continuent d’accorder la priorité au développement des réseaux routiers, un an après la COP 21 ! La dépense publique doit accompagner avec une tout autre force la transition énergétique. L’austérité de ce budget tourne le dos à cette option.
Oui, il faut une dépense publique renforcée au service du logement. Une dépense au service des mal-logés, du logement social et certainement pas des investisseurs immobiliers, les « requins » du système.
Il est temps de réhabiliter la dépense publique à l’aune de son utilité sociale, de sa capacité à répondre aux besoins des populations. Notre projet, c’est le renouveau du service public, par une promotion d’une dépense publique tournée vers l’intérêt général,…
M. René-Paul Savary. Avec quel argent ?
M. Thierry Foucaud. … certainement pas vers la poursuite des exonérations massives ou la protection des privilèges. Cette voie, c’est là celle du progrès, de la nouvelle croissance et de l’avenir, celle que nos concitoyennes et concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel. (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Michel Amiel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, mon intervention peut paraître bien dérisoire face à ce non-débat, à ce refus de débattre. Agir ainsi, c’est remettre en question le rôle du Sénat, donc le bicamérisme, ce que je regrette profondément.
Je concentrerai mon propos sur la mission « Santé ». Pour 2016, les crédits de cette mission s’élèvent à 1,27 milliard d’euros, répartis en deux programmes : le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », et le programme 183, « Protection maladie », quasi stables par rapport à l’année dernière.
L’architecture de ces crédits a été profondément marquée par la mise en place d’une des mesures de la loi Santé, à savoir la création d’une grande agence de santé publique, réunissant l’Institut de veille sanitaire, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Ce regroupement des compétences, de la coordination des politiques de prévention jusqu’à la planification des interventions d’urgence, ne peut être que bénéfique pour la santé publique. Cela s’inscrit dans la lignée des efforts de rationalisation que toutes les agences sanitaires doivent continuer à mettre en place.
Le programme 204 a pour objet de contribuer à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Il accompagne les mesures de modernisation de l’offre de soins, développées notamment par la loi Santé de l’an dernier au travers de l’action n° 19. Le problème de la démographie médicale doit nous conduire, par le biais de mécanismes techniques, tels que la télémédecine et de mesures incitatives locales, à repenser en profondeur l’organisation de l’offre de soins.
L’action n° 12, Santé des populations, est essentielle. Toutefois, je déplore l’abandon de l’intitulé « Éducation à la santé ». Je l’ai souvent dit, mais, de manière générale, la prévention et l’éducation à la santé restent les parents pauvres de la médecine dans notre pays. Or la santé des jeunes passe par la prévention du tabagisme et de l’alcoolisation aiguë et par une meilleure alimentation. La bonne santé d’un adulte se prépare dès le plus jeune âge.
La prise en compte d’indicateurs précis de la politique de prévention est donc encourageante, qu’il s’agisse du taux de couverture vaccinale ou de la participation au dépistage organisé du cancer colorectal.
Notre société doit faire face à de nouveaux risques, notamment face aux maladies vectorielles. Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance du récent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, sur ce sujet. Les maladies infectieuses restent aussi un enjeu de santé publique, même au XXIe siècle.
Que dire des crédits sur les maladies chroniques, prévus à l’action n° 14, incluant la santé mentale et la lutte contre les addictions ? Ils sont en légère augmentation, car, hélas, de plus en plus de Français sont concernés.
En matière de santé mentale, la précarité sociale fait bien souvent le lit des troubles psychiatriques. Notre société doit prendre à bras-le-corps ce sujet, qui suppose, encore une fois, de s’appuyer sur la prévention et le dépistage. Une politique spécifique pour les mineurs devrait émerger clairement.
Le programme 183, avec ses 823 millions d’euros, représente plus de 60 % du budget de la mission « Santé ». Il est au cœur de notre devoir de solidarité et permet de financer l’aide médicale de l’État, l’AME, et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
Si la prévision de dépenses pour l’AME est en augmentation, cela répond non seulement au problème récurrent de sous-budgétisation, mais aussi à l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Toutefois, afin de couper court à toute polémique, cette croissance du budget est inférieure à l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Je le rappelle, le principe de l’AME est essentiel. Il répond à une rationalité humanitaire et au besoin de soigner les gens en première nécessité.
M. Michel Amiel. Pour le médecin, soigner sera toujours un devoir. Il s’agit également d’une préoccupation de santé publique, en particulier la lutte contre les maladies infectieuses et les maladies de la précarité, comme la tuberculose, la gale ou d’autres qui peuvent toucher non seulement l’individu, mais aussi son entourage et la population générale.
Mes chers collègues, j’aurais aimé que nous puissions débattre plus longuement de ces orientations budgétaires, de manière apaisée et constructive, mais aussi, puisque l’on parle de la matière budgétaire, de manière plus sincère. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)