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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des finances a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2017, actuellement en cours d’examen.
La liste des candidats a été publiée, conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Projet de loi de finances pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances revêt cette année un caractère particulier. Cela a été dit et cela sera répété tout au long de cette discussion générale : le Gouvernement nous soumet un texte dont la sincérité est contestable.
En tant que rapporteur général du budget de la sécurité sociale, j’ai malheureusement déjà eu à déplorer dans le PLFSS des artifices analogues à ceux qui sont employés dans le projet de loi de finances pour 2017.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je m’exprimerai sur les missions « Régimes sociaux et de retraite », « Travail et emploi », « Solidarité » et « Santé ». Je remercie d’ailleurs mes collègues rapporteurs de la commission des affaires sociales de leurs avis éclairant sur ces thématiques qui nous sont chères et qui sont essentielles dans le quotidien de nos concitoyens.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les onze régimes spéciaux de retraite. Les crédits, en 2017, atteindront tout de même 6,25 milliards d’euros, en baisse de 1,1 %, confirmant une tendance constatée depuis quatre ans.
L’alignement progressif de ces régimes sur le régime général se poursuit, mais trop lentement, tout particulièrement s’agissant des régimes de la RATP et de la SNCF, sur lesquels presque rien n’a été fait au cours de l’actuel quinquennat – on comprend bien pourquoi !
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, même si la spécificité de certains métiers, notamment leur pénibilité, doit bien être prise en compte dans le fonctionnement du régime de retraite, il faut aller vers un régime à point pour plus de justice et d’équité entre les Français.
Au sein de la mission « Travail et emploi », j’évoquerai maintenant tout particulièrement la garantie jeunes.
Nous avons longuement débattu de cette mesure lors de l’examen de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels l’été dernier. Sa généralisation nous paraissait prématurée ; l’expérimentation aurait dû aller à son terme.
Si ce dispositif, je n’en disconviens pas, est intéressant – il est probablement l’un des plus prometteurs pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi –, sa réussite est conditionnée à la mise en place d’un suivi particulièrement attentif du bénéficiaire, d’une animation collective et d’une mobilisation, j’insiste sur ce point, des entreprises du territoire. Or je crains que les tâches administratives, de par leur ampleur – je l’ai dit à Mme la ministre –, n’entravent l’efficience du dispositif.
La prime d’activité est quant à elle au cœur de la mission « Solidarité ». Notre collègue Philippe Mouiller a en effet regretté le décalage entre la faible budgétisation de cette prime et son succès, décalage qui obligera à réaliser des corrections budgétaires relativement importantes. La prime d’activité est une innovation intéressante pour lutter contre la pauvreté, mais elle ne constitue pas encore une incitation suffisante au retour à l’emploi. La prochaine majorité devra probablement mieux cibler ce dispositif, afin d’en améliorer l’efficacité et de renforcer son financement.
Enfin, mes chers collègues, j’évoquerai brièvement la question de l’aide médicale d’État, l’AME, qui est au cœur de la mission « Santé », car elle fait selon moi l’objet de fantasmes qui empêchent de raisonner convenablement. L’aide médicale d’État est l’expression la plus fidèle de la tradition humaniste de notre pays. (M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics applaudit.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On parle de personnes en situation illégale sur notre territoire national et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond, fixé à moins de 800 euros par mois pour une personne seule. Nous nous devons de leur porter assistance et de leur prodiguer les soins appropriés lorsque leur santé le nécessite ou lorsque la sécurité sanitaire est en jeu.
Néanmoins, il ne faut pas faire preuve d’angélisme sur ce sujet et occulter la charge de 700 millions d’euros par an que représente l’AME, en augmentation de plus de 40 % depuis 2012. Il existe aussi des abus – je pense au « tourisme sanitaire » –, que je ne nie pas, mais dont il faudrait véritablement déterminer l’ampleur. Je pense que l’AME doit être revue en cohérence avec la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, comme le suggérait le président de la commission des affaires sociales, Alain. Milon.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’aurons pas l’occasion de revenir en détail sur les missions que je viens d’évoquer brièvement. J’espère que nous pourrons le faire l’été prochain, lors de l’examen d’un projet de loi de finances rectificatif, lorsque nous aurons élu un nouveau Président de la République. Le groupe UDI-UC et moi-même souhaitons ardemment assurer la durabilité des politiques publiques qui relèvent de la solidarité nationale, au bénéfice des plus fragiles d’entre nous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai sur un point très précis, essentiel pour l’action des collectivités locales en faveur du climat et de la transition énergétique.
