M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial. »
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en œuvre du mécanisme de résolution unique et de la directive relative au système de garantie des dépôts.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances.
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Situation et avenir de La Poste
Débat organisé à la demande du groupe CRC
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La situation et l’avenir de La Poste », organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, orateur du groupe auteur de la demande.
M. Jean-Pierre Bosino, au nom du groupe communiste républicain et citoyen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je regrette que les travées de droite de notre hémicycle soient pour le moins clairsemées à l’occasion de ce débat.
M. Jean Desessard. Si c’était un bureau de poste, on l’aurait déjà fermé ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ou transféré dans une supérette !
M. Jean-Pierre Bosino. Notre groupe a tenu à demander l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat car la dégradation du service public postal est au cœur des préoccupations de nos concitoyens et des élus. Ce qui ne touchait encore il y a quelques années que les milieux les plus ruraux affecte aujourd’hui tout le territoire, sans distinction. Partout, nous rencontrons les mêmes luttes, qui associent les personnels, les élus et les usagers : nous avons pu le constater, tout à l’heure, devant le Sénat.
La direction de La Poste nous explique qu’il faut restructurer, pallier la baisse du courrier. D’ailleurs, si l’on en croit Philippe Wahl, PDG du groupe, le courrier aura totalement disparu dans quinze ans. Déjà au cours de la décennie précédente, certains nous annonçaient que les courriers allaient disparaître, que le papier serait obsolète et que nous passerions au tout-numérique.
Nous ne nions pas une baisse du courrier, de l’ordre de 5,8 % en 2015. Pour autant, la couverture numérique n’est pas totale, loin de là, et le courrier a encore de l’avenir.
La couverture des zones blanches, au grand regret de tous, tarde à venir pour une simple et bonne raison : nous n’avons plus France Télécom, qui a été transformée en Orange. Un bel autocar vante la fibre optique aujourd’hui dans la cour du palais du Luxembourg, mais cela ne suffira pas à couvrir les zones blanches !
En l’absence d’opérateur public, il n’y a pas d’égal accès au réseau, il n’y a pas de solidarité. Si nous ne voulons pas faire de La Poste le nouveau France Télécom, nous devons agir.
Le constat est clair : La Poste organise aujourd’hui les funérailles du service public, avec l’assentiment de l’État.
En effet, au nom de la dématérialisation et de la transition vers le numérique, les services assurés en bureau de poste deviennent progressivement plus chers et sont de plus en plus pris en charge par des opérateurs privés.
Tout est organisé pour que les usagers ne se rendent plus dans les bureaux de poste : réduction des amplitudes horaires, fermetures sauvages pendant l’été, mises en travaux qui se terminent en une fermeture définitive. Même l’intérieur des bureaux de poste est pensé de manière que les usagers ne veuillent plus y venir. Progressivement, les machines ont remplacé les agents et les sièges ont disparu, alors que les files d’attente se sont allongées.
Or il est clair que les gouvernements successifs ont organisé, ou du moins laissé faire, cette dégradation du service public.
Au passage, saluons la sagacité de nos collègues députés, qui ont supprimé l’article 52 du projet de loi de finances pour 2017 visant à dématérialiser la propagande électorale d’ici aux élections législatives. L’adoption d’un tel article aurait eu pour conséquences la perte de 70 millions d’euros pour La Poste et un nouveau recul de la démocratie.
À cela s’ajoutent les retards de courrier, voire les non-distributions, que subissent quotidiennement les usagers. Ces dysfonctionnements sont la conséquence directe des restructurations et, notamment, de celle du tri postal. Ils ont des incidences pour les particuliers, pour nos collectivités, mais aussi pour les entreprises et l’attractivité du territoire.
À Montataire, ville dont je suis maire, en août, nous n’avons reçu quasiment aucun courrier, avant que tout ne nous arrive d’un coup, en deux jours, au début de septembre ; pour certains envois, on comptait jusqu’à 28 jours de retard ! J’ai reçu de nombreux autres témoignages de ce type. Par exemple, le courrier d’une entreprise arrive régulièrement dans la bonne rue, au bon numéro, mais pas dans la bonne commune ! Un cabinet d’huissiers de justice, excédé par les disparitions de courrier et les retards, qui impactent lourdement son activité, a déposé plainte.
Ces problèmes récurrents et inhérents aux multiples réorganisations de services, ainsi qu’à la précarisation des emplois, interrogent sur les missions de La Poste aujourd’hui. Le groupe propose en effet de nouveaux services : passer l’examen du code de la route – projet cher à M. Macron –, livrer des pizzas, prendre soin des personnes âgées, et j’en passe ! Son PDG se targue d’en faire la « première entreprise de proximité humaine du pays ». Mais elle faillit à l’une de ses missions premières, à savoir distribuer correctement le courrier ; le peu de courrier qui lui resterait !
La même logique d’épuisement est appliquée pour la transformation progressive des bureaux de poste en « points de contact ». Oui, dans la novlangue postale, un bureau de poste est devenu un point de contact !
Pourtant, au même titre que la distribution du courrier, l’aménagement du territoire est l’une des missions de service public confiées à La Poste après la réforme de son statut, en 2009.
Le maillage territorial qui fait la force et la qualité du service public postal est toutefois sans cesse remis en cause. Les fermetures de bureaux continuent ; on les remplace par des « points de contact » ou des maisons non pas de service public, mais de services au public.
D’après le journal Les Échos, 46 % des points de contact seraient assurés par des structures autres que des bureaux de poste et payés, pour une partie d’entre eux, par les communes.
Nous pouvons pousser plus loin le parallèle avec France Télécom, au regard de la crise sociale que connaît le groupe La Poste.
Ces changements, ces restructurations permanentes, ont des conséquences terribles sur les agents de La Poste, qui est, rappelons-le, l’un des premiers employeurs de France.
Au moment même où nous débattons, des salariés, des syndicats, des usagers et des élus sont rassemblés devant le Sénat pour protester contre les fermetures de bureaux de poste et les réorganisations. Les personnels sont en grève, à l’appel de trois syndicats, la CGT, SUD et l’UNSA – certains sont présents dans les tribunes de cet hémicycle –, pour dénoncer les conditions de travail dégradées et les pressions subies par les salariés, conséquences directes des réorganisations. Toute la presse évoque aujourd’hui cette situation.
Pour preuve, huit cabinets d’expertise indépendants ont écrit à Philippe Wahl pour le mettre en garde quant à l’ampleur de la crise sociale à La Poste ; ils le préviennent de conséquences désastreuses pour la suite. Une copie de ce courrier a été adressée à la ministre du travail et au ministre de l’économie. Ils dénoncent : « Du courrier au colis, du réseau à la banque, les agents de La Poste subissent des réorganisations permanentes qui réduisent chaque fois les effectifs, et soumettent les agents qui restent à des cadences accélérées. »
D’après SUD-PTT, 20 % à 40 % des tournées sont intenables pour les facteurs, et les accidents se multiplient. Comment ne pas penser à cette jeune femme, dans le Nord, victime d’un accident vasculaire cérébral sur son lieu de travail, à qui l’on a imposé de finir son travail avant d’appeler les secours – le syndicaliste qui l’a aidée a en outre été sanctionné –, ou aux suicides de salariés, qui incriminent directement La Poste, mais ne font pas partie des indicateurs de suivi social ?
À notre connaissance, ni la ministre du travail ni le ministre de l’économie ne sont intervenus.
L’État, en tant qu’actionnaire majoritaire, doit prendre ses responsabilités et agir afin de stopper cette course à la rentabilité financière, qui dégrade à la fois le service rendu aux usagers et les conditions de travail des agents et employés.
Puisqu’il est nécessaire d’engager une réflexion sur La Poste d’aujourd’hui et de demain, ce que nous ne nions pas, faisons-le avec le personnel, les élus et l’ensemble des usagers. Voilà qui serait une vraie démarche démocratique et participative !
En 2009, élus et militants socialistes étaient à nos côtés devant les bureaux de poste pour organiser une votation citoyenne sur la privatisation de La Poste. Deux millions de citoyens s’étaient prononcés contre la loi Estrosi.
Après bientôt un quinquennat, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’a fait ce gouvernement pour la défense de La Poste, à laquelle il semblait pourtant bien attaché lorsqu’il était dans l’opposition.
La renégociation de la directive européenne sur les services publics est un préalable à tout changement de statut de La Poste.
Le Président de la République s’était engagé à ce que soit adoptée, au sein de l’Union européenne, une directive sur la protection des services publics. On nous a tant vanté, à la suite des attentats ou de la crise de 2008, ces services publics, mais qu’en est-il de cette promesse ?
Dans un tel contexte, nous regrettons que l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, ait signé, aujourd’hui, le nouveau contrat proposé par les dirigeants de La Poste, qui va dégrader un peu plus la situation et enfermer les maires dans des choix qui n’en sont pas : avoir un « point de contact » ou une maison de services au public et payer pour cela, ou bien voir La Poste quitter la commune. Seuls les maires communistes ont fait part de leur désaccord avec ce contrat de présence postale territoriale 2017–2019 et ont voté contre, fidèles aux engagements qu’ils portent localement.
D’ailleurs, dans tout le pays, des manifestations d’élus ont lieu : dans l’Aude, derrière Serge Lépine ; dans la Sarthe, avec Gilles Leproust, maire d’Allonnes.
Lorsque nous parlons d’usagers, de services publics et de proximité, La Poste nous répond « clients », « entreprise » et « rentabilité financière ». Nous appelons à prendre une autre direction, celle de la rentabilité sociale. Pour nous, élus communistes, aujourd’hui assez de paroles, assez de discours, il faut passer aux actes !
La Poste a longtemps été une fierté pour nous tous. Aujourd’hui, nous appelons nos concitoyens à mettre La Poste sous protection citoyenne et nous les invitons, avec leurs élus, à refuser toutes nouvelles fermetures et toutes nouvelles suppressions d’emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Delphine Bataille et M. Jean Desessard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre de l’avenir de La Poste, pour le législateur que nous sommes, c’est avant tout se préoccuper du développement et de la pérennité d’une entreprise publique dont nous sommes fiers, société anonyme depuis 2010.
La Poste doit s’adapter aux changements profonds des modes de vie – elle l’a fait dans d’autres temps. Cela implique une forte évolution dans l’exercice de leurs métiers pour plus de 250 000 collaborateurs. L’objectif est de préserver et de développer un service public de qualité, en partenariat avec les collectivités locales et l’État.
Tout d’abord, il s’agit de préserver un rôle d’aménagement du territoire pour La Poste, en faisant évoluer ses missions, en particulier en milieu rural. C’est en effet dans ces territoires que nous avons le plus besoin d’une présence postale accrue, avec des offres de services de plus en plus diversifiés.
La direction de La Poste l’a bien compris et, avec le personnel, a entrepris des initiatives en ce sens. Il s’agit de relever des défis ambitieux.
Nous sommes à un moment clef dans la relation entre La Poste, l’État et les collectivités, puisque le troisième contrat de présence territoriale postale s’achève à la fin de cette année. Il est donc nécessaire de signer prochainement un nouveau contrat pour la période 2017–2020 avec l’AMF – Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité – et l’État. Vous y reviendrez sans doute, monsieur le secrétaire d'État.
Ce contrat doit permettre de garantir la mission d’aménagement du territoire que l’État a confiée à La Poste, tant par sa présence physique à travers un minimum de 17 000 points de contact que par la nature des activités qu’elle proposera.
La Poste reste l’un des derniers services publics, avec les mairies, à être présent sur tout le territoire français. Acteurs de nos territoires, nous, sénateurs, savons combien le lien entre La Poste et les mairies est essentiel. Le maire est un interlocuteur privilégié. Dans de nombreux endroits, de nouvelles formes de mutualisation de locaux et de services se développent. Les maisons de services au public se multiplient depuis 2010 pour assurer un ancrage durable de proximité sur l’ensemble du territoire et faire face à la baisse tendancielle de la fréquentation des guichets.
Les habitudes et les besoins des populations changent.
Avec l’allongement de la durée de vie, nous sommes confrontés au problème de la dépendance d’une population vieillissante et du maintien à domicile. Je suis persuadé que La Poste peut jouer un rôle en offrant des services innovants à cette population.
L’éclatement des modèles familiaux, la monoparentalité, l’éloignement professionnel provoqué par la mondialisation transforment en profondeur les modes de vie. Il existe une tendance à l’individualisme. Le repli sur soi, l’usage accru du numérique conduisent à de nouvelles formes d’isolement physique. La Poste peut jouer un rôle fondamental dans cette relation humaine…
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Joël Guerriau. … indispensable, qu’elle assure encore sur le terrain.
Notre société évolue en créant de la désertification, les petites communes se plaignent toutes de la perte de leur commerce de proximité – combien de fois nous, sénateurs, sommes sollicités pour maintenir ce dernier commerce ! –, les achats sur internet augmentent les livraisons de colis postaux, ce qui va dans le sens d’un maintien du service postal.
Les facteurs, qui bénéficient d’un capital confiance, peuvent remplir de nouvelles missions qui favorisent le contact et contribuent à lutter contre l’isolement et la solitude des habitants, souvent les plus fragiles : personnes âgées, personnes en situation de précarité, personnes malades, handicapées, etc. Les facteurs apportent une présence humaine indispensable et valorisent l’image de La Poste.
Les missions de La Poste doivent en permanence évoluer et s’adapter, d’une part, parce que l’activité historique du courrier est en chute constante, d’autre part, parce que c’est une demande et une attente de la population.
L’actuel président-directeur général du groupe a fait prendre en 2014 un virage numérique à l’entreprise. La Poste propose désormais aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités locales un bouquet de services numériques large, dont la qualité et la sécurité sont reconnues et indispensables, notamment Digipost, Mediapost et Docapost. Cela correspond à des évolutions de société.
Au-delà de cet aspect numérique, les nouveaux services doivent s’adapter aux nouveaux usages et apporter une plus-value. Le facteur n’est pas seulement là pour remettre un pli ou un colis : il est là pour y associer un service complémentaire d’information, d’observation ou de conseil. Sans cette plus-value, La Poste sera devancée par des concurrents qui auront compris ce besoin. Nous pouvons comparer cette évolution à ce qui se passe entre les taxis et les VTC : il ne suffit plus de transporter une personne, il faut aussi un service.
La Poste peut ainsi contribuer à la transformation de l’action publique avec des offres innovantes pour le compte de l’État, des collectivités locales et des organismes publics et sociaux ; ce sont là des débats qu’il faut ouvrir. Ainsi, le groupe pourrait développer tout un éventail de services en lien avec les collectivités locales, en particulier les mairies. L’essentiel, à mon avis, est que La Poste s’adapte aux contextes locaux pour s’insérer au mieux dans des stratégies de territoire et s’adapter à l’évolution de nos sociétés.
Les nouveaux services pourraient être très divers et doivent apporter une réponse nouvelle. Dans mon département de Loire-Atlantique par exemple, le conseil d’administration de l’association des maires a rencontré les responsables de La Poste pour échanger et réfléchir à la façon de maintenir cette activité et, surtout, cette proximité si importante dans nos petites communes.
Des pistes ont été évoquées.
Je pense d’abord au portage de proximité, par exemple au portage de livres pour les personnes qui ne peuvent se rendre à la bibliothèque ou à la médiathèque.
Je pense aussi à la vigie des personnes et des biens, les facteurs assurant ainsi une mission de surveillance.
Je pense encore à la désertification médicale et à la disparition des pharmacies. On peut aussi se demander dans quelle mesure les facteurs peuvent intervenir dans la gestion des médicaments pour les livrer à domicile.
Je pense, enfin, à la collecte et au recyclage d’objets, par exemple des piles, ainsi qu’à la collecte d’informations.
Il ne s’agit pas de simples exemples. Tout cela montre un cheminement et prouve qu’il existe un champ des possibles sur lequel il faut travailler et mener une réflexion. Cela nécessite en revanche une évolution des métiers en fonction de la situation.
L’un des défis pour l’avenir est donc bien de faire accepter ces évolutions, en y faisant participer le personnel et en accompagnant surtout celui-ci par de la formation professionnelle et un management adapté.
La Poste doit réaliser un travail fin et délicat avec ses collaborateurs. Il faut prendre en compte le mal-être des collaborateurs, qui peuvent craindre les changements brutaux. Il faut y songer et l’anticiper. Dans ce contexte, un plan d’accompagnement et de formation est indispensable.
Par ailleurs, les élus que nous sommes sont aussi très attentifs à la qualité des services dans les points de contact, donc très vigilants sur les horaires d’ouverture de ceux-ci. En zone urbaine, La Poste a compris qu’il fallait s’adapter au rythme des usagers. En zone rurale, l’adaptation est souvent beaucoup plus difficile. La réponse ne peut se limiter au seul transfert d’agences postales communales ouvertes dans les mairies. Les bureaux de poste classique doivent aussi évoluer vers des horaires adaptés.
Monsieur le secrétaire d'État, nous hommes attachés à La Poste. Elle répond à un besoin essentiel de relations humaines. Il faut maintenir son service et l’adapter. L’avenir de La Poste, comme celui de l’ensemble de notre société, passe par des évolutions régulières qui engagent tous ses collaborateurs. C’est le prix du maintien du service public et de l’aménagement du territoire.
Quel plus beau défi que de répondre à un enjeu de lien social qui place la relation humaine au cœur ! Les employés de La Poste font déjà la preuve de toutes les qualités requises. Après tout en effet, ce que l’avenir vous promet, La Poste s’engage à vous l’apporter, selon son slogan. Souhaitons qu’elle réussisse !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie d’abord le groupe CRC d’avoir demandé l’inscription de ce débat sur la situation et l’avenir de La Poste à l’ordre du jour de nos travaux.
La droite est quelque peu absente.
Mme Éliane Assassi. Il ne reste pas grand monde à droite !
M. Bernard Vera. C’est un euphémisme !
M. Jean Desessard. La situation de La Poste ne l’intéresse peut-être pas !
Mme Éliane Assassi. Elle veut réduire le nombre de fonctionnaires !
M. Pierre Frogier. Nous sommes là !
M. Jean Desessard. Certes, mais aucun membre de votre groupe n’est inscrit pour participer à ce débat !
Mme la présidente. La droite n’est pas moins absente que la gauche, monsieur le président Desessard !
M. Jean Desessard. Que nous représentions des territoires urbains ou des territoires ruraux, ce sujet nous concerne tous… ou presque ! Avec des conséquences différentes, toutes nos circonscriptions connaissent des fermetures de bureaux de poste. De Paris – eh oui ! – au Maine-et-Loire en passant par le Val-de-Marne, aucun territoire ne fait exception.
Le mouvement auquel on assiste suscite l’inquiétude des écologistes, et ce à double titre : d’une part, pour l’avenir de la mission du service public postal, d’autre part, pour le devenir des agents qui la mettent en œuvre.
Les écologistes souscrivent évidemment au principe de mutabilité du service public, en d’autres termes, au principe selon lequel le service postal doit s’adapter aux évolutions technologiques et aux besoins de la société. La diminution croissante de courriers papier, d’un côté, l’augmentation du nombre de commandes sur internet, d’un autre côté, sont naturellement des réalités que nous avons à l’esprit. Pourtant, si nous comprenons la mise en place de solutions de substitution comme le regroupement de différents services publics au sein de dispositifs comme les maisons de service public, nous sommes plus sceptiques quant à l’installation de points relais dans certains commerces.
En effet, cette proposition est insatisfaisante. Quid de la nécessaire confidentialité qui entoure le service public postal ? Quid de la confusion entre lieu de consommation et lieu d’exercice d’une mission de service public ? On peut, en outre, imaginer d’autres leviers de développement via de nouvelles offres. Ainsi a été mis en place le service « Veiller sur mes parents » : les facteurs sont chargés de rendre des visites régulières aux personnes âgées qui en font la demande, favorisant ainsi leur maintien à domicile.
Cela implique de revenir à la notion de service public, au service des gens, et non d’être soumis aux impératifs de productivité, aux flux tendus. Quand a-t-on le temps de s’occuper des gens, quand est-on disponible, sinon lorsque l’on n’est pas soumis à des rythmes de rentabilité ? Cela n’est pas possible aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes un peu responsable (M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie manifeste son étonnement.), et je vais y venir. Nous constatons que la tendance actuelle impulsée par le conseil d’administration de La Poste est à la fermeture systématique des bureaux de poste non rentables. J’y vois là, et j’y viens, monsieur le secrétaire d'État, une contradiction avec les importants abattements fiscaux dont bénéficie La Poste pour assurer une présence sur l’ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d'État, l’État comptant parmi les actionnaires majoritaires de La Poste, vous êtes le garant de la notion de service public.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Jean Desessard. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si nous considérons que le service public postal doit évoluer, cela ne doit pas se faire au prix de son démantèlement progressif. Surtout, cette évolution ne doit pas être guidée par les seuls objectifs de rentabilité. Il s’agit plutôt d’apporter un service social de proximité, point qui a déjà été souligné par les orateurs précédents.
Les fermetures de bureaux de poste ont également des conséquences pour les agents en charge de ce service public. Elles impliquent des suppressions d’emplois : on assiste au non-remplacement de 20 000 départs alors que La Poste a bénéficié de plus de 900 millions d’euros de baisses d’impôts avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On acquiesce !
M. Jean Desessard. Ces chiffres sont difficilement compréhensibles.
Ces départs entraînent des désorganisations à l’origine de mal-être, de souffrance, d’incertitude pour l’avenir, de surcharge de travail… De préoccupante, la situation des personnels de La Poste est devenue alarmante. Ainsi, neuf facteurs se sont suicidés ces trois dernières années et cinq autres ont tenté de mettre fin à leurs jours sur leur lieu de travail. Par ailleurs, le taux d’absentéisme est très élevé. Les experts du comité d’hygiène et de sécurité de La Poste se disent vivement préoccupés. Le climat social semble délétère. La santé, la sécurité et le bien-être des travailleurs ne doivent en aucun cas, qui plus est quand il s’agit du service public, constituer une variable d’ajustement pour répondre à une logique de rentabilité.
Au-delà du cas de La Poste, ce débat nous donne opportunément l’occasion de rappeler l’attachement des écologistes aux services publics. Nous ne devons jamais oublier que ceux-ci étaient au cœur du programme du Conseil national de la Résistance, avec pour objectif la lutte contre la misère et les inégalités.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. Jean Desessard. Ces mots ont une résonnance particulière dans le contexte actuel où la crise économique structurelle ne cesse de creuser les inégalités. Cette réalité, adjointe à celle d’une société de plus en plus fracturée, doit nous alarmer.
Les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. (Bravo ! sur les travées du groupe CRC.) C’est notre devoir de les préserver.
La droite a ouvert une large brèche en 2010 lorsqu’elle a transformé La Poste en société anonyme. Ces dernières années, nous le constatons, la situation a empiré. Monsieur le secrétaire d'État, nous nous interrogeons : quelle est la prochaine étape de la logique de rentabilité actuellement à l’œuvre ? La privatisation ?
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Jean Desessard. Je conclus, madame la présidente.
Vous l’aurez compris, la situation actuelle de La Poste inquiète le groupe écologiste à de multiples points de vue. Ces craintes méritent l’ouverture d’états généraux du service postal, réunissant rapidement toutes les parties prenantes, afin de définir concrètement les contours de ce service public et les moyens qui lui sont concédés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat sur la situation et l’avenir de La Poste. Il s’agit, faut-il le rappeler, de l’une des entreprises préférées des Français, au premier rang de celles qu’ils considèrent comme les plus utiles.
Le groupe La Poste, c’est avant tout une grande diversité de métiers, des missions de service public et près de 250 000 employés. C’est aussi le premier réseau commercial de proximité en France avec plus de 17 000 points de contact et le réseau postal le plus dense d’Europe.
Ce maillage territorial et cette proximité sont un atout pour l’entreprise, mais surtout un facteur de cohésion et de lien social pour la population. La Poste est ainsi un acteur incontournable du développement territorial.
Depuis plus de dix ans, La Poste est confrontée à de nombreux défis tels que l’ouverture totale à la concurrence, le développement du numérique ou encore la diminution en volume du courrier, de plus de 30 % sur les dernières années, dont la baisse s’accentue encore, avec un nombre de plis distribués en diminution de plus de 6 % pour la seule année 2015.
Devant cette tendance lourde, le groupe a revu à la baisse son maillage territorial. Certes, le nombre de points de contact n’a pas varié depuis 2010, mais il ne reste que 9 000 bureaux de poste, nombre de bureaux ayant fermé en zones rurales pour être le plus souvent remplacés par de simples relais, d’autres ayant vu leur amplitude horaire réduite ou les services de guichet supprimés en raison de leur remplacement par des bornes automatisées.
Le slogan « Bougez avec la Poste » est toujours d’actualité, mais, hélas, pas dans la logique de dynamisme qu’il sous-entend. En effet, cela bouge tellement qu’il n’existe parfois plus de services ou que ceux-ci sont réduits à peau de chagrin à coups de fermetures de bureaux ou de transformation, de restructurations des services et de réductions des horaires d’ouverture !
Le traitement infligé au sud du département du Nord, le Hainaut-Cambrésis constitué de plus de 300 communes rurales, est symptomatique des orientations de La Poste. La direction compte réduire les horaires d’ouverture des trois bureaux qui desservent une vingtaine de communes de la vallée du Haut-Escaut, quand l’aide apportée par les guichetiers aux personnes âgées ou en difficultés reste essentielle.
Ces décisions, prises bien souvent sans concertation, viennent alimenter la désertion des bureaux en pénalisant les plus fragiles, ceux qui n’ont pas de moyen de locomotion, ceux dont l’activité professionnelle leur interdit l’accès aux services postaux compte tenu de la réduction des horaires d’ouverture.
Dans la commune où a grandi Pierre Mauroy, le bureau de poste est mis en vente et une agence postale communale va ouvrir. L’aménagement ainsi que la formation et l’indemnisation de l’agent y sont pris en charge par La Poste, mais les élus locaux, qui souhaitent légitimement assumer le devoir d’un service public de qualité et ne peuvent faire face à des charges supplémentaires, veulent obtenir des garanties quant à la pérennité de cet engagement et de l’accompagnement financier.
Le maire de la commune voisine a choisi d’user du droit de préemption pour racheter le bureau de poste dont les horaires d’ouverture ont été réduits à douze heures, soit le minimum que prévoit la loi en milieu rural. Cependant, il n’est pas évident qu’une agence postale permettant de revenir à un service plus adapté aux besoins des usagers puisse voir le jour.
Dans ces zones rurales, renforcer le lien social est un enjeu vital. Alors que le facteur a rendu de nombreux services, tel le portage des médicaments, de manière bénévole pendant longtemps, tout est aujourd’hui payant, même quand les usagers ont des conditions de vie très modestes ne leur permettant pas de payer.
Dans nombre de départements, les élus se mobilisent contre ces fermetures et réductions d’horaires dans leurs territoires déjà fragilisés par la défection des services publics. La disparition des bureaux de poste vient, en effet, renforcer le sentiment d’abandon et de désespérance des habitants, pour lesquels le rôle du facteur demeure vital, car certains ne voient que lui dans une journée.
Cette situation participe de fait à l’expansion du vote antirépublicain. Dans ces cas de fermeture de bureaux ou de réduction des horaires, on a le sentiment de ne cesser de tourner en rond !
Cette situation est semblable à celle que connaît le secteur ferroviaire. On supprime des trains d’équilibre du territoire et des liaisons sous prétexte qu’ils ne sont pas fréquentés, alors que les horaires découragent les usagers.