Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
2. Hommage à Jean-Claude Frécon, sénateur décédé
3. Communication du Conseil constitutionnel
4. Saisine du Conseil constitutionnel
6. Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
7. Communication du Conseil constitutionnel
8. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Jean-Michel Baylet, ministre
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
M. Jean-Michel Baylet, ministre
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 181 rectifié bis de M. Loïc Hervé. – Adoption.
Amendement n° 88 rectifié de M. Jacques Cornano. – Non soutenu.
Amendement n° 136 de M. Henri Cabanel. – Non soutenu.
Amendement n° 335 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 72 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.
Amendement n° 100 de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 101 de M. Jean-Yves Roux. – Adoption.
Amendement n° 165 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Amendement n° 231 de M. Michel Savin. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 89 rectifié de M. Jacques Cornano. – Non soutenu.
Amendement n° 63 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 232 de M. Michel Savin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 449 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Bernard Delcros. – Retrait.
Amendement n° 102 de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 14 de M. Bernard Delcros. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 3 bis A
Amendement n° 280 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 281 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 282 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 446 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 3 quater
Amendement n° 4 de M. Jean-Jacques Lasserre. – Non soutenu.
Article 4 A (nouveau) – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
9. Remplacement d’un sénateur décédé
10. Communication du Conseil constitutionnel
11. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente.
Article additionnel après l'article 4 A
Amendement n° 403 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 219 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 144 de M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des lois. – Rejet.
Amendement n° 103 de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 36 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 266 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Rejet.
Amendement n° 339 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 104 de M. Jean-Yves Roux. – Devenu sans objet.
Amendement n° 37 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 105 de M. Jean-Yves Roux. – Rejet.
Amendement n° 288 de M. Joël Labbé. – Adoption.
Amendement n° 64 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 184 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Amendement n° 185 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 235 de M. Michel Savin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 236 de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° 137 de M. Henri Cabanel. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° 265 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Articles additionnels après l'article 8 bis
Amendement n° 42 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 444 rectifié bis de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 41 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 400 de M. Michel Bouvard. – Rejet.
Amendement n° 320 rectifié de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 399 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 401 de M. Michel Bouvard. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Bernard Delcros. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 369 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 8 quinquies A (supprimé)
Amendement n° 44 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 8 quinquies (supprimé)
Amendement n° 45 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 209 de Mme Frédérique Espagnac. – Non soutenu.
Amendement n° 178 rectifié bis de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Amendement n° 398 de M. Michel Bouvard. – Rejet.
Amendement n° 18 de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 de M. Éric Jeansannetas. – Non soutenu.
Amendement n° 70 rectifié bis de M. Alain Marc. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 8 nonies
Amendement n° 251 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rectification.
Amendement n° 19 rectifié de M. Bernard Delcros. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement n° 135 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Devenu sans objet.
Articles 8 duodecies et 8 terdecies (nouveaux) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 8 terdecies
Amendement n° 277 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Article additionnel avant l’article 9
Amendement n° 279 rectifié bis de M. Alain Bertrand. – Rectification.
Amendement n° 170 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 121 de M. Jean-Yves Roux. – Adoption.
Amendement n° 237 de M. Michel Savin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 9 bis et 9 ter A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 156 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 9 ter B
Amendement n° 47 de Mme Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 9 quater
Amendement n° 23 de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 84 de M. René Danesi. – Rejet.
Article 9 quinquies – Adoption.
Amendement n° 48 de Mme Évelyne Didier. – Rejet.
Amendement n° 158 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
M. Daniel Raoul ; Mme la présidente.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 décembre 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Hommage à Jean-Claude Frécon, sénateur décédé
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que nous avons appris samedi, au moment où nous sortions de la collégiale Notre-Dame de Crécy-la-Chapelle, le décès brutal de notre collègue Jean-Claude Frécon. (M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Je l’avais rencontré mardi, dans la soirée, à la questure de l’Assemblée nationale ; nous nous étions cordialement adressé un signe amical.
Je serai demain auprès de lui, avec le président du groupe socialiste et républicain, M. Didier Guillaume, avec Mme la présidente la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et un certain nombre de collègues, dans sa commune dont il fut si longtemps l’élu.
Jean-Claude Frécon était sénateur de la Loire depuis 2001. Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tenais d’ores et déjà à saluer sa mémoire.
Directeur d’école, Jean-Claude Frécon fut conseiller municipal de Pouilly-les-Feurs à partir de 1971, puis maire de cette commune entre 1983 et 2006 et conseiller général de la Loire de 1979 à 2003. Élu sénateur en 2001, il fut réélu en 2011.
Au sein de notre assemblée, il siégea successivement à la commission des lois, puis à la commission des finances, dont il fut vice-président pendant trois ans, et, enfin, à la commission de la culture. Nous lui devons plusieurs rapports, dont, en 2009, un rapport sur la sécheresse de 2003, rédigé avec notre collègue Fabienne Keller.
Défenseur passionné des territoires ruraux et de leurs services publics, partisan de toujours de la décentralisation, il fut vice-président de l’Association des maires de France, de 1988 à 2006. Il attachait une grande importance à un sujet que nous avions en partage : la présence territoriale de la Poste. Il présida à ce titre l’Observatoire de la présence postale.
Cet Européen convaincu avait exercé des responsabilités importantes au sein du Conseil de l’Europe, dont il devait présider successivement la Chambre des pouvoirs locaux et, jusqu’à octobre dernier, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, que j’avais d’ailleurs reçu avec lui, ici, au Sénat.
Ceux qui l’ont accompagné se souviennent d’un homme convivial, sincère et généreux, doté d’un grand sens de l’écoute. Consciencieux et scrupuleux dans l’exercice de ses mandats, il ne ménageait ni son temps ni sa santé pour mener de front ses responsabilités locales, parlementaires et européennes, avec pour seule constante la recherche de l’intérêt général.
Sa dernière lettre, adressée à un certain nombre de collègues, dans laquelle il faisait part de sa décision de ne pas se représenter témoignait également de cet engagement. Il s’en était d’ailleurs entretenu avec moi.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille – je pense notamment à son fils Éric, que nous sommes quelques-uns à avoir joint au téléphone –, à ses proches, aux Pouillerots, ainsi qu’au président et aux membres du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un instant de recueillement en sa mémoire. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 9 décembre 2016, le texte de deux décisions statuant sur la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte et, d’autre part, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Acte est donné de cette communication.
4
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 9 décembre 2016, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et soixante sénateurs, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Commission mixte paritaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
6
Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 décembre 2016, trois décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur : l’exécution provisoire des décisions prononcées à l’encontre des mineurs (n° 2016-601 QPC) ; l’incarcération lors de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (n° 2016-602 QPC) ; le délai de rapport fiscal des donations antérieures (n° 2016-603 QPC).
Acte est donné de ces communications.
7
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 décembre 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le I de l’article 1389 du code général des impôts (Dégrèvement de taxe foncière sur les maisons vacantes et immeubles inexploités) (2016 612 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Acte est donné de cette communication.
8
Modernisation, développement et protection des territoires de montagne
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (projet n° 47 rectifié, texte de la commission n° 192, rapport n° 191 et avis nos 182, 185, 186).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, avant d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la montagne, je souhaite, au nom du Gouvernement, m’associer aux propos que vous venez de tenir et saluer la mémoire de Jean-Claude Frécon.
Il aurait été heureux de participer à ce débat, lui qui avait une véritable passion pour les territoires, pour leur défense, pour la protection des services publics, en particulier – vous l’avez dit, monsieur le président – la présence postale, tellement indispensable en ces secteurs.
Je l’ai connu lorsque je siégeais au sein de la Haute Assemblée. C’était un homme d’engagement, d’enthousiasme, de rigueur, de convictions et de tolérance.
Je veux donc, au nom du Gouvernement, présenter toutes mes condoléances à sa famille et exprimer mon amitié au groupe socialiste, dont Jean-Claude Frécon était l’un des membres très actifs, ainsi qu’à son président, Didier Guillaume.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, historiquement, les territoires de montagne ont toujours constitué une marge, une marche et une périphérie. Leurs habitants ont, quant à eux, longtemps été plus pauvres qu’ailleurs, marginalisés et régulièrement, disons-le franchement, méprisés.
Le plus souvent situés aux frontières, nos massifs n’en ont pas moins été stratégiques, en matière de défense notamment.
Par leurs positions, ils ont pu constituer des abris dans les temps troublés. La région autour, par exemple, du village du Chambon-sur-Lignon résume à elle seule ce statut de « montagne refuge », elle qui fut la terre d’accueil, successivement, des huguenots, des républicains espagnols, et de milliers de juifs, au point d’être érigée au rang de « village de Justes ».
Mais, au-delà de la majesté de ces paysages, les hommes, grâce à leur génie, ont su tirer profit des fortes contraintes de ces espaces – altitude, dénivelés, climats… – pour les développer et les sortir de l’enclavement. L’hydroélectricité, l’industrie, la sidérurgie, puis le tourisme ont été autant de vecteurs d’attractivité et de prospérité.
Mais on ne saurait appréhender correctement les massifs français sans reconnaître leur caractère profondément hétérogène, tant de leur topographie que de leurs paysages, de leurs atouts et de leur histoire.
Par leur fragilité et leur diversité, ces espaces appellent une attention adaptée et sans cesse renouvelée.
En cela, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ou loi Montagne, a constitué un acte fondateur en établissant le principe « d’adaptation, en tant que de besoin, aux spécificités » de nos reliefs.
Intervenant après les décennies du « plan neige », de 1964 à 1977, elle reposait sur un juste équilibre entre le nécessaire développement de ces territoires et l’impératif de protection de leur environnement.
Trente ans, plus tard, nous pouvons mesurer le caractère visionnaire de ce texte et l’ampleur des innovations qu’il comportait : définition des zones de montagne, mise en place d’instances représentatives, comme le Conseil national de la montagne ou les comités de massif. En matière d’aménagement, il introduisait aussi d’indispensables dispositifs de maîtrise de l’urbanisme et créait les unités touristiques nouvelles.
Tout précurseur qu’il fut, et qu’il demeure, ce texte d’envergure a besoin d’être actualisé. Ce constat est, je le crois, partagé de tous.
Depuis 1985, nombreuses furent les mutations sur les plans économique, environnemental et social. Les modes de vie ont changé, les besoins des habitants ont évolué. Il devenait impérieux de donner aux territoires de montagne la capacité d’y apporter des réponses adaptées.
Afin de défricher le terrain, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait commandé aux députées Annie Genevard et Bernadette Laclais un rapport, remis au mois de septembre 2015. Il y était proposé de refonder le pacte entre l’État et les territoires de montagne, afin de répondre aux grands enjeux actuels.
Le projet de loi que je présente devant vous s’en inspire largement, même s’il ne résume pas à lui seul la politique que le Gouvernement met en œuvre en faveur de nos massifs.
Pour aboutir à ce texte, une approche transpartisane a toujours prévalu, associant directement et constamment les acteurs de la montagne : parlementaires – le rapport a été commandé, je le disais, à une députée de la majorité, Bernadette Laclais, et à une députée de l’opposition, Annie Genevard, et elles ont travaillé main dans la main pour l’élaborer –, élus locaux, associations représentatives d’élus locaux, et tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Cette approche a permis de définir un cadre d’échanges, mais aussi un calendrier, fixant une adoption avant la fin de l’année. C'est la raison pour laquelle nous essayons d’aller vite en ces derniers jours de l’année 2016.
Cet esprit de responsabilité et cette recherche du consensus ont perduré tout au long des débats à l’Assemblée nationale. Il fut notamment facilité, je l’ai dit, par la désignation inédite de deux corapporteurs, l’une de l’opposition, l’autre de la majorité.
Cet « attelage », si vous me permettez l’expression, a permis d’enrichir substantiellement le texte, qui est passé de vingt-cinq articles lors de sa présentation à l’Assemblée nationale à soixante-quinze articles lors du vote.
Permettez-moi donc de vous en présenter les grandes orientations. Nous pouvons les regrouper autour de quatre grands axes, correspondant chacun à un titre du projet de loi.
Le titre Ier traite de la prise en compte des spécificités des zones de montagne et de celles qui peuvent exister dans chaque massif.
Montesquieu n’écrivit-il pas, dans De l’Esprit des lois, que ces spécificités « doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur; au genre de vie des peuples laboureurs, chasseurs ou pasteurs » ?
Ce texte réaffirme donc le principe d’adaptation des politiques publiques à ces particularités, éventuellement sous la forme d’expérimentations.
Dans cette partie, les députés ont apporté plusieurs améliorations.
Ils ont précisé les objectifs spécifiques des politiques publiques, en détaillant les différents domaines d’intervention, comme l’usage partagé de la ressource en eau, la prise en compte des temps de trajet dans l’organisation scolaire en montagne ou la représentation équitable des territoires de montagne.
De la même manière sont détaillés les domaines pour lesquels s’applique le principe d’adaptation de l’action publique.
Le titre Ier vient également renforcer le CNM, le Conseil national de la montagne, dans ses missions et dans sa représentation. Il sera désormais doté d’un vice-président, par ailleurs président de la commission permanente, qui assurera un fonctionnement plus régulier de cette instance. Ce vice-président pourra en outre saisir directement le Conseil national de l’évaluation des normes.
Le renforcement des institutions concerne également les comités de massif.
Sur la thématique de la santé, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions complétant le schéma régional de santé d’un volet de prise en compte des besoins spécifiques aux populations des territoires de montagne et des temps raisonnables d’intervention des secours. Elles prévoient également la participation d’un membre du comité de massif au conseil territorial de santé.
La difficile et déterminante question du numérique et de l’accès à la téléphonie mobile, qui se pose avec plus d’acuité encore dans les zones de montagne, est évidemment abordée.
Le premier chapitre du titre II vise à adapter les investissements publics aux fortes contraintes du relief. Il facilite l’expérimentation de technologies de substitution à la fibre, comme les connexions radio ou satellitaires, qui ont connu des innovations notables, ces dernières années.
J’en profite pour rappeler, en sortant un peu du cadre de ce texte, qu’avec le programme de résorption des zones blanches, dont beaucoup se situent en altitude, l’État prend en charge l’intégralité du coût de construction des pylônes permettant aux opérateurs de relier les centres-bourgs au réseau mobile, au minimum en 3G, d’ici à mi-2017.
En dehors des centres-bourgs, 1 300 sites seront également équipés en 3G, puis en 4G, d’ici à 2019. Je le rappelle, à l’origine, la date prévue était 2022.
L’État participe, là aussi, au financement des pylônes, jusqu’à 75 000 euros pour ceux qui sont situés en zone de montagne ; cela représente plus de 42,5 millions d’euros de subventions.
À l’Assemblée nationale, comme ici, cette partie du texte a donné lieu à des échanges intenses et à de nombreux amendements, priorisant la montagne dans le cadre du programme de couverture des zones blanches ou incitant au déploiement des services numériques.
Cela ne fait que confirmer l’importance et la sensibilité de ces thématiques ; je le savais déjà. Nous aurons largement l’occasion de revenir sur vos propositions pour accélérer l’accès à ces technologies sur tout le territoire.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le deuxième chapitre aborde un autre enjeu d’envergure : le travail saisonnier et la pluriactivité.
Dans ce cadre, plusieurs mesures visent à mieux prendre en compte ces particularités, que ce soit dans la formation professionnelle ou dans l’accès aux services par ce type de salariés.
L’expérimentation d’un dispositif d’activité partielle pour les agents contractuels saisonniers de régie est également proposée pour leur offrir une plus grande sécurité des parcours professionnels, en fiabilisant aussi le fonctionnement des régies dans les stations de ski.
En outre, pour répondre aux difficultés immenses que rencontrent les saisonniers dans l’accès au logement, et dont les conséquences sont parfois dramatiques – certains sont morts de froid dans leur mobil-home, leur camping-car ou leur voiture –, plusieurs actions sont proposées : la mobilisation de logements vacants par les bailleurs sociaux pour les attribuer en « intermédiation » locative, ou la mise en place de plans d’action concertés entre les communes et les acteurs locaux de l’habitat.
Favoriser le développement économique des massifs implique aussi d’encourager des secteurs vitaux pour la montagne. Je pense en particulier à l’agriculture et au tourisme.
La place de l’agriculture, et plus particulièrement, le pastoralisme, a été confortée lors de l’examen à l’Assemblée nationale en favorisant cette activité, notamment sous la forme de groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.
Le projet de loi vise également à une meilleure reconnaissance de l’agriculture de montagne et des soutiens qui lui sont nécessaires.
J’en viens aux grands prédateurs. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je note que les prédateurs ne sont pas les mêmes selon les massifs.
M. Loïc Hervé. La Bête du Gévaudan ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Dans certains endroits, c’est le loup ; dans d’autres, c’est l’ours…
M. Michel Savin. Le lynx !
M. Jean-Michel Baylet, ministre… ou le lynx. On a même évoqué le rat taupier à l’Assemblée nationale ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Dans certains territoires, c’est un vrai problème !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après de longs débats très engagés, l’Assemblée nationale a adopté un principe d’adaptation des moyens de lutte à la situation particulière de chaque massif, dans des termes atteignant désormais un point d’équilibre qu’il me semble souhaitable de préserver.
Parmi les autres mesures prévues dans le projet de loi, je veux citer la dérogation au transfert de la compétence « promotion du tourisme » pour les communes classées « stations de tourisme ».
Vous le savez, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a prévu de confier cette compétence de manière absolue aux établissements publics de coopération intercommunale, au plus tard au 1er janvier 2017. Cette disposition a suscité les craintes de certaines communes, attachées à leur notoriété et leur identité propre. Je les ai entendues, et le Gouvernement aussi.
L’article 18 initial apporte une souplesse permettant aux communes « stations classées de tourisme », ou en cours de classement, de conserver cette compétence, sous réserve d’une délibération adoptée par le conseil municipal avant le 1er janvier 2017. Celles qui n’obtiendraient pas ce label perdraient naturellement le bénéfice de la mesure.
Les députés ont également souhaité préciser la notion de « classement en cours ». Pour ma part, je ne reviendrai pas sur les élargissements adoptés, même si je ne vois pas d’inconvénient – nous en avons discuté en commission – à parfaire la rédaction actuelle.
Quoi qu’il en soit, l’application de cette dérogation est bien sûr soumise à l’adoption de ce texte avant la fin de l’année. C’est ce qui explique la date exceptionnellement rapprochée de la commission mixte paritaire.
Toujours dans le secteur touristique, le texte prévoit des assouplissements pour faciliter la réhabilitation de l’immobilier de loisir. Il s’agit ainsi de lutter contre le phénomène dit des « lits froids », qui s’est fortement développé ces dernières années.
Couplée à la mesure du projet de loi de finances pour 2017, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, réorientant le dispositif fiscal dit « Censi-Bouvard » vers le soutien à la réhabilitation des résidences de tourisme, cette disposition devrait avoir un effet concret pour les propriétaires de résidences en montagne et favoriser ainsi la rénovation de l’existant plutôt que d’encourager sans discernement les constructions neuves.
Dans le cadre des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir, les ORIL, un amendement adopté à l’Assemblée nationale a introduit une obligation d’information des copropriétaires en cas de vente d’un logement en résidence touristique.
Le projet de loi modifie également la procédure des unités touristiques nouvelles, les fameuses UTN. Initialement prévue dans le cadre d’une ordonnance à l’article 106 de la loi d’août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai souhaité, à la demande de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, que cette réforme soit finalement inscrite dans le texte et puisse faire l’objet d’un débat au Parlement.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Quand je vois l’ampleur que les discussions ont prise, je ne suis pas sûr d’avoir bien fait eu égard à mon confort personnel. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je ne désirais pas qu’un sujet aussi important pour le développement économique et pour la maîtrise de l’urbanisme dans les zones de montagne passe par la voie de l’ordonnance. Nous allons donc en débattre ensemble.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La concertation préalablement engagée avec les associations d’élus et les représentants des professionnels du secteur – je pense en particulier à Domaines skiables de France – s’est prolongée tout au long de la discussion.
L’objectif de la réforme des UTN était de concilier planification de ces projets par les élus et souplesse pour répondre, dans des délais rapides, à des projets nouveaux, sans renoncer à l’indispensable maîtrise de l’urbanisme et de l’espace par les élus, ni au respect des lois en vigueur. C’est la raison pour laquelle nous avons conservé une procédure particulière en dehors des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
Après un échange nourri, un accord a été trouvé à l’Assemblée nationale sur une procédure spécifique aux territoires de montagne permettant la mise en compatibilité des documents d’urbanisme nécessaires à la réalisation d’UTN qui n’auraient pas été prévues dans les documents d’urbanisme : SCOT, PLU et, demain, PLUI. Cette procédure intégrée, et encadrée dans le temps, permettra de donner aux opérateurs de la visibilité et aux élus de conserver la maîtrise du développement immobilier sur leur territoire.
Cet accord exigeant, qui s’est attaché à répondre aux difficultés soulevées, a permis la validation de l’ensemble de la réforme des UTN. Il me paraît sage, là encore, de ne pas remettre en question ce point d’équilibre auquel nous sommes parvenus, non sans difficulté.
S’agissant des politiques environnementales, enfin, une disposition du projet de loi vise, dans les territoires de montagne, à renforcer le rôle des parcs naturels régionaux, notamment afin d’améliorer la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, et sans imposer une réglementation supplémentaire, est ouverte la possibilité de mettre en place des « zones de tranquillité » afin de concilier les différents usages tout en permettant de préserver le développement des espèces animales et végétales qui s’y trouvent.
S’agissant des « zones de tranquillité » envisagées dans le projet de texte initial, un accord a également été trouvé avec les députés en réservant aux seuls parcs nationaux la possibilité – je dis bien la possibilité – de créer ces espaces de quiétude pour favoriser et protéger le développement d’espèces animales et végétales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en lien avec la commission des affaires économiques, la commission des affaires sociales et la commission des lois, a, à son tour, grandement fait évoluer le texte de l’Assemblée nationale de manière très constructive en adoptant, la semaine dernière, plus d’une centaine d’amendements. Je veux saluer le travail des rapporteurs, qui a permis des améliorations significatives, tant dans la qualité rédactionnelle du texte que par l’apport de plusieurs précisions. Je note également la suppression de dispositions redondantes, sur lesquelles vous aviez appelé mon attention en commission, ou inapplicables, ainsi que de plusieurs demandes de rapports au Gouvernement, certains étant d’ailleurs déjà prévus par la législation en vigueur. Vous connaissez ma position sur la multiplication des rapports. Je ne peux donc qu’approuver ces modifications.
Sur la question du numérique, des amendements ont permis de préciser quelques-unes des dispositions introduites à l’Assemblée nationale et de les compléter par des mesures nouvelles sur le fichier normalisé des adresses ou sur la transparence des engagements souscrits par les opérateurs à l’issue de l’appel national à manifestation d’intentions d’investissement de 2011.
Dans l’ensemble, le travail de la commission s’est inscrit, et je vous en suis reconnaissant, dans le cadre de l’équilibre général trouvé avec les députés. Sur deux des sujets emblématiques du débat à l’Assemblée nationale, je veux parler des offices de tourisme et des UTN, les amendements respectent, pour l’essentiel, l’accord auquel nous étions parvenus, en apportant d’ailleurs des éléments de précision ou de simplification.
Cependant, je serai tout de même amené à revenir sur quelques dispositions qui vont au-delà de cet accord global ou qui me semblent contraires aux positions que le Gouvernement a régulièrement affirmées. Nous aurons l’occasion d’en débattre en détail et d’essayer de nous convaincre mutuellement. Je rappelle les principaux sujets de divergence.
Il s’agit notamment des dispositions relatives au FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qui me semblent n’avoir qu’un lointain rapport avec l’objet de ce texte.
M. Michel Bouvard. Ah bon ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous divergeons également sur la création d’un dispositif transitoire supplémentaire de sortie du classement en zone de revitalisation rurale, ou ZRR. Les schémas intercommunaux étant désormais tous bouclés, ou presque, puisque la réforme entrera en vigueur au 1er janvier prochain, je serai d’ici à la fin du mois de janvier en mesure de vous communiquer la carte des communes éligibles. Certaines seront bien entendu appelées à entrer dans le dispositif quand d’autres seront amenées à en sortir.
Nous n’avons pas non plus la même position sur des conditions d’exonération de l’autorisation de défrichement et sur diverses dispositions relatives au droit de l’urbanisme visant à assouplir les conditions de construction en discontinuité, au détriment de la lutte contre le mitage, qui nous rassemble tous.
Enfin, et dans le même esprit de respect des accords trouvés à l’Assemblée nationale, nous serons également amenés à discuter du rétablissement de la disposition qui permet dans les parcs nationaux, et uniquement dans les parcs nationaux, de mettre en place des « zones de tranquillité », sous l’autorité et le contrôle de leur conseil d’administration. Ces zones seront mises en place sur leur propre initiative. Il ne s’agit pas d’une mesure prescriptive qui aurait un caractère obligatoire. Il s’agit tout simplement de donner à ceux qui le souhaitent la possibilité d’installer de telles zones.
Le débat à l’Assemblée nationale, vous l’avez constaté, a considérablement enrichi le projet de loi initial, notamment sur quelques sujets emblématiques, importants pour les différentes sensibilités comme les UTN, les offices de tourisme, les services numériques ou de téléphonie, les grands prédateurs ou les zones de tranquillité. C’est l’écoute, le dialogue et la recherche pragmatique de solutions qui ont permis de parvenir à des accords et d’aboutir à l’adoption d’un texte à la quasi-unanimité. Ce point est suffisamment rare pour être souligné. Le seul député ayant voté contre m’a avoué que sa seule motivation était que son vote, et par conséquent sa propre personne, ne passe pas inaperçu… Il escomptait se faire ainsi remarquer. Il s’agit, nul ne s’en étonnera, de notre ami du Béarn, Jean Lassalle ! (Sourires.)
Je garde à l’esprit l’objectif d’une adoption du texte dans les délais que nous nous sommes collectivement fixés. Je ne doute pas que nous y parviendrons, dans l’intérêt des habitants des territoires de montagne. Je souhaite que le compromis trouvé sur les différents points de difficulté puisse être préservé ; je m’y emploierai bien naturellement. J’espère que nous serons capables ici, dans votre assemblée réputée pour sa sagesse, et dans le même esprit qu’à l’Assemblée nationale, de trouver le juste consensus aboutissant à un vote unanime pour le meilleur intérêt de la montagne, de ses territoires et de celles et ceux qui y vivent ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la montagne nous réunit aujourd’hui. Elle est en effet un véritable trésor national, qui doit être préservé et valorisé par tous. L’objectif principal du présent projet de loi est de relancer la politique nationale de la montagne, en faveur d’un aménagement et d’un développement durables de ces territoires, ce dont je me réjouis.
Si la montagne est une destination touristique majeure en France et dans le monde, elle est d’abord un lieu de vie et d’activité pour plus de 6 millions de Français, soucieux de bénéficier de conditions de vie comparables à celles de leurs concitoyens dans d’autres territoires, tout en conservant les spécificités de ce cadre unique.
La montagne accueille également une économie riche et diversifiée. L’industrie de montagne représente 600 000 entreprises et 4 millions d’actifs. Le secteur du tourisme participe à hauteur de 15 % du PIB touristique du pays. Quant à l’agriculture, une exploitation sur six se trouve en montagne, qui regroupe 17 % de la surface agricole utile.
Enfin, grâce à son patrimoine naturel et culturel exceptionnel, la montagne occupe une place particulière dans l’identité de notre pays. Sa biodiversité unique, la beauté de ses paysages, l’immensité de ses forêts et son rôle de château d’eau naturel en font un bien commun de la nation.
Une politique de la montagne est donc indispensable pour aménager ces espaces en prenant en compte leurs spécificités, aussi bien en termes d’atouts que de contraintes. Car si la montagne partage avec la ruralité certaines caractéristiques, elle se singularise par des difficultés permanentes très fortes, liées au relief et au climat.
Le socle d’une telle politique a été créé par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Je souhaite rappeler le caractère particulièrement novateur de ce texte, qui plaçait la montagne à l’avant-garde du développement durable, en lui traçant un avenir fondé sur des équilibres subtils, entre dynamisme économique et protection du patrimoine naturel.
Trente ans après, la montagne a globalement bien résisté à l’épreuve du temps. Toutefois, de nouveaux enjeux, comme le numérique et le réchauffement climatique, doivent être mieux pris en compte. Par ailleurs, la ligne de crête entre protection et développement des territoires de montagne reste étroite. Enfin, le droit commun a évolué, rattrapant parfois les dispositifs spécifiques adoptés par le législateur en 1985.
La loi Montagne s’est donc quelque peu affaiblie. C’est pourquoi les élus de la montagne souhaitaient depuis plusieurs années une relance de l’action publique, afin d’éviter toute banalisation de leurs territoires.
Prenant acte de ce souhait très vif, le Gouvernement a confié à nos collègues députées Annie Genevard et Bernadette Laclais la réalisation d’un rapport, pour identifier des solutions concrètes permettant l’actualisation de la loi de 1985. Remis au Premier ministre en septembre 2015, ce travail remarquable formulait une centaine de propositions, pour lancer un acte II de la politique de la montagne.
À partir de ce rapport, le Gouvernement a élaboré le présent projet de loi, en concertation étroite avec les élus et avec la mobilisation très forte de l’Association nationale des élus de la montagne et du Conseil national de la montagne, dont je souhaite souligner le rôle majeur pour accompagner la préparation et l’examen du texte. Une véritable démarche de coconstruction a ainsi guidé ce travail dès ses origines. Cette approche a été prolongée à l’Assemblée nationale, avec des échanges constructifs et transpartisans entre les différents groupes politiques, qui ont abouti à un texte particulièrement consensuel, adopté à la quasi-unanimité, comme l’a rappelé M. le ministre.
Témoignage de l’importance de la montagne pour notre assemblée et du souhait partagé par tous de poursuivre un examen transversal, cinq commissions permanentes du Sénat se sont mobilisées. Je souhaite, à cet égard, saluer mes collègues rapporteurs pour leur engagement et leur contribution sur ce texte : Patricia Morhet-Richaud pour les affaires sociales, Gérard Bailly pour les affaires économiques et Jean-Pierre Vial pour les lois.
Malgré des délais contraints, les différents rapporteurs ont mené au total plus d’une soixantaine d’auditions. Nous avons conjointement souhaité ouvrir nos travaux à l’ensemble des sénateurs de montagne, en vue de permettre au plus grand nombre de participer aux réflexions du Sénat sur ces sujets. Je salue, à cet égard, notre collègue Jean-Yves Roux, président du groupe d’études Développement économique de la montagne, pour sa mobilisation sur ce texte.
À l’issue de mes auditions, j’ai constaté que la grande majorité des organismes et personnalités entendus souhaitaient une stabilisation du texte adopté par l’Assemblée nationale, qui a été étendu à plusieurs sujets majeurs, comme l’accès à l’école et à la santé, l’aménagement numérique, le soutien aux activités agricoles ou encore la politique de l’eau. Si nous pouvons nous en féliciter, nous devons également être vigilants sur la qualité de la loi que nous adoptons. Comme vous le savez, il s’agit d’une priorité pour le président du Sénat. Ainsi, sans vouloir bouleverser les équilibres existants du projet de loi, nous avons conjointement souhaité apporter des améliorations au texte transmis.
En termes de méthode, je rappelle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond sur le texte, a délégué une trentaine d’articles du projet de loi à la commission des affaires économiques, relatifs aux activités pastorales, agricoles et forestières, à l’urbanisme et au tourisme. Elle a également délégué une dizaine d’articles à la commission des affaires sociales, relatifs à la santé et au droit du travail. La commission des lois s’est de son côté saisie pour avis d’une large partie du texte. Enfin, la commission de la culture a procédé à une communication en commission sur les articles relatifs à l’enseignement scolaire. Au total, 115 amendements ont déjà été adoptés et intégrés au texte.
Notre commission a examiné au fond la majorité des articles du titre Ier, relatifs aux principes de la politique de la montagne, à la gouvernance de ces territoires et à l’accès aux services publics.
Sur cette partie du texte, nous avons apporté plusieurs précisions, notamment sur les objectifs de la politique de la montagne, sur les prestations de secours sur les pistes de ski et sur la prise en compte des délais d’accès dans l’organisation scolaire. Nous avons également supprimé quelques articles, jugés redondants par rapport au droit en vigueur.
Nous avons aussi ajouté une prise en compte des spécificités de montagne par le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. En termes de zonage, nous avons souhaité garantir le maintien du classement « montagne » dans les communes nouvelles et insérer un dispositif transitoire pour les communes sortant du classement en zone de revitalisation rurale.
Enfin, nous avons inséré des dispositions relatives à la gestion et à la prévention des risques naturels, en vue de renforcer l’expertise apportée par l’Office national des forêts aux collectivités de montagne.
Sur le titre II, relatif au développement économique, nous avons renforcé le volet numérique du texte, en apportant des précisions sur l’élaboration des stratégies de développement des usages et services numériques, sur l’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, en faveur de la téléphonie mobile et sur la mutualisation des infrastructures passives. Nous avons également inséré des dispositions relatives à la constitution rapide d’une base nationale des adresses et à la contractualisation des projets privés de déploiement à très haut débit, en vue d’accélérer la couverture numérique des territoires.
Toujours dans ce même titre, nous avons adopté des précisions à l’article 16, relatif à la prédation des animaux d’élevage, afin d’assurer la conformité de cette disposition au cadre international et européen et d’éviter de nouveaux contentieux, tout en rappelant l’importance de préserver les activités d’élevage. Cet article nous semble désormais équilibré.
Enfin, au titre IV, relatif aux enjeux environnementaux, la commission a conservé les ajouts adoptés à l’Assemblée nationale sur la politique de l’eau et a souhaité supprimer l’inscription dans la loi de la possibilité de créer des zones de tranquillité dans les parcs nationaux, comme l’avait prévu l’Assemblée nationale pour les parcs naturels régionaux, constatant que ces initiatives sont déjà permises par le droit en vigueur.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, sur les articles examinés par notre commission, nous avons souhaité améliorer et renforcer le texte transmis à notre assemblée, sans le dénaturer ni bouleverser son périmètre général. Tout en souhaitant résolument poursuivre avec vous tous une démarche d’élaboration constructive et transpartisane, notre priorité lors de cet examen en séance est de permettre au Sénat d’adopter une loi utile, équilibrée et pérenne pour les territoires de montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement économique de la montagne est essentiel pour ces territoires. De ce point de vue, la loi de 1985 a plutôt bien réussi : la montagne ne s’est pas dépeuplée ; bien au contraire, sa population a progressé dans certains secteurs. On y compte aujourd'hui 6 millions d’habitants et des activités multiples : agriculture, exploitation forestière, tourisme ; il existe aussi une activité industrielle ou encore artisanale vivace dans beaucoup de massifs.
Toutefois, ce développement économique doit être accompagné en prenant en compte les spécificités de la montagne : saisonnalité, climats, éloignement, voire enclavement. Cet accompagnement existe à travers des dispositifs spécifiques : l’indemnité compensatoire de handicap naturel fournit, par exemple, une aide majorée aux agriculteurs. La montagne dispose aussi de modalités spécifiques de gouvernance à travers les comités de massif et le Conseil national de la montagne, pour piloter les politiques publiques dans ces territoires. Or nous devons moderniser ces territoires, par exemple, pour accélérer le déploiement des réseaux numériques ou encore pour donner un nouveau souffle à l’immobilier de loisir.
À l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques avait été saisie au fond de ce projet de loi. Au Sénat, c’est la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui est chargée du texte, mais elle a délégué vingt-six articles à la commission des affaires économiques, qui s’est aussi saisie pour avis simple sur treize autres articles. Nous n’avons pas proposé de bouleversements sur un texte voté par les députés à la quasi-unanimité, ce qui témoigne d’un assez large consensus. Nous avons adopté quarante-trois amendements qui ne remettent pas en cause l’économie générale du projet de loi.
Concernant l’agriculture, nous avons conforté les dispositions votées à l’Assemblée nationale : nous avons précisé le régime des conventions pluriannuelles de pâturage, nous avons encouragé la location des terres à des agriculteurs locaux par les associations foncières pastorales et autres propriétaires de terres en montagne, nous avons encouragé les GAEC à participer à des groupements pastoraux. Surtout, nous avons accepté d’exempter les agriculteurs de compensations, y compris financières, pour le défrichement de terrains de montagne non classés comme tels au cadastre. Nous souhaitons que l’on continue à formuler une demande de défrichement auprès de l’administration. Au bout de trois mois, ces demandes seraient déclarées positives. Il conviendrait donc que l’administration contrôle ces défrichements.
Nous avons encouragé la gestion différenciée des grands prédateurs, en veillant à ce que la prédation, notamment par les loups, fasse l’objet d’une régulation pour ne pas nuire à l’élevage dans les territoires de montagne. Espérons que cela ne restera pas un vœu pieux.
Nous avons aussi proposé une exonération de redevance pour prélèvement d’eau pour les petits canaux d’irrigation de montagne gérés collectivement, qui sont essentiels au maintien d’une agriculture familiale locale.
Concernant la forêt, les précisions apportées en matière de plan simple de gestion des propriétaires privés, le maintien de la possibilité de s’appuyer sur un code de bonnes pratiques sylvicoles pour bénéficier d’une présomption de gestion durable des forêts en zone Natura 2000 ou encore l’obligation faite à l’Office national des forêts d’instruire les demandes de dossiers de restauration des terrains en montagne, ou RTM, des collectivités territoriales vont dans le bon sens.
J’ai proposé de renforcer la reconnaissance du rôle de la forêt en montagne en créant un article spécifique dans la loi Montagne sur les soutiens dont elle doit bénéficier, principalement en ce qui concerne les difficultés d’exploitation et de desserte.
Par ailleurs, j’ai fait adopter un amendement proposant d’aligner les sanctions encourues pour coupe illicite en forêt publique sur le régime existant en forêt privée, pour plus de cohérence du droit forestier.
Concernant le logement des travailleurs saisonniers, sujet qui vous est cher, monsieur le ministre, comme vous l’avez encore rappelé il y a quelques instants, nous avons soutenu le dispositif de l’article 14 prévoyant une convention entre l’État et les communes touristiques sur le sujet, mais uniquement dans les communes où un diagnostic de situation montre que c’est nécessaire.
Concernant la rénovation de l’immobilier touristique en montagne, nous avons soutenu les dispositions relatives aux opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir qui prennent en compte de nouveaux phénomènes : locations via des plateformes en ligne ou encore regroupement de lots.
Concernant l’urbanisme de montagne, nous avons proposé des simplifications administratives pour les unités touristiques nouvelles, en prenant soin de ne pas remettre en question le délicat équilibre auquel est parvenu l’article 19.
Concernant le tourisme, nous avons maintenu le renvoi à une ordonnance pour la transposition de la directive relative aux voyages à forfait. Nous avons aussi soutenu l’idée que Bpifrance intervienne en faveur des entreprises du secteur touristique. Nous avons permis la création par les collectivités de servitudes nouvelles sur le domaine skiable en dehors des périodes d’enneigement et encouragé les mesures en faveur du ski nordique.
Le sujet le plus délicat a été celui du maintien de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » dans le giron des communes et non des intercommunalités, comme le prévoit la loi NOTRe. Nous sommes parvenus, là encore, à un point d’équilibre satisfaisant.
S’agissant du numérique, la commission n’était saisie que pour avis et n’a pas proposé d’amendement, les dispositions prévues allant toutes dans le bon sens, celui de favoriser le déploiement des réseaux en zone de montagne.
Pour conclure, je dirai que le projet de loi Montagne II constitue une modernisation et un approfondissement des dispositions déjà existantes en faveur de la montagne. Mon message est simple : aidons les territoires de montagne à être des territoires d’excellence sur le plan économique, favorisons le développement d’activités multiples – agriculture, tourisme, industrie, artisanat, exploitation des ressources naturelles du sol et des forêts – qui se complètent utilement, car c’est la meilleure garantie du maintien d’un équilibre territorial absolument indispensable à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis, à qui je souhaite le meilleur pour la présentation de son premier rapport.
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisie de douze articles, dont dix délégués au fond, la commission des affaires sociales partage globalement les orientations du projet de loi. Je me félicite des conditions dans lesquelles celui-ci a été élaboré, en association étroite avec les élus de la montagne. Je me réjouis également du large consensus exprimé à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la loi Montagne de 1985, qui était une première étape cruciale pour mieux prendre en compte les spécificités de ces territoires ainsi que les besoins et les attentes de nos concitoyens qui y vivent. Les questions de santé et de travail y étaient essentiellement abordées au travers des enjeux liés à l’administration des collectivités territoriales, au développement des activités touristiques et à la saisonnalité. Or, depuis trente ans, le contexte a bien sûr changé ; le législateur doit prendre en compte de nouvelles réalités.
Les questions posées en matière d’accès aux soins et aux secours ont pris une importance de premier plan dans un contexte d’évolution des modes de prise en charge et de mutation des espaces de vie en montagne. Pour garantir un égal accès aux soins sur tout le territoire, il faut surmonter plusieurs obstacles, qu’il s’agisse des conditions de transport vers les lieux de prise en charge, des attentes des professionnels de santé quant à leurs conditions d’exercice ou encore de l’organisation de l’offre de soins et de la qualité du service dans un contexte de désertification médicale. Cependant, certains problèmes rencontrés dans les zones de montagne ne leur sont pas spécifiques et appellent des réponses coordonnées au niveau national.
Dans cet esprit, la commission des affaires sociales a souhaité distinguer les dispositions pouvant répondre aux besoins spécifiques de la montagne et celles qui, au contraire, seraient redondantes ou de nature à juxtaposer des dispositifs, au risque de nuire à la cohérence globale de la politique de santé.
Notre commission s’est donc montrée particulièrement favorable à l’article 8 octies, qui prévoit un élargissement limité des possibilités de recours à la propharmacie. Sur mon initiative, plusieurs clarifications rédactionnelles ont été apportées pour sécuriser le dispositif.
La commission a précisé le champ d’application de l’article 8 sexies, relatif à la prise en compte dans les schémas régionaux des besoins spécifiques de santé des habitants des zones de montagne. En revanche, elle n’a pas jugé opportun de maintenir l’article 8 quinquies, demandant un rapport au Gouvernement sur la compensation des surcoûts résultant de la pratique d’actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne. Les principaux dispositifs en vigueur relèvent en effet des négociations conventionnelles avec les professionnels de santé et non directement du Gouvernement. D’autres dispositifs sont encore trop récents pour avoir fait l’objet d’une appropriation par les professionnels et donc pour être évalués.
En ce qui concerne les dispositions touchant au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, la commission des affaires sociales a estimé qu’elles sont essentiellement de nature technique et de portée limitée. Elles ne soulèvent pas de difficultés majeures, même si certaines ont un champ d’application qui dépasse, là aussi, les seules zones de montagne.
Nous avons donc accueilli favorablement l’ensemble des articles du texte traitant de ces problématiques. En particulier, nous espérons que l’article 11 bis permettra la réussite de l’expérimentation du CDI intermittent en faveur des saisonniers. Prévue par la loi Travail, il faut maintenant la lancer dans les meilleurs délais. En outre, l’expérimentation prévue à l’article 12 rend éligibles à l’activité partielle, pendant trois ans, les régies de remontées mécaniques dotées de l’autonomie financière mais dépourvues de la personnalité juridique. Elle devrait mieux protéger les salariés en cas de réduction conjoncturelle de l’activité, liée notamment à un déficit d’enneigement. Comme j’ai pu m’en rendre compte durant mes auditions, elle soulève des difficultés juridiques non négligeables. C’est bien là l’intérêt de l’expérimentation, qui sera l’occasion de les identifier précisément et d’adapter le cadre juridique si nécessaire.
Vous l’aurez compris, la commission des affaires sociales est très favorable à ce texte, attendu par l’ensemble des acteurs qui font vivre les zones de montagne et par nos concitoyens. Il est le fruit d’une coconstruction originale, dépassant les clivages partisans et qui pourrait utilement être érigée en exemple pour d’autres projets de loi. C’est pourquoi j’espère que ce texte recueillera un large assentiment dans notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un important travail de concertation en amont avec le Conseil national de la montagne et l’Association nationale des élus de la montagne. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette méthode de travail.
La commission des lois s’est saisie pour avis de 29 des 74 articles du texte, qui concernent les grands principes applicables aux zones de montagne et à leur gouvernance, le rôle des collectivités dans l’organisation du tourisme et, enfin, l’adaptation des règles d’urbanisme en montagne et l’encouragement à la réhabilitation de l’immobilier de loisir.
La commission des lois a considéré que ce texte répondait aux principaux enjeux des territoires de montagne, mais qu’il convenait de le simplifier sur certains points et de le compléter sur d’autres. Elle a déposé trente-trois amendements en ce sens, dont trente ont été adoptés ou satisfaits par les commissions saisies au fond. Je me félicite de cet esprit de coconstruction du projet de loi. Je veux à ce titre remercier M. le rapporteur Cyril Pellevat et M. le rapporteur pour avis Gérard Bailly, pour leur écoute tout au long de nos travaux. Je veux aussi saluer la qualité du travail de Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
J’aimerais vous présenter, en quelques mots, les principales modifications proposées par la commission des lois.
S’agissant des grands principes applicables aux zones de montagne, la commission des lois a proposé de fixer à l’État un objectif d’évaluation et de prévention des risques naturels en montagne. Le service de restauration des terrains en montagne, ou RTM, apporte une expertise précieuse et irremplaçable en la matière. Il doit être préservé et conforté.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis. La commission des lois a souhaité préciser l’articulation de la loi Montagne avec le dispositif des communes nouvelles.
Concernant le transfert de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux communautés de communes et communautés d’agglomération, prévu par la loi NOTRe, la commission des lois a approuvé le principe proposé à l’article 18, déjà longuement évoqué, d’une dérogation pour les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme, ou en voie de l’être, tout en encadrant ce dispositif.
Enfin, sur l’adaptation des règles d’urbanisme aux zones de montagne, la commission des lois a souhaité simplifier la procédure des unités touristiques nouvelles prévue à l’article 19, afin d’assurer son efficacité.
Très peu de sujets n’ont pas fait l’objet de consensus au stade de la commission. Nous débattrons plus en détail à l’occasion de l’examen des amendements de deux d’entre eux.
Concernant la gouvernance du Conseil national de la montagne, la commission des lois souhaite que chaque assemblée détermine elle-même les modalités de désignation de ses représentants conformément à la pratique et aux règles en la matière.
Concernant la simplification des règles d’urbanisme applicables aux parcs naturels régionaux français, la commission des lois propose d’introduire un article additionnel après l’article 20 B pour permettre à la charte d’un parc de valoir SCOT, dans le prolongement de la loi ALUR. Nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur le ministre.
Vous me permettrez, mes chers collègues, d’aborder maintenant quelques sujets au cœur des enjeux de la montagne, comme de la ruralité d’ailleurs.
Les infrastructures routières, autoroutières et de transport sont par exemple des enjeux majeurs pour la desserte des territoires. J’en resterai néanmoins, pour ma part, au volet des communications, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile ou du numérique. Les précédents orateurs se sont déjà appesantis sur cette question, mais je souhaite à mon tour insister sur son importance.
Nous, sénateurs, avons reçu le courrier adressé à la présidente de l’ANEM par les opérateurs, dans lequel ils attestent de leur engagement à tout faire pour assurer un meilleur service. J’en suis ravi ; mais je n’en suis aucunement rassuré.
Concernant la téléphonie mobile, je me permets de rappeler aux opérateurs que le Sénat, sur l’initiative de Bruno Sido, avait adopté il y a quelques années le principe de l’itinérance, auquel ils s’opposèrent immédiatement. Ils avaient alors pris des engagements dont on constate aujourd’hui, hélas, le résultat : la persistance de zones blanches.
Ce refus de l’itinérance ainsi que la non-utilisation du réseau des antennes de TDF, qui avaient d’ailleurs été largement financées par les collectivités, constituent aujourd’hui un des handicaps des territoires ruraux et de la montagne plus particulièrement, handicap que nous payons chèrement et dont il nous faudra courageusement sortir. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai les amendements qui seront défendus sur ce sujet par Patrick Chaize.
La couverture numérique obéit en partie aux mêmes enjeux.
Le principe de mutualisation aurait dû s’appliquer, selon la théorie du timbre-poste – principe défendu à Bruxelles au nom de l’exception française –, sur l’ensemble du territoire. Là encore, les opérateurs se sont précipités pour faire accepter le principe des zones AMII, les zones d’appel à manifestation d'intentions d’investissement, censées pouvoir couvrir plus rapidement le territoire national. Aujourd'hui, nous nous apercevons que les engagements pris dans ce cadre ne sont pas tenus. C’est donc l’ensemble de nos territoires qui se retrouvent en grande difficulté.
Je voudrais terminer en évoquant un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, monsieur le ministre : la construction en station.
Nous sommes confrontés au télescopage des règles des plans locaux d’urbanisme, par lesquelles les maires de communes où se trouvent des stations doivent construire sur des surfaces de plus en plus faibles, d’où l’envolée des prix, et de la loi ALUR, qui autorise les propriétaires fonciers à construire et densifier, alors même que les maires des communes abritant des stations ont fait des efforts pour maîtriser l’urbanisation en montagne.
Nous aurons l’occasion, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir sur ces points. Il y va de l’avenir économique de nos montagnes et de nos stations ainsi que du maintien des populations sur ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je voudrais simplement remercier les rapporteurs de la qualité de leur travail et de l’état d’esprit dans lequel ils abordent ce débat. Je suis convaincu que nous allons ensemble, main dans la main, faire du bon travail pour la montagne.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les six massifs que compte le territoire métropolitain ainsi que les trois massifs ultramarins – je ne compte pas les montagnes Noires et les monts d’Arrée – sont un élément incontournable de notre géographie. Ils occupent 30 % du territoire et regroupent 15 % de sa population. Ils sont donc un enjeu de premier plan en matière d'aménagement du territoire, tout en étant plus que d'autres confrontés à l'éloignement des services publics, à l'enclavement ou encore à la désertification médicale. Ils sont aussi une richesse inestimable en matière de biodiversité et de patrimoine naturel. Ils abritent ainsi vingt-quatre des cinquante et un parcs naturels régionaux et six des dix parcs nationaux.
Conscient de ces réalités, le groupe écologiste ne peut que souscrire à l'ambition de ce texte : forger des outils adaptés pour un développement des territoires de montagne, répondant à leurs spécificités et difficultés particulières. À cet égard, le texte est, malgré quelques points sur lesquels je reviendrai, satisfaisant dans son économie générale. Il complète utilement la loi Montagne de 1985. Nous saluons notamment l'effort de précision des politiques qui peuvent faire l'objet d'adaptations en territoire de montagne ou encore les progrès de l'administration consultative, via l’extension des prérogatives confiées au Conseil national de la montagne et aux comités de massif.
Je veux particulièrement insister sur deux points.
Premier point, d’ailleurs évoqué par M. le ministre dans son intervention : le problème dit des « lits froids », c'est-à-dire durablement inoccupés, est enfin abordé. J'avais pour ma part eu l'occasion de soulever ce sujet lors de l’examen d'un précédent texte.
Pour lutter contre ce phénomène, le présent projet de loi vise à assouplir le dispositif des opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir, ou ORIL, afin d'ouvrir le bénéfice des aides des collectivités aux propriétaires qui s'engagent à louer par eux-mêmes leur logement.
Toujours afin d'encourager la réhabilitation, le projet de loi de finances pour 2017 prévoira une réorientation du fameux dispositif fiscal dit « Censi-Bouvard ».
Ces deux dispositions devraient avoir un impact concret pour les propriétaires de résidences en montagne et favoriser ainsi la rénovation de l'existant plutôt que d'encourager sans discernement les constructions neuves. Nous espérons en effet qu’ils suffiront à enrayer ce phénomène qui a pris de l'ampleur dans les dernières années. Je me permets de rappeler quelques chiffres édifiants : en Tarentaise, chaque année, 5 000 lits sont créés, autant sortent du marché, et moins de 50 % des lits touristiques sont ouverts en pleine saison. Cette situation favorise l'artificialisation et l'étalement, la pression sur le foncier, sur la ressource en eau et en énergie, en plus d’accroître les difficultés de logement pour les populations locales.
Deuxième point : la vulnérabilité de la montagne face au changement climatique est inscrite dans la loi, de même que la prise en compte du changement climatique dans le développement économique et touristique en milieu montagnard.
C'est une bonne chose, car le changement climatique est plus rapide et brutal en montagne qu'ailleurs. Il est ainsi deux fois plus rapide dans les Alpes que la moyenne mondiale et quatre fois plus rapide au-dessus de 1 500 mètres d'altitude. Selon un programme de recherche coordonné par Météo-France, dont je ne suis pas certain que nous ayons pris la mesure, « À l'horizon 2080 et avec le scénario le plus pessimiste, les simulations prédisent une baisse de la durée de l'enneigement sur les Alpes de 60 à 85 % selon les massifs […] à basse altitude » – autant dire qu’il n’y aura plus de modèle économique possible pour les stations de moyenne montagne – « et de 40 à 75 % à moyenne altitude ».
Compte tenu de la situation particulière de la montagne face au changement climatique, je me permettrai de rappeler devant vous tout l'intérêt qu'il y aurait à créer une « dotation climat » dont je vous parle, mes chers collègues, depuis quelque temps déjà. Cette dotation serait financée par l'augmentation de la recette de la contribution climat-énergie et reversée aux collectivités territoriales, pour la mise en place de leur plan climat, y compris pour le volet adaptation. Les collectivités montagnardes auront particulièrement besoin d'une telle recette nouvelle pour mener à bien leur plan d’adaptation et anticiper l’avenir.
Les députés ont d'ailleurs reconnu la nécessité d'une spécificité montagnarde en matière de dotations, en faisant adopter un article additionnel prévoyant que « la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales intègrent les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ».
Nous avons eu quelques secondes seulement pour en parler à Marrakech, monsieur le ministre. Votre soutien serait le bienvenu pour la réussite de cette entreprise au sein du projet de loi de finances rectificative, que nous commencerons d’examiner en séance dans deux jours. Nous pourrions enfin débloquer ce projet de dotation additionnelle climat, soutenu par tous les réseaux de collectivités territoriales françaises, mais à propos duquel Bercy est beaucoup moins enthousiaste. Ce serait envoyer aux intercommunalités un signal extrêmement positif, qui leur permettrait de s’engager pleinement dans la réalisation des plans climat-énergie, désormais obligatoires.
J’en viens à un autre sujet abordé par le projet de loi.
