M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson. (M. le président de la commission applaudit.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que Vincent Delahaye et nos collègues du groupe de l’UDI-UC nous invitent ce soir à examiner tend à créer des moyens coercitifs pour faire appliquer l’article 47-2 de la Constitution, aux termes duquel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Nos collègues soulignent en particulier plusieurs cas dans lesquels des « doutes sérieux » ont été exprimés sur la sincérité des comptes présentés par les collectivités territoriales. Ils souhaitent organiser un cadre légal afin d’éviter que ce type de situation ne se reproduise à l’avenir.

Cet objectif est assurément légitime et fondé : les collectivités territoriales – faut-il le rappeler ? – gèrent un budget constitué sur la base de l’argent public fourni par les contribuables ; elles doivent à cet égard faire preuve de rigueur et d’exemplarité. C’est à cette condition, me semble-t-il – je sais que cet avis est partagé –, que le contrat de confiance avec nos concitoyens peut être honoré.

Toutefois, je souscris à plusieurs des arguments qui ont été développés par mes collègues en commission des lois pour motiver leur décision de nous présenter une motion de renvoi en commission.

La loi NOTRe a prévu une expérimentation de certification des comptes. Sur cinquante collectivités candidates, vingt-cinq ont été retenues pour y participer, ce qui témoigne concrètement et à l’évidence de leur volonté de s’améliorer. Les travaux sont en cours. Ne serait-il donc pas incohérent et précipité de prévoir d’ores et déjà le contrôle de l’annualité budgétaire, avant même que les leçons à tirer de cette expérimentation soient connues ?

Une étude d’impact serait en outre nécessaire avant de décider d’un renforcement des compétences des chambres régionales et territoriales des comptes, dont les moyens sont limités.

D’un point de vue institutionnel, il ne serait pas anodin de soumettre les élus locaux à un tel contrôle et de faire peser une telle responsabilité sur leurs épaules. Il y a tout juste trois mois, le Conseil constitutionnel a jugé conforme le régime d’exemption applicable aux élus locaux à l’égard de la Cour de discipline budgétaire et financière. Le principe constitutionnel est celui d’une responsabilité exclusivement politique ou pénale des élus.

Outre qu’elle remet en cause ce principe, la présente proposition de loi prévoit des sanctions très importantes. Je ne dispose d’ailleurs pas, en la matière et à ce stade, de réponse catégorique, ferme ou définitive ; il me semble néanmoins qu’il faut veiller à ne pas céder trop hâtivement à la pression d’une forme de défiance générale de l’opinion à l’égard des élus.

Il est également important de rappeler le contexte dans lequel les élus exercent leurs fonctions et leur mandat.

Le bilan du quinquennat est très lourd et en partie destructeur parce qu’imposé sans cadre négocié pour traiter des finances de nos collectivités territoriales : ces dernières ont vu le montant de leurs dotations diminuer de 27 milliards d’euros au total.

À cela s’ajoutent des réformes engagées de manière précipitée, là encore sans recueillir l’assentiment des partenaires que sont les collectivités locales.

Nos élus, qui exercent une fonction exigeante, se trouvent donc pour beaucoup confrontés à de graves difficultés financières dans les collectivités dont ils ont la responsabilité. Bien sûr, il n’est en aucun cas question d’excuser les abus ; il s’agit simplement d’expliquer que certains élus ont le sentiment d’être les laissés-pour-compte d’une impasse organisationnelle et budgétaire.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous y allez un peu fort !

M. Jean-François Husson. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de comptes relevait déjà des imperfections et des insuffisances dans la présentation des comptes de certaines collectivités territoriales, qui manquaient de fiabilité et de clarté. Elle remarquait également, « au-delà des difficultés liées à l’équilibre budgétaire, une méconnaissance, voire une incompréhension, des règles applicables ».

N’y aurait-il pas là une source de réflexions pour la commission des lois ? Avant de prévoir de lourdes sanctions pour nos élus, ne faudrait-il pas, au préalable, envisager une démarche simplifiée de présentation de leurs comptes, dans le cadre de la fameuse « démarche de simplification » ?

Notre objectif, en définitive, doit être double : satisfaire une exigence de transparence à l’égard de nos concitoyens, en assurant la présentation de comptes fiables, clairs et sincères ; à cette fin, prévoir, pour les élus et leur personnel, des outils faciles d’utilisation et d’accès.

C’est un travail minutieux que la commission des lois est invitée à fournir pour atteindre cet objectif. Ces outils devraient en effet être adaptés à tous les profils et tailles de collectivités.

Le tome II du rapport sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, présenté par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation en juillet 2015, ne démontrait pas autre chose : les consultations des élus locaux révélaient que ces derniers souhaitaient un étalement des baisses de dotations dans le temps et une simplification de la fiscalité locale.

La réforme de la dotation globale de fonctionnement, dont il a été si longtemps question, a été reportée par le Gouvernement. Mais celui qui prendra ses fonctions au printemps prochain ne pourra se dérober. Les fruits des travaux de la commission des lois sur la présente proposition de loi pourront peut-être mûrir et j’espère sincèrement que nous parviendrons alors à un projet plus global. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je connais l’enjeu et ne répondrai pas à certaines provocations.

Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont évoqué la question des emprunts toxiques. Je nous invite collectivement à réfléchir au fait que l’on ne voit pas au nom de quel principe ou de quelle disposition légale un préfet ou un comptable aurait pu s’y opposer à l’époque où ceux-ci ont été souscrits.

Vous avez, depuis, corrigé les choses, en encadrant la nature des emprunts que peut souscrire une collectivité territoriale. Nous aurons l’occasion, dans quelques jours, de faire un bilan de la désensibilisation des collectivités locales à la toxicité de leurs emprunts ; je vous y renvoie.

Quoi qu’il en soit, ne mélangeons pas les questions. La question posée est légitime et connue ; elle a été sainement débattue, me semble-t-il. La question des emprunts toxiques est tout à fait différente !

M. Philippe Bas, président de la commission. Très bien !

M. Jean-François Husson. Clair, concis, efficace !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales
Demande de renvoi à la commission (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme le rapporteur, au nom de la commission, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales (n° 131, 2016-2017).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seul droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cette motion a été largement défendue au cours de la discussion générale ; je serai donc brève. Je rappelle simplement les trois raisons qui ont motivé la commission des lois à la présenter.

En premier lieu, nous nous interrogeons sur l’articulation entre le contrôle de l’annualité budgétaire, qui est proposé par les auteurs de cette proposition de loi, et l’expérimentation en cours de certification des comptes des collectivités territoriales.

En deuxième lieu, les moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette proposition de loi doivent être examinés de manière plus approfondie.

En dernier lieu, l’examen de la proposition de loi soulève des interrogations plus larges concernant le rôle et les compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

(La motion est adoptée.)

M. le président. En conséquence, le renvoi de la proposition de loi à la commission est ordonné.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales
 

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 23 février 2017 :

À dix heures : débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises.

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze : proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes (n° 291, 2016-2017) ;

Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 409, 2016-2017) ;

Texte de la commission (n° 410, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 23 février 2017, à zéro heure cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD