Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. J’ai défendu cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous ne pouvons évidemment pas être favorables à l’amendement du Gouvernement, qui tend à vider de sens notre proposition de résolution.
M. le secrétaire d’État a dit qu’il existait plusieurs possibilités pour atteindre l’objectif et qu’il fallait encore les discuter, mais je constate que l’objet de l’amendement n° 1 est tout autre ! Il opère uniquement un rappel de l’orthodoxie budgétaire européenne actuelle, évidemment contraire à l’esprit de la résolution.
Pourtant, le débat sur le bien-fondé de cette orthodoxie budgétaire est ouvert dans toute l’Europe. Des discussions permanentes ont lieu entre différents gouvernements et l’Europe pour assouplir ou réviser les critères. Je pense à la Grèce, au Portugal, à l’Italie. On ne peut donc nous opposer l’impossibilité d’ouvrir en France un tel débat ; notre initiative serait au contraire une bonne occasion de le faire.
Pour les raisons de fond qui ont été exposées par Brigitte Gonthier-Maurin et pour le motif que je viens d’évoquer, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :
Nombre de votants | 154 |
Nombre de suffrages exprimés | 30 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 29 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À ce stade, je veux dire que je ne doute pas que l’ensemble des sénateurs présents sur ces travées portent un intérêt sincère et profond à l’enjeu que représente l’enseignement supérieur pour notre jeunesse : tous, nous souhaitons en faire une priorité.
Voilà pourquoi j’estime que travailler sur ces questions mérite à la fois du sérieux, de la rigueur et du temps. Autant sur la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, de notre collègue Jean-Léonce Dupont, nous avions pu engager un travail très partagé entre les groupes, approfondir le sujet et obtenir un texte rassemblant les uns et les autres, comme l’a rappelé Mme Gillot, autant cela n’a pas été le cas ici.
Je déplore les conditions dans lesquelles cette proposition de résolution européenne, qui avait été par ailleurs rejetée par la commission des affaires européennes, a été examinée en commission de la culture. De mémoire de sénatrice, je n’avais d’ailleurs jamais connu une telle situation, à n’en pas douter extrêmement rare. J’estime que les commissions doivent pouvoir débattre de façon mieux anticipée et plus approfondie.
Mme Éliane Assassi. C’est un peu léger, comme argument !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. Personnellement, j’aurais aimé que le groupe CRC nous saisisse de ces questions en amont. Du fait du délai imparti, j’ai dû désigner le rapporteur le jour même de l’examen du rapport !
Peut-être aurions-nous pu en parler un peu plus en amont, madame Assassi. En effet, cette proposition de résolution aborde des sujets aussi sérieux que l’enseignement supérieur, les moyens qu’on doit lui dédier, l’enjeu que cela représente dans le cadre de la mondialisation, le pacte de croissance et de stabilité, ou encore les déficits publics. Tout cela nécessite tout de même un travail approfondi ! Vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous avez évoqué les différentes hypothèses qui devaient être examinées dans le cadre de la STRANES.
Dès lors, engageons-nous, à l’instar du président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, à poursuivre le travail sur ces sujets.
Mme Éliane Assassi. Nous n’en avons plus le temps !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. D’ailleurs, comme Mme Schillinger et Mme Mélot l’ont toutes deux redit, nous sommes tout à fait d’accord pour continuer à travailler sur ce sujet.
Dans les conditions actuelles, je suivrai bien sûr l’avis de Mme Mélot, qui nous conseille de ne pas adopter cette proposition de résolution. Cette position me semble sage : loin de n’être pas intéressés par l’enseignement supérieur et la recherche, nous voulons leur consacrer un travail très approfondi pour nous donner toutes les chances de réussir.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Je ne reviendrai pas sur les explications du vote de mon groupe en faveur de cette proposition de résolution.
Je voudrais en revanche apporter un démenti, preuve à l’appui : ce qu’a insinué à la tribune notre collègue François Bonhomme est faux !
Le comité STRANES a été mis en place en février 2014. Geneviève Fioraso était ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche du 21 juillet 2012 au 5 mars 2015. Benoît Hamon a été ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche du 2 avril 2014 au 25 avril 2015. Je ne vois donc pas comment il aurait pu signer un décret de nomination en février 2014 !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Réglez donc vos comptes plus tard !
M. François Bonhomme. La nomination a bien été faite ès qualités par Benoît Hamon comme ministre de l’éducation nationale. J’évoque d’autant plus facilement le sujet qu’il concerne quelqu’un qui revendique lui-même sa volonté de combattre les conflits d’intérêts ! Il est quand même fort que je me fasse houspiller pour avoir relevé que quelqu’un qui veut moraliser la vie politique fait exactement l’inverse lorsqu’il en a l’occasion ! Madame Gillot, excusez-moi, mais je confirme totalement mes propos !
Mme Dominique Gillot. Ils sont faux !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la proposition de résolution européenne.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Philippe Dallier membre du conseil d’administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.
M. Charles Revet. Bravo !
8
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Jean Claude Lenoir, Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Henri Tandonnet, Martial Bourquin, Yannick Vaugrenard et Jean Pierre Bosino ;
Suppléants : Mme Delphine Bataille, MM. Joël Labbé, Daniel Laurent, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, Sophie Primas et M. Bruno Sido.
Par ailleurs, il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants aux commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et, d’autre part, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :
Titulaires : MM. Alain Milon, Gilbert Barbier, Mmes Corinne Imbert, Élisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson et Laurence Cohen ;
Suppléants : Mmes Catherine Deroche, Colette Giudicelli, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean Louis Tourenne et Jean-Marie Vanlerenberghe.
9
Renvoi pour avis unique
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi (n° 263, 2016-2017) relatif à la sécurité publique, pour lequel a été engagée la procédure accélérée, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10
Littoral et changement climatique
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique (proposition n° 176, texte de la commission n° 267, rapport n° 266, avis n° 246).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons ce soir a pour objet de proposer des solutions concrètes à un problème qui touche progressivement les communes côtières françaises, à savoir l’érosion du trait de côte.
Les effets induits par le changement climatique vont encore accentuer ces phénomènes, dont il nous faut dès à présent anticiper les conséquences.
Avec 7 500 kilomètres de côtes, dont 1 650 kilomètres pour les départements et régions d’outre-mer, la France est particulièrement concernée par les risques littoraux.
Au total, 303 communes ont été identifiées sur le territoire métropolitain français comme prioritaires pour la mise en œuvre des plans de prévention des risques littoraux. Les risques que ces plans visent à prévenir se sont révélés de façon dramatique lors de la tempête Xynthia, en 2010.
La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été élaborée en mars 2012. Au travers de son programme d’action portant sur les années 2012 à 2015, elle a permis une meilleure identification des aléas et du fonctionnement des écosystèmes côtiers dans leur état actuel, ainsi qu’une vision prospective de leur évolution à 10, 40 et 90 ans.
Je tiens à saluer les travaux menés par le comité national de gestion du trait de côte, que coprésident les députées Pascale Got et Chantal Berthelot, travaux qui ont conduit à cette proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en décembre dernier.
Ce texte vise à doter les communes concernées par l’érosion des côtes d’outils concrets et opérationnels. Ainsi, elles pourront à la fois maintenir une certaine activité humaine, essentielle pour le dynamisme social et économique des territoires, et assurer aux populations concernées une prévention des risques qui soit pragmatique et efficace.
Pour ce qui est des dispositifs liés à la gestion du trait de côte, les amendements introduits en commission au Sénat n’ont pas changé le fond de la mesure adoptée par l’Assemblée nationale.
Le dispositif ainsi proposé, qui vise à anticiper le recul inéluctable du trait de côte, donne aux communes la possibilité de maintenir des activités humaines, qu’il s’agisse de logements ou d’activités économiques – commerce, artisanat, entreprises –, dans des périmètres menacés à moyen terme par l’érosion.
Le préfet peut donc, sur l’initiative des communes concernées, utiliser les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte lors de l’élaboration des plans de prévention des risques littoraux.
Dès lors, les communes ont la possibilité de mettre en place des baux réels immobiliers littoraux, ce qui permettra d’indemniser les propriétaires installés dans des zones d’activités résilientes et temporaires en tenant compte de l’existence du risque d’érosion, tout en leur laissant la possibilité de continuer à occuper leur bien. La proposition de loi permettra ainsi, par exemple, d’apporter une solution concrète et équilibrée aux propriétaires de l’immeuble du Signal, à Soulac-sur-Mer, en Gironde, propriétaires dont la situation juridique se révèle particulièrement complexe.
Il est fondamental de ne pas perdre de vue l’objectif premier : bâtir des outils de gestion collégiale du risque, tout en offrant des mesures d’indemnisation et d’accompagnement par les pouvoirs publics qui soient efficaces et équilibrées.
En effet, je tiens à rappeler que, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, d’une part, la protection des biens par l’action publique ne constitue pas un droit, d’autre part, l’atteinte à l’intégrité physique de la propriété individuelle par les éléments naturels ne peut relever d’une responsabilité directe de l’État. À ce titre, contrairement à d’autres phénomènes naturels, l’évolution du trait de côte du fait de l’érosion est un phénomène à cinétique lente, que l’on peut donc anticiper.
Dès lors, les dispositifs de financement mis en place ne peuvent avoir pour seule origine les prélèvements sur les cotisations « habitation » des assurés, cotisations qui couvrent des phénomènes non prévisibles.
Nous en rediscuterons lors de l’examen des amendements sur l’article 13. En effet, si la mobilisation du Fonds Barnier pour financer une partie du dispositif de rachat des biens par la collectivité reste possible, la mobilisation d’autres sources par l’État comme les collectivités mérite d’être envisagée et discutée, d’une part, pour répondre à l’usage premier du Fonds Barnier et, d’autre part, pour permettre une adaptation locale plus efficace.
Lors de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, j’avais déjà évoqué plusieurs mécanismes de soutien qui pourraient être utilisés pour une commune qui souhaiterait mettre en place des baux réels immobiliers. Il s’agit en premier lieu, à l’évidence, des contrats de plan État-régions – la dimension « risques naturels » a d’ailleurs déjà été intégrée dans plusieurs contrats de la dernière génération. L’Agence de financement des infrastructures de transports de France pourrait également apporter son concours. Enfin, une mobilisation de la redevance GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – peut également être envisagée.
Comme la gestion du trait de côte relève d’une problématique globale et nécessite une vision de long terme, le Gouvernement maintient cependant son souhait de voir mis en place un mécanisme de financement pérenne dans un contexte de nécessité d’adaptation au changement climatique.
Nous devrons évidemment discuter de la forme de ce mécanisme. En commission, vous avez finalement opté pour l’attribution au Fonds Barnier de ce rôle, alors que le Gouvernement a défendu jusqu’à présent le recours à un Fonds spécifique qui pourrait être alimenté, pour partie, par le Fonds Barnier. Nous partageons totalement l’objectif et la portée de la mesure, et je ne doute donc pas que les débats nous permettront d’aboutir au mécanisme le plus approprié.
Indépendamment du cœur de cible de cette proposition de loi, qui concerne la gestion du recul du trait de côté, j’ai pu constater, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous aviez déposé plusieurs amendements visant à modifier la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, sur divers points.
J’aborde ces sujets depuis plusieurs mois avec un grand nombre de parlementaires concernés. J’ai notamment reçu, avant l’été 2016, les parlementaires des territoires concernés par la question des dents creuses pour discuter avec eux des difficultés particulières que pose aujourd’hui l’interprétation de la loi et des multiples jurisprudences. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec eux des adaptations que je considère comme acceptables – voire nécessaire – parce qu’elles ne remettraient pas en cause l’esprit ou l’équilibre de la loi Littoral, tout en les sécurisant dans leur politique d’aménagement.
En effet, la loi Littoral est une loi majeure pour la protection, la valorisation et la gestion de nos espaces côtiers. Les auteurs de cette loi très moderne avaient une forte préoccupation de prise en compte du local, du terrain, et ont laissé une forte place à l’interprétation pour que le cadre juridique puisse être adapté avec souplesse aux évolutions dans le temps des territoires.
Or, il faut très honnêtement le reconnaître, l’administration française et les élus ont beaucoup de mal à agir dans un cadre basé sur l’interprétation et la jurisprudence, d’où les difficultés concrètes d’application que nous rencontrons.
À la suite d’un travail collégial de plus d’un an, des mesures de clarification ont été identifiées par le réseau Littoral, qui comprend élus et services de l’État. Un atelier de travail sur l’application de la loi Littoral s’est tenu le 3 novembre dernier dans les locaux de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Bretagne, à Rennes, en présence de plusieurs élus bretons et de représentants des tribunaux administratifs, pour tenter de définir un encadrement plus adapté sur la question spécifique des dents creuses.
Je soutiens un certain nombre de mesures techniques, simples et susceptibles d’apporter une réelle simplification et clarification dans la mise en œuvre de la loi Littoral, et je suis prête à leur donner suite. En revanche, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler lors de précédentes discussions, je ne reviendrai pas sur la portée et la philosophie de cette loi fondatrice en termes de préservation du patrimoine côtier français.
J’ai donc déposé un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles la densification par comblement des dents creuses est rendue possible dans des espaces qui ne peuvent pas être qualifiés de villages ou d’agglomérations, sans par ailleurs constituer des zones d’urbanisation diffuse à proprement parler.
De même, je suis favorable à l’extension de la dérogation au principe de continuité à l’ensemble des constructions nécessaires aux activités agricoles et forestières ou aux cultures marines, et non pas uniquement aux activités incompatibles au voisinage des zones habitées.
Néanmoins, je ne pourrais en aucun cas accepter des remises en cause trop larges qui dénatureraient le cadre et le fond de la loi Littoral, a fortiori dans le cadre d’une proposition de loi dont ce n’est pas le cœur et qui, je le rappelle, vise à apporter des solutions précises au problème du traitement de l’érosion du trait de côte.
Pour conclure, je tiens à souligner l’importance que le Gouvernement accorde à cette proposition de loi qui apporte des solutions concrètes à une problématique majeure qu’il convient de traiter dès maintenant.
Avec l’entrée en vigueur de l’accord de Paris et les événements qu’ont connus une partie de ces territoires, nul ne peut ignorer la nécessité d’anticiper les conséquences du réchauffement climatique sur l’évolution de nos côtes : nos concitoyens attendent des réponses rapides et solides. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’océan couvre plus de 70 % de la surface du globe. Il est particulièrement affecté par le changement climatique, qui entraîne un réchauffement de la température de l’eau, une acidification de sa composition et une dilatation de son volume.
Ce dernier effet entraîne une élévation du niveau des mers d’autant plus rapide qu’elle se combine avec la fonte des glaciers de montagne et, dans les zones polaires, des calottes glaciaires. Les experts redoutent une élévation du niveau moyen des mers de 25 à 82 centimètres d’ici à 2100, ce qui aura d’importantes conséquences pour la frange littorale, où sera concentrée 80 % de la population mondiale en 2050.
La France métropolitaine et d’outre-mer ne sera pas épargnée, même si notre pays n’est pas dans la situation de subsidence que connaissent les Pays-Bas, pour lesquels un relèvement même mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d’une part conséquente de leur territoire national.
Cette élévation exposera davantage nos territoires aux risques de submersions marines et d’érosion côtière, risques dont nous devons dès aujourd’hui anticiper les conséquences.
Ainsi la politique de gestion du trait de côte a-t-elle progressivement évolué au cours des dernières années. Historiquement, on a tenté de maîtriser la nature par la construction d’ouvrages de défense contre la mer, de digues ou de brise-lames. Or ces ouvrages, qui recouvrent 20 % du linéaire côtier, se sont révélés coûteux et souvent peu efficaces, voire contre-productifs, car ils ont aggravé l’érosion à long terme ou l’ont déplacée.
Depuis les années quatre-vingt-dix, on est passé à une approche plus environnementale. On tente désormais de gérer les causes de l’érosion plutôt que ses effets en privilégiant l’anticipation, à travers, par exemple, le rechargement ou le drainage de plages et l’accompagnement de la mobilité des dunes.
En 2009, l’une des recommandations du Grenelle de la mer a été de doter la France d’une stratégie nationale et d’une méthodologie de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer. À l’issue des travaux d’Alain Cousin, député de la Manche, cette stratégie nationale a été adoptée le 2 mars 2012, puis mise en œuvre dans le cadre d’un premier plan d’action pour les années 2012-2015. Cette stratégie est notamment à l’origine de l’appel à projets pour la relocalisation des activités et des biens lancé en 2012 dans cinq territoires fortement menacés par ces risques.
Depuis le 22 janvier 2015, cette stratégie fait l’objet d’un suivi par un comité national présidé par deux de nos collègues de l’Assemblée nationale, Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane, également coauteurs de la présente proposition de loi, que Pascale Got a rapportée à l’Assemblée nationale.
Le premier axe de travail du comité du suivi a porté sur l’amélioration de la connaissance de l’évolution du phénomène d’érosion et des dynamiques hydrosédimentaires. Ce volet a été en partie traduit dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et a fait l’objet d’actions prioritaires. Ces dernières ont abouti à l’élaboration de la première cartographie nationale de l’évolution du trait de côte – une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée – et à la mise en place progressive d’un réseau national des observatoires du trait de côte.
Le second axe de travail porte sur l’élaboration de stratégies territoriales et se concrétise dans la proposition de loi que nous examinons, laquelle prévoit la mise en place d’un cadre juridique et d’outils d’aménagement du territoire prenant en compte la temporalité propre au phénomène du recul du trait de côte.
Au-delà de la nécessaire intégration de ces stratégies nationales et territoriales dans la hiérarchie des normes d’urbanisme, ce texte prévoit deux mécanismes pour concilier risques littoraux et maintien des logements et des activités dans les territoires menacés.
Le premier mécanisme est un zonage intermédiaire entre les zones rouges et les zones bleues des plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRNP : dans les nouvelles zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART, des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés, pour une durée déterminée en fonction du risque. Les modalités de préemption et de délaissement des biens dans ces zones sont adaptées afin de faciliter leur acquisition par la puissance publique et d’éviter les friches.
Le second mécanisme est un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral, dit « BRILI », lequel sera conclu dans les zones d’activité résiliente et temporaire. Ce bail permettra aux collectivités de céder la propriété temporaire d’un bien menacé à un preneur en lui concédant des droits réels.
La spécificité de ce contrat, conclu pour une durée comprise entre 5 et 99 ans, réside dans la mention du risque de recul du trait de côte et des obligations de démolition du bien en cas de réalisation de ce risque avant le terme du bail.
Ces dispositifs sont complexes, mais ils sont attendus. Ils apportent des premières réponses aux collectivités volontaires, aujourd’hui désarmées face au risque de recul du trait de côte.
Pour cette raison, notre commission a adopté une série d’amendements techniques visant à rendre plus opérationnels les mécanismes des ZART et des BRILI.
La commission s’est en revanche interrogée sur le volet financier, madame la ministre, en particulier sur la création d’un fonds d’adaptation au recul du trait de côte proposé par le Gouvernement. Le problème n’est pas tant la logique consistant à vouloir réserver le Fonds Barnier à des situations d’urgence causées par des risques naturels majeurs plutôt qu’au financement de mesures d’aménagement du littoral. Il tient davantage à l’absence de précisions sur les modalités de constitution de ce nouveau fonds, à quelques mois des prochaines échéances électorales.