M. Jean-Pierre Bosino. C’est pareil !
Mme Delphine Bataille. Aujourd'hui, l’argument de la baisse de fréquentation avancé par La Poste pour justifier les fermetures ne tient pas dans la mesure où les horaires sont déjà réduits au maximum.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est juste !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr !
Mme Delphine Bataille. Pour ces milieux ruraux, diminuer le service public postal, c’est faire avancer un peu plus le désert ! (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Delphine Bataille. Dans ce contexte, le contrat de présence postale territoriale 2014–2016 a été orienté vers une démarche de mutualisation des services au public en concertation avec les maires, pour permettre de répondre aux besoins de la population, mais aussi à la baisse des volumes de courriers et à la nécessité pour La Poste de maîtriser ses coûts, malgré la rentabilité, le profit.
Lors du premier comité interministériel aux ruralités, le Gouvernement a décidé d’accélérer le déploiement de mille maisons de services au public en renforçant le partenariat avec La Poste en zone rurale et en réduisant la charge de fonctionnement pour les collectivités grâce à la mise en place d’un fonds interopérateurs.
Ce fonds a été ouvert au début de l’année, venant compléter la prise en charge du budget de fonctionnement des maisons de services au public. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que cet objectif de mille maisons sera atteint en cette fin d’année ?
De nombreux élus sont aujourd’hui opposés à la signature de l’actuel projet de contrat de présence postale territoriale pour 2017–2019, au motif que le fonds de péréquation ne serait pas revalorisé et au regard des nombreuses fermetures de bureaux postes envisagées. Pouvez-vous, à ce stade, rassurer les élus inquiets pour leurs territoires déjà sinistrés ?
Par ailleurs, dans sa stratégie de modernisation et de réorganisation de ses activités, La Poste a également supprimé de nombreux emplois – 7 000 postes pour la seule année 2015 et près de 50 000 depuis 2008. De fait, on note une dégradation des conditions de travail au sein du groupe, avec des incidences graves sur la santé des agents, parfois des suicides, conditions dénoncées par les syndicats, mais aussi par des experts et par nombre de nos concitoyens.
Ainsi, dans le Nord, pour prendre un cas très médiatisé, une jeune femme a porté plainte après avoir été victime d’un AVC sur son lieu de travail, accusant les responsables du centre de distribution où elle effectuait un CDD de non-assistance à personne en danger.
Plus récemment, plusieurs cabinets spécialisés dans les questions de santé au travail auraient dénoncé les conditions de travail des postiers et des méthodes de management tout à fait contestables.
Après cette alerte, La Poste a suspendu son plan de réorganisation. Cependant, afin de peser sur les négociations engagées sur les conditions de travail, des syndicats ont appelé à une grève nationale qui se déroule en ce moment même. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement va demander à la direction de La Poste de revoir les méthodes de management actuellement pratiquées ?
Ces négociations s’annoncent d’autant plus difficiles que la stratégie de la direction semble porter ses fruits. Le groupe enregistre, en effet, des résultats en hausse en 2015, confirmés par une augmentation de son chiffre d’affaires sur le début de l’année 2016, malgré la baisse du volume de courrier.
La Poste compte poursuivre son plan d’action, confortée par le rapport annuel 2016 de la Cour des comptes qui lui recommande d’accélérer ses réformes, proposant de revoir le service universel postal, estimant que certains facteurs sont sous-occupés et que les efforts engagés ne suffiront pas à compenser la baisse des volumes de courrier.
Si les rapports de la Cour des comptes pointent parfois de réelles améliorations à apporter dans d’autres secteurs, l’analyse du service postal pose problème, car, si ces recommandations étaient suivies, il y aurait un risque patent d’aggravation de la situation dans les territoires fragiles, notamment ruraux. Comme l’a rappelé fort justement l’orateur qui m’a précédé, le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Nous sommes de fait confrontés à un choix de société majeur.
Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous développer des orientations qui permettent de préserver ce service public essentiel pour tous les citoyens ? Une étude d’impact du numérique est-elle prévue, puisqu’il semble que, même dans cette période de difficulté économique, contre toute attente, ce nouvel outil contribue à la relance du courrier ?
Enfin, concernant la situation des agents dits reclassés, la Poste va-t-elle enfin prendre en compte les revendications de ces personnels ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « Nous allons donc confier notre petit trésor aux seuls gens qui n’égarent jamais rien, aux employés de cette administration que le monde entier nous envie, j’ai nommé les PTT ».
Mme Éliane Assassi. Jean Gabin !
M. Stéphane Ravier. Les plus cinéphiles d’entre vous auront reconnu cette réplique sortie tout droit de la bouche du Dabe, alias jean Gabin, dans Le Cave se rebiffe, film réalisé en 1961.
Oui, le monde entier nous enviait les PTT devenus La Poste. Si je dis « nous enviait », c’est que, à cause de la casse des services publics organisée par les technocrates bruxellois, La Poste est en train de perdre cette place toute particulière qu’elle avait dans la vie des Français, notamment dans celle et ceux qui habitent les territoires les plus reculés.
L’histoire moderne du service postal dans notre pays est le cas d’école parfait pour illustrer la destruction organisée de nos services publics par l’Union européenne au nom du dogme de la concurrence.
La privatisation de La Poste et l’ouverture progressive à la concurrence, loin d’avoir amélioré le service, l’ont en réalité dégradé ; il est loin le temps où l’on pouvait être assuré de la distribution du courrier du jour pour le lendemain. Elles ont entraîné une hausse importante des tarifs pour les usagers, la fermeture de nombreux bureaux, développant les inégalités d’accès à ce service public sur notre territoire.
Oui, lorsque la notion de rentabilité prend le pas sur celle de service, lorsque l’usager devient un client, nos compatriotes des campagnes, des petites villes, des montagnes, bref de la France des oubliés, trinquent. Trinquent également les agents de La Poste, qui ont du mal à remettre en cause leur engagement auprès des Français pour un engagement à remplir des objectifs chiffrés ; la vague de suicides qui a malheureusement touché nos postiers en est un marqueur ! La mise en place d’une politique du chiffre a toujours heurté ceux qui s’étaient engagés pour la politique du service. Ce qui est vrai pour les postiers l’est aussi pour les policiers comme leur mouvement de contestation le souligne.
Certes, si La Poste doit évoluer et s’adapter, elle n’est pas pour autant obligée de sombrer dans les excès du privé. En effet, la force d’un service public, c’est de ne pas être soumis aux seules contingences de la rentabilité.
Quel est, d’ailleurs, le bilan de cette privatisation larvée, privatisation, je le rappelle, rendue possible par la réforme des PTT qui a scindé l’administration en deux, La Poste et France Télécom, un premier pas vers la privatisation effectuée par le gouvernement Rocard ? Depuis, est-ce que La Poste est plus performante dans son métier initial ? Les usagers sont-ils davantage satisfaits de la prestation ? Les agents s’épanouissent-ils davantage dans leur travail ? De toute évidence, non ! Qui a gagné quelque chose ? Les financiers peut-être, les idéologues de la concurrence sûrement !
Aussi, seul le patriotisme économique permettra à La Poste de retrouver les moyens d’assurer pleinement sa mission de service public tout en affrontant un monde de plus en plus concurrentiel, une concurrence qui ne se porte, d’ailleurs, que dans les activités les plus rentables.
Un patriotisme économique qui garantira l’égalité et la continuité territoriale et qui fera évoluer les obligations des opérateurs privés relevant d’une mission de service public.
Un patriotisme économique qui tournera le dos au dogme imposé par l’Union européenne de la concurrence libre et non faussée et qui pousse un ancien Premier ministre aujourd’hui candidat à la présidence de la République à vouloir supprimer 500 000 fonctionnaires, dont beaucoup de postiers. Un dogme qui a entraîné la dégradation du service rendu aux usagers en même temps que la dégradation profonde des conditions de travail des agents.
Bref, il est temps de restaurer les services publics, héritiers, en particulier pour La Poste, de plusieurs siècles d’histoire, pour qu’ils remplissent à nouveau leur mission de services au bénéfice de tous les Français et non au service de la seule financiarisation de notre société qui a déjà fait tant de dégâts !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat intervient alors que le contrat de présence postale territoriale pour les années 2017–2019 vient d’être signé par le bureau de l’AMF. Les élus communistes ont voté contre.
Dans le département des Hauts-de-Seine dont je suis élue, ce nouveau contrat se traduira par la fermeture de dix bureaux de poste, le transfert des services vers un partenaire « extérieur » pour six autres et une fermeture dite temporaire pour le bureau du Chemin de l’île, à Nanterre.
