M. Jean-Jacques Panunzi. Cela n’a rien à voir !
M. Jacques Mézard. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Panunzi ; octroyez-moi donc le bénéfice du même respect !
Dans notre assemblée, nous avons le droit de nous exprimer, d’être en désaccord et de dire ce que nous pensons. Eh bien, pour ma part, je trouve que la manière dont se déroule l’examen de ce texte n’est pas bonne.
Notre groupe a essayé d’intégrer à ce projet de loi les dispositions relatives au foncier et aux arrêtés Miot, véritable problème pour nos compatriotes corses, des dispositions issues de la proposition de loi de Camille de Rocca-Serra, député du groupe Les Républicains. Nous l’avons fait pour tenter de trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Résultat : vous en avez fait des confettis ! Vous devrez en rendre compte devant vos compatriotes ! Voilà la réalité.
Je suis de ceux qui essaient, dans l’intérêt général, de trouver un consensus quand cela est possible ; je crois l’avoir prouvé. Cela implique également de dire honnêtement, y compris à mes amis politiques, quand je ne suis pas d’accord, et de voter contre certains textes.
De grâce, arrêtons ! Vous avez dit, cher collègue Panunzi, que, en Corse, les élus du Nord ne savent pas gérer, contrairement à ceux du Sud. C’est facile de faire ce genre de remarques.
M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas vrai, surtout !
M. Jacques Mézard. La solution, c’est de trouver des modalités consensuelles pour faire avancer les choses dans l’intérêt général. Effectivement, nous sommes à trois mois de l’élection présidentielle. Voilà où l’on en est ! Ce n’est pas une bonne chose, et c’est précisément cela que nos concitoyens nous reprochent, à juste titre, et à longueur de temps ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons contre cet article.
Permettez-moi de revenir sur un point de l’intervention de M. le ministre. En effet, si l’on veut un débat sincère, il faut être sincère soi-même dans les propos que l’on fait tenir aux uns et aux autres. Chacun a aujourd’hui accès au compte rendu des séances du Sénat. Dès lors, on ne peut pas simplement extraire d’un discours l’extrait qui arrange.
Relisons donc avec attention le débat qui s’est tenu, lors de l’examen de la loi NOTRe, autour de ce fameux amendement. Comme vous l’avez cité, monsieur le ministre, M. Favier avait relevé, au nom de notre groupe, l’unanimisme presque total des élus corses : on ne pouvait pas en rester au statu quo, il fallait travailler et réfléchir à des évolutions. C’est bien dans cet objectif, et pour soutenir la réflexion sur une évolution des institutions corses, que notre groupe allait voter cet amendement. Christian Favier précisait néanmoins : « Je n’aurai qu’un regret : le fait que cette nouvelle organisation ne soit pas soumise à un référendum. On nous dit qu’une large majorité d’élus est favorable à cette évolution, mais la population pourrait, elle aussi, donner son avis. Je ne comprends pas pourquoi on ne lui fait pas confiance. L’opinion publique étant mieux préparée, nous obtiendrions sans doute un autre résultat que lors du référendum de 2003. »
Allons jusqu’au bout des citations, et acceptons les propos tenus ici à la tribune. Comme cela a été indiqué au cours de la discussion générale – j’y reviendrai lors des explications de vote sur l’ensemble –, nous ne voterons pas le texte qui nous est proposé parce que ces ordonnances qu’on nous demande de ratifier ne sont pas soumises au référendum. J’entends dire par certains qu’il serait tout de même plus simple que l’on dise aux Corses ce qu’ils doivent faire. Allons donc plus loin, et changeons le peuple : ce serait quand même beaucoup plus facile !
Pour ma part, comme je n’ai pas ce pouvoir, et que je n’ai reçu sur ce sujet aucune injonction d’un candidat à l’élection présidentielle, ni même d’un candidat non encore désigné, je voterai, ainsi que mon groupe, contre cet article, contre le suivant, et contre l’ensemble du texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, sur l’article.
M. Jean-Jacques Panunzi. Je souhaite simplement apporter quelques clarifications, avec moins de passion et un peu plus de raison.
J’ai déclaré en préambule de mon intervention, monsieur Mézard, qu’il n’était pas question de revenir sur le principe de la collectivité unique. Je n’ai pas voté la loi NOTRe. Pour quelle raison ? Parce que les amendements que nous avions déposés n’ont pas été acceptés. On nous avait alors assuré qu’ils seraient repris dans les ordonnances.
Or, que constatons-nous ?
Dans les ordonnances dont on nous demande d’autoriser la ratification par cette loi, nous n’avons pas pu faire figurer nos observations, notamment sur le mode de scrutin. C’est pour cette simple raison que nous sommes aujourd’hui défavorables à la collectivité que l’on veut nous imposer, je le dis, à marche forcée !
M. Philippe Kaltenbach. Pour une question de mode de scrutin !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je n’ai pas de raison de douter de la parole du sénateur Panunzi, mais les résultats du scrutin public sur l’ensemble du projet de loi NOTRe en deuxième lecture attestent qu’il a fait partie des 144 sénateurs du groupe Les Républicains ayant voté pour. Aussi, je pense qu’il faudra, même si c’est un peu tard, qu’il demande un rectificatif…
En tout cas, monsieur le sénateur, vous avez bel et bien voté la loi NOTRe !
M. Jean-Jacques Panunzi. C’est une erreur !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – L’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse est ratifiée.
II (nouveau). – Au premier alinéa du IV de l’article 12 de l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « dixième alinéa ».
III (nouveau). – L’article 14 de l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Après les mots : « l’Assemblée de Corse », la fin du seizième alinéa est ainsi rédigée : « selon les modalités prévues à l’article L. 1424-24-2. » ;
3° Le vingt-troisième alinéa est supprimé ;
4° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les conseils d’administration des services d’incendie et de secours mentionnés à l’article L. 1424-77 du code général des collectivités territoriales sont renouvelés dans les conditions prévues aux articles L. 1424-24-3, L. 1424-79 et L. 1424-80 du même code, dans un délai de quatre mois à compter du 1er janvier 2018. »
IV (nouveau). – Au second alinéa de l’article 22 de l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée, les mots : « est composée à » sont remplacés par les mots : « est composée de ».
V (nouveau). – Au quarante-septième alinéa de l’article 23 de l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 précitée, les mots : « : “Prévention de la perte d’autonomie” » sont remplacés par les mots : « du titre III ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.
M. Jacques Mézard. Ce n’est pas pour en rajouter une couche, mais quand même !
Il ne s’agit pas pour moi d’un affrontement direct avec notre excellent collègue Jean-Jacques Panunzi ; là n’est pas la question. M. le ministre a rappelé qui avait voté la loi NOTRe. Nous sommes malheureusement dans une situation où il est particulièrement nécessaire, selon moi, que chacun assume ses responsabilités. Je peux parfaitement comprendre, parce que tel était plutôt mon sentiment, qu’on ne veuille pas de la collectivité unique. Je suis très jacobin, et je l’ai toujours affirmé ici.
En revanche, dès lors qu’il y a une unanimité, que les élus du territoire à la Haute Assemblée disent qu’on doit aller dans ce sens-là, il faut ensuite en assumer les conséquences. Que vous considériez aujourd’hui que ce n’était pas une bonne décision, et qu’il faut appuyer sur le frein, on peut l’entendre, mais pas ainsi. Ce ne sont pas les bonnes méthodes vis-à-vis de nos concitoyens. En outre, nos compatriotes corses, pour lesquels j’ai toujours eu infiniment d’estime et de respect, attendent, eux aussi, comme les autres sur le territoire national, autre chose.
M. Philippe Kaltenbach. M. Doligé est arrivé à point nommé !
Article 3
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse est ratifiée.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons déjà précisé, nous dénonçons le caractère antidémocratique du processus en cours, d’autant que les Corses s’y sont massivement opposés via la consultation locale. L’Assemblée de Corse avait demandé que le projet soit présenté dans un texte spécifique, avec ratification par référendum. Le Sénat, qui est l’assemblée des collectivités, ne peut pas en faire abstraction !
Les Corses vont, à leurs dépens, servir de cobayes aux liquidateurs de nos institutions républicaines et aux opposants à la priorité sociale des départements. A contrario des fondements de la solidarité républicaine, on impose aux Corses le modèle de l’Europe des régions, qui met en concurrence des territoires et qui affaiblira très certainement la Corse face à des terres aussi riches que la Catalogne ou la Toscane.
Pour la Corse, la priorité, c’est avant tout d’en finir avec les inégalités sociales et économiques de l’île, d’anéantir les dérives affairistes, de s’attaquer aux logiques spéculatives.
Pour la Corse, la priorité, c’est de mieux répondre aux besoins des territoires par des services publics performants. Je parle notamment des zones rurales de montagne, si remarquables, mais si difficiles d’accès. N’oublions pas que les déplacements se comptent non en kilomètres, mais en temps.
Voilà ce à quoi les élus communistes et citoyens de l’Assemblée de Corse travaillent, à travers un véritable projet d’égalité – et non d’uniformité – avec le reste du territoire. Cela passe par un investissement massif dans un développement qui allie progrès sociaux et réussites économiques ; cela passe aussi par un projet plus respectueux de la spécificité et de l’identité de cette unique région insulaire de métropole, qui reposerait sur la solidarité nationale.
Quand on sait que ce texte a pour objet l’affaiblissement de l’action et de l’emploi publics, il ne fait aucun doute qu’il ne répond à aucun des enjeux de développement de la Corse et de ses populations. C’est pourquoi, relayant les revendications d’élus locaux, de syndicalistes et de citoyens de Corse, nous ne voterons pas ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Pour l’adoption | 143 |
Contre | 161 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous venons d’assister à un mauvais moment de la vie parlementaire.
Mme Éliane Assassi. C’est la vie démocratique !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne suis pas né de la dernière pluie. C’est pourquoi j’avais mené des discussions utiles afin de m’assurer que la commission des lois était d’accord pour sauver les arrêtés Miot. La parole n’a pas été tenue.
Madame la sénatrice Cukierman, vous avez eu raison de rappeler que le sénateur Favier regrettait qu’il n’y ait pas de référendum. Pour autant, il ne disait pas que c’était une condition sine qua non et il approuvait bel et bien la création de la collectivité unique de Corse. Aujourd’hui, vous reniez cet engagement et prenez une position inverse. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
J’ai bien entendu au cours de la discussion générale le sénateur Luche déclarer à la tribune, au nom du groupe de l’UDI-UC, – mais il a miraculeusement disparu ! –…
M. Philippe Kaltenbach. Il a fui !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … que son groupe était favorable à ce texte et qu’il le voterait. Le résultat du scrutin public montre qu’il n’en est rien. Tous les membres de son groupe ont d’ailleurs disparu. Ah non, il en reste un, dans l’entrebâillement de la porte (M. le ministre désigne M. Yves Pozzo di Borgo.), le rouge de la honte au front. (M. Philippe Dominati s’exclame.)
Il en est de même du groupe Les Républicains et en particulier de vous, monsieur le sénateur Panunzi, qui avez soutenu ici même des positions différentes de celles que vous avez souvent prises au cours des réunions que nous avons tenues pour coconstruire ces ordonnances. Vous avez même tenté de nous faire croire précédemment que vous aviez voté contre la loi NOTRe ! Comme numéro de faux-cul parlementaire, il est difficile de faire mieux !
M. Jacques Mézard. En effet !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Et le tout, sous l’œil de Camille de Rocca Serra, qui a, lui aussi, quitté à l’instant la tribune publique, tel un commissaire politique venu contrôler que son œuvre de destruction était menée à bien. J’aurais préféré le voir au Sénat un peu plus tôt pour persuader le groupe Les Républicains de reprendre dans une niche parlementaire, comme c’est la tradition, ce texte important pour les Corses.
Les Corses vous tiendront rigueur de ce qui vient de se passer cet après-midi, et ils auront raison !
Je tiens à remercier le groupe socialiste et républicain de sa fidélité. Je remercie également Jacques Mézard, Joseph Castelli et les membres du RDSE de leur loyauté : je sais que ce texte a fait débat au sein de leur groupe, car tous n’étaient pas d’accord, mais nous avons su convaincre, et parole a été tenue.
Je remercie aussi le groupe écologiste qui, à l’unanimité, a soutenu ce projet de loi. Enfin, je remercie le rapporteur et le rapporteur pour avis, qui ont pris leurs responsabilités.
Je le répète, ce n’est pas un bon moment de la vie parlementaire. Il ne faut pas s’étonner, avec de tels comportements, que l’opinion publique ait une image de plus en plus calamiteuse de la classe politique.
Mme Cécile Cukierman. Oui !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous verrez, les Corses jugeront durement.
Cela étant, le Sénat a pris cette décision tout à fait démocratiquement : les ordonnances sont rejetées. Quel mauvais coup pour la Corse ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
14
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l’avenant n° 2 à la convention entre l’État et Bpifrance relative à l’action « Financement des entreprises sobres : prêts verts », l’avenant n° 4 à la convention entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine relative aux actions « Internats d’excellence et égalité des chances » et la décision d’affectation des crédits de l’action « Innovation collaborative » à l’action « Projets structurants pour la compétitivité ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances.
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 31 janvier 2017 :
À quatorze heures trente :
Proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale (n° 126, 2016-2017) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 331, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 332, 2016-2017).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale (n° 126, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD