M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Éric Jeansannetas. Les zones de montagne bénéficient ainsi de la création des praticiens territoriaux de médecine générale, des contrats d’engagement de service public, du déploiement de la télémédecine, mais aussi de la mise en place des médecins correspondants du SAMU ou de la mise en place d’un dispositif spécifique pour les généralistes exerçant en territoire isolé.

Plusieurs mesures allant dans le même sens ont été introduites dans ce texte par nos collègues de l’Assemblée nationale. Je pense tout d’abord au rapport sur la juste compensation des surcoûts associés à la pratique de la médecine en zone de montagne, que les sénateurs du groupe Les Républicains – et c’est là qu’est notre différence – ont souhaité supprimer. Or cet article concerne notamment l’évaluation de la prise en compte du temps de trajet et sa juste compensation. Nous aurons l’occasion d’en discuter.

Par ailleurs, un volet est consacré aux besoins de santé spécifiques des populations de montagne dans le schéma régional de santé. Il concerne en premier lieu les situations d’accès aux soins urgents et nécessitant l’évacuation des blessés sur les pistes de ski.

Enfin, l’intégration de l’article 8 septies impose la présence d’un représentant du comité de massif au sein du conseil territorial de santé. Ce représentant doit permettre de renforcer la prise en compte des zones de montagne dans le diagnostic territorial partagé.

La loi Travail comportait déjà de sérieuses avancées en matière de travail saisonnier, parfois réclamées de longue date. Je pense à la généralisation de la reconduction des contrats à durée déterminée aux branches et aux entreprises employant un grand nombre de saisonniers, avec prise en compte de l’ancienneté. La même loi prévoit aussi que les employeurs pourront, jusqu’en 2019, à titre expérimental, signer des contrats à durée indéterminée intermittents, ou CDII, même sans accord de branche préalable. Avec ce CDII, une personne qui travaille l’hiver et l’été obtient un contrat sur l’année. Elle renonce alors à l’indemnité de chômage saisonnier, mais obtient des droits comparables à ceux des travailleurs en CDI, ce qui améliorera à coup sûr l’accès à certains autres droits de la vie courante.

Notons par ailleurs que certaines des dispositions de l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 constituent un pas important vers la « caisse pivot » et le guichet unique, attendus depuis 1985.

Les articles 10 à 14 du présent projet de loi se placent donc dans la continuité de l’action du Gouvernement en affinant les dispositifs concernant les travailleurs saisonniers en zone de montagne : la pluriactivité, qui y est fréquente, sera mieux prise en compte ; l’offre de formation sera adaptée, notamment en encourageant la biqualification ; les enjeux de l’économie transfrontalière sont également pris en compte.

Des maisons des saisonniers seront mises en place, au sein des maisons de services au public, afin de faciliter les démarches des travailleurs.

Je tiens également à saluer le travail de nos collègues sur la question du logement des saisonniers. Les difficultés qu’ils rencontrent sont si grandes qu’elles peuvent être à l’origine de véritables drames. Ce texte montre que nous prenons la mesure de cette problématique.

Les enjeux de nos montagnes sont cruciaux. Il me semble que nous pouvons tous nous retrouver sur ce texte, comme l’avaient fait nos prédécesseurs en 1985, afin de continuer à valoriser les spécificités de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que s’ouvre en ce moment même la saison touristique hivernale dans nos stations de montagne, l’examen par le Sénat du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne est un symbole fort. Cet acte II de la loi Montagne était en effet attendu par les acteurs locaux depuis plusieurs années.

Si 1985 fut une année fondatrice dans l’histoire de nos territoires, il était nécessaire de mettre à jour cet acte I de la loi Montagne afin de prendre en compte les nouvelles dimensions des politiques publiques, ainsi que les nouveaux défis auxquels sont confrontés nos territoires. Ces défis sont très divers et le projet de loi les touche quasiment tous, ce qui souligne le large effort de concertation effectué en amont.

Nous ne pouvons que saluer le travail de fond réalisé autour de ce projet de loi. La large concertation dont ce texte a fait l’objet, regroupant les élus nationaux, les élus locaux, les acteurs économiques, les citoyens, ainsi que nos instances représentatives, particulièrement l’ANEM, doit être soulignée.

Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité, moins une voix, par nos collègues de l’Assemblée nationale. Le travail effectué par le Sénat a lui aussi fait l’objet d’une réflexion sur le fond, ce qui a permis non seulement à l’ensemble des sensibilités politiques de s’exprimer, mais surtout d’aborder l’ensemble des enjeux, aussi divers soient-ils, intéressant les massifs montagneux en France.

Une nouvelle ère est en train de s’ouvrir sous nos yeux pour construire la montagne de demain. Il s’agit d’une montagne numérique, d’une montagne durable, d’une montagne démocratique, d’une montagne riche de son développement économique et, surtout, d’une montagne riche de ses habitants, qui en sont les principaux acteurs. Nous ne devons pas rater cette transition. Nous avons le devoir de réussir cet acte II de la loi Montagne.

Certains des éléments d’ores et déjà présents dans ce projet de loi sont notoires et répondent aux attentes locales. Ils produiront, je l’espère, dans les plus brefs délais les effets escomptés sur les territoires de montagne. Je tiens ici à souligner certains de ces mécanismes, qui me semblent particulièrement importants.

Tout d’abord, la reconnaissance par l’Assemblée nationale de la nécessaire adaptation de la dotation globale de fonctionnement en tenant compte des surcoûts spécifiques en zone de montagne constitue une avancée certaine pour les collectivités, dont la situation financière est parfois très difficile. Il faut en effet que l’État assure la prise en compte de ces coûts différenciés, qui mettent aujourd’hui en grande difficulté certaines des plus petites communes de nos montagnes.

Ensuite, les dispositifs modernisant la gouvernance des zones de montagne et leur inscription dans ce texte permettront de donner aux différents organes concernés une légitimité plus forte et de renforcer encore le poids de ceux qui y siègent. Cela permettra non seulement de faire avancer au mieux les sujets relevant de leur compétence, mais aussi de favoriser les adaptations nécessaires des politiques publiques et des services publics aux zones montagnardes si spécifiques. Une zone de montagne difficile d’accès et peu peuplée ne doit pas être synonyme de disparition des services publics ni d’absence de toute administration de l’État.

Je tiens aussi à souligner l’importance des mesures soutenant l’emploi et le dynamisme économique. En effet, la transition numérique est l’un des enjeux centraux et actuels des zones de montagne. Il s’agit de permettre aux populations d’avoir accès aux réseaux les plus modernes et d’attirer les entreprises et artisans dans nos régions.

Je souhaite enfin souligner l’importance des mesures concernant la santé et les soins en zones de montagne. Toutefois, comme j’ai eu l’occasion de le souligner par le passé, certaines adaptations, qui relèvent notamment du pouvoir réglementaire, sont encore à réaliser. Je pense, par exemple, aux indemnités kilométriques que touchent les professions libérales et dont certaines sont amputées. En effet, pour certaines CPAM, si les professionnels d’un cabinet médical situé en zone de plaine se déplacent en zone de montagne, où les trajets sont plus longs et plus coûteux, le barème de remboursement reste celui des zones de plaine, ce qui conduira, à terme, à désertifier médicalement nos territoires.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Michel Savin. Si le texte dont nous discutons satisfait une grande partie des acteurs économiques, politiques et des citoyens locaux, il apparaît cependant que certains aspects concernant nos massifs de montagne ne sont pas pris en compte, ou pas suffisamment. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé, avec certains de mes collègues, que je salue, plusieurs amendements. Nous aurons l’occasion, d’y revenir afin d’évoquer plus précisément leurs tenants et aboutissants. Je souhaite toutefois évoquer dès à présent trois des objectifs que nous poursuivons.

J’ai tout d’abord déposé un amendement, conformément au souhait de nombreux élus locaux, sur les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont la loi NOTRe a fixé le seuil minimum à 15 000 habitants. Bien que la loi NOTRe reconnaisse la possibilité d’effectuer des adaptations en territoires de montagne, certains projets ont été remis en cause par les représentants de l’État du fait du non-respect de la clause des 15 000 habitants. Il est donc aujourd’hui nécessaire d’inscrire clairement dans la loi ce principe dérogatoire.

Nous avons aussi déposé plusieurs amendements concernant les acteurs de la filière forêt-bois. Il s’agit d’acteurs centraux, très présents dans les territoires de montagne. Ils participent grandement à l’activité économique, ainsi qu’à la gestion de cet environnement si fragile. Or, dans le projet de loi initial, aucune disposition ne les concernait directement, ce qui est regrettable. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec plusieurs de mes collègues, que des représentants de ces filières soient présents au sein des différents organes de gouvernance des zones de montagne dont il est question dans ce projet de loi.

De même, il serait important que les documents d’urbanisme locaux prennent en compte les accès à la ressource forestière de manière contraignante afin de permettre à ces acteurs économiques de disposer d’emplacements de stockage et de conditionnement entre les massifs de montagne et les agglomérations ou métropoles proches.

Je souhaite enfin revenir sur un point majeur et pourtant très peu abordé dans ce texte, à savoir la question des grands prédateurs, notamment des loups, et de la protection des activités pastorales dans les territoires de montagne.

M. Jean Desessard. Le projet de loi traite de cette question !

M. Michel Savin. Cette problématique, très présente sur nos territoires, traumatise des dizaines d’éleveurs et déclenche la colère des élus locaux. Des dizaines d’attaques de loups ont eu lieu cet été dans les massifs, certains causant même des dommages humains.

Les attaques que connaissent aujourd’hui les troupeaux sont impressionnantes : on a dénombré près de 9 000 victimes en 2015 dans vingt-quatre départements, soit une augmentation de 114 % par rapport à 2010. Et plus de 40 % des attaques se déroulent dorénavant en pleine journée ! Nous attendons encore les statistiques pour 2016, mais il apparaît clairement que les chiffres seront tout aussi importants.

Dans le même temps, le nombre de loups en liberté augmente de 20 % chaque année. Or plus la fréquence de ces attaques est importante, moins le pastoralisme est localement durable. Cette augmentation du nombre d’attaques conjuguée à un sentiment d’abandon par les pouvoirs publics donne envie à beaucoup d’éleveurs soit de raccrocher, soit d’organiser leur propre défense. Ils ne veulent pas faire la chasse au loup, mais mieux protéger leur outil de travail.

M. Michel Savin. Les mesures de protection des troupeaux ont atteint leurs limites. L’indemnisation ne doit pas être la seule réponse face au loup : il est nécessaire et urgent de revoir l’ensemble du dispositif, alors que la présence de cet animal semble de moins en moins compatible avec une activité économique viable.

Tel est l’objet des amendements que nous avons déposés à l’article 16. À mes yeux, monsieur le ministre, la proposition que vous qualifiez d’« équilibrée » n’est pas à la hauteur des attentes des agriculteurs, éleveurs et élus locaux des territoires fortement affectés par les attaques de loups.

Le président du groupe d’études Développement économique de la montagne, Jean-Yves Roux, a partagé cette inquiétude voilà quelques instants. Les éleveurs veulent travailler et vivre de leur métier en toute sécurité. Il est temps de leur redonner espoir.

Enfin, les élus locaux souhaitent aussi être protégés contre les risques issus des attaques de loups. Le président Larcher était présent lors d’une réunion de maires, en Isère, au cours de laquelle certains ont exprimé avec force leur inquiétude face à la mise en jeu de leur responsabilité en cas d’attaque sur le territoire de leur commune.

Cet été, par exemple, un maire a dû fermer un sentier de grande randonnée à la suite d’attaques de riverains et de touristes par des chiens de garde rudement mis à l’épreuve par la présence de loups. Nous ne pouvons accepter que ces élus locaux, qui effectuent un travail des plus importants au sein de notre République, ne soient pas protégés face à l’afflux de ces prédateurs.

Tel est donc l’objet des principaux amendements que j’ai souhaité déposer sur ce projet de loi. D’autres seront examinés. J’espère que le texte qui sortira de notre hémicycle prendra en compte l’ensemble des problématiques qu’il n’aborde pas encore.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous, je souhaite que ce projet de loi renforce encore l’attractivité de nos territoires de montagne et qu’il en soutienne les populations. Nous devons permettre à l’ensemble des habitants de recueillir tous les bénéfices d’une vie dans ces territoires si riches. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Je tiens avant toute chose à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir porté ce projet de loi devant le Parlement après une période de concertation que vous avez voulue. Ce texte était attendu, la précédente loi sur la montagne datant de 1985. En trente ans, le monde a changé.

La France s’est urbanisée. Elle compte 10 millions d’habitants de plus, alors que certains territoires de moyenne montagne ont continué de se dépeupler et sont aujourd’hui en décrochage.

La mondialisation des marchés a fragilisé l’agriculture de montagne, et les services publics ne sont plus toujours au rendez-vous.

La fragilisation de nos ressources naturelles a fait apparaître des enjeux environnementaux majeurs sur lesquels la montagne a un rôle essentiel à jouer.

Autre mutation : l’arrivée du numérique a amorcé une transformation en profondeur de notre société.

Alors, oui, un acte II de la loi Montagne était nécessaire pour adapter le cadre législatif aux enjeux du XXIe siècle. Il s’agit d’un rendez-vous crucial. Toutefois, monsieur le ministre, ce rendez-vous ne sera réussi que si nous avons le courage d’inscrire dans le marbre de la loi les avancées concrètes, précises, dont la montagne a besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.) Or, sur plusieurs sujets essentiels, le texte ne répond que très partiellement aux enjeux. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une série d’amendements frappés au coin du bon sens et inspirés par la réalité du terrain telle que la vivent au quotidien les élus de la montagne, afin de faire progresser encore ce projet de loi. Je retiendrai quatre exemples.

Premier exemple : l’agriculture.

L’agriculture d’altitude supporte des coûts de production qui ne sont plus compatibles avec les contraintes de la compétitivité mondiale. Il est donc urgent de réorienter notre modèle agricole de moyenne montagne. Il faut mieux soutenir les productions de qualité attachées aux terroirs, jouer la différentiation pour gagner en valeur ajoutée. C’est le seul modèle d’avenir pour l’agriculture de montagne.

Nous proposerons également plusieurs amendements visant à favoriser une plus grande reconnaissance du rôle majeur de la forêt en montagne, tant par les emplois créés dans cette filière que par les équilibres écologiques auxquels elle participe.

Deuxième exemple : la téléphonie mobile et l’accès au très haut débit.

Aucune raison technique, aucune raison financière ne peut justifier que l’on exclue des centaines de milliers de nos concitoyens de l’accès à ces services essentiels au développement économique, à la sécurité, à la vie quotidienne ni que nous abandonnions, in fine, une partie du territoire national à la désertification. S’il est un domaine dans lequel il ne faut rien céder, dans lequel il faut savoir faire preuve de volontarisme politique et de fermeté envers les opérateurs, c’est bien celui de la couverture numérique et de la téléphonie mobile. Nous défendrons des amendements concrets pour atteindre cet objectif, notamment pour modifier les critères des zones blanches, qui ne correspondent pas du tout aux besoins du terrain.

Troisième exemple : l’accès à des services publics de proximité et de qualité.

Altitude, routes enneigées, habitat dispersé, faible densité de population, l’accès aux services en montagne ne peut en aucun cas se mesurer en kilomètres ou, pire encore en seuils de rentabilité, ni se comparer à des ratios nationaux. Des critères adaptés doivent permettre d’offrir à ces territoires des services de proximité et de qualité dans des domaines aussi prioritaires que l’éducation et la santé, par exemple. L’État doit être le garant de cette égalité d’accès aux services essentiels. Là aussi, nous ferons des propositions concrètes.

Quatrième exemple : les moyens accordés aux territoires de montagne.

Dans ce domaine aussi nous voulons renforcer votre projet de loi pour mieux tenir compte des surcoûts supportés par les collectivités de montagne pour l’organisation des services, l’entretien de la voirie, la construction, le fonctionnement des bâtiments publics… Je pourrais encore citer bien d’autres exemples. La DGF, tout comme d’autres dotations de l’État, doit mieux prendre en compte ces contraintes. En outre, cela a été dit, une adaptation des normes à la réalité de la montagne est absolument nécessaire. Nous proposerons plusieurs amendements en ce sens.

Monsieur le ministre, considérez positivement nos amendements, afin que, à l’image du regard que nous portons aujourd’hui sur la loi fondatrice de 1985, nos successeurs, dans trente ans, citent en exemple la loi de 2016, parce qu’elle aura contribué à inscrire la montagne française dans la société du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. À ce point de la discussion, beaucoup de choses ont déjà été dites. Il est vrai que ce texte était attendu et que le travail accompli dans le cadre d’une concertation préalable avec les élus, les associations représentatives et les parlementaires, concertation dont il convient de vous remercier, monsieur le ministre, a permis de répondre en grande partie aux attentes.

En 1985 – cela fait pratiquement une génération –, il convenait de freiner un développement touristique parfois intempestif. Aujourd'hui, il faut le gérer dans la durée. Le temps où l’on créait des stations ex nihilo est révolu depuis bien longtemps ! À cette époque, il n’était pas question de désertification rurale, de disparition des services publics, de désertification médicale et encore moins du passage de la montagne au XXIsiècle, au travers des outils indispensables que sont la téléphonie mobile et les réseaux numériques.

Reste que, depuis 1985, un certain nombre de lois ont jalonné la vie des territoires de montagne. Je pense aux deux lois d’aménagement du territoire, celle de 1995, qui a créé les zones de revitalisation rurale et organisé les comités de massif, et celle de 1999, qui a introduit un volet « montagne » dans le cadre des contrats de plan État-région. D’autres dispositifs sont également venus renforcer nos moyens d’action, notamment les crédits européens, avec les programmes opérationnels interrégionaux de massif et les programmes transfrontaliers.

Aujourd'hui, nous attendons d’abord une reconnaissance de la spécificité et de la diversité des territoires de montagne, qui ne sont pas solubles dans la ruralité. Certes, ils ont des points communs avec la problématique des territoires ruraux, mais ils diffèrent par bien des aspects.

Nous attendons ensuite que les aménités – l’eau, la richesse environnementale, les atouts que la montagne apporte à la nation – soient rémunérées à leur juste valeur.

Dans le combat pour cette reconnaissance, deux éléments sont venus modifier profondément la donne au cours des dernières années.

Tout d’abord, il y a eu la réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, qui a éloigné les centres de décision. Ces derniers ont en effet été placés au cœur des grandes régions. Des services ont été fusionnés, ce qui a entraîné une perte des connaissances et de l’expertise sur les problématiques des territoires de montagne, perte dont nous souffrons dans de nombreux domaines : l’eau, les aménagements touristiques, la forêt…

Ensuite, il y a eu les dispositions de la loi NOTRe, qui comportent un risque de dilution progressive des collectivités de montagne dans des ensembles plus grands, accompagnée d’une perte d’identification et de reconnaissance de leurs spécificités et, donc, d’un manque d’adaptation des politiques publiques menées en direction de ces territoires. Il faudra que cette loi, qui constitue par bien des aspects une loi-cadre, concerne aussi le fonctionnement des administrations de l’État, pour voir disparaître un certain nombre des problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés et pour préserver des structures dont nous avons besoin. Je pense notamment au service de restauration des terrains en montagne, qui est essentiel au regard des problèmes de sécurité, en particulier avec l’accélération des phénomènes d’érosion et de réchauffement climatique, et à la transversalité du service d’études et d’aménagement touristique de la montagne, qui détient l’expertise de l’État, notamment pour l’examen des dossiers d’UTN.

Monsieur le ministre, j’ai déposé de nombreux amendements. Le président de mon groupe m’a même laissé entendre que c’était trop. Cependant, je suis dans l’esprit de convergence que vous avez évoqué, pour trouver un consensus sur ce texte, comme c’est la tradition montagnarde. Dans la mesure où le Gouvernement fait preuve d’ouverture, je ne doute pas que nous puissions aboutir.

Ces amendements concernent plusieurs domaines : la rémunération des aménités, les questions liées à l’eau, à l’énergie réservée, aux routes forestières, à l’exploitation des massifs, afin de permettre de faciliter les investissements des collectivités territoriales et leur desserte. Certains amendements visent par ailleurs à prendre en compte un certain nombre de surcoûts. En effet, il n’est pas normal que les agences de bassin consacrent des moyens plus importants pour financer les investissements dans les zones urbaines, où les consommateurs d’eau sont nombreux, et qu’elles ne prennent pas en compte les surcoûts engendrés par les territoires de montagne. D’autres amendements portent sur le numérique et les services publics.

Je terminerai mon propos en évoquant la problématique spécifique de cette partie de la montagne qui est toujours considérée comme riche et dont on dit qu’elle n’a pas besoin d’aide. Je veux parler des stations de sports d’hiver. Elles sont au nombre de 357. Elles représentent 10 % des stations du monde entier et 30 % des domaines skiables. Or, nous ne devons pas l’oublier, cette économie est en secteur concurrentiel. Face à nos concurrents européens – l’Autriche, la Suisse, l’Italie – et à nos concurrents plus lointains, la captation de nouvelles clientèles touristiques est nécessaire. Loin de la vitrine de paillettes dont on fait souvent état dans la presse, nos stations sont à la fois des communes et des entreprises. Elles souffrent aujourd'hui de la conjonction de la contribution au redressement des finances publiques et de la montée de la péréquation.

M. Loïc Hervé. Absolument !

M. Michel Bouvard. Ce qui est en cause, c’est d’abord la réduction des capacités d’investissement de cette montagne, qui fait face à la compétition mondiale. (M. Loïc Hervé applaudit.)

Les stations ont également d’autres problèmes ; j’évoquerai trois d’entre eux.

Le premier est celui des unités touristiques nouvelles. Je suis sans doute l’un des rares élus ici ayant siégé au comité qui défend chaque année des dossiers ayant trait aux UTN, lesquels représentent pour leurs auteurs un véritable parcours du combattant. En effet, après les deux ou trois années nécessaires pour monter le dossier, il faut procéder aux études d’impact, pour se heurter ensuite à un véritable frein à l’investissement. Le président-directeur général de la Compagnie des Alpes, Dominique Marcel, avait chiffré voilà trois ans à 140 millions d’euros les dossiers d’investissement paralysés par les lenteurs et les obstacles à franchir pour réaliser un équipement immobilier ou relatif à un domaine skiable.

Les stations sont également confrontées à un problème de logement. Il concerne non seulement les saisonniers, dont on a beaucoup parlé, mais aussi les habitants. De jeunes ménages ne peuvent plus faire construire, le terrain étant devenu très cher. Nous nous battons depuis des années pour que le zonage concernant l’habitat social et l’accession à la propriété soit adapté à ce que cela coûte réellement. (Mme Éliane Giraud et M. Loïc Hervé applaudissent.) Il n’est pas normal de dire qu’on peut construire dans les grandes stations de sports d’hiver, à Chamonix, à Val-d’Isère, aux Arcs, à Bourg-Saint-Maurice ou à Tignes, au même coût que dans les Landes ou en Lozère.

M. Michel Bouvard. Telles sont les spécificités que la loi doit accompagner.

Pourtant, et c’est là une autre difficulté, nombre de ces sujets sont de nature réglementaire. Je me suis efforcé de limiter le nombre des amendements que j’ai déposés, sachant que la commission des lois et le Sénat veillent à la qualité de la loi et au fait que nous n’y introduisions pas de dispositions d’ordre réglementaire. Mais nous devons, au cours de nos débats, recevoir des engagements très clairs du Gouvernement à traiter ces questions, qu’il s’agisse de la sécurité des pistes de ski ou de la déclinaison des dossiers d’UTN. Nous devons être sûrs que tout ce qui relève du domaine réglementaire ne viendra pas contredire l’esprit de la loi, à savoir la reconnaissance des territoires de montagne, qui doivent continuer d’apporter à la nation des aménités et permettre à celles et ceux qui y vivent de produire, d’enrichir le pays et de contribuer à son redressement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand et Mme Éliane Giraud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs de la qualité de leurs propos. L’intervention de M. Bouvard à l’instant en est un exemple, lui qui connaît si bien ces thèmes. Il est même impliqué depuis si longtemps sur ces sujets qu’il a donné son nom à une procédure que nous évoquerons au cours du débat.

Vous avez tous montré votre engagement, votre enthousiasme et votre connaissance des différentes questions. Même si certains d’entre vous ont voulu mettre en avant tel ou tel point, conditionnant un peu la clôture du débat à certaines avancées, vous avez fait preuve d’un esprit positif. Cela correspond tout à fait à ce que j’ai voulu pour ce projet de loi. Lorsque j’ai rencontré le président de l’ANEM, qui était à l’époque Laurent Wauquiez, il n’était pas évident que nous nous mettrions spontanément d’accord, mais nous avons su surmonter nos différences, puis nos divergences. C’est l’esprit qui a présidé aux discussions qui se sont tenues à l’Assemblée nationale, où l’ensemble des groupes a œuvré à construire ce texte. Je le retrouve ici, au Sénat, ce dont je tiens à vous remercier.

Je ne vais pas revenir sur tout ce qui vient d’être dit. Je me contenterai d’évoquer certains points.

La question des financements a été actée au travers du FSIL et de la DETR. Je tiens à le rappeler, il faut remonter loin dans le temps pour trouver un gouvernement aussi engagé aux côtés des collectivités concernant l’investissement. En trois ans, nous avons augmenté de 62 % la DETR, qui est passée de 600 millions d’euros à 1 milliard d’euros. Cette année, nous avons créé le FSIL, qui apporte 1 milliard d’euros supplémentaires, dont 600 millions d’euros sont consacrés à la ruralité. Ce fonds sera porté à 1,2 milliard d’euros l’année prochaine. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé, lors du congrès des maires, que l’effort du bloc communal au redressement des comptes publics serait diminué de moitié en 2017. Nous jonglons avec les milliards d’euros, ce qui devrait permettre de réaliser un certain nombre de choses. Pour ce qui concerne le financement, nous sommes donc au rendez-vous !

Nous faisons également preuve de volonté politique. Compte tenu de l’esprit consensuel qui est le nôtre, je ne vais pas polémiquer. Toutefois, je rappelle que nous avons tenu, en quatorze mois, trois comités interministériels aux ruralités, alors que les CIADT précédents s’étaient tenus en 2010 et en 2005. Nous avons arrêté 104 mesures, dont les contrats de ruralité, monsieur Bertrand, et d’hyper-ruralité, lesquels sont les pendants des contrats de ville. Ils sont également financés. Je sais que la même volonté politique est en œuvre au Sénat.

Certains propos, comme à l’Assemblée nationale, ont laissé augurer qu’il y aurait quelque tentation, pour ne pas dire quelques tentatives, à revenir sur un certain nombre de dispositions votées, en particulier dans le cadre de la loi NOTRe. La question du seuil de population pour les communautés de communes fixé à 5 000 et à 15 000 habitants est réapparue. Ce point a fait l’objet d’un grand débat au Sénat ! Je fais d’ailleurs partie de ceux qui y ont amplement participé.

Je le rappelle, la discussion s’est soldée par un accord en commission mixte paritaire. Autrement dit, l’Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé le texte. On ne va donc pas revenir, par le biais d’un texte consacré à la montagne, sur une loi adoptée par les deux chambres.