Le groupe écologiste déplore le travail de sape des opérateurs téléphoniques contre la loi Abeille, auquel, malheureusement, certains parlementaires de l'Assemblée nationale se sont montrés réceptifs.
Le groupe écologiste n’est pas opposé à ce qu'on débatte d'aménagements spécifiques aux zones de montagne sur ces questions. Le débat à ce sujet est légitime. En revanche, il a été pris prétexte du présent projet de loi pour restreindre, sur tout le territoire, et non pas seulement en zone de montagne, l'information des élus locaux en cas de modification substantielle d'une antenne-relais existante, en limitant les possibilités de recours à la médiation par le préfet, ce qui est inacceptable. La méthode consistant à revenir de manière incidente sur ces dispositifs, sur tout le territoire – et donc bien au-delà du champ de ce texte –, est clairement manipulatrice ; elle flirte avec le cavalier législatif.
Le groupe écologiste espère que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, saura faire preuve de sagesse et reviendra sur ces dispositions, notamment celles qui diminuent l'information des élus locaux. Nos concitoyens sont demandeurs de transparence au sujet des antennes-relais ; il est donc paradoxal de vouloir réduire l'information des maires et présidents d’EPCI, qui mettent justement ces informations à disposition de leurs administrés. C'est, de plus, probablement contre-productif, et cela fait courir le risque de remobiliser des associations de riverains, dont la principale demande est celle de la transparence.
Le temps qui m’est imparti étant presque écoulé, je n’aborderai que rapidement mes derniers points ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Nous sommes par exemple inquiets de la remise en cause du principe de continuité écologique des cours d’eau. Par ailleurs, les zones de tranquillité dans les parcs nationaux ont fait l’objet d’un compromis à l’Assemblée nationale ; revenir dessus n’était pas nécessaire.
Ces réserves apportées, et si des reculs supplémentaires ne sont pas introduits, le groupe écologiste votera pour ce texte, très positif dans les grands principes qu’il pose. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès brutal de notre ami Jean-Claude Frécon, sénateur de la Loire. Élu de montagne, né à Castellane, dans les Alpes-de-Haute-Provence, fin connaisseur de la ruralité, il était un défenseur infatigable des services publics, de l'école, de la présence postale. Son humanité, son goût des gens, sa simplicité manqueront terriblement. J'aurai bien évidemment une pensée toute particulière pour lui et sa famille tout au long de notre discussion parlementaire.
Je souhaite associer à mon intervention les collègues qui n'ont pu être présents cet après-midi, mais qui seront là dès demain.
Le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne en discussion aujourd'hui au Sénat s'inscrit dans un long et exigeant processus de concertation, qui mérite d'être relevé. Il prend en effet appui sur le rapport de septembre 2015 des députées Annie Genevard et Bernadette Laclais, consacré à l'acte II de la loi Montagne. Le texte s'est par ailleurs nourri du travail assidu mené avec des associations d'élus de la montagne, notamment depuis juin dernier, travail dont j'ai pu mesurer le grand sérieux. Il est également, et nous devons le noter de la même manière, le fruit d'une volonté affirmée du Gouvernement de concrétiser rapidement les engagements pris par le Premier ministre Manuel Valls lors du Conseil de la montagne du 25 septembre 2015 et lors du conseil des ministres du 30 septembre 2015, par le Président de la République lui-même lors du congrès des maires de mai dernier et, bien sûr, par vous-même, monsieur le ministre, lors de la présentation du présent projet de loi en conseil des ministres le 14 septembre dernier.
La méthode de concertation continue choisie pour sa préparation me paraît particulièrement appropriée, d'autant plus que la procédure accélérée a été engagée pour son examen, entamé tambour battant.
Le groupe d’études Développement économique de la montagne du Sénat, dont j'ai la responsabilité, a bien évidemment pris une part active à ce débat, en organisant trois tables rondes sur des sujets qui lui paraissaient particulièrement centraux : l'avenir du pastoralisme, la couverture numérique, l'école.
Je souhaite que nous puissions continuer, tout au long de la discussion qui nous attend, à œuvrer dans le même esprit, en synergie, au service de l'intérêt commun qui nous anime. Je sais que c'est la volonté de M. le rapporteur, et je tenais à l'en remercier.
Tous ici, nous savons que les enjeux de la montagne dépassent très largement la vie quotidienne des 10 millions d'habitants qui sont installés dans nos neufs massifs, sur 30 % de nos territoires, et qui participent pleinement de notre identité nationale. Celles et ceux qui y vivent côtoient celles et ceux qui y travaillent et, bien sûr, celles et ceux qui y viennent, hiver comme été, petits et grands, élèves en classe de découverte ou touristes, pour profiter de petites structures familiales ou de sites de renommée internationale.
Il apparaît plus que jamais nécessaire de préserver la vivacité, la spécificité et l'attractivité de l'ensemble des territoires de montagne. Cet objectif ambitieux nécessitait à n'en pas douter des cadres d'action profondément renouvelés, pragmatiques et décentralisés. C'est dire si ce texte était attendu.
Il n'est pas, je crois, inutile de préciser qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi totalement rebâti. Nous avons bien affaire à une actualisation – une « modernisation », précise l’intitulé du texte – de la loi Montagne, texte éminemment précurseur adopté le 9 janvier 1985. Les connaisseurs y retrouveront sa structure et sa philosophie générale, novatrice pour l'époque : la prise en compte au sein des politiques publiques des spécificités des territoires de montagne.
Par ailleurs, le présent projet de loi ne contient évidemment pas toutes les mesures susceptibles de profiter aux territoires de montagne. D'autres véhicules législatifs ont en effet accueilli des dispositions en faveur de l'accélération du numérique, de la création de maisons de services au public, de la lutte contre les déserts médicaux, de la préservation de la biodiversité, qui, bien que plus générales, contribuent pourtant au développement de nos territoires.
Au total, le projet de loi que nous examinons n'en constitue pas moins un signal politique ambitieux à destination des habitants de la montagne et des touristes, par son aspect pluridisciplinaire et à bien des égards très concret. La première partie du texte prend ainsi en compte beaucoup plus finement les spécificités des territoires de montagne et renforce à ce titre la solidarité nationale en leur faveur.
Le titre Ier renforce la capacité d'intervention des élus, en modernisant considérablement la gouvernance des territoires, ce qui était indispensable.
Les dispositions adoptées relatives au calcul de la dotation globale de fonctionnement me paraissent pour le moins essentielles. Le groupe socialiste et républicain propose d'ailleurs de les élargir à l'ensemble des dispositifs financiers de l'État.
Je me félicite tout particulièrement de l'introduction de l'objectif de l'usage partagé de la ressource en eau, elle aussi tout à fait caractéristique de nos territoires.
Nous sommes également très sensibles à la prise en compte des besoins spécifiques en matière de santé, dans les schémas d'aménagement ou en matière de présence médicale. Je suis en effet très satisfait que ce texte ait pris la mesure de la problématique bien connue des montagnards, mais aussi des ruraux, du temps de transport. Il s'agit bien de limiter ces déplacements subis par une politique globale d'aménagement du territoire privilégiant la proximité et la qualité de vie.
La reconnaissance à l'article 8 ter de la spécificité de l'école en zone de montagne constitue un autre progrès notable du projet de loi. Alors que l'école faisait figure de grande absente de la loi de 1985, le présent texte prévoit que l'élaboration de la carte scolaire est assise sur une identification des écoles ou réseaux d'écoles publiques qui nécessitent une adaptation des « seuils d'ouverture et de fermeture de classe, au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l'isolement et des conditions d'accès dans des délais raisonnables par les transports scolaires ». Cette disposition est totalement en phase avec les recommandations du rapport sur la mise en œuvre des conventions ruralité remis cette année au Premier ministre par Alain Duran.
Je n’ignore pas que l'article sur les collèges a disparu du présent texte en commission. J’insiste pourtant sur l’importance qu’il y aurait de mener un travail similaire sur les réseaux de collèges, qui ont vocation à être pensés à l'échelle des bassins de vie, en lien direct avec le réseau des écoles du premier degré.
Je m'attarderai plus longuement sur le volet numérique de ce texte, volet qui, il faut le dire, obsède à juste titre les élus de montagne. Ces mesures doivent être appréciées au regard des nombreuses initiatives législatives et réglementaires qui ont été adoptées dans les derniers mois.
Nous le savons tous, le développement économique de la montagne ne pourra pas se réaliser pleinement sans un accès suffisant au numérique et à la téléphonie mobile. Sans numérique et téléphonie mobile, il ne pourra être question de développement économique réel ou de valorisation des atouts des massifs ou des vallées ; nous nous lancerions dans une course sans fin à la réduction d'inégalités à jamais croissantes, au gré de l'acquisition de technologies et d'usages sans cesse plus exigeants.
Nous avons quelque espoir d'y parvenir. Rappelons-nous que, au moment de la loi de 1985, le législateur s'était donné pour objectif la résorption de zones d'ombre en matière de réception télévisuelle. Aujourd'hui, les habitants n'ont plus – ou beaucoup moins – ce type de difficultés, même si l'accès à la totalité des chaînes n'est pas optimal.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'urgence à engager ces chantiers, il faut le reconnaître, assez colossaux. Le programme de résorption des zones blanches pour mi-2017, le délai de six mois après mise à disposition des pylônes donné aux opérateurs pour commercialiser, l'appel à projets de raccordement de 1 300 sites d'intérêt économique et touristique : tout cela va indéniablement dans le bon sens. L'impatience des élus de montagne est, il faut le dire, à la mesure des enjeux économiques territoriaux.
Il s'agit en quelques mois du troisième texte par lequel nous proposons de redonner du pouvoir à la puissance publique, aux élus plus précisément, pour accélérer considérablement la couverture numérique, notamment dans les zones blanches ou grises. En zone de montagne, plus qu'ailleurs, nous sommes en effet confrontés à plusieurs défis : le nombre et le morcellement de zones blanches et grises, les difficultés techniques d'installation de raccordement, mais aussi la définition de la qualité de la couverture.
Je me félicite de la mise en activité prochaine du guichet France Mobile adossé à l'Agence du numérique. Ce guichet devrait permettre aux élus de faire remonter de manière beaucoup plus rapide et transparente les difficultés rencontrées.
Pour avoir mené un certain nombre d'auditions en appui de cette discussion parlementaire ou y avoir assisté, je dois vous avouer que je ne me résous toujours pas à entendre des opérateurs identifier encore les zones de montagne comme des zones non rentables et non pas comme des zones à conquérir, des zones de commercialisation. Je forme quelques espoirs sur la mise à disposition du public de la réalité de la couverture numérique pour accompagner un réel changement culturel.
Le renforcement de la taille des RIP devrait aussi produire quelques effets. La possibilité de procéder à des expérimentations, offerte par ce texte, est intéressante. J'attends également de voir dans quelle mesure la Caisse des dépôts et consignations pourra plus encore s'engager, aux côtés des élus, en faveur du raccordement des zones peu denses.
Toutes ces initiatives doivent se concrétiser dans les prochains mois. Elles doivent être recensées et évaluées.
Dans le même temps, je crois utile de ne pas considérer comme totalement exclu le principe d'une contribution de solidarité nationale, ainsi qu'un possible élargissement des missions du FACE au service de la réduction des inégalités territoriales.
Dans un autre domaine, le présent texte prévoit une série de mesures utiles pour développer les activités pastorales et forestières, en inscrivant dans la loi le principe d'une compensation des handicaps naturels, qui se traduira par une aide directe au revenu pour tout exploitant agricole, en proportion du handicap subi. Il prévoit également d'accompagner les constructions et installations nécessaires. La préservation de l'activité pastorale pourra se traduire notamment par une adaptation des politiques nationales de l'agriculture aux spécificités montagnardes au regard des préjudices causés par les grands prédateurs.
Sur la question du loup, nous sommes, je le crois, arrivés à un point d'équilibre, qui nous permet de respecter nos engagements internationaux tout en appréhendant la réalité : la prolifération de loups dans certains massifs, quand d'autres territoires vivent une cohabitation plus pacifique.
Je souhaite à titre personnel indiquer que la situation dans certains territoires me paraît d'ores et déjà très tendue. Je suis très attaché à ce que les éleveurs puissent continuer à entretenir et faire vivre la montagne. Je crains pourtant que, dans certaines zones où le loup prolifère, les éleveurs ne mettent fin, par crainte pour leurs troupeaux, à la transhumance, en évitant des territoires et en les condamnant donc, à terme, à l'abandon. Ce n'est pas l'idée que je me fais d'une biodiversité en bonne santé.
Le plan d'action national loup 2013-2017 arrive à son terme l'année prochaine. Son élaboration prochaine supposera, par une évaluation plus fine, de connaître la réalité de la présence de l'animal, massif par massif, et de proposer ainsi des moyens d'action plus appropriés. Je plaide pour ma part pour une approche plus globale, qui prenne en compte les effets à moyen et long terme sur la totalité de la biodiversité présente.
Le tourisme, en particulier la prise en compte très opportune de la situation des travailleurs saisonniers, ainsi que de la réhabilitation de l'immobilier de loisir, occupe à juste titre une place de choix. Le projet de loi permet d'avancer vers une plus grande sécurisation professionnelle du statut des travailleurs saisonniers et mobilise pour eux de façon plus efficace les logements vacants. C'est une avancée notable.
Concernant la nécessaire réhabilitation de l'immobilier de loisir, il me paraît effectivement indispensable de lutter contre les « lits froids » tout en accompagnant la montée en gamme de l'offre. À ce titre, l'assouplissement du dispositif ORIL, pour le rendre plus attractif aux propriétaires, est particulièrement bienvenu. Nous regrettons néanmoins la disparition en commission de l'article 21 bis. L'obligation d'information sur la vente de lots de copropriété doit permettre la rénovation et l'agrandissement des logements attendus par la clientèle touristique. Je saluerai bien évidemment la solution proposée pour déroger au transfert de compétences en matière de promotion de tourisme dans les communes classées et la possibilité de maintien de l'office de tourisme municipal.
Les dispositions relatives aux UTN paraissent, elles aussi, équilibrées. Il n'est en revanche pas possible de soutenir la soudaine réinsertion de mesures issues de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural, à laquelle nous nous étions déjà opposés. La modification proposée du critère de continuité urbaine ouvrait la voie à une très forte accélération du mitage du foncier agricole. L'enjeu aujourd'hui est bien la revitalisation des centres-bourgs et de l'occupation du bâti existant. De la même manière, nous nous sommes opposés à une extension inconsidérée de l’autorisation d’annexes de taille limitée en dehors de tout document d’urbanisme.
Au total, le groupe socialiste et républicain présentera une trentaine d’amendements. Parmi ceux-ci, celui sur la prise en compte des surcoûts de la montagne dans l’ensemble des dispositifs financiers de l’État nous paraît important. Nous avons souhaité valoriser la place des communes forestières et de la filière bois. Nous avons voulu que l’ESS, l’économie sociale et solidaire, soit mieux intégrée dans les objectifs des politiques publiques de montagne.
Au cours du débat, nous nous opposerons à toute tentation trop vive de détricoter les lois ALUR et NOTRe.
De la même manière, nous serons très attentifs à ce que le nécessaire équilibre entre le développement et la protection de la montagne soit préservé, notamment en matière d’urbanisme. En termes d’aménagement, les effets de balancier les plus brutaux ne sont jamais bons.
Enfin, nous serons vigilants à ce que ce projet de loi bénéficie à tous les territoires de montagne, sans déséquilibre ostensible entre les spécificités de tel ou tel massif. La montagne est diverse ; pour autant, elle est unique et solidaire.
Je terminerai par un point qui me semble de nature à susciter un débat plus large.
Depuis quelques années, nous voyons se multiplier, ici comme à l’Assemblée nationale, le recours à des expérimentations dans certains territoires. Certaines sont inspirées de mauvaises raisons : elles visent à contourner les exigences du débat parlementaire. Pour autant, il me paraît intéressant que des territoires comme les nôtres puissent être considérés comme prioritaires pour des expérimentations sociales, institutionnelles, technologiques et financières.
Certaines dispositions d’évaluation sont prévues dans la loi. Je pense que notre institution sénatoriale pourrait utilement s’en saisir. Des expérimentations réussies en territoires de montagne pourraient ainsi essaimer dans l’ensemble de notre pays. De spécifique, la montagne pourrait devenir de manière beaucoup plus systématique une avant-garde et un modèle.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’à l’issue de nos trois jours de discussion, laquelle promet d’être exigeante, nous puissions voter, à l’unanimité, un texte à la hauteur des enjeux de la montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour m’associer à l’hommage qui a été rendu à Jean-Claude Frécon, sénateur de la Loire, avec qui nous avons partagé de nombreux moments. J’ai encore en mémoire les différents échanges que nous avons eus, notamment pendant la dernière campagne précédant les élections sénatoriales, sur le travail de parlementaire en direction des communes rurales et de nos territoires de montagne, auxquelles il était très attaché.
Nous abordons aujourd’hui un texte attendu et annoncé de longue date, un projet de loi qui concerne beaucoup d’entre nous. Comme cela a été rappelé, la montagne représente 15 % du territoire national et accueille 10 millions de nos concitoyens. La montagne, c’est 6 000 communes au sein de neuf massifs. Or ces territoires subissent des contraintes importantes, liées à l’altitude, à la pente, au climat et à la faible densité de population. Mais ces territoires d’exception sont aussi un atout indéniable en matière de culture, de biodiversité, de savoir-faire… Une attention particulière doit donc leur être portée.
Ces spécificités ont conduit le législateur, en 1985, à produire une loi fondatrice pour ces territoires de montagne. Trente ans plus tard, beaucoup appelaient de leurs vœux une nouvelle loi, un acte II. Répondant favorablement à cette demande légitime, le Gouvernement a suscité beaucoup d’espoirs chez les élus et les habitants. En effet, trente ans après l’adoption de la loi Montagne, il convenait de repenser les politiques nationales liées à la montagne au regard des enjeux présents et à venir. Je pense, par exemple, à l’enjeu climatique, de plus en plus pressant, aux besoins numériques nouveaux, à l’architecture institutionnelle, qui a été bouleversée et qui rend plus difficile aujourd’hui l’action des élus de montagne ; il nous convient donc de l’adapter. Je pense aussi à la nécessité de continuer l’effort d’enrayement du dépeuplement, notamment dans un certain nombre de territoires.
Le CESE, dans son avis, a exhorté le Gouvernement à prendre en compte de manière extrêmement forte les mutations à venir des territoires liées au changement climatique, afin d’adapter l’offre de service touristique, bien sûr, mais également les conditions de vie des habitants. Sur ce point, nous pouvons noter une évolution très favorable à l’Assemblée nationale. Nous regrettons simplement qu’aucun élément du projet de loi ne permette de savoir comment l’investissement public sera adapté, dans ces territoires, pour tenir compte du changement climatique.
Au reste, c’est un peu ce qui caractérise ce projet de loi. Alors que celui-ci était initialement très peu consistant, son passage à l’Assemblée nationale a permis de l’étoffer et de le renforcer dans des dimensions concrètes pour les habitants, telles que l’accès au service public, mais également dans la conception même de ce que doit être une politique pour la montagne. Nous sommes, à ce titre, particulièrement satisfaits que le concept « d’aménité », qui permet de prendre en compte les externalités positives et la richesse de ces territoires pour la collectivité nationale, soit très clairement mentionné dans le texte.
Malheureusement, malgré cet effort indéniable, ce projet de loi ne peut, à nos yeux, être qualifié d’« acte II de la loi Montagne ». Il lui manque du souffle et une vision à long terme. En l’état, l’objet de ce texte est simplement de dépoussiérer et de remettre à niveau la loi de 1985. C’était nécessaire, mais le résultat reste décevant par rapport aux espoirs soulevés.
Par nos amendements, nous tenterons de renforcer concrètement le projet de loi pour répondre aux attentes des habitants de la montagne, qui vivent dans ces territoires quotidiennement.
Ainsi, alors qu’il est question d’adaptabilité des normes nationales aux spécificités de la montagne, la question institutionnelle est très peu évoquée, alors même que les lois NOTRe et MAPTAM apparaissent en décalage total avec les réalités de la montagne. Nous avions eu l’occasion de l’exprimer lors du débat sur ces deux projets de loi. Nous défendrons donc plusieurs amendements pour revenir à une échelle plus humaine, plus mesurée, prenant en compte la faiblesse démographique dans cet espace, notamment en ce qui concerne la gestion de l’eau, tout comme pour la construction des intercommunalités. Par ailleurs, nous notons que rien, dans ce projet de loi, ne renforce la participation des habitants aux politiques nationales de la montagne. Nous le regrettons.
Toutefois, reprenant souvent les préconisations du CESE, le projet de loi a, là aussi, été très largement amélioré à l’Assemblée nationale, ce dont nous nous félicitons. De nombreux articles ont été insérés, qui concernent notamment l’accès au service public scolaire, au service public médical, au service public postal, et ce au sein d’un titre spécifique, malheureusement largement supprimé par notre commission. Nous reviendrons sur ces dispositions par nos amendements, notamment sur la question de la présence postale en zone de montagne, qui est un enjeu de survie pour nos territoires.
Le numérique a fait l’objet de développements importants, qui ont été confortés au Sénat. Il est vrai que les enjeux numériques se trouvent décuplés dans ces territoires, où les enjeux de dématérialisation des échanges sont renforcés par les difficultés de déplacement. Las, nous pensons que, sans dispositif contraignant pour les opérateurs, les collectivités seront toujours sollicitées pour pallier les insuffisances et créer les infrastructures nécessaires, supports d’un service public indispensable.
Si la question des services publics est évoquée, le contexte national nous laisse craindre que ces dispositions ne soient que de faible portée face au désengagement de l’État de toute politique industrielle nationale, notamment pour nos territoires, dans les années à venir. Or la montagne ne peut être cantonnée à de l’emploi de service.
Sur le fond, ce texte est appréhendé de manière ambiguë : comme je l’ai souligné, il est accueilli positivement, mais il donne également le sentiment de ne pas répondre à tous les enjeux. Ainsi, de nombreux élus de montagne ont l’impression qu’il a été façonné sur mesure pour les grandes stations, n’appréhendant la montagne que comme le support d’une industrie du tourisme, et non comme un lieu de vie permanent. Dans ce cadre, si ce texte comporte de véritables avancées, notamment pour les saisonniers – ces avancées étaient attendues –, et pose la question des infrastructures touristiques, il se révèle assez faible sur la question du tourisme social et durable.
En matière agricole, nous nous réjouissons de la reconnaissance du handicap des zones de montagne, de la nécessité de soutiens agricoles spécifiques et de l’importance de préserver les activités agricoles, en particulier l’élevage, mais les mesures concrètes manquent. Ainsi, nous regrettons que l’indemnité compensatoire de handicap naturel soit réservée aux surfaces d’élevage et que rien ne soit prévu pour les autres productions ou les plus petites surfaces. Comme l’a rappelé la Confédération paysanne, les paysans sont des maillons essentiels, qui font vivre et entretiennent les territoires de montagne. Nous devons donc maintenir leur présence et leur activité, nécessaires à toutes et à tous.
Pour terminer, je tiens à dire que nous regrettons que ce texte n’engage finalement aucun financement de l’État pour accompagner ces mesures, dans une prospective nouvelle pour ces territoires.
Dans ce contexte global et au regard des dispositions concrètes du texte, l’acte II de la loi Montagne restera donc à écrire et à inventer avec les habitants et les élus des territoires de montagne.
Avec mes collègues Annie David et Évelyne Didier, nous aborderons ce projet de loi de manière constructive, pour lui donner corps et répondre aux besoins des populations et des élus de montagne. Nous soutiendrons ses avancées, même si nous aurions souhaité un texte plus ambitieux, qui, comme celui de 1985, aurait ouvert la voie pour les trente ans à venir aux territoires de montagne de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Alain Bertrand et Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux moi aussi rendre hommage à Jean-Claude Frécon, mon voisin dans l’hémicycle. J’ai été stupéfait d’apprendre la disparition de ce collègue attachant, que j’avais tout de suite repéré comme étant un être affable, simple et doux, qui aimait profondément les gens.
Je remercie le Gouvernement, plus particulièrement l’ancien Premier ministre Manuel Valls et M. le ministre Jean-Michel Baylet, ainsi que les élus de montagne du travail qui a été effectué sur ce projet de loi. Pour autant, le texte ne constitue pas un projet de loi de programmation – ma collègue Cukierman vient de le souligner – ni de financement. Il s’agit d’une déclaration d’intention, louable, importante, indispensable, de ce dont ont besoin les territoires de montagne et, plus largement, la ruralité.
Il ne vous a pas échappé, mes chers collègues, que tous les territoires de montagne sont des territoires ruraux, alors que toutes les ruralités ne sont pas, elles, constituées par des territoires de montagne. Cependant, ce dont ont besoin la montagne comme la ruralité, c’est une prise en compte du financement des problèmes liés à leurs handicaps naturels. Il conviendra donc de s’assurer, dans les années à venir, que les intentions se transforment en actions structurantes, maintenant pour nos zones de montagne, plus tard pour la ruralité.
Malgré sa grande nécessité, le projet de loi ne clôture pas du tout le débat sur la ruralité, ni sur l’aménagement du territoire, qui figure dans votre portefeuille ministériel, monsieur le ministre, ni sur l’équité territoriale : c’est une étape, qui doit nous permettre de mieux atteindre les objectifs que je viens d’indiquer.
Afin de ne pas répéter ce qui a déjà été dit, j’évoquerai très rapidement les avancées que contient le projet de loi.
L’article 1er reconnaît le caractère particulier et les enjeux spécifiques de la montagne, avec une mise en avant des politiques publiques en matière de numérique, de téléphonie mobile, d’urbanisme, d’éducation – les avancées sont assez remarquables sur ce plan –, de santé ou encore de transports ; je ne reviens pas sur l’école.
L’accompagnement des agriculteurs, dans leur installation, leur activité et les travaux de construction, sera favorisé.
L’article 16 prévoit que l’on pourra adapter les moyens de lutte contre la prédation des animaux d’élevage par les grands prédateurs. J’ai moi-même déposé, le 16 octobre 2012, une proposition de loi visant à créer des zones d’exclusion renforcées pour le loup. Je suis donc satisfait par la possibilité, ouverte dès lors qu’une attaque est avérée, d’autoriser un éleveur à réaliser des tirs de prélèvement sur les loups.
Je me réjouis de l’adoption de cet article, qui, au fond, reconnaît le juste ordre des choses : d'abord, l’homme et l’élevage ; ensuite, la protection des espèces.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Bertrand. L’article 16 intègre également la spécificité des territoires de montagne dans la lutte contre les nuisibles. M. le ministre a évoqué, non sans humour, les dommages causés par les rats taupiers. Je sais que M. le président est aussi sensible à toutes les espèces et à l’agriculture, ne serait-ce que par sa profession… (Sourires.)
M. le président. « Vêtu comme un taupier » était une expression autrefois usitée en Normandie… (Nouveaux sourires.)
M. Alain Bertrand. Toutefois, les loups et les « nuisibles » ne sont pas les seuls animaux dangereux pour notre élevage. Il faut étendre le champ d’application de l’article 16 à l’ensemble des grands prédateurs, à savoir, pour ce qui concerne notre pays, les ours et les lynx.
Pour ce qui est de la filière bois, je veux évoquer l’appel pour la forêt qu’a lancé, à Mende, le sénateur Philippe Leroy, qui est un expert de ces questions. Dans ce texte, intelligent et sensible, notre collègue affirme que la forêt est notre métropole, qu’elle est le cœur de la montagne. Je ne doute pas qu’il sera entendu ! Il faut affecter une partie des recettes de la contribution climat-énergie au Fonds stratégique de la forêt et du bois. Les actions en faveur de la forêt pourraient être encore bien davantage développées dans le texte.
En matière de numérique, j’ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre, mais il faut aller plus loin. Vous avez accompli des efforts considérables, mais la notion de « zone grise » demeure inopérante. Une zone grise est une zone dans laquelle on a accès au téléphone. Il suffit qu’un opérateur soit présent sur 5 % du territoire de la commune pour que celle-ci soit classée en zone grise ! Pour caricaturer, je dirais qu’il suffit qu’une barre de réseau apparaisse sur un téléphone brandi en haut du clocher de l’église pour que la commune soit considérée en zone grise… Pour ma part, je propose que toute commune qui n’est pas couverte à hauteur de 90 % par un ou plusieurs opérateurs soit classée en zone blanche. À vous de voir ce que vous pouvez faire ! Toujours est-il qu’il faut trouver un autre critère, et je sais que vous êtes en mesure de le faire.
J’ai bien entendu également les propos que vous avez tenus sur les zones de revitalisation rurale. Quelle que soit la carte qui paraîtra au mois de janvier prochain, la dispersion des moyens affectés aux ZRR est évidente. Le spectre géographique est trop grand et ne permet pas d’intervenir là où c’est le plus nécessaire, par exemple par une baisse, à hauteur de 50 %, de l’impôt sur les sociétés. Sur ce point aussi vous pouvez faire des propositions pour améliorer encore la loi.
Sur le plan de la santé, il n’est pas acceptable, en termes d’égalité, que, dans les zones rurales et dans les zones de montagne, qui sont toutes rurales, on ait plus de risques qu’ailleurs de mourir d’un AVC, de devenir infirme ou de souffrir de séquelles graves, tout simplement parce que les délais de transport par la route y sont supérieurs à ce qu’exigent tous les protocoles médicaux. Votre portefeuille ministériel vous permet, indépendamment des ministres de la santé ou de l’intérieur, qui sont également concernés, de mutualiser les hélicoptères – les bleus, les blancs et les rouges. En effet, il faut que, dans chaque zone, le transport primaire ou secondaire vers un CHU puisse être garanti en moins de trente minutes.
On pourrait parler de la dotation de solidarité rurale, qui n’est pas à la hauteur ou, par exemple, stigmatiser le seuil de population pour recruter un directeur général des services, ou DGS, qui a été inscrit dans la loi NOTRe. Ainsi, les petites communautés de communes des zones de montagne ne peuvent embaucher un DGS. Je préconise, pour ma part, un abaissement du seuil de 10 000 à 6 000 habitants.
Monsieur le ministre, je ne méconnais pas tout ce que Mme Pinel puis vous-même avez fait pour l’égalité des territoires dans le gouvernement de Manuel Valls : le fonds régional de ruralité, le doublement de la DETR, les centres-bourgs, les contrats de ruralité, qui sont particulièrement importants, car ils revêtent une dimension à la fois symbolique et financière. Je vous en remercie. Je n’oublie pas non plus que vous avez dit que les territoires de montagne étaient plus pauvres que les autres et qu’ils étaient parfois marginalisés, voire méprisés. Vous avez parlé de « montagne refuge ». Je parlerai, moi, de « ruralité résistance » et de « montagne résistance ». Je pense au Vercors ou encore au mont Mouchet, mais je pourrais en citer bien d’autres.
MM. Michel Bouvard et Loïc Hervé. Les Glières !
M. Alain Bertrand. Il y en a des dizaines !
Cela étant, les habitants des zones rurales et des zones de montagne ont le droit d’obtenir une réponse à deux questions : quel avenir pour les ruralités et pour les montagnes ? Quelle place dans la nation pour celles-ci ? Pour leur permettre d’obtenir les réponses qu’ils attendent, j’en appelle à une loi d’avenir sur les ruralités et sur l’hyper-ruralité.
Parce que vous êtes un spécialiste, je suis sûr que vous aurez à cœur de poser les premières pierres de ce grand chantier, dans les derniers mois de cette législature ou, peut-être, au cours de la suivante… (M. le ministre s’esclaffe. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui nous rassemble cet après-midi, c’est la montagne.
La montagne ? L’homme l’a souvent crainte. Il l’habite depuis longtemps et, autant que possible, il essaye de la dompter.
La montagne ? Elle est devenue l’un des symboles de l’excellence française, par la majesté de ses paysages, l’excellence de ses productions agricoles, la richesse que représentent les entreprises qui s’y sont développées dès la première révolution industrielle – avec la houille blanche, l’homme en a tiré toute la force – ainsi que par le dynamisme de son tourisme, qui en fait l’une des destinations phares du premier pays touristique au monde.
C’est la montagne qui a forgé le caractère des montagnards. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui ce sont eux, les montagnards, qui la protègent, parce qu’ils y vivent et parce qu’ils l’aiment.
En 1985, une loi spécifique inscrivait la montagne dans notre législation et faisait reconnaître toute sa spécificité dans notre droit.
Prévue dès la « loi pastorale » de 1972 du gouvernement Chaban-Delmas,…
M. Michel Bouvard. Très bonne référence !
M. Loïc Hervé. … votée plus tardivement que dans d’autres pays européens, elle a été un acte fondateur de la politique d’aménagement du territoire en France, préfigurant la pratique du développement territorial.
En 2002, ici, au Sénat, un rapport de notre ancien collègue Jean-Paul Amoudry, mon prédécesseur en Haute-Savoie, préparait « l’avenir de la montagne ».
Alors, dans cette Haute Assemblée, qui s’imprègne des territoires, c’est la montagne française, dans toute sa diversité, qui attendait ce projet de loi, monsieur le ministre. Si ce nouveau projet de loi s’est fait attendre, je salue la volonté du Gouvernement d’avoir voulu ce texte, qui touche à beaucoup d’aspects de la réalité de la montagne.
Dans un travail avec les parlementaires de montagne et les grandes associations d’élus, notamment l’ANEM et l’ANMSM, vous avez bonifié ce texte. Je vous en remercie, comme je félicite Mme et MM. les rapporteurs au Sénat pour le travail qu’ils ont engagé.
Je crois que le Sénat joue parfaitement son rôle quand il traduit les attentes des territoires dans le texte de la loi et qu’il rend celui-ci plus concret, plus pratique, plus ambitieux. C’est le rôle auquel nous devons nous astreindre.
Aussi, au nom des sénateurs du groupe UDI-UC et en lien avec mon collègue Bernard Delcros, je voudrais appeler l’attention de la Haute Assemblée sur différents sujets.
Concernant la question de la compétence de la promotion touristique et de son exercice, je salue les améliorations proposées dans le texte de l’Assemblée nationale et renforcées dans le texte adopté par la commission des affaires économiques. Sans remettre en cause l’esprit de la loi NOTRe, la prise en compte de l’idée que la promotion touristique et son exercice, au travers des offices de tourisme, sont intimement liés aux stratégies des stations classées de tourisme est une évidence qui méritait une évolution législative bienvenue. Cette évolution vient confirmer un engagement pris par le Premier ministre Manuel Valls au Montenvers, à Chamonix, lors de la réunion du Conseil national de la montagne. J’y reviendrai au cours de nos débats, en proposant d’enrichir encore cette rédaction, de manière à prévoir les différents cas de figure auxquels les collectivités pourraient se trouver confrontées.
Pour ce qui est des questions d’urbanisme en montagne, chacun comprend la volonté de planification qui se traduira par l’inscription de la procédure des unités touristiques nouvelles dans les SCOT ou les PLU. Mais j’appelle notre attention collective, alors que l’on évoque ici ou là la double nécessité de simplifier notre droit et de lutter contre les normes, sur l’obligation de ne pas créer de dispositif qui s’avérerait dissuasif, au moment même où notre économie mérite que l’on accorde une plus grande attention à l’investissement et à la création d’emplois. (M. Michel Bouvard applaudit longuement.)
De la même manière, les conséquences de la loi ALUR, en termes de densification dans certaines stations de montagne, s’avèrent aller à l’encontre d’un urbanisme durable en montagne et ne permettent pas de prendre en compte les attentes de la population permanente, en engageant une politique volontariste, destinée à maintenir en montagne une population active. Beaucoup de communes de montagne voient leur démographie s’effondrer, monsieur le ministre. La législation en matière d’urbanisme doit permettre aux habitants de continuer à y vivre et à y travailler.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Loïc Hervé. Là aussi, il faut répondre aux inquiétudes plus que légitimes des maires.
Pour ce qui concerne, enfin, la question de la couverture mobile, je voudrais profiter de la chance d’avoir la parole à cette tribune, monsieur le ministre, pour vous faire part, à la suite de certains de mes collègues, de toutes les sensibilités politiques, de la colère de nos collègues élus des territoires de montagne, qui ne comprennent plus que cette question ne soit pas réglée depuis longtemps. C’est une affaire de vie quotidienne, de sécurité, mais aussi de compétitivité économique de nos territoires et de crédibilité internationale. Les touristes du monde entier qui viennent passer l’été ou l’hiver dans nos stations de ski ne comprennent pas que ces zones ne soient pas couvertes par les réseaux mobiles. Ce projet de loi doit être l’occasion d’acter des avancées majeures dans ce domaine. Je compte sur le bon déroulement des débats pour que nous y parvenions.
Nous examinons ce texte en fin d’année. Ce sera l’un des derniers de la législature. Je compte, à son sujet, sur l’ouverture d’esprit du Gouvernement, que vous représentez. Nous voulons une montagne protégée, certes, mais avant tout dynamique et ouverte.
« Que la montagne est belle », dit la chanson. Personne n’en doute, mais il faut qu’elle le demeure ! C’est ce que les populations et les élus qui y vivent attendent de nous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux, pour commencer, remercier le rapporteur, Cyril Pellevat, de m’avoir confié la partie du projet de loi ayant trait au numérique. Cela devrait permettre de maintenir une cohérence avec les textes antérieurs. C’est en tout cas l’état d’esprit qui a été le mien dans ce travail.
Les dispositions du texte relatives au numérique démontrent la transversalité de ce sujet, qui s’invite au centre de toutes les politiques. Je réitère d’ailleurs, monsieur le président, ma suggestion d’anticiper, au sein de notre institution, une organisation prenant en compte cette nouvelle donnée.
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur le numérique, à savoir sur l’article 9 et ses déclinaisons.
Si la loi Montagne de 1985 était novatrice à bien des égards, elle était dépourvue de mesures significatives sur les communications électroniques, à une époque où internet et la téléphonie mobile n’existaient pas dans notre pays. La seule disposition de la loi dans ce domaine visait des aménagements techniques, afin de permettre une bonne réception des émissions des services de radio dans les zones de montagne.
Le présent projet de loi est donc le bienvenu : il permet de prévoir des mesures spécifiques en faveur de la couverture numérique de ces territoires. Il faut noter qu’il succède à plusieurs lois comprenant des dispositions importantes pour l’aménagement numérique du territoire, en particulier la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et la récente loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
La couverture numérique des territoires ruraux reste très contrastée, même s’il est difficile de disposer de données spécifiques aux zones de montagne. La progression de la couverture fixe en très haut débit est constatée au niveau national, mais elle bénéficie encore très largement aux zones urbaines. La contribution des réseaux d’initiative publique s’accélère au profit des zones rurales, mais les collectivités territoriales ne pourront pas couvrir les territoires les plus difficiles d’accès, en particulier en montagne, sans aides supplémentaires de l’État si la fibre optique jusqu’à l’utilisateur reste la priorité.
Par ailleurs, en attendant le très haut débit, le réseau téléphonique connaît certains désagréments et ne permet pas toujours aux habitants de disposer d’un haut débit de qualité, alors que les usages et les standards technologiques évoluent à très grande vitesse.
En matière de téléphonie et d’internet mobiles, la montagne est particulièrement exposée aux problèmes des zones blanches, en termes de couverture de la population et du territoire. Des initiatives ont été prises par le Gouvernement depuis 2015, mais leur mise en œuvre doit être accélérée. Je pense notamment à l’achèvement du programme « zones blanches en centres-bourgs », qui a enregistré certains retards. Si le déploiement de sites hors centres-bourgs, qui a été lancé aujourd'hui même à Vesoul, est une initiative intéressante, ses modalités de mise en œuvre doivent être rapidement précisées avec les opérateurs.
Le présent projet de loi offre ainsi l’opportunité d’améliorer le déploiement des réseaux fixes et mobiles en faveur de la couverture des territoires de montagne. À cet égard, l’Assemblée nationale a enrichi le projet de loi initial, qui se limitait à un seul article, pour transmettre au Sénat un texte en comportant neuf. Deux préoccupations ont guidé ces ajouts : l’utilisation des réseaux d’initiative publique par les fournisseurs d’accès à internet pour apporter des services fixes à très haut débit aux utilisateurs et le déploiement de points hauts mutualisés en zone de montagne pour améliorer la couverture mobile.
L’article 9 prévoit une adaptation de l’aménagement numérique du territoire en zone de montagne et en confie la responsabilité aux ministres compétents et à l’ARCEP.
Si l’article prévoit de favoriser le recours à un « mix technologique » pour déployer des solutions technologiques optimales, je rappelle qu’il est important de privilégier – autant que possible – la fibre optique, qui reste la frontière technologique du très haut débit et la seule architecture véritablement pérenne. Ce que confirme la Commission européenne à travers les nouvelles directives de son paquet Télécom, qui imposent le gigabit dès 2025.
Cet article, à dimension programmatique, devra se traduire par des mesures concrètes et tangibles pour un aménagement numérique adapté à ces territoires. L’Assemblée nationale a ajouté des dispositions utiles comme l’élaboration de cartes de couverture spécifiques aux zones de montagne et l’évaluation du déploiement du très haut débit en montagne pour améliorer la connaissance de la couverture de nos territoires.
Il me semble également intéressant de cibler en priorité les territoires de montagne dans le cadre du programme de construction de sites hors centres-bourgs pour les réseaux mobiles.
En commission, nous avons souhaité préciser les dispositions relatives au développement de services et d’usages numériques adaptés aux besoins des populations de montagne et confier à l’État, plutôt qu’à l’ARCEP, le suivi annuel du très haut débit en zone de montagne eu égard aux publications déjà effectuées par l’Agence du numérique en la matière.
Afin d’accélérer l’utilisation des réseaux d’initiative publique par les fournisseurs d’accès à internet, l’article 9 bis permet aux collectivités territoriales de proposer des tarifs préférentiels d’accès en cas d’insuffisance de l’offre privée pour commercialiser des services sur ces réseaux. Nous avons souhaité sécuriser cette possibilité en rappelant les principes que doivent respecter ces tarifs promotionnels au lancement de la commercialisation des réseaux.
Avec la même préoccupation d’assurer l’utilité de ces infrastructures publiques, l’Assemblée nationale a inséré l’article 9 nonies, qui prévoyait une obligation générale pour les opérateurs de communications électroniques d’intégrer les réseaux d’initiative publique existants. Problématique au regard de la Constitution et du droit européen, cette disposition a été réécrite en commission afin de confier à I’ARCEP une mission de suivi et de promotion des systèmes d’information entre opérateurs pour améliorer la fourniture de services sur les réseaux à très haut débit.
Enfin, toujours sur ce même enjeu, l’article 9 quinquies prévoit la publication périodique par I’ARCEP d’informations sur la commercialisation de services sur les réseaux publics, ce qui permettra de suivre leur utilisation effective par les opérateurs de services et la diversité des offres proposées aux utilisateurs finals.
L’article 9 ter rend obligatoire en zone de montagne la mise en place d’une stratégie de développement des usages et services numériques, créée par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et adossée au schéma directeur territorial d’aménagement du territoire. Nous avons souhaité préciser les conditions de déclenchement de cette obligation, qui permettra de soutenir la création d’usages et de services adaptés aux territoires de montagne et favorables au développement local.
Afin d’accélérer la couverture mobile, l’article 9 quater prévoit une exonération de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux en faveur des stations radioélectriques de téléphonie mobile construites en zone de montagne à partir du 1er janvier 2017. En vue de doter cette mesure d’un véritable effet d’accélération sur la couverture mobile, nous avons souhaité qu’elle bénéficie aux équipements mis en place entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020.
L’article 9 sexies crée une obligation générale à la charge des opérateurs de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à leurs points hauts en zone de montagne pour favoriser la mutualisation des infrastructures passives de téléphonie mobile. Notre commission a apporté des précisions à ce dispositif, notamment pour améliorer la répartition des coûts entre opérateurs et pour élargir le périmètre des réseaux radioélectriques concernés.
Afin d’accélérer le déploiement des équipements, l’article 9 septies allège les obligations d’information du maire ou du président de l’intercommunalité en cas de modification sur un point haut ou de travaux sur un point haut situé en zone de montagne et ne faisant pas l’objet d’une extension ou d’une rehausse substantielle. L’objectif de cette disposition est de fluidifier le déploiement des équipements mobiles. Je sais qu’elle soulève certaines inquiétudes. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des articles.
Enfin, l’article 9 octies prévoit la prise en compte, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, des contraintes géographiques inhérentes aux zones de montagne lors de l’encadrement de la puissance d’émission pour la diffusion des radios.
En commission, un article 9 nonies A a été inséré en vue de faciliter l’octroi d’autorisations temporaires d’utilisation de fréquences lors d’événements exceptionnels ou pendant les pics de fréquentation touristique.
En outre, deux articles additionnels ont été insérés en commission.
L’article 9 ter A prévoit la mise à disposition, à partir du 1er juillet 2017, d’une base harmonisée des adresses au niveau national, dans le cadre du service public de la donnée créé par la loi pour une République numérique. Il s’agit d’une disposition très attendue. La constitution progressive de cette base doit notamment faciliter la fourniture de services à très haut débit aux utilisateurs.
L’article 9 ter B, quant à lui, fixe au 1er juillet 2017 le terme du processus de conventionnement des projets privés de déploiement de réseaux fixes à très haut débit. L’objectif est d’actualiser et de formaliser les intentions d’investissement des opérateurs pour mettre fin à l’incertitude, qui n’a que trop duré, entourant la réalité des projets dans la zone délimitée par l’appel à manifestation d’intentions d’investissement de 2011.
Par ces différents ajouts, la commission a donc souhaité renforcer et enrichir les dispositions du volet numérique afin d’améliorer l’accès aux différents réseaux en montagne. Pour ces territoires, les technologies numériques sont une source de fracture territoriale supplémentaire lorsqu’elles sont absentes, mais elles constituent également une opportunité formidable de désenclavement et de développement si elles sont déployées en temps utile et pour l’ensemble des habitants.
Ce texte, vous le constaterez, a été construit de façon équilibrée. Il envoie des signes positifs aux opérateurs en simplifiant des procédures et en améliorant certaines dispositions fiscales. Il renforce néanmoins leurs obligations pour donner aux territoires de montagne et, par extension, aux territoires ruraux, des garanties d’amélioration de leur couverture, indispensable à la population. Au cours de ce débat, faisons en sorte que le numérique avance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas.
M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos montagnes, dans leur grande diversité, appellent un traitement particulier. Les situations sont variées, même s’il existe des constantes : difficultés d’accès, populations rurales isolées, besoins spécifiques… Il convient de combler les désavantages géographiques de ces territoires tout en promouvant l’exceptionnelle richesse de leurs paysages et de leur patrimoine. C’est tout le sens de ce texte, qui réaffirme les principes fondateurs de son aîné de 1985 et en actualise les dispositions au regard des évolutions de nos territoires.
Je m’exprime au nom de mes collègues du groupe socialiste et républicain de la commission des affaires sociales. Les articles qui nous concernent couvrent essentiellement deux problématiques, celle de l’accès aux soins et celle du travail saisonnier.
Monsieur le ministre, vous avez salué voilà quelques instants l’état d’esprit des rapporteurs ; je peux vous assurer qu’en commission des affaires sociales nous avons travaillé, sous la conduite de notre rapporteur, à la construction du texte le plus consensuel possible.
Ce projet de loi vient prolonger le travail effectué par le Gouvernement depuis quatre ans dans les deux domaines que j’évoquais.
Dans nos territoires de montagne, l’accès aux soins, en raison de l’enclavement, du climat et des temps de déplacement, présente des difficultés particulières. Or, depuis l’instauration du pacte territoire-santé en 2012, la grande priorité est de permettre l’accès de tous les Français à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire national.
L’engagement de la ministre des affaires sociales et de la santé, Mme Touraine, a permis la mise en place d’actions simples et concrètes pour inciter les médecins à exercer dans les territoires qui en ont le plus besoin. Des outils existent. Je tiens d’ailleurs à saluer les élus locaux, notamment les maires, des communes de montagne, qui luttent chaque jour contre la désertification médicale.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Éric Jeansannetas. Les zones de montagne bénéficient ainsi de la création des praticiens territoriaux de médecine générale, des contrats d’engagement de service public, du déploiement de la télémédecine, mais aussi de la mise en place des médecins correspondants du SAMU ou de la mise en place d’un dispositif spécifique pour les généralistes exerçant en territoire isolé.
Plusieurs mesures allant dans le même sens ont été introduites dans ce texte par nos collègues de l’Assemblée nationale. Je pense tout d’abord au rapport sur la juste compensation des surcoûts associés à la pratique de la médecine en zone de montagne, que les sénateurs du groupe Les Républicains – et c’est là qu’est notre différence – ont souhaité supprimer. Or cet article concerne notamment l’évaluation de la prise en compte du temps de trajet et sa juste compensation. Nous aurons l’occasion d’en discuter.
Par ailleurs, un volet est consacré aux besoins de santé spécifiques des populations de montagne dans le schéma régional de santé. Il concerne en premier lieu les situations d’accès aux soins urgents et nécessitant l’évacuation des blessés sur les pistes de ski.
Enfin, l’intégration de l’article 8 septies impose la présence d’un représentant du comité de massif au sein du conseil territorial de santé. Ce représentant doit permettre de renforcer la prise en compte des zones de montagne dans le diagnostic territorial partagé.
La loi Travail comportait déjà de sérieuses avancées en matière de travail saisonnier, parfois réclamées de longue date. Je pense à la généralisation de la reconduction des contrats à durée déterminée aux branches et aux entreprises employant un grand nombre de saisonniers, avec prise en compte de l’ancienneté. La même loi prévoit aussi que les employeurs pourront, jusqu’en 2019, à titre expérimental, signer des contrats à durée indéterminée intermittents, ou CDII, même sans accord de branche préalable. Avec ce CDII, une personne qui travaille l’hiver et l’été obtient un contrat sur l’année. Elle renonce alors à l’indemnité de chômage saisonnier, mais obtient des droits comparables à ceux des travailleurs en CDI, ce qui améliorera à coup sûr l’accès à certains autres droits de la vie courante.
Notons par ailleurs que certaines des dispositions de l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 constituent un pas important vers la « caisse pivot » et le guichet unique, attendus depuis 1985.
Les articles 10 à 14 du présent projet de loi se placent donc dans la continuité de l’action du Gouvernement en affinant les dispositifs concernant les travailleurs saisonniers en zone de montagne : la pluriactivité, qui y est fréquente, sera mieux prise en compte ; l’offre de formation sera adaptée, notamment en encourageant la biqualification ; les enjeux de l’économie transfrontalière sont également pris en compte.
Des maisons des saisonniers seront mises en place, au sein des maisons de services au public, afin de faciliter les démarches des travailleurs.
Je tiens également à saluer le travail de nos collègues sur la question du logement des saisonniers. Les difficultés qu’ils rencontrent sont si grandes qu’elles peuvent être à l’origine de véritables drames. Ce texte montre que nous prenons la mesure de cette problématique.
Les enjeux de nos montagnes sont cruciaux. Il me semble que nous pouvons tous nous retrouver sur ce texte, comme l’avaient fait nos prédécesseurs en 1985, afin de continuer à valoriser les spécificités de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que s’ouvre en ce moment même la saison touristique hivernale dans nos stations de montagne, l’examen par le Sénat du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne est un symbole fort. Cet acte II de la loi Montagne était en effet attendu par les acteurs locaux depuis plusieurs années.
Si 1985 fut une année fondatrice dans l’histoire de nos territoires, il était nécessaire de mettre à jour cet acte I de la loi Montagne afin de prendre en compte les nouvelles dimensions des politiques publiques, ainsi que les nouveaux défis auxquels sont confrontés nos territoires. Ces défis sont très divers et le projet de loi les touche quasiment tous, ce qui souligne le large effort de concertation effectué en amont.
Nous ne pouvons que saluer le travail de fond réalisé autour de ce projet de loi. La large concertation dont ce texte a fait l’objet, regroupant les élus nationaux, les élus locaux, les acteurs économiques, les citoyens, ainsi que nos instances représentatives, particulièrement l’ANEM, doit être soulignée.
Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité, moins une voix, par nos collègues de l’Assemblée nationale. Le travail effectué par le Sénat a lui aussi fait l’objet d’une réflexion sur le fond, ce qui a permis non seulement à l’ensemble des sensibilités politiques de s’exprimer, mais surtout d’aborder l’ensemble des enjeux, aussi divers soient-ils, intéressant les massifs montagneux en France.
Une nouvelle ère est en train de s’ouvrir sous nos yeux pour construire la montagne de demain. Il s’agit d’une montagne numérique, d’une montagne durable, d’une montagne démocratique, d’une montagne riche de son développement économique et, surtout, d’une montagne riche de ses habitants, qui en sont les principaux acteurs. Nous ne devons pas rater cette transition. Nous avons le devoir de réussir cet acte II de la loi Montagne.
Certains des éléments d’ores et déjà présents dans ce projet de loi sont notoires et répondent aux attentes locales. Ils produiront, je l’espère, dans les plus brefs délais les effets escomptés sur les territoires de montagne. Je tiens ici à souligner certains de ces mécanismes, qui me semblent particulièrement importants.
Tout d’abord, la reconnaissance par l’Assemblée nationale de la nécessaire adaptation de la dotation globale de fonctionnement en tenant compte des surcoûts spécifiques en zone de montagne constitue une avancée certaine pour les collectivités, dont la situation financière est parfois très difficile. Il faut en effet que l’État assure la prise en compte de ces coûts différenciés, qui mettent aujourd’hui en grande difficulté certaines des plus petites communes de nos montagnes.
Ensuite, les dispositifs modernisant la gouvernance des zones de montagne et leur inscription dans ce texte permettront de donner aux différents organes concernés une légitimité plus forte et de renforcer encore le poids de ceux qui y siègent. Cela permettra non seulement de faire avancer au mieux les sujets relevant de leur compétence, mais aussi de favoriser les adaptations nécessaires des politiques publiques et des services publics aux zones montagnardes si spécifiques. Une zone de montagne difficile d’accès et peu peuplée ne doit pas être synonyme de disparition des services publics ni d’absence de toute administration de l’État.
Je tiens aussi à souligner l’importance des mesures soutenant l’emploi et le dynamisme économique. En effet, la transition numérique est l’un des enjeux centraux et actuels des zones de montagne. Il s’agit de permettre aux populations d’avoir accès aux réseaux les plus modernes et d’attirer les entreprises et artisans dans nos régions.
Je souhaite enfin souligner l’importance des mesures concernant la santé et les soins en zones de montagne. Toutefois, comme j’ai eu l’occasion de le souligner par le passé, certaines adaptations, qui relèvent notamment du pouvoir réglementaire, sont encore à réaliser. Je pense, par exemple, aux indemnités kilométriques que touchent les professions libérales et dont certaines sont amputées. En effet, pour certaines CPAM, si les professionnels d’un cabinet médical situé en zone de plaine se déplacent en zone de montagne, où les trajets sont plus longs et plus coûteux, le barème de remboursement reste celui des zones de plaine, ce qui conduira, à terme, à désertifier médicalement nos territoires.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Michel Savin. Si le texte dont nous discutons satisfait une grande partie des acteurs économiques, politiques et des citoyens locaux, il apparaît cependant que certains aspects concernant nos massifs de montagne ne sont pas pris en compte, ou pas suffisamment. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé, avec certains de mes collègues, que je salue, plusieurs amendements. Nous aurons l’occasion, d’y revenir afin d’évoquer plus précisément leurs tenants et aboutissants. Je souhaite toutefois évoquer dès à présent trois des objectifs que nous poursuivons.
J’ai tout d’abord déposé un amendement, conformément au souhait de nombreux élus locaux, sur les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont la loi NOTRe a fixé le seuil minimum à 15 000 habitants. Bien que la loi NOTRe reconnaisse la possibilité d’effectuer des adaptations en territoires de montagne, certains projets ont été remis en cause par les représentants de l’État du fait du non-respect de la clause des 15 000 habitants. Il est donc aujourd’hui nécessaire d’inscrire clairement dans la loi ce principe dérogatoire.
Nous avons aussi déposé plusieurs amendements concernant les acteurs de la filière forêt-bois. Il s’agit d’acteurs centraux, très présents dans les territoires de montagne. Ils participent grandement à l’activité économique, ainsi qu’à la gestion de cet environnement si fragile. Or, dans le projet de loi initial, aucune disposition ne les concernait directement, ce qui est regrettable. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec plusieurs de mes collègues, que des représentants de ces filières soient présents au sein des différents organes de gouvernance des zones de montagne dont il est question dans ce projet de loi.
De même, il serait important que les documents d’urbanisme locaux prennent en compte les accès à la ressource forestière de manière contraignante afin de permettre à ces acteurs économiques de disposer d’emplacements de stockage et de conditionnement entre les massifs de montagne et les agglomérations ou métropoles proches.
Je souhaite enfin revenir sur un point majeur et pourtant très peu abordé dans ce texte, à savoir la question des grands prédateurs, notamment des loups, et de la protection des activités pastorales dans les territoires de montagne.
M. Jean Desessard. Le projet de loi traite de cette question !
M. Michel Savin. Cette problématique, très présente sur nos territoires, traumatise des dizaines d’éleveurs et déclenche la colère des élus locaux. Des dizaines d’attaques de loups ont eu lieu cet été dans les massifs, certains causant même des dommages humains.
Les attaques que connaissent aujourd’hui les troupeaux sont impressionnantes : on a dénombré près de 9 000 victimes en 2015 dans vingt-quatre départements, soit une augmentation de 114 % par rapport à 2010. Et plus de 40 % des attaques se déroulent dorénavant en pleine journée ! Nous attendons encore les statistiques pour 2016, mais il apparaît clairement que les chiffres seront tout aussi importants.
Dans le même temps, le nombre de loups en liberté augmente de 20 % chaque année. Or plus la fréquence de ces attaques est importante, moins le pastoralisme est localement durable. Cette augmentation du nombre d’attaques conjuguée à un sentiment d’abandon par les pouvoirs publics donne envie à beaucoup d’éleveurs soit de raccrocher, soit d’organiser leur propre défense. Ils ne veulent pas faire la chasse au loup, mais mieux protéger leur outil de travail.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Michel Savin. Les mesures de protection des troupeaux ont atteint leurs limites. L’indemnisation ne doit pas être la seule réponse face au loup : il est nécessaire et urgent de revoir l’ensemble du dispositif, alors que la présence de cet animal semble de moins en moins compatible avec une activité économique viable.
Tel est l’objet des amendements que nous avons déposés à l’article 16. À mes yeux, monsieur le ministre, la proposition que vous qualifiez d’« équilibrée » n’est pas à la hauteur des attentes des agriculteurs, éleveurs et élus locaux des territoires fortement affectés par les attaques de loups.
Le président du groupe d’études Développement économique de la montagne, Jean-Yves Roux, a partagé cette inquiétude voilà quelques instants. Les éleveurs veulent travailler et vivre de leur métier en toute sécurité. Il est temps de leur redonner espoir.
Enfin, les élus locaux souhaitent aussi être protégés contre les risques issus des attaques de loups. Le président Larcher était présent lors d’une réunion de maires, en Isère, au cours de laquelle certains ont exprimé avec force leur inquiétude face à la mise en jeu de leur responsabilité en cas d’attaque sur le territoire de leur commune.
Cet été, par exemple, un maire a dû fermer un sentier de grande randonnée à la suite d’attaques de riverains et de touristes par des chiens de garde rudement mis à l’épreuve par la présence de loups. Nous ne pouvons accepter que ces élus locaux, qui effectuent un travail des plus importants au sein de notre République, ne soient pas protégés face à l’afflux de ces prédateurs.
Tel est donc l’objet des principaux amendements que j’ai souhaité déposer sur ce projet de loi. D’autres seront examinés. J’espère que le texte qui sortira de notre hémicycle prendra en compte l’ensemble des problématiques qu’il n’aborde pas encore.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous, je souhaite que ce projet de loi renforce encore l’attractivité de nos territoires de montagne et qu’il en soutienne les populations. Nous devons permettre à l’ensemble des habitants de recueillir tous les bénéfices d’une vie dans ces territoires si riches. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Je tiens avant toute chose à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir porté ce projet de loi devant le Parlement après une période de concertation que vous avez voulue. Ce texte était attendu, la précédente loi sur la montagne datant de 1985. En trente ans, le monde a changé.
La France s’est urbanisée. Elle compte 10 millions d’habitants de plus, alors que certains territoires de moyenne montagne ont continué de se dépeupler et sont aujourd’hui en décrochage.
La mondialisation des marchés a fragilisé l’agriculture de montagne, et les services publics ne sont plus toujours au rendez-vous.
La fragilisation de nos ressources naturelles a fait apparaître des enjeux environnementaux majeurs sur lesquels la montagne a un rôle essentiel à jouer.
Autre mutation : l’arrivée du numérique a amorcé une transformation en profondeur de notre société.
Alors, oui, un acte II de la loi Montagne était nécessaire pour adapter le cadre législatif aux enjeux du XXIe siècle. Il s’agit d’un rendez-vous crucial. Toutefois, monsieur le ministre, ce rendez-vous ne sera réussi que si nous avons le courage d’inscrire dans le marbre de la loi les avancées concrètes, précises, dont la montagne a besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.) Or, sur plusieurs sujets essentiels, le texte ne répond que très partiellement aux enjeux. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une série d’amendements frappés au coin du bon sens et inspirés par la réalité du terrain telle que la vivent au quotidien les élus de la montagne, afin de faire progresser encore ce projet de loi. Je retiendrai quatre exemples.
Premier exemple : l’agriculture.
L’agriculture d’altitude supporte des coûts de production qui ne sont plus compatibles avec les contraintes de la compétitivité mondiale. Il est donc urgent de réorienter notre modèle agricole de moyenne montagne. Il faut mieux soutenir les productions de qualité attachées aux terroirs, jouer la différentiation pour gagner en valeur ajoutée. C’est le seul modèle d’avenir pour l’agriculture de montagne.
Nous proposerons également plusieurs amendements visant à favoriser une plus grande reconnaissance du rôle majeur de la forêt en montagne, tant par les emplois créés dans cette filière que par les équilibres écologiques auxquels elle participe.
Deuxième exemple : la téléphonie mobile et l’accès au très haut débit.
Aucune raison technique, aucune raison financière ne peut justifier que l’on exclue des centaines de milliers de nos concitoyens de l’accès à ces services essentiels au développement économique, à la sécurité, à la vie quotidienne ni que nous abandonnions, in fine, une partie du territoire national à la désertification. S’il est un domaine dans lequel il ne faut rien céder, dans lequel il faut savoir faire preuve de volontarisme politique et de fermeté envers les opérateurs, c’est bien celui de la couverture numérique et de la téléphonie mobile. Nous défendrons des amendements concrets pour atteindre cet objectif, notamment pour modifier les critères des zones blanches, qui ne correspondent pas du tout aux besoins du terrain.
Troisième exemple : l’accès à des services publics de proximité et de qualité.
Altitude, routes enneigées, habitat dispersé, faible densité de population, l’accès aux services en montagne ne peut en aucun cas se mesurer en kilomètres ou, pire encore en seuils de rentabilité, ni se comparer à des ratios nationaux. Des critères adaptés doivent permettre d’offrir à ces territoires des services de proximité et de qualité dans des domaines aussi prioritaires que l’éducation et la santé, par exemple. L’État doit être le garant de cette égalité d’accès aux services essentiels. Là aussi, nous ferons des propositions concrètes.
Quatrième exemple : les moyens accordés aux territoires de montagne.
Dans ce domaine aussi nous voulons renforcer votre projet de loi pour mieux tenir compte des surcoûts supportés par les collectivités de montagne pour l’organisation des services, l’entretien de la voirie, la construction, le fonctionnement des bâtiments publics… Je pourrais encore citer bien d’autres exemples. La DGF, tout comme d’autres dotations de l’État, doit mieux prendre en compte ces contraintes. En outre, cela a été dit, une adaptation des normes à la réalité de la montagne est absolument nécessaire. Nous proposerons plusieurs amendements en ce sens.
Monsieur le ministre, considérez positivement nos amendements, afin que, à l’image du regard que nous portons aujourd’hui sur la loi fondatrice de 1985, nos successeurs, dans trente ans, citent en exemple la loi de 2016, parce qu’elle aura contribué à inscrire la montagne française dans la société du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. À ce point de la discussion, beaucoup de choses ont déjà été dites. Il est vrai que ce texte était attendu et que le travail accompli dans le cadre d’une concertation préalable avec les élus, les associations représentatives et les parlementaires, concertation dont il convient de vous remercier, monsieur le ministre, a permis de répondre en grande partie aux attentes.
En 1985 – cela fait pratiquement une génération –, il convenait de freiner un développement touristique parfois intempestif. Aujourd'hui, il faut le gérer dans la durée. Le temps où l’on créait des stations ex nihilo est révolu depuis bien longtemps ! À cette époque, il n’était pas question de désertification rurale, de disparition des services publics, de désertification médicale et encore moins du passage de la montagne au XXIe siècle, au travers des outils indispensables que sont la téléphonie mobile et les réseaux numériques.
Reste que, depuis 1985, un certain nombre de lois ont jalonné la vie des territoires de montagne. Je pense aux deux lois d’aménagement du territoire, celle de 1995, qui a créé les zones de revitalisation rurale et organisé les comités de massif, et celle de 1999, qui a introduit un volet « montagne » dans le cadre des contrats de plan État-région. D’autres dispositifs sont également venus renforcer nos moyens d’action, notamment les crédits européens, avec les programmes opérationnels interrégionaux de massif et les programmes transfrontaliers.
Aujourd'hui, nous attendons d’abord une reconnaissance de la spécificité et de la diversité des territoires de montagne, qui ne sont pas solubles dans la ruralité. Certes, ils ont des points communs avec la problématique des territoires ruraux, mais ils diffèrent par bien des aspects.
Nous attendons ensuite que les aménités – l’eau, la richesse environnementale, les atouts que la montagne apporte à la nation – soient rémunérées à leur juste valeur.
Dans le combat pour cette reconnaissance, deux éléments sont venus modifier profondément la donne au cours des dernières années.
Tout d’abord, il y a eu la réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, qui a éloigné les centres de décision. Ces derniers ont en effet été placés au cœur des grandes régions. Des services ont été fusionnés, ce qui a entraîné une perte des connaissances et de l’expertise sur les problématiques des territoires de montagne, perte dont nous souffrons dans de nombreux domaines : l’eau, les aménagements touristiques, la forêt…
Ensuite, il y a eu les dispositions de la loi NOTRe, qui comportent un risque de dilution progressive des collectivités de montagne dans des ensembles plus grands, accompagnée d’une perte d’identification et de reconnaissance de leurs spécificités et, donc, d’un manque d’adaptation des politiques publiques menées en direction de ces territoires. Il faudra que cette loi, qui constitue par bien des aspects une loi-cadre, concerne aussi le fonctionnement des administrations de l’État, pour voir disparaître un certain nombre des problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés et pour préserver des structures dont nous avons besoin. Je pense notamment au service de restauration des terrains en montagne, qui est essentiel au regard des problèmes de sécurité, en particulier avec l’accélération des phénomènes d’érosion et de réchauffement climatique, et à la transversalité du service d’études et d’aménagement touristique de la montagne, qui détient l’expertise de l’État, notamment pour l’examen des dossiers d’UTN.
Monsieur le ministre, j’ai déposé de nombreux amendements. Le président de mon groupe m’a même laissé entendre que c’était trop. Cependant, je suis dans l’esprit de convergence que vous avez évoqué, pour trouver un consensus sur ce texte, comme c’est la tradition montagnarde. Dans la mesure où le Gouvernement fait preuve d’ouverture, je ne doute pas que nous puissions aboutir.
Ces amendements concernent plusieurs domaines : la rémunération des aménités, les questions liées à l’eau, à l’énergie réservée, aux routes forestières, à l’exploitation des massifs, afin de permettre de faciliter les investissements des collectivités territoriales et leur desserte. Certains amendements visent par ailleurs à prendre en compte un certain nombre de surcoûts. En effet, il n’est pas normal que les agences de bassin consacrent des moyens plus importants pour financer les investissements dans les zones urbaines, où les consommateurs d’eau sont nombreux, et qu’elles ne prennent pas en compte les surcoûts engendrés par les territoires de montagne. D’autres amendements portent sur le numérique et les services publics.
Je terminerai mon propos en évoquant la problématique spécifique de cette partie de la montagne qui est toujours considérée comme riche et dont on dit qu’elle n’a pas besoin d’aide. Je veux parler des stations de sports d’hiver. Elles sont au nombre de 357. Elles représentent 10 % des stations du monde entier et 30 % des domaines skiables. Or, nous ne devons pas l’oublier, cette économie est en secteur concurrentiel. Face à nos concurrents européens – l’Autriche, la Suisse, l’Italie – et à nos concurrents plus lointains, la captation de nouvelles clientèles touristiques est nécessaire. Loin de la vitrine de paillettes dont on fait souvent état dans la presse, nos stations sont à la fois des communes et des entreprises. Elles souffrent aujourd'hui de la conjonction de la contribution au redressement des finances publiques et de la montée de la péréquation.
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Michel Bouvard. Ce qui est en cause, c’est d’abord la réduction des capacités d’investissement de cette montagne, qui fait face à la compétition mondiale. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Les stations ont également d’autres problèmes ; j’évoquerai trois d’entre eux.
Le premier est celui des unités touristiques nouvelles. Je suis sans doute l’un des rares élus ici ayant siégé au comité qui défend chaque année des dossiers ayant trait aux UTN, lesquels représentent pour leurs auteurs un véritable parcours du combattant. En effet, après les deux ou trois années nécessaires pour monter le dossier, il faut procéder aux études d’impact, pour se heurter ensuite à un véritable frein à l’investissement. Le président-directeur général de la Compagnie des Alpes, Dominique Marcel, avait chiffré voilà trois ans à 140 millions d’euros les dossiers d’investissement paralysés par les lenteurs et les obstacles à franchir pour réaliser un équipement immobilier ou relatif à un domaine skiable.
Les stations sont également confrontées à un problème de logement. Il concerne non seulement les saisonniers, dont on a beaucoup parlé, mais aussi les habitants. De jeunes ménages ne peuvent plus faire construire, le terrain étant devenu très cher. Nous nous battons depuis des années pour que le zonage concernant l’habitat social et l’accession à la propriété soit adapté à ce que cela coûte réellement. (Mme Éliane Giraud et M. Loïc Hervé applaudissent.) Il n’est pas normal de dire qu’on peut construire dans les grandes stations de sports d’hiver, à Chamonix, à Val-d’Isère, aux Arcs, à Bourg-Saint-Maurice ou à Tignes, au même coût que dans les Landes ou en Lozère.
M. Loïc Hervé. Exact !
M. Michel Bouvard. Telles sont les spécificités que la loi doit accompagner.
Pourtant, et c’est là une autre difficulté, nombre de ces sujets sont de nature réglementaire. Je me suis efforcé de limiter le nombre des amendements que j’ai déposés, sachant que la commission des lois et le Sénat veillent à la qualité de la loi et au fait que nous n’y introduisions pas de dispositions d’ordre réglementaire. Mais nous devons, au cours de nos débats, recevoir des engagements très clairs du Gouvernement à traiter ces questions, qu’il s’agisse de la sécurité des pistes de ski ou de la déclinaison des dossiers d’UTN. Nous devons être sûrs que tout ce qui relève du domaine réglementaire ne viendra pas contredire l’esprit de la loi, à savoir la reconnaissance des territoires de montagne, qui doivent continuer d’apporter à la nation des aménités et permettre à celles et ceux qui y vivent de produire, d’enrichir le pays et de contribuer à son redressement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand et Mme Éliane Giraud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs de la qualité de leurs propos. L’intervention de M. Bouvard à l’instant en est un exemple, lui qui connaît si bien ces thèmes. Il est même impliqué depuis si longtemps sur ces sujets qu’il a donné son nom à une procédure que nous évoquerons au cours du débat.
Vous avez tous montré votre engagement, votre enthousiasme et votre connaissance des différentes questions. Même si certains d’entre vous ont voulu mettre en avant tel ou tel point, conditionnant un peu la clôture du débat à certaines avancées, vous avez fait preuve d’un esprit positif. Cela correspond tout à fait à ce que j’ai voulu pour ce projet de loi. Lorsque j’ai rencontré le président de l’ANEM, qui était à l’époque Laurent Wauquiez, il n’était pas évident que nous nous mettrions spontanément d’accord, mais nous avons su surmonter nos différences, puis nos divergences. C’est l’esprit qui a présidé aux discussions qui se sont tenues à l’Assemblée nationale, où l’ensemble des groupes a œuvré à construire ce texte. Je le retrouve ici, au Sénat, ce dont je tiens à vous remercier.
Je ne vais pas revenir sur tout ce qui vient d’être dit. Je me contenterai d’évoquer certains points.
La question des financements a été actée au travers du FSIL et de la DETR. Je tiens à le rappeler, il faut remonter loin dans le temps pour trouver un gouvernement aussi engagé aux côtés des collectivités concernant l’investissement. En trois ans, nous avons augmenté de 62 % la DETR, qui est passée de 600 millions d’euros à 1 milliard d’euros. Cette année, nous avons créé le FSIL, qui apporte 1 milliard d’euros supplémentaires, dont 600 millions d’euros sont consacrés à la ruralité. Ce fonds sera porté à 1,2 milliard d’euros l’année prochaine. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé, lors du congrès des maires, que l’effort du bloc communal au redressement des comptes publics serait diminué de moitié en 2017. Nous jonglons avec les milliards d’euros, ce qui devrait permettre de réaliser un certain nombre de choses. Pour ce qui concerne le financement, nous sommes donc au rendez-vous !
Nous faisons également preuve de volonté politique. Compte tenu de l’esprit consensuel qui est le nôtre, je ne vais pas polémiquer. Toutefois, je rappelle que nous avons tenu, en quatorze mois, trois comités interministériels aux ruralités, alors que les CIADT précédents s’étaient tenus en 2010 et en 2005. Nous avons arrêté 104 mesures, dont les contrats de ruralité, monsieur Bertrand, et d’hyper-ruralité, lesquels sont les pendants des contrats de ville. Ils sont également financés. Je sais que la même volonté politique est en œuvre au Sénat.
Certains propos, comme à l’Assemblée nationale, ont laissé augurer qu’il y aurait quelque tentation, pour ne pas dire quelques tentatives, à revenir sur un certain nombre de dispositions votées, en particulier dans le cadre de la loi NOTRe. La question du seuil de population pour les communautés de communes fixé à 5 000 et à 15 000 habitants est réapparue. Ce point a fait l’objet d’un grand débat au Sénat ! Je fais d’ailleurs partie de ceux qui y ont amplement participé.
Je le rappelle, la discussion s’est soldée par un accord en commission mixte paritaire. Autrement dit, l’Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé le texte. On ne va donc pas revenir, par le biais d’un texte consacré à la montagne, sur une loi adoptée par les deux chambres.
M. Loïc Hervé. On peut en débattre !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. C’est la position du Gouvernement, monsieur le sénateur. Le Parlement est souverain.
M. Loïc Hervé. Pourtant, on voit ce que ça donne !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. On ne le voit pas encore, puisque nous sommes au moment où cette réforme va entrer en vigueur. J’ai déjà donné les chiffres au Sénat : nous sommes passés d’environ 2 000 intercommunalités à un peu plus de 1 000. Globalement, cela se passe bien, même si, à certains endroits, je vous l’accorde, les choses sont plus difficiles. Pour autant, ne remettons pas en cause ce qui n’entrera en application que dans quelques semaines et qui n’a pas encore trouvé son rythme de croisière. Je partage la position du président du Sénat sur ce point : il faut une stabilité institutionnelle et une stabilité fiscale ! Ne commençons pas, avant même que le texte ne soit appliqué, à le remettre en cause ! Si tel était le cas, comment ferions-nous, au 1er janvier prochain ?
Notre débat ne porte pas sur la loi NOTRe, qui a été longuement examinée dans cette enceinte et est devenue la loi de la République, qu’on ait voté pour ou contre. C’est ainsi que fonctionne la démocratie.
Concernant le numérique et la téléphonie mobile, sujets évoqués par nombre d’orateurs, nous en parlerons, comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale. Nous le ferons à juste titre, car les problèmes sont majeurs : la fracture numérique et téléphonique est totalement intolérable pour les zones rurales et, a fortiori, pour les zones de montagne.
Rappelons-le, nous payons là un vice initial. Le gouvernement de l’époque, en vendant les fréquences aux opérateurs, avait remarquablement – c’est tout à son honneur – négocié le prix de vente. C’est toujours bien de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, qui en a bien besoin. Simplement, il avait oublié de prévoir un cahier des charges, qui aurait obligé les opérateurs à couvrir l’ensemble du territoire et à pratiquer une politique d’aménagement du territoire. Ces opérateurs – nous les connaissons bien –, ce ne sont pas des philanthropes ! Ils sont allés là où ça leur rapportait beaucoup, c’est-à-dire dans les grandes concentrations urbaines, et ils ont délaissé la ruralité, la montagne et toutes les zones reculées. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous devrons, ensemble, aller un peu au-delà des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. Si nous ne le faisons pas, les choses en resteront malheureusement là.
Quant aux cartes des zones grises et blanches évoquées par certains d’entre vous, les mesures pratiquées aujourd'hui ne donnent pas satisfaction. Voilà quinze jours, j’ai reçu, à ma demande, le président de l’ARCEP et son équipe. Ils font un travail remarquable d’identification précise de ces zones. Ils établissent clairement les zones sans problème et celles où les problèmes ne surviennent qu’à l’intérieur des immeubles. Ces cartes, mesdames, messieurs les sénateurs, seront publiées en tout début d’année. Nous pourrons alors discuter de données objectives et non plus d’affirmations démenties par nos concitoyens, qui savent qu’ils ne peuvent pas se servir de leur téléphone.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir souligné la qualité du travail effectué au sein de la commission et par les différents rapporteurs. Je veux également remercier l’ensemble des orateurs qui sont intervenus au cours de la discussion générale. Enfin, j’adresse mes remerciements à M. le président du Sénat, qui a souhaité assurer l’ouverture de nos travaux, pour montrer tout l’intérêt qu’il porte à la montagne et, au-delà, à l’aménagement du territoire.
À ce stade de la discussion, je souhaite vous sensibiliser, mes chers collègues, au fait que nous avons à examiner 462 amendements. Il conviendrait, même si nous avons tous beaucoup de choses à dire sur de nombreux sujets, d’être le plus synthétique possible.
Vous le savez, l’ordre du jour de la semaine s’est dernièrement alourdi, notamment avec une déclaration du Gouvernement et un débat préalable au Conseil européen. Nous ne sommes donc pas certains de réussir à terminer, comme prévu, l’examen de ce texte dans la nuit de mercredi à jeudi. Je joue donc le mauvais rôle en vous demandant d’être le plus concis possible.
Je vous indique donc que nous poursuivrons nos travaux, aujourd'hui et dans les jours qui viennent, au-delà de minuit.
M. le président. Soyez assuré, monsieur le président de la commission, que je veillerai au caractère synthétique des interventions.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Titre Ier
PRENDRE EN COMPTE LES SPÉCIFICITÉS DES TERRITOIRES DE MONTAGNE ET RENFORCER LA SOLIDARITÉ NATIONALE EN LEUR FAVEUR
Chapitre Ier
Redéfinir les objectifs de l’action de l’État en faveur des territoires de montagne
Article 1er
L’article 1er de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – La République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national en raison de leur rôle économique, social, environnemental, paysager, sanitaire et culturel. La montagne est source d’aménités patrimoniales, environnementales, économiques et sociétales.
« Le développement équitable et durable de la montagne s’entend comme une dynamique de progrès initiée, portée et maîtrisée par les populations de montagne et appuyée par la collectivité nationale, dans une démarche d’autodéveloppement, qui doit permettre à ces territoires d’accéder à des niveaux et conditions de vie et de protection sociale comparables à ceux des autres régions et d’offrir à la société des services, produits, espaces et ressources naturelles de haute qualité. Cette dynamique doit permettre également à la société montagnarde d’évoluer sans rupture brutale avec son passé et ses traditions en conservant, en renouvelant et en valorisant sa culture et son identité. Elle doit enfin répondre aux défis du changement climatique, permettre la reconquête de la biodiversité et préserver la nature et les paysages.
« L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettent en œuvre des politiques publiques articulées au sein d’une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne, notamment aux enjeux liés au changement climatique, à la reconquête de la biodiversité et à la préservation de la nature et des paysages ainsi que des milieux aquatiques, et aux besoins des populations montagnardes permanentes et saisonnières, en tenant compte des enjeux transfrontaliers liés à ces territoires. Dans le cadre de cette politique, l’action de l’État a, en particulier, pour finalités :
« 1° De faciliter l’exercice de nouvelles responsabilités par les collectivités territoriales, les institutions spécifiques de la montagne et les organisations montagnardes dans la définition et la mise en œuvre de la politique de la montagne et des politiques de massifs ;
« 1° bis De prendre en compte les disparités démographiques et la diversité des territoires ;
« 1° ter De prendre en compte et d’anticiper les effets du changement climatique en soutenant l’adaptation de l’ensemble des activités économiques à ses conséquences, notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique ;
« 2° D’encourager le développement économique de la montagne, notamment en soutenant les activités industrielles et artisanales liées à la montagne ou présentes en montagne et la formation de grappes d’entreprises ;
« 2° bis De réaffirmer l’importance de soutiens spécifiques aux zones de montagne, permettant une compensation économique de leurs handicaps naturels, assurant le dynamisme de l’agriculture et garantissant un développement équilibré de ces territoires ;
« 2° ter De développer un tourisme orienté sur la mise en valeur des richesses patrimoniales des territoires de montagne ;
« 3° De soutenir, dans tous les secteurs d’activités, les politiques de qualité, de maîtrise de filière, de développement de la valeur ajoutée et de rechercher toutes les possibilités de diversification ;
« 3° bis De favoriser une politique d’usage partagé de la ressource en eau ;
« 3° ter D’encourager et d’accompagner la gestion durable des forêts et le développement de l’industrie de transformation des bois, de préférence à proximité des massifs forestiers ;
« 4° De veiller à la préservation du patrimoine naturel ainsi que de la qualité des espaces naturels et des paysages ;
« 5° De promouvoir la richesse du patrimoine culturel, de protéger les édifices traditionnels et de favoriser la réhabilitation du bâti existant ;
« 6° D’assurer une meilleure maîtrise de la gestion et de l’utilisation de l’espace montagnard par les populations et les collectivités de montagne ;
« 7° De réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d’en assurer la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d’organisation scolaire, d’offre de soins et de transports, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne ;
« 8° D’encourager les innovations techniques, économiques, institutionnelles, sociales et sociétales ;
« 8° bis De soutenir la transition numérique dans les territoires de montagne ;
« 9° De favoriser les travaux de recherche et d’observation portant sur les territoires de montagne et leurs activités ;
« 10° (nouveau) De procéder à l’évaluation et de veiller à la prévention des risques naturels prévisibles en montagne tels que les avalanches, les inondations, les mouvements de terrain, les incendies de forêt, les séismes et les tempêtes. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 296 est présenté par Mme Espagnac.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Carle et Savin.
L'amendement n° 443 est présenté par M. Bouvard.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et conditions
par les mots :
d’emploi, des conditions
L’amendement n° 296 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 427.
M. Michel Savin. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° 443.
M. Michel Bouvard. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delahaye, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et de protection sociale
par les mots :
, de protection sociale et d'emploi
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. L’article 1er étant essentiellement prosaïque, introduire la notion d’emploi dans la définition du développement équitable et durable de la montagne peut apparaître comme inutile. Or ce n’est pas ajouter de la prose à la prose : c’est tout à fait nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission est favorable à ces amendements, mais elle invite les auteurs des amendements nos 427 et 443 à les retirer au profit de l’amendement n° 181 rectifié bis, qui lui paraît mieux rédigé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je me tourne donc vers les auteurs des amendements nos 427 et 443 pour savoir s’ils souhaitent répondre à l’invitation de la commission…
M. Michel Bouvard. Nous reconnaissons volontiers la qualité de la rédaction de l’amendement de Loïc Hervé. (Sourires.)
M. Michel Savin. Absolument ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Les amendements nos 427 et 443 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 181 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Cornano, Antiste, S. Larcher et Patient et Mme Yonnet, et l'amendement n° 136, présenté par M. Cabanel, ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 335 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mme Morhet-Richaud, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Mandelli, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
y compris en adaptant la spécificité des normes aux terrains montagneux
II. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Mettre en place un suivi statistique de l’évolution des exploitations de montagne complémentaire au recensement général agricole prévu ;
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement est défendu.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 139 est présenté par M. Cabanel.
L'amendement n° 270 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
y compris en adaptant la spécificité des normes aux terrains montagneux
L’amendement n° 139 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l’amendement n° 270 rectifié.
M. Alain Bertrand. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« … D’adapter les normes agricoles et leurs modalités d’application aux conditions spécifiques d’élevage et d’agriculture en montagne ;
« … De mettre en place une politique spécifique au soutien des petites exploitations agricoles ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je vais quand même le présenter, sinon nous allons finir dès ce soir… (Sourires.)
L’article 1er tend à poser le principe d’une approche spécifique propre aux territoires de montagne. Au cours de son examen par l’Assemblée nationale, le dynamisme de l’agriculture a été ajouté à l’objectif relatif aux soutiens spécifiques aux zones de montagne.
Dans le droit fil des propos tenus dans le cadre de la discussion générale, nous pensons que l’article 1er doit être plus précis en matière de prise en considération des spécificités de l’agriculture en montagne. Ainsi, comme le souligne le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, « l’attache des animaux devrait être permise dans certaines conditions, la réglementation des travaux devrait être adaptée aux possibilités climatiques ; de même, les exigences en matière de création de retenues collinaires ou d’études d’impact pourraient être déclinées en fonction des particularités de la montagne ». Tel est le sens du premier point de notre amendement.
Selon nous, il est également essentiel que les petites exploitations agricoles fassent l’objet d’une mention particulière. Si la terminologie peut surprendre, elle est utilisée dans les documents officiels du ministère de l’agriculture. Dès lors, elle a un caractère législatif.
Les petites exploitations représentent 44 % des exploitations des zones de montagne, une proportion supérieure à la moyenne des autres zones. Elles sont encore plus fréquentes en haute montagne, leur pourcentage atteignant 53 %. Elles assurent une production de qualité, de l’emploi, ainsi que la préservation de l’environnement montagnard. Elles maintiennent un tissu rural dense et sont la base d’une activité sociale et économique intense. Elles maintiennent et valorisent les produits régionaux.
Pourtant, la superficie agricole utilisée a régressé cinq fois plus vite en montagne que sur le reste du territoire national, et la montagne n’échappe pas au mouvement d’agrandissement des exploitations. C’est pourquoi nous pensons que le rôle important des petites fermes doit être reconnu dans le cadre de ce texte, au travers d’une politique de soutien spécifique.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 55 rectifié bis est présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Delcros, Médevielle et Gabouty.
L'amendement n° 166 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Calvet, Capo-Canellas et Delahaye, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Joissains et M. Kern.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … D’adapter les normes et leurs modalités d’application aux conditions spécifiques d’élevage et d’agriculture en montagne ;
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. En zone de montagne, les contraintes naturelles ne permettent pas de se conformer aux obligations réglementaires en matière de dimensionnement, de mesure, de respect des distances. Aussi des adaptations doivent-elles être envisagées pour permettre aux porteurs de projets de voir leurs ambitions se réaliser.
À titre d'exemple, faciliter la création de retenues collinaires est aujourd'hui l’une des solutions pour permettre un développement à long terme de l'agriculture en montagne. Or certaines études techniques, environnementales ou financières ont tendance à décourager la réalisation de l'ouvrage. Pour cette raison, les enquêtes pourraient être simplifiées ou les études allégées.
L'attache des animaux est parfois une nécessité au regard non seulement de la place et du coût de construction des bâtiments, mais aussi des frais de fonctionnement. De plus, pour ce qui concerne les mises aux normes, notamment des capacités de stockage des effluents, alors que la réglementation prévoit une année pour la réalisation des travaux, la réalité du terrain oblige à les faire durant les beaux jours. Les agriculteurs ne disposent donc réellement que de six mois. C’est pourquoi il convient de retenir des délais plus longs.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié bis.
M. Loïc Hervé. Même argumentaire que M. Longeot !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 290 est présenté par MM. Labbé, Dantec, Poher et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Mettre en place un suivi statistique de l’évolution des exploitations de montagne complémentaire au recensement général agricole prévu ;
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
M. Loïc Hervé. Les recensements agricoles ont lieu tous les dix ans environ. En zone de montagne, il semblerait opportun d’avoir un dispositif adapté. Le recensement agricole de 2010, qui n’était pas un recensement global, a ouvert la voie en proposant de prendre en compte les surfaces collectives et les effectifs concernés.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 290.
M. Jean Desessard. Cet amendement, identique au précédent, nous a été proposé par les jeunes agriculteurs.
Les recensements agricoles ont lieu tous les dix ans environ et mobilisent des moyens importants dans les territoires.
Des enquêtes pastorales ont été conduites à la suite de ces recensements pour compléter les données, en 1972 et en 1983, à l’échelle nationale, puis dans les années 2000, mais de manière non exhaustive à l’échelle nationale. Des enquêtes plus récentes ont été menées en 2012-2014 dans les Alpes et une démarche est en cours en Auvergne.
Il semblerait opportun d’optimiser ces démarches de recensement et de mieux valoriser les recensements agricoles nationaux pour permettre une approche exhaustive, y compris en zone de montagne. Le recensement agricole de 2010 a ouvert la voie en proposant un champ sur les surfaces collectives et les effectifs concernés, mais l’absence de cadrage méthodologique homogène ne permet pas l’analyse des résultats de manière fiable. Nous proposons par conséquent d’anticiper pour les recensements agricoles à venir un cadre méthodologique adapté à la montagne.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 56 rectifié bis est présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Delcros, Médevielle et Gabouty.
L'amendement n° 140 est présenté par M. Cabanel.
L'amendement n° 272 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Mettre en place un suivi statistique de l’évolution des exploitations agricoles de montagne complémentaire au recensement général agricole prévu ;
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement a été brillamment défendu par mes collègues Loïc Hervé et Jean Desessard.
M. le président. L’amendement n° 140 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l’amendement n° 272 rectifié.
M. Alain Bertrand. Il s’agit de prévoir le suivi statistique de l’évolution des exploitations agricoles, particulièrement en montagne. Un tel dispositif est déjà expérimenté dans plusieurs régions, notamment en Auvergne. En effet, les exploitations agricoles d’élevage sont plus fragiles en montagne qu’ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’amendement n° 335 rectifié bis vise à prévoir un principe d’adaptation des normes aux terrains montagneux, ainsi que la mise en place d’un suivi statistique spécifique aux exploitations de montagne.
Le premier point est satisfait par le principe d’adaptation des politiques publiques et des normes prévu à l’article 3 du projet de loi, qui mentionne expressément l’agriculture.
Le second point semble bien trop précis pour figurer dans l’article 1er de la loi Montagne, qui vise à définir les grandes lignes de la politique de la montagne et a une portée programmatique.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Comme la première partie de l’amendement n° 335 rectifié bis, l’amendement n° 270 rectifié prévoit un principe d’adaptation des normes aux terrains montagneux. Comme je viens de l’expliquer, cet amendement est satisfait par le principe d’adaptation des politiques publiques et des normes prévu à l’article 3 du projet de loi, qui mentionne expressément l’agriculture. La commission demande donc également le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 72 est similaire aux précédents amendements : il prévoit un objectif d’adaptation des normes agricoles en montagne, ainsi qu’un objectif de soutien spécifique aux petites exploitations agricoles. Comme je viens de l’expliquer, il est satisfait par le principe d’adaptation des politiques publiques et des normes prévu à l’article 3. La commission en demande le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.
Il en va de même pour les amendements identiques nos 55 rectifié bis et 166 rectifié bis : demande de retrait, sinon avis défavorable.
Les amendements nos 167 rectifié, 290, 56 rectifié bis et 272 rectifié reprennent le second point de l’amendement n° 335 rectifié bis, en prévoyant la mise en place d’un suivi statistique spécifique aux exploitations de montagne. Comme je l’ai expliqué précédemment, cet ajout est bien trop précis pour figurer dans l’article 1er de la loi Montagne. La commission en demande donc le retrait. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après avoir rappelé, comme vient de le faire M. le rapporteur, que l’article 1er est un article programmatique fixant les objectifs de l’action de l’État, après avoir souligné que j’ai vu apparaître en séance des amendements « Jeunes agriculteurs » portés par les écologistes et par M. le sénateur Bertrand – je vois que le lobby a encore de beaux jours devant lui –, l’avis du Gouvernement est, amendement par amendement, et pour les mêmes raisons, exactement le même que celui de la commission.
M. le président. Monsieur Chaize, l'amendement n° 335 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 335 rectifié bis est retiré.
Monsieur Bertrand, l'amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 270 rectifié est retiré.
Madame Cukierman, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je n’ai pas bien compris votre argumentaire, monsieur le rapporteur. Vous nous dites que l’objectif de soutien aux petites exploitations figure dans le texte, mais je ne l’ai pas vu. J’ai sans doute mal lu. Pourriez-vous me préciser où est mentionné exactement le soutien aux petites exploitations ? Il s’agit de mieux comprendre l’argumentaire qui a été opposé à l’amendement du groupe CRC.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’article 3 prévoit des objectifs de soutien spécifique aux petites exploitations agricoles et mentionne expressément l’agriculture.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. À la lecture de l’article 1er dans le texte de la commission, je ne vois pas de difficulté majeure à ajouter, après l’alinéa 9, les deux alinéas proposés par Mme Cukierman. Je voterai donc l’amendement n° 72.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 55 rectifié bis et 166 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Monsieur Hervé, l'amendement n° 167 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 290 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 rectifié et 290.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Longeot, l'amendement n° 56 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Bertrand, l'amendement n° 272 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 rectifié bis et 272 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … De contribuer à la valorisation de tous les atouts de la montagne, en soutenant la recherche appliquée, l’expérimentation, l’innovation, l’animation locale et l’assistance technique nécessaires à la mise en œuvre de projets de développement global, ainsi que la diffusion des expériences et des techniques adaptées au milieu montagnard ;
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement vise à préciser, dans les finalités de l’action de l’État en faveur de la montagne, la nécessité de valoriser les atouts de ces territoires. En effet, si l’économie de montagne souffre souvent de handicaps, il n’en reste pas moins qu’elle dispose d’atouts majeurs qu’il faut préserver et valoriser.
Tel était l’objet principal du fonds d’intervention pour l’autodéveloppement en montagne, dont l’article 80 de la loi de 1985 définissait clairement « la mission prioritaire et permanente ». Malheureusement, la suppression du FIAM a entraîné l’abrogation de l’article et sa définition très claire de la notion d’autodéveloppement.
Il convient donc de rétablir dans cet article cette finalité essentielle de la valorisation des atouts des territoires montagnards afin que la maîtrise des crédits destinés à favoriser le développement local soit assurée par les populations concernées et par leurs élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter un objectif général relatif à la valorisation des atouts de la montagne, au soutien aux projets de développement global et à la diffusion des expériences et techniques adaptées à la montagne.
L’ajout est un peu redondant avec d’autres objectifs, comme celui sur l’exercice de nouvelles responsabilités ou les innovations. Par ailleurs, le contenu exact de cet objectif ne me paraît pas très clair. Je suggère donc le retrait ; sinon l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La nécessité de valoriser tous les atouts des territoires n’est effectivement pas précisée en tant que telle. Cette omission est volontaire, car une énumération de thèmes fait courir le risque d’un oubli ou de se voir opposer ceux qui ne sont pas cités. La proposition de principe sur la valorisation des atouts des territoires me semble donc plus efficace.
Je m’en remets à votre sagesse, monsieur le sénateur, pour savoir si vous voulez suivre le rapporteur et retirer cet amendement. Je comprends l’esprit qui vous anime, mais je pense que votre proposition risque d’aller à l’encontre du but que vous recherchez.
M. le président. Monsieur Roux, l'amendement n° 100 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Roux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 100 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 182 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Delcros, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 297 est présenté par Mme Espagnac.
L'amendement n° 428 est présenté par MM. Carle et Savin.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
et artisanales liées à la montagne ou présentes
par les mots :
, le tourisme hivernal et estival, et l’artisanat liés à la montagne ou présents
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
M. Loïc Hervé. Cet amendement tend à préciser l’importance que revêt le tourisme tant hivernal qu’estival pour le développement économique des territoires de montagne.
Notre territoire national abrite des sites touristiques absolument exceptionnels. À cet égard, les stations de montagne sont autant d’acteurs clés pour le tourisme qui génèrent plusieurs milliards de dépenses touristiques. Je rejoins en cela le plaidoyer pro domo de notre collègue Michel Bouvard. Leur activité contribue fortement au dynamisme économique, ainsi qu’à l’aménagement du territoire.
Le tourisme dans les territoires de montagne représente une source d’emplois non délocalisables et de valorisation du patrimoine. Ce secteur constitue un véritable atout, qu’il convient de conserver et de renforcer. Les stations de montagne en tant que telles doivent faire l’objet d’une politique ambitieuse pour répondre aux enjeux stratégiques auxquels sont confrontés leurs élus : la situation budgétaire, la diversification des activités, la modernisation, les investissements.
J’ajoute la question du climat et de son évolution puisque nous sommes à la mi-décembre et que l’inquiétude pour la saison est très grande actuellement en montagne.
M. le président. L’amendement n° 297 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l'amendement n° 428.
M. Michel Savin. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission a jugé que la précision apportée par ces amendements identiques était utile pour renforcer la place du tourisme dans les grands principes de la loi Montagne. Elle a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous voulez, messieurs les sénateurs, faire une mention complémentaire aux activités liées au tourisme à l’alinéa 8. J’appelle votre attention sur le fait que cette demande est satisfaite à l’alinéa 10 : les activités liées au tourisme, estival comme hivernal, font l’objet d’un alinéa séparé, témoignant, comme vous le souhaitez, de l’importance de ce secteur d’activité.
Je vous invite donc à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, ces amendements étant satisfaits deux alinéas plus loin.
M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 182 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 182 rectifié est retiré.
Monsieur Savin, l'amendement n° 428 est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après les mots :
transition numérique
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et le développement de services numériques adaptés aux usages et contraintes de populations de montagne ;
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Le développement du numérique constitue évidemment un point central pour les territoires de montagne. Les attentes de nos concitoyens sont très fortes en la matière, tant les enjeux sont importants.
Les parlementaires de montagne que nous sommes sont très attachés au développement de services adaptés aux populations de montagne, en priorité pour la formation à distance, la santé, l’accès aux services publics, la facilitation des démarches administratives, le tourisme. Ce sont tous des enjeux cruciaux pour notre développement.
Tel est l’objectif de cet amendement, qui vise à préciser dans les grandes finalités de l’action de l’État en faveur de la montagne le développement de services numériques adaptés aux usages et contraintes de populations de montagne.
Par le biais de cet amendement, je souhaite également promouvoir la création d’un observatoire des usages numériques en montagne permettant de s’assurer de l’adéquation de l’offre de services et d’explorer les usages émergents, innovants et reproductibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cette mention permet de compléter l’objectif général de transition numérique, en soulignant l’importance du développement de services numériques adaptés. Elle est cohérente avec le contenu de l’article 9 du projet de loi sur ce sujet. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Dans la mesure où l’article 1er est programmatique, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 165 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … De favoriser les coopérations interrégionales et les programmes européens. »
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement a pour objet d’intégrer la question des coopérations interrégionales et des programmes européens dans le projet de loi.
Cela a été dit, les dimensions européenne et frontalière sont très présentes dans les territoires de montagne. Des programmes européens sont conduits d’une région alpine à l’autre. Il s’agit donc de ne pas oublier la dimension interrégionale, intereuropéenne entre les différents États.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Venant du même territoire que M. Hervé, je partage l’objectif sur le fond, mais l’article 2 du projet de loi vise déjà la promotion du développement de la montagne auprès de l’Union européenne, notamment dans la politique européenne de cohésion et dans les conventions ou accords transfrontaliers. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission, les enjeux européens étant évoqués noir sur blanc à l’article 2 et les questions de coopération interrégionale à l’article 7.
Il est précisé, à l’article 2, que « L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, promeuvent auprès de l’Union européenne et des instances internationales concernées la reconnaissance du développement équitable et durable de la montagne comme un enjeu majeur ».
L’article 7 dispose que « La convention interrégionale de massif est un contrat conclu, pour chaque massif, entre l’État et les régions concernées. Elle traduit les priorités de l’action de l’État et des régions concernées en faveur du développement économique, social et culturel, de l’aménagement et de la protection du massif, et prévoit les mesures et les financements mis en œuvre dans ce cadre ».
Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 165 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Oui, parce que je n’ai pas tout à fait la même lecture que M. le rapporteur et M. le ministre. Il s’agit non pas de promouvoir la montagne auprès des institutions européennes, mais bien d’encourager la coopération de région à région, comme cela se produit actuellement en montagne. Nous traitons de relations horizontales, alors que les articles 2 et 7 portent sur des relations verticales.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Nous évoquons là des actions complémentaires : d’une part, il y a la nécessité de promouvoir au niveau européen la politique de la montagne, ce qui a été fait lorsqu’il a été question de la politique de cohésion de l’Union européenne, afin que les traités européens reconnaissent la spécificité des territoires de montagne ; d’autre part, il y a la coopération transfrontalière, qui est le sujet qui nous préoccupe.
Monsieur le ministre, les territoires frontaliers sont souvent des territoires de montagne victimes de ce que j’ai l’habitude d’appeler le syndrome de la terre plate, en référence à l’époque où l’on pensait que la terre était plate et que l’on tombait arrivé au bout.
Les documents administratifs souffrent souvent de ce syndrome. Je prendrai l’exemple du comité de massif des Alpes. Pour un classement de zones naturelles ou pour la création de zones Natura 2000 sur des communes en vue de protéger telle ou telle espèce, il est intéressant, en territoire frontalier, de savoir ce qui est fait de l’autre côté de la frontière en termes de protection de l’environnement. Or la DREAL est incapable de fournir un document sur ce qui est classé sur le versant italien ou suisse, c'est-à-dire immédiatement de l’autre côté de la frontière, ou sur le versant espagnol des Pyrénées.
Nous devons effectivement avoir des approches transfrontalières, mais aussi encourager les coopérations entre régions frontalières sur des politiques communes, ce qui permet d'ailleurs d’obtenir des financements européens, les programmes transfrontaliers étant bien dotés.
Nous ne sommes donc pas en opposition. Peut-être cet article n’est-il pas l’endroit le plus judicieux pour faire figurer cette notion, mais celle-ci est distincte et complémentaire de la promotion au sein de l’Union européenne.
M. le président. L'amendement n° 231, présenté par MM. Savin, Calvet et Joyandet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Perrin, Raison, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize, A. Marc et Reichardt, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … Prendre en compte la représentation des habitants et des territoires dans l’organisation de la République. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. L’organisation territoriale de la République à tendance à imposer une uniformité calquée sur le modèle urbain, basé essentiellement sur la loi du nombre, source de recentralisation et d’éloignement. Or cette conception de l’organisation de la République accentue le mouvement de retrait de la montagne dans la gouvernance territoriale qui risque de perdre ainsi, outre ses relais habituels, toute visibilité et représentation au sein des exécutifs régionaux, départementaux et intercommunaux.
Alors que l’article 1er du projet de loi actualise les principes et les objectifs de la politique nationale de la montagne, cet amendement gagne tout son sens. Son objet est de prendre en considération la représentation des territoires et pas exclusivement le critère démographique fondé sur le nombre d’habitants dans l’organisation de la République.
Ce débat s’inscrit notamment dans celui des découpages de circonscriptions.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Savin. Celles-ci sont de plus en plus urbaines pour des questions d’équilibre démographique. Il n’y aura bientôt plus que très peu d’élus ruraux ou montagnards au sein de nos assemblées d’élus !
M. Alain Bertrand. Eh oui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’objectif 1 bis vise déjà à prendre en compte la diversité des territoires et les disparités démographiques à titre général. Le présent amendement me semble donc satisfait.
Par ailleurs, il est risqué de faire référence à l’organisation de notre République ici, car ce genre de disposition peut poser des difficultés d’ordre constitutionnel.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’article 1er de la Constitution dispose que la France est une République décentralisée, ce qui implique la prise en compte de la diversité des territoires et de leurs habitants.
Votre proposition monsieur le sénateur, fait totalement obstacle à la règle en vertu de laquelle les assemblées locales doivent être composées sur des bases essentiellement démographiques. Elle est donc contraire à la Constitution. Une seule dérogation existe : la loi garantit au moins un siège à chaque commune dans les intercommunalités.
Ce n’est peut-être pas le moment ni le lieu de nous lancer dans une révision constitutionnelle. Comme le rapporteur, je demande le retrait de l’amendement ; sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable, celui-ci étant clairement inconstitutionnel.
M. le président. Monsieur Savin, l'amendement n° 231 est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Le Conseil constitutionnel, comme pour l’ensemble des dispositions législatives, peut censurer une telle insertion. Cependant, il peut aussi ne pas le faire, et la portée de cet amendement serait alors un engagement fort pour nos territoires de montagne.
Pour ma part, je ne pense pas qu’il faille anticiper une censure dont le caractère n’est pas certain. C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement, malgré l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Cela fait vingt-cinq ans que je pense qu’il est urgent de modifier la Constitution, les élus représentant les citoyens, certes, mais aussi les territoires. Sinon, on finira par aboutir, comme l’a dit notre collègue Savin, à ce que des territoires ne soient plus représentés dans les assemblées.
La Lozère, par exemple, n’aurait pas de conseiller régional si une correction n’avait pas été introduite dans la loi. Le Conseil d’État a admis, dans la limite de 25 %, un mix entre la représentation des citoyens et celle des territoires. Nous devons néanmoins rester très vigilants, car comment des conseillers régionaux à Toulouse, à Bordeaux ou à Lyon peuvent-ils porter seuls ou à deux la voix d’un territoire rural dans une assemblée de 150, voire de 250 membres ? Dans le même temps, nous, les ruraux, observons avec stupéfaction les grandes villes compter six à dix députés, six à neuf sénateurs. Cette situation introduit un trouble.
Certes, ce n’est peut-être pas le jour ni le lieu, comme l’a indiqué M. le ministre, mais, un jour ou l’autre, il faudra réviser la Constitution pour que les représentants du peuple représentent le peuple et les territoires.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Nous ne méconnaissons pas, bien sûr, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais cet amendement nous permet aussi de marquer, comme vient de le faire notre collègue Bertrand, notre attachement à nos territoires. N’oublions pas que certains territoires, c’est le cas dans mon département, ont une densité de cinq habitants au kilomètre carré, soit deux fois moindre qu’au Sahel. Il ne faut pas mésestimer cet aspect.
Cet amendement, même s’il devait être retiré, me paraît marquer un point d’arrêt à une représentation qui serait strictement démographique. Il s’agit d’un appel : il faudra se saisir de cette question pour changer enfin la Constitution sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je tiens à remercier notre collègue Michel Savin d’avoir déposé cet amendement, mais aussi de le maintenir, car le sujet est important.
Je croyais que nous discutions d’un texte sur la montagne. Si nous sommes tous attachés à l’égalité des citoyens devant le suffrage, si nous partageons tous les objectifs de la Constitution, nous devons en même temps regarder la réalité telle qu’elle est, à savoir l’appauvrissement de la représentation des territoires dans les assemblées locales, voire au Parlement.
Je préside une intercommunalité qui a vu, de par la jurisprudence Commune de Salbris, un accord local complètement réduit à néant et certaines communes de montagne n’être plus représentées que par leur maire, ce qui est insuffisant pour des territoires immenses. Nous avons tous défendu, dans nos différents plaidoyers pour la montagne, le territoire, la richesse économique, la capacité d’accueil… Et nous ne serions pas capables d’assurer la représentation de ces territoires par leurs élus ?
Ces territoires représentent un patrimoine, un potentiel, une réalité économique considérables. Notre devoir, en tant que membres de la Haute Assemblée, est de marquer un coup d’arrêt, comme vient de le dire mon collègue Alain Marc, à la logique d’affaiblissement croissant de nos collectivités locales et de leurs assemblées délibérantes quand il s’agit de représenter à la fois la ruralité et la montagne.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous remercions les auteurs de cet amendement de poser la problématique de la représentativité des élus, renvoyée de projet de loi en projet de loi. Effectivement, la Constitution est ainsi rédigée, mais le principe d’une Constitution n’est-il pas d’être le meilleur texte pour permettre aux femmes et aux hommes de vivre et de s’administrer sur le territoire de la République ? Elle est donc amenée à évoluer pour répondre aux besoins, aux défis, aux enjeux de demain.
Nous ne sommes pas opposés à la question soulevée par cet amendement. Toutefois, est-ce au détour d’un amendement, y compris dans le présent projet de loi Montagne, qu’il faut modifier la Constitution ? Je ne le pense pas. Une telle modification nécessite de réfléchir à l’harmonisation entre l’exigence du principe même de la démocratie, qui est un homme, une voix, et donc la représentativité des élus par rapport au nombre d’habitants, et le fait que, principe de réalité oblige, cela vient d’être rappelé, lorsque des territoires sont dépourvus d’élus dans leur diversité…
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. … les femmes et les hommes qui y vivent ne sont pas représentés, parce qu’il en est ainsi de la nature humaine. Ce n’est pas faire offense que de poser ce principe.
Nous défendons systématiquement, pour renforcer la démocratie, démocratie de la représentativité des hommes et des territoires, le fait que nous ayons besoin de plus d’élus. Ce n’est pas un handicap en soi que plus d’élus représentent plus et mieux les populations et les territoires.
Sans faire de faux procès ou employer la langue de bois, nous ne sommes pas opposés à cet amendement. Cependant, nous nous abstiendrons, parce que nous pensons qu’il soulève des questions qui vont au-delà de la représentativité dans les territoires de montagne.
Des élections, présidentielle et législatives, auront bientôt lieu. Laissons la nouvelle majorité proposer une véritable réforme constitutionnelle prenant en compte tous ces éléments !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. La cohésion de notre pays et ses équilibres écologiques reposent sur deux piliers : des zones urbaines à très forte concentration d’habitants et des espaces ruraux, qui disposent certes d’une démographie moins importante, mais qui détiennent des richesses naturelles dont la France a besoin.
Nous devons arrêter la spirale dans laquelle nous sommes engagés et qui aboutirait à ce que seuls les territoires dont la population est importante auraient droit à la parole ou pourraient contribuer au débat public. Il faut afficher une autre volonté : tous les territoires doivent être représentés et apporter aux débats, tant locaux que nationaux, la richesse de leur point de vue.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je m’associe à cet amendement, car, pour les écologistes, les territoires doivent former un équilibre avec les villes afin d’assurer le respect de la diversité de la faune et de la flore. C’est pourquoi ces territoires doivent être correctement représentés.
Dans le cas où cette proposition serait contraire à la Constitution, sa durée de vie sera, de toute façon, relativement réduite… Je la voterai cependant comme un appel.
La question des circonscriptions électorales a été mentionnée. Je ne sais pas s’il s’agissait des circonscriptions législatives, mais, en ce qui me concerne, je pense que les territoires doivent être fortement représentés au Sénat, tandis que l’Assemblée nationale doit plutôt obéir à une logique démographique. Le Sénat est bien l’assemblée des territoires et, à partir de là, il doit avoir le dernier mot sur un certain nombre de sujets, en particulier pour tout ce qui concerne la préservation de la montagne ou pour ce qui a justement trait aux territoires comme l’écologie.
Je voterai cet amendement pour bien affirmer le fait qu’au niveau du Sénat il faut maintenir une représentation plus importante des territoires, même si cela ne correspond pas pleinement à la démographie.
On me dit souvent : « À quoi sert le Sénat, puisque l’Assemblée nationale a toujours le dernier mot ? » Certes, nous sommes utiles, car nous améliorons les textes, mais nous devons aussi redéfinir le rôle de notre assemblée, en particulier sur tous les sujets liés aux territoires.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. Il me semble, en écoutant les différentes interventions, que cet amendement nous emmène très loin… Il pose certes une question de fond, mais on ne peut pas la régler comme cela.
La France compte à la fois des sites urbains et des territoires ruraux et de montagne, si bien que les politiques publiques doivent être définies de manière complexe et fine. En outre, l’intérêt des habitants dépasse en fait le territoire sur lequel ils vivent. Lors de la dernière réunion de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, nous avons examiné cette question à l’occasion d’une table ronde à laquelle participait notamment André Rossinot. Nous y avons bien vu l’intérêt de faire travailler les gens ensemble et de développer la contractualisation.
Nous devons avoir une approche concrète des besoins de nos concitoyens, et nous ne pouvons pas régler leurs problèmes par des logiques cloisonnées. Voilà pourquoi cet amendement – au ton plaintif – ne me convient pas. Le grand pouvoir des montagnards, qui tient d’abord à leur force de conviction et à la biodiversité importante de leurs territoires, en serait finalement limité.
Cet amendement est très restrictif et porte une vision de l’aménagement du territoire que je ne souhaite pas défendre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je suis naturellement sensible à ce débat très intéressant, à la fois en tant que sénateur – faut-il rappeler que, constitutionnellement, le Sénat représente les territoires ? – et comme président de la commission de l’aménagement du territoire. Je suis donc en phase avec beaucoup d’arguments avancés.
On peut évidemment regretter que, en matière électorale, on ne prenne en compte que la dimension démographique, pas celle des territoires, mais il en est ainsi ! C’est le Conseil constitutionnel qui a rappelé ce point, en particulier, comme Loïc Hervé vient de le dire, dans sa décision Commune de Salbris du 20 juin 2014. À cette occasion, le Conseil a annulé la possibilité pour les intercommunalités, ce qui fonctionnait pourtant dans de très bonnes conditions, de conclure des accords locaux permettant à des communes, quelle que soit leur taille, d’avoir des représentations égales.
Nous sommes saisis aujourd’hui non pas d’un projet de loi constitutionnelle, mais d’un texte ordinaire qui concerne la montagne. Ce n’est donc pas en continuant à passer du temps sur cette question ici que nous ferons avancer les choses, car, s’il était adopté, cet amendement serait contraire à la Constitution.
Si vous voulez aller plus loin, mes chers collègues, je vous propose que nous travaillions ensemble sur une grande proposition de loi constitutionnelle qui pourrait être cosignée par des représentants de tous les groupes, mais ne passons pas plus de temps sur ce débat, qui n’a, encore une fois, pas sa place ici.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je partage pleinement la position du président de la commission. Ce n’est pas à l’occasion d’un débat sur la montagne que nous allons régler ce genre de sujet, qui soulève des problèmes constitutionnels comme l’égalité devant le suffrage.
Si vous souhaitez aller dans cette direction, il faut donc modifier la Constitution, mais aussi adopter des lois spécifiques d’application : aujourd’hui, c’est une loi qui permet, pour les cantons, de s’écarter de la moyenne démographique d’un maximum de 25 % ; c’est aussi une loi qui, dans les intercommunalités, garantit un siège à chaque commune.
Adopter une déclaration générale de principe au motif qu’il s’agit de zones de montagne sera censuré par le Conseil constitutionnel, mais posons-nous la question : pourquoi uniquement en montagne ? La ruralité – je n’oublie pas que je suis aussi ministre sur cette question – subit les mêmes difficultés.
Mme Annie David. La montagne est souvent en avance !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à plus de considération et de respect pour les territoires de montagne et ruraux, mais nous ne réglerons pas le problème ainsi. Son adoption ne pourra être, en tout état de cause, qu’un vœu pieux et son dispositif restera lettre morte.
M. le président. Monsieur Savin, que décidez-vous finalement ?
M. Michel Savin. Au président de la commission et au ministre, je dirai que ce débat a toute sa place ici. La preuve en est qu’il a eu lieu !
Dans nos collectivités, la problématique de la représentation des territoires se pose régulièrement, que ce soit dans les départements ou dans les régions. C’est une réalité tant humaine que politique. La constitution des listes électorales le montre bien, puisque les territoires de montagne ne sont pas les mieux représentés dans les positions éligibles. Pourtant, ces assemblées discutent de problèmes importants liés à l’aménagement du territoire, à l’économie touristique ou encore au logement en montagne, alors que les montagnards et les ruraux y sont très peu représentés.
Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement. Malheureusement, à chaque fois que l’on tente de débattre de cette question, le sujet est reporté. Pour autant, j’ai bien entendu l’argument constitutionnel, et je vais donc le retirer…
M. Loïc Hervé. C’est dommage !
M. Michel Savin. … pour des raisons d’intérêt général ; mais je note, au regard des interventions qui ont eu lieu, qu’il aurait pu être adopté.
M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article 2 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 2. – L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, promeuvent auprès de l’Union européenne et des instances internationales concernées la reconnaissance du développement équitable et durable de la montagne comme un enjeu majeur.
« À cet effet, ils peuvent proposer toute action ou initiative pouvant concourir à cet objectif et y associent le Conseil national de la montagne, les comités de massif intéressés et, le cas échéant, les organisations représentatives des populations de montagne.
« En outre, l’État et, dans les limites de leurs compétences et le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements, veillent à la prise en compte des objectifs définis à l’article 1er dans les politiques de l’Union européenne, notamment celles relatives à l’agriculture, au développement rural, à la cohésion économique et sociale et à l’environnement, ainsi que dans les accords et les conventions, internationaux ou transfrontaliers, auxquels ils sont partie. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Cornano, Antiste, Patient et S. Larcher et Mme Yonnet, n’est pas soutenu.
Article 3
L’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 8. – Les dispositions de portée générale ainsi que les politiques publiques et les mesures prises pour leur application relatives, notamment, au numérique et à la téléphonie mobile, à la construction et à l’urbanisme, à l’éducation, à l’apprentissage et à la formation professionnelle, à la santé, aux transports, au développement économique, social et culturel, au développement touristique, à l’agriculture, à l’environnement ainsi qu’à la protection de la montagne sont, éventuellement après expérimentation, adaptées à la spécificité de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif.
« Les spécificités des zones de montagne dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, soumises à un cumul de contraintes, sont prises en compte dans l’application du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Raison, Genest, Commeinhes, Calvet, Longuet, Morisset et de Raincourt, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Doligé et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
sont,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dès lors que des dynamiques locales s’expriment, accompagnées de façon à gommer les inégalités liées aux particularités des territoires de montagne. Tous les dispositifs financiers nationaux doivent faire l’objet d’adaptations spécifiques à chaque massif ou partie de massif permettant leur développement.
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Les politiques publiques doivent prendre en compte les spécificités des territoires afin d’assurer les mêmes services que ceux réalisés en plaine et de garantir une égalité entre tous les usagers. Les mesures financières doivent donc être adaptées aux spécificités culturelles et géomorphologiques de ces territoires pour accompagner au mieux leur développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement réécrit partiellement l’article 3.
La formulation « gommer les inégalités » n’apparaît pas très heureuse. En outre, cette réécriture ne mentionne plus l’adaptation des normes en tant que telle et l’ajustement de tous les dispositifs nationaux est problématique compte tenu de son ampleur et de son caractère systématique. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marc. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les sept premiers sont identiques.
L’amendement n° 40 rectifié est présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 183 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delahaye, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L’amendement n° 261 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L’amendement n° 299 rectifié est présenté par Mme Espagnac.
L’amendement n° 345 rectifié ter est présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mmes Di Folco, Imbert et Morhet-Richaud, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Houpert, Dufaut, Pointereau et Sido, Mme Lamure, M. de Raincourt et Mme Deromedi.
L’amendement n° 377 est présenté par M. Bouvard.
L’amendement n° 430 rectifié est présenté par MM. Carle et Savin.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, il est inséré un article 8 … ainsi rédigé :
« Art. 8 … – En raison des spécificités des territoires de montagne, le seuil de constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant une moitié au moins de communes situées dans une zone de montagne est fixé à 5 000 habitants minimum. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Actuellement, l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que le seuil minimum de population des EPCI à fiscalité propre est adapté, notamment dans les territoires de montagne. Pourtant, l’instruction du 27 août 2015 relative à l’application des dispositions de la loi NOTRe et à la mise en œuvre des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale indique explicitement que ce seuil reste une limite basse. Cette instruction invite même les préfets à dépasser ce seuil sous certaines conditions.
La rédaction actuelle du code général des collectivités territoriales et l’interprétation qui en est faite laissent, au final, une trop grande latitude au préfet, qui peut proposer seul d’appliquer ou non la dérogation pour les zones de montagne. Pour s’opposer à cet avis, la CDCI, la commission départementale de la coopération intercommunale, devra réunir une majorité des deux tiers, ce qui correspond à une majorité extrêmement difficile à obtenir.
À l’Assemblée nationale, les arguments utilisés pour rejeter cet amendement ont été minces à nos yeux. Ils sont de deux ordres.
Premièrement, vous avez dit, monsieur le ministre, ne pas vouloir remettre en cause la loi NOTRe. Nous pouvons l’entendre, mais, pour autant, l’objectif de ce projet de loi est bien d’adapter la règle nationale à la situation particulière, et reconnue comme telle, de la montagne.
Deuxièmement, il a été dit qu’une telle dérogation engendrerait une inégalité entre les différents territoires, mais, puisque cette possibilité existe déjà, nous ne voyons pas en quoi sa généralisation entraînerait une nouvelle inégalité.
Nous confirmons donc qu’il est du ressort de ce texte sur la montagne d’adapter la loi en fonction des évolutions institutionnelles nouvelles, tout en tenant compte des particularités spécifiques des territoires concernés, où la densité de population est faible du fait de la géographie.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 183 rectifié bis.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, vous avez évoqué, dès la discussion générale, la position du Gouvernement sur la question du seuil des 5 000 habitants. Ce débat rejoint d’ailleurs celui que nous avons précédemment tenu sur l’amendement de Michel Savin, malheureusement retiré.
Pour compléter les propos de Cécile Cukierman, je veux insister sur la différence qui peut exister entre, d’un côté, les débats parlementaires et la loi de la République française et, de l’autre, la réalité résultant de l’interprétation qui en est faite par les serviteurs de l’État, à savoir les préfets.
La loi NOTRe, que personnellement je n’ai pas votée, a fixé un seuil de 5 000 habitants pour la constitution des intercommunalités dans certains territoires, mais, dans mon département, comme dans d’autres, le préfet a apprécié ce seuil de manière très personnelle. Il me semble pourtant que la loi doit être appliquée telle qu’elle a été votée.
Je profite de cette occasion pour répondre à ce que disait Éliane Giraud. Je suis d’accord pour dire que les montagnes sont fortes dans des territoires élargis, en particulier lorsque leurs représentants discutent avec ceux des villes, mais encore faut-il qu’ils soient autour de la table… Il existe en effet de grandes intercommunalités sans aucun représentant des montagnards !
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l’amendement n° 261 rectifié bis.
M. Alain Bertrand. Lors de l’examen de la loi NOTRe, il avait bien été envisagé que des EPCI puissent être constitués à partir de 5 000 habitants, si le territoire ou le nombre d’habitants au kilomètre carré le justifiait. Cela s’est d’ailleurs passé ainsi en Lozère, et je m’étonne que d’autres représentants de l’État aient eu une interprétation différente de la loi.
Cet amendement vise donc à consacrer la loi NOTRe sans la modifier, ce qui peut être nécessaire pour mettre en œuvre la volonté affichée par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 299 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 345 rectifié ter.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à consacrer dans la loi Montagne l’adaptation des seuils de population pour les intercommunalités de montagne, afin de garantir la libre volonté des communes en matière de coopération intercommunale.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° 377.
M. Michel Bouvard. Nous sommes évidemment conscients de la redondance de ces amendements avec la loi NOTRe. Cela étant, il faut entendre la réalité du terrain : on ne peut pas, d’un côté, dire aux collectivités territoriales qu’elles sont libres de s’administrer et de s’organiser et, de l’autre, voir les préfets essayer d’imposer, à marche forcée, des schémas intercommunaux sans réelle concertation en amont.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Bouvard. Le seuil de 5 000 habitants avait été fixé afin de donner la souplesse nécessaire au processus. Dans certains bassins de vie, il peut y avoir une volonté des élus de montagne d’aller bien au-delà de ce seuil, par exemple lorsque le territoire, les problématiques et l’identité historique et géographique sont homogènes. Mais, dans d’autres endroits, cette identité correspond à un territoire plus étroit. Dans ce cas, il n’y a aucune raison d’imposer une solution, alors même que la loi a rendu possible le seuil de 5 000 habitants.
Vous le comprenez, on pourrait considérer ces amendements comme une marque de mauvaise humeur, mais ils visent d’abord à rappeler l’intention première du législateur. Il faut bien constater qu’une partie du corps préfectoral est passée outre sur ce sujet. Ont-ils estimé que leur carrière se porterait mieux en contribuant à créer des intercommunalités encore plus grandes ? (M. Loïc Hervé applaudit.) Ont-ils considéré que cela augmenterait la « performance » de l’État ? Mais une grande structure ne correspond pas nécessairement à davantage de performance !
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 430 rectifié.
M. Michel Savin. Je confirme qu’au vu de la position de certains représentants de l’État la dérogation permettant de fixer le seuil de création des intercommunalités à 5 000 habitants dans certaines zones de montagne n’est pas toujours respectée. Je ne citerai qu’un exemple : en Haute-Savoie, elle a été refusée à la communauté de communes de la rive gauche du lac d’Annecy, composée en totalité de collectivités relevant de la loi Montagne.
Nous devons éviter les situations conflictuelles. La dérogation doit être automatique, car les élus ne comprennent pas que la loi NOTRe la prévoie bien, mais qu’elle dépende de la bonne volonté du représentant de l’État.
M. le président. L’amendement n° 232, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize, A. Marc et Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En raison des spécificités des territoires de montagne, le seuil de constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant une moitié au moins de communes situées dans une zone de montagne est fixé à 5 000 habitants minimum.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. On le voit, la mise en œuvre de la loi NOTRe pose des difficultés dans de nombreux territoires. C’est le cas notamment en Haute-Savoie, comme cela vient d’être dit. Je rappelle cependant que les schémas préparés par les préfets ont été approuvés par les CDCI. C’est donc peut-être au niveau de ces commissions que certaines choses doivent être revues.
Je reconnais que l’interprétation des préfets a parfois été très restrictive, certainement dans le but de limiter le nombre des intercommunalités. Mais ce problème relève plus de l’application de la loi que de la loi elle-même. C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La loi Montagne ne me semble pas être le cadre adéquat pour remettre en cause la loi NOTRe. Je rappelle que ce texte a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, qui a ensuite été approuvé par le Sénat et l’Assemblée nationale. En outre, la loi n’entrera entièrement en application que dans quelques semaines.
Le Sénat a beaucoup débattu de ce projet de loi, vous le savez bien, y compris sur la question du seuil pour les intercommunalités. Rappelez-vous que le Gouvernement souhaitait, à l’origine, que ce seuil soit fixé à 20 000 habitants. Nous sommes descendus à 15 000, et les parlementaires – j’en étais à l’époque – ont obtenu un seuil de 5 000 dans certaines situations.
Nous sommes en train de conclure le processus, les dernières CDCI ont eu lieu et, dès le 1er janvier 2017, les nouvelles intercommunalités seront une réalité. Toucher maintenant au seuil ouvrirait une boîte de Pandore, dont vous ne mesurez pas les effets ! C’est pourquoi ces amendements, qui relancent le débat, me semblent extrêmement dangereux. En outre, leur adoption serait finalement sans effet.
Je rappelle que les schémas ont été approuvés avant le 31 mars 2016 et leur mise en œuvre touche à sa fin, puisque toutes les CDCI ont eu lieu et que nombre d’arrêtés ont été adoptés.
Comme l’a dit le rapporteur, je veux souligner que, contrairement à la loi de 2010, qui donnait un plein pouvoir d’appréciation aux préfets pour construire les nouvelles communautés de communes, ce sont maintenant les élus qui ont le pouvoir dans les CDCI. (Protestations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Marc. À condition de réunir une majorité des deux tiers !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je le répète, ce sont les élus qui ont le pouvoir dans les CDCI. Ils proposent, amendent et votent !
M. Michel Bouvard. Il faut une majorité qualifiée !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous pouvez le contester, mais c’est la réalité. Le préfet est une sorte de greffier en chef, un coordinateur. (Protestations sur plusieurs travées.)
Vous pouvez vitupérer, mais sachez que je suis cette question au jour le jour en lien étroit avec les préfets ! Dans à peine 15 % des cas les élus n’ont pas pu se mettre d’accord pour respecter les seuils, ce qui a amené le préfet à passer outre, mais 85 % des schémas ont été votés par les CDCI, qui sont composées, je le redis, d’élus.
Je sais les difficultés rencontrées dans quelques endroits, et je dois dire que nous en réglons beaucoup. Nous avons même réussi en Corse, territoire qui semblait pourtant le plus compliqué.
En cas de blocage, en particulier lorsque la majorité qualifiée de la CDCI n’est pas d’accord sur un schéma qui soit en cohérence avec la loi qui a été votée ici même, nous sommes contraints de passer outre. Ces situations ont été peu nombreuses et jamais l’exercice n’a été aussi démocratique !
Si certains estiment que quelques EPCI sont de taille « XXL » ou ne sont pas cohérents avec les bassins de vie, cela correspond pourtant aux votes des CDCI, où siègent les élus.
Je ne crois pas raisonnable de reprendre ce débat, car nous sommes le 12 décembre et, dans moins de trois semaines, l’ensemble des intercommunalités sera en place. On peut penser ce qu’on veut de telle ou telle loi, mais nous avons besoin de stabilité institutionnelle. Ne mettons pas du désordre maintenant !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous maintenons évidemment notre amendement. Vous le savez, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen n’a voté ni la loi de 2010 ni la loi NOTRe. Nous estimions en effet que vouloir imposer à toute force des intercommunalités ne créerait pas forcément du mieux sur les territoires.
Nous ne devons pas vivre dans le même monde, car la réalité est bien différente que celle que vous nous décrivez. Le préfet fait une proposition à la CDCI, certes, mais nous savons bien qu’il est très compliqué d’aller à l’encontre de cette proposition en raison de la majorité requise, qui est, selon les points de vue – chacun est libre de son appréciation… –, intelligente ou bloquante. En outre, les élus sont obligés de composer avec la pression visant à pousser en avant les intercommunalités et, souvent, ils se montrent résignés. Ils votent en effet en faveur d’une proposition, même si elle n’est pas satisfaisante, pour en éviter une qui serait encore pire.
Vous nous dites qu’on ne peut pas revenir sur les schémas, parce qu’ils ont été ratifiés au 31 mars, mais cela ne vous gêne pas que des conseillers communautaires élus au suffrage universel, ce à quoi je n’étais pas favorable, ne le soient plus à la fin du mois de décembre. (M. Loïc Hervé applaudit.) On remet en cause la démocratie en cours de mandat, on fait fi du vote de nos concitoyennes et de nos concitoyens,…
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Cécile Cukierman. … et cela ne pose de problème à personne puisque telle est la jurisprudence ! Effectivement, notre démocratie va mal et, quand la démocratie va mal, ce ne sont pas toujours les meilleures choses qui s’expriment dans les urnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Décidément, ce débat est très intéressant.
Premièrement, dans le cadre du consensus obtenu en commission mixte paritaire lors de l’examen de la loi NOTRe, cette question-là a fait partie du deal. Quand nous expliquons à nos collègues élus – même si je n’ai pas voté cette loi à titre personnel – que le législateur a obtenu une avancée considérable qui, dans les faits, ne se traduit pas en actes, cela pose une énorme difficulté.
Deuxièmement, monsieur le ministre, il faut vraiment que vous vous cachiez dans les rideaux d’une CDCI pour vous rendre compte de ce qui s’y passe. Le législateur n’a pas donné au préfet un stylo de greffier, il lui a donné un couteau suisse : il a donc la capacité de faire ce qu’il veut. D’un département à l’autre, on voit très bien que, selon la personnalité du préfet, ses idées, sa manière d’agir, la réalité a été très différente : dans certains cas, la discussion a été possible ; dans d’autres cas, cela a été beaucoup moins facile. Dans mon département, le préfet a imprimé sa marque de manière très forte. Michel Savin a évoqué la situation de la rive gauche du lac d’Annecy ; je pourrais citer d’autres exemples dans le département.
Je suis membre de la CDCI, mais plus pour longtemps, puisque le cumul des mandats va rectifier la situation. C’est dramatique, parce que nous ne pourrons peut-être plus vous dire dans quelques mois ce que nous vous disons aujourd’hui.
Dans notre département, certains territoires pouvaient valablement être concernés par cette dérogation qui leur a été refusée. Les élus qui siègent dans la CDCI ont plus un droit d’amendement qu’un droit d’élaboration du schéma, mais la règle des deux tiers rend illusoire toute adoption d’un amendement qui ne serait pas totalement consensuel.
Dès lors que le préfet n’a pas un stylo, mais un couteau suisse, vous pouvez imaginer ce qui peut arriver !
M. Jean-Noël Cardoux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Il s’agit bien d’un problème d’application de la loi NOTRe. Nous l’avons bien vu en commission des lois, chaque département a été traité en fonction du comportement de son préfet. En Aveyron, nous avons eu la chance d’avoir un préfet qui a déminé le terrain en organisant des discussions très en amont. Franchement, la réussite est quasi incontestable sur notre territoire, mais, ailleurs, tel n’a pas toujours été le cas.
Il est vraiment anormal que l’on n’accorde pas de dérogation de façon quasi automatique, si ce n’est en passant par la CDCI où, comme vient de le dire notre collègue Loïc Hervé, il faut un accord très largement consensuel. Nous avons bien senti, dans ces cas-là, que la personnalité du préfet jouait un rôle considérable. Il n’est pas normal que les façons de faire varient aussi considérablement. Comme l’a dit Michel Bouvard, on se demande parfois si les préfets n’espèrent pas obtenir une promotion plus rapide en fonction de l’étendue des intercommunalités qu’ils vont créer.
Connaissant de très grandes communautés de communes où de très petites communes ne sont même pas représentées, je peux vous dire que ces communautés de communes ne sont pas forcément efficaces.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Il n’est pas dans notre intention de remettre en cause quoi que ce soit ni de créer le désordre : il s’agit d’adapter les textes.
La semaine dernière, nous avons adopté une proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires. C’est bien la preuve que la loi n’est pas adaptée et qu’il faut prendre un certain nombre de mesures de rectification.
Je ne peux pas entendre un certain nombre d’arguments que l’on nous sert toujours sur le seuil de 15 000 habitants. On nous dit qu’il était fixé à 20 000 habitants, qu’il a été porté à 25 000 habitants et que l’on est redescendu à 15 000 habitants. Mais on ne tient pas compte de la réalité !
Dans mon département, ma communauté de communes compte 11 000 habitants et la communauté de communes voisine en a 4 000 : le total fait bien 15 000 ? Eh bien, à votre avis, combien d’habitants regroupe aujourd’hui notre communauté de communes ? Elle en compte 25 000 ! Tout cela, parce qu’il y avait une autre communauté de communes de 10 000 habitants et deux communes dont on ne savait pas quoi faire : soit on les mettait sur Le Bon Coin, soit on les rattachait à notre communauté de communes.
Certes, ce découpage a été adopté par la CDCI, mais, comme partout, les élus de l’autre bout du département se prononcent sans connaître la situation. Pour qu’une solution soit trouvée, soit un consensus est négocié au préalable, soit le maire de la commune principale fait valoir ses desiderata. En plus, comme le disait Loïc Hervé, je ne peux pas siéger à la CDCI, puisque je ne suis plus maire.
On nous dit qu’on a gagné ce seuil de 15 000 habitants, mais on n’a rien gagné du tout ! C’est ridicule. Le seuil reste à 15 000 habitants, mais nous nous retrouvons avec une communauté de communes regroupant 78 communes, avec 101 délégués pour 25 000 habitants. On part du Jura pour atteindre la frontière suisse quasiment…
M. Alain Bertrand. Il faut annexer la Suisse…
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. D’abord, je considère ces amendements comme des amendements de rappel, pour que les représentants de l’État dans les territoires respectent au moins l’esprit de la loi, ce que ne faisaient pas certaines DDE, devenues DREAL.
Ensuite, quand tout le monde se glorifie d’avoir baissé le seuil à 15 000 habitants, je pense que certaines travées sont plus gagnantes que d’autres – je ne parle pas de ceux qui n’ont pas voté la loi. Je sais qui a obtenu la baisse de ce seuil, et ce ne sont pas ceux qui s’en glorifient ! Ils se reconnaîtront…
Enfin, j’assiste à des réunions de CDCI sans avoir de voix délibérative, sur invitation du préfet ou à la demande de certains présidents de communauté de communes. L’adoption de ces amendements devrait permettre de rappeler à nos collègues élus qu’ils doivent renoncer à leurs querelles d’ego !
Mme Odette Herviaux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je n’ai pas envie d’allonger les débats, ni de parler de la loi NOTRe, ni de polémiquer avec M. le ministre qui, pour l’instant, est tout à fait consensuel. Néanmoins, je ne peux pas le laisser dire que les élus ont le pouvoir dans les CDCI, parce que ce n’est pas vrai !
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je n’ai pas voté la loi NOTRe, tout comme je n’avais pas voté la loi de réforme de 2010, car ces deux lois, qui sont identiques sur ce point, confèrent au préfet des pouvoirs dérogatoires par rapport au droit.
Mme Évelyne Didier. Exactement !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. En effet, c’est le préfet qui élabore le schéma et, pour que ce dernier soit amendé par la CDCI, il faut la majorité des deux tiers des membres de la commission. Pour obtenir une telle majorité qualifiée, vous le savez, il faut s’accrocher ! (MM. Loïc Hervé et Jean-François Longeot applaudissent.)
Dans le département où je suis élu, au moins deux tiers des avis rendus par les collectivités sur les différents schémas étaient négatifs. On a réussi à modifier un seul EPCI, parce qu’on a pu réunir la quasi-unanimité des élus du territoire concerné. Sauf dans des cas aussi évidents, la CDCI a beaucoup de mal à trancher, parce que réunir une majorité des deux tiers des membres est extrêmement difficile. C’est pour cette raison que très peu de schémas proposés par les préfets ont été modifiés.
Je veux bien tout ce que l’on veut, mais je ne peux pas entendre dire que le pouvoir est exercé par les élus au sein des CDCI. Je sais de quoi je parle, je siège encore dans une CDCI. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Toujours dans le même état d’esprit consensuel, permettez-moi de rappeler que, moi aussi, je siège dans une CDCI, et depuis le début !
M. Loïc Hervé. Ah !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Par ailleurs, je préside toujours une intercommunalité.
Je suis un des pionniers de l’intercommunalité : lorsque j’étais secrétaire d’État chargé des collectivités locales, j’ai inventé les communautés de communes. À l’époque, j’avais considéré qu’il fallait assurer un traitement égalitaire, en accordant deux représentants à chaque commune, quelle que soit sa taille.
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il se trouve que le dispositif a déjà explosé en 2010, où le préfet décidait seul. J’avais donc fait évoluer les accords locaux pour le mieux, au point que je tombe sous le coup de la jurisprudence Commune de Salbris, puisque le conseil municipal d’une commune membre de la communauté de communes a explosé et qu’il faut recomposer le conseil communautaire.
Non seulement je partage vos avis, mais je vis à titre personnel tout ce que vous avez décrit, même si je siège moins souvent à la CDCI actuellement.
Monsieur le président de la commission, qu’on le veuille ou non, ce n’est pas le préfet qui décide, ce sont les élus. Ceux-ci doivent se prononcer à une majorité qualifiée, c’est exact, mais dans 85 % des cas un accord a été trouvé. Pour dire toute la vérité, il faut ajouter que ce n’est pas toujours le préfet qui pose problème, car beaucoup de blocages résultent de conflits entre élus, le plus souvent entre « grands » élus. Comme je suis ces questions au quotidien dans mon ministère, je peux vous faire un roman-feuilleton de l’actualité des CDCI !
Quoi qu’il en soit, la loi a été votée. Dans 15 % des cas, on a passé outre, là où un accord était impossible, et ce sont bel et bien les préfets qui ont décidé. Dans le reste des cas, des amendements ont été adoptés par les CDCI.
La situation n’est manifestement pas satisfaisante, puisque de nombreux mécontentements s’expriment, mais on ne peut que constater une amélioration par rapport à la situation précédente où le préfet décidait seul. Je ne crois pas que ce soit ni le moment ni le bon texte pour rouvrir ce débat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié, 183 rectifié bis, 261 rectifié bis, 345 rectifié ter, 377 et 430 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3, et l’amendement n° 232 n’a plus d’objet.
Article 3 bis A
Dans leur principe, la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales intègrent les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale.
M. le président. L’amendement n° 449, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le présent amendement vise à supprimer les dispositions de principe de l’article 3 bis A.
Comme vous le savez, les députés avaient adopté un article tendant à prendre en compte les spécificités des territoires de montagne dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Je m’y étais opposé, au motif qu’une telle disposition relève naturellement de la réforme globale de la DGF prévue pour 2018. Je ne vois pas comment la moindre initiative parlementaire pourrait aboutir en 2017.
J’appelle cette réforme de mes vœux, comme vous tous, car la DGF est illisible, inéquitable, injuste, etc.
M. Loïc Hervé. Elle est presque supprimée !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Encore faut-il se mettre d’accord sur la réforme. Lors de ma nomination, le Premier ministre m’a dit qu’il fallait faire cette réforme. J’ai consulté chaque association d’élus : toutes m’ont dit que la DGF était illisible, inéquitable, injuste, mais, lorsque je leur ai demandé quelle réforme il fallait entreprendre, l’association des petites villes m’a parlé des problèmes des petites villes, celles des communes rurales des problèmes des communes rurales, celle des métropoles des problèmes des métropoles, etc.
J’ai donc réuni toutes les associations pour qu’elles me disent sur quels axes devait porter la réforme. Le président de l’AMF, l’association la plus importante, a lu au nom de tout le monde un communiqué demandant le report de cette réforme à la création d’un projet de loi relatif aux finances des collectivités locales examiné chaque année, à côté du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le Président de la République l’a annoncé lors du congrès des maires.
Quand j’ai consulté le groupe de travail des sénateurs et des députés, la discussion a été la même. L’exposé des motifs faisait le constat de la nécessité de réformer, mais personne n’était d’accord sur le fond de la réforme.
Je nous vois mal nous lancer dans ce débat lors de l’examen de ce projet de loi. On ne peut pas traiter cette question complexe en ne prenant en compte qu’une catégorie de collectivités.
En commission, vous avez non seulement maintenu cet article, mais vous y avez ajouté la prise en compte du FPIC. J’y suis d’autant plus opposé qu’il n’est pas question de réformer ce fonds de solidarité entre collectivités, en particulier celles qui sont situées en montagne.
Pendant des années, au Parlement, au congrès des maires, on a parlé de péréquation au nom de la solidarité. Le Gouvernement a fait cette péréquation, et c’est tout à son honneur. Tant que la péréquation est verticale, de l’État vers les collectivités locales, personne ne dit rien ; à partir du moment où elle devient horizontale, entre collectivités, ceux qui reçoivent restent silencieux, mais ceux qui contribuent protestent. Ma communauté de communes contribue au FPIC, je sais donc de quoi je parle ! C’est douloureux, mais je me dis que la solidarité n’est pas un vain mot.
Par souci de cohérence, je dépose cet amendement de suppression, parce que, d’une part, la réforme de la DGF me semble matériellement impossible dans le cadre de ce projet de loi et, d’autre part, concernant le FPIC, on a voulu la péréquation et qu’il faut la mettre en œuvre.
Enfin, j’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai décidé, avec l’accord du Premier ministre, de geler le FPIC à 1 milliard d’euros cette année : compte tenu de la réforme des intercommunalités, il me semblait indiqué de faire une pause sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Même si j’ai bien compris que vous vous étiez prononcé contre cette disposition lors des débats à l’Assemblée nationale, je m’étonne que le Gouvernement demande la suppression de cet article, qui résulte d’une rédaction de compromis.
Je rappelle que cet article, tel qu’il est rédigé, n’a pas d’impact sur le calcul ni sur la répartition actuelle de la DGF et du FPIC. Il vise simplement à poser le principe de la prise en compte des surcoûts rencontrés par les collectivités territoriales situées en zone de montagne dans le cadre d’une future réforme de ces dispositifs financiers. Il s’agit en quelque sorte d’un article « d’appel », qui vise à réaffirmer la nécessité de prendre en compte les spécificités de la montagne dans le cadre d’une réforme globale de la DGF et du FPIC, que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je félicite le rapporteur et la commission d’avoir intégré cet article dans leur texte. En effet, il reflète la réalité vécue par de nombreuses collectivités situées en zone de montagne : soit les collectivités ont vu leur DGF fondre comme neige au soleil – sous l’effet du réchauffement climatique, sans doute… –, puisqu’elle a totalement disparu de leurs finances, soit elles se sont vu attribuer cette année une DGF négative, c’est-à-dire qu’on leur adresse un appel de trésorerie. C’est le cas de la commune de Magland, en Haute-Savoie.
D’autres collectivités de montagne, parfois situées un peu plus en plaine, doivent adresser au FPIC un versement supérieur au montant de la DGF qu’elles reçoivent. C’est le cas de la ville de Cluses, dans le même département – je préside la communauté de communes de ce territoire.
Toutes ces communes sont concernées par les contraintes liées à la montagne : surcoût du foncier, neige en hiver, soutien à l’activité liée au tourisme. Il me semble donc utile de rappeler dans le texte de la loi que la DGF doit tenir compte de ces réalités, même si ce n’est qu’une pétition de principe.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je souhaite exprimer mon soutien au texte de la commission.
Monsieur le ministre, vous nous dites que cet article doit être supprimé, parce qu’un projet de loi sur la réforme de la DGF va nous être présenté et que tout sera remis à plat. Il me semble que c’est l’inverse qu’il faut faire.
Premièrement, nous ne savons pas si le projet de loi annoncé nous sera vraiment soumis. En tout cas, on n’en sait rien aujourd’hui.
Deuxièmement, si une réforme de la DGF doit intervenir, il est extrêmement important d’inscrire dans le marbre de cette loi sur la montagne le fait que les collectivités locales situées en montagne sont exposées à des surcoûts qui doivent être pris en compte dans le calcul de la DGF, dans toutes ses composantes. C’est la meilleure garantie que nous puissions avoir si une réforme de la DGF nous est présentée demain.
M. Daniel Raoul. Tu rêves !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, pour avoir participé au groupe de travail, je peux partager un certain nombre de vos lectures sur la manière dont la réforme de la DGF n’a pas abouti : nous savons que l’exercice sera extrêmement difficile. Il est renvoyé à 2018 et, quoi qu’il en soit, le dispositif relève de la loi de finances, nous n’allons donc pas en discuter ici.
En revanche, nous sommes parfaitement fondés à rappeler que certains principes généraux doivent être pris en compte et que les surcoûts liés à la montagne doivent être intégrés, à un moment donné, dans le calcul des dotations.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Bouvard. En ce qui concerne le FPIC, je veux bien que la solidarité soit organisée par niveau de collectivités. L’exposé des motifs est très bien construit sur ce point : tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, puisque la montagne reçoit plus qu’elle ne contribue.
Seulement, dans certains territoires de montagne, toutes les collectivités contribuent. Ce n’est pas de votre fait, monsieur le ministre, cela tient à la manière dont on a défini les critères du FPIC. Il n’en reste pas moins que, sur quatre départements où toutes les collectivités contribuent, on trouve trois départements de montagne – les deux départements savoyards et le Haut-Rhin – et un seul département urbain, celui des Yvelines.
Le problème, c’est que l’on retire des moyens parfois considérables – 1 million à 2 millions d’euros – à certaines communes et à certaines intercommunalités qui supportent des charges liées à la géographie. Il faut y ajouter l’insuffisance de la prise en compte de ces charges dans la DGF et la contribution au redressement des finances publiques. C’est devenu une véritable machine infernale !
Quant à la péréquation, il se trouve que nous n’avons pas discuté de la loi de finances, puisqu’une motion tendant à opposer la question préalable a été adoptée par le Sénat. Si nous l’avions examinée, nous aurions pu nous pencher sur un outil qui finance la péréquation verticale, à savoir la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, qui est versée à tous ceux qui n’ont pas trouvé de recette équivalente au moment de la réforme de la taxe professionnelle. Deux départements ne touchent pas la DCRTP et ne sont donc pas contributeurs au titre du prélèvement sur cette dotation : la Ville de Paris et le département des Hauts-de-Seine, qui sont les deux collectivités les plus riches de France !
Je pourrais aussi parler des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle où l’on prend sur la part des communes défavorisées…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Bouvard. … pour financer la péréquation. Je pense donc qu’il faut une remise à plat globale.
M. Alain Bertrand. Allez, on vote !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, vous avez prononcé une phrase que j’approuve : les collectivités ont besoin de stabilité institutionnelle pour les années à venir. J’espère que cette affirmation vaudra pour la constitution des communautés de communes et qu’on ne les incitera pas à toujours s’agrandir. Dans le même temps, nous avons besoin d’élaborer nos budgets.
En ce qui concerne le FPIC, je ne sais pas si beaucoup de communautés de communes reçoivent de l’argent, mais toutes celles qui sont autour de chez moi contribuent. J’aimerais que l’on nous présente un rapport précis sur les collectivités qui reçoivent et sur celles qui contribuent et qui explicite les critères.
M. Alain Bertrand. C’est incompréhensible !
M. Alain Marc. J’aspire à une transparence totale sur cet aspect, et j’insiste sur la nécessité de disposer d’une visibilité à moyen terme pour élaborer nos budgets. Nous risquons en effet de travailler bientôt en négatif, comme l’a dit un de nos collègues, et ce n’est pas pour cela que nous avons été élus.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous aurions pu vous suivre, monsieur le ministre, si vous aviez demandé le retour à la rédaction de l’Assemblée nationale, puisque cet article est issu de quatre amendements, dont un présenté par M. Wauquiez, à l’époque président de l’ANEM, et un autre présenté par Mme Battistel, à l’époque secrétaire générale de l’ANEM et aujourd’hui présidente. Ces amendements ont été adoptés avec votre avis favorable. Cet article était donc non seulement soutenu sur l’ensemble des bancs de l’Assemblée nationale, mais également par vous-même.
La commission du développement durable a modifié cet article pour y introduire une nouvelle manière de calculer le FPIC.
Sur le fond, mon groupe est plutôt en accord avec ce qui vient d’être dit par nos collègues. Dans l’agglomération grenobloise, par exemple, les villes qui contribuent le plus ne sont pas forcément les plus riches. Le mode de calcul du FPIC doit donc être revu.
Si vous aviez proposé de réécrire cet article en revenant au texte adopté par l’Assemblée nationale parce que vous ne vouliez pas intégrer le FPIC, nous aurions pu vous suivre. Puisque vous nous demandez de supprimer l’article, nous voterons contre votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
Dans leur principe,
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Je me suis interrogé sur la présence de la mention « dans leur principe » au début de cet article. Soit cette mention est inutile, auquel cas il faut la supprimer, soit elle ouvre la voie à une atténuation de la mesure, et il faut aussi la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cette rédaction a été retenue à l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, afin de poser le principe d’une prise en compte des surcoûts et des services rendus par la montagne dans le cadre d’une future réforme de la DGF. En effet, la prise en compte des spécificités de la montagne doit s’opérer dans le cadre d’une réforme globale de la DGF et des dispositifs de péréquation horizontale qui tendrait à remettre à plat l’évaluation des charges réelles supportées par les collectivités territoriales afin de définir des critères de charges et de répartition mieux adaptés.
Je propose de nous en tenir à la rédaction actuelle de l’article. Je vous demande donc de retirer votre amendement, mon cher collègue. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Delcros, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 102, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales intègrent
par les mots :
l’ensemble des dispositifs financiers de soutien aux collectivités territoriales, et notamment la dotation globale de financement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, intègre
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement vise à conforter la rédaction de l’article 3 bis A en proposant une version plus complète, laquelle inclut l’ensemble des dispositifs financiers de soutien aux collectivités territoriales, dont la DGF et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FNPRIC.
Cet article a fait l’objet de longs débats à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, j’ai bien pris en compte votre position initiale sur cet article. Vous avez, en effet, rappelé que la DGF devait faire l’objet d’une réforme globale dans un prochain texte et qu’il était préférable d’attendre ce débat pour prévoir des aménagements et en discuter.
Le groupe socialiste et républicain du Sénat s’inscrit totalement dans cette logique. Ce sujet est assez difficile et ô combien épineux pour mériter d’être traité dans une réforme à part entière !
Toutefois, nous avons aussi constaté qu’à l’Assemblée nationale, vous aviez finalement soutenu la proposition de compromis proposée par les rapporteurs, laquelle s’est traduite par cet article 3 bis A.
C’est pourquoi, tout en soutenant votre position de principe consistant à voir une réforme traiter spécifiquement la DGF, nous proposons de préciser la rédaction issue de l’Assemblée nationale afin de n’oublier aucun dispositif déjà existant, tout en anticipant les éventuels futurs dispositifs.
La précision sémantique contenue dans l’amendement nous semble nécessaire.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après les mots :
de fonctionnement
insérer les mots :
, dans ses composantes forfaitaires et ses dotations de péréquation,
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. L’article 3 bis A précise que la DGF prend en compte les surcoûts spécifiques à la montagne. L’objet de cet amendement est de bien préciser que les dotations de péréquation verticale qui composent la DGF prennent en compte, au même titre que la dotation forfaitaire, les surcoûts liés aux territoires de montagne. Nous voulons ainsi laisser une porte ouverte pour qu’il soit bien certain que l’ensemble de la DGF pourra, sous une forme ou sous une autre, intégrer et prendre en compte les surcoûts liés aux services rendus en montagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. À l’amendement n° 102, la formulation proposée me paraît trop large puisqu’elle comprend l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Cela concernerait, par exemple, la dotation politique de la ville ou la dotation générale de décentralisation, pour lesquelles il n’y aurait aucun sens à prévoir des modalités spécifiques s’agissant des zones de montagne.
Je propose donc d’en rester à la rédaction actuelle de l’article. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 14, une telle précision ne me paraît pas utile. La rédaction actuelle porte sur l’ensemble de la DGF, ce qui inclut bien la dotation forfaitaire et les dotations de péréquation.
Je vous demande, mon cher collègue, de retirer votre amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement rejoint le rapporteur et émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. Monsieur Roux, l'amendement n° 102 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Roux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.
Monsieur Delcros, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3 bis A.
(L'article 3 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3 bis A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 280 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section V du chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Réduction d’impôt dans les zones de revitalisation rurale prioritaire
« Art. 220 … – 1. Les zones de revitalisation rurale prioritaire comprennent les départements dont la densité de population est inférieure ou égale à trente-cinq habitants par kilomètre carré.
« 2. Dans les zones de revitalisation rurale prioritaire, le taux de l’impôt défini à l’article 205 est réduit de cinquante pour cent par rapport au taux normal. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 281 rectifié et 282 rectifié.
M. le président. Bien volontiers, mon cher collègue.
L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section V du chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Réduction d’impôt dans les zones de revitalisation rurale prioritaire
« Art. 220-… – 1. Les zones de revitalisation rurale prioritaire comprennent les départements dont la densité de population est inférieure ou égale à trente-cinq habitants par kilomètre carré.
« 2. Dans les zones de revitalisation rurale prioritaire, le taux de l’impôt défini à l’article 205 est réduit de trente pour cent par rapport au taux normal. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section V du chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Réduction d’impôt dans les zones de revitalisation rurale prioritaire
« Art. 220 … – 1. Les zones de revitalisation rurale prioritaire comprennent les départements dont la densité de population est inférieure ou égale à trente-cinq habitants par kilomètre carré.
« 2. Dans les zones de revitalisation rurale prioritaire, le taux de l’impôt défini à l’article 205 est réduit de quinze pour cent par rapport au taux normal. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Alain Bertrand. Ces amendements concernent la définition des zones de revitalisation rurale. Actuellement, elles sont tellement étendues sur le plan géographique qu’elles concerneront bientôt un tiers du pays. Les mesures qui leur sont destinées et qui ont pour objet de soutenir l’activité et l’emploi ne produisent plus d’effet.
Je serais, pour ma part, partisan de limiter la définition de ces zones aux territoires les plus ruraux, à l’hyper-ruralité. Et pour y parvenir, je propose de procéder en discriminant par le nombre d’habitants.
Nous proposons, par exemple, de fixer un seuil. Les zones de revitalisation rurale prioritaire comprendraient les départements dont la population est inférieure ou égale à 35 habitants au kilomètre carré, ce qui limiterait à douze le nombre de départements qui bénéficieraient d’une zone de revitalisation rurale prioritaire.
Comment faire en sorte d’attirer des entreprises dans ces zones ? Par exemple, en diminuant de manière forfaitaire le taux de l’impôt sur les sociétés de 50 % par rapport au taux normal, tel qu’il est ou tel qu’il deviendra, puisqu’il est éminemment changeant !
Nous savons, en effet, que ces zones très faiblement peuplées et éloignées des grandes villes subissent la triple, voire la quadruple, sinon la quintuple peine ! La zone de chalandise est très faible, les coûts d’approvisionnement sont élevés et les difficultés de communication sont importantes. Il est clair que nous manquons d’atouts pour attirer des entreprises et faire briller les yeux de l’entrepreneur qui serait certes tenté de venir s’installer parce que les loisirs sont peu chers, que nos régions bénéficient d’une certaine sécurité et que le système scolaire marche bien. Autant de choses qui peuvent plaire. Toutefois, quand ils nous demandent les avantages dont ils pourraient bénéficier, je regrette de constater que notre offre est en deçà de ce qu’elle pourrait être pour accueillir des entreprises nouvelles, susceptibles de créer de l’activité et de l’emploi.
Nous avons déposé un amendement de repli, qui propose une réduction d’impôt sur les bénéfices à 30 %. Quant à notre troisième amendement, toujours de repli, il propose de fixer cette réduction à 15 %.
Il faudrait revisiter ces zones de revitalisation rurale. Actuellement dotées d’un montant d’environ 300 millions d'euros, elles ont perdu de leur force, de leur impact.
Sans aller jusqu’à dire que c’est forcément aujourd'hui le bon moment, je veux attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues sur ce sujet, car il est très important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Ces trois amendements visent à créer une zone de revitalisation rurale prioritaire comprenant les départements dont la densité de population est inférieure ou égale à 35 habitants par kilomètre carré. Il s’agit de permettre aux entreprises installées dans ces territoires de bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit de moitié par rapport au taux normal – s’agissant de l’amendement n° 280 rectifié – ou réduit de 30 % ou de 15 % – s’agissant des deux amendements de repli.
Ces amendements conduisent à une extension importante du périmètre et des avantages des zones de revitalisation rurale. En effet, le classement s’opérerait au niveau du département, de sorte que toutes les communes de celui-ci bénéficieraient de ce classement en ZRR, quelle que soit leur taille.
Par ailleurs, ces amendements prévoient que le taux de l’impôt sur les sociétés soit réduit pour l’ensemble des entreprises installées dans ces territoires et de manière pérenne, alors que le dispositif actuel des ZRR ne concerne que les petites entreprises de moins de onze salariés et que les avantages sont octroyés pour une durée limitée dans le temps.
Parce que ces amendements ont une portée trop large, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur Bertrand, si vos amendements sont des amendements d’appel, je le comprends et je vous demanderai de les retirer. En effet, premièrement, une telle réforme relève non du projet de loi montagne, mais du projet de loi de finances.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Deuxièmement, nous sommes parvenus au moment où je vais enfin pouvoir communiquer à l’ensemble des parlementaires et à l’ensemble de celles et ceux qui sont concernés la nouvelle carte des ZRR que nous sommes en train de finaliser puisque nous avons une vision à peu près précise des nouvelles intercommunalités – je n’ose plus prononcer le mot ! Nous ne pouvons proposer de telles modifications au travers de cette loi.
Monsieur le sénateur, je sais votre intérêt pour l’hyper-ruralité et pour les zones rurales fragiles. Le moment ne nous semble toutefois pas opportun puisque nous allons publier, dans les semaines à venir, la nouvelle carte des ZRR. En tout état de cause, ce n’est pas dans le cadre du projet de loi Montagne que nous pouvons modifier tout cela. Le cadre adéquat est le projet de loi de finances dont, par manque de chance, le Sénat ne débat pas cette année…
M. le président. Monsieur Bertrand, les amendements nos 280 rectifié, 281 rectifié et 282 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Alain Bertrand. Non, je les retire, mais je déposerai une proposition de loi à ce propos.
M. le président. Les amendements nos 280 rectifié, 281 rectifié et 282 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 168 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 256 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L'amendement n° 298 est présenté par Mme Espagnac.
L'amendement n° 376 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 429 est présenté par MM. Carle et Savin.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La majoration de la population prise en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement intègre l’ensemble des modes d’hébergement de la population non permanente définis à l’article R. 133-33 du code du tourisme.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié.
M. Loïc Hervé. Décidément, monsieur le président, la DGF va nous occuper un peu ce soir…
Cet amendement, cosigné par un certain nombre de mes collègues du groupe UDI-UC, tend à permettre une meilleure prise en compte de la population non permanente pour la majoration de la population prévue dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement.
Actuellement, seules les résidences secondaires – un habitant par résidence secondaire – sont prises en compte dans cette majoration. Cet amendement vise à inciter le législateur à intégrer également, à l’avenir, les autres modes d’hébergement de la population non permanente.
Les stations de montagne sont confrontées à d’importantes variations de population liées à la saisonnalité de leur activité touristique, qui contribue fortement à l’économie de l’ensemble de la zone montagne.
Ces écarts très forts entre la population permanente et la population touristique induisent des charges supplémentaires à l’année pour les communes supports de stations que ne permet pas de compenser le niveau actuel de la dotation globale de fonctionnement malgré un niveau moyen de richesse apparent plus élevé dans ces territoires.
Il est donc proposé de prendre en compte ces populations en inscrivant dans la loi que la majoration de la population au titre du calcul de la dotation globale de fonctionnement doit intégrer l’ensemble des modes d’hébergement de la population non permanente définis à l’article R. 133-33 du code du tourisme.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l'amendement n° 256 rectifié.
M. Alain Bertrand. L’objet est le même. Nous proposons que la majoration de la population tienne compte des occupations réelles.
M. le président. L'amendement n° 298 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 376.
M. Michel Bouvard. Avant de compléter l’argumentation développée par Loïc Hervé, je veux revenir sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FNPRIC, que nous avons évoqué tout à l’heure.
Selon le Gouvernement, les communes de montagne bénéficieraient d’un traitement de faveur parce que le calcul ne prend pas en compte la taxe sur les remontées mécaniques.
À ce propos, je me permets de dire que toutes les recettes affectées, que ce soient celles des communes de montagne ou celles d’autres communes, ne sont pas prises en compte précisément parce qu’elles sont affectées.
J’en reviens au cœur du sujet et aux amendements qui concernent la prise en compte dans le calcul de la DGF de tous les modes d’hébergement de la population non permanente. Nous défendons là une proposition de cohérence par rapport à l’ensemble du texte.
Monsieur le ministre, l’un des enjeux que vous avez évoqués tout à l’heure avec beaucoup de justesse consiste à retenir des structures d’hébergement qui soient performantes et utilisées le plus possible.
Or, aujourd'hui, dans la majoration de DGF qui est prévue pour la prise en compte de la population, seules sont prises en compte les résidences secondaires, alors que ce mode d’hébergement est le moins performant sur le plan économique. En effet, il est privatif, il est utilisé à son gré par le propriétaire, qui l’occupe quand il a envie d’y venir et qui peut aussi le louer. Encore faut-il savoir que le produit de la location n’est pas toujours déclaré. Peut-être parviendrons-nous à avoir un peu plus de transparence si les dispositions envisagées pour Airbnb sont appliquées aux biens loués à travers des plateformes. Quoi qu’il en soit, cette solution est beaucoup moins performante que le mode de location par l’hôtellerie ou par des résidences de tourisme.
Or tous les modes de location proposés dans une station génèrent des charges supplémentaires, des places de stationnement, du déneigement, des circuits de ramassage des ordures ménagères, etc. Pour satisfaire une demande croissante, il faut augmenter les capacités de station d’épuration et régler les problèmes thermiques hiver-été, des charges qui sont d'ailleurs loin d’être compensées par les dotations des agences de bassin !
Si nous voulons encourager la performance, il faut encourager la prise en compte des modes de location les plus performants dans les dotations au titre de la DGF aux communes afin que ces dernières donnent la préférence à ce mode d’hébergement performant plutôt qu’aux modes d’hébergement privatif. Telles sont les raisons pour lesquelles il faut élargir le champ.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l'amendement n° 429.
M. Michel Savin. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Ces amendements ont été tellement bien défendus que j’émettrai, au nom de la commission, un avis favorable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’ai été moins convaincu et je vais m’en expliquer.
J’ai bien entendu ce qui a été exposé par les orateurs avec beaucoup de talent et de justesse. Sauf que certaines communes de montagne trouvent, au contraire, que la population saisonnière pèse trop lourd dans la répartition de la DGF. Il s’agit des communes qui ont des charges liées à la centralité et qui n’ont pas les hébergements en proportion.
Je veux même vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’un amendement a été déposé à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour prendre en compte la seule population permanente. Cet amendement, qui va dans un sens opposé au vôtre, monsieur le sénateur Bouvard, et à ce qui a été dit tout à l’heure, n’a certes pas été adopté, mais son dépôt montre que le point de vue que vous venez de défendre avec talent – au point que vous avez convaincu M. le rapporteur ! – est loin de faire l’unanimité parmi les communes de montagne.
Je veux vous mettre en garde : vous allez satisfaire les uns, mais vous allez aussi fortement contrarier les autres. Le débat est ouvert. Je vous le signale, il a eu lieu à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances.
L’amendement que vous défendez, monsieur le sénateur, favorisera, s’il est adopté, certaines communes au profil très touristique aux dépens d’autres communes moins touristiques, qui ne sont pas forcément les plus avantagées. Réfléchissez bien sur le fait que vous allez créer une opposition entre les uns et les autres. Certes, celles et ceux qui ont souhaité le dépôt et l’adoption de cet amendement vont vous complimenter – ce ne sont certainement pas les représentants des communes les moins nanties –, mais je pense que vous allez entendre monter au créneau celles et ceux qui sont moins bien lotis ! La situation actuelle offrait un quasi-équilibre et garantissait à peu près une justice.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voudrais demander une précision à M. le ministre. Si je comprends bien, l’amendement déposé à l’Assemblée nationale concerne les communes qui accueillent beaucoup moins de touristes pendant la saison et qui souhaitent donc en rester au calcul de la DGF fondé sur le nombre d’habitants permanents.
M. Bouvard défend les stations touristiques et les villages montagnards qui n’ont pas de touristes souhaiteraient en rester au décompte des habitants réels. En effet, si je comprends bien le raisonnement, avec la proposition de M. Bouvard, compte tenu du nombre de personnes accueillies dans les stations touristiques, beaucoup d’argent ira vers les stations qui tirent déjà de larges revenus du tourisme.
Ai-je bien compris, monsieur le ministre du tourisme ? Je vous prie de m’excuser de ce lapsus, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Rassurez-vous, monsieur le sénateur, vous êtes sauvé, puisque j’ai aussi été ministre du tourisme ! (Mêmes mouvements.)
Vous m’avez bien compris. L’amendement dont j’ai parlé a été déposé par un député, M. Joël Giraud, qui connaît bien ces sujets puisqu’il est élu d’un département de montagne, les Hautes-Alpes. Il considère que les stations dont nous parlons sont aujourd'hui déjà avantagées, alors que des communes voisines de montagne, qui n’ont pas les mêmes équipements et qui n’ont pas de clientèle touristique, sont doublement frappées. Outre qu’elles ne perçoivent pas les recettes liées au tourisme, elles sont pénalisées par la répartition actuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles je dis que l’équilibre actuel, qui est contesté de toutes parts, n’est peut-être finalement pas aussi mauvais qu’il n’y paraît…
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Cette fois-ci, je vais suivre non pas le rapporteur, mais le ministre. Cette proposition mériterait, à mon sens, d’être travaillée sur un mode plus collectif.
Pour connaître moi aussi assez bien Joël Giraud et débattre avec lui, au-delà du groupe de travail consacré aux saisonniers, dans un groupe de travail consacré à ce texte de loi, j’entends encore ses arguments. Je pense que le compromis trouvé devrait – pour le moment en tout cas – pouvoir nous satisfaire un petit peu toutes et tous, je veux parler des montagnards que nous sommes, quel que soit notre massif, qu’il soit un peu plus ou un peu moins touristique.
Je pense que déséquilibrer ici en séance le texte par cet amendement ne serait pas forcément un bon signe adressé à l’ensemble des montagnards.
Même si j’entends les arguments que vous pouvez avancer sur les coûts supplémentaires – je les connais –, je pense que ce déséquilibre n’irait pas forcément dans le sens voulu par l’ensemble des montagnards.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je pense que nous sommes dans une situation de confusion. Il s’agit non d’une enveloppe fermée, exclusivement réservée aux montagnards, mais de la réforme de la DGF dans son ensemble !
La majoration « commune touristique », qui ne porte aujourd'hui que sur les résidences secondaires, concerne toutes les communes touristiques de France et pas seulement les communes de montagne. De même, la disposition sur les offices de tourisme concerne tous les offices de tourisme de France.
Nous proposons d’aller vers une prise en compte dans la DGF du dispositif le plus dynamique, lequel consiste à prendre en compte l’ensemble des hébergements.
Je vais compléter l’argumentation. Si nous ne faisons pas cela, si nous ne prenons en compte que les résidences secondaires, nous encourageons la rente dans un certain nombre de stations où il ne se construit plus rien, où aucune activité nouvelle n’est créée. Ces communes encaissent parce qu’il y a beaucoup de résidences secondaires et elles vont continuer d’encaisser sans que cela ait le moindre côté productif !
Cette bêtise, nous l’avons déjà faite dans le passé quand a été cristallisée la dotation touristique dans la DGF. J’en parle d’autant plus aisément que cette mesure a été prise par un gouvernement que je soutenais, même si, pour ma part, je ne l’ai pas votée : il s’agit de la réforme Juppé de 1995. Les choses sont liées puisque la réforme de la DGF, qui n’a pas vu le jour, comportait malheureusement un point de consensus : à l’exception des élus des communes touristiques, tous étaient d’accord pour assassiner définitivement la dotation touristique ! J’y vois une raison de plus pour que nous élargissions l’assiette, de manière à soutenir les communes touristiques qui investissent plutôt que de continuer à privilégier la rente !
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je ne veux pas être redondant avec les explications de mon collègue Bouvard. Toutefois, opposer la ville centre de fond de vallée, qui, elle, ne bénéficierait pas directement des recettes de tourisme, et la station de montagne, c’est totalement inopérant !
Là, nous sommes sur la question nationale de la DGF. Et, disons-le, dans les territoires de montagne qui ont la chance d’avoir des stations de sports d’hiver, c'est-à-dire des stations qui ont des équipements importants, ces équipements bénéficient à l’ensemble du territoire.
Encore faut-il qu’ils puissent être entretenus, maintenus en l’état, voire développés. Il y a des charges de quasi-centralité qui sont assumées par certaines stations de sports d’hiver et qui ne profitent pas seulement à la population touristique. Pourtant, il faut que ces équipements existent et qu’ils soient maintenus en l’état.
Dans le contexte actuel, renforcer cette DGF pour ces collectivités représente un bienfait pour l’ensemble du territoire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 168 rectifié, 256 rectifié, 376 et 429.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 3 bis
Après l’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :
« Art 8 bis (nouveau). – Sans préjudice de la présente loi, et pour l’application et l’interprétation de celle-ci notamment, la spécificité de la Corse, territoire montagneux et insulaire présentant le caractère d’“île-montagne”, par suite soumise à un cumul de contraintes, est prise en considération conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
« L’État et la collectivité territoriale de Corse, en concertation avec les collectivités territoriales et établissements publics de l’île, veillent conjointement à la mise en œuvre en Corse de l’article 8 de la présente loi. » – (Adopté.)
Article 3 ter
(Supprimé)
Article 3 quater (nouveau)
I. – Les communes de montagne sortant de la liste du classement en zone de revitalisation rurale au 1er juillet 2017 continuent à bénéficier des effets du dispositif pendant une période transitoire de trois ans.
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 446, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous allons reparler des ZRR…
En effet, il ne me semble pas souhaitable, contrairement à ce à quoi tend l’amendement adopté par la commission, de prévoir un dispositif de sortie transitoire des communes en ZRR, ce qui reviendrait dans les faits à retarder la mise en œuvre de la réforme.
Je le dis d’autant plus que, je le rappelle, les entreprises ou les organismes d’intérêt général – les EHPAD, par exemple – bénéficiant de mesures d’exonération continueront à en bénéficier pour la durée initiale de l’engagement de l’État, c'est-à-dire jusqu’au bout, y compris si la commune sort de la ZRR.
Décider que l’on reporte de trois ans la sortie d’un certain nombre de communes en ZRR, c’est – pardonnez-moi l’expression ! – mettre la réforme « cul par-dessus tête » !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Évidemment défavorable !
La modification des périmètres intercommunaux couplée à l’application de nouveaux critères de classement en ZRR au 1er juillet 2017 pourrait conduire de nombreuses communes à sortir du classement en ZRR, alors même que leur situation reste inchangée. Cela pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour ces communes sortantes qui, du jour au lendemain, ne bénéficieraient plus des avantages du classement en ZRR pour inciter de nouvelles entreprises à s’installer sur leurs territoires.
Il nous paraît donc utile d’éviter les sorties « sèches » pouvant déstabiliser certains territoires et de mettre en place une garantie transitoire de trois ans.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 quater.
(L'article 3 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 3 quater
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lasserre, n'est pas soutenu.
Chapitre II
Moderniser la gouvernance des territoires de montagne
Article 4 A (nouveau)
L’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de création d’une commune nouvelle en application de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, le classement en zone de montagne est maintenu pour les parties de la commune nouvelle correspondant au territoire des anciennes communes précédemment classées en zone de montagne. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Remplacement d’un sénateur décédé
Mme la présidente. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Évelyne Rivollier est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice de la Loire, Jean-Claude Frécon, décédé le 10 décembre 2016.
Son mandat a débuté le dimanche 11 décembre 2016, à zéro heure.
10
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 12 décembre 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 (Exclusion des départements des tiers payeurs pouvant faire un recours contre les personnes tenues à réparation d’un dommage résultant d’une atteinte à la personne) (2016-613 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
11
Modernisation, développement et protection des territoires de montagne
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, il nous reste 324 amendements à examiner. Par conséquent, et comme nous y a invités tout à l’heure M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous devons nous montrer synthétiques dans nos débats.
Je vous propose par ailleurs de siéger cette nuit, jusqu’à une heure raisonnable. (On s’interroge sur diverses travées.)
M. Michel Bouvard. C’est comme le délai raisonnable ! (Sourires.)
Mme la présidente. Autrement dit, mes chers collègues, l’heure exacte de la levée de séance dépendra de votre attitude, de votre humeur et de la mienne. (Nouveaux sourires.)
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 403, visant à insérer un article additionnel après l’article 4 A.
Article additionnel après l'article 4 A
Mme la présidente. L’amendement n° 403, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 4 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-2-… – En cas de création d’une commune nouvelle regroupant au moins une commune située en zone de montagne, le classement montagne est transféré automatiquement à la commune nouvelle. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à combler une lacune législative. En effet, rien n’a été prévu, lors de la création d’une commune nouvelle regroupant des communes de montagne et des communes de piémont, non classées en zone montagne, quant au classement de la nouvelle commune. Nous proposons que le classement en zone montagne soit automatiquement transféré à la commune nouvelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. L’exposé des motifs de cet amendement fait état d’une inquiétude à ce sujet. Elle est néanmoins dissipée par la précision que nous avons adoptée en commission, sous la forme de l’article 4 A, dont l’objet est d’assurer le maintien du zonage pour les parties de la commune nouvelle correspondant aux anciennes communes précédemment bénéficiaires du zonage.
En revanche, nous sommes défavorables à la réponse que l’auteur du présent amendement veut apporter à cette inquiétude, à savoir l’extension du zonage de montagne à l’intégralité de la commune nouvelle ainsi créée. De deux choses l’une : soit les autres parties de la commune nouvelle présentent des caractéristiques de montagne, auquel cas elles étaient déjà classées en zone de montagne et la question ne se pose donc pas véritablement, soit ces autres parties ne présentent pas les caractéristiques requises pour le zonage de montagne, auquel cas elles n’ont pas vocation à bénéficier d’un dispositif qui vise à compenser les contraintes créées par l’altitude et la pente.
La commission vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; faute de quoi son avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Il est conforme à celui de la commission. Monsieur Bouvard, vous connaissez très bien ces problèmes. Quand une commune nouvelle est créée, les anciennes communes qui sont aujourd’hui classées zones de montagne conservent, en tant que parties de la nouvelle commune, le classement en zone de montagne. En revanche, si votre amendement était adopté, l’ensemble de la commune nouvelle, qui peut rassembler jusqu’à vingt communes anciennes, serait classé en zone de montagne, y compris des anciennes communes situées en plaine.
Je suis sûr, connaissant votre sagesse, que ce n’est pas ce que vous recherchez. Par conséquent, je vous demande le retrait de cet amendement, qui est d’une certaine manière satisfait : les communes qui sont classées aujourd’hui le resteront.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l’amendement n° 403 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 403 est retiré.
Article 4
Le troisième alinéa de l’article 5 de la loi n° 85–30 du 9 janvier 1985 précitée est complété par les mots : « et peut être modifiée après avis du comité de massif concerné et de la commission permanente du Conseil national de la montagne ». – (Adopté.)
Article 4 bis
(Supprimé)
Article 5
I. – L’article 6 de la loi n° 85–30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 6. – Il est créé un conseil national pour le développement, l’aménagement et la protection de la montagne dénommé Conseil national de la montagne.
« Ce conseil est le lieu de concertation privilégié entre le Gouvernement et les représentants de la montagne sur l’avenir des territoires de montagne et sur les politiques publiques à mettre en œuvre.
« Il est présidé par le Premier ministre ou, en son absence, par le ministre chargé de l’aménagement du territoire.
« Sa composition et son fonctionnement sont fixés par décret.
« Le conseil comprend notamment des représentants du Parlement, des conseils régionaux et départementaux concernés par un ou plusieurs massifs, des assemblées permanentes des trois établissements publics consulaires, des organisations nationales représentant le milieu montagnard et de chacun des comités de massif créés par l’article 7. L’Assemblée nationale et le Sénat sont représentés, respectivement, par cinq députés et par cinq sénateurs, dont deux désignés par la commission permanente chargée des affaires économiques, deux désignés par la commission permanente chargée de l’aménagement du territoire et un désigné par la commission permanente chargée de l’environnement au sein de chaque assemblée.
« Le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne mentionnée à l’avant-dernier alinéa du présent article est de droit vice-président du Conseil national de la montagne. Sur proposition du ministre chargé de l’aménagement du territoire, le Premier ministre peut désigner un second vice-président parmi les membres du Conseil national de la montagne.
« Le conseil définit les objectifs et précise les actions qu’il juge souhaitables pour le développement, l’aménagement et la protection de la montagne. Il a notamment pour objet de faciliter, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques dans les zones de montagne.
« Le conseil est consulté sur les projets de loi et de décret spécifiques à la montagne et sur les priorités d’intervention et les conditions générales d’attribution des aides accordées aux zones de montagne par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
« Il est informé des investissements de l’État mis en œuvre dans les conventions interrégionales et les programmes européens spécifiques aux massifs de montagne ainsi que du bilan d’activité des comités de massif.
« Il est réuni au moins une fois par an.
« Le Conseil national de la montagne constitue en son sein une commission permanente à laquelle il peut déléguer tout ou partie de ses compétences. Celle-ci élit son président en son sein.
« Le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne peut saisir le Conseil national de l’évaluation des normes dans les conditions prévues au V de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales. »
II. – (Non modifié) Au premier alinéa du V de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « Conseil d’État, par », sont insérés les mots : « le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 218 est présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
montagnard
insérer les mots :
, des associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Évelyne Didier. Un amendement identique a déjà été mis en débat à l’Assemblée nationale. Nous l’avons trouvé particulièrement pertinent, et les arguments employés par le Gouvernement pour le refuser ne nous ont pas convaincus. Nous reposons donc la question.
Les termes de cet article laissent au pouvoir réglementaire une très large marge d’appréciation pour le décret de composition du Conseil national de la montagne, sans garantir la présence d’associations représentatives de la protection du milieu montagnard. Cela nous pose problème.
En effet, si la composition de ce conseil relève du pouvoir réglementaire, comme cela a été rappelé à l’Assemblée nationale, le présent article a néanmoins largement précisé cette composition, en énumérant de manière non limitative les principaux organismes ou collectivités représentés.
Il est ainsi précisé que ce conseil sera composé de parlementaires, de conseillers régionaux et départementaux, de représentants des assemblées permanentes des trois établissements publics consulaires, des organisations nationales représentant le milieu montagnard et de chacun des comités de massif.
Nous considérons donc que le législateur; sans outrepasser ses droits, peut ajouter, au sein de cette liste déjà longue, les associations de protection de l’environnement.
Il s’agit, avant tout, de veiller à une juste représentation du monde associatif et, en particulier, des associations de protection environnementale, qui sont actuellement sous-représentées, alors qu’elles revêtent une importance particulière dans ce milieu si exceptionnel. À ce jour, seuls 5 membres du CNM, sur 59, appartiennent au monde associatif ; vous conviendrez que c’est fort peu.
Nous estimons, pour notre part, que la qualité des travaux du CNM requiert une meilleure représentation des associations de protection de la nature investies dans le milieu montagnard. Cela serait cohérent avec la volonté, affirmée dans ce projet de loi, d’une meilleure prise en compte des conséquences du changement climatique.
Cet amendement va aussi dans le sens de l’avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, qui souhaite un renforcement de la représentation associative au sein du CNM.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 218.
M. Jean Desessard. Cet amendement, identique au précédent, prévoit la représentation des associations de protection de l’environnement au Conseil national de la montagne.
Les termes de l’article 5, identiques sur ce point au texte en vigueur, laissent au pouvoir réglementaire une très large marge d’appréciation pour le décret de composition du CNM. En particulier, ils ne garantissent pas la présence d’associations représentatives de la protection du milieu montagnard.
Par ailleurs, si l’alinéa 5 de cet article précise que la composition et le fonctionnement du CNM sont fixés par décret, son alinéa 6 en détaille, de manière quelque peu contradictoire, la composition.
Notre amendement vise avant tout à veiller à une juste représentation du monde associatif et, en particulier, des associations de protection environnementale, qui sont sous-représentées dans la composition actuelle du CNM. À ce jour, seuls 5 membres du CNM, sur 59, appartiennent au monde associatif, dont un seul pour les associations agréées de protection de la nature.
La qualité des travaux du CNM requiert pourtant une meilleure représentation des associations de protection de la nature investies dans le milieu montagnard.
Cet amendement va dans le sens de l’avis du CESE, qui souhaite un renforcement de la représentation associative au sein du CNM.
On ne peut pas clamer partout qu’il faut préserver la montagne, toute sa biodiversité et tout ce qu’elle apporte, sans faire siéger au CNM des associations qui en soient garantes. Certes, je le sais, les élus sont formidables ; néanmoins, ils peuvent parfois privilégier des intérêts économiques de développement au détriment de la biodiversité et de la défense de l’environnement. C’est pourquoi nous souhaitons une meilleure représentation des associations de défense de l’environnement au sein du CNM.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je rappelle que la composition du CNM a vocation à être fixée par décret, malgré l’insertion de précisions à ce sujet dans le texte qui nous a été transmis. Il ne nous semble pas vraiment nécessaire d’ajouter des précisions supplémentaires. Par ailleurs, plusieurs organismes importants pour la gestion des questions environnementales sont déjà représentés, comme France Nature Environnement, le Conseil national de la protection de la nature, la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques et la Fédération nationale des chasseurs. La composition actuelle du CNM me semble équilibrée.
L’avis de la commission sur ces deux amendements identiques est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
D’abord, la composition de ce conseil sera arrêtée dans un décret pris par le Gouvernement. Bien naturellement, lorsque nous prenons ces décrets, quelles que soient les majorités, la diversité des associations est prise en compte. Le rapporteur vient de citer certaines d’entre elles. Nous ne pensons pas qu’il faille aller plus loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. On a aujourd’hui, selon moi, une représentation équilibrée au sein du CNM. En outre, comme les comités de massif désignent des représentants, rien ne leur interdit – c’est d’ailleurs déjà arrivé – de choisir leurs représentants dans les milieux associatifs ou de manière équilibrée entre les élus et les associations. Voilà pourquoi je ne vois pas l’intérêt de fixer un nombre minimum de représentants pour le seul secteur associatif.
Je dois par ailleurs répondre à notre collègue Jean Desessard que je suis assez choqué qu’on préjuge, par principe, des conflits d’intérêts dès lors qu’il s’agit des élus de montagne. Les propos qui ont été tenus, selon lesquels il faut limiter le nombre d’élus dans ce conseil du fait de ces conflits d’intérêts, sont inadmissibles ! (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. Jean-Yves Roux. Tout à fait !
Mme Annie David. Ce n’est pas ce qu’a dit Jean Desessard !
M. Michel Bouvard. Certes, les élus de montagne peuvent être intéressés par le développement de leur territoire, mais cela n’implique pas qu’ils ne s’intéressent pas à l’environnement. Par ailleurs, préjuger d’un conflit d’intérêts, comme cela est fait, est inadmissible eu égard à l’honnêteté et à l’intégrité d’élus dévoués. Je me permets de rappeler que, du fait des nombreux risques naturels qui existent en montagne, une proportion sans doute élevée d’élus de stations de sports d’hiver ont dû se défendre en justice. Ce n’était pas pour des malversations ; il s’agissait seulement de problèmes de gestion des risques, domaine dans lequel les élus se voient souvent poursuivis pour rien du tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne sais pas si l’on vous poursuit pour rien du tout…
M. Michel Bouvard. Personne ne me poursuit en justice !
M. Jean Desessard. Pour ma part, je ne vous ai jamais assigné devant un tribunal, monsieur Bouvard.
M. Michel Bouvard. Vous préjugez de l’intégrité des élus !
M. Jean Desessard. Je dis simplement que les fonctions des élus et celles des représentants d’associations sont différentes. À vous en croire, comme des élus sont présents, il ne serait pas nécessaire, par exemple, de faire figurer dans certains organismes des représentants d’associations d’usagers. J’estime simplement que les élus se croient au-dessus de tout, et je pense me montrer objectif.
M. Michel Bouvard. Et les représentants d’associations, ils sont objectifs, peut-être ?…
Mme la présidente. Je vous demande d’éviter les interpellations de travée à travée, mes chers collègues.
Veuillez poursuivre, monsieur Desessard.
M. Jean Desessard. Je ne pense pas qu’aux élus de montagne. Lorsque vous êtes élus, vos fonctions de gestion vous contraignent, que vous le vouliez ou non. Vous agissez pour l’intérêt général, certainement, mais il n’en est pas moins intéressant que des associations de défense de l’environnement puissent exprimer leur point de vue. Selon vous, l’élu est capable de tout : c’est faux ! Il a certaines responsabilités gestionnaires, et un souci pour ses électeurs et ses électrices ; une association, comme un syndicat de salariés, a une autre fonction. Ce partage des fonctions, cette biodiversité de la représentation, permet qu’un équilibre se fasse.
Monsieur Bouvard, je suis en désaccord avec vous. Il n’est pas pour autant nécessaire de prendre ce ton quand on vous dit que vous ne représentez pas tous les intérêts. En particulier, les élus de montagne, comme ceux du littoral, ne défendent pas toujours la préservation de l’environnement ; ils le font moins, en tout cas, que les associations qui s’y consacrent pleinement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 218.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 219, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
montagnard
insérer les mots :
, des syndicats représentatifs du monde agricole, dans le respect de l’article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je vais essayer de ne pas énerver certaines parties de notre hémicycle. Cet amendement vise pourtant à assurer la représentation, au sein du CNM, des syndicats représentatifs du monde agricole : certains peuvent se sentir touchés !
Actuellement, certaines des organisations syndicales d’agriculteurs ne siègent pas dans les instances nationales de la montagne. Permettez-moi de vous citer ce que prévoit l’article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.
« L’ensemble des organisations syndicales d’exploitants agricoles qui remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d’État ont vocation à être représentées au sein des commissions ainsi que dans les comités professionnels ou organismes de toute nature investis d’une mission de service public, ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, où siègent des représentants des exploitants agricoles.
« La présente disposition n’est pas applicable aux établissements et organismes dont les compétences s’exercent exclusivement dans le secteur des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine. »
Il n’est donc pas imaginable que les syndicats agricoles ne soient pas représentés au Conseil national de la montagne. Aussi cet amendement propose-t-il que les syndicats agricoles figurent dans la liste, partiellement inscrite dans ce projet de loi, des secteurs d’activité représentés, et ce dans le respect de l’article 2 de la loi de 1999.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Comme évoqué précédemment, il ne nous semble pas opportun d’apporter dans la loi des précisions supplémentaires relatives à la composition du CNM.
En matière de représentation du monde agricole, j’ajouterai que le CNM a déjà en son sein des représentants de quatre organismes. Cela me paraît suffisant ; il ne faudrait pas remettre en cause les équilibres existants au sein de ce conseil.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 144, présenté par M. Vial, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Après les mots :
et par cinq sénateurs
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement porte sur l’alinéa 6 de cet article, qui précise la composition, les missions et l’organisation du Conseil national de la montagne. Il ne s’agit pas de remettre en cause la représentation du Parlement prévue au sein du CNM, à savoir cinq sénateurs et cinq députés. Nous nous soucions simplement de leur mode de désignation. En effet, le texte en discussion répartit entre commissions les désignations de ces parlementaires. Selon la commission des lois, cela relève du seul règlement des assemblées et non du domaine de la loi. Il convient selon nous de s’en rapporter au choix auquel il sera procédé dans chaque assemblée conformément à son règlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Notre commission a souhaité compléter les précisions que le texte issu de l’Assemblée nationale apportait sur ce point : la procédure n’était fléchée que pour quatre parlementaires sur cinq dans chaque assemblée. Notre préoccupation, dès lors que l’Assemblée nationale avait fait le choix d’apporter de telles précisions, était que les dispositions en question soient cohérentes. Je précise par ailleurs que la loi en vigueur comporte de telles précisions incomplètes.
Il ne me semble donc pas indispensable de revenir sur ce point, d’autant que la rédaction n’est plus lacunaire. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Au vu de la dichotomie entre rapporteurs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Le texte de la commission apporte en effet des modifications au mode de désignation en vigueur. Clairement, les commissions des finances ne seront plus représentées, ce qui était le cas à l’Assemblée nationale. J’aurais tendance à partager l’opinion exprimée dans l’amendement de Jean-Pierre Vial : il faut laisser aux assemblées le soin de fixer cette répartition.
Mme la présidente. L’amendement n° 103, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le Premier ministre ou son représentant y présentent chaque année un rapport sur l’application de la présente loi et sur les mesures spécifiques qui auront été prises en faveur de la montagne.
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement vise à prévoir la présentation annuelle devant le Conseil national de la montagne, par le Premier ministre ou son représentant, d’un rapport sur l’application de la présente loi.
En effet, l’article 5 renforce les compétences du Conseil de la montagne et améliore son fonctionnement. Or, paradoxalement, l’article 102 de la loi de 1985, qui instaurait ce rapport annuel du Premier ministre, a été abrogé par ordonnance, dans le cadre d’une loi d’habilitation « portant simplification ». Il convient donc de le rétablir dans son esprit.
Cela serait d’autant plus judicieux que le présent projet de loi instaure un rapport annuel, devant le comité de massif, par le préfet coordonnateur de massif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Créer ce rendez-vous annuel nous paraît intéressant pour assurer un suivi régulier de la mise en œuvre de la présente loi et pour améliorer la continuité de la politique nationale de la montagne.
La commission est donc favorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est plus perplexe que la commission sur cet amendement. De fait, monsieur Roux, un rapport annuel sur l’application de la loi tout entière représente quand même une procédure très lourde.
Vous savez ce que je pense des rapports : nous en demandons beaucoup, vous en votez les principes, mais la plupart ne sont jamais réalisés, et ce qu’ils soient d’origine parlementaire, gouvernementale, ou autre. (M. Alain Bertrand applaudit.) Je ne suis donc pas sûr que votre solution soit la meilleure manière d’assurer une bonne application de la loi. À l’inverse, le CNM pourra prévoir, à chacune de ses séances s’il le souhaite, dans le respect des modalités de fixation de son ordre du jour, un point relatif aux actualités de l’année en matière de droit. Mais cette possibilité n’est pas du domaine de la loi ; elle relève du CNM.
Nous pouvons donc considérer qu’il est souhaitable – nombre d’entre vous siègent d’ailleurs au CNM – que celui-ci fasse un point annuel d’application des textes : cela pourra se faire, et sera efficace. Quant à un tel rapport, monsieur le sénateur, je crains qu’il ne se perde dans les limbes. Il serait donc sage, selon le Gouvernement, que vous retiriez cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Roux, l’amendement n° 103 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Roux. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Je remercie M. le rapporteur de nous avoir suivis, mais je retire l’amendement n° 103. (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 103 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé au sein du fonds national d’aménagement et de développement du territoire, une sous-section spécifique pour la montagne.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 33 de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 1995 a fusionné plusieurs fonds au sein du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Cette mutualisation a été justifiée par la nécessité de bénéficier de plus de souplesse et d’efficacité dans l’attribution de ces crédits. Pour autant, cette fusion n’est pas sans poser de problème. En effet, elle a entraîné une absence totale de garanties concernant l’affectation aux zones concernées, notamment la montagne, par des fonds géographiquement spécialisés, de montants comparables à ceux dont elles avaient bénéficié les années précédentes.
Cette fusion a notamment entraîné la disparition du fonds d’intervention pour l’autodéveloppement en montagne, le FIAM, qui avait été créé par la loi Montagne de 1985. De fait, le principe même de l’autodéveloppement a été abandonné, ce qui est préjudiciable.
Cette disparition a été d’autant plus critiquée que, depuis 2010, les moyens budgétaires affectés au FNADT sont en baisse de 44 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement. La mutualisation cache une diminution des crédits disponibles, alors même que les enjeux en matière d’aménagement sont immenses, et ce tout particulièrement en zone de montagne.
En 1999, le rapport d’évaluation de la politique de la montagne produit par le Conseil national de l’évaluation et le Commissariat général du plan considérait que « les résultats obtenus au moyen du FIAM […] plaid[aient] pour son individualisation claire au sein du FNADT, voire pour sa refondation au niveau national », tandis qu’une mission commune d’information du Sénat sur la politique de la montagne recommandait, en 2002, d’« envisager le regroupement dans un fonds spécialisé de l’ensemble des crédits du FNADT en faveur des massifs ».
Nous reprenons à notre compte ces préconisations et nous proposons, par cet amendement, une individualisation et une sanctuarisation des fonds affectés à la montagne au sein du fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. À la suite de l’intégration du FIAM au sein du FNADT, celui-ci est venu participer au financement des conventions interrégionales de massif, à hauteur de 120 millions d’euros pour la période 2007-2014 et de 112 millions d’euros pour 2015-2020. Comme l’a montré le récent rapport de notre collègue Bernard Delcros, le FNADT constitue ainsi le principal instrument financier de soutien de l’État à la politique de la montagne.
Cet amendement vise à recréer un fonds similaire au FIAM au sein du FNADT, ce qui ne nous paraît pas utile eu égard aux moyens déjà consacrés à la montagne par ce fonds. Par ailleurs, créer une sous-section au fonds ne signifie qu’elle sera automatiquement alimentée en loi de finances.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
I. – L’article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 7. – I. – Il est créé un comité pour le développement, l’aménagement et la protection de chacun des massifs de montagne, dénommé comité de massif.
« Ce comité est composé, en majorité, de représentants des régions, des départements, des communes et de leurs groupements. Il comprend également deux députés et deux sénateurs ainsi que des représentants des trois établissements publics consulaires, des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, des organisations socioprofessionnelles et des associations concernées par le développement, l’aménagement et la protection du massif.
« Il constitue une commission permanente, composée en majorité de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements. Cette commission élit son président en son sein.
« Le comité est coprésidé par le préfet coordonnateur de massif, représentant de l’État désigné pour assurer la coordination dans le massif, et par le président de la commission permanente mentionnée au troisième alinéa du présent I.
« II. – Le comité de massif définit les objectifs et précise les actions qu’il juge souhaitables pour le développement, l’aménagement et la protection du massif. Il a notamment pour objet de faciliter, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques dans le massif et l’organisation des services publics.
« Il peut saisir la commission permanente du Conseil national de la montagne de toute question concernant son territoire.
« Il prépare le schéma interrégional d’aménagement et de développement de massif mentionné à l’article 9 bis.
« Il est informé au moyen d’un rapport annuel établi par le préfet coordonnateur de massif des décisions d’attribution des crédits inscrits dans les conventions interrégionales de massif et par le responsable de l’autorité de gestion concernée des décisions d’attribution des crédits inscrits dans les programmes européens interrégionaux en vigueur sur le territoire du massif.
« En Corse, les crédits relatifs à la montagne mentionnés au quatrième alinéa du présent II font l’objet, dans des conditions déterminées en loi de finances, d’une subvention globale à la collectivité territoriale de Corse. Cette subvention est répartie par l’Assemblée de Corse, sur proposition du conseil exécutif et après avis du représentant de l’État, entre les différents projets à réaliser en zone de montagne. Le comité de massif en est informé au moyen d’un rapport annuel établi par le président du conseil exécutif.
« Le comité de massif est également consulté sur l’élaboration des prescriptions particulières de massif, sur les projets de directives territoriales d’aménagement et de développement durables, dans les conditions prévues à l’article L. 102-6 du code de l’urbanisme, et sur les projets de schémas de cohérence territoriale, dans les conditions prévues à l’article L. 143-20 du même code.
« Il est informé de tout projet d’inventaire et de son résultat, du classement des espaces naturels définis au livre III du code de l’environnement, de la désignation des sites Natura 2000 prévue à l’article L. 414-1 du même code et des conditions de gestion de ces espaces.
« Il peut proposer une modification de la délimitation des massifs. Il est en outre saisi pour avis de tout projet de modification de la délimitation de ces massifs.
« Il est consulté sur les conventions interrégionales et les programmes européens spécifiques au massif ainsi que sur les contrats de plan conclus entre l’État et les régions et les programmes opérationnels européens des régions concernées en tout ou partie par le massif. Il est associé à l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires dans les conditions prévues au I de l’article L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales.
« Il peut être associé à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation mentionné à l’article L. 4251-13 du même code.
« III. – Le comité de massif organise ses activités. Il désigne en son sein au moins trois commissions spécialisées compétentes, respectivement, en matière d’espaces et d’urbanisme, en matière de développement des produits de montagne et en matière de transports et de mobilités, dont la composition et les missions sont précisées par décret.
« IV. – Un décret précise la composition de chacun des comités de massif et leurs règles de fonctionnement. Ces règles sont adaptées à la taille des massifs, notamment en ce qui concerne l’organisation interne du comité.
« Par dérogation au premier alinéa du présent IV, la composition et les règles de fonctionnement du comité pour le développement, l’aménagement et la protection du massif de Corse sont fixées par délibération de l’Assemblée de Corse, qui prévoit la représentation des personnes morales concernées par le développement, l’aménagement et la protection du massif, notamment celle de l’État, des autres collectivités territoriales de l’île et du parc naturel régional. »
II. – (Non modifié) La section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :
1° L’article L. 102-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la directive territoriale d’aménagement et de développement durables concerne tout ou partie d’un ou plusieurs massifs tels que définis par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, les comités de massif concernés sont saisis pour avis, au même titre que les collectivités territoriales concernées et leurs groupements. » ;
2° L’article L. 102-6 est complété par les mots : « et les comités de massifs concernés par le périmètre du projet ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 266 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, et notamment des communes forestières
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. L’article 6 dresse une liste non exhaustive des membres qui doivent obligatoirement siéger au comité de massif. Ce projet de loi renforce le rôle de ce comité dans l’élaboration de documents de planification tels que les directives territoriales d’aménagement et de développement durable et les schémas de cohérence territoriale, les SCOT.
Les zones de montagne comportant plus de 4 millions d’hectares de forêt, il convient d’assurer la représentation des communes forestières au sein de ce comité de massif ; tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 339 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Houpert, Pointereau, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
des représentants
insérer les mots :
des communes forestières,
II. – Alinéa 16, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Remplacer les mots :
et en matière de transports et de mobilités
par les mots :
en matière de transports et de mobilités, et en matière de filière forêt-bois
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement, tout comme le précédent, vise à préciser la composition des comités de massif, en prévoyant la représentation des communes forestières. Cela serait en faveur d’une gestion territorialisée des politiques forestières.
Mme la présidente. Les amendements nos 15, 210, 215 rectifié, 233 rectifié et 408 sont identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par Mme Loisier, MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L’amendement n° 210 est présenté par Mme Espagnac.
L’amendement n° 215 rectifié est présenté par MM. P. Leroy, César, de Nicolaÿ, B. Fournier et Vasselle.
L’amendement n° 233 rectifié est présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, Darnaud, Saugey et Pierre, Mme Giudicelli et MM. Chaize, A. Marc et Reichardt.
L’amendement n° 408 est présenté par M. Bouvard.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
des représentants
insérer les mots :
des communes forestières,
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Jean-François Longeot. L’objet du présent amendement est de prévoir la présence de représentants des communes forestières dans les comités de massifs.
Les zones de montagne sont fortement boisées et la filière forêt-bois est liée à toutes les problématiques de l’aménagement de ces territoires. Des politiques de massif donnent l’opportunité d’intégrer l’enjeu majeur de la forêt aux différentes politiques d’aménagement à une échelle opérationnelle, ce qui permet une prise en compte des spécificités des massifs.
Les communes forestières ont fait valoir la spécificité des forêts de montagne et la pertinence de politiques forestières territoriales portées à l’échelle des massifs.
Mme la présidente. L'amendement n° 210 n’est pas soutenu, non plus que l’amendement n° 215 rectifié.
La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l'amendement n° 233 rectifié.
M. Michel Savin. Dans les Alpes, la forêt de montagne représente 41 % de la surface totale du massif, 14 000 emplois locaux, dont 6 700 salariés dans la construction de menuiserie, 800 millions d’euros de valeur ajoutée, 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont plus d’un milliard d’euros dans la construction bois. Par conséquent, il est nécessaire que la filière forêt-bois soit représentée dans les instances de gouvernance des territoires de montagne, notamment par des représentants des communes forestières.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 408.
M. Michel Bouvard. J’ai quelque peu hésité avant de déposer cet amendement.
Actuellement, la désignation des représentants des maires et des collectivités aux comités de massif se fait via l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF. Par conséquent, entre les dosages géographiques des différents départements et les dosages politiques, on n’était pas assuré de voir systématiquement nommé un maire qui soit un bon connaisseur des communes forestières.
J’ai eu l’occasion de présider pendant un certain nombre d’années le comité de massif des Alpes, au sein duquel se trouvait alors Jean-Claude Monin, qui a longtemps présidé la Fédération nationale des communes forestières. Nous avions mis en place à l’époque la première charte interrégionale forestière de massif.
Que le comité de massif compte des élus ayant une véritable expertise en matière d’exploitation de forêts publiques et une bonne connaissance est un atout. C’est ce qui m’a convaincu de prévoir spécifiquement qu’y siège un représentant des communes forestières.
Mme la présidente. L'amendement n° 104, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
établissements publics consulaires,
insérer les mots :
des communes forestières, de l’économie sociale et solidaire,
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Il s’agit de prévoir explicitement la présence, au sein des comités de massif, de représentants des communes forestières et de représentants de l’économie sociale et solidaire, deux secteurs stratégiques pour le développement et l’avenir des territoires de montagne. Cette disposition nous semble aller dans le bon sens. D’ailleurs, au regard du nombre d’amendements identiques déposés, il semble que cette position soit largement partagée.
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le mot :
socioprofessionnelles
insérer les mots :
, notamment issus de l’économie sociale et solidaire
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons également revenir sur la composition du comité de massif en prenant en compte une préconisation de l’avis du Conseil économique, social et environnemental. Celui-ci a en effet considéré qu’il convenait de renforcer la représentation, au sein tant des comités de massif que du Conseil national de la montagne, de représentants de l’économie sociale et solidaire au regard du développement de cette intéressante forme alternative d’économie, porteuse d’avenir pour tous les territoires, en particulier pour la montagne.
Dans leur rapport du 27 juillet 2015, les députées Laclais et Genevard incitaient fortement à renforcer la représentativité de membres de la société civile au sein des comités de massif. La présence de représentants de l’économie sociale et solidaire irait en ce sens.
Malheureusement, cette dimension n’a été que très peu prise en compte dans ce texte. Celui-ci s’est en effet concentré sur les questions des compétences de cette instance et d’interconnexions avec les autres structures et les collectivités. Nous regrettons également que la question des moyens n’ait pas été prise en compte.
Pourtant, le rapport parlementaire préconisait très clairement de renforcer ceux-ci pour permettre aux comités de jouer efficacement leur rôle. Il évoquait notamment la mise à dispositions de capacité d’expertise et de crédits d’étude, ce qui aurait été utile pour les travaux, de plus en plus denses, demandés aux comités de massif.
En tout état de cause, et parce que l’article 40 de la Constitution nous empêche d’aborder directement la question des moyens publics, nous demandons pour le moins une évolution de la composition des comités de massif afin de tenir compte du développement de nouvelles formes d’économies, fondées sur un principe de solidarité et d’utilité sociale. Nous souhaitons par conséquent la présence de représentants de l’économie sociale et solidaire au sein du comité de massif.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par Mme Loisier, MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 216 rectifié est présenté par MM. P. Leroy, César, de Nicolaÿ, B. Fournier et Vasselle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Après les mots :
de montagne
insérer les mots :
, en matière de protection et de développement de la filière forêt-bois
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 16.
M. Jean-François Longeot. Il s’agit de prévoir que, parmi les commissions spécialisées au sein des comités de massif, figure une commission spécialisée en matière de protection et de développement de la filière forêt-bois.
Les zones de montagne sont fortement boisées et la filière forêt-bois est liée à toutes les problématiques de l’aménagement de ces territoires. Des politiques de massif donnent l’opportunité d’intégrer l’enjeu majeur de la forêt aux différentes politiques d’aménagement à une échelle opérationnelle permettant une prise en compte des spécificités des massifs.
Les communes forestières ont fait valoir la spécificité des forêts de montagne et la pertinence de politiques forestières territoriales portées à l’échelle des massifs.
Mme la présidente. L’amendement n° 216 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 105, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Après les mots
produits de montagne
insérer les mots :
, en matière de développement de la filière forêt-bois
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Il s’agit de prévoir la création d’une commission spécialisée compétente en matière de développement de la filière forêt-bois au sein du comité de massif. Un amendement à l’objet similaire a été déposé à plusieurs reprises en commission, signe que se dégage un certain consensus autour de l’utilité de cette mesure.
En effet, au regard de l’importance économique actuelle et à venir de la filière forêt-bois dans les territoires de montagne et des obstacles qui nuisent aujourd’hui à son développement, la création d’une commission spécifique au sein des comités de massif pour accompagner son essor nous semble nécessaire.
Je précise que cet amendement répond à une demande de la Fédération nationale des communes forestières. Cette commission spécialisée veillerait à soutenir une approche intégrant le secteur forêt-bois dans le développement des territoires de montagne.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Michel Bouvard. C’est déjà le cas !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 234 est présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Perrin, Raison, Darnaud, Saugey et Pierre, Mme Giudicelli et MM. Chaize, A. Marc et Reichardt.
L'amendement n° 267 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Après les mots :
produits de montagne
insérer les mots :
, en matière de filière forêt-bois
La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 234.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 267 rectifié.
Mme Hermeline Malherbe. Il existe actuellement trois commissions spécialisées : la première, en matière d’espaces et d’urbanisme, la seconde, en matière de développement des produits de montagne – c’est bien –, la troisième, en matière de transports et de mobilités – c’est intéressant. Reste que, comme cela a été souligné, il est important de prévoir une commission spécialisée dans la filière forêt-bois, à l’instar de ce qui existe dans les parcs naturels régionaux ou les parcs naturels nationaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Bertrand. Défavorable ! (Sourires.)
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Quelle anticipation, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
La commission demande en effet le retrait de tous ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Évidemment, ce n’est pas contre la filière forêt-bois.
Je précise aux auteurs de l’amendement no 266 rectifié et des amendements identiques nos 15, 233 rectifié et 408 que la composition des comités de massif prévoit déjà des représentants de communes. Rien n’empêche dans le cadre existant de nommer des représentants de communes forestières. Aller aussi loin dans le détail risque de soulever de nouvelles demandes, au point d’aboutir à une composition trop rigidifiée et de rendre plus complexe l’avis des élus. Demain, ce sont d’autres communes particulières, comme les communes touristiques, qui demanderont à y être inscrites.
La commission est sceptique sur l’opportunité de multiplier le nombre de commissions spécialisées obligatoires, ainsi que le proposent les auteurs de l’amendement n° 339 rectifié bis.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La rédaction actuelle laisse la possibilité pour chaque comité de créer d’autres commissions spécialisées, en plus des trois commissions qui sont relatives à l’urbanisme, les produits de montagne et les transports. Si l’importance de la filière forêt-bois le justifie et que les différents participants au comité de massif partagent la volonté de créer une commission supplémentaire, il n’y aura aucune difficulté à mettre en place cette dernière ; le droit en vigueur le permettra.
Pareillement, la commission sollicite le retrait des amendements nos 104, 37, 16 et 105, ainsi que des amendements identiques nos 234 et 267 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Alain Bertrand. Il n’explique rien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement partage en tout point la sage position du rapporteur.
Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 339 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 339 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 233 rectifié et 408.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 104 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 37.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 234 et 267 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 288, présenté par MM. Labbé, Dantec, Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux,
par les mots :
des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux,
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L'article 6 définit la composition des comités de massif et prévoit un représentant pour les parcs naturels, qu’ils soient nationaux ou régionaux. Il s’agit donc de proposer un représentant spécifique pour les parcs naturels régionaux et un représentant spécifique pour les parcs naturels nationaux, afin de permettre une représentation de chacune des structures dont les rôles et missions ne sont pas identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement de précision.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. Je suis à chaque fois la position du rapporteur ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 64 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Raison, Genest, Commeinhes, Calvet, Longuet, Morisset et de Raincourt, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Doligé, Panunzi, Chaize et Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les parlementaires élus du massif sont également membres du comité de massif avec la responsabilité particulière de veiller à l’adéquation des dispositions de la présente loi avec les attentes exprimées par le massif.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Il s’agit d’intégrer les parlementaires dans les comités de massif, afin de veiller à ce que l’esprit du texte réponde au plus juste aux attentes des habitants des massifs. En outre, cela permettra de faire remonter plus facilement certains problèmes à l’échelon national afin que soient examinées les dispositions inadéquates et, le cas échéant, apportées les modifications qui s’imposent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement semble satisfait par l’ajout adopté à l’Assemblée nationale qui prévoit la présence de deux députés et de deux sénateurs dans chaque comité de massif. Compte tenu de l’étendue des différents massifs, intégrer l’ensemble des parlementaires risque de créer des déséquilibres dans les comités.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je vais tenter de convaincre le Sénat, comme j’ai cherché à convaincre l’Assemblée nationale où un amendement à la rédaction analogue a été déposé. Certes, il est souhaitable que les parlementaires soient présents et représentés dans les comités de massif, mais tous ne peuvent pas y figurer !
M. Michel Bouvard. Ce serait une armée mexicaine !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il n’est qu’à prendre l’exemple du massif de mon département, qui est immense. Une telle mesure, si elle était adoptée, entraînerait la présence de soixante-dix parlementaires. Ce n’est pas possible !
C’est la raison pour laquelle les députés ont entendu mes préconisations et ont accepté de désigner, selon des modalités qu’il faudra arrêter, deux députés et deux sénateurs dans chaque comité de massif, qui représenteront le Parlement.
M. Michel Bouvard. C’est bien assez !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est impossible de faire siéger tous les parlementaires. Cela déséquilibrerait le comité de massif et empêcherait celui-ci de fonctionner. (M. Michel Bouvard applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Chaize, l'amendement n° 64 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, vous m’avez convaincu ! (Sourires.)
Par conséquent, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 64 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 184 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delcros, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Delcros, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
et du schéma régional d'aménagement et de développement durable et d’égalité du territoire prévu aux articles L. 4251-1 à L. 4251-11 du même code
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter ces deux amendements.
M. Loïc Hervé. L’amendement n° 184 rectifié vise à soumettre obligatoirement et systématiquement le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation au comité de massif.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Loïc Hervé. Il en est de même pour l’amendement n° 185 rectifié, mais la disposition concerne le schéma régional d'aménagement et de développement durable et d’égalité du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Le caractère facultatif de l’association du comité de massif au schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, s’explique par la souplesse des modalités d’association dont disposent les régions lors de l’élaboration du schéma. Cette disposition se limite ainsi à rappeler la faculté prévue par le code général des collectivités territoriales de consulter tout organisme ou toute personne en vue de l’élaboration du projet de schéma. En outre, ce projet fait l’objet d’une présentation et d’une discussion au sein du SRADDET, qui comprend un représentant des territoires de montagne.
Contraindre davantage l’association des comités de massif au SRDEII revient donc quelque peu sur l’équilibre retenu par la loi NOTRe.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement n° 184 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne change pas d’avis : ma position est la même que celle du rapporteur ! (Sourires.)
En effet, les dispositions relatives à l’élaboration des SRDEII prévoient que le conseil régional peut consulter toute personne ou tout organisme de son choix pour l’élaboration des SRDEII. Par ailleurs, ce projet de loi comprend déjà la possibilité de consulter le comité de massif. Il n’est donc pas utile d’ajouter d’obligations, alors que les SRDEII, comme les conférences territoriales de l’action publique, sont en cours d’élaboration, et de revenir sur cette procédure d’élaboration qui a été discutée au moment de la loi NOTRe pour rajouter une consultation obligatoire. Les régions peuvent le faire. Si elles le jugent nécessaire, elles feront. Ne prévoyons pas obligation sur obligation pour contraindre les élus et les collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je maintiens bien évidemment ces deux amendements, malgré les éclairages de la commission et du Gouvernement.
Pour ma part, je ne réduis pas le comité de massif à un simple organisme extérieur. Dans la loi Montagne, cette instance exerce une fonction plus importante. J’espère que c’est bien ainsi que nous l’envisageons.
Nous avons déjà tenu des propos désagréables sur la commission départementale de la coopération intercommunale avant l’interruption du dîner. Bien sûr, nous allons laisser sa chance à la conférence territoriale de l’action publique – la structure est tellement nouvelle, mais – pardon de le dire –, nous attendons déjà la grand-messe !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons ces deux amendements.
Comme vient de le rappeler Loïc Hervé, si nous voulons que les comités de massif prennent pleinement leur place et s’approprient les politiques régionales, il faut favoriser la visibilité entre les différentes régions. Nous le savons bien, dans ce domaine, comme dans celui de l’agriculture et du développement durable, l’interrégion est indispensable.
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Cécile Cukierman. Cette disposition est donc nécessaire si nous voulons que les comités de massif ne soient pas des structures supplémentaires, qui s’ajoutent aux collectivités, mais jouent un rôle d’interface entre les différentes collectivités du territoire sur lequel elles exercent leurs responsabilités.
Soumettre aux comités de massif le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation me semble donc une mesure positive. Il n’est pas question de leur demander des avis conformes, qui viendraient paralyser la procédure, il s’agit simplement de les informer.
M. Loïc Hervé. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. En région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, débattre de ces schémas qui constituent tout de même des enjeux de demain ne ferait pas de mal…
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je me souviens du débat qui a eu lieu lors de l’examen de la loi NOTRe. La saisine obligatoire des comités de massif a suscité des résistances et, je le dis très sincèrement, le compromis qui a été trouvé – faire de cette saisine une option – n’a pas satisfait les élus de montagne.
En effet, il est légitime que les comités de massif soient saisis de matière systématique pour au moins trois raisons.
Premièrement, il faut s’assurer de la cohérence – la loi le prévoit, d’ailleurs – entre le schéma interrégional d’aménagement et de développement du massif et les schémas en question. Dans la mesure où le schéma interrégional est élaboré par le comité de massif, il n’est pas absurde que ce dernier soit saisi.
Deuxièmement, les comités de massif sont par construction des comités interrégionaux, même si les régions sont devenues plus grandes. Si le massif pyrénéen ne se trouve désormais plus que dans une seule région, le massif alpin s’étend sur deux régions et le massif du Jura sur plusieurs. Une telle disposition est donc utile.
Troisièmement, on a évoqué cet après-midi le syndrome de la terre plate. Les massifs ont, pour beaucoup, la particularité d’être transfrontaliers. Le comité de massif permet de s’assurer que l’internationalisation est bien au rendez-vous. L’internationalisation, ce n’est pas seulement le rayonnement de la région en Asie ou en Amérique du Nord, c’est aussi la relation de la région avec le territoire étranger immédiatement frontalier.
Pour toutes ces raisons, rendre obligatoire cette saisine me semble un progrès. Nous n’avons pas obtenu cela lors de l’examen de la loi NOTRe, si ce pouvait être le cas aujourd'hui, ce ne serait pas mal…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je précise que l’amendement n° 185 rectifié est pleinement satisfait par l’alinéa 14 de l’article 6 : « Il est associé à l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires dans les conditions prévues au I de l’article L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 184 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Les trois premiers alinéas de l’article 9 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« La convention interrégionale de massif est un contrat conclu, pour chaque massif, entre l’État et les régions concernées. Elle traduit les priorités de l’action de l’État et des régions concernées en faveur du développement économique, social et culturel, de l’aménagement et de la protection du massif, et prévoit les mesures et les financements mis en œuvre dans ce cadre.
« Les départements et les métropoles concernés en tout ou partie par le massif sont consultés lors de l’élaboration de la convention. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 39 rectifié est présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 106 est présenté par Mme E. Giraud, MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 289 est présenté par MM. Labbé, Dantec, Poher et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, notamment le concours financier de l’État et des régions aux programmes d’actions des parcs naturels régionaux relevant de la politique de massif
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Les parcs naturels régionaux sont des acteurs importants de la préservation et du développement économique de la montagne française. Leur charte, approuvée par décret du Premier ministre, engage l’État et les régions sur des objectifs et des mesures visant un développement équilibré et durable des zones de montagne.
Cet amendement vise ainsi à apporter, dans le cadre de la convention interrégionale de massif définie à cet article, les concours financiers indispensables à la mise en œuvre de ces objectifs.
Mentionner ces crédits permet de garantir que les actions des parcs naturels régionaux seront mises au service des objectifs notamment définis dans le cadre de la convention interrégionale de massif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour présenter l'amendement n° 106.
Mme Éliane Giraud. Les parcs naturels régionaux disposent encore d’ingénierie dans les territoires de montagne et les territoires ruraux. En outre, ce sont des lieux où l’on peut travailler avec l’ensemble des élus sur des expérimentations, des améliorations et des politiques de développement de très grande qualité.
Ces parcs ne doivent pas être noyés au milieu des territoires dans les conventions de massif. Il faut qu’ils puissent mettre en place des politiques innovantes de développement territorial pour le compte de l’État ou des régions, puisqu’ils dépendent des deux structures. Ce qui s’est passé avec les Alpes dans le passé démontre qu’ils sont tout à fait capables de le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 289.
M. Jean Desessard. Je me félicite de l’intervention de nos camarades du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain… Je suis tout à fait d’accord : il faut prendre en considération les parcs naturels régionaux. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à grossir le nombre de celles et ceux qui sont pour cette disposition ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je vais casser cette belle unanimité… (Nouveaux sourires.) La commission est en effet défavorable à toute rigidification du contenu des conventions de massif, par la mention expresse de certains financements spécifiques.
L’article 7 ne flèche pas le contenu des conventions de massif – c’est une bonne chose –, pour permettre à l’État et aux régions de définir de manière partenariale le contenu de ce contrat au regard des besoins de chaque territoire et des priorités des décideurs.
Par ailleurs, si nous commençons à mentionner dans la loi le soutien à un acteur ou à une filière spécifique parmi les nombreuses dispositions que peut comprendre une convention de massif de plus de cent pages, nous allons ouvrir la boîte de Pandore ! L’exercice est au moins aussi périlleux que de tenter de contraindre par la loi le contenu des contrats de plan État-régions.
Enfin, les financements des parcs naturels régionaux s’appuient sur des conventions spécifiques, généralement adossées à certains volets des contrats de plan État-régions, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est du même avis que le camarade rapporteur ! (Rires. – MM. Daniel Raoul et Alain Bertrand applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié, 106 et 289.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 235, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Darnaud et Saugey, Mme Giudicelli et MM. Chaize, A. Marc et Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La convention interrégionale de massif peut prévoir des dispositifs de soutien spécifiques aux entreprises de la filière forêt-bois en zone de montagne.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Il faut pouvoir créer des dispositifs de soutien aux entreprises de la filière forêt-bois, concernant la création, la reprise, le maintien, le développement, le regroupement de ces dernières. Les conventions permettent de traduire les priorités de l’action de l’État et des conseils régionaux, notamment en faveur du développement économique et de la protection du massif, et de prévoir des mesures de financement mises en œuvre dans ce cadre.
Il convient donc de mieux garantir le statut de certaines professions – débardeurs, bûcherons, etc. –, de leur apporter une visibilité à moyen terme et d’assurer ce faisant la pérennité de leur activité, garants d’emplois en milieu rural et du dynamisme des entreprises de première et seconde transformations. Il faut renforcer la compétitivité des petites et moyennes entreprises de la filière qui structurent le tissu économique, promouvoir l’emploi et soutenir la mobilité du travail.
La création de tels dispositifs de soutien au sein des conventions interrégionales de massif serait un excellent signal adressé à ces entrepreneurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cette faculté est déjà ouverte sans qu’il soit nécessaire de la rappeler dans la loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 6 de l’article 15 A.
Mme la présidente. Monsieur Savin, l'amendement n° 235 est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 235 est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
L’article 9 bis de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 9 bis. – Les massifs de montagne s’étendant sur plusieurs régions font l’objet de politiques interrégionales. Ces politiques sont retracées dans un schéma interrégional d’aménagement et de développement de massif qui constitue le document d’orientation stratégique du massif.
« Ce schéma est préparé par le comité de massif et approuvé par les conseils régionaux concernés, après avis des conseils départementaux concernés. Il prend en compte les chartes de parc national ou de parc naturel régional.
« Il comprend des volets transversaux relatifs, d’une part, aux mobilités, à l’eau, au climat, à l’air et à l’énergie, à la prévention et la gestion des déchets, à l’usage durable des ressources et aux continuités écologiques et, d’autre part, au développement économique, à l’innovation, à l’internationalisation et au développement de l’aménagement numérique. Ces volets transversaux peuvent être complétés par des chapitres sectoriels consacrés à des questions relatives à l’agriculture, notamment pastorale, à la forêt, à l’industrie, à l’artisanat, au tourisme ou aux services.
« Le schéma interrégional d’aménagement et de développement de massif prend en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques mentionnées à l’article L. 371-2 du code de l’environnement et les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux mentionnés à l’article L. 212-1 du même code, tout en veillant à ce qu’ils soient adaptés aux spécificités des zones de montagne. Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux mentionnés à l’article L. 212-3 dudit code peuvent être adaptés aux spécificités des zones de montagne.
« Les politiques interrégionales de massif s’inscrivent dans les orientations définies par la présente loi ainsi que par les schémas de services collectifs prévus à l’article 2 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales prennent en compte les schémas interrégionaux d’aménagement et de développement de massif. »
Mme la présidente. L'amendement n° 236, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Perrin, Darnaud et Saugey, Mme Giudicelli et MM. Chaize et A. Marc, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
aux continuités écologiques
insérer les mots :
, à l’usage durable des ressources
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement a pour objet de promouvoir un usage durable des ressources, en particulier forestières.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article prévoit que des éléments thématiques obligatoires devront être inscrits dans les schémas interrégionaux d’aménagement et de développement de massifs. Il apparaît donc primordial que de tels textes assurent de manière claire et inconditionnelle la promotion de l’usage durable des ressources, en particulier des ressources forestières, très présentes dans les territoires de montagne.
Le bois a la particularité d’être renouvelable et d’être à la fois un matériau de construction et un combustible. Il sera, dans un avenir proche, en partie affecté à de nouveaux usages : textile, papiers intelligents, médicaments, carburant, alimentation.
Les territoires de montage doivent valoriser pleinement ces caractéristiques naturelles pour s’inscrire dans une économie à faible teneur en carbone dans tous les secteurs. Ces territoires se doivent d’être source d’exemplarité et d’innovation pour tendre vers l’autodéveloppement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement est pleinement satisfait, car cette disposition est déjà prévue à l’alinéa 4 de l’article 8.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Savin, l'amendement n° 236 est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 236 est retiré.
L'amendement n° 137, présenté par M. Cabanel, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 265 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 31 décembre 2022, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’un centre urbain ou économique, soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse.
II. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le schéma national des infrastructures de transports, les schémas régionaux et de développement durable du territoire, ainsi que les schémas interrégionaux d’aménagement et de développement de massif sont révisés pour prendre en compte l’objectif de désenclavement mentionné au I.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement tend à prévoir que, au 31 décembre 2022, aucune partie du territoire français métropolitain ne devra être située à plus de 50 kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’un centre urbain ou économique, soit d’une autoroute ou d’une route express à deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. C’est la moindre des choses !
Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, le schéma national des infrastructures de transport, les schémas régionaux et de développement durable du territoire, ainsi que les schémas interrégionaux d’aménagement et de développement de massifs, sont révisés pour prendre en compte l’objectif de désenclavement.
Cet amendement, s’il était adopté, permettrait d’intégrer dans la loi un véritable objectif de désenclavement.
Après la suppression en 1999 de tout critère législatif et, partant, de toute véritable politique de désenclavement, la disposition que nous proposons permettrait de réintégrer un objectif national à respecter et d’éclairer les choix des pouvoirs publics en matière d’aménagement du territoire.
Cet amendement vise à lutter contre l’abandon des petits !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Nous partageons bien évidemment la préoccupation de notre collègue de lutter contre l’enclavement des territoires, mais la disposition qu’il propose ne concerne pas uniquement les zones de montagne – elles ne sont d’ailleurs pas mentionnées dans l’amendement – tout en étant contraignante pour de nombreux documents de planification.
Par ailleurs, en matière de planification, l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, qui devront comporter un volet important en matière d’infrastructures de transport et d’intermodalité, notamment pour mettre en œuvre le droit au transport, doit permettre d’améliorer l’action des nouvelles régions en la matière et de contribuer à désenclaver les territoires fragiles.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur Bertrand, regardez-moi dans les yeux ! (Rires.)
Je vous ai connu plus sérieux dans votre travail parlementaire et je regrette que le groupe parlementaire auquel vous appartenez, et qui m’est cher, en vienne à présenter un tel amendement, sur lequel j’émets un avis très défavorable. (Nouveaux rires.)
Mme la présidente. Monsieur Bertrand, l'amendement n° 265 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Non, je le retire, madame la présidente ! (Rires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 265 rectifié est retiré.
Article 8 bis
(Non modifié)
À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5222-2 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « rapportent », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux conclusions de baux supérieurs à dix-huit ans ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux 6° et 7° du présent II, les communes situées en zone de montagne au sens des articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne peuvent décider, par délibération prise avant cette même date, de conserver leur compétence “eau” non transférée avant la date de publication de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Avec cet amendement, nous revenons ici sur l’exercice des compétences en matière d’eau et d’assainissement.
Nous souhaitons que les communes situées en zones de montagne puissent conserver leur compétence dans le domaine de l’eau compte tenu des spécificités de la gestion de l’eau dans ces zones. Nous pensons en particulier aux contraintes liées à la déclivité, à l’absence d’interconnexion des réseaux et à leur autonomie, au faible nombre d’habitants desservis, à la qualité des eaux proposées aux usagers.
Le transfert de compétences au niveau intercommunal prévu dans la loi NOTRe entraînera la création d’usines à gaz. Il en résultera un éloignement du terrain et la fixation de prix différents d’un territoire à l’autre, y compris au sein d’un même EPCI. Au final, l’abonné perdra la qualité du service et verra les prix s’envoler. Ce transfert cassera un service de proximité et un maillage territorial qui fonctionnent très bien aujourd'hui.
Vous le savez, nous nous sommes farouchement opposés à la loi NOTRe. Les élus locaux ont su jusqu’à présent s’organiser et se regrouper pour mutualiser les moyens et les compétences au service des usagers de l’eau. Il faut donc leur faire confiance sans leur imposer un cadre trop contraignant. En zone de montagne, les contraintes sont déjà nombreuses – la faible densité, le climat, la pente –, n’ajoutons donc pas de la complexité à la complexité.
Pour notre part, nous proposons de la souplesse. La répartition des compétences entre la commune et l’intercommunalité doivent pouvoir être adaptées aux réalités des territoires de montagne.
Je ne doute pas que cet amendement recevra un avis favorable dans cet hémicycle.
Mme la présidente. L'amendement n° 444 rectifié bis, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux 6° et 7° du présent II, les communes situées en zone de montagne au sens des articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et dont les habitants bénéficient, au 31 décembre 2016, de la gratuité de l’eau peuvent décider de maintenir cette gratuité dès lors que tous les coûts afférents, notamment les frais d’entretien et d’investissement liés aux compteurs généraux, demeurent à leur charge. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je partage l’avis de Mme Cukierman : on a fait une erreur en transférant la compétence dans le domaine de l’eau aux intercommunalités, car les cartes d’organisation de la distribution d’eau et de l’assainissement ne recouvrent pas aujourd'hui les cartes de l’intercommunalité.
L’amendement que je présente tend également à régler un problème posé par la loi NOTRe. Certaines communes ayant une ressource en eau abondante peuvent, en vertu d’une loi antérieure, ne pas faire payer l’eau à leurs habitants. Tel ne sera plus le cas lorsqu’elles seront intégrées à des ensembles plus importants, car la loi n’a rien prévu.
La gratuité de l’eau compense un taux du foncier bâti très élevé en raison de la présence d’un barrage sur le territoire. La gratuité de l’eau ne signifie pas pour autant que le réseau est mal géré.
L’amendement tend à prévoir que les communes ayant une ressource abondante pourront maintenir la gratuité de l’eau à leurs habitants sous réserve que le conseil municipal prenne en charge les dépenses d’investissement et d’entretien du réseau et qu’il fasse poser des compteurs généraux – l’amendement contient une erreur rédactionnelle à cet égard –afin de s’assurer de l’absence de fuite et de gaspillage.
Pour ma part, je le répète, je suis intimement convaincu que le transfert de la compétence eau en 2020, tel qu’il est prévu dans la loi NOTRe, est une erreur et qu’il posera de graves difficultés au quotidien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’amendement n° 42 vise à revenir sur la loi NOTRe, qui prévoit un transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, facultatif à partir de 2018 et obligatoire à partir de 2020.
Comme l’a notamment rappelé M. le ministre, la loi Montagne n’a pas vocation à rouvrir des débats ayant déjà eu lieu ni à détricoter la loi NOTRe, s’agissant notamment d’un transfert de compétences pour lequel un délai relativement raisonnable a été accordé.
Il s’agissait, via ces transferts de compétences, de rationaliser l’organisation territoriale de la gestion de l’eau, aujourd’hui hétérogène, complexe et enchevêtrée entre des services communaux, des services intercommunaux et des syndicats techniques.
Il n’y a pas lieu ici de revenir sur ces débats qui ont déjà été tranchés, d’autant que cette question dépasse le champ des communes de montagne et qu’elle concerne toutes les communes rurales. C’est plutôt la taille des intercommunalités qui est en cause.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 444 rectifié bis de M. Bouvard.
J’avoue que je ne comprends pas bien de quelle gratuité il s’agit, étant entendu que la fourniture à titre gratuit d’eau potable est interdite, à la seule exception des bouches et poteaux d’incendie placés dans le domaine public. (M. Michel Bouvard s’exclame.) Je crois savoir que vous parlez des communes comportant un barrage hydroélectrique, mais même dans ce cas, la loi ne permet pas la gratuité du service de l’eau potable.
La loi permet en revanche l’instauration d’une tarification dégressive strictement encadrée, notamment dans les zones où la pression sur la ressource en eau est importante. À titre exceptionnel, la commune peut également fixer une tarification forfaitaire, après autorisation du préfet du département. Elle peut également, sous certaines conditions, établir un tarif dégressif.
Tel qu’il est rédigé et s’il était adopté, l’amendement n° 444 rectifié bis aboutirait donc à inscrire dans la loi un dispositif qui n’est pas autorisé aujourd'hui.
Par ailleurs, l’amendement semble prévoir une dérogation au transfert de compétences pour certaines communes. Comme je l'ai déjà dit, il ne semble pas opportun de rouvrir ici des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la discussion de la loi NOTRe. À ce stade, cet amendement ne me paraît pas explicite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement émet, comme M. le rapporteur, un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote sur l'amendement n° 444 rectifié bis.
M. Michel Bouvard. Je rappelle tout d’abord que les communes ayant une ressource en eau abondante peuvent maintenir la gratuité de l’eau. Je connais bien cette disposition, car c’est moi qui l’ai fait voter il y a un certain nombre d’années.
Mon amendement, je le reconnais bien volontiers, pose un problème rédactionnel, mais il ne tend pas à s’opposer au transfert de compétences. Il vise simplement à proposer que les communes offrant la gratuité de l’eau aujourd'hui puissent la maintenir dès lors qu’elles supportent les charges correspondant à leur territoire au moment où elles basculeront le réseau d’eau et d’assainissement dans l’intercommunalité.
Mon amendement n’étant pas rédigé correctement, je vais le retirer. Cela étant dit, je ne pense pas que le meilleur moyen de convaincre nos concitoyens que l’intercommunalité est un progrès soit de faire payer l’eau à ceux d’entre eux pour qui elle était gratuite avant de faire partie d’une intercommunalité !
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Michel Bouvard. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 444 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase des deuxième et troisième alinéas du II de l’article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, également déposé à l'Assemblée nationale par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, porte sur la compétence eau dans les territoires de montagne.
Nous demandons qu’un syndicat exerçant une compétence en matière d’eau ou d’assainissement puisse être maintenu dès lors qu’il regroupe deux communes membres issues de deux EPCI à fiscalité propre, et non trois comme actuellement, à la date du transfert de cette compétence à la communauté de communes.
Il s’agit d’un enjeu majeur pour de très nombreuses communes situées en zone de montagne. Ces communes ont en effet constitué des syndicats intercommunaux efficaces, spécifiques à leur bassin versant, aux ressources disponibles, aux particularités de leur réseau, notamment en matière d’interconnexion, et à la qualité de l’eau fournie aux usagers.
Les élus d’un certain nombre de départements de montagne sont très inquiets : ils se demandent qui gérera l’eau et quel service sera rendu demain à leurs administrés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je comprends les enjeux soulevés par cet amendement. Certains territoires de montagne pourraient justifier la complexité de mise en œuvre de cette disposition de la loi NOTRe, mais est-elle spécifique aux zones de montagne ? Ce sujet ne concerne-t-il pas plus largement les territoires ruraux ?
Pour les mêmes raisons que sur votre amendement précédent, la commission a considéré que le projet de loi relatif aux territoires de montagne n’était pas opportun pour revenir sur des dispositions qui touchent un périmètre plus large que les seules zones de montagne. Elle a donc émis un avis défavorable.
J’aimerais toutefois connaître l’avis de M. le ministre sur ce point. Avez-vous des éléments sur les intercommunalités qui sont concernées par les zones de montagne, monsieur le ministre ? La dérogation proposée aurait-elle un impact réel sur ces territoires ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez de modifier le seuil applicable à la représentation-substitution au sein d’un syndicat exerçant la compétence en matière d’eau et d’assainissement et de l’abaisser à deux communes membres issues de deux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au moins à la date du transfert de compétences à la communauté de communes, là où ce seuil était fixé à trois dans la loi NOTRe.
Le Gouvernement n’est pas favorable à une telle mesure. Le sujet est complexe et technique, et c’est d’ailleurs, je pense, la raison pour laquelle le rapporteur a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.
Afin d’anticiper les conséquences du transfert obligatoire à compter du 1er janvier 2020, soit dans plus de trois ans, des compétences en matière d’eau et d’assainissement aux EPCI sur les structures syndicales existantes, l’article 67 de la loi NOTRe a introduit un mécanisme permettant d’éviter la dissolution des syndicats d’eau et d’assainissement disposant déjà de la taille critique permettant d’exercer ces compétences de façon efficiente.
Le mécanisme de représentation-substitution, madame la sénatrice, permet de maintenir les syndicats mixtes qui comprennent dans leur périmètre des communes appartenant au moins à trois EPCI à fiscalité propre différents. Dans ce cas de figure, les EPCI concernés ont vocation à se substituer à leurs communes membres au sein du conseil syndical, le syndicat devenant lui-même un syndicat mixte au sens de l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales puisqu’il ne comportera parmi ses membres que des EPCI à fiscalité propre.
La règle qui prévoit le retrait des communes membres des syndicats comprenant dans leur périmètre moins de trois EPCI à fiscalité propre vise quant à elle à rationaliser la carte intercommunale. Le législateur a en effet souhaité garantir l’existence d’un syndicat de taille suffisante, car l’exercice de cette compétence nécessite la mobilisation de moyens importants, notamment pour la création et l’entretien des réseaux d’assainissement collectif ou de distribution d’eau potable.
En tout état de cause, je rappelle que le retrait des communes membres d’un syndicat d’eau potable à la date du transfert de ces compétentes aux communautés de communes n’empêche pas ces communautés de communes de créer un nouveau syndicat réunissant des communes de moins de trois EPCI à fiscalité propre ou bien de réadhérer audit syndicat.
La démarche de réadhésion est une démarche volontaire, laissée à la libre appréciation des organes délibérants des EPCI concernés. Ainsi, le présent projet de loi ne prive pas les élus concernés de conserver le mode d’exercice de la compétence qu’ils souhaitent.
Pour ces motifs, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le seuil issu de la loi NOTRe. Je suis sûr, monsieur le rapporteur, que j’ai bien éclairé votre lanterne !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre III
Prendre en compte les spécificités des territoires de montagne lors de la mise en œuvre des services publics
Article 8 ter
L’article L. 212-3 du code de l’éducation est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-3. – Dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la mise en œuvre de la carte scolaire permet l’identification des écoles publiques ou des réseaux d’écoles publiques qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation scolaire, notamment en termes de seuils d’ouverture et de fermeture de classe, au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l’isolement et des conditions d’accès dans des délais raisonnables par les transports scolaires. »
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 71 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Raison, Perrin, Genest, Commeinhes, Calvet, Longuet, Morisset et de Raincourt, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Vasselle, Doligé, Panunzi, Chaize et Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 212-3. – Dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, aucun élève qui habite en milieu rural et en zone de montagne ne doit se trouver à plus de 15 minutes d’une école primaire. Ceci vaut pour les prochains aménagements de carte scolaire. »
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Les fermetures d’écoles en milieu rural entraînent pour les enfants qui habitent en zone très isolée des temps de trajet de plus en plus longs.
Il importe que l’autorité académique prenne en compte ces données et que le seuil d’effectifs entraînant la fermeture d’une école soit abaissé en milieu très rural et en zone de montagne afin que les enfants vivant à plus de quinze minutes d’une école primaire soient scolarisés dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 458, présenté par M. Vasselle, n'est pas soutenu.
Les amendements nos 107 et 450 sont identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 450 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
dans des délais raisonnables
La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 107.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement vise à supprimer l’ajout effectué en commission : il a été précisé dans le texte que les trajets scolaires dans les zones de montagne devaient se faire « dans des délais raisonnables ».
Si chacun peut s’accorder sur cet objectif, il est contre-productif d’inscrire une notion aussi floue dans la loi, car elle risque d’être source de contentieux. Une telle rédaction, si elle était adoptée, ouvrirait la voie à des contestations locales sur l’appréciation du terme « raisonnable ».
La rédaction plus large de l’Assemblée nationale mentionnant les « conditions d’accès par les transports scolaires » répond déjà à l’objectif tout en permettant de prendre en compte des facteurs divers qui font que la situation de l’école et du village A n’est pas celle de l’école et du village B.
Un temps de trajet adapté, donc raisonnable, est un élément constitutif de ces conditions de transport scolaire, comme en atteste les diagnostics partagés entre les élus et les DASEN, les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, dans le cadre des conventions ruralité.
Oui, nous devons offrir des temps de trajet raisonnables aux élèves en zone de montagne, mais nous devons également voter un dispositif viable et surtout applicable.
En outre, en adoptant cette rédaction, la commission a ouvert la voie à la multiplication des critères : outre un délai maximum de trajet, comme nous venons de le voir, nous allons être amenés à évoquer le rythme biologique de l’enfant ou encore la population saisonnière, comme nous allons le voir dans quelques instants.
Soyons raisonnables et bons législateurs, mes chers collègues, comme nous y enjoint le Sénat, et évitons une liste à la Prévert qui ne saurait être exhaustive.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 450.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même dans les plaines les plus plates, de nombreux enfants, monsieur le sénateur, se trouvent à plus de quinze minutes, voire à trente ou à quarante-cinq minutes de leur école par les transports scolaires ! Si tous les écoliers devaient se trouver à moins de quinze minutes de leur école, je ne sais pas comment on organiserait les transports scolaires, et c’est un sujet que je connais bien, tout comme vous, je l’imagine !
Imprécise sur le plan juridique, cette notion pourrait, si elle était introduite dans le texte, nourrir un nombre considérable de contentieux. Tout le monde pourra en effet expliquer qu’un temps de trajet de dix-huit ou de vingt-deux minutes n’est pas raisonnable.
Je rappelle que les transports scolaires relèvent des compétences des collectivités, hier les départements, demain les régions. Si l’amendement de M. Marc était adopté, il mettrait vos collègues qui siègent dans ces collectivités dans une situation de fragilité juridique extrême.
Vous feriez donc œuvre utile, monsieur le sénateur, en retirant votre amendement. Certes, il s’agit d’un amendement d’appel destiné à attirer l’attention sur le temps de trajet des écoliers en zone de montagne – le Gouvernement pense comme vous que ce temps de trajet ne doit pas être trop long –, mais son adoption, je le répète, ferait naître de nombreux contentieux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite la suppression des termes « dans des délais raisonnables ». En conséquence, si vous n’aviez pas la sagesse de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, j’émettrais sur lui un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 400, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans des délais raisonnables par les
par les mots :
et des temps de
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à répondre aux problèmes qui viennent d’être soulevés.
Il serait dangereux d’inscrire une durée précise dans le texte. Quant aux termes « délais raisonnables », ils n’ont pas de base juridique. La rédaction que je propose me paraît avoir le mérite de dire que le temps de transport scolaire doit être pris en compte dans les arbitrages, tout en ne fixant pas une règle trop floue – les « délais raisonnables – ou trop contraignante – une durée de quinze minutes.
Mme la présidente. L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre, Cigolotti et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet et Joissains, MM. Guerriau, Médevielle, Capo-Canellas et Canevet, Mme Férat et M. Gabouty, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
raisonnables
par les mots :
compatibles avec le rythme biologique des élèves en fonction de leur âge
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Je trouve en effet que la notion de « délais raisonnables » ne veut rien dire. On l’a vu d’ailleurs lorsque vous avez annoncé, madame la présidente, que la séance s’achèverait à une heure « raisonnable » : personne n’a su à quelle heure elle allait se terminer ! (Rires ! et applaudissements.)
S’il me paraît assez compliqué d’inscrire un délai précis dans le texte, il me semble en revanche intéressant de mentionner la question du temps de transport scolaire. Les fermetures d’écoles, voire de collèges demain, allongeant les durées de transport, il est nécessaire de fixer un cadre.
Je propose donc d’évoquer – j’ai bien entendu la remarque de M. Roux – des délais « compatibles avec le rythme biologique des élèves en fonction de leur âge ».
Mme Annie David. C’est plus clair, en effet…
Mme la présidente. Le flou sur l’heure « raisonnable » de la levée de séance était parfaitement voulu, mon cher collègue ! (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Si je comprends l’idée que sous-tend l’amendement n° 71 rectifié bis, la solution qu’il tend à proposer serait inapplicable. Comment pourrait-on garantir à tous les élèves, sur l’ensemble des territoires ruraux et de montagne, un accès en quinze minutes à une école primaire ?
Je propose d’en rester à la formulation actuelle de l’article 8 ter, qui me paraît équilibrée et qui conforte dans le projet de loi le principe, défini auparavant par une circulaire, selon lequel les services académiques doivent identifier les écoles qui nécessitent des modalités d’organisation spécifiques en raison de leurs caractéristiques montagnardes.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
J’en viens aux amendements identiques nos 107 rectifié et 450.
Il nous a paru utile de préciser que le temps de trajet scolaire devait être raisonnable, car en zone de montagne, c’est moins la distance que la durée de trajet pour rejoindre les établissements scolaires qui est importante. Il convient donc que le temps de trajet pour accéder aux écoles en zone de montagne soit pris en compte par les services académiques. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
L’amendement n° 400, qui vise à prendre en compte le temps d’accès des élèves aux écoles de montagne, me paraît satisfait par la rédaction actuelle de l’article. La commission en demande donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Enfin, la formulation de l’amendement n° 320 rectifié me semble beaucoup trop floue : qu’est-ce qu’un délai « compatible avec le rythme biologique des élèves » ? Il convient d’en rester à la rédaction actuelle de l’article. J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’émets, comme je l’ai déjà dit, un avis défavorable sur l’amendement n° 71 rectifié bis. Je partage la position de M. le rapporteur sur l’amendement n° 400. Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 320 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 71 rectifié bis.
M. Alain Marc. Certains ont l’air de penser qu’il est idiot de mettre une limite maximale à la durée des transports scolaires.
Permettez-moi de faire le parallèle avec des propos que vous aviez tenus, monsieur Richard, lorsque vous étiez ministre de la défense. Vous aviez déclaré en 1999 qu’il fallait que nous ayons en tout point du territoire national vingt gendarmes à moins de vingt minutes. Je m’en souviens très bien, car vos propos avaient soulevé une vague de contestation alors que vous aviez voulu supprimer des gendarmeries rurales. Nous avions prouvé, à l’aide d’un huissier, que de nombreux points du territoire ne se trouvaient pas à vingt minutes d’une gendarmerie.
Parce qu’il ne me paraît pas idiot de fixer des limites précises, je ne retirerai pas mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 et 450.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote sur l'amendement n° 320 rectifié.
M. Loïc Hervé. Nous allons évidemment maintenir cet amendement.
Une réforme des rythmes scolaires a été mise en place par décret, puis un certain nombre de travaux parlementaires, notamment au Sénat, ont été engagés, des rapports ont été rédigés, sur la mise en œuvre de cette réforme. L’amendement déposé par mon collègue Bernard Delcros vise à rendre les temps de trajet compatibles avec le rythme des élèves en fonction de leur âge. Cette proposition me paraît relever du bon sens ! On nous a d’ailleurs rebattu les oreilles, pendant des mois, avec le « rythme chronobiologique », en disant que c’était fondamental.
Certains gamins, dans nos montagnes, passent leur vie dans les transports scolaires, parce qu’ils habitent loin de leur école. Ne serait-ce que par respect pour ces enfants, qui ont droit, sur le territoire de la République, aux mêmes égards que ceux qui vivent à 500 mètres de leur école, je pense qu’il s’agit d’un bon amendement, et que nous devrions l’adopter.
Mme la présidente. L'amendement n° 399, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le programme de formation des enseignants délivré dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation assure la promotion des classes de découverte au regard de leur valeur pédagogique, de leur rôle dans la sociabilisation des élèves et dans l’apprentissage citoyen des territoires. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. C’est l’un des amendements que j’évoquais cet après-midi, dont l’objet relève à l’évidence du domaine réglementaire, mais dont la présentation me permet, monsieur le ministre, d’attirer l’attention sur un certain nombre de points.
Tout le monde, dans les territoires de montagne, s’accorde depuis des années sur l’importance des classes de découvertes.
Elles sont pédagogiquement profitables, puisqu’elles permettent de souder les élèves d’une classe et d’ouvrir des enfants qui ne sortent pas de chez eux à des environnements différents ; elles sont en outre le moyen, pour une population qui habite désormais essentiellement en ville, de découvrir d’autres territoires, d’autres modes de fonctionnement, et de comprendre ce qu’est un territoire de montagne. Elles sont enfin les vecteurs d’enjeux économiques locaux liés au tourisme et à l’apprentissage des sports d’hiver.
Aujourd’hui, tout le monde dit le plus grand bien des classes de découverte ; le problème est que rien n’est prévu, dans la formation des enseignants, pour mettre en avant leur valeur pédagogique, notamment en termes de formation citoyenne.
Je souhaitais donc, au travers de cet amendement, poser le problème. Monsieur le ministre, si vous me dites que ce problème peut être traité demain dans le cadre d’une circulaire prise par le ministre de l’éducation nationale, j’en serai heureux et retirerai mon amendement.
Mais il était de notre devoir de poser cette question, qui fait l’objet de rapports depuis des années. Une collègue députée, au temps du gouvernement de M. Raffarin, avait déjà écrit un rapport sur la relance des classes de découvertes ; et pourtant, nous ne disposons toujours pas, par exemple, d’un décompte du nombre d’enfants effectuant chaque année ce type de voyages !
En dépit de circulaires prises par certains ministres de l’éducation nationale, l’administration ne tient aucune statistique, et, dans la formation des enseignants, rien n’est dit sur l’intérêt de cette forme de pédagogie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Madame la présidente, la commission n’a pas eu le temps d’étudier cet amendement, dont le dépôt est intervenu assez tardivement. Elle n’a donc pas été en mesure d’émettre un avis.
À titre personnel, j’y suis défavorable. J’attends évidemment la réponse de M. le ministre à l’appel de M. Bouvard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur Bouvard, votre intention, comme toujours, est louable.
M. Michel Bouvard. Je suis touché ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Elle l’est, en l’occurrence, particulièrement.
Les programmes de formation des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ne relèvent pas du domaine législatif ; vous le savez pertinemment. Ils sont définis par le ministre chargé de l’éducation nationale en lien étroit avec les professionnels, pour répondre aux attentes de l’employeur, c’est-à-dire de l’éducation nationale, mais aussi pour assurer aux futurs enseignants la culture commune aux métiers de l’enseignement.
Je vous rassure donc, monsieur le sénateur : les intéressés en discutent, se mettent d’accord ; tout cela est organisé. J’espère donc que vous allez retirer cet amendement d’appel, comme vous l’avez vous-même suggéré. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° 399 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 399 rectifié est retiré.
L'amendement n° 401, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre d’enseignants du premier degré affecté à chaque département par le recteur d’académie est déterminé en prenant compte les effectifs scolaires liés à la population des saisonniers. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Il y va, monsieur le ministre, d’une véritable injustice, pour ne pas dire d’un scandale national. On fait de grands discours sur les saisonniers, s’agissant notamment du logement. Mais que dire des enfants des saisonniers, qui viennent vivre dans les stations de sports d’hiver, avec leur famille, au mois de décembre, et en repartent à la fin du mois d’avril, parfois au mois de mai ? Ils font la majorité de leur scolarité dans les départements de montagne.
Or, lorsque les dotations d’enseignants par territoire sont fixées, ces enfants ne sont pas pris en compte ; la dotation est en effet calculée au mois de septembre, en fonction, donc, des effectifs présents à la rentrée.
Mmes Cécile Cukierman et Annie David. Oui !
M. Michel Bouvard. Je mène ce combat depuis dix ans avec l’éducation nationale ! Cette dernière est allée jusqu’à nous proposer, certaines années, de mettre tous les enfants de saisonniers – ils sont nombreux dans certaines stations – ensemble dans la même classe, selon un système ségrégatif, dont la simple mention devrait faire honte à la République. Il est scandaleux que des inspecteurs d’académie et des recteurs aient défendu ce type de position ! Ils n’ont reculé que devant la colère des élus !
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Michel Bouvard. Autre scandale : actuellement, ces enfants des saisonniers n’étant pas intégrés dans le calcul des dotations d’enseignants du primaire, que fait-on, en cours d’année ? On prend sur le corps des remplaçants, afin de satisfaire aux besoins des classes qu’il faut ouvrir lorsque ces enfants arrivent. Autrement dit, dans le reste du département, les remplacements ne sont plus effectués : le corps des remplaçants est insuffisant au regard des effectifs scolarisés.
Cet amendement vise à mettre fin à ce scandale : le décompte du nombre d’enfants scolarisés dans un département devra désormais intégrer les enfants des familles des saisonniers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La gestion des effectifs des enseignants et des classes est opérée au niveau de chaque académie par les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, les DASEN.
Souvent, les écoles de montagne ont des places disponibles, qui permettent d’accueillir les enfants de saisonniers sans ouverture de postes supplémentaires. Si tel n’est pas le cas, les DASEN affectent des enseignants supplémentaires aux écoles pendant la période concernée et ouvrent des classes temporaires.
M. Michel Bouvard. C’est le corps des remplaçants qui est mis à contribution !
M. Cyril Pellevat, rapporteur. C’est ce qui nous avait été confirmé, lors la table ronde organisée par M. Roux, par le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand. C’est le cas, par exemple, en Haute-Savoie, où le DASEN a consacré l’année dernière dix postes d’enseignant supplémentaires à la scolarisation des enfants de saisonniers.
La prise en compte des enfants de saisonniers par les DASEN dans la répartition des postes d’enseignant est donc d’ores et déjà une réalité ; elle s’apprécie au cas par cas.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur Bouvard, vous avez raison de vous pencher sur ce problème, qui est en effet complexe.
Qu’il soit question du logement ou de la scolarisation des enfants, les saisonniers ont été trop longtemps les grands oubliés de la montagne.
Mais je veux vous rassurer, comme vient de le faire M. le rapporteur : la prise en compte par les DASEN des enfants des saisonniers dans la répartition des postes est aujourd’hui une réalité. D’une année sur l’autre, les inspecteurs d’académie sont capables de prévoir le nombre d’enfants de saisonniers, lequel est d’ailleurs assez stable, afin de l’intégrer dans le travail de programmation.
Et même, souvent – c’est apparemment davantage le cas dans les Pyrénées que dans les Alpes –, des places sont disponibles dans les écoles de montagne.
Le département dans lequel le nombre d’enfants de saisonniers est le plus élevé est la Savoie : 350 enfants chaque année. L’inspecteur d’académie a bel et bien cette question à l’esprit, puisqu’il consacre aujourd’hui dix postes à l’ouverture de classes temporaires, dans les stations, entre novembre ou décembre et mai, c’est-à-dire pendant la saison de ski.
Dans la mesure où le travail de l’éducation nationale permet, année après année, de déterminer en amont le nombre d’enfants de saisonniers, et où les moyens nécessaires à leur intégration sont déjà réunis, il n’est pas indispensable que la loi vienne apporter des précisions supplémentaires qui ne feront que compliquer les choses.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° 401 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Oui, je le maintiens, madame la présidente. Je ne doute pas de la bonne foi de M. le rapporteur ni de celle de M. le ministre, mais je pense qu’on ne leur dit pas la vérité !
La vérité, c’est que les postes supplémentaires ne sont pas prévus dans la dotation d’enseignants mise à disposition du DASEN par le recteur. Ces postes sont pris sur le corps des remplaçants. Effectivement, ils sont pourvus : on ne peut pas laisser des enfants sans enseignants ! Mais la conséquence est que dans tout le reste du département, les remplacements sont mal faits, parce qu’on prend sur le corps des remplaçants pour satisfaire aux besoins des saisonniers,…
Mme Annie David. Oui !
M. Michel Bouvard. … tout cela parce que le calcul n’est pas fait sur une base juste, en intégrant ces postes dans la répartition des effectifs d’enseignants pour la totalité de l’année scolaire.
Je maintiens donc cet amendement ; monsieur le ministre, les éléments qui vous ont été communiqués ne vous permettent sans doute pas de juger avec précision de cette affaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je voterai sans réserve l’amendement de mon collègue Michel Bouvard, en ajoutant – cette réalité, je la partage et je la connais – que les conditions d’exercice du métier d’enseignant dans les écoles de montagne sont d’autant plus difficiles que beaucoup d’enfants y sont allophones, c’est-à-dire qu’ils ne parlent pas le français, soit dans la population permanente, soit, surtout, dans la population saisonnière. Il est donc nécessaire que ces écoles disposent d’enseignants nombreux et formés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous voterons également l’amendement présenté par M. Bouvard.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voterai également cet amendement. L’argument de M. le ministre ne m’a vraiment pas convaincu. Il nous explique que c’est déjà pris en compte ; mais, le cas échéant, l’ajouter dans la loi ne bouleversera pas les équilibres !
Au contraire, cela permettra de graver dans le marbre des pratiques qui, comme le dit M. le ministre, existent déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons cet amendement. Monsieur le ministre, vous nous dites que c’est déjà fait. Ma foi, autant l’inscrire dans la loi ! Nous serons ainsi certains que la répartition des enseignants est à peu près égale sur le territoire, et que l’ensemble des enfants des saisonniers, à la montagne comme dans d’autres territoires, sont pris en compte dans nos établissements scolaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Si l’on calcule, 350 enfants de plus, 10 postes d’enseignant supplémentaires, cela fait 35 enfants par classe. En termes d’effectifs scolaires, cela me semble considérable !
Je voudrais par ailleurs dire quelques mots, monsieur le ministre, des informations qui vous sont fournies par l’éducation nationale. J’ai moi-même fait partie de cette administration, en tant que conseiller pédagogique ; en outre, lorsque j’étais député, j’ai participé à quelques missions d’évaluation sur ce sujet.
Or, si les procédures internes d’évaluation, ainsi que tous les inspecteurs généraux d’académie que j’ai pu auditionner, nous disent toujours que tout va bien, les évaluations externes, hélas, démontrent que la sixième puissance du monde n’est que vingt-cinquième ou vingt-sixième en matière de performance éducative.
Je souhaiterais donc que la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance fasse bien son travail et nous permette d’être beaucoup mieux classés que nous ne le sommes actuellement au classement PISA.
Quoi qu’il en soit, cette expérience me fait dire qu’il faut toujours se méfier des informations qui proviennent, en interne, de l’Éducation nationale !
M. Daniel Raoul. Au nom de quoi, alors, avez-vous supprimé des postes ? C’est incroyable ! À force de grand écart, attention au claquage !
Mme la présidente. Monsieur Raoul, je vous rappelle que l’article 36 de notre règlement interdit les interpellations de collègue à collègue.
M. Ronan Dantec. Il s’agissait d’un conseil de santé, pas d’une interpellation ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 401.
(L'amendement est adopté. – M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 ter, modifié.
(L'article 8 ter est adopté.)
Article 8 quater A
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Delcros, Mme Loisier, MM. L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 213-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 213-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-1-1. – Dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, le conseil départemental procède à l’identification des collèges situés en zone de montagne. Ces collèges bénéficient de l’application de modalités spécifiques d’organisation, notamment en termes de seuils d’ouverture et de fermeture de classe, d’allocation de moyens au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de transport scolaire et de développement des places offertes en internat. Ces modalités spécifiques d’organisation font l’objet de conventions d’objectifs et de moyens triennaux conclus entre les départements et l’État. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. L'objet de cet amendement est de rétablir le texte de l'article 8 quater A, supprimé par la commission. Je regrette vraiment la suppression de cet article ; il est au cœur du sujet de cet « acte II » de la loi Montagne, qui est de prendre en compte les spécificités des territoires de montagne dans l’organisation des services.
Cet article concerne les collèges de montagne, qui doivent, selon nous, bénéficier de l’application de modalités spécifiques d’organisation. Nous proposons de le rétablir avec quelques modifications.
La première consiste à confier non pas au CDEN, le conseil départemental de l’éducation nationale, mais au conseil départemental, qui est compétent en matière de gestion des collèges, la mission d'identification des collèges situés en zone de montagne, dont la situation justifie l'application d’une organisation particulière.
La deuxième concerne le transport scolaire et les places offertes en internat.
La troisième, qui nous paraît extrêmement importante, vise à préciser que les modalités spécifiques d'organisation des collèges de ces départements de montagne et les moyens qui leur sont attribués doivent faire l’objet de conventions d’objectifs et de moyens triennales conclues entre l’État et les départements.
Des dispositifs contractuels analogues ont été mis en place dans un certain nombre de départements pour les écoles primaires ; ils donnent entière satisfaction, et nous en sommes déjà à la deuxième génération de conventions. Nous avons tout intérêt à étendre ces conventions au niveau des collèges ; cela donnera de la lisibilité aux élus, aux équipes pédagogiques, aux parents, et permettra que soit prise en compte la spécificité des territoires de montagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Notre collègue Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture, a préconisé la suppression de cet article 8 quater A, qui a pour objet les collèges, et de l’article analogue portant sur l’école primaire. La commission a souhaité le maintien du second, mais la suppression du premier.
Cet article tend en effet à empiéter sur les compétences des départements. En vertu de l’article L. 213-2 du code de l’éducation, les départements ont la charge des collèges. Ils sont notamment chargés de déterminer la localisation des établissements, leur capacité d’accueil et le secteur de recrutement des collèges.
Le texte de cet amendement va donc à l’encontre du principe de libre administration des départements.
Je demande par conséquent à ses auteurs de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte de cet article va à l’encontre, d’une part, du principe d’autonomie pédagogique et administrative des établissements, et, d’autre part, du principe de libre administration des collectivités territoriales, qu’il s’agisse des départements, pour les collèges, ou des communes, pour les écoles primaires.
Vous ne pouvez pas raisonnablement emprunter cette direction, qui est contraire à la loi ; ce faisant, en outre, vous vous substitueriez aux collectivités.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je maintiens cet amendement et m’inscris en faux par rapport aux arguments avancés par M. le rapporteur et M. le ministre.
Nous n’allons pas du tout à l’encontre du principe de libre administration des départements : le cadre choisi, précisément, est contractuel ! Si les départements souhaitent signer la convention, libre à eux ; s’ils ne le souhaitent pas, libre à eux, tout autant.
Je rappelle en outre que ce dispositif existe déjà pour les écoles primaires : dans certains départements, une convention a été signée entre les associations de maires et l’État, fixant les moyens des écoles primaires pendant trois ans. Je ne vois pas pour quelle raison il serait impossible de procéder de cette façon pour les collèges.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Depuis que la décentralisation a établi les rôles respectifs des collectivités territoriales et de l’État, on a toujours veillé scrupuleusement, sous toutes les majorités, à ce que l’État conserve la responsabilité de l’affectation des personnels et de la fixation de leurs effectifs.
Mon cher collègue, vous avez au moins fait l’effort d’inscrire votre proposition dans la cohérence du code de l’éducation ; le texte de l’amendement précédent, adopté dans un mouvement d’enthousiasme, touchait au fond du code de l’éducation, sans que personne ait pris la peine de le lire.
Mais si je vous comprends bien, vous proposez que le département procède au classement de certains collèges, qui bénéficieront, dès lors de « modalités spécifiques d’organisation, notamment en termes de seuils d’ouverture et de fermeture de classe ».
Autrement dit, une délibération du conseil départemental pourra obliger le ministère de l’éducation nationale à adopter un certain seuil d’ouverture et de fermeture de classe. C’est quand même original !
Si je lis bien la dernière phrase – « ces modalités spécifiques d’organisation font l’objet de conventions d’objectifs et de moyens […] entre les départements et l’État » –, cela semble signifier que, dans le cas où la délibération du conseil départemental a obligé à créer des postes d’enseignant supplémentaires, le département sera appelé à contribuer au financement de ces postes. Cette proposition est-elle vraiment rationnelle ?
Autant, s’agissant de l’accompagnement matériel, de ce qu’on appelle sommairement l’intendance des collèges, il est tout à fait normal que le département s’administre librement et fasse la preuve de son autonomie, autant le débordement de sa compétence sur la prérogative de l’État, qui est d’affecter les enseignants et d’en fixer le nombre, me semble vraiment illogique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous voterons cet amendement présenté par notre collègue M. Delcros ; il a tout à fait sa place dans ce projet de loi.
La question est celle de la nécessité d’une organisation spécifique aux zones de montagne ; dans le texte de cet amendement, il est bien dit que les collèges bénéficieront de modalités spécifiques d’organisation et de moyens différents, en vertu de leur emplacement en montagne.
Il existe, dans ces territoires, des contraintes spécifiques ; elles appellent des modalités d’organisation spécifiques ! Pourquoi faut-il toujours de la rigidité ? D’habitude, ce n’est pas moi qui dis ces choses-là ! Mais, en l’occurrence, qu’un département prenne en compte les conditions particulières propres aux zones de montagne me paraît tout à fait logique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Il faut remettre les choses à leur place. Il s’agit d’une convention signée entre le département et l’État, pas d’une injonction à recruter tel ou tel nombre d’enseignants.
En outre, un tel dispositif existe déjà, pour le primaire, dans une vingtaine de départements. Je ne vois donc pas pourquoi cela ne pourrait pas se faire. La question n’est absolument pas de mettre en place une obligation ou de créer des postes.
M. Alain Richard. Si vous dites vrai, que signifie la phrase que j’ai citée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. L’objectif est tout à fait louable ; je le partage.
Mais comme l’a dit Alain Richard, ce qui est proposé est inapplicable : aujourd’hui, les départements financent la construction, l’entretien des établissements, la restauration scolaire, mais pas la rémunération des enseignants. Il faut donc travailler – nous le faisons régulièrement – avec les CDEN, l’inspection académique et le rectorat.
Nous ne pouvons malheureusement pas, en tout cas, voter l’amendement tel qu’il est rédigé.
M. Jean-Yves Roux. Je suis d’accord !
Mme Éliane Giraud. Oui !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 quater A demeure supprimé.
Article 8 quater
Le chapitre III du titre V du livre II de la première partie du code des transports est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Transports pour les besoins de l’éducation nationale
« Art. L. 1253-4. – Le ministre chargé des transports, en collaboration avec le ministre chargé de l’éducation nationale, sollicite la conclusion d’un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des voyages scolaires. »
Mme la présidente. L'amendement n° 369, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
dont les classes de découvertes
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Visant à remédier à la baisse constatée de 20 à 30 % du nombre de classes de découvertes et de classes de neige organisées, en raison d’un coût de transport trop important, l’article 8 quater, introduit par voie d’amendement lors des débats à l’Assemblée nationale, prévoit que le ministre chargé des transports, en collaboration avec le ministre de l’éducation nationale, sollicite la conclusion d’un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des classes de découvertes.
Ainsi, en réduisant le coût des déplacements, cette mesure doit encourager la venue des élèves dans les milieux de montagne, comme le souligne le rapport des députées Annie Genevard et Bernadette Laclais.
Pourtant, la commission a supprimé la mention « classe de découvertes », lui substituant celle de « voyage scolaire ». Nous souhaitons, par cet amendement, prendre en compte la spécificité des classes de découvertes, et faire reconnaître ainsi leur importance.
Celles-ci doivent en effet systématiquement intégrer des intervenants extérieurs, qui peuvent être rémunérés par la région ou le département. Elles doivent aussi s’organiser autour d’un projet pédagogique spécifique. À la différence du séjour scolaire, la classe de découvertes se déroule sur une durée longue ; elle constitue une rupture plus marquée dans la scolarité de l’élève.
Nous souhaitons que la terminologie du rapport précité soit reprise dans ce texte, et donc que la notion même de « classe de découvertes » soit mise en valeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Le terme générique « voyage scolaire » nous paraît suffisamment englobant, et cette précision superfétatoire.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je voterai cet amendement. Nous discutons du projet de loi montagne ; les voyages scolaires, de manière générale, ont certes toute leur place dans cette discussion, monsieur le rapporteur ; mais nos territoires sont en particulier concernés par les classes de découvertes. Chez nous, cela représente un intérêt économique important !
J’en profite pour saluer le courage des enseignants qui se mobilisent, très souvent en dehors de leur temps de travail, pour organiser des classes de découvertes, alors même qu’ils sont en la matière peu formés dans les ESPE. C’est essentiel, surtout lorsqu’ils enseignent en ville !
Je verrais d’un excellent œil que cette formule, « classe de découvertes », trouve sa place dans la loi, comme le propose Cécile Cukierman.
Mme Annie David. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 quater.
(L'article 8 quater est adopté.)
Article 8 quinquies A
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Cukierman, David et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au cinquième alinéa du I de l’article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, après le mot : « rurale », sont insérés les mots : « , en zones de montagne. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’amendement que nous avions initialement déposé n’ayant pas été retenu, nous vous proposons cet amendement de repli, afin, au minimum, de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement du député GDR André Chassaigne.
Notre collègue a utilement considéré qu’il convenait de renforcer le volet de ce projet de loi relatif à l’accès au service public en zone de montagne et à la présence territoriale.
Par cet amendement, nous voulons imposer que le décret pris en Conseil d’État sur les modalités de présence postale territoriale prenne en compte non seulement la distance et la durée d’accès au service de proximité offert dans le réseau de points de contact, comme c’est déjà le cas, mais aussi les caractéristiques démographiques, sociales et économiques des zones concernées, notamment leur éventuel classement en zone de montagne.
Cette prise en compte nous semble importante. Le classement en zone de montagne pour la définition des règles de présence territoriale s’effectue aujourd’hui uniquement pour prendre en compte les spécificités géographiques des zones de montagne. Vous en conviendrez, c’est plus restrictif que la prise en compte des caractéristiques démographiques, sociales et économiques.
Or, comme vous le savez, les handicaps de la montagne ne se limitent malheureusement pas à la pente. Comme nous avons été plusieurs à le souligner depuis le début de ce débat, il y a une conjonction de plusieurs caractéristiques.
Par conséquent, il nous paraît nécessaire de réintroduire l’article 8 quinquies A au sein du projet de loi, afin qu’il soit tenu compte de toutes les problématiques liées au zonage « montagne » dans le décret pris en Conseil d’État définissant les règles de présence postale sur l’ensemble de notre territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Le maillage territorial complémentaire que La Poste est tenue de maintenir en raison de sa mission de service public prend déjà en compte les zones de montagne.
En vertu du décret n° 2007-310 du 5 mars 2007 relatif au fonds postal national de péréquation territoriale, le contrat pluriannuel de présence postale territoriale doit préciser « les modalités de calcul des dotations départementales du fonds postal national de péréquation territoriale, en tenant compte notamment de la population du département ou de sa superficie, de l’existence de zones de montagne, de zones de revitalisation rurale et de zones urbaines sensibles dans le département ».
Actuellement, sur les 9 460 points de contact de La Poste qui relèvent de l’obligation d’accessibilité au réseau, 4 344 se situent en zone de montagne.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, la demande de vos collègues est déjà satisfaite, à plus forte raison depuis aujourd'hui, puisque l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité, l’AMF, et La Poste viennent de signer la convention de renouvellement de la présence postale.
L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Si un accord a été passé entre l’AMF et La Poste, autant le faire figurer dans la loi, afin de le sécuriser ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaite un éclaircissement de la part de M. le ministre. L’article 8 quinquies A a été supprimé en commission. Cela signifie donc qu’il figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Mme Cécile Cukierman. Oui, mais du fait de l’adoption d’un amendement d’initiative parlementaire !
M. Jean Desessard. Les députés avaient-ils voté cette disposition contre l’avis du Gouvernement ?
Autrement dit, monsieur le ministre, quelle était votre position sur le sujet lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale ? Aviez-vous émis un avis favorable sur l’amendement tendant à insérer l’article 8 quinquies A, auquel cas vous auriez aujourd'hui changé d’avis pour faire plaisir à M. le rapporteur ? Ou étiez-vous au contraire déjà défavorable à un tel ajout dans le texte ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur, vous me connaissez ; si je suis un homme de consensus, je ne suis pas un homme de compromis !
Franchement, je ne me souviens pas de l’avis que j’avais émis sur l’amendement tendant à insérer l’article 8 quinquies A lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Mais, comme la discussion n’est pas terminée, j’aurai l’occasion de vous apporter cette précision. Nous aurons, je suppose, l’honneur et le plaisir de profiter de la présence du spécialiste de la montagne que vous êtes tout au long de nos débats ! (Sourires sur plusieurs travées.)
Vous souhaitez également savoir si mon intention est de faire plaisir à M. le rapporteur. Il est vrai que, si je peux lui faire plaisir, cela me convient très bien ! Comme vous le savez, je préfère cultiver les convergences plutôt que les divergences. Pour autant, ma position sur le sujet dont nous sommes saisis est une position politique.
Certes, des amendements peuvent toujours avoir été adoptés contre l’avis du Gouvernement…
Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 quinquies A demeure supprimé.
Article 8 quinquies
(Supprimé)
Article 8 sexies
I. – Le I de l’article L. 1434-3 du code de la santé publique est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Comporte, le cas échéant, un volet consacré aux besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne, notamment en termes d’accès aux soins urgents et d’évacuation des blessés, et tenant compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières de ces territoires. »
II. – L’article 196 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets régionaux de santé et les schémas interrégionaux d’organisation des soins maintenus en vigueur en application du second alinéa du A du VIII de l’article 158 de la présente loi et des 1° et 2° du présent article peuvent, jusqu’à leur remplacement par les projets régionaux de santé et schémas prévus aux articles L. 1434-1 et L. 1434-2 du code de la santé publique, faire l’objet de modifications dans les conditions et suivant les procédures définies par la législation et la réglementation en vigueur à la date de promulgation de la présente loi. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
urgents
insérer les mots :
ainsi qu’à un service de réanimation
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous reprenons l’une des propositions formulées lors de la quinzième rencontre nationale de la saisonnalité, les 1er et 2 décembre à Briançon.
Nous nous réjouissons que le passage à l’Assemblée nationale ait permis de renforcer le projet de loi en y intégrant un volet relatif à l’accès aux soins en zone de montagne. Pour autant, il nous paraît nécessaire d’apporter certaines précisions supplémentaires, notamment sur cet article, qui traite du schéma régional de santé.
Nous souhaitons que l’accès à un service de réanimation soit clairement mentionné dans ce nouveau volet spécifique aux populations de montagne.
Dans les zones de montagne touristiques, où de nombreux facteurs générateurs de risques accrus, et pas seulement ceux qui sont liés aux activités sportives, se cumulent, l’absence de service de réanimation risque d’entraîner le décès de patients dont le risque vital à court terme est engagé et qui ne peuvent pas être transférés.
Nous proposons donc d’ajouter une référence au service de réanimation, afin de renforcer concrètement cet article positif.
Mme la présidente. L'amendement n° 209, présenté par Mme Espagnac, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 178 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas et Cigolotti, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot, Médevielle, Chaize et Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
blessés
insérer les mots :
ainsi que d'accès à un service de réanimation
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Dans les zones de montagne se cumulent de nombreux facteurs générateurs de risques accrus – je pense aux variations démographiques, à la pratique de nombreuses activités sportives à risques, à la fréquence des intempéries, aux catastrophes naturelles, aux opérations chirurgicales nécessitant une sécurisation et à la diversité des services de secours –, l'absence de service de réanimation, que l’on constate malheureusement, peut causer le décès de patients dont le risque vital à court terme est engagé et qui ne peuvent pas être transférés.
Je souhaite donc qu’il soit fait mention d’un service de réanimation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le schéma régional d’organisation des soins a vocation à prendre en compte tous les aspects de l’accès aux soins. En commission, nous avons souhaité éviter toute énumération de son contenu, afin d’éviter tout oubli.
De plus, on peut considérer que l’accès à un service de réanimation fait partie des soins urgents déjà mentionnés dans l’article.
La commission des affaires sociales sollicite donc le retrait des amendements nos 45 et 178 rectifié bis. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous partageons la préoccupation de garantir à la population un accès rapide à un plateau technique performant.
Mais l’enjeu n’est pas tant d’inscrire la réanimation dans un volet du schéma que de considérer les conditions d’implantation et de fonctionnement d’une telle activité sur le territoire.
Je le rappelle, l’article 204 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoit de faire évoluer les régimes d’autorisation d’activité de soins et d’équipement matériel lourds.
Une telle évolution doit s’inscrire dans une double démarche de simplification et de modernisation des régimes, avec pour ambition de mieux prendre en compte les enjeux d’accès aux soins – je pense à la finalité des parcours des patients –, de qualité et de sécurité, ainsi que de coopération entre les acteurs.
Dans cette perspective, l’encadrement de l’activité de réanimation sera rénové. La question de l’accès, y compris en zone spécifique, sera abordée pour prendre en compte la notion d’isolement géographique dans lequel certaines zones de montagne peuvent se trouver.
Mais, au regard de la complexité du sujet et de l’ampleur des travaux à conduire, toute initiative prématurée me semble à écarter.
Dans ces conditions, le Gouvernement, qui est, certes, mobilisé sur le sujet et travaille pour trouver des solutions, émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. À mon sens, la difficulté que nos collègues évoquent de bonne foi ne tient pas à la problématique de la réanimation ; les anciens centres hospitaliers généraux disposent de services de traumatologie, de réanimation et de chirurgie.
En fait, le véritable problème est lié à la distance et à la durée du trajet. Certaines zones de montagne se situent à plus d’une heure ou d’une heure et demie en voiture des anciens centres hospitaliers généraux, qui disposent d’un service de réanimation, et ne sont pas couvertes par des transports héliportés. Cela diminue les chances de survie du patient, augmentant les risques de handicap, voire pire… Les inégalités sont profondes.
Nous devons, me semble-t-il, avoir un débat sur la mutualisation des hélicoptères, les bleus, les blancs, les rouges. Il ne doit plus rester aucune zone de montagne, aucun territoire rural ou hyper-rural qui ne soit desservi !
Un service de réanimation, c’est lourd ! Il faut des agréments. En tant que président du conseil de surveillance d’un ancien hôpital général, je suis bien placé pour le savoir.
Ce qui manque le plus dans les territoires de montagne, ce sont des moyens de transport garantissant l’accès à un service de réanimation ou de chirurgie en vingt minutes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage l’analyse de notre collègue Alain Bertrand.
Mon amendement est avant tout un amendement d’appel. Le problème est lié à un manque, non de services de réanimation, mais plutôt de moyens d’accès rapide, notamment par hélicoptère. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur cette question lorsque nous aborderons la mutualisation des hélicoptères.
Dans l’immédiat, je veux bien retirer mon amendement, ce que je fais, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 45 est retiré.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote sur l'amendement n° 178 rectifié bis.
M. Loïc Hervé. Pour ma part, je maintiens mon amendement. Il ne s’agit pas d’un sujet anecdotique. J’ai vu ce qu’il en était, pour avoir été confronté à une telle situation avec des proches.
La question du transport est effectivement pertinente… sous réserve que les hélicoptères puissent voler ! Or, en hiver, dans les stations de montagne, ce n’est pas forcément le cas ! La mutualisation des hélicoptères, c’est bien beau, mais ce n’est pas d’une grande utilité quand ils ne peuvent pas voler !
L’argument de la présence dans le département d’un ou plusieurs plateaux techniques comprenant un service public de réanimation, si équipé soit-il, est totalement inopérant dès lors que l’on n’arrive pas à transporter le blessé ou la personne en urgence vitale.
À mes yeux, la question de la réanimation, qui est d’ailleurs distincte de celle de la chirurgie, doit figurer expressis verbis dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. J’approuve totalement les propos de notre collègue Loïc Hervé. Les hélicoptères, qui ne volent pas la nuit, pendant les tempêtes ou, tout simplement, quand c’est trop dangereux, ne sont pas la panacée.
Monsieur le ministre, chaque fois que nous vous adressons une proposition sur ce projet de loi, vous répondez que ce n’est pas le moment ou qu’il serait préférable d’en débattre dans un autre texte.
Or si nous examinons le présent projet de loi, c’est justement au nom des spécificités de la montagne ! Nous devrions nous intéresser à la notion d’exception géographique. La pérennité de beaucoup d’hôpitaux situés en milieu très rural et en zone de montagne est aujourd'hui remise en cause. Une telle notion devrait donc prévaloir.
Cessons de croire que le transport en hélicoptère pourra pallier toutes les carences !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 178 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 398, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est notamment pris en compte la capacité d’hébergement touristique de chaque département dans la définition des ratios ayant trait à la démographie des personnels de santé au regard de la population.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Cet amendement concerne les ratios qui servent à déterminer la démographie médicale dans un département.
Actuellement, une fois de plus, la population touristique n’est pas prise en compte !
Dans certains territoires de montagne, au regard de la population permanente du département, le nombre de médecins est réputé satisfaisant, quand il n’est pas considéré comme relevant de la surmédicalisation. En effet, dans les stations de sports d’hiver, il y a des médecins. Simplement, ils sont là pour la saison. Hors saison, les cabinets dans les stations sont fermés, et il n’y a pas de médecin dans les fonds de vallée !
Certaines zones sont donc dans une situation de désertification médicale, sans pour autant bénéficier des systèmes d’aide qui ont pu être mis en place pour favoriser financièrement les implantations de cabinets médicaux.
Nous proposons donc d’intégrer la population touristique dans la définition des ratios dès lors que celle-ci est présente sur le territoire plus de la moitié de l’année.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales a rejeté cet amendement, estimant qu’un tel degré de précision ne relevait pas de la loi.
Par ailleurs, la notion de « ratios ayant trait à la démographie des personnels de santé au regard de la population » n’est pas suffisamment précise.
Par conséquent, même si je comprends les intentions des auteurs de cet amendement, j’en sollicite le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Madame la rapporteur pour avis, le reproche que vous adressez à M. Bouvard quant au degré de précision de sa proposition pourrait aussi s’adresser, sur d’autres sujets, aux auteurs d’un certain nombre de dispositions qui figurent dans le texte !
En l’occurrence, l’amendement de notre collègue est généraliste, et son adoption permettrait de préciser les choses.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je m’étonne du caractère lapidaire de l’avis de M. le ministre.
L’amendement de notre collègue Michel Bouvard est tout à fait pertinent. Le critère proposé permet d’apprécier le niveau de population à desservir en termes de professions médicales.
Mme la rapporteur pour avis a fait savoir qu’une telle mesure n’était pas d’ordre législatif, et relevait plutôt du domaine réglementaire.
Il serait donc tout de même intéressant de connaître la position du Gouvernement au fond. A-t-il l’intention de tenir compte des véritables besoins dans des territoires comme ceux que vient de défendre notre collègue Michel Bouvard ?
Monsieur le ministre, on ne peut pas se contenter d’une réponse aussi lapidaire de votre part. Mais peut-être souhaitez-vous vous reposer sur l’avis de Mme Touraine ? (Protestations sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je ne conteste pas le fait qu’une telle mesure puisse relever du domaine réglementaire.
Mais, comme je l’ai indiqué cet après-midi, si nous nous sentons obligés de faire figurer ce type de dispositions dans la loi, c’est parce que, depuis des années, l’administration nous fait des réponses totalement hermétiques, avec une absence de prise en compte des problématiques auxquelles nous sommes confrontés.
Permettez-moi de vous faire part d’un cas concret, que nous avons d’ailleurs réglé avec Xavier Bertrand voilà quelques années. L’agence régionale de santé, l’ARS, s’étonnait qu’il y ait deux services mobiles d’urgence et de réanimation, ou SMUR, dans un hôpital, et exigeait la suppression de l’un d’eux, pour des raisons de coûts. Or, s’il y en avait deux, c’est tout simplement parce qu’il y avait un SMUR héliporté pour assurer des secours en montagne !
C’est toujours le même problème : la démographie touristique n’est pas prise en compte dans les ratios. Et les ARS font la sourde oreille, considérant qu’il s’agit d’une population virtuelle.
Ne vous étonnez donc pas si nous voulons faire figurer dans la loi des mesures qui relèvent du domaine réglementaire ou qui devraient aller de soi !
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques.
L'amendement n° 169 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 262 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L'amendement n° 300 est présenté par Mme Espagnac.
L'amendement n° 346 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Perrin, Mme Imbert, MM. Bizet, Chaize, Mandelli, Pointereau et Sido, Mme Lamure, M. de Raincourt et Mme Deromedi.
L'amendement n° 379 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 431 est présenté par MM. Carle et Savin.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le processus d’évacuation des blessés sur les pistes de ski s’effectue, à l’exception des blessés relevant de l’aide médicale urgente, vers des cabinets médicaux appropriés classés par décret en fonction de leur niveau d'équipement et de leur capacité à prendre en charge les patients.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié.
M. Loïc Hervé. Cet amendement rédactionnel, qui a été déposé par de nombreux collègues, vise à rationaliser le transport des blessés à la suite d’un accident sur les pistes de ski vers les structures d’accueil adaptées en tenant compte de leurs pathologies. Il s’agit d’optimiser l’organisation des secours et d’apporter une réponse adaptée à l’état de chaque blessé.
Nous l’avons souligné, les notions de proximité, de distance et de temps de parcours lorsqu’il s’agit d’évacuer les blessés sont d’autant plus importantes dans les stations de montagne. L’évacuation s’effectue le plus souvent vers les centres hospitaliers. Ce processus contribue à leur encombrement, alors que, dans la très grande majorité des cas, le transfert vers un centre hospitalier n’est pas nécessaire compte tenu de la nature des blessures constatées. Au demeurant, la situation du patient peut se dégrader en raison du transfert. Et je ne parle même pas du coût…
Cet amendement ne remet pas en cause le processus d’évacuation des blessés sur les pistes de ski. Les pisteurs secouristes effectuent un bilan de l’état des blessés et font appel en fonction de la gravité des blessures à l’aide médicale urgente, dans le cadre de la régulation effectuée par le SAMU.
Cette proposition a fait l’objet d’une large concertation avec l’Association nationale des maires des stations de montagne, l’Association des médecins de montagne, le SAMU de France, Domaines skiables de France, l’Association nationale des directeurs des services des pistes, ainsi que le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Savoie et l’ARS Auvergne Rhône-Alpes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 262 rectifié.
Mme Hermeline Malherbe. En complément de ce qui vient d’être indiqué, j’ajoute que, dans certains cas, le centre hospitalier renvoie vers ces services pour répondre à la demande !
Mme la présidente. L’amendement n° 300 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l'amendement n° 346 rectifié bis.
M. Patrick Chaize. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 379.
M. Michel Bouvard. Loïc Hervé a excellemment présenté l’objet de nos amendements.
Je souhaite insister sur la dimension financière. Outre l’encombrement et la saturation des services d’urgence des hôpitaux de proximité, ce dont nous parlons représente aussi un coût pour la collectivité publique, pour les mutuelles, pour les assurances, voire pour les particuliers eux-mêmes, en fonction de leur niveau de couverture qu’ils ont.
Dans beaucoup de stations, la clientèle est en grande partie étrangère. Il est raisonnable de pouvoir traiter sur place un certain nombre de blessures. Je pense notamment à tout ce qui relève de la traumatologie ; d’ailleurs, des cabinets ont investi et se sont équipés à cette fin.
Ce que nous proposons correspond au constat que nous dressons depuis un certain nombre d’années dans la gestion des domaines skiables. Nous souhaitons que cette mesure de bon sens figure dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l'amendement n° 431.
M. Michel Savin. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà écarté ces amendements identiques en commission.
La question de l’évacuation des blessés sur les pistes de ski relève des conventions passées entre les communes et les services d’urgence et de la régulation des urgences. Une telle précision n’a pas sa place dans le schéma régional d’organisation des soins.
De plus, la commission des affaires sociales a préféré préciser que le schéma concernait tous les blessés, et pas seulement les blessés sur les pistes de ski !
Je sollicite donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si M. le sénateur Alain Vasselle nous avait fait l’honneur d’assister à nos travaux depuis le début de la discussion, et non pas depuis quinze minutes, il saurait que nous sommes dans une volonté de coconstruction, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale. Nous préférons nous rassembler plutôt que de nous diviser, pour le meilleur intérêt de la montagne.
C’est précisément au nom de cet esprit de coconstruction que je suis souvent les positions de la commission saisie au fond ou des commissions saisies pour avis ; au-delà des mots, il faut des preuves ! En faisant confiance aux rapporteurs, je montre que nous sommes à l’écoute du Sénat, de celles et de ceux qui ont travaillé.
Monsieur le sénateur, sur des sujets d’une telle importance, il n’est pas obligatoire de toujours s’entredéchirer. Les élus de la montagne, eux, nous donnent l’exemple. De gauche comme de droite, de la majorité comme de l’opposition, ils savent travailler main dans la main pour régler leurs problèmes et faire le meilleur pour la montagne.
Je suis donc une nouvelle fois l’avis de la commission des affaires sociales.
Le SAMU assure déjà l’envoi des moyens adaptés à la situation de chaque patient, que l’on se trouve en zone de montagne ou non, et oriente les patients vers l’offre de soins la plus adaptée, qu’il s’agisse de l’aide médicale d’urgence, du SMUR ou de ses correspondants médicaux.
Monsieur le sénateur, la loi du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 a créé un dispositif particulier permettant le versement d’une rémunération complémentaire aux médecins installés en zone isolée et pratiquant des tarifs opposables – vous le savez, parce que vous connaissez bien tout cela –, prenant en compte les spécificités de fonctionnement des cabinets médicaux en zone de montagne. Cette aide permettra de doter les médecins généralistes d’équipements pour la petite traumatologie. La mesure fera l’objet d’un suivi attentif des agences régionales de santé concernées. Du moins, je l’espère, car, comme M. Bouvard, je sais qu’il est parfois difficile de se faire entendre par les ARS.
Il ne me semble pas qu’il revienne à la loi de dicter les règles en matière d’orientation médicale des patients. Faisons confiance aux professionnels compétents pour déterminer au cas par cas la bonne orientation en fonction de l’état de santé du patient !
Par conséquent, tout comme Mme la rapporteur pour avis, je suis défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je prends acte de votre bonne volonté à l’égard des élus et des habitants de montagne.
Cela étant, je préfère la réponse que vous venez de donner aux auteurs de ces amendements identiques à celle que vous aviez donnée précédemment. Le fait que je sois arrivé depuis une quinzaine de minutes ne change rien ; j’aurais fait la même intervention si j’avais été là depuis quinze heures !
Ce que je vous reproche, c’est de ne pas avoir apporté de réponse sur l’aspect réglementaire à la question pertinente soulevée par notre collègue. Vous vous êtes contenté d’émettre un avis défavorable, suivant en cela le rapporteur, de manière aveugle, sans donner d’explication aux sénateurs !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Lorsque le Gouvernement ne va pas dans votre sens, vous m’en faites le reproche. Mais lorsque je loue l’excellence du travail de la commission ainsi que la qualité des avis du rapporteur, vous me le reprochez également !
En ce qui concerne l’amendement précédent, je partage tellement l’avis de la commission que je n’ai rien trouvé à y ajouter. Vous verrez, monsieur Vasselle, que cela se produira encore durant la soirée ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je vais retirer mon amendement. Je comprends que de telles dispositions sont difficiles à inscrire dans la loi. En revanche, si l’on pouvait s’entendre avec la ministre de la santé pour influencer les ARS afin qu’elles prennent en compte un peu plus spécifiquement les problématiques des zones de montagne, la discussion que nous avons eue ce soir n’aura pas été vaine.
L'amendement est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 262 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 169 rectifié, 346 rectifié bis, 379 et 431.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - La tarification des hôpitaux situés en zones de montagne est adaptée à la nécessité de maintenir une offre hospitalière de qualité dans ces territoires.
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. La mise en œuvre de la T2A a progressivement fragilisé les hôpitaux situés en zone de montagne en raison de leur situation géographique qui s’accompagne souvent d’une faible densité de population. L’amendement vise à adapter la tarification de ces hôpitaux de manière à pouvoir maintenir l’offre hospitalière de qualité à laquelle la population de montagne a droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Plusieurs mécanismes existent déjà pour prendre en compte la situation des établissements isolés. Prévoir une tarification spécifique ne paraît pas une solution adaptée, car cela remettrait en cause tout le système actuel qui est déjà en cours d’évolution.
Par ailleurs, s’il fallait augmenter la tarification de certains hôpitaux, cela représenterait un coût important pour les finances sociales.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 sexies.
(L'article 8 sexies est adopté.)
Article 8 septies
(Non modifié)
L’article L. 1434-10 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La première phrase du second alinéa du I est ainsi modifiée :
a) La seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ainsi que d’un membre du comité de massif concerné » ;
2° À la dernière phrase du premier alinéa du III, après le mot : « ville », sont insérés les mots : « , aux zones de montagne ». – (Adopté.)
Article 8 octies
Après le premier alinéa de l’article L. 4211-3 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout médecin remplaçant un médecin bénéficiant d’une autorisation d’exercer la propharmacie se voit automatiquement accorder cette même autorisation pour la durée du remplacement.
« Tout médecin s’établissant dans le même cabinet qu’un médecin bénéficiant d’une autorisation d’exercer la propharmacie se voit automatiquement accorder cette même autorisation pour l’exercice dans ce cabinet. »
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Jeansannetas, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Raison, Perrin, Genest, Commeinhes, Calvet, Longuet, Morisset et de Raincourt, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Vasselle, Doligé, Chaize et Chasseing, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsqu’une zone historiquement couverte en terme de santé par un médecin propharmacien et que cette zone n’a plus de médecin depuis plusieurs années, il est facilité l’autorisation d’exercer la propharmacie si un médecin ou un groupe de médecins s’installait à nouveau sur la commune qui en était précédemment bénéficiaire.
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Certaines zones très peu denses et isolées n’ont pas de pharmacie à proximité.
Cet amendement vise à faciliter, dans des cas d’isolement reconnus, l’exercice de la propharmacie par des médecins qui se réinstalleraient dans ces zones.
Cette mesure est de nature à attirer de nouveau des médecins, qui pourraient ainsi bénéficier d’un complément de revenu. Il s’agit, bien évidemment, d’améliorer l’accès aux soins des patients en zones très isolées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est d’attirer les médecins dans des zones sous-dotées en prévoyant que l’autorisation de la propharmacie soit facilitée.
Le dispositif de la propharmacie a naturellement vocation à s’appliquer lorsque la commune dans laquelle s’établit un médecin est dépourvue de pharmacien d’officine et lorsque l’intérêt de la santé publique l’exige.
En revanche, l’objectif de ce dispositif n’est pas d’attirer les médecins dans les zones qui en sont dépourvues, mais bien de prendre en compte les défauts de couverture par le réseau officinal.
La commission demande de retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Mme la rapporteur fait valoir que l’objet de cet amendement, que j’ai cosigné avec M. Marc, ne répond pas au premier objectif de la propharmacie, à savoir inciter à l’installation de médecins dans des zones désertées. Or l’objet de l’amendement est bel et bien de permettre à des médecins de pratiquer la propharmacie s’ils s’installent dans une zone qui n’est pas couverte par un médecin. La mesure proposée va donc bel et bien dans le sens évoqué par Mme la rapporteur.
J’ai du mal à comprendre que l’on puisse dire une chose et son contraire : si c’était une mesure à caractère incitatif, la commission y serait favorable ; mais comme elle considère que la rédaction de l’amendement ne va pas dans ce sens, elle y est défavorable. Je m’étonne de cette interprétation, qui n’est pas celle des auteurs de l’amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Il s’agit de prendre en considération des zones où il n’y a plus ni médecin ni pharmacien, parce que les derniers médecins propharmaciens qui y étaient implantés ont cessé leur activité. Vous savez peut-être qu’il revient aux préfets d’autoriser l’exercice de la propharmacie. Je souhaite que l’autorisation d’exercer cette activité soit facilitée.
Le département de l’Aveyron comptait deux médecins propharmaciens ; il n’en reste plus qu’un. Il serait bon, si nous réussissons à installer un nouveau médecin dans la zone récemment abandonnée, que celui-ci puisse facilement obtenir l’autorisation d’exercer la propharmacie. Le préfet, ainsi, se verrait conforté dans sa décision d’octroyer l’autorisation à ce médecin. Souvent l’avis de l’ordre des pharmaciens est également nécessaire, mais le préfet peut passer outre, ce qui s’est déjà produit pour une de mes demandes il y a une dizaine d’années.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 octies.
(L'article 8 octies est adopté.)
Article 8 nonies
Après l’article 96 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, il est inséré un article 96 bis ainsi rédigé :
« Art. 96 bis. – Dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative définis aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le maire peut confier à un opérateur public ou privé, exploitant de remontées mécaniques ou de pistes de ski ou gestionnaire de site nordique, des missions de sécurité sur les pistes de ski sous réserve que cet opérateur dispose des moyens matériels adaptés et des personnels qualifiés. Il peut lui confier dans les mêmes conditions la distribution de secours aux personnes sur les pistes de ski, le cas échéant étendue aux secteurs hors-pistes accessibles gravitairement par remontées mécaniques. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 nonies
Mme la présidente. L'amendement n° 316 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mmes Deromedi et Micouleau, M. B. Fournier, Mme Joissains, MM. Morisset, Pillet et Nougein, Mme Imbert, MM. de Legge et Longuet, Mme Lamure et MM. Gabouty, Chaize, Houpert, Charon, Milon, L. Hervé, Mandelli, Genest, Dufaut, Requier, Danesi et Darnaud, est ainsi libellé :
Après l'article 8 nonies Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - L’article L. 642-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Sont exonérés par moitié du paiement des cotisations citées à l’article L. 642-1, les médecins bénéficiant de leur retraite qui continuent à exercer leur activité ou qui effectuent des remplacements en zone de montagne. »
II – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Le Sénat a, à plusieurs reprises, adopté ce dispositif en loi de financement de la sécurité sociale. Il paraît être une bonne solution pour le maintien d’une offre médicale dans ces territoires.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement ne partage pas l’avis de la commission.
Cette affaire relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et non de la loi Montagne.
Surtout, il n’y a pas de raison objective, ni au nom de l’équité ni au nom de l’application de la loi, de prévoir une exonération particulière pour les médecins en montagne. Si nous le faisons pour les uns, on va nous le demander pour les autres, en particulier pour l’ensemble de la ruralité !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Chaque fois nous avons droit au même couplet sur les médecins retraités qui ne voudraient pas continuer à exercer parce qu’il leur faudrait acquitter des cotisations retraite sans que celles-ci leur donnent droit à un supplément de retraite.
Toutes les personnes à la retraite sont dans le même cas de figure, notamment tous les retraités à faibles revenus qui continuent de travailler pour améliorer leur rémunération ! Pourquoi prévoir un traitement particulier pour les médecins ?
S’il s’agissait de réformer le système et de prévoir des droits supplémentaires pour tous, je ne serais pas contre. Mais dire que les médecins ne s’implanteront pas pour cette raison, alors que le montant des cotisations qu’ils auront à verser n’est vraiment pas grand-chose par rapport à leur rémunération, ne me paraît pas normal !
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je me réjouis de l’avis favorable de la commission. Monsieur Desessard, il ne s’agit pas d’une question d’implantation puisque les médecins retraités sont déjà installés dans un territoire. La question est celle du renforcement, notamment lié à la saisonnalité, d’un certain nombre de dispositifs de santé. Il s’agit d’inciter les personnes retraitées, habitant dans les territoires de montagne, à exercer pour répondre à la désertification ou à un phénomène de saisonnalité. C’est un amendement pragmatique, qui mérite d’être adopté.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 nonies.
L'amendement n° 317 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mmes Deromedi et Micouleau, M. B. Fournier, Mme Joissains, MM. Morisset, Pillet et Nougein, Mme Imbert, MM. de Legge et Longuet, Mme Lamure et MM. Rapin, Gabouty, Chaize, Houpert, Charon, Milon, L. Hervé, Mandelli, Genest, Dufaut, Requier, Danesi, Darnaud et Delcros, est ainsi libellé :
Après l'article 8 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6132-1 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IX. – En zone de montagne, les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent être associées à l’élaboration du projet médical du groupement hospitalier de territoire. »
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement prévoit la représentation des maisons de santé pluridisciplinaire au sein des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, en zone de montagne.
Il est important que les maisons de santé soient associées à l’élaboration du projet médical puisqu’elles ont un rôle d’importance majeure pour l’offre de soins en zone de montagne.
Leur participation au sein du GHT pourra permettre d’anticiper la désertification médicale de certains territoires – c’est une réalité, en particulier en montagne, mais pas seulement –, en recherchant en amont des solutions pour maintenir une offre de soins bien répartie sur leur territoire. Par exemple, en cas de carence avérée, des consultations avancées pourront être mises en place.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Cette disposition tend à permettre une meilleure coordination de l’offre de soins. Cependant, les groupements hospitaliers de territoire ont un objet spécifique, qui est la réorganisation de l’offre hospitalière publique. Ce n’est donc pas lors de l’élaboration de leur projet médical que les autres acteurs de santé du territoire doivent être associés.
C’est en fait à l’ARS qu’il appartient de veiller à la cohérence du projet médical des GHT avec celui des autres acteurs.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne partage pas l’avis de la commission. Étant donné l’importance des maisons de santé et leur succès considérable, puisqu’il y en aura 1 000 d’ici à la fin de l’année, et eu égard au fait qu’elles structurent l’offre médicale dans les zones rurales et en montagne, il ne me semble pas illégitime qu’elles soient représentées dans les GHT, à condition de trouver, là encore, la bonne définition de la représentation, monsieur le sénateur.
En effet, certains départements comptent un grand nombre de maisons de santé. Comme précédemment les parlementaires au sujet des comités de massif, elles ne peuvent pas être toutes représentées dans les GHT. Il conviendrait de s’entendre sur la manière d’assurer cette représentation ; elles pourraient, par exemple, décider entre elles d’en mandater une, deux ou trois pour représenter l’ensemble des maisons de santé. J’émets un avis favorable, sous réserve que nous trouvions un accord sur le mode de représentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je pourrais adhérer à cet amendement si l’on supprimait « en zone de montagne ». Comme l’a souligné M. le ministre, les maisons pluridisciplinaires sont en train de se développer sur tout le territoire. Pourquoi prévoir un dispositif spécifique aux zones de montagne ? Nous pourrions élargir l’amendement en supprimant ce préalable.
Par ailleurs, je suis très étonné par l’amendement précédent. Pourquoi exonérer de cotisations retraite les seuls médecins retraités en zone de montagne ? Nous pourrions voter le même dispositif pour les médecins dans les zones rurales très profondes et autres.
Pour finir, je suis étonné que l’article 40 ne soit pas passé par là ! Une telle mesure relève de la loi de financement de la sécurité sociale, comme l’a rappelé le Gouvernement !
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Tout d’abord, en réponse à M. le ministre, l’amendement prévoit que, « en zone de montagne – je suis désolé, mes chers collègues, mais il s’agit d’un texte consacré à la montagne et non d’un projet de loi général sur la ruralité, qui prendrait plus de temps et nécessiterait plus de travail de la part du Sénat ! – les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent être associées à l’élaboration du projet médical du groupement hospitalier de territoire ». Appartient-il ou non au décret de définir les modalités de cette représentation, je ne saurai le dire ? Il serait pertinent que nous trouvions un accord. En tout état de cause, cet amendement présente le mérite de soulever la question de la représentation des maisons de santé pluridisciplinaires au sein des GHT.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 nonies.
Article 8 decies
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 251 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'État autorise, au nom du principe d'équité territoriale, que le projet régional de santé s'attache à garantir aux populations un accès par voie terrestre à un service de médecine générale, à un service d'urgence médicale ainsi qu'à une maternité dans des délais raisonnables non susceptibles de mettre en danger l'intégrité physique du patient en raison d'un temps de transport manifestement trop important.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Avant sa suppression par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, l’article 8 decies prévoyait la possibilité pour l’État d’autoriser, à titre expérimental, que le projet régional de santé garantisse aux populations un accès à un médecin généraliste, à un service médical d’urgence et à une maternité dans des délais raisonnables.
Si les schémas régionaux de santé doivent prendre en compte l’exigence de proximité des soins, en vertu du droit en vigueur, il nous semble indispensable d’introduire la notion de délais raisonnables pour les soins les plus essentiels.
Le présent amendement vise ainsi à réintroduire l’article 8 decies au sein de ce projet de loi tout en supprimant son caractère expérimental.
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’État peut autoriser, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, au nom du principe d’équité territoriale, que le projet régional de santé s’attache à garantir aux populations un accès par voie terrestre à un service de médecine générale, à un service d’urgence médicale, à un service de réanimation ainsi qu’à une maternité dans des délais raisonnables non susceptibles de mettre en danger l’intégrité physique du patient en raison d’un temps de transport manifestement trop important.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est pratiquement similaire au précédent, mais nous le présentons pour des raisons quelque peu différentes.
L’article 8 decies a été supprimé par la commission. Nous pouvons comprendre que la jurisprudence permanente de la commission des affaires sociales tende à supprimer l’ensemble des demandes de rapports soumises au vote de la Haute Assemblée. Néanmoins, il ne s’agissait pas ici de prévoir un énième rapport, mais bien d’engager une expérimentation. Nous regrettons que celle-ci soit supprimée et ne puisse être mise en œuvre. Cette expérimentation semblait pourtant intéressante.
En effet, il s’agissait d’autoriser, comme l’a précisé Mme Malherbe, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans que le projet régional de santé, le PRS, garantisse aux populations un accès aux services de santé dans des délais raisonnables.
Les deux rapporteurs ont considéré que cet article était redondant avec le droit actuel, qui prévoit déjà que les schémas régionaux de santé mis en œuvre par les agences régionales de santé prennent en compte l’exigence de proximité des soins, qui s’apprécie tant en termes de distance qu’en termes de temps.
Peut-être que ces deux aspects sont proches, effectivement ; mais il nous semble important d’envoyer un signal fort aux agences régionales de santé, qui ont la possibilité de réviser les schémas régionaux, afin qu’elles prennent bien en compte la dimension de l’accès aux soins en termes de temps. Cette dimension doit mieux être prise en compte qu’actuellement, notamment en zone de montagne.
L’existence d’un accès aux soins dans des conditions acceptables est un élément important pour le dynamisme démographique de la montagne et pour garantir à toutes et à tous le principe d’égal accès aux soins.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons réintroduire le principe de cette expérimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’amendement n° 251 rectifié vise à rétablir l’article 8 decies, supprimé en commission, qui prévoit que l’État peut autoriser, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, que le projet régional de santé garantisse aux populations un accès aux services de santé dans des délais raisonnables.
Contrairement à celui de Mme David, cet amendement ne prévoit pas que cela se fasse par voie expérimentale.
En tout état de cause, ces amendements sont satisfaits par le droit actuel. La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 prévoit déjà que les schémas régionaux de santé mis en œuvre par les agences régionales de santé, et qui sont une des composantes des projets régionaux de santé, prennent en compte l’exigence de proximité des soins, qui s’apprécie tant en termes de distance qu’en termes de temps.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 46 vise également à rétablir l’article 8 decies. Sur la forme, la rédaction de cet article, qui prévoit que cette prise en compte des spécificités montagnardes passe par voie d’expérimentation afin de contourner l’article 40 de la Constitution, n’est pas satisfaisante.
La commission a également émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Par cohérence avec la position qui a été la mienne à l’Assemblée nationale, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 46, puisqu’il est quasi similaire à l’article adopté par les députés.
L’amendement n° 251 rectifié n’ayant pas repris la période expérimentale est moins conforme au dispositif voté à l’Assemblée nationale. De surcroît, il me semble préférable, sur de tels sujets, de décider trois ans d’expérimentation avant de prendre une décision définitive.
Mme Hermeline Malherbe. Je me rallie à l’amendement n° 46 et je modifie le mien en ce sens !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement 251 rectifié bis, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 46.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je remercie le ministre d’avoir rappelé que l’amendement n° 46 reprenait la rédaction de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas nous qui avons proposé une autorisation à titre expérimental. M. le rapporteur a sous-entendu que j’avais rajouté l’expérimentation dans cet article. Mais non, c’est ainsi qu’il est sorti des travaux de l’Assemblée nationale et c’est ainsi que nous souhaitons le rétablir, justement parce qu’il paraît préférable sur un tel sujet, comme vous venez de le souligner, monsieur le ministre, de passer dans un premier temps par l’expérimentation. Les travaux de l’Assemblée nationale nous semblaient pertinents. Voilà pourquoi nous les avons repris au travers de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Une question m’interpelle dans cet amendement, celle des maternités. Je l’ai dit, les notions de distance et par conséquent de temps sont totalement aléatoires en région de montagne. Dans nos départements de montagne, nous avons tous des accouchements qui se font dans les véhicules de secours. La localisation des services de maternité, et plus globalement des services de médecine générale, est une question à très fort enjeu. On peut se ranger derrière la planification des ARS ou le contrôle des schémas. Mais en réalité, nous examinons aujourd'hui un texte sur la montagne. Or, en montagne, l’accès aux soins sur les voiries hivernales est totalement aléatoire. Je soutiens donc la rédaction de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 251 rectifié bis et 46.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 8 decies est rétabli dans cette rédaction.
Article 8 undecies
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le dernier alinéa de l’article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les critères précités tiennent compte des contraintes spécifiques des communes et établissements visés au premier alinéa situés en zone de montagne. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement concerne l’assistance technique apportée par les départements aux collectivités. Le code général des collectivités territoriales prévoit que seules les collectivités dont la population est inférieure à 15 000 habitants peuvent bénéficier de cette assistance. Avec la mise en œuvre de la loi NOTRe, un certain nombre de territoires ruraux, particulièrement en montagne, voient fusionner de petites intercommunalités qui, auparavant, bénéficiaient de cette assistance technique.
Ces intercommunalités fusionnées atteignent 15 000 habitants, mais elles ne sont pas plus riches ou mieux équipées pour autant. Il s’agit de vastes territoires, avec peu d’habitants. Elles se retrouvent alors privées de la possibilité d’accéder à l’assistance technique des départements. L’idée est de pouvoir adapter le seuil de population à la spécificité des territoires de montagne et à la taille des collectivités en montagne.
Mme la présidente. L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par MM. Longeot, L. Hervé, Gabouty et Delcros, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant une nouvelle cartographie des zones de déserts médicaux en milieu montagnard.
Ce rapport est élaboré sur la base des recommandations établies par les agences régionales de santé, après consultation des professionnels de santé, notamment les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les masseurs-kinésithérapeutes en milieu montagnard.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Comme de nombreuses zones, les zones de montagne subissent la désertification médicale et, par voie de conséquence, la désertification des professions paramédicales comme les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes.
La consultation des masseurs-kinésithérapeutes concernant la cartographie des déserts médicaux en zone de montagne serait pertinente de par leur possibilité d'intervenir en cas d'urgence en l'absence d'un médecin et de par leur connaissance renforcée en traumatologie.
En effet, les principales lésions rencontrées lors d'accidents de ski sont des entorses, des luxations ou des claquages.
L'objet de cet amendement est d'intégrer la profession de masseur-kinésithérapeute dans la consultation avec les agences régionales de santé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’amendement n° 19 rectifié vise à faire en sorte que le décret qui précise les critères de détermination des communes et des EPCI pouvant bénéficier de cette assistance technique prenne en compte les contraintes spécifiques des collectivités situées en zone de montagne.
Il s’agit en réalité de répondre au problème suivant : actuellement, l’assistance technique des départements ne peut bénéficier qu’aux EPCI de moins de 15 000 habitants qui regroupent une population vivant pour plus de la moitié dans des communes rurales.
Avec la réforme de la carte intercommunale prévue par la loi NOTRe, le seuil minimal de population des EPCI a été porté à 15 000 habitants, sauf dérogations. De nombreux EPCI ne pourront donc plus bénéficier de l’assistance des départements.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable n’a pas eu le temps d’examiner cet amendement, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable à son adoption et j’invite le Gouvernement à nous indiquer ce qu’il compte faire pour remédier au problème qu’il soulève.
L’amendement n° 135 rectifié bis, quant à lui, est satisfait par le droit existant. En effet, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 prévoit déjà que les agences régionales de santé déterminent, après concertation avec les représentants des professionnels de santé concernés, « les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins », c’est-à-dire les zones de déserts médicaux.
Il nous a donc paru inutile de réitérer cette demande dans la loi.
Avis défavorable, donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le dispositif prévu par l’amendement n° 19 rectifié crée une rupture d’égalité à l’encontre des communes restant soumises aux conditions du seuil maximal de population établie par l’article R. 3232-1 du code général des collectivités territoriales, actuellement fixé à 15 000 habitants.
Cette discrimination entre les zones de montagne et le reste du territoire, y compris les zones rurales, pousse le Gouvernement à émettre un avis défavorable.
Pour ce qui est de l’amendement n° 135 rectifié bis, la position du Gouvernement est la même que celle du rapporteur, pour les mêmes raisons. Cet amendement est satisfait par une disposition contenue dans la loi de modernisation de notre système de santé, qui prévoit une concertation avec l’ensemble des professionnels de santé.
Néanmoins, par cohérence avec ma position à l’Assemblée nationale, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le groupe CRC votera l'amendement n° 19 rectifié. Ce projet de loi vise à prendre en compte la spécificité des zones de montagnes, nous sommes donc favorables au principe d’un traitement spécifique.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 8 undecies est rétabli dans cette rédaction, et l'amendement n° 135 rectifié bis n'a plus d'objet.
Article 8 duodecies (nouveau)
L’article L. 221-3 du code forestier est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les conditions dans lesquelles l’Office national des forêts apporte son expertise à l’État, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux agences de l’eau dans l’évaluation et la gestion des risques naturels prévisibles, notamment en montagne. » – (Adopté.)
Article 8 terdecies (nouveau)
Au 3° de l’article L. 221-6 du même code, après le mot : « prévention », sont insérés les mots : « et la gestion ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 8 terdecies
Mme la présidente. L'amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 8 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 6312-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6312- … – I. – Un contrat de mission santé, élaboré par l’État s’impose à l’ensemble des prestataires et des intervenants dans le cadre du transport sanitaire héliporté. Il est mis en place au niveau national et a pour objectifs :
« - De garantir la prise en charge médicale adaptée en trente minutes sur toute partie du territoire français, le cas échéant par transport sanitaire héliporté ;
« - D’optimiser l’utilisation des moyens médicaux aussi bien ceux qui sont destinés à effectuer la mission que ceux de l’hôpital.
« II. – L’agence régionale de santé organise les transports sanitaires au niveau régional afin de garantir un accès aux urgences en moins de trente minutes. Elle contrôle les transports sanitaires héliportés au même titre que tous les autres moyens de la santé notamment en termes d’implantation, de fonctionnement, de financement et de qualité des soins.
« Elle met en place une instance régionale, la commission régionale des transports héliportés qui regroupe autour de l’agence régionale de santé les acteurs et les utilisateurs des transports héliportés qui établit un schéma d’implantation des hélicoptères avec un objectif d’un accès aux soins adaptés en trente minutes et de mise à niveau des structures hospitalières pour qu’elles puissent utiliser de manière efficiente des hélicoptères sanitaires. Les membres de cette commission ne perçoivent ni indemnité ni remboursement de frais. »
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement porte sur les transports primaires, à l’intérieur d’un département, d’une zone de santé, d’un groupement hospitalier de territoire ou d’un territoire de santé, ainsi que sur les transports secondaires, depuis ce territoire vers un CHU.
Son dispositif prévoit qu’un contrat de mission santé, élaboré par l’État, s’impose à l’ensemble des prestataires pour garantir la prise en charge médicale adaptée en trente minutes sur toute partie du territoire français.
Le centre hospitalier de Lozère est à Mende. Si une personne se trouvant dans ce département a un accident à La Canourgue, à Saint-Chély-d’Apcher, à Florac, au Massegros ou à Langogne, un aller-retour pour s’y rendre prend deux heures avec le SMUR ou le SAMU. En hélicoptère, le transfert durerait moins longtemps.
S’il s’agit d’une femme enceinte en vacances dans les gorges du Tarn, et qui connaît un problème grave, elle sera alors transportée dans un CHU, celui de Montpellier, auquel on accède en une trentaine de minutes, ou celui de Nîmes.
Cet amendement vaut pour les deux types de transport : interne comme externe.
Le contrat de mission santé qu’il tend à introduire a pour but d’optimiser l’utilisation des moyens médicaux.
Il vise aussi à ce que l’agence régionale de santé organise les transports sanitaires au niveau régional, et mette en place une instance régionale, la commission régionale des transports héliportés.
Pourquoi faut-il absolument le voter ? Il n’est pas normal que des territoires entiers, presque systématiquement des territoires de montagne, ne jouissent pas de transports héliportés. En plaine, il existe de grandes centralités qui facilitent le transport intérieur. C’est le cas pour les treize départements qui composent la région Occitanie, hormis la Lozère. L’hélicoptère n’est alors pas nécessaire. Ils disposent pourtant d’un hélicoptère bleu, d’un blanc et d’un rouge.
Or il y a des zones qui n’en ont aucun ! La Lozère, par exemple, peut compter sur un hélicoptère rouge deux mois de l’année. Elle n’a ni bleu ni blanc.
Cela entraîne davantage de morts, davantage de handicapés, davantage de souffrance, davantage d’infirmes.
J’ai questionné Bernard Cazeneuve à ce sujet quand il était ministre de l’intérieur. Il est convenu qu’il fallait réfléchir à une mutualisation des hélicoptères.
J’ai fait de même avec Manuel Valls, quand il était ministre de l’intérieur, puis quand il était Premier ministre, à l’occasion d’une venue à Mende. Il m’a indiqué, lui aussi, qu’il était impératif de travailler à la mutualisation des moyens héliportés.
Pour le Conseil national de l’urgence hospitalière, le recours aux hélicoptères sanitaires est trop peu optimisé entre Héli-SMUR et sécurité civile : « Le constat actuel de l’utilisation des hélicoptères sanitaires, qu’il s’agisse des Héli-SMUR ou des hélicoptères d’État, montre des disparités importantes de couverture et de fonctionnement. Il faut noter que l’implantation et l’organisation du transport sanitaire héliporté n’ont pas fait l’objet d’une stratégie nationale clairement définie. »
Voter cet amendement, c’est donc demander au gouvernement, quel qu’il soit, de mettre en œuvre cette stratégie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement a déjà été déposé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 et avait reçu un avis défavorable de la commission des affaires sociales.
Il relève de l’organisation des soins par les ARS et trouve difficilement sa place dans ce projet de loi. Surtout, il mériterait un examen approfondi.
Avis défavorable.
M. Alain Bertrand. Il y a des gens qui meurent ou qui restent infirmes !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 278 rectifié.
(L'amendement est adopté. – Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 terdecies.
L'amendement n° 277 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 8 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’opportunité d’affecter une partie des recettes de la contribution climat-énergie au fonds stratégique de la forêt et du bois prévu à l’article L. 156-4 du code forestier.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. La filière bois contribue très significativement à la captation de carbone. Il serait donc normal qu’elle bénéficie d’une partie des recettes de la contribution climat-énergie, autrement dit de la taxe carbone.
Les recettes ainsi générées doivent contribuer à financer le Fonds stratégique de la forêt et du bois, aujourd'hui doté d’une trentaine de millions d’euros.
Une fois ce fonds surabondé, nous pourrions mener des opérations de replantation tout à fait nécessaires pour la montagne et la filière forêt-bois. Pour mémoire, nous replantons, en France, 90 millions de tiges par an, contre 300 millions en Allemagne et 1,1 milliard en Pologne !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Si l’on comprend l’intention de l’auteur de cet amendement, qui est d’étudier les pistes de financement qui pourraient permettre de renforcer les moyens d’intervention de ce fonds, la commission est peu favorable, ainsi que le Gouvernement, à la multiplication des demandes de rapport, surtout quand elles ont un objet aussi restreint.
Je vous invite donc, mon cher collègue, à interpeller directement le Gouvernement par courrier ou par question écrite ou orale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous connaissez mon appétence limitée pour les rapports, monsieur le sénateur. Si c’est la solution que vous préconisez pour régler ce genre de problèmes…
Après l’exploit que vous venez de réaliser avec les hélicoptères (Sourires.), je vous suggère de faire preuve de sagesse et de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Bertrand, l'amendement n° 277 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Non, je le retire, madame la présidente. Je conçois qu’il est assez mal rédigé. Nous le redéposerons quand nous l’aurons retravaillé.
Mme la présidente. L'amendement n° 277 rectifié est retiré.
L'amendement n° 154 rectifié, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
Après l'article 8 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre 4 du titre 1er du livre 3 du code de la route, il est inséré un article L. 314-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 314-1. – Dans les massifs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, le représentant de l’État détermine, après avis du comité de massif, les obligations d’équipement des véhicules en période hivernale.
« Un décret pris après avis du Conseil national de la montagne fixe les modalités d’application du présent article, et notamment les dispositifs inamovibles et amovibles antidérapants requis, dans le respect du règlement (CE) n° 661/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés. »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Un peu de fraîcheur dans nos débats : cet amendement porte sur la circulation dans les zones montagneuses en période d’enneigement. Il vise à inciter le représentant de l’État à prendre ses responsabilités en matière d’obligation d’équipement de véhicules en période hivernale.
Cette disposition, si elle était adoptée, serait tout sauf anecdotique.
La réglementation routière en vigueur ne connaît qu’un panneau, le panneau B26, qui oblige les véhicules à utiliser des dispositifs amovibles pour circuler, en l’espèce des chaînes.
Cette réglementation est aujourd'hui parfaitement surannée. Il y a longtemps que l’Europe a pris des dispositions pour déterminer les pneumatiques pouvant être utilisés en hiver en toute sécurité.
Beaucoup de pays sont allés bien plus loin que nous, certains d’entre eux imposant tout bonnement ce type de pneumatique. C’est par exemple le cas dans les régions frontalières, comme la Vallée d’Aoste.
J’ajoute qu’en période hivernale, c’est à la maréchaussée qu’il revient de déterminer si vos équipements suffisent ou non. Or la majorité de ceux qui habitent la montagne utilisent plus fréquemment des pneus neige que des chaînes.
En 2015, une mission de l’inspection générale de l’administration et du Conseil général de l’environnement et du développement durable a été mise en place pour se prononcer sur ce problème réglementaire et technique, qui est beaucoup plus important qu’il n’y paraît. Son rapport a été remis en juillet 2015 au ministre de l’intérieur et au secrétaire d’État chargé des transports. Or, à ce jour, aucune suite ne lui a été donnée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’objectif de cet amendement est de généraliser des équipements comme les chaînes ou les pneus neige. Les élus des territoires de montagne connaissent bien les difficultés de circulation causées pendant l’hiver par des véhicules immobilisés faute d’un équipement adéquat.
En Haute-Savoie, nous avons connu l’année dernière un épisode neigeux qui a obligé les élus locaux à prendre des dispositions pour y faire face, l’ouverture de gymnases, notamment.
La réglementation française permet toutefois déjà de définir une obligation d’équiper les pneus de chaîne sur certaines routes. Les pneus neige peuvent être admis comme alternative.
Il me semble que généraliser cette obligation dans tous les massifs pendant l’hiver est une contrainte forte, qu’il faudrait envisager après une véritable analyse des impacts sur la circulation et la fréquentation des différentes zones de montagne.
La commission, qui s’en remettra à la sagesse du Sénat, souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Comment voulez-vous que je ne sois pas aussi sage que M. le rapporteur ? (Sourires.)
Même avis, donc : sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 terdecies.
Titre II
SOUTENIR L’EMPLOI ET LE DYNAMISME ÉCONOMIQUE EN MONTAGNE
Chapitre Ier
Favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile
Article additionnel avant l’article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’autorité de régulation des communications électroniques et des postes fixe les obligations mentionnées au 9° de l’article L. 36-7 du code des postes et communications électroniques par référence à la notion de zones blanches. Sont considérées comme zones blanches les communes dont au moins 25 % du territoire et 10 % de la population ne sont couverts par aucun des opérateurs de communications électroniques titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public de troisième génération.
II. – Le 9° de l’article L. 36-7 du même code est complété par les mots : « et de l’article de la loi n° … du … de modernisation, développement et protection des territoires de montagne ».
III. – À l’article 119 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, les mots : « et notamment le seuil de couverture de la population au-delà duquel ce partage sera mis en œuvre » sont supprimés.
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement est très important : il vise à donner un cadre législatif à la notion de zone blanche.
On l’utilise en effet aujourd'hui pour tromper les territoires. Ces derniers n’auraient – c’est ce qu’on leur avance – plus aucune commune située en zone blanche, ce qui laisse à penser que leur population est couverte en matière de téléphonie mobile.
Cela s’explique par le fait que l’on prend seulement en compte dans sa définition la couverture en téléphonie mobile dans un rayon limité autour de la mairie.
Or, dans les zones de montagne, une commune peut contenir plusieurs villages ; l’habitat y est dispersé. Certaines communes sont ainsi considérées comme n’étant pas en zone blanche, alors que 70 % de leur population n’est pas couverte.
Cet amendement vise donc à déterminer les territoires réellement couverts et les autres. Avec cet amendement, une commune ne sera plus considérée comme étant dans une zone blanche quand au moins 90 % de sa population et 75 % de son territoire sont couverts.
L’adopter contribuerait à atteindre l’objectif que tout le monde se fixe : la couverture numérique et la couverture en téléphonie mobile des territoires de montagne. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 279 rectifié bis, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa du III de l’article 52 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En tout état de cause, une commune n’est considérée comme n’appartenant pas aux zones mentionnées au premier alinéa que si au moins quatre-vingt-dix pour cent de son territoire est couvert par au moins un opérateur de radiocommunications mobiles. »
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement est presque identique à celui qu’a défendu à l’instant Bernard Delcros.
Il vise à mieux définir la zone blanche, un territoire couvert à moins de 90 %, et la zone grise, un territoire couvert à plus de 90 %.
L’amendement défendu à l’instant par M. Delcros, élu du Cantal, fixait ce seuil à 75 %. Je propose donc à M. le ministre et à M. le rapporteur de trouver une voie médiane, en fixant ce seuil à 80 %.
Nous pourrions aussi changer la dénomination de ces zones, qui introduit un trouble. Nous pourrions parler de « zone majoritairement couverte » si elle est couverte à 80 %, ou de « zone non couverte », pour celle qu’il l’est moins. Ce serait plus clair !
Aujourd'hui, pour déterminer si une zone est blanche ou non, il suffit de monter au clocher d’une église avec quatre téléphones différents : si l’un d’eux affiche une barre de réseau, la zone n’est pas considérée comme blanche.
Je sais que le Gouvernement, et notamment M. le ministre, est particulièrement impliqué sur ces questions, fait des efforts importants en la matière. Beaucoup de territoires ont été aidés pour améliorer leur couverture. Mais il faut continuer !
Il faut adopter la position de consensus que je propose, marquer le coup. Cet excellent projet de loi, qui doit absolument être voté à l’unanimité, est un moyen idéal de donner l’alerte sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Je tiens à rappeler que, au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous nous étions partagé le travail sur ces questions avec Patrick Chaize, qui s’était particulièrement intéressé à l’article 9. Il complétera donc mes propos s’il l’estime nécessaire.
L’amendement n° 20 rectifié tend à intégrer au périmètre des zones blanches toute commune dont moins de 75 % du territoire et de 90 % de la population sont couverts en 3G par un opérateur. Plus précisément, il vise à renforcer par la loi les obligations des opérateurs. À cet égard, il introduit un critère de couverture surfacique qui n’est pas prévu dans les licences mobiles.
Je rappelle par ailleurs que la couverture des zones blanches est un exercice partagé. Les collectivités territoriales, éventuellement avec le soutien de l’État, doivent construire un pylône et l’alimenter en énergie. Il est ensuite mis à disposition des opérateurs qui ont la responsabilité d’y déployer des équipements actifs pour couvrir le territoire par un réseau, généralement mutualisé.
Étendre le périmètre des zones blanches aura ainsi des conséquences pour ces différentes parties prenantes. Les collectivités et l’État devront dépenser davantage pour construire davantage de pylônes, tandis que les opérateurs devront déployer plus d’équipements actifs, sinon les obligations renforcées pour ces derniers n’auront pas de traduction concrète.
Le manque d’évaluation des seuils pertinents incite à une certaine prudence sur ces enjeux. Combien de communes supplémentaires seront-elles intégrées ? Quelle sera la dépense nécessaire pour les pouvoirs publics ? Et quelles seront les obligations supplémentaires pour les opérateurs par rapport au contenu de leurs licences ?
Il faut ajouter qu’en matière de couverture 3G, les opérateurs doivent avoir couvert toutes les communes manquantes au 30 juin 2017, à la suite de l’adoption de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques en 2015. Modifier dès à présent le périmètre de cette obligation, alors même que sa mise en œuvre est à mi-chemin et que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, observait une amélioration assez rapide de cette couverture, me semble peu souhaitable.
Par ailleurs, les limites de l’appréciation en centre-bourg sont rattrapées par la mise en place du programme de 1 300 sites supplémentaires hors centre-bourg, pour étendre la couverture de la population et du territoire.
La commission, sans nier les difficultés existantes, demande donc à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer, pour des raisons techniques. À défaut, elle y sera défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 279 rectifié bis, qui concerne la couverture 2G.
Pour les raisons évoquées à l’instant pour la 3G, la fixation dans la loi de seuils de couverture, en particulier en termes de territoire, me semble hasardeuse.
J’ajoute que des initiatives sont en cours pour améliorer la couverture 2G pour les 300 nouvelles communes identifiées en 2015 et début 2016, tandis qu’une nouvelle campagne a été récemment menée, dont le ministre pourra peut-être nous parler.
Par ailleurs, comme mentionné à l’instant, le programme des 1 300 sites supplémentaires hors centre-bourg permettra d’étendre la couverture de la population et du territoire des communes bénéficiaires.
Là encore, la commission demande à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer, sans quoi elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’aurais aimé entendre l’avis du spécialiste de ce sujet qu’est Patrick Chaize, même si les propos tenus à l’instant par M. le rapporteur n’étaient pas dénués de bon sens.
Le Gouvernement fait de gros efforts en matière de couverture du territoire. Nous avons beaucoup progressé.
Mais n’oublions pas que le péché originel, en la matière, a été commis par le gouvernement précédent. S’il a remarquablement œuvré en faveur d’une vente des fréquences à un prix très élevé, il a complètement omis d’imposer le moindre cahier des charges aux opérateurs, lesquels se sont, bien naturellement, empressés d’agir là où ils gagnent beaucoup d’argent : c'est-à-dire dans les zones urbaines, au détriment des zones rurales et de montagne.
Depuis lors, nous courons après les opérateurs pour tenter de réduire la fracture téléphonique, mais aussi numérique, avec le plan très haut débit notamment.
Mais nous n’allons pas au rythme souhaité par nos concitoyens. C’est d’autant plus vrai que le résultat des mesures faites pour évaluer la persistance ou non des zones blanches ne correspond pas à leur ressenti sur leur terrain, parce que les critères retenus ne sont pas les bons.
J’ai demandé au président de l’ARCEP et à son équipe de venir au ministère que je dirige pour une réunion sur ce sujet, il y a quinze jours. Ils sont en train de faire un travail tout à fait digne d’éloges : dans les semaines à venir, en début d’année prochaine, nous disposerons de cartes délimitant précisément les zones blanches, les zones grises, les zones très bien couvertes, et même les zones où les communications ne passent pas dans les immeubles. Ce sera un outil qui nous permettra de faire des choix en matière d’aménagement du territoire.
Les auteurs de ces deux amendements veulent aller plus vite et aiguillonner les acteurs en définissant par la loi les zones blanches.
Tout cela va dans le bon sens, même si je ne suis pas sûr que la loi soit le meilleur véhicule pour ce faire : ce serait imposer des contraintes fortes.
Néanmoins, compte tenu de la situation sur le terrain et des attentes de nos concitoyens, qui nous pressent constamment, nous, élus, sur sujet, ne comprenant pas pourquoi on peut téléphoner convenablement en ville et pas à la campagne, pourquoi les villes ont un meilleur accès au numérique que les campagnes, et puisque nous n’arrivons pas à nous faire entendre des opérateurs, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 20 rectifié.
J’ai cru comprendre que l’auteur de l’amendement n° 279 rectifié bis proposait de lier son dispositif à celui de l’amendement n° 20 rectifié.
Il est vrai que ce dernier amendement plaçait déjà la barre très haut, avec un seuil de 75 %. Le seuil de 90 % fixé par l’amendement défendu par Alain Bertrand ne me paraît pas souhaitable : il ne faudrait pas que le balancier, parti très loin dans un sens par l’action des opérateurs, aille trop loin dans l’autre ! Prenons des positions crédibles, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le Gouvernement est donc défavorable à ce dernier amendement.
Mme la présidente. Monsieur Delcros, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Cet amendement, on le voit, est très important.
Depuis le début de nos débats, tous les orateurs ont fixé cet objectif de couverture mobile dans les territoires de montagne. Il faut passer des mots aux actes, avoir le courage d’inscrire dans la loi des dispositions essentielles pour eux.
M. Bertrand propose de rédiger un amendement avec un seuil de 80 %. J’insiste sur un point : le dispositif de notre amendement contient deux critères cumulatifs : une couverture de la population à hauteur de 90 % et une couverture du territoire à hauteur de 75 %.
Il nous semble important de les conserver. Sans cela, nous aurions des territoires couverts quand les populations ne le sont pas, ou l’inverse.
Je maintiens donc tel quel l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur Bertrand, l’amendement n° 279 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Je le rectifie pour le rendre identique à l’amendement n° 20 rectifié, madame la présidente.
J’en profite pour remercier M. le ministre de ses propos.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 279 rectifié ter, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 20 rectifié.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote sur ces deux amendements identiques.
M. Patrick Chaize. Je vous remercie de me considérer comme un spécialiste de ces sujets, monsieur le ministre.
Mes propos vont peut-être vous décevoir. Je comprends bien l’intention des auteurs de ces amendements. C’est un sujet important, dont on parle depuis trop longtemps.
Les attentes sont fortes. Cependant, il y a des choses que l’on peut faire, d’autres qui sont plus délicates à mettre en application.
Ce que l’on peut faire, c’est montrer du doigt les besoins et l’objectif que nous avons tous envie d’atteindre.
Ce que l’on ne peut pas faire, c’est modifier les conditions de licences qui ont été attribuées dans le cadre de contrats.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que ces contrats avaient été mal négociés par le précédent gouvernement. Mais, pour la bande 700 MHz, les problèmes ont été les mêmes : les contrats ont aussi été mal négociés par ce gouvernement. De ce côté, c’est un partout, la balle au centre !
Malheureusement, les faits sont là : les contrats existent, et l'on ne peut pas les modifier aussi facilement qu’on le souhaiterait.
De plus, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, un certain nombre de chantiers ont été lancés.
Je témoigne, comme vous, des avancées faites par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes s’agissant des cartes de couverture. J’évoquais encore cette question ce matin avec le président de l’ARCEP, Sébastien Soriano, qui m’a montré concrètement ce qu’allaient donner ces cartes de couverture. Enfin celles-ci vont-elles correspondre à une réalité !
Il faut que les opérateurs, qui, jusqu’à présent, se sont cachés derrière leurs contrats et les objectifs qui leur ont été assignés, mais qui ne correspondent pas à l’attente des territoires, arrêtent de nous mentir et de nous raconter des histoires. Ces amendements sont l’occasion de le dire !
Toutefois, il me semble que des choses ont été comprises. Je constate ainsi que des initiatives sont mises en place, à l’instar de la plateforme de téléphonie mobile présentée aujourd'hui même à Vesoul par Axelle Lemaire. Cette plateforme va dans le sens d’une amélioration de la couverture.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Chaize. Voter ces amendements serait, pour les opérateurs, un signal négatif et potentiellement contre-productif. (M. Alain Bertrand proteste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous entamons l’examen d’une série d’amendements relatifs à la téléphonie mobile et au numérique. Je m’en réjouis. Je me réjouis aussi que ces amendements concernent la problématique du numérique et de la téléphonie mobile de manière générale, et pas seulement en zone rurale, problématique dont nous mesurons tous combien elle est importante pour nos territoires.
Cela a été dit par nombre de mes collègues, notamment par les auteurs de ces amendements, la manière dont la couverture en téléphonie mobile est effectuée n’est pas du tout satisfaisante. C’est d'ailleurs pour cela que l’on affiche, depuis des années, des taux de couverture tout à fait extraordinaires, supérieurs à 95 %, dont nous savons tous qu’ils ne correspondent pas à la réalité. Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à dénoncer cette situation depuis des années ; je pense notamment à Bruno Sido. Moi-même, je l’ai évoqué dans un certain nombre de rapports, notamment en 2011. En 2012, nous avons voté ici même une proposition de loi à ce sujet, qui, hélas, a été retoquée à l’Assemblée nationale, à la demande du gouvernement socialiste.
Monsieur le ministre, tout le monde porte ainsi sa part de responsabilités. Vous accusez le précédent gouvernement, qui aurait mal négocié l’attribution des fréquences. Sans vouloir polémiquer, je tiens à faire remarquer que le gouvernement actuel, jusqu’à une période très récente – je reconnais que les choses ont un peu évolué ces derniers temps –, n’a pas tellement voulu non plus inverser les choses. Il a rouvert le dossier, notamment à l’occasion de la loi Macron, mais, là aussi, parce que la manière dont la couverture est mesurée n’est pas réellement satisfaisante, on donne aux gens des illusions. Dans la réalité, ils ne vont pas bénéficier d’une couverture en 2G ou en 3G.
Patrick Chaize a dit que les opérateurs devaient arrêter de nous mentir. Voter ces amendements serait précisément une manière de signifier aux opérateurs que cela fait des années qu’ils se moquent de nous et que le Sénat en a assez ! (MM. Alain Bertrand et Bernard Delcros opinent.)
Voilà pourquoi, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à ces amendements, que je voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Puisque la balle est au centre, je la saisis au bond ! (Sourires.)
Nous sommes à un instant de vérité dans la discussion au Sénat de ce projet de loi Montagne. Monsieur le ministre, vous avez assisté au congrès de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, à Saint-Dié-des-Vosges. Mes chers collègues, vous avez tous affaire, au quotidien, à des élus qui vous parlent de la couverture mobile.
Comme Bernard Delcros vient de l’indiquer, nous avons tous abordé cette question en détail dans nos interventions, en égrenant des exemples et en évoquant les enjeux de vie quotidienne, de sécurité publique ou encore de compétitivité internationale – ce dernier enjeu étant, je le répète, fondamental.
Voter ces amendements nous permettrait d’envoyer un signal extrêmement fort. Pour reprendre la terminologie qu’a utilisée Michel Bouvard, nous pouvons faire remonter au niveau législatif le constat, réitéré lors de nombreuses discussions, selon lequel les opérateurs n’ont pas tenu leur engagement.
Comme beaucoup d’entre vous, je suis élu d’un territoire de montagne. Quand nous circulons dans nos départements, nous mesurons l’ampleur du drame français que constitue la non-couverture en réseaux mobiles dans ce pays.
Bien sûr, on peut signer des conventions, signer des protocoles, faire des conférences de presse à tout va sur le sujet. On peut aussi travailler à la rédaction d’un amendement viable juridiquement et extrêmement ambitieux. C’est ce que nous avait fait. Cet amendement est plus qu’un amendement d’appel ; il témoigne du ras-le-bol du Sénat que le président de la commission de l’aménagement du territoire vient d’exprimer à l’égard d’une situation qui ne peut plus durer.
Les élus des territoires de montagne sont très nombreux, ce soir, à attendre un acte très fort de notre part !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je n’habite pas plus en zone de montagne qu’Hervé Maurey et, comme lui, j’estime que ce problème ne concerne pas seulement la montagne : il concerne l’ensemble du territoire français. Nous sommes évidemment tous d’accord pour dire que l’égalité des chances entre territoires n’existe pas si la couverture n’est pas la même partout.
Patrick Chaize a fait remarquer qu’il existait déjà un contrat. Cet argument se tient, mais je crois qu’il faut là un acte politique. À cet égard, je remercie le groupe centriste de son amendement, qui va précisément permettre de marquer un tel acte. Je ne doute pas que cela va faire réagir, mais nous aurons l’occasion de retravailler la rédaction d’ici à la commission mixte paritaire.
Notre collègue et M. le ministre ont estimé que la nouvelle carte permettrait d’appréhender la réalité de la couverture. Pour ma part, je considère que cela ne suffit pas.
En votant ces amendements, nous disposerions d’une définition qui nous permettrait d’affirmer politiquement que les communes ne sont pas couvertes à partir de critères objectivés. Ce serait une véritable avancée.
Il faut voter ces amendements. Sans présager de ce que décidera la commission mixte paritaire, nous affirmerions ainsi que la politique actuelle ne peut être poursuivie, que le problème est réel et qu’il n’est pas spécifique aux zones de montagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour une fois, je partage assez largement les vues du président Hervé Maurey. (Sourires.) J’estime moi aussi que M. le ministre et M. Chaize ont raison : les choses avancent et la vérité doit être dite.
Nous arrivons à un moment où nous devons marquer un acte fort, ainsi que le Sénat en a désormais l’habitude. Nous devons dire, aujourd'hui, que certains territoires ne sont pas couverts.
Ma collègue Évelyne Didier reviendra bien mieux que je ne saurais le faire sur les questions d’aménagement numérique et téléphonique du territoire.
Toutefois, je veux dire que nos élus des territoires de montagne partagent l’impatience de nos concitoyens, que M. le ministre a évoquée tout à l'heure. La plupart d’entre eux se rendent bien compte que le développement de la couverture numérique et téléphonique n’est pas aussi rapide qu’il le faudrait pour garder leur population dans ces territoires.
J’aimerais rappeler à celles et ceux de mes collègues qui ont participé au congrès de l’ANEM qui a débuté le jeudi 13 octobre dernier à Saint-Dié-des-Vosges, notamment à la table ronde sur la couverture numérique, que les élus locaux de nos territoires de montagne – et, là, il n’y avait pas que des parlementaires – ont exprimé leurs vues avec force et virulence devant les représentants d’un grand nombre d’opérateurs. Ces derniers n’ont pu que constater le grand désarroi et la colère de l’ensemble des élus de ces territoires.
L’adoption de ces amendements serait un signal fort adressé aux opérateurs. Elle leur indiquerait qu’il est désormais nécessaire de passer des paroles aux actes et que l’on ne peut plus affirmer, comme ils l’ont fait avec beaucoup de culot lors de la table ronde, ce qui a beaucoup fait râler les élus présents, que 90 % du territoire est couvert, alors que les territoires de montagne ne le sont pas. Cela a mis tout le monde très en colère.
Nous voterons donc ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié et 279 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 9.
Article 9
I. – (Non modifié) L’article 16 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « par voie hertzienne » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes décline, par zone de montagne, les données et cartes numériques de couverture mentionnées au 11° de l’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques. L’autorité met également à disposition du public des indicateurs de couverture en montagne par génération de réseaux fixes et mobiles et par opérateur. »
II. – Après le même article 16, il est inséré un article 16 bis ainsi rédigé :
« Art. 16 bis. – Sans préjudice des objectifs énoncés à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, l’État, dans les zones de montagne, met en œuvre une politique de nature à assurer le bon fonctionnement des moyens de communications électroniques, fixes ou mobiles, dans les meilleures conditions économiques et techniques. À cette fin, les ministres chargés de l’aménagement du territoire et des communications électroniques ainsi que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veillent, dans le cadre de leurs attributions respectives, à :
« 1° Prendre en compte les contraintes physiques propres aux milieux montagnards dans les procédures de mise en œuvre des investissements publics et, le cas échéant, dans les conventions conclues avec les opérateurs de communications électroniques, en matière d’équipement, de raccordement ou de maintenance ;
« 2° Favoriser les expérimentations de solutions innovantes de nature à améliorer la couverture des zones de montagne et reposant soit sur les différentes solutions technologiques disponibles, soit sur le recours à des “mix technologiques”, modalités combinées de mise en œuvre de technologies existantes. La pérennisation de ces expérimentations est conditionnée à l’accès à un niveau de service au moins équivalent à celui du standard technologique retenu sur le reste du territoire ;
« 3° Développer des services et usages numériques adaptés aux besoins et contraintes spécifiques des populations de montagne, en priorité dans les domaines de la médiation numérique, du télétravail, de la formation à distance et des activités collaboratives. »
III. – Après le même article 16, il est inséré un article 16 ter ainsi rédigé :
« Art. 16 ter. – L’autorité compétente de l’État publie chaque année une évaluation du déploiement des réseaux ouverts au public à très haut débit dans les zones de montagne, en comparaison des autres zones du territoire. Cette évaluation comprend une analyse des performances de chaque opérateur, notamment au regard de ses engagements de couverture. »
IV. – (Non modifié) Après le même article 16, il est inséré un article 16 quater ainsi rédigé :
« Art. 16 quater. – L’État, dans les zones de montagne, met en œuvre une politique de nature à assurer le bon développement des radios locales dans les meilleures conditions économiques et techniques. À cette fin, les ministres chargés de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ainsi que le Conseil supérieur de l’audiovisuel veillent, dans le cadre de leurs attributions respectives, à prendre en compte les contraintes géographiques et démographiques propres au milieu montagnard. »
V. – Dans le cadre de l’application de l’article L. 34-8-5 du code des postes et des communications électroniques, l’État et les collectivités territoriales soutiennent en priorité les projets concernant les zones de montagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Ce projet de loi Montagne accorde un intérêt tout particulier au numérique et au déploiement du réseau de téléphonie mobile.
C’est une nécessité, parce que l’accès au numérique conditionne clairement le développement de nos territoires et leur attractivité.
Comme vous venez tous de le dire, mes chers collègues, les attentes sont fortes.
En effet, alors que l’investissement des collectivités a été colossal en ce domaine dans certains endroits, l’absence des opérateurs privés est inacceptable. Nous voyons bien, au travers du présent texte, que le seul prisme de la rentabilité économique n’est pas opportun lorsque l’on parle de territoires spécifiques ou lorsqu’il est question d’un service public essentiel à la population et que cela concerne l’aménagement du territoire. D'ailleurs, que l’on parle de médecine, de transports ou de téléphonie mobile, les populations veulent le même service partout.
Je suis étonnée de votre étonnement, mes chers collègues : vous faites comme si vous n’étiez pas au courant que la privatisation amène les gens qui récupèrent la mise à investir là où c’est rentable et à laisser tomber les parties non rentables ! Il faut nous en souvenir.
La privatisation des infrastructures par l’État a privé celui-ci de la maîtrise et de toute garantie du bon fonctionnement des réseaux. Cette attitude a conduit à l’instauration de déserts numériques et, à l’inverse, à des zones de surreprésentation. Pourtant, lorsque l’on sait que la rente du cuivre aurait permis de financer la fibre sur l’ensemble du territoire, offrant de nouveaux droits, il est clair que cet argent a été mal employé et que les intérêts de l’État et des territoires n’ont pas été respectés.
Ce projet de loi tente d’apporter des palliatifs. Les efforts des uns et des autres sont louables, là où les opérateurs ne souhaitaient pas intervenir. Il est vrai que la transparence nous aidera à les inciter à le faire, car il faut bien admettre que l’État ne dispose que de très peu de moyens de contrainte à leur égard.
Pour notre part, nous pensons qu’il convient de reposer la question de la maîtrise publique pour l’avenir de nos territoires, particulièrement pour la montagne.
Les profits, dans ces secteurs, sont importants. Ils doivent être péréqués et réinvestis pour répondre aux besoins de l’ensemble de la population et garantir, en tout point du territoire, l’accès de tous aux nouvelles technologies.
Les mesures de ce projet de loi, si elles sont utiles, ne permettront pas d’aller très loin. C’est dommage.
Nous appelons donc ce gouvernement et le suivant…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Évelyne Didier. … à créer les conditions d’un véritable aménagement du territoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer le mot :
physiques
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Dans les zones de montagne, le bon fonctionnement des moyens de communication électroniques, fixes ou mobiles, peut être perturbé par des contraintes de toute nature, c'est-à-dire autres que simplement « physiques », raison pour laquelle nous proposons la suppression de ce mot.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Certes, des contraintes d’autre nature peuvent exister, mais ce sont bien les contraintes physiques qui engendrent des difficultés majeures, d’ordre technique et économique, dans la couverture des territoires de montagne. Il faut donc les prendre en compte à titre prioritaire.
Dans ces conditions, la rédaction actuelle me semble plus précise et donc préférable.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 16 ter. – En application du 10° de l’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes effectue, au plus tard deux ans après la promulgation de la loi n° … du … de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, une évaluation du déploiement des réseaux ouverts au public à très haut débit dans les zones de montagne, en comparaison des autres zones du territoire. Cette évaluation comprend une analyse des performances de chaque opérateur au regard, notamment, de ses engagements de couverture. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. L'objet de cet amendement est de rétablir la rédaction de l’alinéa 11, qui a été modifiée par la commission. Nous n’avons pas été convaincus par les arguments de celle-ci.
Il s'agit de maintenir la compétence de l'ARCEP pour évaluer le déploiement des réseaux à très haut débit dans les zones de montagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
En effet, il nous a semblé plus cohérent de confier une évaluation de ce déploiement, qui est déjà suivi par l’Agence du numérique, à l’État.
Par ailleurs, nous avons souhaité prévoir un rythme annuel de publication, afin d’améliorer le suivi de la couverture.
Ce sera plus utile que la remise d’un rapport, telle que visée par l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 121, présenté par MM. Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13, première phrase
Après les mots :
des radios locales
insérer les mots :
et des télévisions locales
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. L’article 9 crée un article 16 quater, prévoyant que l’État, dans les zones de montagne, met en œuvre une politique de nature à assurer le bon développement des radios locales dans les meilleures conditions économiques et techniques.
Il est précisé que l’État et le CSA veillent à prendre en compte les contraintes géographiques et démographiques propres au milieu montagnard.
Dans la même logique, cet amendement vise à compléter le soutien aux radios locales montagnardes par celui aux télévisions.
Parmi les quarante et une télévisions locales autorisées à émettre par voie hertzienne depuis avril 2016 par le CSA, sept proposent des programmes à forte identité montagnarde. Depuis les Vosges, en passant par Monistrol-sur-Loire, le sommet de la Rhune ou la télévision grenobloise, tous les massifs comprennent au moins une chaîne de télévision dédiée.
Par ailleurs, certaines radios locales sont aussi des chaînes de télévision. Je pense notamment à la chaîne D!CI TV, sur le territoire de Gap.
Il est important de mentionner dans ce texte ces télévisions, appréciées des montagnards.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Sur le fond, la proposition me semble intéressante, car les télévisions locales contribuent, autant que les radios locales, à la vie sociale et économique des territoires de montagne.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 171 rectifié, 301, 380 et 432 sont identiques.
L'amendement n° 171 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 301 est présenté par Mme Espagnac.
L'amendement n° 380 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 432 est présenté par MM. Carle et Savin.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 16 … – Le déploiement de l’accès internet à très haut débit est dirigé en priorité vers les territoires à forts enjeux touristiques situés en zone de montagne. »
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 171 rectifié.
M. Loïc Hervé. Cet amendement tend à intégrer dans le projet de loi un principe de déploiement prioritaire de l’accès internet très haut débit vers les territoires à forts enjeux touristiques situés en zone de montagne. Il s’inscrit donc dans le prolongement direct de mon intervention dans la discussion générale.
L’enjeu économique, notamment en termes de compétitivité internationale, est extrêmement fort.
Le déploiement du très haut débit s’opère à partir des grandes villes, déjà équipées du très haut débit, pour se diriger, par maillage, vers les territoires ruraux. Il n’y a pas de priorités visées par cette extension du réseau. Les collectivités les plus proches géographiquement des villes sont donc les premières bénéficiaires.
Au vu de l’activité économique et touristique qu’elles génèrent, il me semble souhaitable que ce déploiement soit dirigé en priorité vers les communes supports de stations de montagne, afin que, dès 2017, les populations de ces territoires – la population locale permanente, d’une part, et la population touristique, dans une importante proportion étrangère, d’autre part – puissent accéder au très haut débit.
En effet, parmi la clientèle qui fréquente les stations de sports d’hiver de Savoie et de Haute-Savoie, des personnes ont besoin, pour des raisons professionnelles, du très haut débit sur leur lieu de villégiature. (Mme Éliane Giraud marque son agacement.)
Cette question représente, pour nous, un enjeu très important. Nous devons défendre ces stations et ce qu’elles représentent.
Mme la présidente. L’amendement n° 301 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° 380.
M. Michel Bouvard. Il a été excellemment défendu par Loïc Hervé.
Je veux simplement ajouter que tous les professionnels du tourisme ont désormais besoin d’envoyer des images, des fichiers, parfois très lourds – par exemple, des photos d’appartements.
L’absence du très haut débit dans la totalité des stations de sports d’hiver nous handicape par rapport à la concurrence étrangère.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 432.
M. Michel Savin. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 237, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, Raison, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 16 … – Le déploiement de l’accès internet très haut débit est dirigé en priorité vers les territoires à forts enjeux touristiques et à fort potentiel de développement économique situés en zone de montagne. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement a pour objet d’intégrer dans la loi un principe de déploiement prioritaire de l’accès internet très haut débit vers les territoires à forts enjeux touristiques situés en zone de montagne, ainsi que vers les territoires à fort potentiel de développement économique.
Un rapport publié en novembre 2012 par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, consacré aux spécificités du déploiement des réseaux haut et très haut débit en zones de montagne, relevait déjà que le tourisme est un secteur d’activité clé des zones de massif, dans lequel les gains apportés par le haut et le très haut débit sont évidents.
Le rapport mettait également clairement en évidence que le développement économique fait lui aussi partie des enjeux clés du développement des zones de montagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Nous sommes circonspects sur l’ajout de cette précision.
D’une part, plusieurs dispositifs permettent déjà, en pratique, de prioriser les territoires touristiques ou à fort développement économique. Le cahier des charges du plan France très haut débit et le programme des 1 300 sites de téléphonie mobile hors centre-bourg ciblent ainsi certaines zones de ce type.
D’autre part, je ne sais pas s’il est souhaitable que le législateur inscrive dans la loi une telle priorité, car cela revient, dans une certaine mesure, à soutenir la couverture de zones déjà dynamiques plutôt que d’autres territoires en difficulté et fragiles, pour lesquels la plus-value du très haut débit est souvent plus élevée.
Mme Éliane Giraud. Très juste !
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Est-on en train de dire aux habitants de ces territoires moins dynamiques qu’ils seront desservis plus tard, problème qui vient s’ajouter à ceux qu’ils rencontrent déjà ?
Le vote de cet amendement serait donc un signal discutable en termes d’aménagement du territoire, dont la vocation est de compenser les inégalités territoriales existantes.
Je préfère que l’État et les collectivités territoriales adaptent leurs priorités selon les besoins de chaque territoire.
Les mêmes arguments valent pour l’amendement n° 237.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’ai l’impression qu’il y a une incompréhension : ce sont tout de même les collectivités territoriales – certes, avec le soutien de l’État – qui fixent la nature et le rythme de réalisation de leurs projets de réseaux à très haut débit !
L’État fixe un cadre global et apporte un accompagnement sur les plans opérationnel et financier. À ce jour, déjà soixante-douze dossiers ont été acceptés, quatre-vingt-trois départements et collectivités outre-mer bénéficient d’un accord et vingt et un départements ont signé une convention définitive. L’État consacre beaucoup d’argent à cet accompagnement.
Toutefois, pour ce qui concerne la possibilité d’un déploiement prioritaire de l’accès internet très haut débit vers les territoires à enjeux touristiques, situés, en l’occurrence, en zones de montagne, je rappelle que les projets de réseaux d’initiative publique sont portés par les collectivités ou leurs groupements, qui décident seuls de la priorité des déploiements, en fonction de leurs paramètres propres.
L’enjeu touristique lié aux zones de montagne constitue, bien sûr, l’un des critères de priorisation du déploiement, mais le Gouvernement tient à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n’est ni à lui ni au législateur de dicter ces priorités, qui doivent être le fruit d’une analyse détaillée au niveau local et d’un consensus entre les collectivités concernées, qui sont seules décisionnaires, même si nous les accompagnons sur le plan du financement.
En conséquence, comme la commission, je sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Ces amendements m’ennuient quand même. Nous sommes des ruraux, des gens de la montagne, et nous nous plaignons en permanence que tout va vers les villes et les grandes métropoles, alors que nos campagnes sont oubliées. Or, on nous présente des amendements tendant à déployer prioritairement le très haut débit dans les territoires qui accueillent beaucoup de monde.
Je comprends l’enjeu économique qu’ont exposé mes collègues. Cela dit, nous pouvons être certains que les opérateurs déploieront le très haut débit d’eux-mêmes là où il y a du business à faire !
Ce n’est pas au législateur de définir une telle priorité : cela se fera sans notre intervention. Au reste, comment pourrions-nous la justifier auprès des habitants des campagnes, que l’on ferait attendre au profit des stations de ski ?…
Dans mon département, le vice-président du conseil départemental chargé du haut débit estime que 75 % environ de la population sera couverte en 2030. Je peux vous amener l’article.
Mes chers collègues, je ne saurais voter de tels amendements.
Cela dit, je n’oublie pas que je suis rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et, en tant que tel, je suis très heureux de la très forte volonté d’équiper le plus vite possible nos territoires de montagne et nos territoires ruraux qui se manifeste dans le présent projet de loi. Nous avons pris beaucoup de retard en la matière. J’ose espérer que cette détermination contribuera à aller vite et que des moyens seront trouvés.
Il me semble que l’on va dans le bon sens, mais, de grâce, ne faisons pas passer le business avant les habitants de nos territoires ! (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il serait intéressant de savoir qui est à l’origine de ces quatre amendements identiques et a eu suffisamment de talent pour rallier autant de signataires à leur dispositif.
Je suis assez surpris par notre débat, qui témoigne, comme M. le ministre l’a bien expliqué, d’une certaine méconnaissance de la manière dont les choses se passent et d’une absence de confiance à l’endroit des collectivités territoriales, qui doivent absolument avoir la main – éventuellement, à travers les syndicats d’énergie, comme cela se fait dans certains départements – sur leurs priorités, qui ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre.
Ces amendements montrent que nous n’avons pas les idées extrêmement claires sur la manière de résoudre le problème de la couverture numérique, sujet pourtant essentiel pour nous – nous avons tous diagnostiqué les difficultés qui se posent, en la matière, pour nos territoires.
Nous sommes, si je puis me permettre, plutôt en fin de session, et il me paraît nécessaire, compte tenu de l’enjeu pour les territoires et de l’urgence, que l’équipe gouvernementale qui va suivre – je ne fais pas de pronostic… – revienne assez vite sur le sujet par le biais d’une loi qui remettra tout à plat.
Je ne voterai donc pas ces amendements, qui me semblent dangereux, puisqu’ils auraient pour effet de retirer aux collectivités territoriales la possibilité d’établir leur priorité en fonction de leur propre vision du territoire, ce qui serait absurde, à la montagne comme ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. Je suis très étonnée de ces amendements, que je ne voterai pas.
On fait de gros efforts en moyenne montagne pour diversifier les activités économiques et touristiques. Je ne pense pas que la priorité soit d’aller là où tombe abondamment la neige, mais plutôt là elle tombe moins.
Les territoires de moyenne montagne souffrent de l’évolution climatique, de la situation de l’industrie et de ses conséquences sur l’emploi et du changement des habitudes touristiques.
Je sais la puissance économique de mes collègues de Savoie et de Haute-Savoie, mais ils doivent comprendre que ce texte s’adresse à l’ensemble des territoires de montagne.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Ces amendements ne visent pas à comparer les territoires à fort enjeu touristique aux autres territoires de montagne. Pour autant, nous devons aussi regarder ce qui se passe à nos frontières.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Michel Savin. Les concurrents les plus directs de nos stations d’Isère, de Savoie et de Haute-Savoie ne sont pas les autres stations françaises, mais celles d’Autriche, d’Italie ou de Suisse. La France n’est pas une île ! Voulons-nous tirer nos stations vers le haut ou vers le bas ?
Je comprends l’importance de développer toute une série de politiques en direction des autres territoires, mais, si l’on veut que nos stations demeurent compétitives à l’échelle mondiale, nous devons aussi nous adapter à cette concurrence. À ne rien faire, nous allons stagner et ces stations étrangères vont continuer d’attirer la clientèle hors de France.
M. Hervé a raison de souligner que nos touristes regardent non seulement la qualité de l’enneigement et de l’hôtellerie, mais aussi le niveau de développement des services. Ne restons donc pas dans une approche franco-française.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. On nous objecte que nous ignorons la façon dont les réseaux de très haut débit se déploient. Je m’intéresse d’assez près au RIP de Haute-Savoie et je sais, par exemple, que les élus locaux ont choisi de desservir les entreprises avant les ménages.
Il ne s’agit absolument pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, ni d’opposer une montagne riche à une montagne pauvre – jusqu’à maintenant nous avions réussi à éviter ce débat.
En revanche, et je reprendrai les arguments de Michel Savin, la clientèle internationale des stations à fort potentiel touristique n’aura aucune hésitation à aller à Zermatt, station parfaitement bien desservie – la qualité des transports, autre sujet dont nous pourrions parler demain… –, si nous ne pouvons lui offrir de haut débit.
Nous parlons ici de l’industrie touristique française. Sénateur d’un département rural, je sais tout l’enjeu que représente la desserte de nos territoires. Mais, alors que nous avons réussi à desservir les villes, les zones industrielles et, aujourd’hui, le périurbain, ne pas s’interroger sur la couverture de stations touristiques aussi importantes, qui drainent des milliers d’emplois, reviendrait à mal comprendre la situation réelle de nos stations de haute montagne.
Pourquoi ces amendements ? Parce qu’il y a urgence ! Si nous attendons encore deux ou trois ans, nous perdrons un avantage compétitif important. Tout comme l’enneigement et la qualité des infrastructures de transport, la couverture en téléphonie mobile et le très haut débit sont des enjeux absolument majeurs. Si vous fréquentez ces stations, et j’espère que vous le faites, vous aurez compris qu’il s’agit d’un critère de différenciation compétitive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ces amendements n’opposent pas les montagnes entre elles, mais ne visent, de fait, que certains territoires de montagne.
Il ne s’agit pas de rouvrir une quelconque guerre, mais je ne vois pas en quoi prioriser les secteurs à fort enjeu touristique va permettre de développer la vie et l’emploi dans les autres massifs.
Il est toujours intéressant de découvrir que l’eau coule, mais, en effet, du fait de la privatisation des secteurs de la télécommunication et de ses effets sur la couverture dans notre pays, les investisseurs vont là où c’est rentable ! L’aménagement équitable du territoire n’est pas leur premier souci.
Je m’inquiète assez peu du devenir d’un certain nombre de grandes stations fréquentées par les personnes les plus riches de la planète, déjà très bien couvertes, et davantage des stations fréquentées par des personnes d’un niveau social différent, que je qualifierai de stations de type familial, moins bien couvertes, même en Savoie ou en Haute-Savoie.
Nous ne voterons pas ces amendements qui s’opposent à l’esprit de ce texte et à tout ce que nous défendons collectivement cet après-midi, à savoir qu’il faut s’adresser à la montagne dans toute sa diversité, sans flécher l’action publique vers un secteur particulier, au risque de fragiliser les autres. Ces amendements nous font sentir que l’on est toujours le pauvre ou le riche de quelqu’un… Il serait dommage d’inscrire une telle idée dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Ces amendements visent spécifiquement l’accès aux réseaux internet à très haut débit, et non la téléphonie mobile. Il ne faut pas mélanger les genres.
Dans la plupart des stations, ce sont les collectivités elles-mêmes qui vont investir par le biais des réseaux d’initiative publique. N’est-il pas dangereux, voire même inefficace de contraindre les collectivités à définir dans leur programme des priorités pour les stations de montagne ?
Je pense que chaque territoire doit pouvoir s’appuyer sur une programmation adaptée à ses besoins et à ses politiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 rectifié, 380 et 432.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 9 bis
Après le deuxième alinéa du VI de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve du premier alinéa du présent VI, et en tenant compte des lignes directrices mentionnées au deuxième alinéa, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent proposer des conditions tarifaires préférentielles à titre temporaire, en vue de faciliter l’ouverture commerciale de leurs réseaux. » – (Adopté.)
Article 9 ter A (nouveau)
Une base normalisée des adresses au niveau national est créée par l’autorité compétente de l’État en vue de référencer l’intégralité des adresses du territoire français, dans le cadre de la mise à disposition des données de référence prévue à l’article L. 321-4 du code des relations entre le public et l’administration, avec le concours des administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du même code et en concertation avec les opérateurs de communications électroniques. Cette base est mise à disposition à partir du 1er juillet 2017. – (Adopté.)
Article 9 ter B (nouveau)
Après l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 33-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 33-1-1. – L’insuffisance de l’initiative privée pour déployer un réseau à très haut débit dans une commune est constatée par l’État au 1er juillet 2017 lorsqu’elle ne fait l’objet d’aucun projet de déploiement par un opérateur privé d’un réseau ouvert au public permettant de desservir les utilisateurs finals, défini dans une convention signée avant cette date entre l’opérateur, l’État et les collectivités territoriales concernées ou leurs groupements, et précisant notamment le calendrier du déploiement. »
Mme la présidente. L'amendement n° 156 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Panunzi, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
défini dans une convention
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
proposée avant cette date par l’opérateur à l’État et aux collectivités territoriales concernées ou leurs groupements, et précisant notamment le calendrier prévisionnel du déploiement.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à ajuster le mécanisme de formalisation des projets privés de déploiement de réseaux à très haut débit, en constatant l'insuffisance de l'initiative privée pour couvrir une commune par l'absence de convention proposée par un opérateur à l'État et aux collectivités territoriales concernées avant le 1er juillet 2017.
Ces conventions devaient initialement être signées avant fin 2015, puis avant fin 2016. Or un certain nombre d’entre elles ne le sont toujours pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 ter B, modifié.
(L'article 9 ter B est adopté.)
Article additionnel après l'article 9 ter B
Mme la présidente. L'amendement n° 160 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Panunzi, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les zones rurales et de montagne, ces objectifs sont visés dans un horizon de temps proportionné aux surcoûts induits.»
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. La loi du 17 décembre 2009 a fixé un objectif en termes de « cohérence des déploiements » et de « couverture homogène des zones desservies ».
Ce principe a vu sa traduction dans l’obligation de complétude des déploiements au sein de chaque zone arrière de point de mutualisation dans un délai raisonnable – de deux à cinq ans – imposée aux opérateurs d’immeuble par la décision n° 2010-1312 de l’ARCEP.
Cette obligation de complétude dans un délai de deux à cinq ans deux est raisonnable en zone assez dense, notamment en zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement, les zones AMII.
En zone rurale, elle est contre-productive. Souvent, par exemple, environ 85 % des lignes coûtent 1 000 euros en moyenne et 15 % d’entre elles coûtent deux à trois fois plus, soit 3 000 euros en moyenne. Obliger à construire rapidement ces dernières pénalise fortement l’économie du déploiement dans une zone, ce qui peut faire renoncer à la couvrir.
Il faut donc pouvoir intégrer de la souplesse dans la complétude et chercher à atteindre l’objectif à un horizon de dix, voire quinze ans dans ce cas.
Il ne s’agit pas de laisser de côté les lignes les plus chères, mais de les faire au moment où le besoin se présente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est indispensable que la couverture en très haut débit concerne tous les habitants d’un territoire, d’une commune ou d’un quartier. Il ne saurait être question de laisser les habitations à l’écart des réseaux de fibre optique. Ce serait organiser le désordre, la protestation, pour ne pas dire la jalousie.
L’article que vous souhaitez modifier introduit cet objectif de cohérence des déploiements et de couverture homogène, objectif qui s’applique aux mesures que prend le régulateur pour s’assurer que les déploiements sont bien complets dans une zone définie et dans un temps raisonnable.
L’adoption de votre amendement, monsieur le sénateur, reviendrait à affaiblir cet objectif en permettant de reculer les échéances de déploiement lorsque les locaux isolés sont coûteux à raccorder. Je me dois de vous dire, en tant que ministre concerné, que ce n’est pas aménager le territoire que de procéder de la sorte !
Je comprends que vous cherchiez à créer de la souplesse et à optimiser les coûts, mais je vous rappelle l’exigence d’égalité que nous devons à nos concitoyens et qu’eux-mêmes nous rappellent régulièrement.
Alors que nous ne cessons de dire, au cours de ce débat, qu’il faut assurer l’égalité des territoires et que la montagne ne doit pas être plus maltraitée que les autres, on ne peut accepter de telles dispositions qui verraient certains de nos concitoyens être raccordés à la fibre optique avec cinq ou dix ans de retard.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Ce n’est pas l’objet de cet amendement, monsieur le ministre.
Nous voulons éviter de faire des investissements qui ne serviraient pas dans un temps donné. Est-il raisonnable, par exemple, d’investir 3 000, 4 000 ou 5 000 euros sur un site isolé, au fond d’une vallée, alors qu’il n’y pas de demande ? Ne vaut-il pas mieux dépenser cet argent dans un secteur où le besoin est avéré ? C'est la raison pour laquelle nous voulons introduire cette souplesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 ter B.
Article 9 ter
Le deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le territoire couvert par un schéma directeur territorial d’aménagement numérique comprend des zones de montagne, au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, l’élaboration de cette stratégie est obligatoire. » – (Adopté.)
Article 9 quater
Le premier alinéa du III de l’article 1519 H du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les stations radioélectriques de téléphonie mobile construites en zone de montagne entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020 ne sont pas imposées. »
Mme la présidente. L'amendement n° 47, présenté par Mmes Didier, Cukierman et David, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer une exonération fiscale introduite à l’Assemblée nationale et encadrée ici en commission du développement durable.
Nous ne pensons pas que les opérateurs de téléphonie mobile seront incités à investir davantage par une énième exonération.
La politique mise en œuvre dans ce domaine depuis des dizaines d’année n’a pas porté ses fruits. Rien n’y fait : dans les territoires reculés, les opérateurs ne vont pas s’implanter. Il faut changer de cap et leur imposer très clairement des obligations de service public, en contrepartie d’un financement public, dans le cadre d’un service universel étendu au haut débit, voire au très haut débit.
Nous sommes doublement opposés à cette exonération de paiement de l’IFER : d’une part, comme nous venons de le souligner, parce que ne réglera en rien la question de l’aménagement du territoire ; d’autre part, parce que cette exonération va priver les régions d’un subside important en période de disette budgétaire.
À l’heure où l’argent public se fait rare pour les collectivités du fait des politiques de réduction des dotations budgétaires, nous ne souhaitons pas aggraver encore la situation financière de ces collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Comme l’a rappelé Mme Didier, la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale ne bornait pas l’IFER et proposait de mettre en place une exonération sur le long terme.
Avec Patrick Chaize, nous avons souhaité borner l’IFER pour « coller » au plan France Mobile. Il s’agit d’une mesure incitative pour aller de l’avant et pénaliser le moins possible les collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Par cohérence avec la position que j’ai prise à l’Assemblée nationale, j’émettrai un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je suis très réservé sur la disposition adoptée à l’Assemblée nationale.
Je partage globalement le point de vue de Mme Didier. C’est une double peine : les territoires qui ont le plus besoin du déploiement vont contribuer au financement en renonçant au bénéfice de la fiscalité.
Peut-être pourrons-nous trouver d’autres solutions dans le cadre de la prochaine loi de finances ou d’un collectif budgétaire ? Nous connaissons les opérateurs. Pourquoi ne pas travailler sur le taux de l’IFER pour leur permettre d’assurer le déploiement sur les parties du territoire pas encore couvertes ?
Je suis conscient des efforts réalisés pour borner les choses dans la durée, mais je pense qu’on ne peut demander à ceux qui ne sont pas desservis de renoncer à la recette fiscale que les régions et les territoires les plus denses, où l’on ne trouve que des zones AMII et où la téléphonie mobile est partout, vont percevoir automatiquement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 9 quater est supprimé.
Articles additionnels après l'article 9 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L.122-7 du code de l’urbanisme, après la référence : « L. 111-5 », sont insérés les mots : « ou par délibération du conseil municipal pour les communes situées en zone de montagne si la construction a pour objet de favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile ».
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement vise à modifier le code de l’urbanisme pour qu’il puisse être possible de déroger, par délibération, au principe de continuité de l’urbanisation quand il s’agit d’implanter des infrastructures nécessaires à la couverture en très haut débit ou en téléphonie mobile. Certaines autorisations d’implantation de pylônes, par exemple, ont été refusées du fait de la non-continuité de l’urbanisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Il nous semble que l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme répond déjà à ces préoccupations.
Si une commune est couverte par un SCOT ou un PLU, ces documents peuvent prévoir de telles dérogations. Si ce n’est pas le cas, il est déjà permis aux conseils municipaux de prendre une délibération motivée pour prévoir une dérogation pour toute construction ou installation, lorsque l’intérêt communal le justifie, après avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui est satisfait.
Mme la présidente. Monsieur Delcros, l'amendement n° 23 est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Oui, madame la présidente.
Je rappelle que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’implantation d’un pylône pour non-continuité de l’urbanisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 84, présenté par MM. Danesi, Chasseing, Darnaud, Doligé et Genest, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Reichardt et Calvet, Mme Giudicelli, M. Grand, Mme Gruny et M. Savin, est ainsi libellé :
Après l'article 9 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 122-11 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les installations destinées au fonctionnement des réseaux de communications électroniques fixes ou mobiles, les installations radioélectriques ainsi que les installations favorisant l’expérimentation de solutions innovantes de nature à améliorer la couverture des zones de montagne. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Il me semble que la modification proposée vise principalement à contrer la récente décision du tribunal administratif, qui a déclaré illégal un permis de construire pour l’implantation d’un pylône hors d’une zone urbaine, que vous évoquez.
Le périmètre de la dérogation envisagé est très large, car il permettrait de déployer dans les espaces agricoles, pastoraux et forestiers non seulement des installations mobiles, mais également les installations des réseaux fixes, comme des poteaux. En d’autres termes, l’adoption de cet amendement peut avoir des conséquences importantes pour les territoires de montagne.
Le droit en vigueur prévoit déjà des dérogations, en autorisant la réalisation hors des zones urbanisées d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
Le cas d’espèce semble avoir achoppé sur la justification par la mairie de cette incompatibilité. Le droit existant semble équilibré, et il revient au juge d’apprécier les cas qui lui sont soumis.
En tout état de cause, modifier le droit en réaction à une décision d’un tribunal administratif, premier niveau des juridictions administratives, me semble excessif.
À défaut d’avoir davantage d’éléments sur l’impérieuse nécessité d’un tel changement, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9 quinquies
(Non modifié)
Après l’article L. 34-8-2-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-8-2-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-8-2-1-1. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes publie périodiquement des indicateurs sur le taux de pénétration des réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final, établis ou exploités par les collectivités territoriales et leurs groupements en application de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Ces indicateurs permettent d’évaluer l’intensité de la concurrence dans les territoires, en particulier dans les zones rurales ou de montagne, et de proposer des solutions pour assurer que les taux de pénétration constatés au sein des zones d’initiative publique ne s’éloignent pas durablement des taux constatés dans les zones d’initiative privée. » – (Adopté.)
Article 9 sexies
Après l’article L. 34-8-5 du même code, il est inséré un article L. 34-8-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-8-6. – Sans préjudice de l’article L. 34-8-2-1, dans les zones de montagne au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, les exploitants de réseaux radioélectriques font droit aux demandes raisonnables d’accès aux infrastructures physiques d’une installation radioélectrique, à son alimentation en énergie et au lien de transmission utilisé pour raccorder cette installation, émanant d’autres exploitants de réseaux radioélectriques.
« L’accès est fourni dans des conditions techniques et tarifaires raisonnables. Lorsque la fourniture de l’accès demandé nécessite des travaux de renforcement des installations, le demandeur prend en charge une part équitable des coûts induits. Tout refus d’accès est motivé.
« L’accès fait l’objet d’une convention entre les exploitants de réseaux concernés. Cette convention détermine les conditions techniques et financières de l’accès. Elle est communiquée, à sa demande, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Les différends relatifs aux demandes raisonnables d’accès mentionnées au premier alinéa du présent article et à la conclusion ou à l’exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l’article L. 36-8. »
Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Didier, Cukierman et David, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
raisonnables
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous partageons l’esprit de cet article, y compris le sens de sa réécriture en commission.
Il tend à renforcer l’effort de mutualisation des infrastructures en indiquant les conditions du droit d’accès aux infrastructures passives utilisées pour les réseaux mobiles.
Cet article élargit le périmètre de l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables d’accès en prévoyant qu’elle s’applique à tous les exploitants de réseaux radioélectriques, qu’ils soient ou non ouverts au public.
Il prévoit également que l’accès est fourni dans des conditions techniques et tarifaires raisonnables.
Nous partageons cette volonté de mise en commun des infrastructures, laquelle devrait relever de la maîtrise publique et non être laissée au gré des desiderata des opérateurs.
Une telle architecture permettrait de mutualiser vraiment les investissements au niveau national en permettant d’apporter la péréquation nécessaire entre les différentes régions.
En tout état de cause, si l’on veut réellement renforcer cette mutualisation, nous considérons qu’il convient de supprimer l’adjectif « raisonnables ». Nous craignons en effet que cette définition ne soit utilisée de mauvaise foi par les opérateurs pour refuser l’accès de leurs infrastructures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. Le dispositif est équilibré, car les opérateurs sont en droit d’attendre que l’accueil d’un autre opérateur se fasse dans des conditions techniques et tarifaires raisonnables afin d’assurer une répartition adaptée des coûts.
Par ailleurs, l’ARCEP sera saisie des différends relatifs à ces demandes d’accès et pourra, le cas échéant, déterminer si ces conditions sont raisonnables.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Panunzi, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
L’accès est fourni dans des conditions équitables et raisonnables. Lorsque l’accès demandé par un opérateur nécessite un aménagement des installations les coûts induits sont pris en charge par l’opérateur en demande. Tout refus d’accès est motivé.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. L’incitation à la mutualisation des équipements est une priorité pour accélérer la couverture des territoires de montagne.
Pour ne pas décourager les opérateurs souhaitant déployer de nouveaux points hauts ou des aménageurs de points hauts, en particulier dans les zones de montagne, les auteurs de cet amendement proposent une rédaction conforme à l’ordonnance du 28 avril 2016, transposant la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques.
La convention déterminant les conditions financières communiquée à l’ARCEP permettra, le cas échéant, de moduler cette répartition entre les parties.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 133 amendements au cours de la journée ; il en reste 239.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Rappel au règlement
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, mon expérience personnelle étant sans doute insuffisante, j’espère que vous pourrez m’éclairer, à cette heure matinale… J’ai vérifié : l’ordre du jour officiel ne prévoyait pas de séance de nuit. Je ne m’attendais donc pas, lorsque j’ai quitté l’hémicycle, à ce que l’article 9 soit examiné lors de cette séance. Je suis revenu, et je souhaiterais, madame la présidente, des explications.
Mme la présidente. Je vais vous les donner, mon cher collègue.
La séance de nuit a été ouverte par moi-même, à vingt et une heures trente, avec l’accord de l’assemblée, selon l’usage et conformément à notre règlement. Les séances de nuit sont en effet ouvertes soit sur décision de la conférence des présidents, soit sur proposition du président de séance, proposition que les sénateurs présents dans l’hémicycle peuvent accepter ou refuser.
M. Daniel Raoul. Dans ce cas, le site du Sénat, que je consultais en direct, aurait dû être corrigé, madame la présidente.
Mme la présidente. Sur ce point, je ne peux pas grand-chose, mais je ferai passer le message. Je suis désolée, mais j’ai respecté les règles et, si quelqu’un s’était opposé à ma proposition à vingt et une heures trente, nous aurions pu revoir les choses, mais tout le monde l’a acceptée.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Raoul.
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 13 décembre 2016 :
À quatorze heures quinze : éloge funèbre de Paul Vergès.
À quinze heures :
Lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47 rectifié, 2016-2017) ;
Rapport de M. Cyril Pellevat, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 191, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 192, 2016-2017) ;
Avis de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois (n° 182, 2016-2017) ;
Avis de Mme Patricia Morhet-Richaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 185, 2016-2017) ;
Avis de M. Gérard Bailly, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 186, 2016-2017).
À dix-huit heures : débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016.
Le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47 rectifié, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 13 décembre 2016, à deux heures.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD