M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cette commission d’urgence foncière, mesure transitoire, comme cela vient d’être dit par Mme la ministre, nous paraît, là encore, aller clairement dans le bon sens. D'ailleurs, comment peut-on traiter la question foncière sans des mesures dérogatoires, sans des mesures efficientes ? En l’espèce, cette commission répond à la problématique posée.
Compte tenu du dépôt relativement tardif de cet amendement, nous n’avons pu l’expertiser, même si le rapport que nous avons établi avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer nous a permis d’acquérir une connaissance plus approfondie du sujet.
Notre collègue Michel Magras rappelait, à propos de l’amendement précédent, que la délégation sénatoriale avait souhaité aller plus loin que le Gouvernement dans l’amendement qu’il nous a présenté sur la question de la décote.
Sans évoquer toutes les facettes de cette commission d’urgence foncière, je tiens à rappeler une fois encore que nous avions souhaité voir associés étroitement à cette commission d’urgence foncière les cadis et les professionnels du droit, pour des raisons très pragmatiques et très claires. Les cadis sont une des mémoires foncières de Mayotte et les professionnels du droit, que nous avons d'ailleurs rencontrés, ont une expertise indispensable sur d’autres sujets comme la question des indivisions. C’était une demande. C’est aussi une question que je vous pose aujourd'hui, madame la ministre.
Cette commission devait également tenir des audiences foraines en formation restreinte permettant d’associer les autorités locales et de recueillir les témoignages de notoriété au plus près du terrain. Il s’agit, là aussi – nos deux collègues mahorais l’ont rappelé –, de recueillir un avis fondé sur la démarche, sur l’origine de propriété des terrains.
Pour ces raisons, même si, vous l’avez bien compris, nous y sommes favorables, je m’en remettrai à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement. Tant les cadis que les professionnels du droit sont, à mon avis, une des clés pour régler ce problème, que nous devons traiter avec pragmatisme et efficience.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le rapporteur, vous avez dit l’essentiel. Je profite de cette explication de vote pour vous associer à l’hommage que j’ai rendu tout à l’heure à la délégation sénatoriale à l’outre-mer, dont vous faites partie. Vous avez participé aussi aux études sur le foncier.
La découverte sur place de la réalité des choses par nos collègues de l’Hexagone est très positive. Dans certaines administrations, il serait d'ailleurs de bon aloi que certains aillent faire un tour en outre-mer pour voir ce qui se passe plutôt que de se contenter de prendre des décisions assis derrière leur bureau.
Cela étant dit, s’agissant de cette commission d’urgence foncière, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir repris une idée qui figurait dans le rapport de la délégation. Cependant, je me pose les mêmes questions et j’exprime les mêmes réserves que M. le rapporteur. Nous avions en effet préconisé que cette commission soit présidée par un magistrat, à l’image de la commission de révision de l’état civil, la CREC, qui est parvenue à réformer l’état civil mahorais, sujet pourtant très complexe. Le but est de conférer aux décisions qui seraient prises un caractère juridictionnel afin de limiter ultérieurement les contestations. Or il est prévu dans cet amendement que la présidence sera assurée par une personnalité qualifiée, et j’ai peur que cela ne fragilise cette commission d’urgence foncière.
Ensuite, il faut évidemment associer les cadis, qui sont les anciens notaires de Mayotte. Les notaires tels que nous connaissons dans le droit commun ne sont d’actualité dans l’île que depuis la départementalisation. Auparavant, les cadis remplissaient ce rôle et, même si on les a dépouillés de l’essentiel de leurs prérogatives, ils sont toujours là. Ce sont des agents du conseil départemental qui ne demandent qu’à participer à ce type de travaux.
Enfin, il faut mettre en place très rapidement les audiences foraines – il y a bien urgence –, aller sur place et ne pas perdre de temps.
Toutes ces questions n’ont pas de réponse à l’heure actuelle et j’aimerais que nous en ayons d’ici à la fin de l’examen de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Le problème de la zone des cinquante pas géométriques, tout comme celui de l’indivision, se retrouve dans tous les départements d’outre-mer.
Devant l’impossibilité de créer un GIP pour régler le problème de l’indivision pour tout l’outre-mer, j’ai demandé à M. Christian Estrosi, alors secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, de prévoir dans la loi la création d’un groupement d'intérêt public, ou GIP, pour chaque territoire. Ces situations d’indivision sont très fréquentes en outre-mer et bloquent, comme l’a dit Thani Mohamed Soilihi, la construction de logements sociaux et les successions.
Madame la ministre, cela fait cinq ans que nous avons adopté le principe de la création des GIP pour régler les problèmes d’indivision dans chaque département. Or le décret d’application permettant la mise en œuvre de cet instrument n’est toujours pas publié. Rien n’a été fait à ce jour et cela date du mandat de M. Sarkozy. Cette disposition est restée lettre morte. Différentes missions ont été constituées, elles ont établi des rapports, qu’on n’a jamais vus, et jusqu’à ce jour, rien n’a été fait.
J’en viens à la question, soulevée par mon collègue Arnell, de la reconnaissance des titres de propriété qui avaient été émis malgré l’existence des cinquante pas géométriques et le fait que cette zone appartient à l’État. En 2000, l’État a ouvert la possibilité à ceux qui avaient encore des titres de les régulariser devant les cours d’appel, celle de Fort-de-France pour la Martinique. Comme il n’y avait pas eu beaucoup de publicité, à l’époque, sur cette affaire, les gens n’ont pas réagi et très peu de dossiers ont abouti.
Certains problèmes ont ainsi été résolus par les occupants les plus réactifs, mais pour d’autres, qui attendent que l’on vienne les trouver, la propriété est parfois contestée. Il faudrait reprendre ces dossiers et les faire aboutir. Nous avons fait notre travail de parlementaire en créant une structure qui permet de régler un problème. La structure existe dans les textes, mais en réalité, rien ne se fait.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. D’abord, monsieur Serge Larcher, je précise que, pour créer le GIP, il n’est pas besoin de décret. Aujourd'hui, les collectivités peuvent créer le GIP sur leur territoire et doivent même le faire. Cette disposition qui est prévue par la loi relève désormais d’une initiative locale.
Ensuite, je souligne que le GIP ne sera pas présidé par un magistrat. La commission de l’urgence financière, la CUF, qui est créée pour une période transitoire, et qui préfigure le GIP, ne sera pas, elle non plus, présidée par un magistrat.
Les audiences foraines ne posent pas de difficulté particulière. Dès que cela sera créé, si vous le souhaitez, elles pourront être mises en œuvre.
La participation des cadis n’est pas prévue, mais le conseil départemental, par exemple, peut se faire représenter par les cadis. Cette possibilité existe.
Voilà les quelques précisions que je voulais vous apporter.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.
L'amendement n° 224 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 34 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 35 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, il est inséré un article 35-… ainsi rédigé :
« Art. 35-…. – Lorsqu’un acte de notoriété porte sur un immeuble situé en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte et constate une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive, il fait foi de la possession, sauf preuve contraire. Il ne peut être contesté que dans un délai de cinq ans à compter de la dernière des publications de cet acte par voie d’affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière ou au livre foncier.
« L’acte de notoriété peut être établi par un notaire ou, à Mayotte, par le groupement d’intérêt public mentionné à l’article 35. Dans ce cas, le groupement en assure la publicité.
« Le présent article s’applique aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2027.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre…
Dispositions relatives au foncier en outre-mer
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement prévoit la mise en place d’une période transitoire afin de renforcer la procédure d’usucapion.
Il nous apparaît nécessaire de sécuriser davantage la situation des propriétaires après l’établissement d’un titre de propriété afin que ce droit de propriété ne puisse plus être contesté de manière perpétuelle.
L’amendement que nous vous proposons a ainsi pour objet de permettre, à titre transitoire, pendant une durée de dix années, qu’un acte de notoriété acquisitive réalisé par un notaire ou, à Mayotte, par la commission d’urgence foncière dont on vient de parler ne puisse être contesté que dans un délai de cinq ans et non pas de dix ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement vise à mettre en place un dispositif temporaire qui est applicable jusqu’en décembre 2027 : celui-ci permet aux possesseurs sans titre de faire établir un acte de notoriété constatant que les conditions de la prescription acquisitive sont remplies. Cet acte serait établi par un notaire ou, pour Mayotte, par le groupement d’intérêt public chargé de mettre en œuvre une procédure de titrement ou par la commission d’urgence foncière qui le préfigurerait. Cet acte pourrait être attaqué dans un délai de cinq ans à compter de sa publication.
La commission estime que cette disposition est intéressante, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment à propos de l’amendement n° 221 rectifié bis. Elle s’inscrit en cohérence, encore une fois, avec les travaux de la délégation, qui, dans le rapport que nous avons présenté en juin 2016, préconisait de mettre en place cette prescription acquisitive décennale.
Cependant – j’ai déjà formulé cette remarque de forme –, la présentation tardive de cet amendement ne nous a pas permis d’en faire une expertise exhaustive. Pour autant, nous émettons un avis de sagesse favorable.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il s’agit effectivement d’un amendement intéressant qui va, en principe, dans le sens des préconisations émises par la délégation : il offre une sécurisation aux occupants d’un bien foncier ou immobilier dans leur droit de propriété puisque celui-ci ne pourra être contesté que dans un délai de cinq ans.
Cependant, il serait, à mon avis, intéressant que la commission d’urgence foncière qu’on vient d’évoquer puisse, elle aussi, établir des actes de notoriété. Or l’amendement tel qu’il est rédigé ne le prévoit pas. Il me paraît souhaitable d’ajouter cette précision, car cette commission doit être opérationnelle immédiatement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. L’amendement n° 221 rectifié bis précise que la CUF « exerce les missions dévolues au groupement d’intérêt public ». La CUF pourra donc établir ces actes de notoriété. Dans le cas contraire, l’amendement que j’ai présenté tout à l'heure n’aurait guère de sens.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.
L'amendement n° 223 rectifié ter, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 34 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois après la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place, à Mayotte, un régime fiscal transitoire jusqu’en 2025 à même de faciliter les démarches de régularisation foncière. Ce régime dérogatoire prévoit l’exemption totale ou partielle des frais d’enregistrement, et des droits de succession et de donation à la première transmission et une exemption dégressive des taxes locales sur trois ans après le titrement. Ces exemptions ne donnent pas lieu à compensation de la part de l’État.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre…
Dispositions relatives au foncier en outre-mer
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Nous vous proposons d’établir un régime fiscal transitoire visant à réduire le coût financier des procédures de régularisation foncière.
Compte tenu du faible niveau des ressources des particuliers à Mayotte, le Gouvernement propose d’établir un système fiscal fortement incitatif à l’accélération du règlement des droits de succession par la diminution ou l’effacement des coûts fiscaux que peuvent occasionner les démarches d’obtention d’un titre de propriété ou de sortie d’une indivision.
Ce régime dérogatoire prévoit l’exemption totale ou partielle des frais d’enregistrement et des droits de succession et de donation à la première transmission et une exemption dégressive des taxes locales sur trois ans après le titrement.
En revanche, cette exemption ne donnera pas lieu à compensation de la part de l’État pour les collectivités locales, dans la mesure où il s’agit d’une imposition qui n’est pas perçue actuellement par lesdites collectivités locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis. La commission des finances comprend bien l’importance des opérations de régularisation du domaine foncier à Mayotte est émet donc un avis de sagesse.
Néanmoins, à titre personnel, je suis assez réservé sur l’inscription, dans un texte non financier, de dispositions fiscales qui, normalement, relèvent des lois de finances ou des lois de finances rectificatives. S’agissant de surcroît d’un régime fiscal dérogatoire, il importe quand même d’en tenir compte et de s’astreindre autant que possible à faire figurer ces dispositions dans les lois de finances.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le rapporteur pour avis, le régime fiscal est ici d’actualité parce qu’il est intimement lié avec le foncier. C’est le serpent qui se mord la queue. La régularisation foncière n’ayant pas été menée à son terme, la fiscalité pratiquée aujourd'hui à Mayotte voit son assiette tronquée, erronée, et les modifications que nous apportons sur le foncier ont des répercussions immédiates sur la fiscalité.
La diminution ou l’effacement des coûts fiscaux que peuvent occasionner les démarches d’obtention des titres de propriété ou de sortie d’indivision va également dans le bon sens. Toutefois, si j’ai bien lu l’amendement, le coût de ces démarches risque in fine d’être supporté par les collectivités locales.
Le présent amendement peut apparaître comme un cadeau, mais il ne fait que rétablir une justice, car, encore une fois, cette réforme aurait dû être accomplie bien avant la départementalisation.
J’aimerais, sur la question de l’éventuel report du coût de ces démarches sur les collectivités locales, obtenir de votre part, madame la ministre, quelques éclaircissements. Je vous vois froncer les sourcils, ce que, moi aussi, j’ai fait en lisant cet amendement qui nous est parvenu tardivement et qui suscite en moi quelques réserves.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Quand je fronce les sourcils, monsieur le sénateur, c’est juste le signe que je réfléchis ! (Sourires.)
La justice est le principe qui guide notre action. Pas à pas, nous accomplissons ce qui n’a jamais été fait, comme vous l’avez reconnu.
Certes, je le reconnais, la situation n’est pas encore complètement satisfaisante et il convient de poursuivre le travail. Mais nous avons aujourd’hui l’occasion de concrétiser dans la loi les orientations du récent rapport que vous avez mentionné.
S’agissant de l’absence de compensation des exemptions prévues, il faut considérer que personne, aujourd’hui, ne perçoit le produit d’aucune taxe, puisqu’aucun droit de propriété n’est établi. Il n’y a donc aucune base pour asseoir une éventuelle taxation, et les collectivités ne reçoivent rien.
Toute notre démarche consiste à nous engager dans une logique de déverrouillage d’un système qui, pour des raisons historiques et juridiques, gèle le développement de Mayotte et les projets individuels des Mahoraises et des Mahorais, lesquels éprouvent aussi des difficultés à se projeter dans l’avenir.
Enfin, le Gouvernement n’a jamais utilisé le terme de « cadeaux » ; il préfère largement celui de « justice ».
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 34 sexies.
Titre XI
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS DES FEMMES
Article 35
I. – Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution qui en font la demande peuvent expérimenter la mise en place d’un observatoire des inégalités entre les femmes et les hommes, chargé notamment d’étudier les violences faites aux femmes, de proposer aux femmes victimes de violences une prise en charge globale et de conclure des partenariats avec l’ensemble des acteurs intervenant dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
II. – (Non modifié) Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, portant notamment sur son impact sur le suivi et la prise en charge des femmes victimes de violence. – (Adopté.)
Titre XII
DISPOSITIONS DE NATURE FISCALE
Article 36
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 272-1 du code forestier est ainsi rédigé :
« 2° L’article L. 223-4 et, jusqu’au 31 décembre 2019, le 2° l’article L. 223-1 ; ».
I bis (nouveau). – L’exonération temporaire des frais de garderie et d’administration perçus par l’Office national des forêts en Guyane fait l’objet d’une évaluation remise au Parlement avant le 30 juin 2019.
II. – (Non modifié) La perte de recettes pour l’Office national des forêts résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Capo-Canellas, Mme Morhet-Richaud, MM. G. Bailly et Gabouty et Mme Billon, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 219, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 272-1 du code forestier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le 2° de l’article L. 223-1 s’agissant de la cession de foncier forestier de l’État vers la collectivité territoriale de Guyane pour une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du …de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement prévoit une exonération temporaire des frais de garderie qui reviennent à l’ONF pour la gestion des forêts en Guyane.
Le Gouvernement reste très attaché au maintien du régime forestier en Guyane, car celui-ci conditionne une protection optimale de massifs disposant d’une qualité faunistique et floristique majeure.
Il est également attentif à la situation financière de l’ONF. Cet établissement public doit disposer de moyens suffisants pour mener ses importantes missions, notamment dans les outre-mer.
C’est pourquoi nous sommes très réservés sur l’exonération définitive des frais de garderie, comme nous l’avons signalé en octobre dernier lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Il nous semble toutefois important de favoriser, parallèlement à ce régime, la création de forêts relevant de la collectivité territoriale de Guyane, conformément à la recommandation du pertinent rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer publié l’an dernier.
En conséquence, le Gouvernement prévoit d’exonérer la collectivité territoriale de Guyane du paiement des frais de garderie et d’administration normalement versés à l’ONF sur le foncier forestier cédé par l’État, et ce pendant une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
Il s’agit là, selon nous, d’un bon compromis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis. Il est défavorable.
La commission des finances a déjà cherché des solutions de compromis dans le texte qu’elle a proposé.
Cet amendement ne concerne que la collectivité territoriale de Guyane, alors que l’objectif du dispositif est bien d’encourager les communes à gérer une partie des forêts qui relèvent aujourd’hui du domaine de l’État.
M. le président. En conséquence, l’article 36 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 36
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par MM. Patient, Mohamed Soilihi et S. Larcher, Mme Claireaux, MM. Cornano, Antiste, Desplan, Karam, J. Gillot, Vergoz, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 333 J de l’annexe 2 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Dans le département de la Guyane, des travaux d’évaluation devront être effectués dans un délai de cinq ans sur l’ensemble des propriétés domaniales en vue de leur soumission aux dispositions de l’article 329 de la présente annexe. »
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Nous avons beaucoup parlé de la régularisation du foncier à Mayotte, mais la situation est également problématique en Guyane.
Cet amendement vise à ce que les travaux d’évaluation soient effectués dans un délai de cinq ans sur l’ensemble des propriétés domaniales de l’État, en vue de leur soumission aux dispositions de l’article 329 de l’annexe II du code général des impôts.
C’est le décret du 29 mars 1979 qui a introduit les impôts directs métropolitains dans les départements d’outre-mer à compter du 1er janvier 1976. En vertu du principe de l’identité législative, les impôts locaux existant dans les DOM sont les mêmes que ceux de l’Hexagone.
Pourtant, au-delà de ce principe d’application du droit commun, il existe une spécificité du domaine privé de l’État, à savoir une disposition de l’article 333 J de l’annexe II du code général des impôts, qui précise que, « dans le département de la Guyane, les travaux d’évaluation ne sont pas effectués pour les propriétés domaniales qui ne sont ni concédées ni exploitées ».
Cet article a pour conséquence d’éviter toute évaluation foncière et donc toute fiscalisation des propriétés domaniales non concédées et non exploitées, c’est-à-dire la quasi-totalité du territoire guyanais. Ce choix serait motivé par le fait que le territoire guyanais est couvert de forêts domaniales improductives de revenus qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt. Mais on aboutit, de ce fait, à une remise en cause discriminatoire d’un principe fiscal appliqué sur le reste du territoire.
Aussi conviendrait-il que soient mis en place, dans un premier temps, des travaux d’évaluation du foncier sur le territoire guyanais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis. Il est défavorable.
D’une part, l’opération serait extrêmement coûteuse ; d’autre part, cet amendement apparaît dépourvu de réelle portée normative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ericka Bareigts, ministre. C’est un sujet complexe, qui fait l’objet de plusieurs amendements et que vous portez depuis très longtemps, monsieur Patient.
Il faut tout d’abord trouver un équilibre avec l’ONF, établissement public partenaire des collectivités locales dont l’action mériterait d’être stimulée dans certains territoires, mais qu’il convient de préserver.
Ensuite, nous devons, me semble-t-il, mener une réflexion globale sur cette magnifique et immense forêt, véritable poumon pour l’ensemble du monde, dont les dimensions incroyables imposent nécessairement une gestion très lourde, mais dont les enjeux environnementaux dépassent les seuls Guyanais.
À cette fin, une mission du Conseil général de l’environnement et du développement durable doit être lancée dans les prochaines semaines, selon une approche nouvelle qui me semble indispensable.
Parallèlement, le WWF s’apprête aussi à engager un travail avec des chercheurs sur l’évaluation des services rendus par la biodiversité guyanaise et la définition d’un modèle qui permettrait de les financer.
J’entends vos arguments, monsieur le sénateur, mais je souhaiterais que nous abordions le sujet plus globalement, de façon que nous trouvions une voie équilibrée.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. M. le rapporteur pour avis a expliqué qu’il serait trop coûteux de faire évaluer la forêt guyanaise, tandis que Mme la ministre a mis en avant la richesse de celle-ci.
Ce paradoxe est toujours présent quand il s’agit d’évoquer la forêt guyanaise.
Cette forêt ne rapporte rien à la population guyanaise. Pourtant, à défaut d’être concédée, elle est tout de même exploitée. Une plaquette de l’ONF de 2013 montre ainsi que l’Office a tiré plus de 3 millions d’euros de produits des ventes de bois.
Madame la ministre, vous avez décrit la forêt guyanaise comme le poumon de l’humanité, mais on oublie de dire qu’elle est également exploitée. Chaque année, selon le rapport de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, l’IEDOM, il sort de cette forêt plus de dix tonnes d’or à 40 000 euros par kilogramme. Même si cette exploitation est illégale, cela démontre la richesse de la forêt.
Surtout, puisque nous débattons d’égalité réelle, comment concevoir que 5 % de ce territoire seulement soit cadastré en 2017 ?
On a beaucoup parlé de Mayotte, mais sa départementalisation est toute récente. La Guyane est devenue département en même temps que la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, trois autres anciennes colonies françaises qui n’ont pas les mêmes problèmes de foncier.
Pourquoi la Guyane échapperait-elle à toute évaluation et à toute fiscalisation de son domaine si l’on prévoit une mesure spécifique pour un autre département ?