Mme la présidente. La parole est à Maurice Vincent, contre la motion.
M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai déjà évoqué dans la discussion générale les raisons pour lesquelles le groupe socialiste et républicain est favorable au projet de loi de finances rectificative pour 2016 tel qu’il revient de l’Assemblée nationale. En toute logique, nous nous opposons donc à cette motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le Gouvernement était prêt à travailler sur le texte.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Chiche !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pourrais répondre aux orateurs sur un certain nombre de points, mais cela serait trop long. Cela me semble même, si j’ose dire, peine perdue, car, quand certains continuent, malgré trois ou quatre explications, à confondre l’ACOSS et la CADES, il devient difficile de convaincre…
M. Francis Delattre. La CADES, c’est de la dette.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et l’ACOSS, ce n’est pas de la dette, monsieur le sénateur ?...
Bref, le Gouvernement est défavorable à cette motion.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, sur laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 83 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 est rejeté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen, d’une part, du projet de loi relatif à la sécurité publique et, d’autre part, du projet de loi ratifiant les trois ordonnances nos 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.
Ces textes ont été déposés ce jour sur le bureau du Sénat.
7
Renvoi pour avis unique
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi n° 264 ratifiant les ordonnances nos 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
8
Ratification de deux ordonnances relatives à la consommation
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances nos 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (projet n° 16, texte de la commission n° 190, rapport n° 189).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’impulsion du Président de la République, le Gouvernement et sa majorité ont fait le choix, dès 2012, de renforcer les droits et la confiance des consommateurs pour en faire des leviers essentiels de la relance de la croissance française. Je l’ai indiqué à vos collègues du Palais-Bourbon, ce choix est sur le point – nous le constatons avec les dernières prévisions disponibles – d’être récompensé.
Pour arriver à ce résultat, il a d’abord fallu apporter des garanties supplémentaires et de nouveaux droits aux consommateurs. C’était chose faite dès 2014 avec la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, défendue par Benoît Hamon, qui a renforcé les droits des consommateurs, trop souvent malmenés. Prenons quelques exemples concrets : les élèves des auto-écoles ne sont plus obligés de s’acquitter de frais pour la restitution de leur dossier ; les achats de lunettes de vue sur internet sont encadrés ; les comparateurs de prix en ligne sont obligés de proposer une information claire, transparente et loyale.
Cette loi est même allée plus loin, de nouveaux droits ayant été créés, notamment celui de s’opposer au démarchage téléphonique abusif avec le dispositif Bloctel, auquel ont adhéré plus de 2,7 millions de Français, celui de résilier à tout moment, après un an de contrat, son assurance automobile ou multirisque habitation, ou encore celui d’obtenir réparation des dommages matériels subis à l’occasion d’un acte de consommation, avec l’action de groupe.
Aujourd’hui, après le renforcement ou la création des fondations, nous achevons le toit de ce que j’appelle la grande maison des droits du consommateur. Vous l’aurez compris, ce toit consiste en la recodification du code de la consommation, soumise, au travers de l’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du nouveau code de la consommation, à votre ratification.
La loi relative à la consommation a permis des avancées historiques en matière de droit du consommateur. Pourtant, un écueil restait encore à déplorer : les consommateurs ignorent le plus souvent leurs droits, que ceux-ci soient nouveaux ou anciens, ce qui les empêche d’en bénéficier pleinement.
Un droit ou une liberté ne valent en effet que si l’on peut en jouir pleinement ; sinon, ils ne restent que de beaux principes connus d’une poignée d’experts et ignorés du reste de la population.
Or l’accès à l’information, autrement dit la lisibilité du code de la consommation, était une véritable chasse au trésor pour ceux qui avaient la patience de s’y plonger afin de s’informer de leurs droits. Certains d’entre vous savent de quoi je parle : erreurs rédactionnelles, incohérence des rédactions, notamment en matière de sanction, et même oublis. Une refonte de ce code était donc nécessaire.
La recodification du code de la consommation, entrée en vigueur le 1er juillet dernier, simplifie les dispositions et apporte de la clarté aux utilisateurs que sont le consommateur, le professionnel, mais aussi l’administration, sur les règles et les droits en matière de consommation.
Au travers d’une modernisation de l’organisation du code, en préparation depuis une dizaine d’années déjà au sein des services de l’État, les consommateurs ont enfin accès à une meilleure lisibilité de leurs droits et donc à une garantie supplémentaire de l’effectivité de ceux-ci. Cela renforce la confiance avec les professionnels et cela protège également le pouvoir d’achat des ménages, nos concitoyens étant désormais mieux informés.
Quant aux entreprises, elles peuvent d’ores et déjà profiter de cette nouvelle organisation pour dénicher de bonnes pratiques commerciales et bénéficier d’une plus forte sécurité juridique.
Enfin, les services de l’État disposeront de procédures et de pouvoirs d’enquête simplifiés, sécurisés et regroupés dans un livre dédié. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, peut en particulier appliquer un nouveau dispositif de sanctions administratives et de nouveaux pouvoirs pour conduire encore plus efficacement ses enquêtes, de façon masquée ou en sollicitant des agents externes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre action visant à protéger les consommateurs français ne s’arrête pas là, vous vous en doutez. Nous avons été contraints, tout au long de ce mandat, par un contexte de crise économique dépassant largement nos frontières ; je pense à la crise des subprimes, venue d’outre-Atlantique et affectant directement la distribution du crédit immobilier en France.
Avec la directive européenne du 4 février 2014, nous avons mis en place à l’échelle européenne un cadre juridique harmonisé du crédit hypothécaire et nous avons facilité l’avènement d’un marché intérieur du crédit immobilier, responsable et protégeant le consommateur. Tel est l’objet de l’ordonnance du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, qui transpose cette directive.
Ces nouvelles dispositions sont appliquées aux contrats dont l’offre aura été émise après leur entrée en vigueur, soit, pour l’essentiel, depuis 1er juillet 2016. De nouvelles obligations ont été introduites dans le droit français, applicables aux établissements de crédit et aux intermédiaires de crédit, comme la remise d’une fiche standardisée d’information, l’évaluation de la solvabilité, les règles de conduite et de rémunération ou les règles de compétence.
De toute évidence, compte tenu de l’encadrement juridique robuste d’ores et déjà applicable au crédit immobilier en France, certaines dispositions ne nécessiteront qu’une simple adaptation du droit français aux exigences de la directive.
Je souhaite souligner que l’élaboration de cette ordonnance a donné lieu à une concertation abondante avec les organisations professionnelles et les associations de consommateurs, et je me réjouis de cette démarche constructive menée dans l’intérêt de tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis aujourd’hui a fait l’objet d’améliorations rédactionnelles lors de l’examen à l’Assemblée nationale. Ces quelques ajustements ont permis d’aboutir au texte qui vous est soumis cet après-midi, qui apportera à nos concitoyens, à nos entreprises et aux services de l’État un cadre juridique modernisé au service de la protection des consommateurs et, in fine, du renforcement de l’économie française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est saisi en première lecture de ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, tendant à ratifier deux ordonnances intervenues récemment dans le domaine du droit de la consommation et prises sur le fondement de dispositions relevant de deux lois distinctes : la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et la loi du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.
Le Gouvernement a choisi, depuis plusieurs mois, de multiplier l’inscription, dans les semaines qui lui sont réservées, à l’ordre du jour des textes de ratification expresse d’ordonnances. Il faut s’en féliciter.
D’abord la ratification d’une ordonnance redonne en elle-même de la cohérence à notre hiérarchie des normes, puisqu’elle permet de transformer en des dispositions de rang législatif des textes revêtant seulement un caractère réglementaire alors que, en vertu de l’article 37 de la Constitution, ils touchent au domaine de la loi.
Ensuite, la procédure de ratification nous donne la possibilité de reprendre l’intégralité de nos prérogatives sur une matière temporairement abandonnée au pouvoir exécutif pour s’assurer que celui-ci a respecté les limites de l’habilitation qui lui a été accordée et, le cas échéant, pour modifier la teneur de certains mécanismes qu’il a adoptés.
Sous cet angle, le projet de loi qui nous est soumis procède d’une ambition extrêmement limitée ; il se borne principalement à apporter des corrections techniques au travail de recodification du code de la consommation, qui a représenté, pour les ministères et la commission supérieure de codification, un travail de près de dix ans et qui a conduit à réorganiser quelque 1 100 articles législatifs dans un code entièrement refondu. Il faut féliciter les ministères de ce travail de fond considérable.
Cette entreprise de recodification, instaurée par l’ordonnance du 14 mars 2016, était nécessaire, car le droit de la consommation s’est considérablement étoffé et compliqué au cours des trente dernières années, du fait de nouvelles règles de procédure, comme le surendettement ou l’action de groupe, et d’un foisonnement du droit européen, lié à la multiplication des règlements et des directives en faveur des consommateurs. La version initiale du code de la consommation, datant de 1993, n’était incontestablement plus en mesure de donner un accès intelligible à cet ensemble de normes.
L’ordonnance du 14 mars 2016 a procédé à une recodification à droit constant, exception faite du volet concernant les pouvoirs d’enquête en matière de consommation, car l’habilitation que nous avions votée en 2014 prévoyait d’harmoniser et de fusionner dans un seul corps de règles les procédures et les pouvoirs applicables en vue de sanctionner les violations au droit de la consommation.
L’ordonnance du 26 mars 2016 a, quant à elle, pour simple but d’assurer la correcte transposition d’une directive récente, en introduisant de nouvelles obligations jusqu’ici non prévues par notre législation relative aux opérations de crédit immobilier.
Ces modifications concernent notamment l’information générale du consommateur, la remise d’une fiche standardisée d’information, l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur, le service de conseil et d’évaluation du bien immobilier ainsi que les règles de conduite et de rémunération applicables aux intermédiaires en opération de crédit.
Le projet de loi de ratification que nous examinons ne modifie guère la substance de ces deux ordonnances ; il apporte principalement des corrections juridiques et techniques ponctuelles. Il n’innove sur le fond que sur deux points, eux-mêmes très circonscrits : d’abord, il fusionne les bases juridiques permettant l’adoption des mesures réglementaires d’application des dispositifs relatifs au contrôle de la sécurité des produits et de leur conformité. Ensuite, il étend les règles de protection contre les pratiques commerciales trompeuses aux non-professionnels, notamment aux associations et aux syndicats de copropriétaires.
Au cours de sa réunion du 7 décembre dernier, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté conforme le texte des députés, madame la secrétaire d’État, estimant que la plupart des modifications techniques nécessaires à la bonne insertion juridique des dispositions avaient été apportées. Du reste, au cours des auditions auxquelles j’ai procédé en qualité de rapporteur, ni la codification elle-même ni la transposition de la directive en matière de crédit immobilier n’ont suscité d’observations critiques. Cela démontre – ne soyons pas gênés de le souligner – la qualité du travail réalisé.
En revanche, au cours de son examen, la commission des affaires économiques avait réservé le traitement des suites à donner à la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, car celle-ci devait intervenir le lendemain.
Or, par sa décision du 8 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution plusieurs dispositions adoptées selon une procédure irrégulière, car elles étaient, selon les cas, dépourvues de tout lien ou sans lien direct avec les dispositions du projet de loi.
C’est notamment le cas du dispositif relatif au droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers, qui avait été adopté à l’unanimité des députés – il faut le rappeler ! – en nouvelle lecture. Pour le Sénat, la censure du Conseil constitutionnel n’est pas une surprise, puisque nous avions considéré à l’époque, suivant en cela l’avis du rapporteur de ce texte, Daniel Gremillet, ici présent, que cette disposition était contraire à la règle de l’entonnoir.
Mme Catherine Procaccia. Un grand merci à Daniel Gremillet !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Cette position avait entraîné de vives protestations au sein même de cet hémicycle, mais force est de constater que le Sénat a fait preuve de la plus grande lucidité en adoptant cette position juridique !
Cette précision me semble utile pour celles et ceux qui s’interrogent parfois sur la légitimité du bicamérisme…
La décision du Conseil constitutionnel permet au Sénat d’aborder de nouveau cette question dans un texte et à un stade de la procédure où elle a pleinement sa place, madame la secrétaire d'État. En ma qualité de rapporteur, et en y associant Daniel Gremillet, j’ai donc procédé à différentes auditions, au cours desquelles nous avons travaillé, fort de ce nouveau contexte, avec la ferme volonté de faire aboutir un nouveau droit de la concurrence en matière de crédit immobilier et d’assurance emprunteur.
En effet, pour de nombreux consommateurs et associations de consommateurs, preuve est faite que l’absence de concurrence conduit parfois les banques à réaliser des profits très importants en prévoyant, par exemple, d’appliquer des surprimes de plus de 50 % à certains ménages de moins de cinquante ans ! Cela peut représenter pour eux une dépense supplémentaire de l’ordre de 500 à 700 euros par an, ce qui nous semble tout à fait anormal.
Ce matin, la commission des affaires économiques a donc souhaité créer un droit de résiliation et de substitution annuelle du même type que celui qui existe, de manière générale, pour les autres contrats, et notamment les contrats d’assurance vie. Il était important de le voter, car nous voulons redonner du pouvoir d’achat aux familles. C’est même un leitmotiv ! En donnant justement la possibilité à chaque consommateur de renégocier annuellement son contrat d’assurance, on lui restitue donc potentiellement de 500 à 700 euros de pouvoir d’achat supplémentaire par an.
Soyons clairs, ces 700 euros ne sont pas au service de la consommation « classique ». Ils constituent une rente pour le secteur bancaire. Avec cette disposition, nous cherchons à redistribuer 3 milliards d’euros dans l’économie réelle sur les 6 milliards d’euros que représente le marché de l’assurance emprunteur.
À l’issue d’un large débat, la commission des affaires économiques a donc adopté cet amendement dont nous débattrons aujourd'hui après l’article 4. Il tend à assurer un droit de substitution annuel, qui devrait avoir un impact favorable sur les prix, sans pour autant que l’on ait à craindre d’effets majeurs sur la couverture assurantielle de l’ensemble des candidats à un emprunt immobilier.
Sur cette question, Daniel Gremillet et moi-même avons veillé à ce que la baisse des prix ne se fasse pas au détriment de la couverture des risques. Nous craignions en effet un risque de démutualisation. Or, après les nombreuses auditions que nous avons menées, il semble évident, non seulement qu’il n’existe aucun risque de démutualisation,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin, rapporteur. … mais que des assurances ayant pignon sur rue sont parfaitement capables de proposer aux emprunteurs une couverture des risques équivalente, voire supérieure, pour un coût parfois moitié moins élevé.
Par souci de sécurité juridique, votre commission a estimé préférable, dans un premier temps, de réserver l’application de ce droit aux seuls contrats à venir.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !
M. Martial Bourquin, rapporteur. À titre personnel, j’aurais été certainement plus radical, mes chers collègues, mais je le répète : par pur souci de sécurité juridique, et uniquement pour cette raison, la commission a décidé de n’appliquer cette disposition qu’aux contrats conclus à partir de 2017, après l’entrée en vigueur de la loi. Nous avons ainsi trouvé une solution juridiquement acceptable, afin de prendre en considération les contrats d’assurance emprunteur en cours.
En tout état de cause, il conviendra d’être vigilant sur le suivi de la réforme. Aussi, nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail chargé de mesurer les effets concrets de la mesure et de conduire une évaluation pendant deux ans, notamment en ce qui concerne la couverture des risques.
En même temps qu’elle a adopté cet amendement important, votre commission a voté des amendements complémentaires destinés, pour l’un, à reprendre une disposition relative au délai de rétractation dans l’achat de métaux précieux, mesure figurant dans la loi Sapin II, mais censurée comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel, et, pour les autres, à conforter encore davantage les dispositifs juridiques des ordonnances en cours de ratification.
Madame la présidente, je vous prie très sincèrement de bien vouloir m’excuser d’avoir dépassé le temps qui m’était imparti, mais ces mesures permettront de restituer 3 milliards d’euros à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole de trois minutes, monsieur le rapporteur, soit 1 milliard d’euros par minute ! (Rires)
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis porte sur la ratification de deux ordonnances. C’est l’occasion pour moi de rappeler l’opposition de principe du groupe communiste républicain et citoyen aux ordonnances.
La première des ordonnances vise une recodification du code de la consommation à droit quasi constant et n’appelle pas de commentaire particulier. Nous soutiendrons les amendements du rapporteur, qui vont dans le bon sens, en particulier celui sur le délai de rétractation en cas de vente de métaux précieux.
La seconde porte sur les contrats de crédit immobilier. Cette ordonnance transpose une directive européenne élaborée à la suite de la crise des subprimes. Il s’agissait de trouver une réponse à la prépondérance dans certains pays européens d’un système de crédit hypothécaire, dans lequel le crédit est accordé en référence au prix du bien, et non aux capacités de remboursement de l’emprunteur, ce qui n’est pas le cas en France.
Lors des débats en commission à l’Assemblée nationale, ce point a été soulevé, notamment la nécessité de ne pas revenir sur le modèle français au détour d’un simple projet de loi ratifiant une ordonnance. Le rapporteur a alors précisé que la résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle III, votée à l’unanimité, était respectée.
En effet, le rapporteur a souligné que cette directive visait non pas à faciliter ou à entraver l’accès au crédit, mais à s’assurer que ceux qui ont accès au crédit le font en pleine connaissance des risques qu’ils peuvent courir.
De nouvelles obligations visant à renforcer la protection de l’emprunteur sont ainsi introduites dans le droit français : information générale du consommateur, remise d’une fiche d’information standardisée, évaluation de la solvabilité, devoir d’alerte, service de conseil, évaluation du bien immobilier… Il s’agit pour le prêteur comme pour l’intermédiaire de crédit de fournir gratuitement « à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière ».
Toutefois, l’ordonnance introduit aussi la notion de conseil en crédits, indépendant de la commercialisation des contrats, ce conseil restant facultatif : « Le service de conseil consiste en la fourniture à l’emprunteur de recommandations personnalisées en ce qui concerne un ou plusieurs contrats de crédit. » Cette rédaction peut poser question, car ce service est payant et qu’il est très proche du service de conseil obligatoire imposé par la même directive. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point, madame la secrétaire d'État.
De plus, je tenais à souligner que ces textes ne répondent pas à la difficulté qu’un nombre important de nos concitoyens rencontrent pour obtenir un crédit immobilier. Ceux-ci se voient ainsi privés de la possibilité d’accéder à la propriété ou à d’autres biens. En effet, l’augmentation spéculative des prix de l’immobilier et la baisse du pouvoir d’achat empêchent de nombreux ménages de constituer l’apport de l’ordre de 10 % du montant du crédit qui leur est nécessaire.
Ce sont encore une fois les ménages les plus aisés et les multipropriétaires qui profitent de la baisse des taux d’intérêt et non les emprunteurs les plus modestes, les primo-accédants et les jeunes ménages, dont la proportion décroît régulièrement. Au passage, ce n’est pas l’augmentation du SMIC de 9 centimes d’euro qui va améliorer la situation, madame la secrétaire d'État !
Les critères imposés par les établissements bancaires en matière d’octroi de crédit sont tellement exigeants que les primo-accédants et les ménages les plus modestes ont du mal à les remplir. La Fédération des promoteurs immobiliers, quant à elle, constate que les ménages ont de plus en plus de mal à accéder au crédit et que le taux de désistement pour refus de prêt a doublé en quelques mois, passant de 10 % à 20 %. Si les taux sont au plus bas, les critères d’octroi de prêts se sont durcis. Cette question reste ouverte.
Enfin, lors des débats en commission, le rapporteur s’est saisi avec notre collègue Daniel Gremillet de la question de l’assurance emprunteur dans le cadre des crédits immobiliers.
Le dispositif autorisant la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur avait été adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive le 8 novembre 2016 dans le cadre de la loi Sapin II, mais il avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Or ce dispositif est primordial compte tenu du manque de concurrence du marché de l’assurance emprunteur, situation dont profitent les banques en captant 88 % du marché, soit 6 milliards d’euros par an, dont 50 % de marges à leur profit. Il est également important étant donné le coût moyen de l’assurance, qui s’élève en moyenne à 30 % du coût du crédit. Ce n’est pas rien, car cela peut atteindre 20 000 euros sur la durée totale d’un emprunt !
Cette disposition permettrait à nombre de nos concitoyens de bénéficier de primes d’assurance moins élevées et de réaliser une économie annuelle non négligeable. Nous pensons que l’emprunteur doit pouvoir conserver son libre choix tout au long du prêt. Comme le souligne très justement l'UFC-Que Choisir, ce droit de résiliation annuelle permettra aussi aux personnes malades de bénéficier d’un réel et effectif droit à l’oubli. Ainsi, un emprunteur devenant éligible au droit à l’oubli en cours de prêt n’aura plus à payer les surprimes liées à sa maladie passée, lesquelles peuvent parfois atteindre 300 % de la prime de base.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement déposé par le rapporteur, même si nous regrettons le fait que le droit de résiliation ne soit ouvert que pour les contrats à venir, l’inconstitutionnalité d’une disposition qui s’appliquerait à l’ensemble des contrats existants ne nous semblant pas pertinente. La question des 8 millions de contrats déjà souscrits reste ouverte et il faudra trouver une solution dans les plus brefs délais !
Néanmoins, il était essentiel que le principe de substitution annuelle des contrats d’assurance emprunteur soit inscrit dans la loi. C’est pourquoi le groupe CRC réservera son vote en fonction de l’adoption de la disposition ! (M. le rapporteur applaudit.)