Depuis l’adoption de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », et de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les collectivités françaises disposent de compétences clefs leur donnant les moyens de participer de façon décisive à la lutte contre le changement climatique. Les plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET, sont désormais obligatoires à l’échelle intercommunale et doivent décliner des objectifs cohérents avec les objectifs internationaux de la France en matière de climat.
Aujourd'hui, toutes les intercommunalités françaises doivent avoir pour objectif de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030.
Les régions, quant à elles, doivent élaborer des schémas prescriptifs, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, ou SRADDET, auxquels seront intégrés les plans climat-air-énergie territoriaux.
L’atteinte de ces objectifs passera inéluctablement par une mise en mouvement généralisée, rapide et cohérente des territoires et des acteurs locaux, car ce sont les collectivités locales, en particulier les intercommunalités, qui mènent les politiques publiques ayant le plus d’impact sur le climat. Ce sont elles en effet qui gèrent les bassins de vie, c'est-à-dire les politiques de mobilité ou de réhabilitation du logement ancien.
M. Hubert Falco. Les collectivités territoriales ont surtout besoin de dotations !
M. Ronan Dantec. Autrement dit, sans la mobilisation des territoires, des intercommunalités et de leurs élus, notre pays n’atteindra pas les objectifs qu’il s’est fixés en matière de climat et de transition énergétique. Je rappelle d’ailleurs que nos résultats ne sont pas bons cette année. Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont plafonné, ce qui était une bonne nouvelle, c’est grâce aux États-Unis et à la Chine. Les émissions de la France, notamment dans le domaine des transports, ont augmenté de manière significative cette année, ce qui est une très mauvaise nouvelle. Je le répète, la mobilisation des territoires est nécessaire.
Toutefois, comme nous le déplorons régulièrement, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, les nouvelles responsabilités des collectivités territoriales ne s’accompagnent d’aucun financement spécifique. Or les territoires ont besoin de financements pérennes pour mettre en œuvre ces documents de planification absolument essentiels.
Depuis plusieurs mois, les réseaux de collectivités territoriales travaillent ensemble sur le projet d’une dotation additionnelle climat, qui serait attribuée aux intercommunalités et aux régions. Son attribution serait subordonnée à la mise en place des plans climat-air-énergie territoriaux et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
Son financement s’appuierait sur les recettes de la contribution climat-énergie, la CCE, lesquelles augmenteront de manière significative d’année en année, conformément à ce qui a été voté ici même au Sénat dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dans la loi de finances pour 2016 : il s’agit d’atteindre 22 euros la tonne en 2016, quelque 30,5 euros la tonne en 2017 et 100 euros la tonne en 2030.
Les réseaux de collectivités territoriales ont évalué le coût de la mise en place de ces plans climat. Ils estiment ainsi que l’élaboration du plan ou du schéma coûtera environ 1 euro par habitant et que sa mise en œuvre sur le territoire coûtera entre 100 euros et 200 euros par habitant. Il s’agira d’accompagner les populations et les acteurs économiques dans la rénovation énergétique, dans la lutte contre la précarité énergétique, dans les politiques de transport ou de développement des énergies renouvelables. L’animation du plan, quant à elle, coûtera 10 euros par habitant et par an.
Nous avons rédigé un amendement en concertation avec l’ensemble des réseaux de collectivités territoriales françaises visant à doter les EPCI et les régions, respectivement en charge de l’élaboration des PCAET et des SRADDET, de 15 euros par habitant, soit 10 euros par habitant pour les intercommunalités et 5 euros par habitant pour les régions, sachant que les recettes que l’État tirera de la contribution climat-énergie augmenteront régulièrement.