Ces « partenariats » se feront pour la plupart avec des supermarchés.
Le cas du bureau de poste Bas Longchamp à Bagneux est révélateur. Ce bureau de poste, qui n’est plus ouvert l’après-midi depuis plus d’un an, va fermer, bien qu’il soit situé dans un quartier relevant de la politique de la ville, et ses services vont être transférés dans une supérette de quartier.
Le nouveau contrat vient donc accentuer une tendance déjà à l’œuvre : il s’agit de passer d’un réseau constitué majoritairement de bureaux de poste à un réseau largement dominé par les « partenariats ».
La Poste se défend de maintenir un nombre de points de contact inchangé – autour de 17 000 –, mais ces derniers sont désormais déclinés en huit formes de présence postale : bureau de poste ; maison de services au public ; facteur-guichetier ; agence communale ou intercommunale ; Poste-Relais rural ou urbain, avec des partenaires de l’économie sociale et solidaire ; enfin Nomade, espace de coworking ! Mes chers collègues, tout est affaire de sémantique !
Quel est l’avenir des agents et des personnels de La Poste au sein de ces points dits de « contact » ?
En réalité, ce transfert de charges a un coût. Ainsi, le service Poste restante ayant été supprimé – il permettait notamment aux personnes démunies d’avoir une adresse –, ce sont désormais les mairies et les centres communaux d’action sociale, les CCAS, qui l’assurent, avec un degré de confidentialité et de sécurité bien moindre. Et je ne parle pas des petites annonces publiées sur un fameux site dédié de location de boîtes aux lettres pour 200 euros par mois.
Ce faisant, on fait l’impasse sur deux missions essentielles du service public de La Poste : la confidentialité et la confiance. Les deux vont de pair et sont l’apanage des facteurs et des agents et personnels de La Poste. Ils sont en effet assermentés, soumis à un devoir de confidentialité, responsables financièrement des plis et colis qui leur sont confiés. Ce tiers de confiance n’existera plus dans les supérettes où seront transférés les services du courrier.
Les réactions que suscitent les fermetures annoncées de bureaux de poste témoignent d’un attachement à ce service public.
Ainsi, dans mon département, que ce soit à Bagneux, à Gennevilliers, à Malakoff ou à Nanterre, les maires sont mobilisés aux côtés des personnels et des usagers. Des collectifs « Touche pas à ma Poste », sur l’initiative d’habitants, d’élus, de syndicalistes, font signer des pétitions, en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Meurthe-et-Moselle, dans l’Isère, la Loire et dans toute l’Île-de-France.
Même lorsque les édiles concernés ne trouvent rien à redire à un projet de fermeture, des citoyens s’emparent du sujet. Ainsi, à Tours, où quatre bureaux de poste sont menacés, ce sont les comités de quartier concernés qui ont réagi, rejoints par les personnels et les syndicats.
On ne peut en effet appliquer aveuglément le critère strictement comptable de 1 bureau pour 20 000 habitants quand il s’agit d’un service public de proximité tel que La Poste.
Cette confiance vaut aussi dans la relation entre La Poste et les élus locaux. Nombre d’élus du groupe CRC ont écrit aux directeurs départementaux pour dénoncer des fermetures. La réponse que j’ai reçue témoigne d’un mépris certain.
Comment dès lors ne pas faire le lien avec le fait que le nouveau contrat de présence postale territoriale supprime le verrou démocratique que constituait l’accord préalable des conseils municipaux avant toute fermeture de bureau de poste sur un territoire ? Avec ce nouveau contrat, plus d’accord préalable, mais un simple avis du maire. Or l’accord préalable du conseil municipal était un gage pour le débat démocratique. Sa suppression est donc grave !
Quant au Fonds postal de péréquation territoriale, l’AMF, mobilisée, a obtenu un bougé, à savoir un abondement supplémentaire de 4 millions d’euros. Or, cruel paradoxe, 35 % de ce fonds, soit 50 millions d’euros, servent aujourd’hui à fermer des bureaux de poste et à alimenter la grande distribution, qui accueille souvent les points de contact !
Le PDG de La Poste prédit la fin du courrier d’ici à 2030. Il n’en demeure pas moins que des services autrefois assurés par La Poste – dans un bureau avec des postiers – sont aujourd’hui, via la dématérialisation, supportés par les clients. Ainsi, en France métropolitaine, l’envoi seul de chez soi d’un colis de 1 kilogramme en quelques clics coûte 13,50 euros, contre 7,50 euros dans un bureau de poste ! Il est à parier que la rentabilité financière de l’activité courrier va s’en trouver grandement améliorée !
En 2015, la branche services-courriers-colis a d’ailleurs représenté plus de 48 % du chiffre d’affaires consolidé de La Poste, et c’est cette activité qui offre la meilleure performance opérationnelle.
Au quotidien, les usagers ne perçoivent plus cette performance. Ils sont en effet confrontés aux retards de courriers, à la diminution des amplitudes horaires et, aujourd’hui, à l’accélération des fermetures de bureaux : plus de 250 fermetures sont prévues en France dans le nouveau contrat.
En outre, malgré un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de plus de 900 millions d’euros en trois ans, La Poste a supprimé 21 000 emplois nets. En 2015, 70 % des embauches se sont faites en CDD. En dix ans, la sous-traitance a été multipliée par cinq !
Rythmes de travail accélérés, burn out, suicides : les conditions de travail deviennent effroyables.
Alors que le creusement des inégalités entre les territoires n’a jamais été aussi durement ressenti par nos concitoyens, qu’en sera-t-il demain de l’accès au service universel postal quand celui-ci sera négocié au gré des contrats signés avec des collectivités aux capacités financières bien inégalitaires, et déjà bien rognées ?
Alors, mise sous surveillance citoyenne, états généraux de La Poste, nous disons « banco » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Delphine Bataille et M. Jean Desessard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur la situation et l’avenir de La Poste organisé à la demande de nos collègues du groupe CRC met en lumière dans notre assemblée les revendications à la fois des syndicats de salariés et de nos concitoyens sur le terrain, en particulier, cela a été dit par plusieurs orateurs, dans les territoires ruraux.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous livrer le ressenti d’un élu d’un département dit très rural. Nous avons des problèmes de train,…
Mme Éliane Assassi. Nous aussi !
M. Jacques Mézard. … de route, d’avion – il ne nous en reste plus qu’un ! – et nous nous demandons qui nous apportera notre courrier.
Bien sûr – il faut le dire et l’entendre –, en raison des évolutions technologiques et sociologiques, la situation aujourd'hui n’est plus la même qu’il y a encore dix ans, comme elle ne sera plus la même dans dix ans. Il est donc indispensable que La Poste, comme le reste de la société, tienne compte de ces évolutions et essaie de les anticiper afin que nos concitoyens sachent ce qu’il va se passer et puissent vivre ces mutations sans s’inquiéter constamment du lendemain.
Il faut être réaliste : il y a de moins en moins de courrier, en raison de l’avènement du numérique et du courrier électronique. À juste titre, La Poste se demande donc – le groupe du RDSE a rencontré son PDG au début de l’été – ce que vont faire un certain nombre de ses agents si le courrier continue de diminuer, et il va continuer de diminuer.
Il faut par conséquent trouver non pas des solutions de remplacement, mais des solutions positives afin de permettre à La Poste de conserver et d’assurer ce qui reste structurant dans notre pays, à savoir une mission de service public.
En 2009, notre groupe s’était très majoritairement opposé à la transformation de La Poste en société anonyme. Nous avons également un certain nombre de réticences concernant des directives européennes et la libéralisation du secteur. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut rien faire et qu’il ne faut pas tenir compte des mutations en cours, monsieur le secrétaire d’État. Mais il faut faire en sorte que La Poste, car c’est un devoir de l’État, puisse continuer à assurer une mission de service public, conformément à la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications. Cette mission de service public comprend un service postal universel, des obligations en termes de transport et de distribution de la presse, d’accessibilité et d’aménagement du territoire. C’est là un véritable défi. Comment faire ? C’est difficile…
L’inquiétude sur tout le territoire et les difficultés au quotidien de nombre des agents de La Poste, que nous recevons souvent dans nos départements, sont une réalité. Il faut donner de l’espoir à ces agents pour l’avenir, les sortir de situations d’emploi que je n’ose qualifier de quasi précaires, mais qui, souvent, sont très difficiles.
Je suis de ceux qui considèrent que la présence de La Poste sur tous les territoires est un atout. De même, la Banque postale est essentielle. Le développement de la mission bancaire de La Poste doit être un objectif fondamental et primordial afin de conforter les autres activités du groupe. Monsieur le secrétaire d’État, au moment où d’autres structures bancaires se sont plutôt retirées – je pense en particulier au Crédit Agricole –, La Poste doit conforter sa place.
La Poste offre une chance unique de maintenir un lien social exceptionnel dans nos territoires. Souvent, en particulier dans les communes rurales, lesquelles comptent de nombreuses personnes âgées, c’est le facteur qui fait le lien avec l’extérieur. Non seulement il apporte le courrier, les publicités et des informations, mais il est également attentif à la situation de nos concitoyens, en particulier à leur santé.
Nous devons mener une véritable réflexion sur le maintien de cette présence sur le terrain, et ce le plus rapidement possible, même si les activités des facteurs sont appelées à évoluer. Il ne sert à rien de refuser les évolutions technologiques, elles sont là, il faut absolument en tenir compte.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un pays comme le nôtre, qui a une véritable ossature, l’aménagement du territoire ne doit pas être battu en brèche du fait de décisions traduisant davantage une vision à court terme qu’une véritable conception de ce que doit être un pays moderne.
Si la décentralisation consiste à rejeter l’aménagement du territoire, je n’en veux pas. Il faut arriver à combiner la décentralisation – un pouvoir local – et le maintien par l’État d’un service public sur l’ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe CRC d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de ce débat sur la situation et l’avenir de La Poste.
Nous l’avons vu à travers les différentes interventions, nous sommes tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, attachés au service public postal et tous inquiets de ce qui se passe à La Poste, tous, sauf peut-être les membres du groupe Les Républicains, ce groupe n’ayant pas souhaité participer à ce débat. Je le regrette, car il aurait été intéressant de connaître son avis, alors qu’il soutient désormais un candidat qui veut supprimer 500 000 postes de fonctionnaires – le service public postal et les agents de La Poste ont de quoi être inquiets.
M. Jean Desessard. La Poste est une société anonyme !
M. Philippe Kaltenbach. La Poste est tout de même un service public et elle compte encore de nombreux fonctionnaires.
Quoi qu’il en soit, j’adhère bien sûr aux propos de ma collègue Delphine Bataille, qui s’est exprimée au nom du groupe socialiste et qui a très bien présenté le mal-être et la souffrance au travail des salariés de La Poste aujourd'hui, en raison des restructurations et des suppressions de postes. Nous devons en prendre toute la mesure. J’ai le souvenir de ce qui s’est passé chez France Télécom et je n’ai pas envie que La Poste connaisse à son tour des suicides en cascade.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Philippe Kaltenbach. Nous sommes collectivement responsables et je compte bien entendu sur le Gouvernement pour parler d’une voix forte et permettre au dialogue social de se renouer. On ne fait pas évoluer une entreprise contre ses salariés, avec une forme de violence inacceptable. Il faut répondre à ce mal-être, à cette souffrance au travail.
Des choses très fortes ont également été dites sur la présence postale dans les zones rurales, où les inquiétudes sont vives. Cette évolution est ancienne, mais les choses ne vont malheureusement pas en s’améliorant.
Pour ma part, je souhaite insister à l’occasion de ce débat sur un aspect sans doute un peu nouveau aujourd'hui : le désengagement de La Poste même dans les zones urbaines denses.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Philippe Kaltenbach. Je suis un élu de la banlieue parisienne, des Hauts-de-Seine. Ce département comprend 36 communes, qui comptent toutes entre 20 000 et 70 000 habitants, voire 100 000 habitants à Boulogne. Or La Poste veut supprimer douze bureaux sur la centaine que compte le département. Bien souvent, ces bureaux sont situés dans des quartiers un peu excentrés, éloignés du centre-ville, où l’habitat social est important. J’ai la liste des dix communes concernées.
Je considère que c’est là une évolution à la fois inacceptable et étrange. La Poste est en train de se tirer une balle dans le pied. Elle annonce ainsi la fermeture, pour des raisons comptables et financières, d’un bureau de poste ayant été rénové et inauguré en grande pompe il y a quelques années, lequel est situé dans un quartier de plus de 20 000 habitants.
Je rappelle que La Poste doit être présente sur tout le territoire, dans les zones rurales comme dans les banlieues. Nos concitoyens qui habitent à la périphérie des grandes villes doivent aussi pouvoir accéder facilement à des services publics de qualité. Nous ne pouvons accepter cette évolution.
Certes, La Poste doit évoluer, s’adapter au monde tel qu’il est, mais il faut également qu’elle reste présente partout et qu’elle assure ses missions de service public, notamment dans les quartiers en difficulté. Il est incompréhensible de voir La Poste se retirer de ces quartiers.
Je souhaitais insister sur cette évolution récente, sur ces fermetures de bureaux de poste, mais également sur les réductions d’horaires. On considère qu’il n’y a pas assez d’usagers de huit heures à huit heures trente, alors on limite les horaires d’ouverture. De même, on ferme les bureaux entre midi et quatorze heures. Je ne sais pas si ces mesures permettent de réaliser des économies, mais la qualité du service s’en ressent fortement.
Je le répète, La Poste doit continuer à rendre un service public sur l’ensemble du territoire et nos banlieues ne doivent pas être abandonnées.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attends des réponses précises de la part du Gouvernement sur tous ces sujets. Je le sais, le Président de la République et le Gouvernement sont attachés au service public postal, à la défense des services publics ; nous avons besoin d’une voix forte et d’actes en conséquence. (Mme Delphine Bataille et M. Bernard Lalande applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à mon tour à remercier les membres du groupe communiste républicain et citoyen d’avoir pris l’initiative de ce débat sur la situation de La Poste.
S’il est extrêmement important de ne pas ignorer les alertes des personnels de La Poste, les messages des usagers, les motions adoptées par les conseils municipaux ou des élus, il faut également tenir un discours de vérité sur les évolutions auxquelles nous sommes confrontées. À cet égard, je note que chacun, quelles que soient ses orientations politiques, a fait part de sa volonté de préserver les quatre missions de service public de La Poste auxquelles nous sommes attachés tout en admettant que défendre le service public, ce n’est pas considérer qu’il faut le maintenir en l’état, comme si nous n’étions confrontés à aucune évolution.
Tel est le sens du discours que j’ai tenu le 30 novembre dernier devant le Comité de suivi de haut niveau du contrat d’entreprise entre l’État et La Poste, qui rassemble, je le rappelle, l’État, La Poste, les organisations syndicales, les associations représentatives des usagers, l’ensemble des associations de défense des consommateurs, ainsi, bien sûr, que l’AMF et les parlementaires.
Nous avons déjà eu ce débat et chacun a pu exprimer ses convictions.
Finalement, deux questions apparaissent au travers de vos interventions.
La première question porte à la fois sur l’implantation et la couverture territoriale de La Poste, qui est un enjeu important, et sur les missions qui en résultent.
La seconde concerne les personnels, l’évolution, voire même le bouleversement des métiers, auxquels ils seront confrontés.
Avant de revenir sur ces deux points, je voudrais souligner à mon tour le fait que La Poste est soumise à des chocs : un choc technologique, bien sûr, mais aussi un choc dû aux changements de comportements des usagers et de leurs habitudes de consommation. Certaines de ces évolutions peuvent nous heurter, je l’entends parfaitement, mais il faut les prendre en compte dans l’analyse de la situation.
La Poste est probablement le service public le plus marqué par ces transformations. Vous avez vous-mêmes rappelé les évolutions auxquelles La Poste doit faire face avec, notamment, la baisse extrêmement importante des volumes de courrier, de l’ordre de 6 % environ chaque année, mouvement qui a même tendance à s’accélérer.
Pour répondre à un propos qui a été tenu voilà quelques instants, cette évolution s’explique évidemment par les transformations liées au numérique, mais pas seulement.
Même si je souhaite éviter que l’on me reproche de tenir un discours que l’on pourrait qualifier d’exclusivement financier, je veux tout de même rappeler que la seule baisse du volume du courrier représente une perte de ressources d’environ 600 millions d’euros pour La Poste. On ne peut pas ignorer cette réalité quand on cherche à analyser la situation à laquelle elle fait face. La Poste doit en tenir compte. Elle doit également s’interroger sur les missions de service public qu’elle exerce. Les 250 000 postières et postiers sont bien sûr pleinement conscients de cette réalité et expriment leur inquiétude.
Cela étant, je vous mets en garde – il s’agit d’une mise en garde collective –…