La particularité du système est que l’État gagne de l’argent aujourd'hui avec le climat ! Or, alors que les recettes augmentent, que l’on a accordé des compétences nouvelles aux intercommunalités, on ne leur octroie pas de moyens. Il faut rééquilibrer la situation. Tel est le sens de notre proposition, monsieur le secrétaire d'État.
J’ajoute que la baisse de la dotation globale de fonctionnement, que l’on doit au précédent gouvernement, et que certains candidats à la présidentielle, je le crains, souhaitent pérenniser ou accroître, est une mesure récessive, comme en sont convenus ici Marylise Lebranchu et François Baroin. La baisse de la DGF a effectivement diminué la capacité des territoires à soutenir leur développement et la reprise économique. Par ailleurs, elle a eu pour conséquence une plus faible péréquation nationale en faveur des territoires les moins solides, en particulier les territoires hyper-ruraux, même si elle a été compensée pour certains par la dotation de solidarité rurale, la DSR.
La mesure sur laquelle nous travaillons avec les réseaux de collectivités territoriales, qu’il s’agisse de l’Association des maires de France, l’AMF, de l’Association des régions de France, l’ARF, de France urbaine, ou de l’Association française du Conseil des communes et régions d’Europe, l’AFCCRE, vise à inciter les intercommunalités à élaborer leur PCAET. La loi les y oblige, mais on ne leur tend pas de carotte, aucun financement n’étant prévu. Il s’agit donc de créer une dynamique vertueuse, y compris en termes d’équilibre territorial. La dotation que nous proposons sera intégrée au budget général des intercommunalités. Elle n’est donc pas fléchée. Les territoires pourront ainsi effectuer eux-mêmes les choix qu’ils jugeront les meilleurs.
J’espère, mes chers collègues, vous avoir convaincu de l’intérêt de cette mesure assez cohérente et consensuelle, à laquelle nous avons travaillé pendant plus d’un an avec les réseaux de collectivités territoriales – leurs présidents siègent sur toutes les travées, certains étant très connus ici. Elle permettra aux collectivités territoriales d’exercer les nouvelles compétences que nous leur avons octroyées et de renforcer leurs capacités d’action.
J’espère également vous avoir convaincu, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que, pour l’instant, vous rechignez quelque peu à mettre en œuvre cette mesure et que vous avez pour l’heure alloué la recette de la CCE à l’allégement du déficit de la Contribution au service public de l’électricité, la CSPE.
J’indique que la mise en œuvre de cette mesure serait progressive. Elle s’appliquerait à compter de 2018, ce qui laisserait le temps aux intercommunalités de mettre en place leur PCAET. Sachant que toutes ne le feront pas, vous ne dépenserez pas la totalité de la dotation dès 2018. En outre, les recettes de la contribution climat-énergie augmenteront en 2019. Les réseaux de collectivités sont à votre disposition pour vous rencontrer et discuter de leur proposition avec vous.
J’espère, mes chers collègues, que vous serez nombreux à signer l’amendement que nous proposerons et que celui-ci pourra être examiné dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, afin que cette mesure puisse porter ses fruits à compter de 2018-2019, lorsque les recettes de la contribution climat-énergie seront disponibles. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur de la mission « Engagements financiers de l’État », je suis chargé d’évaluer la situation financière de la France et ses engagements financiers à l’étranger.
M. Charles Revet. Cette situation n’est pas brillante !
M. Serge Dassault. Je vais donc vous informer des risques financiers qui pèsent actuellement sur la France en raison de l’accroissement permanent de son endettement, non maîtrisé, de ses engagements à l’étranger et du risque de plus en plus élevé d’augmentation de ses taux d’intérêt.
Je vous rappelle que nous empruntons chaque année environ 200 milliards d’euros : 70 milliards d’euros pour financer notre déficit permanent et 130 milliards d’euros pour payer les échéances de nos emprunts, ce qui est rigoureusement interdit en matière de gestion financière, dans le privé comme dans le public, sauf pour le Gouvernement… En effet, on ne doit jamais emprunter pour payer ses dettes ! Cela s’appelle de la cavalerie et c’est synonyme de faillite. Cette pratique est pourtant devenue courante en France depuis Mitterrand et a été poursuivie par tous les présidents de la République, jusqu’à M. Hollande.
Alors que notre dette était de 100 milliards d’euros en 1980, elle s’élève aujourd'hui à 2 170 milliards d’euros. La charge de la dette financée par le budget est de l’ordre de 40 milliards d’euros par an, soit 40 milliards d’euros qui partent en fumée. La charge de la dette est stabilisée grâce aux taux d’intérêt qui sont actuellement très bas, mais ces derniers, je l’ai dit, vont commencer à remonter.
Lorsque nos taux d’intérêt augmenteront, soit par décision de l’Europe, soit parce que les investisseurs auront perdu confiance, constatant que le Gouvernement ne tient pas ses promesses de réduire le déficit, la charge de la dette augmentera rapidement.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Serge Dassault. C’est alors que nos recettes fiscales diminueront. Si les taux augmentent de seulement 2 %, cela nous coûtera 4 milliards d’euros d’intérêts de plus en 2017 et 8 milliards d’euros en 2018. Nous ne pourrons pas les financer. Nous serons alors rapidement en cessation de paiement, incapables de régler nos factures, comme la Grèce. Et ce n’est pas l’Europe qui nous aidera ! En effet, il est fortement probable que nos investisseurs augmenteront alors encore plus nos taux d’intérêt ou refuseront de nous prêter de l’argent, ce qui sera catastrophique.
J’en viens à nos engagements extérieurs. Je vous rappelle que nos ministres se sont engagés à verser 40 milliards d’euros en cas de défaillance de la Grèce, afin de l’aider à faire face à ses obligations, ce qui n’arrangera rien. Je ne sais pas où on les trouvera !
Le futur Président de la République devra gérer la France avec la volonté de réduire au plus vite nos déficits budgétaires. Il devra se rappeler que les impôts ont été créés pour financer les pouvoirs publics et non l’État providence. Il faudra qu’il change la fiscalité, si possible avec une flat tax à deux niveaux, pour réduire les impôts de tous. Cette baisse des taux sur une assiette fiscale élargie permettra de favoriser l’activité et la relance. Cela augmentera rapidement le rendement de l’impôt et permettra de réduire le déficit budgétaire.
On pourra ainsi créer un cercle vertueux : on baisse les taux et on augmente les recettes fiscales grâce à la suppression des niches fiscales devenues inutiles, lesquelles représentent plus de 80 milliards d’euros par an. Le Gouvernement aurait ainsi de quoi rétablir l’équilibre budgétaire et financer les réductions d’autres impôts. Il pourrait également accroître les dotations des collectivités locales, lesquelles ont été fortement réduites.
Cette flat tax pourrait être de 8 % jusqu’à un revenu de 4 000 euros par mois, y compris la CSG. On supprimerait ainsi tous les autres impôts sur le revenu jusqu’à 4 000 euros. Un taux unique de 25 %, dont les 8 % de la CSG, serait ensuite appliqué à tous.
Mes chers collègues, nous avons une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, nous devons tous en avoir conscience. Tous les gouvernements ont agi en pensant que les taux d’intérêt resteraient éternellement bas, ce qui est une faute très grave. La réalité est tout autre, et il faut en prendre conscience rapidement pour éviter le pire. Il faut vite prendre les mesures fiscales que je propose et réduire nos déficits budgétaires, pour que la France retrouve croissance et emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « il ne peut y avoir d’économie forte sans industrie forte ». Tel est le constat que dressait en 2012 Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, dans sa lettre de mission au Commissaire général à l’investissement, Louis Gallois.
Nous partageons toujours pleinement ce constat. Il est d’ailleurs incompréhensible, alors que nous avions souhaité au mois de septembre dernier l’organisation d’un débat sur l’avenir de l’industrie française, en lien avec le dossier Alstom, que cette demande soit restée lettre morte à ce jour !
Après avoir fait part de sa préoccupation, le Gouvernement s’est fixé comme objectif en 2012 de donner « un nouvel élan à l’industrie française. » Pour y parvenir, il a créé un nouveau dispositif fiscal : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce dernier a été institué par le Gouvernement par voie d’amendement en loi de finances, sans étude d’impact, ce qui constitue une incongruité.
Trois ans après sa mise en œuvre, alors que la créance publique annuelle s’élève à près de 20 milliards d’euros – 60 milliards d’euros en cumul –, les craintes que nous exprimions se confirment. Dans son rapport d’information, notre collègue Marie-France Beaufils a décrit le CICE comme étant un « outil complexe, dispersé et à l’efficacité incertaine ». Le CICE, si l’on analyse ses bénéficiaires, a manqué sa cible.
L’industrie, qui était la cible initiale du dispositif et qui a justifié la création du CICE, est minoritaire, ainsi que les secteurs soumis à la concurrence internationale, parmi les bénéficiaires. Ainsi, moins d’un cinquième seulement de la créance du CICE est destiné à sa cible, ce qui suscite des interrogations sur la pertinence même de cet outil.
À l’inverse, le secteur commercial, qui est souvent moins soumis aux impératifs de compétitivité, mais qui est souvent à l’origine de notre déficit commercial, est fortement représenté.
L’objectif de soutenir en priorité le tissu des petites et moyennes entreprises n’est pas atteint non plus. Ces entreprises représentent un tiers des dossiers pour un peu plus d’un cinquième de la créance, soit moins de la moitié de l’effort budgétaire. Les microentreprises bénéficient de moins de 15 % de la créance, quand elles représentent près de 80 % des dossiers. Ce sont les entreprises de taille intermédiaire et les grandes qui captent la majorité de la créance de CICE, alors même qu’elles représentent moins de 1 % des dossiers.
De plus, la loi prévoit pour les entreprises un devoir d’information et de transparence sur leur utilisation du CICE. Or les travaux de notre collègue Marie-France Beaufils, comme ceux de France Stratégie, montrent que les entreprises mettent régulièrement en avant le caractère illusoire de ce fléchage dans leur démarche quotidienne. Et quand information il y a, elle se révèle souvent très sommaire et peu documentée, ce qui rend le suivi difficile.
Avec un tel bilan, pourquoi proposer de porter de 6 % à 7 % le taux du CICE ? Ce dispositif a surtout amélioré les marges des entreprises, et ce, sans discernement.
Dispositif qui manque sa cible et ses objectifs ; contrôle a minima ; dispositif universel, donc aveugle, sans lien avec une stratégie nationale pour une politique industrielle : mes chers collègues, ce sont là tous les écueils que j’avais identifiés lors des travaux de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays.
Décréter la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche ne peut couper court aux interrogations, au débat et à l’exigence d’évaluation, le CIR constituant une aide publique équivalente à 9 % de l’impôt sur les sociétés brut.
La réforme de 2008 du gouvernement Sarkozy-Fillon était censée faire progresser « significativement » les dépenses de recherche des entreprises privées et développer l’emploi scientifique.
Or, si la charge du CIR a considérablement augmenté – elle représentait quelque 500 millions d’euros de créance en 2000, contre 5,5 milliards d’euros aujourd’hui –, la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises, la DIRDE, elle, n’a pas connu la même croissance. Avec une telle créance, on aurait pu s’attendre à une progression de la DIRDE comprise entre 10 milliards d’euros et 14 milliards d’euros. En réalité, en 2012, la DIRDE n’était supérieure que de 5,3 milliards d’euros à son niveau de 2007, quand le nombre de brevets restait atone. Il existe donc bien un décalage entre l’avantage fiscal consenti et son effet.
Le CIR n’a par ailleurs pas permis de développer l’emploi scientifique. À cet égard, l’exemple d’Untel, qui ferme l’ensemble de ses centres de recherche en France, est édifiant.
J’ai démontré les effets d’aubaine possibles, notamment grâce à un chevauchement des assiettes du CIR et du CICE permettant de cumuler deux avantages fiscaux. J’avais proposé la suppression de cette duplication d’avantages, dont le coût se situe, selon moi, entre 360 millions d’euros et 600 millions d’euros.
Ces effets d’aubaine, inhérents au dispositif même du crédit d’impôt, se traduisent, comme le pointe l’OCDE, par un « gaspillage des fonds publics ». C’est pourquoi nous avons proposé des pistes d’évolution et de transformation des deux dispositifs, qui, depuis le début du quinquennat, représentent, cumulés, 85 milliards d’euros de créance fiscale. C’est là que ceux qui cherchent de l’argent peuvent en trouver !
Ces dispositifs manquent leur cible et leurs objectifs. Ils dissimulent en réalité une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 %. Il est toujours singulier de voir la majorité sénatoriale de droite, pourtant si prompte à soumettre la dépense budgétaire directe à contrôles et évaluations, refuser l’évaluation d’une telle dépense fiscale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conséquences de la mise en œuvre du pacte de sécurité et de la création de postes supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur l’ensemble des programmes de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances sont encore difficiles à mesurer.
Je me garderai aujourd’hui de mentionner les effets indirects du pacte de sécurité sur d’autres missions, notamment sur le budget des collectivités territoriales, malgré l’annonce du Gouvernement d’allouer 50 millions d’euros aux travaux urgents de sécurisation des écoles.
Je souhaite, de manière plus approfondie, attirer votre attention sur les déséquilibres qui pourraient résulter des arbitrages retenus entre les différentes actions du programme « Sécurité civile ».
En apparence, la mise en œuvre du pacte de sécurité a un effet positif sur l’évolution des crédits alloués à la sécurité civile, en hausse de près de 8 % par rapport aux crédits accordés lors du précédent exercice. Cependant, une fois retirés les crédits spécialement affectés à la mise en œuvre de ce pacte, la hausse annoncée masque en réalité une baisse de 1,3 % des crédits de paiement.
La ventilation des crédits au sein du programme nous amène également à nous interroger : alors que des moyens supplémentaires sont alloués à la prévention et à la gestion des crises et aux fonctions de soutien général – état-major, inspection, fonction support –, les crédits accordés au soutien aux acteurs de la société civile stagnent. Il s’agit pourtant de l’enveloppe qui finance la formation des volontaires et des officiers.
Dans le récent rapport d’information qu’il a consacré aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, notre collègue Pierre-Yves Collombat dresse l’inventaire des chantiers prioritaires pour la sécurité civile française, afin de permettre à cette dernière de maintenir son niveau d’excellence. La question de la crise du système de volontariat y figure, au même titre que les difficultés liées à l’élargissement du périmètre d’intervention des agents des SDIS et à la coexistence de plateformes d’alerte distinctes entre les sapeurs-pompiers et le SAMU.
Ces arbitrages semblent révéler l’occultation des défis de long terme au profit de la lutte contre le risque terroriste. Ils pourraient nuire à l’excellence de nos forces de sécurité civiles à l’avenir, sachant que l’exaspération des agents est grandissante et que l’exaspération nourrit la crise des vocations.
Pourtant, l’excellence et le dévouement de nos forces de secours sont incontestables. La qualité des secours français est également plébiscitée à l’étranger, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, qui permet, par exemple, à nos sapeurs-pompiers de soutenir leurs homologues grecs ou espagnols lors des grands incendies de l’été. Voilà une vérité qui ne s’arrête pas aux Pyrénées !
Face à l’urgence du risque terroriste et à l’exigence de nos concitoyens, qui attendent que toutes les dispositions soient prises pour prévenir de nouveaux attentats, il est nécessaire de repenser les dispositifs de gestion de crise et de renforcer la coopération de tous les services de sécurité entre eux.
L’appréhension des nouvelles menaces qui pèsent sur la population ne devrait pas conduire à réduire les moyens alloués à la formation des agents en charge de la sécurité civile, au risque de détériorer la qualité des interventions lors d’évènements naturels certes saisonniers, mais récurrents : inondations, incendies… Au contraire, les efforts devraient être maintenus pour restaurer l’attractivité du volontariat.
Faute de pouvoir examiner en séance les crédits de cette mission « Sécurité civile », ce que nous regrettons, nous tenions à en dire quelques mots dans le cadre de cette discussion générale allongée. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)