Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
2. Bilan du « choc de simplification » pour les entreprises. – Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises
Mme Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, corapporteur
M. Olivier Cadic, corapporteur de la délégation sénatoriale aux entreprises
3. Saisine du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d'actualité au Gouvernement
prise en charge des victimes de la pollution
Mme Leila Aïchi ; Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat ; Mme Leila Aïchi.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Questions d'actualité au Gouvernement (suite)
situation de la cristallerie d’Arques
M. Dominique Watrin ; M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie.
M. Rachel Mazuir ; M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur.
rassemblement sur le site de Bure
M. Christian Namy ; M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur.
politique extérieure de la France
M. Jean-Pierre Raffarin ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
terres agricoles et viticulture
Mme Hermeline Malherbe ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; Mme Hermeline Malherbe.
M. Jean-Louis Carrère ; M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. Olivier Cadic ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Olivier Cadic.
M. Philippe Bas ; M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
plan de lutte contre les violences faites aux enfants
Mme Michelle Meunier ; Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
M. Alain Milon ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Alain Milon.
M. Jean-Claude Lenoir ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
7. Saisine du Conseil constitutionnel
8. Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi
Clôture de la discussion générale.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur
Amendement n° 6 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article unique modifié.
Articles additionnels après l’article unique
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Jean-Michel Baylet, ministre
9. Suspension des travaux en séance publique
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Bilan du « choc de simplification » pour les entreprises
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises » (rapport d’information n° 433).
La parole est à Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, corapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, corapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en demandant l’organisation de ce débat, la délégation aux entreprises a voulu se faire l’écho des centaines d’entrepreneurs qu’elle a rencontrés depuis sa création.
Depuis deux ans, nous sillonnons le territoire ; partout, le poids de l’administratif est vécu par les entreprises comme l’un des premiers blocages à leur développement.
Ce blocage se décline en excès de normes, en maquis de règles, en rigidité, en instabilité : plus les entreprises se voient imposer de règles, plus leur espace de liberté est réduit, ce qui nuit à leur créativité et à leur croissance. Ce poids pèse surtout sur les petites et moyennes entreprises, qui sont moins armées pour suivre l’emballement du droit.
Le coût du fardeau administratif est réel. L’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, l’estime à 60 milliards d’euros. Mais ce coût se mesure aussi en emplois perdus.
Selon le critère du poids de la réglementation, la France est classée 115e sur 138 pays par le Forum économique mondial. C’est une piètre performance ! Il s’agit donc d’un enjeu économique majeur, car notre compétitivité et notre attractivité sont affectées.
De nombreux pays européens l’ont bien compris et se sont saisis du problème. On peut se demander si la France a bien pris la mesure de l’enjeu, même si le Président de la République a annoncé en mars 2013 un « choc de simplification ».
Qu’en est-il quatre ans plus tard ? La délégation aux entreprises s’est saisie de cette question en adoptant le rapport Simplifier efficacement pour libérer les entreprises, qu’elle avait confié à Olivier Cadic et à moi-même.
Pour élaborer ce rapport, nous avons effectué des déplacements en Europe afin de comprendre la démarche de simplification menée par plusieurs de nos voisins : l’Allemagne, la Suède et les Pays-Bas.
Nous avons ensuite entendu à Paris une vingtaine d’acteurs qui sont au cœur du sujet : d’abord, les représentants des entreprises et de ceux qui les accompagnent pour gérer la complexité ; ensuite, les institutions chargées de la simplification, à commencer par le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, M. Jean-Vincent Placé, qui aurait dû être présent aujourd’hui. Comment interpréter sa défection, monsieur le secrétaire d'État ? Vous nous direz si nous devons y voir un désintérêt pour le sujet, ce que je n’espère pas, ou, peut-être, l’expression d’une difficulté à assumer un bilan délicat…
Nous avons également entendu des acteurs extérieurs au Gouvernement, mais bien placés pour analyser la situation française, que ce soit à l’Assemblée nationale, à la Cour des comptes ou chez France stratégie. Enfin, nous avons exploré certaines idées avec les membres de think tanks et des universitaires.
La volonté de simplification, affichée en haut lieu, a-t-elle produit des résultats pour les entreprises françaises ?
L’inflation législative ne date pas d’hier, mais, fait nouveau, elle va en s’accélérant. Si le nombre de projets de loi évolue peu, leur volume augmente, notamment à la faveur de leur examen au Parlement : le nombre d’articles des projets de loi est en moyenne doublé à l’issue de la navette.
On a tôt fait d’accuser les parlementaires, mais le Gouvernement est comptable du cinquième de cette dérive imputée aux amendements. En outre, pour légiférer, le Gouvernement recourt à l’ordonnance aussi bien qu’au projet de loi, contribuant ainsi directement à l’hyperactivité législative, sans l’aide du Parlement. S’ensuit mécaniquement un emballement réglementaire, toutes ces normes enchevêtrées créant de la complexité et de l’insécurité juridique.
L’Union des industries chimiques nous a transmis une courbe frappante qui manifeste l’emballement normatif depuis une quinzaine d’années, et encore ne concerne-t-elle que le domaine de l’hygiène, de la santé et de la sécurité. Il aurait été intéressant d’avoir la même courbe en matière fiscale ou de droit du travail.
La France resserre encore un peu plus cet étau normatif en transposant souvent les directives européennes au-delà des obligations standards, ce qui disqualifie nos entreprises et, même, les incite à délocaliser leur production.
Cela fait des années que l’on tente d’améliorer la situation sans grand succès visible, malgré le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, un secrétaire d’État dédié, un conseil de la simplification pour les entreprises et un gouvernement qui se félicite d’avoir initié 463 mesures de simplification.
Toutefois, l’élan initial s’est rapidement essoufflé. Le 10 juin 2015, M. Thierry Mandon annonçait, pour le 1er juillet 2015, la mise en place d’un comité permettant d’expertiser les études d’impact du Gouvernement. Ce comité n’a pas vu le jour, M. Mandon a changé de portefeuille une semaine plus tard et, depuis lors, trois ministres se sont succédé à ce poste en trois ans !
Le Conseil de la simplification pour les entreprises, malgré son dynamisme, a produit des mesures en tout genre. Notre rapport les classe en catégories : anecdotiques, symboliques, anti-Kafka, sans-papiers, sécurisantes, en trompe-l’œil, à la réputation simplificatrice carrément usurpée, voire à effet boomerang…
Tout cela forme un tableau pointilliste : la politique de simplification n’arrive pas à convaincre, prise entre effets d’annonce et difficultés de mise en œuvre. D’ailleurs, 43 % des mesures annoncées par le Conseil de la simplification ne sont pas effectives. On évoquera des blocages, qui tiennent à la résistance au changement de ceux à qui profite la complexité, mais il faut aussi reconnaître que la volonté politique du Gouvernement a été défaillante.
Pourtant, le Gouvernement soutient que son action a dégagé une économie potentielle pour les entreprises d’environ 5 milliards d’euros annuels. Un tel chiffrage, effectué à partir des études d’impact produites par l’administration, reste invérifiable. Aucun audit préalable n’a été fait. Surtout, il néglige le coût qui résulte du flux parallèle d’obligations nouvelles : pénibilité, compte personnel de formation, transition énergétique… Si les entreprises ne ressentent pas un choc de simplification, elles ressentent assurément un choc de réglementation !
Or il est tout à fait possible de réussir : nos voisins d’Europe du Nord, eux, ont misé durablement sur l’amélioration de leur réglementation. L’Union européenne elle-même s’est engagée dans une telle démarche : sous l’impulsion du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le flux de textes nouveaux a objectivement ralenti.
Que conclure de nos déplacements en Europe ? Là où elle fonctionne, la simplification est un objectif politique, généralement transpartisan, qui mobilise l’ensemble du Gouvernement. L’évaluation préalable des coûts y est perçue comme un moyen de rendre efficace la décision politique, pas de s’y substituer. La simplification obéit à une méthodologie rigoureuse et repose sur des objectifs et le suivi d’indicateurs. Surtout, des résultats chiffrés et vérifiés sont obtenus. L’Allemagne a ainsi allégé le coût de la bureaucratie pour ses entreprises de 14 milliards d’euros entre 2006 et 2011. Enfin, la réduction du stock de règles s’articule souvent avec une régulation du flux de normes, grâce à une règle de compensation entre création et suppression de normes.
Dans tous ces pays, un organe indépendant contrôle la qualité des études d’impact, sur lesquelles repose le pilotage de la simplification pour les entreprises. Chacun de ces organes est doté d’un collège de quelques membres experts issus du monde économique, sans mandat politique ni fonction administrative. Il rend un avis qui est publié en même temps que le texte du projet de loi ou de règlement envisagé.
La majorité sénatoriale s’est également saisie du sujet et a présenté de nombreuses propositions. Des mesures d’ordre général, comme le one-in, two-out ou la fin de la surtransposition des normes européennes.
Nous avons également fait adopter au Sénat des mesures attendues par les entreprises, malheureusement balayées d’un revers de main par le Gouvernement : la mise en place d’une date fixe annuelle pour l’application des nouvelles obligations pesant sur les entreprises, la diminution des délais de paiement à trente jours fin de mois ou encore la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en allégement de charges.
Sur le volet du droit du travail, la majorité sénatoriale a également été une force de propositions ; Jean-Baptiste Lemoyne y reviendra certainement.
Je laisse maintenant le soin à Olivier Cadic de présenter la suite du rapport de la délégation : il analysera la situation française, au regard des enseignements que nous avons pu tirer de nos observations à l’étranger, et vous présentera les propositions de la délégation aux entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le corapporteur, dont l’intervention sera, à sa demande, accompagnée d’une présentation PowerPoint sur les écrans de l’hémicycle.
M. Olivier Cadic, corapporteur de la délégation sénatoriale aux entreprises. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la simplification en France, c’est comme la Pénélope d’Homère : elle travaille beaucoup, mais elle ne produit pas de résultat. (Sourires.) Tel Ulysse, notre délégation propose une odyssée en quatre étapes pour simplifier la vie des entreprises et augmenter notre efficacité.
À l’étranger, la simplification est un processus méthodique. Chez nous, elle tient plutôt du mirage politique. C’est le fameux « choc de simplification », qui a eu trois visages en trois ans.
Si la démarche a le mérite de se vouloir pragmatique en cherchant à montrer des résultats immédiats et si elle est servie par des acteurs dynamiques, elle prend la simplification par le petit bout de la lorgnette.
La simplification, c’est un instrument de compétitivité qui doit s’imposer aux politiques sectorielles. Or les ministères continuent à élaborer des normes indépendamment les uns des autres, et à en rajouter par rapport aux règles européennes sans se soucier de l’impact économique global. Bref, les acteurs de la simplification s’épuisent en vidant la mer avec une cuillère.
Depuis la loi organique de 2009, une étude d’impact doit être présentée, de même que pour tout nouveau texte réglementaire pour vérifier l’opportunité d’une nouvelle législation. Le principe semble acquis, mais les ordonnances, les propositions de loi et les amendements y échappent encore.
Surtout, l’exercice reste trop formel pour être utile : ces études d’impact sont de qualité inégale et sont souvent réalisées au dernier moment. Le Parlement ne s’en est donc pas emparé. Et le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel, le Secrétariat général du Gouvernement et le Conseil d’État n’a pas permis d’en améliorer la qualité, si bien que notre pays continue à légiférer pour un oui, pour un non, avec entrain, ce qui rend fous les entrepreneurs !
Quant à l’évaluation rétrospective des lois, elle est loin d’être systématique. Même si tout n’est évidemment pas chiffrable, il n’y a que la comparaison dans le temps et dans l’espace qui permette de mesurer l’écart produit par une réglementation publique.
Dans ce contexte, annoncer la suppression d’une norme pour toute norme nouvelle, la fin des surtranspositions de textes européens et la généralisation des tests PME sans appliquer ces mesures ne peut que créer de la désillusion.
Pour s’attaquer à la simplification, la France traite le symptôme plutôt que le mal.
Nous devons assumer notre responsabilité collective et nous interroger sur nos méthodes, sans quoi le fardeau administratif des entreprises ne pourra pas être allégé.
Nous proposons donc quatre étapes dans l’odyssée qui nous mènera à bon port.
La première consiste à penser la simplification comme un processus qualité. Quelle entreprise peut fonctionner sans service qualité ? Ce n’est pas un hasard si certaines entreprises réussissent alors que d’autres disparaissent.
Nous devons créer ce service qualité pour la règle de droit. Sous la houlette du Premier ministre, un réseau dédié au sein du Gouvernement mobilisera tous les ministères sur cette question : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Sa première mission sera de chiffrer la charge administrative supportée par les entreprises : il s’agit de savoir où nous en sommes et de pouvoir nous comparer avec nos voisins. On nous oppose que ce chiffrage coûterait 3 millions d’euros. Qu’est-ce par rapport aux gains substantiels que nous pouvons attendre de cette méthode qui a fait ses preuves chez nos voisins ?
Nous pourrons ensuite arrêter des objectifs de réduction nette de la charge bureaucratique – comme l’a fait l’Allemagne, à hauteur de 25 % en quatre ans –, des indicateurs et des règles pour y parvenir.
L’établissement d’un plan de réformes globales, au début de chaque mandat, évitera que les dispositions juridiques applicables aux entreprises soient modifiées plus d’une fois par législature. Leur impact sera étudié en amont, leurs objectifs seront chiffrés et les indicateurs à suivre définis : l’étude d’impact deviendra ainsi l’outil principal de qualité de la norme.
Une clause de révision devra aussi être insérée dans chaque loi pour évaluer son efficacité dans les cinq ans suivant son adoption. Ainsi, l’élaboration des lois obéira à un processus d’amélioration continue. La roue de Deming décrit ce cercle vertueux : préparer, exécuter, contrôler, ajuster.
La deuxième étape consiste à alléger le stock normatif. Nous avons deux siècles de lois derrière nous : pour commencer, il faut élaguer le stock de normes et l’alléger des règles devenues obsolètes avant d’en créer de nouvelles.
La collaboration déjà engagée entre entreprises et administration doit se poursuivre : il faut réévaluer la nécessité des règles et procédures qui compliquent la vie des entreprises.
L’objectif est de parvenir à des simplifications substantielles.
Ce travail doit mieux être articulé avec l’échelon européen, à la fois avec Bruxelles et avec les autres États européens. Nous devons comparer la performance de notre réglementation avec celle d’États voisins qui partagent des exigences comparables aux nôtres, en termes de santé publique, de protection du consommateur et de sécurité industrielle.
Les salariés français sont-ils en meilleure santé que leurs voisins grâce à l’existence d’une médecine du travail ? Nos raffineries pétrolières sont-elles plus sûres grâce à une législation plus stricte ? Non : les raffineries françaises concourent pour 26 % des accidents en Europe alors qu’elles ne représentent que 10 % des sites. L’efficacité des règles juridiques doit s’apprécier à l’aune de résultats concrets.
La troisième étape consiste à concevoir la régulation au service des entreprises. Pourquoi faire porter la responsabilité à un fonctionnaire de déterminer ce qui est autorisé ou pas ? Passons d’un système où tout est interdit sauf ce qui est autorisé à un système où tout est autorisé sauf ce qui est interdit. Ainsi nous libérerons non seulement les entreprises, mais aussi l’administration.
La régulation doit se faire par objectif et non par moyen. Plus libre, l’entreprise sera plus responsable.
Il convient aussi de porter à l’échelon européen nos exigences nationales. La transposition de directive doit se faire de manière stricte. Si, ensuite, nous voulons poser des exigences supplémentaires, cela doit faire l’objet d’un texte distinct, dont l’impact devra être évalué.
Enfin, notre pays doit cesser d’anticiper sur les règles européennes à venir.
La quatrième étape consiste à mieux légiférer. Le Parlement est comme une usine à produire des lois. Seul un processus qualité pour leur élaboration peut garantir leur efficacité et leur simplicité.
En amont, il faut associer les entreprises à l’élaboration des lois : acceptons de prendre ce temps-là, car il est déterminant pour améliorer non seulement la qualité, mais aussi la légitimité, et donc l’effectivité de la loi.
La réalisation d’un test PME sur les projets de textes qui leur sont applicables doit devenir obligatoire. Faciliter les expérimentations en amont est aussi un moyen de mieux calibrer les règles avant leur adoption.
Nous devons également miser sur l’étude d’impact préalable, qui doit être approfondie, et poser d’abord la question de l’utilité d’une nouvelle règle. L’étude d’impact devrait être rendue également obligatoire pour les projets d’ordonnances et les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour.
Surtout, sa qualité doit être contrôlée par le Conseil de la simplification pour les entreprises, dont nous proposons de transformer les missions et la composition pour en assurer l’indépendance. Le Conseil rendrait un avis consultatif, mais public sur l’étude d’impact, afin de créer du débat public et de l’émulation entre ministères.
Enfin, au Parlement, la procédure d’examen des textes pourrait être améliorée. Nous suggérons un débat d’orientation préalable avant d’attaquer l’examen d’un projet de loi concernant les entreprises. Nous proposons de réfléchir à de nouveaux outils pour endiguer le gonflement des textes au cours de la navette. Nous voulons qu'un nouveau regard soit porté sur l’activité des parlementaires, un regard qui ne se réduise pas à mesurer combien de textes ou d’amendements ils déposent. Nous demandons une mise à jour de l’étude d’impact après la première lecture. Enfin, nous voulons développer une culture d’évaluation préalable au Parlement.
Le contrôle de l’efficacité des lois adoptées doit également être renforcé. Leur déclinaison réglementaire doit mieux respecter la volonté du législateur.
Voici l’essentiel de nos propositions pour simplifier efficacement et libérer nos entreprises. Il s’agit de revoir en profondeur nos façons de faire, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises. « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », aurait dit Albert Einstein.
La délégation aux entreprises vous propose tout simplement de changer de manière de faire de la politique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 28 mars 2013, le Président de la République lançait le programme dit du « choc de simplification », censé rendre plus lisibles et plus rapides les normes et les procédures administratives pour les citoyens et les entreprises.
Un premier projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives fut voté le 20 décembre 2014.
Le sujet n’est pas mineur pour notre pays. Un Français sur quatre estime ses relations avec l’administration complexes. Pis, selon le Global Competitiveness Report, le classement international de la France en termes de fardeau administratif s’est dégradé au fil des années pour atteindre la 121e place en 2015.
Du point de vue des entreprises, les contraintes administratives sont une réalité bien connue. Démarches longues, procédures complexes, multiplicité des interlocuteurs, renseignements inadaptés à des situations particulières, manque de réactivité des services sont des phénomènes qui pèsent particulièrement sur nos PME et nos TPE.
Pourtant une simplification de 25 % des charges ferait économiser 15 milliards d’euros aux entreprises, dégagerait des gains de productivité et, in fine, contribuerait à soutenir la croissance et à libérer l’emploi.
Les Français ne demandent qu’à entreprendre librement et à prendre des initiatives, comme l’a montré le succès du statut d’auto-entrepreneur, mais ils ne pourront le faire que dans un cadre administratif favorable susceptible de comprendre et de répondre à leurs attentes.
La loi du 20 décembre 2014 a mis en place un certain nombre de mesures allant dans le bon sens, mais largement insuffisantes. Elles sont mises en place pour la première fois par un secrétariat d’État dédié explicitement à la simplification depuis juin 2014.
Ont été ainsi votées, entre autres mesures, la réduction du nombre de commissions locales compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public, la suppression ou la simplification des régimes d’autorisation préalable et de déclaration pesant sur les entreprises ; la simplification du code du commerce ; la transposition de deux directives sur les marchés publics ; la suppression d’obligation de déclaration pour la participation au développement de la formation professionnelle.
Au regard de l’immensité de la tâche de simplification à accomplir, au niveau tant local que national, cette loi paraît bien timide. Il faut d’ailleurs noter qu’en février 2016 seulement 56 % des mesures à destination des entreprises étaient effectives.
Lors du déplacement de la délégation sénatoriale aux entreprises, dont je suis membre, dans mon département des Hautes-Alpes le 30 juin 2016, avec sa présidente Élisabeth Lamure et nos trois collègues Michel Canevet, Guy-Dominique Kennel et Michel Vaspart, la rencontre avec les entreprises et les acteurs de terrain avait permis de mesurer que la complexité et, surtout, l’instabilité normative sont des griefs récurrents faits à l’État. Nous avons fait le même constat lors de chacun de nos déplacements.
Un an et demi après le vote de la loi, l’édiction permanente de nouvelles normes, notamment sur l’accessibilité, l’environnement ou les enseignes, réduit les marges et empêche la création d’emplois. Un dirigeant d’une PME locale ironisait également sur le fait qu’il aurait besoin d’un équivalent temps plein administratif uniquement pour s’adapter aux mises à jour normatives de notre législation !
Il apparaît enfin que l’inadéquation de notre réglementation à la réalité des PME reste un problème majeur. Le cadre réglementaire de l’accès aux marchés publics s’avère particulièrement difficile à appréhender. Les règles de rédaction écartent de fait nombre de PME par manque de compétences. La réglementation est bien souvent inadaptée au caractère saisonnier de l’économie locale. On pourrait évoquer aussi le manque d’interlocuteurs fiables capables d’aider des entreprises, qui ont le sentiment d’être livrées à elles-mêmes dans les abysses administratifs.
Si le « choc de simplification » a certes permis quelques avancées, elles sont systématiquement remises en cause par les législations et des contraintes supplémentaires. Dans les Hautes-Alpes comme dans les autres départements, le compte pénibilité et le futur prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu sont des sources d’inquiétudes pour nos entrepreneurs, car ces mesures sont non seulement difficiles à mettre en place, mais aussi très coûteuses.
Et ce ne sont pas seulement les entrepreneurs qui sont victimes de ce trop-plein normatif ! Ce sont d’abord les employés, dont les salaires pourraient augmenter si leurs entreprises ne subissaient pas un tel fardeau.
On assiste en réalité au mouvement suivant : un pas de simplification en avant, deux pas de complexité en arrière.
Le principal problème en France reste le volume de la législation, auquel le Gouvernement n’a jamais osé s’attaquer : 400 000 normes, 10 500 lois, 127 000 décrets… Et les parlementaires que nous sommes n’y sont pas étrangers ! Ces textes sont-ils tous nécessaires ?
Au Royaume-Uni ou en Italie, par exemple, l’édiction d’une nouvelle norme doit obligatoirement passer par la suppression d’une autre. La France devrait s’inspirer de ce système. Chaque loi votée devrait comporter un volet « simplification ». La fin de la surtransposition du droit communautaire, déjà prolifique en matière normative, relève également du bon sens.
Le numérique permet une rapidité d’exécution et une réduction des coûts impossibles auparavant. Par exemple, pourrait être mise en place une déclaration fiscale unique et dématérialisée regroupant les impôts, la TVA, la formation continue, les déclarations de cotisation sur la valeur ajoutée et de cotisation foncière des entreprises, ainsi que la déclaration sur les dividendes et intérêts.
En matière de droit du travail aussi la simplification tarde à aboutir. Permettre le référendum d’entreprise, instaurer une instance représentative unique fusionnant les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les comités d’entreprise et les délégués du personnel, faire en sorte que les accords collectifs s’imposent effectivement au contrat de travail, instaurer la présomption de licéité de l’accord collectif sont autant de mesures qui simplifieraient réellement les relations des entreprises avec les administrations et libéreraient les énergies.
L’administration, quant à elle, doit se recentrer sur les rescrits en matière de droit du travail pour une meilleure adaptation aux réalités de terrain.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable pour l’économie française que nous allions beaucoup plus loin dans la simplification afin que le « choc de simplification » ne reste pas une formule politique ou le nom d’un ministère, mais une réalité pour les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Ladislas Poniatowski. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la simplification de la vie des entreprises est une question récurrente de cette législature.
Déclinée au gré des débats – simplification des normes agricoles, simplification administrative, création du Conseil d’évaluation des normes –, la simplification comme une incantation résoudrait à elle seule tous les maux dont souffre notre économie. Le débat de ce matin n’échappe pas à cette règle, puisqu’il faudrait, selon ses initiateurs, alléger le fardeau administratif des entreprises pour améliorer la compétitivité de celles-ci, et même leur vie.
Pourtant, malgré l’affichage, la prolifération normative n’a pas cessé de s’accentuer, comme M. Cadic l’a souligné : accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi, loi Macron, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, loi Travail, loi Sapin – encore cette liste n’est-elle pas exhaustive. Pour faire moins de normes, faisons plus de normes, en somme !
Or cette inflation normative, bien réelle, n’est pas due qu’au zèle des administrations de l’État. Cette vision caricaturale minimise l’impératif constitutionnel de clarté du droit. Il n’y a pas de volonté perverse de quelques administrateurs, mais l’exigence de produire la norme la meilleure au service de la sécurité juridique, voire, parfois, de corriger des erreurs du Parlement.
De plus, si la norme peut être contraignante à l’égard de certains, il faut rappeler que, à plus long terme, elle en protège d’autres : c’est le cas au premier chef du droit du travail, mais aussi des procédures administratives.
Pour autant, nous ne nions pas les difficultés rencontrées quotidiennement par nos entreprises. Seulement, cette exacerbation est en grande partie liée à l’insuffisance des moyens mis au service des PME et des TPE, au retrait de l’État et, il ne faudrait pas l’oublier, à la diminution du nombre de fonctionnaires.
De fait, les restructurations des services administratifs s’intensifient, dans le sillage des orientations de la révision générale des politiques publiques : réduction de personnel, mutualisations de fonctions, privatisations larvées de services publics. Or ces évolutions, que nous constatons sur nos territoires, sont autant de moyens directs ou indirects en moins pour accompagner les entreprises.
Elles expliquent aussi les nombreuses dérogations au nouveau principe du droit administratif selon lequel le silence gardé par l’administration vaut consentement, alors qu’il valait traditionnellement rejet. En effet, la suppression de nombreux services ne permet pas une prise de décision administrative dans les deux mois. On peut le regretter, mais ce sont bien les politiques d’austérité qui ne permettent pas d’évolutions significatives en la matière.
C’est pourquoi nous craignons que, derrière le leitmotiv de la simplification, ne se cache en réalité une volonté pure et simple de déréglementation, de dérégulation, bref de « moins d’État » ; M. Cadic ne s’en est d’ailleurs pas caché.
Au demeurant, on peut lire dans un rapport d’information de la commission des lois, intitulé Le droit des entreprises : enjeux d’attractivité internationale, enjeux de souveraineté, que « la situation des entreprises françaises n’est pas préoccupante du point de vue du droit qui leur est applicable ». Ainsi, selon un sondage réalisé par KPMG en octobre dernier, seuls 16 % des chefs d’entreprise pensent qu’une simplification du code du travail contribuerait au développement de l’activité de leur entreprise, et ils sont seulement 8 % à penser que la simplification des procédures administratives pourrait retentir sur leur activité.
En revanche, l’inquiétude face à l’accès au crédit reste très vivace chez les entrepreneurs. Ainsi, pour de nombreuses PME, les solutions de financement proposées par les banques demeurent insatisfaisantes. Il est nécessaire, par exemple, que les conditions des crédits à court terme soient plus abordables, avec des frais bancaires allégés.
C’est pourquoi nous, sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, pensons que, a minima, une concertation avec l’ensemble du secteur bancaire devrait être organisée, territoire par territoire, pour dresser un état des lieux, repérer les dysfonctionnements et tenter de les surmonter. Cela ne serait cependant qu’un minimum, car il faudrait en réalité une véritable réforme du système bancaire et de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, ainsi que des critères de crédit aux entreprises, lequel devrait être réorienté vers l’investissement utile, avec des taux d’intérêt d’autant plus bas que le crédit serait destiné à l’emploi, aux salaires et à la formation.
Il faudrait aussi encadrer véritablement la sous-traitance, comme en Allemagne, et étendre la responsabilité des entreprises donneuses d’ordres.
De même, il est indispensable de mieux contrôler les circuits d’aide publique. En effet, les grandes sociétés, dont le chiffre d’affaires réalisé hors de France est de plus en plus important, canalisent une grande part des milliards d’euros d’aides publiques, sans pour autant créer de l’emploi ou assurer un rapport de sous-traitance fiable et équitable.
Enfin, il faut renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Une des raisons des difficultés que rencontrent de nombreuses PME est la faiblesse de la demande intérieure : chômage, précarité, bas salaires, tous ces phénomènes minent la demande salariale, tandis que les politiques d’austérité budgétaire dépriment la demande publique.
Bref, vous l’aurez compris, si nous souscrivons à certains éléments de l’état des lieux dressé par Mme Lamure, comme la complexification du droit, la multiplication de textes législatifs sans réelle cohérence et la pratique contestable des ordonnances, nous n’approuvons pas toutes les propositions de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Si la coproduction législative avec les entreprises peut être une piste, il ne faut pas oublier que l’État est le garant de l’intérêt général et de l’indépendance à l’égard du lobbying de certains grands groupes, qui est une réalité non contrôlée.
Le nombre de normes risque de continuer à croître, comme l’a souligné le Conseil d’État : « la multiplication des sources externes, le droit européen en particulier, en même temps que l’apparition de nouveaux domaines » sont naturellement des facteurs de la complexité croissante du droit. En réalité, le libéralisme économique entraîne une inflation de pans entiers du droit, par exemple dans les domaines de la bourse et de la concurrence, ou encore de l’énergie.
On le voit, ce débat n’est pas neutre politiquement. Il aura été utile, tout au moins si nous en tirons cette conséquence que l’évaluation qualitative doit l’emporter dans tous les cas sur une évaluation trop souvent faussement comptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.
Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre dernier débat de la mandature porte sur le bilan du choc de simplification pour les entreprises, sujet important à la fois pour notre économie et pour nos emplois.
La simplification vise notamment à réduire la charge administrative qui pèse sur les entreprises. Il y va de leur compétitivité, bien sûr, mais aussi de l’équité entre les différentes entités économiques, celles qui ont les moyens de répondre à la complexité administrative et celles qui ne les ont pas : il y a là aussi un enjeu de croissance, de développement et donc d’emploi.
Je remercie la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, Mme Élisabeth Lamure, qui nous donne l’occasion d’aborder ce sujet – une nouvelle fois, me direz-vous, mais il en vaut la peine.
En mai 2013, le Président de la République a déclaré : « Plus de simplification, c’est plus d’initiatives, plus d’activités, plus d’emplois ». Avec le choc de simplification pour les entreprises, nous faisons face à un vrai dilemme, résumé par cette question : comment libérer les entreprises du foisonnement des contraintes administratives de toute nature tout en préservant un environnement juridique, fiscal et social stable et sécurisé ?
Cette interrogation n’est pas nouvelle ; on en parle depuis au moins 1983 et la création d’une commission pour la simplification des formalités des entreprises. Aujourd’hui, quel est le constat ?
Malgré les efforts renouvelés des différents gouvernements, le résultat en matière de simplification pour les entreprises n’est pas médiocre – ce jugement, porté par certains, est excessif –, mais il est loin d’être optimal et, surtout, il reste vraiment beaucoup à faire !
Encore faut-il avoir conscience de l’importance de ce sujet pour notre économie. De ce point de vue, je me réjouis que François Hollande l’ait pris à bras-le-corps dès le début de son quinquennat. De fait, le choc de simplification annoncé en mars 2013 par le Président de la République a consisté à faire de la simplification, conçue de façon très générale, un pilier de la réforme de l’État. En l’espace de trois à quatre ans, nous avons fait évoluer les mentalités sur le sujet, ce qui était tout aussi essentiel.
Afin d’accélérer la mise en œuvre de cette politique, le Gouvernement a décidé de mettre en place, en janvier 2014, une organisation dédiée, le Conseil de la simplification pour les entreprises. Une vraie méthode collaborative a vu le jour au sein d’ateliers participatifs associant les acteurs économiques et les représentants de l’administration.
Composé de représentants des petites et des grandes entreprises, de parlementaires, d’experts, le Conseil de la simplification pour les entreprises s’apparente, pour reprendre une expression de Thierry Mandon, à une « fabrique à simplifier ». Cet organisme traduit ainsi la révolution qui s’opère, de la conception jusqu’à la mise en œuvre, dans les mesures de simplification, en vue de répondre aux besoins réels de tous les types d’entreprises.
À ce jour, comme Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises l’a souligné, 463 mesures de simplification à destination des entreprises ont été adoptées, en particulier le programme « dites-le-nous une fois ». Source d’une économie de 4 milliards d’euros par an pour les entreprises, ce programme se décline à travers, notamment, la déclaration sociale nominative, la DSN, les marchés publics simplifiés, la saisine de l’administration par voie électronique et le guichet Entreprises.
Les mesures mises en place doivent faire l’objet d’une évaluation pour vérifier que les objectifs visés sont bien atteints. J’ai à l’esprit un exemple dans lequel le dispositif Marché public simplifié a finalement conduit à un allongement des procédures, alors que le programme « dites-le-nous une fois » est supposé favoriser la réactivité !
Le Conseil de la simplification pour les entreprises a annoncé à l’automne quarante-huit mesures dont l’entrée en vigueur s’échelonnera de 2017 à 2018. Reste à ne pas introduire de la complexité supplémentaire d’un côté tandis que l’on simplifie de l’autre…
Dans le cadre du programme « dites-le-nous une fois », la mesure consistant à informer en une seule fois les entreprises de l’ensemble des démarches à effectuer pour leur installation sera prochainement expérimentée. Il y a là une autre révolution douce qui devrait faciliter la vie non seulement des entrepreneurs, mais aussi, j’y insiste, de l’entreprise dans son ensemble, donc des salariés.
Par ailleurs, il faut se garder d’oublier les TPE, les artisans et commerçants, ainsi que le monde agricole.
Il faut remettre au cœur de la réforme les différentes chambres interconsulaires qui accompagnent les entreprises.
Enfin, même si je ne souscris pas à l’intégralité du propos de M. Watrin, la problématique bancaire et financière qu’il a soulevée est une réalité pour l’ensemble de nos entreprises.
On a déjà simplifié, par exemple, les formalités dans le domaine de l’éolien et des parcs photovoltaïques, mais aussi de l’apprentissage, afin de faciliter l’accès à celui-ci. De manière générale, tout ce qui peut simplifier la vie des entreprises sans diminuer les droits et protections de celles et ceux qui les font vivre va dans le bon sens.
La majorité des membres du RDSE ne peut donc qu’appeler de ses vœux la poursuite de l’effort entrepris, sur la base notamment des propositions de la délégation sénatoriale aux entreprises, car, je le redis, il reste beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la simplification administrative est une question récurrente dans notre pays : la lourdeur de notre administration est souvent moquée, parfois avec raison. Pourtant, ce n’est pas tant l’efficacité de l’administration qui est en cause que les nouvelles procédures qui s’accumulent sans que l’on se préoccupe suffisamment de leur cohérence ni de la suppression des plus anciennes.
Nous avons tenté d’y remédier dès 2013, en créant le Conseil national d’évaluation des normes, chargé de simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Malheureusement, la saisine de cet organisme est encore trop complexe ; une proposition de loi visant à la simplifier est d’ailleurs encore en cours de navette…
Dans une perspective de démocratie numérique, nouvelle forme de la démocratie directe, le site participatif « faire simple » permet aux citoyens et aux acteurs économiques d’adresser des propositions au Gouvernement dans le domaine de la simplification. Il a déjà recueilli plus de 4 000 contributions et compte plus de 19 000 inscrits. Ces démarches participatives et contributives nous tiennent à cœur, à nous écologistes. Nous saluons donc les avancées de la démarche de gouvernement ouvert.
Quant au silence de l’administration, le principe selon lequel il vaut désormais accord, inscrit dans la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, concerne deux tiers des procédures administratives. Entré en vigueur le 12 novembre 2014 pour les services de l’État, il autorise les entreprises et les citoyens à considérer leur requête comme acceptée si l’administration ne leur répond pas dans un délai de deux mois, avec toutefois la réserve soulevée par notre collègue Dominique Watrin touchant aux moyens humains nécessaires aux services de l’État.
Pour ce qui est des processus de simplification concernant directement les entreprises, le site simplification. modernisation.gouv.fr en recense plus de 300, dans des domaines aussi divers que les procédures de création, les échanges avec l’administration, l’emploi, la formation et l’apprentissage, mais aussi la transmission des entreprises et les obligations comptables, sociales et fiscales.
Quant au dernier « train », comme dit Jean-Vincent Placé, des 415 mesures de simplification, il doit permettre aux entreprises d’économiser plus de 5 milliards d’euros en 2017. Ce sera donc un gain d’attractivité et de compétitivité considérable.
Je tiens à aborder le compte de prévention pénibilité, véritable bonne mesure pour les salariés. Sa création était nécessaire, mais elle a provoqué une levée de boucliers parmi les petites entreprises, notamment artisanales. Il fallait en simplifier l’application, ce qui a été fait, notamment par sa fusion au sein du compte personnel d’activité, après le report de son entrée en vigueur. La possibilité de se fonder sur les accords collectifs de branche étendus ou sur le référentiel professionnel de branche homologué est un axe qui doit être encouragé. Dans ce domaine, nous pouvons saluer les efforts d’écoute accomplis par l’État en vue d’une véritable simplification.
Reste qu’il est nécessaire d’avancer encore. Ainsi, les PME doivent bénéficier d’un accès plus ouvert aux marchés publics. L’effort entamé dans ce domaine doit être poursuivi, car les PME, qui représentent 99 % de notre tissu économique, n’obtiennent que 58 % des marchés publics en volume et 30 % seulement en valeur.
Il convient aussi d’adapter les normes aux différentes tailles d’entreprise, en particulier dans le domaine de l’agroalimentaire : les mêmes normes s’appliquent aux petits ateliers de transformation et aux grandes usines de l’agroalimentaire ! Nous avons déjà abondamment débattu et nous débattrons encore de la reterritorialisation de l’alimentation, car c’est un processus qui ne s’arrêtera pas et que nous, politiques, avons le devoir d’encourager. Or l’ancrage territorial de l’alimentation implique la construction de filières courtes d’abattage et de transformation, et donc une adaptation des normes à des ateliers de petite taille.
Il en va de même dans le secteur de la petite restauration collective, qui ne doit pas être soumise aux mêmes normes que la « cuisine-usine » de l’agroalimentaire. De façon générale, l’adaptation des normes est dans l’intérêt de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos territoires.
Nous, écologistes, estimons que la France a bien avancé sur la voie de la simplification, même si, parce que nous partons de loin, il reste beaucoup à faire en matière d’efficacité administrative, chemin qui devra être parcouru sans que les principes fondamentaux et les nécessaires contrôles sur les entreprises soient remis en cause. Espérons que, au cours de la prochaine législature, le travail entamé sera poursuivi dans le même esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat, qui aurait mérité une assistance plus nombreuse…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mais la qualité est là !
Mme Nicole Bricq. Je ne reviendrai pas sur le constat, bien connu.
Le cycle funeste de la complexité des règles et de leur instabilité a un effet nocif sur les décisions non seulement des entreprises, mais aussi des ménages, qui sont des acteurs économiques essentiels.
Depuis vingt ans au moins, tous les gouvernements affichent leur volonté de simplifier, selon des modalités diverses. Toutefois, il faut bien reconnaître que, lors de ce quinquennat, cet objectif a été, très tôt, érigé en priorité.
Dès novembre 2012, en effet, à l’occasion du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, une politique de simplification était décidée puis rapidement traduite en actes.
En mars 2013, le Président François Hollande a mobilisé les préfets et les directeurs d’administration centrale afin d’accélérer la mise en œuvre des réformes pour la croissance et l’emploi.
Le 17 juillet 2013, soit dans un délai remarquable compte tenu de l’habituelle lenteur d’exécution des décisions, le Gouvernement a dévoilé les 200 premières mesures de son programme de simplification.
Le Conseil de la simplification pour les entreprises, créé le 8 janvier 2014 et coprésidé par un député et une chef d’entreprise, a proposé au Gouvernement des orientations stratégiques pour les entreprises. Depuis, il dresse régulièrement un bilan de l’avancement des mesures prises et des résultats obtenus.
Un ministère est créé, ce qui représente tout de même un saut qualitatif, puis, en juin 2015, Thierry Mandon est nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification.
Les mesures de simplification, que je ne reprends pas, se sont dès lors engrangées : sur le plan quantitatif, le bilan est indéniablement positif.
Reste que, de l’aveu du Conseil de la simplification pour les entreprises, dont je fais partie, 56 % seulement des mesures proposées et adoptées sont effectives. Il y a donc une marge de progression.
Je ne sais pas, monsieur Cadic, si l’on a une petite cuillère ou une grande louche, mais je puis témoigner qu’il faut une énergie titanesque pour obtenir qu’une proposition fasse l’objet d’une décision qui devienne effective. Je me souviens de ce qui s’est passé pour le forfait jours : l’appareil administratif a laissé passer le délai de neuf mois prévu pour l’ordonnance ! J’ai donc déposé un amendement au projet de loi Travail. Adopté dans les deux chambres, il prévoit la remise d’un rapport au Parlement. Il faudra donc demander des comptes au Gouvernement lors de la prochaine législature…
La loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a introduit des mesures notables, notamment le guichet unique de paiement des cotisations et contributions de protection sociale et le développement du rescrit. Quant au principe « silence vaut accord », son importance a déjà été soulignée.
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, comporte elle aussi de nombreuses mesures de simplification, notamment en ce qui concerne les relations interentreprises. Je pense en particulier à la mise en place de la facturation électronique et à la possibilité de prêts interentreprises. Je pense aussi à la réforme des conseils de prud’hommes, qui devait être entreprise depuis des années. Elle a accéléré les procédures et amélioré la visibilité des acteurs grâce au référentiel pour les dommages et intérêts.
Par ailleurs, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a regroupé les consultations annuelles du comité d’entreprise et les négociations obligatoires en entreprise.
Enfin, la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a instauré la dématérialisation, effective depuis le 1er janvier dernier, du bulletin de paie.
Permettez-moi d’insister sur le rôle de l’expérimentation, qui me paraît fondamental en matière de simplification. Je crois en effet que nous n’expérimentons pas assez.
Nous l’avons fait au niveau législatif, le Sénat ayant adopté, à l’unanimité, la proposition de loi dite Grandguillaume dont est issue la loi du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, qui institue un fonds d’expérimentation territoriale. Il s’agit, à l’échelle de microterritoires et au travers d’accords entre les collectivités territoriales, les maisons de l’emploi et, bien sûr, les entreprises, d’encourager l’embauche de chômeurs de longue durée.
D’autres initiatives législatives sont venues du Gouvernement. Ainsi, sur le fondement de la loi Macron, deux ordonnances ont été publiées qui offrent un cadre juridique clair et stable aux porteurs d’un projet de construction, afin de lever toute incertitude sur l’application d’une réglementation susceptible d’entraîner une augmentation des délais d’instruction, donc des coûts supplémentaires. Dans cette affaire, je puis vous assurer que le Conseil de la simplification pour les entreprises a joué un rôle majeur, et qu’il a fallu une énergie colossale pour obtenir que les ordonnances soient conformes à la volonté du législateur.
On est passé par l’expérimentation, quatre régions s’étant portées volontaires pour tester pendant trois ans le certificat de projet. Par ce certificat, délivré par le préfet du département dans un délai de deux mois, l’administration s’engage à identifier les règles applicables au projet d’entreprise et à respecter un délai d’instruction pour la délivrance des autorisations nécessaires.
Je pense également à l’initiative réunissant plusieurs ministères, dont le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, pour clarifier le bulletin de paie. Certes, on est passé de la simplification à la clarification, mais vous avez eu recours à l’expérimentation, dans dix entreprises volontaires. Un bilan a été établi, et la généralisation du dispositif sera normalement achevée au 1er janvier 2018. On en parlait, nous l’avons fait !
Par ailleurs, je tiens à insister aussi sur un autre dispositif, fruit de la volonté de l’actuel secrétaire d’État chargé de la simplification, qui n’est pas ici ce matin, car il est au Viêt Nam, ce qui me semble constituer une bonne raison, madame Lamure, et l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron : je veux parler du dispositif France Expérimentation.
Le cadre réglementaire défini à l’échelon national n’étant pas toujours adapté aux nouveaux projets des territoires, il faut donner de l’air à l’expérimentation locale en levant temporairement certaines barrières, pour permettre à de nouvelles idées, de nouveaux projets et de nouveaux services de voir le jour et d’être testés. Ces dérogations doivent ensuite être évaluées et, si leur bilan est positif, généralisées.
Je pense qu’il y a là un cycle vertueux qui devrait être emprunté de façon systématique : expérimentation, évaluation, législation, application, nouvelle évaluation.
Pour conclure, puisque mon temps de parole est épuisé, je veux souligner que, au-delà de la boîte à outils – une norme supprimée pour une norme créée et autres règles de ce type, qui toutes me conviennent –, il y a un problème de gouvernance de la simplification.
On peut imaginer de créer une autorité indépendante, mais nous, parlementaires, n’aimons guère cette méthode. Je vous rappelle que nous avons mené un travail approfondi sur l’« agenciarisation » de la politique de l’État. Ce n’est donc pas la voie que j’emprunterais, même si ce modèle peut être vertueux, comme le montre l’exemple de l’ACTAL aux Pays-Bas.
M. le président. Veuillez conclure, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il faudrait plutôt nommer un ministre de plein exercice disposant d’une administration spécifique. (Ça suffit ! sur les travées du groupe Les Républicains.) De fait, dans le système actuel, le ministre n’a pas sa propre administration ; il faut donc qu’il ait le poids nécessaire pour amener ses collègues à s’engager dans une démarche de simplification.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé depuis près de deux minutes, ma chère collègue !
Mme Nicole Bricq. Comme M. Cadic l’a dit, me semble-t-il, nous avons une réforme culturelle à mener et, comme vous le savez, ce sont souvent les plus difficiles, mais, si l’on a la volonté, la méthode…
M. le président. C’est fini, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. … et les moyens du suivi, c’est possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, tout d’abord, je me félicite que nous puissions débattre de ce sujet sur une base aussi sérieuse et étayée que le rapport de nos collègues Élisabeth Lamure et Olivier Cadic. Il s’agit en effet d’une véritable mine d’informations, d’un trésor de propositions, monsieur le secrétaire d'État…
Je m’étonne quelque peu de l’absence de notre ami Jean-Vincent Placé. J’ai cru comprendre qu’il serait en déplacement, alors que l’on débat d’un sujet qui est au cœur de ses attributions.
La France est dans le « top 10 » mondial des puissances économiques, mais pour combien de temps encore ? En effet, notre pays se situe dans le même temps dans le « top 30 » des pays dont le poids administratif est le plus élevé selon le classement du Forum économique mondial, cité dans le rapport.
Si je fais référence à ce type de classement, ce n’est pas par masochisme, mais parce qu’il détermine certaines décisions en matière de localisation de la production, et donc en matière de création d’emplois et de valeur ajoutée.
Les causes de ce mauvais classement sont connues et s’expliquent notamment par une instabilité réglementaire et l’insécurité juridique qui en découle, par des arbitrages gouvernementaux puis législatifs pris en l’absence d’études d’impact – il existe en effet un contournement possible de cette procédure via le dépôt d’amendements, qui permet d’échapper aux contraintes constitutionnelles – et, naturellement, par une surtransposition régulière des directives européennes, phénomène pour lequel il y aurait bien des exemples à donner, en matière agricole en particulier.
Si je le dis, ce n’est pas pour faire du poujadisme facile ! Certains pensent, détournant ainsi la citation de Sartre, que l’enfer, ce n’est pas les autres, mais les normes ! Je serai plus nuancé, parce que je distingue la bonne de la mauvaise norme. La norme n’est pas mauvaise en soi, mais ses modalités d’application sont parfois kafkaïennes.
De même, je ne ferai pas le procès de la multiplication des codes. Disposer d’un code est utile dans la mesure où cela permet de rassembler l’ensemble des règles applicables. Certains de nos voisins n’utilisent pas ce type de recueil, ce qui oblige à chercher les règles applicables dans diverses sources.
Comme le rappelle Philippe Lentschener dans son livre intitulé Marque France, livre que je vous recommande et qui reprend certaines des préconisations qui figuraient dans son rapport au Gouvernement, la norme peut aussi être un standard de qualité.
Notre histoire économique nationale est intimement liée à ce constat. Prenons un exemple concret : normer le point sellier Hermès revient à valider un savoir-faire. La France, c’est avant tout la patrie de l’amour des gestes et des savoir-faire. C’est ce qui caractérise notre roman économique national et ce qui fait que la « marque France » véhicule quelque chose de positif à l’international.
De la même façon, normer un processus en matière administrative revient à garantir et à fiabiliser une procédure. Je le répète, une norme n’est pas mauvaise en tant que telle ; ce sont les modalités de sa mise en œuvre qui méritent souvent d’être revisitées. Sur cette question, le rapport de la délégation propose à la fois une méthode et un contenu.
Une fois ce constat posé, reconnaissons que de nombreux créateurs, entrepreneurs, chefs d’entreprise de TPE, de PME et d’ETI dans nos territoires – cela doit être la même chose en Lorraine, monsieur le secrétaire d'État – sont lassés de devoir jongler avec ce qui ne constitue pas le cœur de leur métier.
Évidemment, une entreprise du CAC 40 dispose d’une armada de conseils et d’avocats pour amortir le choc de complexification. Ce n’est pas le cas en revanche des plus petites structures. Or c’est dans ces petites entreprises que résident des gisements d’emplois et de croissance considérables.
Dans un tel contexte, ce gouvernement qui « aime l’entreprise » a annoncé sortir l’artillerie lourde en 2013. On allait voir ce qu’on allait voir ! En réalité, avouons-le, on n’a pas vu grand-chose…
Certes, Guillaume Poitrinal et Laurent Grandguillaume ont plutôt fait du bon travail au sein du Conseil de la simplification pour les entreprises en procédant à un toilettage méthodique des normes et en avançant des propositions de bon sens, comme l’extension du titre emploi service pour les entreprises d’un à dix-neuf salariés.
Toutefois, « l’optimisme de la volonté » invoqué hier par Jean-Vincent Placé à l’Assemblée nationale dans sa réponse à une question sur la simplification ne suffit pas ! J’en veux pour preuve les témoignages que nous recevons ou les expériences que nous vivons au quotidien.
Mes chers collègues, pour ne pas être partial, je vais prendre le seul et unique commentaire posté sur le dernier article du site gouvernemental www.simplifier-entreprise.fr.
Qu’écrit M. Guérin, artisan en menuiserie dans le Morbihan ? « Je n’en peux plus des nouvelles complications administratives qui nous sont imposées sans explication et surtout sans interlocuteurs compétents et joignables !!! Tout semble fait pour que toutes ces tâches administratives et juridiques ne puissent être réalisées par notre secrétaire mais confiées à des logiciels coûteux ou à des cabinets comptables qui se créent des rentes et grèvent les budgets des TPME comme la mienne… Quelle énorme déception cette soi-disant SIMPLIFICATION ! »
Alors, en effet, mettons-nous à la place de M. Guérin !
Que vaut le principe selon lequel le « silence vaut acceptation » lorsqu’il faut continuer à se renseigner pour savoir si l’on entre dans l’une des 3 600 procédures éligibles ou au contraire dans l’une des 1 200 autres qui ne le sont pas ?
Que vaut la simplification face à l’impératif de mise en place du compte de prévention pénibilité ? Nous ne renions pas le concept de pénibilité, puisque nous en avons été à l’origine et l’avons inscrit dans le droit lors des réformes des retraites Woerth et Fillon. Simplement, les modalités retenues ne conviennent pas ! Parlez avec M. François Asselin de ce que cela représente dans la vie concrète d’une entreprise comme la sienne. Il est intarissable sur le sujet !
Que vaut enfin la simplification face à l’impératif de mise en place du prélèvement à la source, qui plus est lorsque l’on sait que la déclaration sociale nominative n’est pas totalement digérée ?
Alors que notre assemblée suspend aujourd’hui ses travaux en séance publique et que nous arrivons, en fait, au terme de la mandature 2012-2017, cela doit nous inciter à réfléchir aux voies et moyens pour parvenir à une réelle simplification, laquelle pourrait être débattue par le nouveau Parlement dès l’été prochain, et cela dans un esprit transpartisan, à l’image de la réforme budgétaire qu’avaient portée MM. Lambert et Migaud.
Le rapport le montre très bien, nos voisins britanniques et allemands ont réussi leur désinflation normative. C’est également à notre portée, mes chers collègues, mais il faut peut-être pour cela simplifier la simplification !
Le test PME constitue une très bonne idée, mais il existe d’autres mesures à mettre en œuvre prioritairement. Voilà quelques propositions simples.
Tout d’abord, il faudrait muscler les fonctions d’évaluation et de contrôle du Parlement. J’ai eu la chance de vivre dans la cabine de pilotage la révision constitutionnelle de 2008. À l’époque, j’ai vu de hauts responsables au Parlement refuser de se doter des moyens d’exercer un véritable pouvoir d’évaluation et de contrôle. Nous aurions pourtant vraiment besoin de ces moyens pour discuter sérieusement des études d’impact.
Ensuite, la simplification doit devenir une hygiène de vie, un réflexe à tous les étages de l’administration. Il y a des hauts fonctionnaires de défense et de sécurité. Nommer un fonctionnaire de simplification dans chaque ministère me paraîtrait sain et permettrait d’animer un réseau, non seulement au niveau de l’administration centrale, mais également au niveau des services déconcentrés. Les auteurs du rapport proposent d’ailleurs que les secrétaires généraux des préfectures puissent fournir des retours d’expérience sur les procédures mises en place et la meilleure façon de les simplifier. Le haut fonctionnaire de simplification pourrait typiquement remplir ce rôle.
Ces dix dernières années, un grand nombre de Premiers ministres ont rédigé des directives appelant à la simplification. Mais, en réalité, ces directives ne sont pas toujours suivies d’effet. Une volonté déterminée à la fois politique et administrative est donc nécessaire.
Parmi les autres pistes à creuser figure la possibilité de créer des normes à durée de vie limitée. En 2005, nous avions créé des commissions à durée de vie limitée afin de pouvoir nous réinterroger régulièrement, tous les cinq ans, sur leur utilité.
On peut également imaginer une nouvelle méthode de transposition des directives, comme la transposition immédiate et littérale de celles-ci dans une partie provisoire du code avant de procéder à leur transposition raisonnée et plus approfondie.
Monsieur le président, je vois que le temps s’écoule vite et j’en appelle donc à votre mansuétude et à l’application de la jurisprudence Bricq ! (Sourires.)
Pour terminer donc, j’évoquerai la nécessité d’une administration orientée « service client ». La dématérialisation entraîne beaucoup de gains de productivité. Les personnels pourraient donc être « recyclés » en front office pour délivrer des conseils et un accompagnement aux chefs d’entreprise, mais aussi aux citoyens et aux administrés, plutôt que de les cantonner à « surveiller et punir », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Michel Foucault.
Parvenir à ce résultat, cela veut dire que l’on garantit à chacun en France un droit à entreprendre aisément, faculté combinée à notre tradition nationale faite de savoir-faire et d’excellence. Si nous y arrivons, la France sera créatrice de valeur comme jamais auparavant, et la « marque France » rayonnera de nouveau !
La tâche est ambitieuse, la mission est ardue, mais passionnante. Relevons le défi tous ensemble : c’est le serment que nous pouvons prêter à l’aube de la prochaine législature ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le choc de simplification annoncé par le Président de la République en 2013 représente l’un des chantiers prioritaires de ce quinquennat. Il a pour vocation de relancer l’activité économique dans notre pays.
Cette simplification administrative est largement attendue par l’ensemble des acteurs économiques et, plus particulièrement, par les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises, si indispensables à nos territoires, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.
Or une étude menée par IPSOS et American Express en avril 2014 montre que 32 % des dirigeants de PME et de TPE ont comme premier souhait, loin devant tous les autres, d’être accompagnés dans la gestion des formalités administratives. Ces mêmes dirigeants estiment qu’il leur manque trois heures et dix-huit minutes en moyenne par jour pour accomplir leurs missions quotidiennes, dont près de la moitié concernent des tâches administratives !
La simplification est donc un véritable enjeu pour les PME et TPE, et, plus généralement, pour l’ensemble de l’activité économique française. On sait en effet que ces entreprises représentent 38 % du chiffre d'affaires global de notre pays, 49 % de la valeur ajoutée et 43 % de l'investissement.
Nous le savons, cet enjeu n’est pas franco-français. Il concerne l’ensemble de l’Union européenne, puisque la Commission européenne estime qu’une réduction de 25 % des charges administratives pesant sur les entreprises permettrait une augmentation de 0,8 % du produit intérieur brut européen à court terme et de 1,4 % à plus long terme.
Loin de vouloir vous assommer de chiffres, je voulais simplement que l’on prenne acte de la prise en compte par le Gouvernement des difficultés rencontrées par les PME et TPE, d’une part, et de l’importance de ces entreprises dans l’activité économique, d’autre part.
Parfois, il est utile de retirer les lunettes de l’idéologie et, quand les choses vont dans le bon sens, de s’en féliciter ensemble ! J’ai entendu le numéro deux du Conseil national de l’industrie déclarer qu’il y avait un début de choc de simplification. Quand les choses avancent dans le bon sens, disons-le : cela ne nous écorchera pas la bouche !
Sur la base de ces deux éléments indiscutables, je vais revenir sur trois exemples de mesures.
Premier exemple, la déclaration sociale nominative : elle fait économiser à elle seule 3,5 milliards d’euros par an aux entreprises. Cette déclaration unique et dématérialisée remplace vingt-quatre déclarations sociales : déclarations à l’URSSAF, attestations employeur destinées à Pôle emploi, attestations de salaire, etc.
Deuxième exemple, l’allégement des obligations comptables, qui s’adresse directement aux très petites entreprises. Plus de 3,7 millions de microentreprises sont concernées par la suppression de l’annexe aux comptes annuels. De même, le Gouvernement a décidé la généralisation des états financiers simplifiés pour 170 000 entreprises. Il existe désormais une garantie « zéro charge nouvelle » pour les enquêtes statistiques, mesure prise à la demande du Conseil de la simplification pour les entreprises en 2014.
Troisième exemple, le titre emploi service, qui lève les freins à l’embauche en réduisant à la fois les charges administratives et le coût pour les entreprises. Ce dispositif fait l’objet d’un premier élargissement, afin de couvrir les cotisations des entreprises employant entre un et dix-neuf salariés.
Je me permets d’insister aussi sur le dispositif des marchés publics simplifiés, expérimentés depuis le mois d’avril 2014 dans le cadre du programme « dites-le-nous une fois », ayant rédigé, dans le cadre de la mission commune d’information présidée par Philippe Bonnecarrère, le rapport Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME.
Grâce à ce dispositif, les entreprises peuvent se porter candidates à un marché public en ne transmettant que leur numéro SIRET. Ainsi, le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 prévoit que « les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignements que le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement par le biais d'un système électronique de mise à disposition d'informations ».
Toutes ces mesures cumulées nous autorisent à dire que les choses vont dans le bon sens !
On estime que les marchés publics simplifiés font gagner aux entreprises candidates deux heures en moyenne par marché et permettent de dégager une économie de 5 millions d’euros par an. Depuis le lancement du dispositif, 15 000 marchés publics simplifiés ont été publiés et 55 000 candidatures simplifiées enregistrées. Cela représente 15 000 acheteurs publics impliqués dans le développement de la simplification de l’accès des PME et TPE à la commande publique. La procédure simplifiée entraîne sans conteste un gain de temps et d’argent pour les PME et TPE.
Il est également à noter que l’augmentation du seuil en dessous duquel les entreprises sont mises en concurrence est de 25 000 euros. La mission commune d’information proposait que ce seuil soit porté à 40 000 euros. Je faisais le point sur ce qui se passe dans l’ensemble de l’Union européenne : le seuil pour les marchés simplifiés se situe en moyenne à hauteur de 60 000 euros…
Pour progresser, il faut éviter toute surtransposition des directives européennes. Cette recommandation a été respectée en matière de marchés publics.
J’ajoute que nous ne devons pas perdre de vue que les délais de paiement, véritable cancer pour nos entreprises, doivent également être optimisés. Monsieur le secrétaire d'État, je sais que Bercy et la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ont pris des mesures très dures à l’égard de certains donneurs d’ordres. (M. le secrétaire d'État opine.) Il s’agit en effet de 13 milliards d’euros par an qui ne vont pas aux PME.
Nous pourrions enfin aborder le rôle des banques ou celui de la fiscalité. Sur ce dernier sujet, les chefs de PME et de TPE que nous avons rencontrés ont été nombreux à nous dire que le CICE constituait une importante avancée.
Surtout, si nous voulons garder nos entreprises, nous devons créer des écosystèmes productifs, qui permettent aux donneurs d’ordres et aux petites et moyennes entreprises de travailler ensemble, et à la France d’avoir un socle industriel robuste, afin qu’elle puisse rester parmi les pays dont l’économie est suffisamment solide pour faire face à la mondialisation qui nous est imposée.
Sur ces questions, reconnaissons-le entre nous, mes chers collègues, les choses avancent : même s’il y a encore beaucoup à faire, le Gouvernement les a prises en main ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, madame la présidente de la délégation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai trois remarques préliminaires.
Première remarque, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Vincent Placé, qui est en effet en route pour le Viêt Nam et qui ne peut donc être parmi nous ce matin, ce qu’il regrette profondément. Ne voyez donc dans son absence aucune frilosité de sa part.
Deuxième remarque, je voudrais rebondir sur ce que vient de dire Martial Bourquin. On peut toujours répéter qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Bien sûr, mais le nombre d’items cités ce matin montre bien que de nombreux progrès ont été accomplis. Valorisons ce qui a été fait sans perdre de vue, bien entendu, le chemin qu’il reste à parcourir !
Je n’aurai pas le temps de développer tous les sujets, mais je voudrais rappeler quelques-unes des mesures prises, dans mon domaine d’activité en particulier : la facturation électronique, la dématérialisation, le télépaiement, la DSN, le programme « dites-le-nous une fois », le principe « silence vaut acceptation », l’uniformisation d’un certain nombre de déclarations fiscales, avec le CESU, le chèque emploi service universel, par exemple…
Il faut le reconnaître, ces dernières années, et je le dis sans aucun esprit polémique, nous avons accompli de grandes avancées en matière de simplification.
Notre débat est centré sur les entreprises. Ma troisième remarque consistera cependant à dire que les économies faites par les entreprises grâce à la simplification s’accompagnent la plupart du temps d’économies pour nos administrations. La mise en œuvre de procédures dématérialisées est profitable pour l’entreprise, mais aussi pour l’administration ! Les économies liées à la simplification sont faites dans l’intérêt commun.
Comme l’a indiqué M. Watrin, la simplification va également bien souvent dans le sens de l’intérêt des salariés, pour parler de l’entreprise, et dans celui de nos concitoyens, pour parler plus généralement.
La mise en place des déclarations d’impôt en ligne, plus aisées et conviviales – mot qui peut faire sourire, s’agissant d’impôts, et je le prononce d’ailleurs toujours en souriant –, constitue un gain de temps pour nos administrations comme pour nos concitoyens. Qui n’a pas passé un après-midi à rechercher les justificatifs nécessaires pour remplir sa déclaration d’impôt ? Aujourd'hui, les choses sont tout de même beaucoup plus simples avec les déclarations préremplies !
Mon collègue Jean-Vincent Placé a souvent eu l’occasion d’échanger avec votre délégation aux entreprises. Votre intérêt renouvelé pour la simplification en faveur des entreprises témoigne d’un enracinement de la politique de simplification dans les mœurs administratives et politiques. C’était d’ailleurs le vœu formé par le Président de la République lors du lancement du choc de simplification, voilà maintenant près de quatre ans.
Le Gouvernement a toujours conçu la simplification comme un mouvement permanent en faveur de la compétitivité de notre pays. La simplification n’est pas un élément accessoire des politiques publiques. Bien au contraire, il s’agit d’une politique structurelle qui stimule l’activité économique, en rendant les procédures plus rapides et plus aisées, sans diminuer les protections ou les droits essentiels des entreprises, des salariés ou des particuliers.
À la différence de ce que certains souhaiteraient, simplifier n’est pas déréguler ou porter atteinte à la santé et à la sécurité de nos concitoyens, ou encore à l’environnement. Simplifier, dans un environnement international toujours plus compétitif, c’est s’attacher à démêler les nœuds complexes qui entravent souvent les entreprises, notamment les plus petites.
Le Gouvernement n’a jamais entendu conduire cette politique de simplification seul, sans concertation avec les acteurs économiques. Appuyé par le Conseil de la simplification pour les entreprises, il a fait reposer les réformes sur deux axes simples et originaux.
Le premier axe est le recours à une méthode collaborative permanente : la création du Conseil de simplification pour les entreprises en janvier 2014 a associé chefs d’entreprise, élus, experts et hauts fonctionnaires. Elle a permis d’engager un travail réaliste, pragmatique, concret, de nature à simplifier la vie des entrepreneurs.
Le second axe se caractérise par la présentation d’un plan d’action qui s’accompagne toujours d’un calendrier. Chaque mesure fait l’objet d’un suivi depuis son annonce jusqu’à sa mise en œuvre, ce qui garantit l’efficacité de notre démarche et évite de voir une bonne idée s’évanouir dans la nature, même si l’on peut toujours relever, ici ou là, telle ou telle insuffisance.
Notre méthode se caractérise également par l’attention accordée à la transparence : la mise en œuvre de l’ensemble des mesures proposées dans le cadre de la simplification fait donc systématiquement, je l’ai dit, l’objet d’un suivi.
Elle se caractérise enfin par un chiffrage solide et étayé des effets de la réforme : l’étude du cabinet d’audit EY commandée à l’automne 2016 par le Conseil de la simplification pour les entreprises estime à plus de 5 milliards d’euros le gain net réalisé par les entreprises grâce à notre programme de simplification.
Sur ces 5 milliards d’euros, 3,5 milliards d’euros sont dus à la mise en place de la déclaration sociale nominative, mesure qui m’est particulièrement chère, et dont j’ai coutume de dire qu’elle représente une véritable révolution.
Puisque certains ont parlé du prélèvement à la source, je précise que la DSN est un facteur essentiel dans la réussite de la mise en œuvre de cette mesure. D’ailleurs, je le dis régulièrement, la DSN n’est ni de gauche ni de droite ! Elle a été mise en place bien avant l’arrivée du gouvernement actuel et sera maintenue au-delà des échéances électorales à venir, quelle que soit la majorité qui sortira des urnes. La DSN, qui remplace foultitude de déclarations manuelles, constitue un véritable progrès.
Certes, comme certains l’ont souligné, son déploiement n’est pas encore achevé. Toutefois, nous nous trouvons dans la phase 3. J’aurai l’occasion de communiquer sur le sujet dans les prochains jours.
Aujourd'hui, plus de 1,3 million d’entreprises, évidemment les plus grandes, qui emploient une part déjà considérable des salariés, bénéficient d’ores et déjà de la DSN, laquelle, je le rappelle, relie toutes les entreprises à l’ensemble des organismes de collecte des cotisations, et bientôt de collecte d’impôts grâce au prélèvement à la source. Il s’agit donc bien d’une « révolution » !
Je le répète, cette mesure a représenté une économie de 3,5 milliards d’euros. Je reviens sur le chiffrage : il a été réalisé par un cabinet totalement indépendant du Gouvernement, et ce à la demande non pas du Gouvernement, mais du Conseil de la simplification pour les entreprises. De plus, il a été conduit selon la méthode du Standard Cost Model, reconnue par l’OCDE, utilisée par nos partenaires européens et d’ailleurs citée dans le rapport de votre délégation.
Vous vous interrogez également, à juste titre, sur le flux des nouvelles mesures. La propension à créer de nouvelles normes, dont certaines sont parfois nécessaires, par voie d’amendement, me semble assez largement partagée, y compris par les parlementaires.
Il serait vain de s’attaquer au stock sans œuvrer à la réduction du flux : c’est probablement le volet le plus difficile de l’action de simplification, tant la tentation est grande de réguler ou de modifier la réglementation, pour les administrations comme pour les politiques.
Comme vous le savez, j’ai plus particulièrement suivi les lois de finances, comme député, en particulier comme rapporteur général, puis comme secrétaire d'État, depuis près de cinq ans. J’ai pu mesurer combien la tentation était grande d’apporter un soutien à des secteurs donnés par le biais de la fiscalité et de nouveaux dispositifs qui conduisent, la plupart du temps, à davantage de complexité… Le Gouvernement n’est pas le dernier responsable de cette situation, mais, reconnaissons-le, les parlementaires y contribuent également largement.
Pour remédier à cette tendance générale, nous avons mis en place un « atelier impact entreprises », qui se saisit en amont des projets de loi et de décret. Cet atelier a déjà permis des avancées significatives. Je pense notamment à la réglementation en matière d’enquête publique ou de performance énergétique. Cette méthode mérite à l’évidence d’être renforcée.
Notre méthode de simplification a donné des résultats concrets : plus de 460 mesures pour les entreprises ont déjà été annoncées depuis le début du choc de simplification, outre les mesures prises à destination des particuliers et des collectivités. C’est considérable. Certaines de ces mesures sont législatives, d’autres réglementaires, d’autres enfin découlent de simples évolutions des processus de gestion. Toutes ont été élaborées en concertation totale avec les acteurs concernés. Les énumérer de façon exhaustive se révélerait particulièrement fastidieux. Je me bornerai à citer quelques exemples.
En ce qui concerne l’innovation, nous avons clarifié les règles en matière de propriété intellectuelle, à travers un guide de bonnes pratiques. J’évoquerai également la simplification du droit des marchés publics, la charte de non-rétroactivité fiscale, que nous avons signée en 2014 avec Michel Sapin et qui est respectée, la création et le développement de nouveaux rescrits, comme le rescrit de branche, le titre emploi service entreprise, la simplification des règles de qualification professionnelle, la déclaration sociale nominative ou encore la simplification de l’emploi des apprentis en matière de travaux dangereux.
Je ne résiste pas à l’envie de vous rappeler quelques exemples de ce que nous avons fait en matière fiscale et douanière pour les entreprises.
Je pense tout d’abord à l’instauration du « moment déclaratif unique », qui permet un alignement sur la déclaration d’impôt sur les sociétés, au début du mois de mai, pour la taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette réforme, qui était réclamée par les experts-comptables, est en œuvre.
Par ailleurs, il sera procédé, dès l’an prochain, à la centralisation de la déclaration et du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, impôt dont la gestion était jusqu’à présent difficile pour les entreprises comptant beaucoup de grandes surfaces. Cela fait 400 imprimés en moins !
Je mentionnerai également la fin des déclarations spécifiques d’une dizaine de crédits d’impôt, dont le CICE, reportées vers les déclarations principales.
Pour le CICE, les entreprises remplissent désormais leur déclaration de résultat, sans autre formalité. Elles peuvent, dès le 1er janvier, télédéclarer leur impôt sur les sociétés, ce qui implique qu’elles peuvent, dès cette date, demander leur CICE, au lieu d’attendre le mois de mai. Cela leur est favorable en termes de trésorerie.
En outre, nous avons étendu le télérèglement à la matière douanière, notamment pour les impôts qu’elle recouvre, comme la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, la TSVR, anciennement dénommée « taxe à l’essieu ».
Enfin, pour les entreprises important et exportant des biens, nous avons facilité les régimes dits de suspension de droits et de taxes, en supprimant toutes les formalités et cautions inutiles.
J’arrête là cette énumération, pour mieux me concentrer sur un chantier emblématique auquel votre assemblée ne manquera pas d’accorder une attention toute particulière : la prise en compte des petites entreprises dans la politique de simplification.
C’est un enjeu essentiel, car les PME sont le poumon économique de la France et représentent un ensemble de talents remarquables que nous devons protéger, valoriser et développer. Or les PME sont souvent aussi – vous ne me démentirez pas sur ce point – les plus exposées à la complexité.
C’est pour cette raison que nos actions en faveur des petites entreprises se sont concentrées, en priorité, selon trois axes.
En premier lieu, nous nous attachons à alléger les obligations sociales et comptables de tous ordres qui pèsent sur elles. À titre d’exemple, depuis avril 2014, les très petites entreprises n’ont plus à établir l’annexe aux comptes annuels. Cette mesure concerne un million de microentreprises, de moins de dix salariés. En outre, les petites entreprises de moins de cinquante salariés ont la possibilité d’établir des états simplifiés. On estime l’économie engendrée pour les entreprises concernées à 1,1 million d’heures de travail. Je pourrais également évoquer la réduction des enquêtes statistiques pour les petites entreprises, à laquelle nous avons travaillé avec l’INSEE.
En deuxième lieu, au-delà de ces allégements importants de procédures, le Gouvernement a œuvré à garantir une meilleure sécurité juridique, via le développement du rescrit, par exemple. De la même manière, nous avons demandé à la Direction de la législation fiscale qu’elle publie ses circulaires fiscales à périodicité fixe, le premier mercredi de chaque mois, et ce afin d’éviter aux TPE et aux PME de se livrer à une veille juridique fastidieuse et coûteuse pour être informées des dernières évolutions de la réglementation.
En troisième lieu, outre les mesures sectorielles que nous promouvons, un axe important de notre action en faveur des petites entreprises consiste en la facilitation des formalités d’embauche. Ainsi, nous avons pris des mesures « apprentis » permettant de lever les freins à l’embauche rencontrés par les apprentis mineurs, qui ne pouvaient être facilement recrutés pour des travaux en hauteur ou sur des machines dangereuses. Je citerai également le simulateur des coûts d’embauche. Cet outil numérique innovant développé par notre administration, malheureusement méconnu, permet en quelques « clics » de connaître le coût total d’un salarié, qu’il s’agisse d’un salarié en contrat à durée indéterminée ou d’un apprenti.
Les mesures que je viens d’évoquer n’épuisent bien entendu pas le champ de la politique de simplification. En collaboration avec les acteurs économiques, nous continuons de travailler sur des dispositions en faveur des petites entreprises, particulièrement dans le domaine de l’innovation, à travers le dispositif France Expérimentation, dont les lauréats seront présentés le mois prochain.
Simplifier, sécuriser, faciliter : tels sont les trois mots d’ordre de l’action du Gouvernement s’agissant des entreprises. L’exercice est souvent difficile, mais nous demeurons convaincus de son efficacité pour développer notre tissu productif, assurer le rayonnement international de nos entreprises et renforcer l’attractivité de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises.
3
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 23 février 2017, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Cette séance de questions au Gouvernement est la dernière avant la suspension de nos travaux en séance plénière.
Avant de la commencer, je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs pour leur présence en nombre à nos séances de questions, durant lesquelles nous avons toujours veillé au respect mutuel.
Je tiens également à remercier le Premier ministre, actuellement en déplacement en Chine, vous-même, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, et l’ensemble des ministres, ainsi que les membres des cabinets ministériels, en particulier les conseillers parlementaires, grâce auxquels le dialogue républicain entre l’exécutif et la Haute Assemblée a pu se nouer de manière positive et fructueuse.
Les travaux en séance plénière seront suspendus à l’issue de l’après-midi. Pour autant, le Sénat continuera à travailler au sein des groupes, des commissions permanentes, des délégations, des commissions d’enquête, des missions d’information, des groupes de travail ou d’études, sans oublier les débats préalables aux réunions du Conseil européen. Nous nous retrouverons au début du mois de juillet dans la même composition – ce ne sera pas le cas pour tout le monde… (Exclamations amusées.)
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
prise en charge des victimes de la pollution
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Leila Aïchi. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Madame la ministre, la multiplication récente des pics de pollution sur l’ensemble du territoire français et la création prochaine de l’Association nationale des victimes de la pollution de l’air, qui, pour la première fois, permettra de faire valoir les droits des victimes, me conduisent à vous interroger, encore une fois, sur l’action du Gouvernement en matière de lutte contre la pollution de l’air, cette dernière demeurant la première préoccupation environnementale et sanitaire des Français.
Alors que la France est de nouveau sous la menace de poursuites judiciaires devant les instances européennes pour son inaction dans ce domaine, alors que le rapport de la commission d’enquête du Sénat a estimé, a minima, le coût annuel de la pollution de l’air à 101,3 milliards d’euros, il m’apparaît essentiel d’évoquer la souffrance humaine, qui doit être au cœur de nos préoccupations.
La pollution de l’air affecte directement et quotidiennement tous les Français : elle cause chaque année en France 50 000 morts prématurées, des centaines de milliers d’hospitalisations, 4 millions de cas d’asthme traités, 950 000 cas de bronchite aiguë, des accidents vasculaires cérébraux, des accidents cardiovasculaires, des conséquences neurologiques, et j’en passe…
Devant ce fléau et le vide juridique qui l’entoure, il est grand temps que l’État prenne enfin ses responsabilités. En effet, force est de constater que rien n’est fait, aujourd'hui, pour venir en aide aux victimes. Madame la ministre, cette injustice sanitaire est souvent aussi une injustice sociale.
Ma question est simple : à défaut de sanctionner les pollueurs, l’État va-t-il enfin reconnaître et prendre en charge les victimes de la pollution de l’air en France ? Quid, par ailleurs, du secrétariat général à l’aide aux victimes créé la semaine dernière ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Madame la sénatrice, ce problème de la pollution de l’air est pris à bras-le-corps, non seulement par le Gouvernement, mais aussi par la représentation nationale.
M. François Grosdidier. On l’a vu avec l’écotaxe !
Mme Ségolène Royal, ministre. Ainsi, le Sénat a voté, comme l’Assemblée nationale, les dispositions proposées par le Gouvernement en la matière. Je pense notamment au titre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacré aux transports propres.
Je suis heureuse de pouvoir vous annoncer que 5 millions d’automobilistes ont déjà équipé leur voiture de la nouvelle vignette Crit’air. Ce dispositif permet de réduire les pics de pollution, et donc les atteintes à la santé.
Nous avons également ouvert le chantier du rapprochement entre la fiscalité du diesel et celle de l’essence. Concernant les pollutions d’origine agricole, le vote de l’interdiction des néonicotinoïdes constitue une avancée très importante pour la santé publique. (M. Joël Labbé applaudit.)
Par ailleurs, de très nombreux contrôles sont opérés en vue de lutter contre les pollutions chimiques et les pollutions d’origine industrielle.
En cette dernière séance de la législature, je voudrais remercier le Sénat de la qualité des travaux que nous avons accomplis ensemble. Ils ont débouché sur l’adoption des trois grands monuments législatifs (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) que sont la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – la création de l’Agence française pour la biodiversité a été votée par votre assemblée à l’unanimité, au-delà des clivages politiques – et la loi du 15 juin 2016 autorisant la ratification de l’accord de Paris.
Je suis convaincue que ces avancées sont irréversibles, car elles résultent de votes émanant de toutes vos travées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme je m’y étais engagée devant le Sénat, tous les textes d’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont été pris.
Je tenais à vous remercier de votre action, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle conforte l’excellence environnementale de la France et sa place sur la scène internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.
Mme Leila Aïchi. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nous ne voudrions pas que l’histoire se répète et que l’on attende cinquante ans comme pour l’amiante, trente ans comme pour l’hormone de croissance, vingt ans comme pour les victimes des essais nucléaires ! Il y a déjà eu bien trop de scandales sanitaires, de souffrances humaines, d’années perdues !
Les victimes de la pollution de l’air comptent sur vous, madame la ministre : courage ! N’attendons plus, soyons en marche ! (Rires sur les travées du groupe écologiste, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. À titre tout à fait exceptionnel, je profite de cette occasion pour saluer la présence dans notre tribune d’une délégation du Parlement moldave, accompagnée par notre collègue Josette Durrieu, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie. Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)
6
Questions d'actualité au Gouvernement (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
situation de la cristallerie d’arques
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Watrin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie.
Arc International est le premier groupe verrier du monde. C’est aussi la plus grosse entreprise industrielle du Pas-de-Calais, qui emploie encore plus de 5 000 salariés.
L’entreprise a failli disparaître en décembre 2015. Il a fallu une intervention forte de l’État et beaucoup de courage aux salariés pour permettre sa reprise par le groupe américain PHP. Les banques françaises ont dû effacer l’essentiel du passif et l’établissement public foncier a amené des liquidités à l’entreprise.
L’exercice 2016 a redonné espoir aux salariés : finis les plans de départs volontaires, la menace de licenciements massifs ! L’entreprise s’est réorganisée, elle a retrouvé son dynamisme. Elle s’est d’ailleurs lancée dans une politique d’investissements massifs, financés par le recours à un consortium alliant un fonds souverain russe et la Caisse des dépôts et consignations, qui se sont engagés à apporter à Arc International 250 millions d’euros, dont 100 millions d’euros pour le site du Pas-de-Calais.
Le ministre de l’économie de l’époque, M. Macron (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), s’était rendu en personne sur le site, ainsi que le président Hollande, et s’était félicité de cette intervention.
Mais, depuis, rien ne semble se passer comme prévu. Aujourd’hui, l’entreprise est dans une mauvaise passe. Le fonds souverain russe semble réticent à débloquer la deuxième tranche de 50 millions d’euros, le propriétaire américain ne semble pas décidé à remettre la main à la poche, et c’est l’avenir du groupe qui est de nouveau menacé.
Comment en est-on venu à livrer les destinées d’un fleuron de l’industrie française à un fonds d’investissement américain, puis à un fonds souverain russe ? Pourquoi n’a-t-on pas fait entrer au capital de l’entreprise Bpifrance, en 2015, puis la Caisse des dépôts et consignations, en 2016, afin de s’assurer de la bonne conduite des affaires ?
L’entreprise a un besoin urgent de liquidités pour éviter toute mauvaise surprise s’agissant du paiement des salaires et des fournisseurs, et il faudrait investir.
Monsieur le secrétaire d’État, quels moyens l’État entend-il mettre en œuvre pour assurer la pérennité et le développement d’Arc International ? Quel rôle le Comité interministériel de restructuration industrielle peut-il jouer pour aider le groupe à obtenir l’appui de la Banque européenne d’investissement ? Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État, à répondre à ces questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie.
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les difficultés rencontrées par cette belle entreprise, fleuron de notre industrie, active notamment dans le secteur des arts de la table. Vous avez aussi rappelé la mobilisation de l’État pour lui venir en aide, en 2015, alors qu’elle se trouvait dans une situation extrêmement délicate.
Cette mobilisation a permis de trouver des investisseurs. Des opérations de modernisation ont été engagées avec leur appui. Comme j’ai pu le constater lors du récent déplacement sur le site du Président de la République, cela a débouché sur certaines réussites. Je pense en particulier au contrat signé avec le groupe Ikea, qui offre des perspectives extrêmement intéressantes.
Cela étant, comme vous l’avez signalé, la situation financière du groupe est aujourd'hui préoccupante. Le cabinet du ministre de l’économie et des finances et le mien sont en contact avec les responsables de l’entreprise. Nous avons très récemment rencontré la direction du groupe, puis les partenaires sociaux, afin de faire le point sur la situation financière, mais aussi sur le projet industriel et, bien évidemment, sur l’environnement social. Des propositions d’accompagnement par les services du ministère de l’économie et des finances sur ces différents volets ont été présentées, et nous avons été informés, la semaine dernière, de la nomination d’un nouveau directeur général d’Arc France, M. Tristan Borne, qui devrait prendre ses fonctions le 3 avril prochain.
Nous avons demandé à le rencontrer sans délai, de sorte que nous puissions lui signifier la vigilance extrême de l’État, ainsi que notre disponibilité pour travailler avec lui et les différents acteurs locaux à des solutions pérennes, susceptibles de permettre la poursuite de la modernisation de l’outil de production, tout en tenant compte de la difficulté de la situation financière.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer de notre vigilance et du soutien des pouvoirs publics à ce secteur industriel extrêmement important. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachel Mazuir. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, en cette année électorale, je souhaite appeler votre attention sur les risques liés aux cyberattaques.
Nombre de nos concitoyens ont découvert ce phénomène quand des cyberattaques ont frappé les États-Unis lors de la dernière campagne présidentielle : les systèmes électoraux de plusieurs États ont été victimes de piratage et d’intrusions, tout comme la messagerie électronique du directeur de campagne de la candidate du parti démocrate ; certains réseaux sociaux ont été manipulés via la technique des fake news, ces fausses informations qui circulent sur la Toile et sont relayées indéfiniment par des internautes virtuels.
Nous savons tous quelle a été la réponse du président Obama : trente-cinq diplomates russes ont été expulsés, sans d’ailleurs que cela suscite une forte réaction du Kremlin. En revanche, on sait moins qu’a été mis en œuvre, en amont, un guide de protection contre les méthodes opératoires des hackers, destiné aux entreprises publiques et privées des États-Unis ; c’est pourtant la mesure la plus importante.
En France, le premier acte de cybersabotage fut celui dirigé contre TV5 Monde en avril 2015. Le directeur de l’Agence nationale de sécurité des services informatiques, l’ANSSI, nous a indiqué, lors de son audition par la commission des affaires étrangères et de la défense, que « la question de l’attribution des attaques est le grand problème du cyber ». On a souvent une idée de qui se cache derrière ces attaques, mais on ne peut rien prouver devant le juge, d’où l’impérieuse nécessité de se protéger.
Aujourd’hui, certains candidats à l’élection présidentielle – je ne suis d’ailleurs pas sûr de devoir employer le pluriel (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) – se disent victimes d’intrusions dans leurs systèmes informatiques.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous rassurer, ou mieux encore nous garantir que tout sera mis en œuvre pour que les prochaines échéances électorales se déroulent dans les meilleures conditions de transparence et de régularité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe écologiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la sécurisation de l’élection présidentielle, organisée, je le rappelle, sous le contrôle du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 58 de la Constitution, peut faire l’objet de plusieurs mesures selon le type de risques encourus.
Tout d’abord, la sécurité physique des bureaux de vote sera assurée par une déclinaison spécifique du plan Vigipirate. Ce point revêt une importance particulière dans la période que nous traversons.
Ensuite, la sécurité du système d’information pour les élections fait actuellement l’objet d’un audit complet mené par l’ANSSI. Cela permettra d’identifier les risques éventuels pour notre système électoral ; selon les éléments dont nous disposons, ils sont faibles.
Vous avez eu raison de souligner, monsieur le sénateur, que le risque principal touche aujourd’hui aux atteintes à la e-réputation, à la contamination par des fake news des sites des partis politiques, des collectivités locales ou de l’État, bref des sites qui diffusent des informations sur le processus électoral. On voit bien à quelle vitesse se répandent aujourd’hui de telles fausses informations.
Bien entendu, l’ANSSI a indiqué à chacun des partis politiques et des candidats qu’elle se tenait à leur disposition pour établir un audit de sécurité et mettre à niveau la protection de leurs outils informatiques et internet contre les cyberattaques.
Je voudrais aussi vous assurer de la vigilance totale de nos services de renseignement : il y va de la souveraineté de la France et de sa capacité à organiser le débat démocratique en toute transparence et en toute sécurité en matière d’information de nos concitoyens. Nos services de renseignement, qui ne manquent pas de travail en cette période, sont néanmoins pleinement mobilisés sur cette mission de sécurisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
rassemblement sur le site de bure
M. le président. La parole est à M. Christian Namy, pour le groupe de l’UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Christian Namy. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
La loi du 30 décembre 1991 ou loi Bataille a fixé les grandes orientations de recherche en matière de gestion des déchets radioactifs issus du retraitement du combustible nucléaire.
Le stockage en couche géologique profonde est l’axe retenu, et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs en a la responsabilité. Depuis maintenant seize ans, l’ANDRA exploite un laboratoire souterrain, implanté en Meuse et en Haute-Marne, à 490 mètres de profondeur. Les recherches démontrent la faisabilité du projet.
En 2006, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et après un débat public, le Parlement a entériné le choix du stockage en couche géologique profonde. En 2013, un deuxième débat public a eu lieu. Ses conclusions ont alimenté les dispositions de la loi du 25 juillet 2016 relatives aux modalités de création de CIGEO et à la réversibilité.
En janvier 2016, la ministre de l’environnement a arrêté le coût objectif du projet à 25 milliards d’euros. Par ailleurs, le stockage en couche géologique profonde constitue une référence internationale scientifiquement reconnue au bénéfice de l’industrie française.
Un projet aussi complexe peut toutefois légitimement susciter des interrogations et des inquiétudes. Des oppositions démocratiques s’expriment et enrichissent le débat. Cependant, l’ANDRA se voit confrontée depuis plusieurs mois à des manifestants d’une agressivité de plus en plus radicale. Ils usent de moyens illégaux en occupant des propriétés privées et en dégradant des installations publiques. Le week-end dernier, des affrontements extrêmement violents ont eu lieu, marqués par des jets de pierres et de produits incendiaires sur les forces de l’ordre. Je voudrais d’ailleurs souligner la maîtrise de la situation par la gendarmerie, sous la responsabilité de Mme la préfète de la Meuse.
Monsieur le ministre, il me semble indispensable que vous confirmiez le soutien de l’État, nécessaire au déroulement normal de ce projet, et que vous rassuriez les populations locales, qui subissent les troubles suscités par ces casseurs, en prenant toutes les mesures nécessaires au maintien de l’ordre et en déférant devant la justice les auteurs de ces troubles. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je ne reviendrai pas sur la genèse du projet, que vous avez rappelée.
Un certain nombre d’individus appartenant à la mouvance écologiste radicale contestent ce projet par la violence et souhaitent installer sur place ce qu’ils appellent une « zone à défendre », ou ZAD. L’État a engagé une procédure judiciaire visant l’occupation illégale du site.
La violence des opposants, vous avez eu raison de le rappeler, s’est particulièrement manifestée la semaine dernière. En effet, du mardi 14 au dimanche 19 février 2017, la mouvance antinucléaire d’opposition au projet CIGEO a conduit une semaine d’action pour soutenir les occupants du bois Lejuc. Ainsi, une cinquantaine d’individus masqués ont commis d’importantes dégradations sur la clôture du bâtiment « écothèque » de Bure.
En outre, les violences commises lors de la manifestation du 18 février 2017, qui a réuni 500 participants, ont atteint un degré tel que près de 400 grenades lacrymogènes ont dû être employées. À cet égard, je tiens comme vous à rendre hommage aux forces de sécurité, qui ont accompli un travail très fin et remarquable pour endiguer ce mouvement. Un gendarme mobile a été blessé et deux personnes ont été placées en garde à vue pour participation sans arme à un attroupement après sommations de se disperser.
Je veux rassurer la population locale comme je m’y suis déjà employé hier, à l’Assemblée nationale, en répondant aux députés Bertrand Pancher et Jean-Louis Dumont. Ces violences sont inacceptables, je les condamne avec la plus grande fermeté.
Sur ce qui me semble être le fond de votre question, monsieur le sénateur, ma réponse est très claire : il n’y a pas et il n’y aura pas de ZAD au bois Lejuc, car l’autorité de l’État et les lois de la République y seront respectées. (Marques d’approbation et applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je vous en donne l’assurance, je ferai appliquer chacune des décisions de justice qui interviendront dans les procédures en cours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
politique extérieure de la france
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s'adresse au Gouvernement. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce quinquennat s’achève dans une situation internationale très préoccupante, à la fois complexe, confuse et dangereuse en termes d’équilibre international, mais aussi de sécurité et de défense.
En matière de sécurité et de défense, des progrès ont été accomplis ces dernières années dans notre pays. Je pense à l’inflexion des moyens, à la qualité des opérations extérieures, à un certain nombre d’actions essentielles, à l’instar du renforcement des services de renseignement, qui vient d’être évoqué. Mais mesurons bien la situation dans laquelle se trouve notre défense aujourd’hui : nous sommes au bord de la rupture, confrontés à des impasses et à des défis très lourds. Il faudra trouver plus de un milliard d’euros pour payer les soldats engagés dans l’opération Sentinelle ; bientôt, il nous faudra financer l’actualisation de la dissuasion nucléaire ; il nous faudra aussi, naturellement, mettre le matériel nécessaire à disposition de nos forces de l’ordre.
En matière de politique étrangère, dans un monde profondément troublé, où les conflits se multiplient, la France semble impuissante. On l’a vu par exemple à propos de l’Ukraine, après l’initiative du « format Normandie ». La situation au Levant est inextricable. Nous sommes partis la fleur au fusil contre Daech et contre Bachar el-Assad, et, aujourd’hui, nous ne sommes même pas présents à la table des négociations, au contraire de Bachar el-Assad… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Tout se passe comme si nous avions trop suivi les États-Unis et ainsi perdu de vue nos priorités. À force de faire la guerre, nous oublions l’essentiel, à savoir la situation aux frontières méditerranéennes et au Maghreb. Que faisons-nous aujourd’hui pour aider ce pays frère qu’est la Tunisie ? Que faisons-nous pour promouvoir la solidarité internationale ? Si la situation devient explosive de l’autre côté de la Méditerranée, cela aura de graves conséquences chez nous ! Revenons à nos priorités : l’indépendance de la France, pour la paix ! (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Depuis le début du quinquennat de François Hollande, la diplomatie française est engagée, respectée, responsable et indépendante. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Tous nos partenaires internationaux le reconnaissent et nous en savent gré. La France est un pays dont la voix compte dans le monde, parce qu’elle est indépendante. Par ses initiatives, la France contribue à la paix et à la sécurité internationales.
Si la France était restée inactive, le Mali et la Centrafrique seraient tombés aux mains des terroristes ou auraient connu des massacres de masse. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.) C’est le Président de la République qui a assumé, au nom de la France, la responsabilité d’intervenir.
À l’heure où les forces irakiennes mènent une offensive pour libérer la partie occidentale de Mossoul, la France est le pays le plus engagé aux côtés des États-Unis au sein de la coalition contre Daech. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) C’est grâce à l’appui de nos forces que le terrorisme et la barbarie reculent en Irak et en Syrie. Notre effort sera poursuivi.
En ce qui concerne la Syrie, la France a la conviction que seule une solution négociée, fondée sur une transition politique, édifiée sur la base du communiqué de Genève et de la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, peut permettre de ramener la paix. Après les résultats en demi-teinte des réunions d’Astana, les discussions ont repris aujourd’hui à Genève. À cet égard, nous apportons notre plein soutien aux efforts de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Staffan de Mistura.
La France est également engagée au Proche-Orient pour tenter de relancer un processus politique. Dans le contexte actuel, l’initiative du ministre des affaires étrangères, qui a réuni plus de soixante-dix pays et organisations internationales à Paris, le 15 janvier, était non seulement utile, mais nécessaire, pour défendre la solution à deux États.
Oui, nous sommes engagés en Méditerranée ! Oui, nous avons fait en sorte que l’Europe s’engage aux côtés de la Tunisie et qu’elle se mobilise pour aider à élaborer une solution à la crise libyenne ! Oui, nous avons respecté nos engagements concernant la loi de programmation militaire ! Nous les avons même rehaussés, avec l’appui du Sénat ; nous pouvons en être fiers !
La voix de la France, c’est la voix de l’ensemble de la représentation nationale, qui s’élève pour faire respecter le droit international, promouvoir la résolution politique des conflits. Chacun devrait en être fier et souhaiter la poursuite de cet engagement, quels que soient les résultats des échéances électorales à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe écologiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
terres agricoles et viticulture
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.
Mme Hermeline Malherbe. Ma question s'adressait à M. le ministre de l’agriculture, mais j’ai bien compris que c’est M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales qui me répondra.
Les agriculteurs, et particulièrement les viticulteurs, dans mon département comme partout ailleurs en France, sont inquiets. Plusieurs éléments contribuent en effet au déséquilibre de l’économie agricole.
Tout d’abord, l’accès au foncier est une question essentielle pour nos agriculteurs. L’accaparement des terres et l’étalement urbain rendent encore plus problématique l’installation des jeunes agriculteurs, qui était déjà difficile.
La proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ouvre de nouvelles possibilités aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui disposent des outils adéquats pour limiter le risque d’accaparement des terres agricoles par des sociétés étrangères, comme l’a si bien souligné mon collègue Alain Bertrand la semaine passée.
L’artificialisation des terres agricoles et l’étalement urbain se font au détriment des espaces agricoles. La menace est là aussi réelle. Des dispositifs efficaces existent pourtant : je pense par exemple aux périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, les PAEN, tel celui qui a été mis en œuvre dans les Pyrénées-Orientales. Cependant, ce dispositif est encore trop peu utilisé sur l’ensemble du territoire français pour produire de réels effets en matière de préservation du foncier agricole.
Le transfert des droits de plantation constitue une autre difficulté, particulièrement pour les vignerons. Il est possible d’acheter des vignes dans une autre région, de les arracher et de bénéficier d’un droit à replanter dans sa région d’origine. Ces transferts sont possibles même dans les zones d’appellation d’origine contrôlée ou d’indication géographique protégée. Les bassins concernés s’en trouvent fragilisés, comme l’a souligné le député Pierre Aylagas dans une question écrite.
Au déséquilibre économique subi s’ajoutent le pillage du potentiel de production, ainsi que des préjudices sanitaires et environnementaux. Que compte faire le Gouvernement pour protéger nos agriculteurs et nos viticulteurs contre ces pratiques néfastes,…
M. François Grosdidier. Rien !
Mme Hermeline Malherbe. … et, plus largement, comment assurer une meilleure maîtrise du foncier agricole ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l’agriculture, retenu par d’autres occupations.
Le Gouvernement est actif sur le sujet que vous évoquez à bon droit.
Premièrement, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a renforcé les outils de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, afin de freiner leur consommation.
Deuxièmement, nous avons renforcé le rôle des SAFER et du contrôle des structures. Il s’agit là aussi de préserver les espaces agricoles et naturels, et partant de favoriser l’installation des agriculteurs et la diversité des projets.
Ce volet a été renforcé récemment, avec l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi par le Sénat. Malheureusement, soixante-dix députés du groupe Les Républicains, dont MM. Jacob et Le Maire, ont saisi le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Cela témoigne d’un manque de cohérence entre le groupe Les Républicains du Sénat et celui de l’Assemblée nationale ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En outre, madame la sénatrice, pour mener une politique efficace en la matière, l’accompagnement des élus locaux est nécessaire, en particulier celui des maires qui délivrent les permis de construire. Il faut une vision partagée sur ce sujet.
Concernant les autorisations de plantation de vignes, la majorité précédente (Protestations sur certaines travées du groupe Les Républicains.), en accord avec l’Allemagne, avait entériné la fin de la régulation des plantations viticoles dans l’Union européenne.
M. François Grosdidier. Vingt ans après…
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous l’avons sauvée au travers de la réforme de la PAC de 2013.
Enfin, j’indique que les professionnels du cognac seront reçus demain par le ministre de l’agriculture. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous le voyez, madame la sénatrice, la maîtrise du foncier, la défense des viticulteurs et des agriculteurs restent des priorités du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour la réplique.
Mme Hermeline Malherbe. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’éclairer l’ensemble du monde agricole sur les actions menées. Je profite de cette occasion pour saluer l’excellent travail réalisé avec Xavier Beulin, président de la FNSEA récemment décédé. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
grippe aviaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question porte sur la grippe aviaire.
Le ministre de l’agriculture était dans les Landes mardi ; je le remercie de son action et de sa disponibilité. Toutefois, dans le contexte actuel, les professionnels de cette filière d’excellence ont besoin d’être rassurés, car ils sont en déshérence. Ils n’ont pas même encore perçu 30 % de ce qui leur est dû par l’Europe au titre de l’épisode de 2016. Ils ont besoin d’être rassurés sur les volumes et sur le calendrier. Je demande donc au Gouvernement de tenir les engagements pris, bien sûr, mais en les assortissant de dates précises.
Par ailleurs, le ministre doit élaborer un pacte avec l’ensemble des professionnels pour apporter des correctifs en matière de biosécurité ; il y va de la pérennité de la filière.
Il faut absolument que le Gouvernement nous éclaire sur les solutions qu’il entend négocier avec le Comité interprofessionnel du foie gras et tous les partenaires pour sauver cette filière d’excellence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir salué le travail et l’engagement de Stéphane Le Foll, qui, comme vous l’avez dit, était encore dans les Landes mardi dernier. Il m’a demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
La crise est effectivement très grave. Il faut d’abord stabiliser la contamination. Pour ce faire, les services de l’État ont étendu la zone d’abattage préventif dans des secteurs encore instables, notamment l’ouest du département des Landes et une partie du nord des Pyrénées-Atlantiques. Sous quinze jours, tous les palmipèdes de ce périmètre seront abattus. Parallèlement, une interdiction de mouvements a été décidée pour l’ensemble des Landes et du nord des Pyrénées-Atlantiques. Il n’y a pas d’autre stratégie possible, la vaccination ne permettant pas de stopper la diffusion du virus.
Les remises en place de palmipèdes ne seront possibles que d’ici à la fin du mois de mai, mais les gallinacés peuvent d’ores et déjà être remis en place dans les zones stables.
Concernant l’indemnisation, là encore l’État sera au rendez-vous. Pour l’amont de la filière, les premiers versements interviendront en mars pour les éleveurs ayant subi un abattage et les pertes économiques dues aux restrictions de mouvements seront indemnisées au printemps. Le reste dû au titre de la crise de 2016, c’est-à-dire 30 %, sera versé à partir du mois d’avril. Pour l’aval de la filière, le soutien à la trésorerie sera évidemment reconduit pour les éleveurs en difficulté.
Enfin, au-delà de l’urgence, il convient, comme vous l’avez dit, de pérenniser et de solidifier l’ensemble de la filière. Une réflexion sur un pacte qui pourrait lier tous les acteurs de la filière et qui porterait sur l’organisation des flux et les mesures de confinement nécessaires pour éviter le contact avec les oiseaux migrateurs est engagée entre la profession et l’État. Les mesures devront bien sûr être adaptées aux différents types de production et aux capacités d’investissement des acteurs, notamment des éleveurs. En tout état de cause, monsieur le sénateur, nous veillerons à préserver la diversité des situations et des modèles. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
brexit
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe de l’UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic. Depuis l’annonce du Brexit, il y a huit mois, les 300 000 Français établis au Royaume-Uni, et au-delà les 3 millions d’Européens vivant outre-Manche, n’ont reçu aucune assurance sur leur statut de la part des autorités britanniques.
La situation devient de plus en plus anxiogène, sur fond de xénophobie ambiante et décomplexée, nourrie par les atermoiements de Theresa May, qui ne veut pas déplaire à des tabloïds qui font de la haine de l’Europe leur fonds de commerce. Les Européens ne se sentent plus bienvenus. Par exemple, le questionnaire à remplir pour obtenir un certificat de résident permanent est passé de douze à quatre-vingt-cinq pages, et s’il est jugé incomplet, vous recevez en retour une invitation à quitter le territoire ! Les employeurs refusent désormais de prendre le risque d’embaucher en CDI des ressortissants de l’Union européenne. Ceux-ci vivent cette discrimination avec beaucoup d’amertume.
Lundi dernier, avec Patricia Connell et Nicolas Hatton, nos élus consulaires du Royaume-Uni, j’étais aux côtés de milliers de manifestants devant Westminster à l’appel du mouvement The 3 Million, qui exige une clarification, dès à présent, du statut des 3 millions de citoyens de l’Union européenne résidant au Royaume-Uni. Ces derniers refusent de servir de monnaie d’échange lors des futures transactions.
Vendredi dernier, le Premier ministre a rencontré Theresa May. Qu’avez-vous fait pour que les droits des Européens établis au Royaume-Uni soient préservés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous le savez, la Chambre des Communes s’est prononcée. Il appartient désormais à la Chambre des Lords de le faire, de manière que le Gouvernement britannique soit autorisé à activer l’article 50 avant la fin du mois de mars, comme Mme Theresa May s’y était engagée, en vue d’amorcer les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
C’est sur cette base et dans le cadre fixé par les vingt-sept chefs d’État ou de Gouvernement de l’Union européenne que s’engageront les négociations, qui porteront à la fois sur la séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, sur ses conséquences, notamment financières, et sur les relations futures, y compris sur les plans économique et commercial, voire sur une participation du Royaume-Uni à un certain nombre de politiques communes, par exemple en matière de recherche. Cela impliquerait, pour ce pays, un certain nombre d’obligations financières.
M. François Grosdidier. Vous devriez plutôt répondre à la question !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La première question, qui a bien sûr été au cœur des récents échanges, à Londres, entre M. Bernard Cazeneuve et Mme Theresa May, est celle du statut des citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni et des citoyens britanniques installés dans les pays de l’Union européenne. Comme vous l’avez indiqué, environ 300 000 Français résident outre-Manche, tandis que quelque 150 000 Britanniques vivent en France. Ils ne sauraient être victimes d’un référendum que nous n’avons pas souhaité, d’une décision que nous n’avons pas voulue et qui est de la seule responsabilité des Britanniques.
Nous respectons cette décision, mais nous ferons en sorte que les négociations préservent les intérêts de l’Union européenne, de son économie et de ses entreprises, mais aussi et d’abord de ses citoyens.
M. François Grosdidier. Ce n’est pas la question !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Puisque c’est la dernière fois que j’interviens dans cet hémicycle, je voudrais remercier M. le président Larcher et M. le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, pour le travail que nous avons effectué ensemble, dans un esprit de coopération, sur les questions européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. La détresse de nos compatriotes installés outre-Manche ne me semble pas prise en compte. Il serait temps que nous devenions proactifs ; nous subissons depuis trop longtemps le calendrier britannique. Commençons par régler unilatéralement la question du statut des Britanniques installés dans l’Union européenne. Nous pourrions leur accorder, immédiatement et sans contrepartie, le maintien de leur statut de citoyen européen jusqu’à la fin de leur vie. Ainsi, le Brexit n’aurait pas d’effet sur eux. Une telle démarche placerait le Gouvernement britannique devant ses responsabilités. Il ne pourrait plus se servir des Européens installés au Royaume-Uni comme d’une monnaie d’échange lors de futures négociations. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
justice
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Ma question porte sur la situation du service public de la justice en France au terme de ce quinquennat.
Je voudrais partager l’état des lieux qu’est en train de dresser la commission des lois du Sénat, qui enquête depuis plus de six mois sur la situation de la justice française. Celle-ci est grave. J’évoquerai quelques indicateurs qui sont, hélas ! éloquents : le délai moyen de jugement est passé de sept mois à onze mois pour les tribunaux de grande instance, de treize mois à seize mois et demi pour les conseils de prud’hommes ; la moitié seulement des condamnations reçoivent un commencement de mise à exécution dans l’année qui suit le prononcé. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
La politique pénale est un fiasco ! Vous avez renoncé à créer des places de prison et souhaitez vider les prisons (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) en privilégiant une nouvelle politique, celle de la contrainte pénale. Or la contrainte pénale ne représente que 1 000 décisions par an. En revanche, nos magistrats veulent être sévères : ils ont prononcé 130 000 condamnations en 2016 ; n’est-ce pas là un désaveu cinglant ?
La situation de nos prisons est catastrophique et inhumaine. Vous avez suspendu la loi de 2012, qui prévoyait la création de 10 000 places de prison. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une saturation de nos prisons, qui accueillent 68 000 détenus pour 58 000 places. N’est-il pas temps de dresser le constat d’échec de cette politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une question, c’est un meeting !
M. le président. La parole à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Bas, après ce réquisitoire violent,…
M. Philippe Bas. Ce sont des faits !
M. Charles Revet. C’est la réalité !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … je vais essayer de plaider la cause, qui est bonne, du Gouvernement en matière de justice.
Je voudrais tout d’abord citer à mon tour quelques chiffres.
Pour 2017, le budget de la justice, en fonctionnement et en investissement, est en progression de 4,2 %. C’est une hausse exceptionnelle dans le panorama budgétaire de notre pays.
La justice n’est pas lente uniquement parce que la demande de nos concitoyens s'accroît, notamment par suite de la judiciarisation de la société, mais aussi parce que l’on manque de magistrats. Depuis 2012, 2 282 nouveaux magistrats sont passés par l'École nationale de la magistrature et 5 512 nouveaux fonctionnaires de greffe ont été formés à Dijon.
Depuis cette même année, l'augmentation du budget de la justice s’élève à 14 %. La hausse avait commencé sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle avait été très forte pendant cinq ans et s’était poursuivie durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy – reconnaissons-le –, avant de se prolonger sous François Hollande. Mais il y a une grande différence entre le quinquennat de François Hollande et celui de Nicolas Sarkozy, qui tient à l’indépendance de la justice. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. François Grosdidier. Combien de prisons construites ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Il faut bien sûr que la justice reçoive les moyens de fonctionner, mais il faut aussi qu’elle soit indépendante ! Je donnerai trois illustrations de notre volonté de garantir l’indépendance de la justice.
Premièrement, depuis la loi du 25 juillet 2013, aucune instruction individuelle n'a été adressée aux magistrats : notre législation l'interdit.
Deuxièmement, tous les membres du parquet ont été nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui constitue une rupture avec le quinquennat précédent, hormis l’époque où Michel Mercier était à la Chancellerie.
Enfin, la réforme constitutionnelle que nous avons essayé de faire aboutir pour rendre son indépendance au parquet a été bloquée par l'opposition à l'Assemblée nationale et par la majorité sénatoriale.
M. Roger Karoutchi. Quelle hypocrisie !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Bas, on peut toujours dire que la justice va mal, mais elle est de moins en moins lente et elle va de mieux en mieux en termes de fonctionnement et d'investissement.
M. François Grosdidier. Vous avez arrêté de construire des prisons !
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas des prisons, mais des écoles !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Surtout, elle est indépendante ; souhaitons qu’elle le demeure dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
plan de lutte contre les violences faites aux enfants
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Michelle Meunier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Il y a un mois, à Saint-Herblain, le petit David, âgé de huit ans, est décédé après avoir subi des actes de torture et de barbarie commis par sa mère et son compagnon. Quelques jours plus tard, à Vitry-sur-Seine, le jeune Oumar, quinze ans, a succombé aux coups de ceinturon infligés par son beau-père. Le 6 février dernier, à Aire-sur-la-Lys, le jeune Yannis, cinq ans, est mort après avoir été puni pour avoir fait pipi au lit, frappé par son beau-père qui l’a forcé à courir dans le froid en pleine nuit.
Je pourrais, hélas ! continuer la liste, car, depuis le début de l'année, cinq morts violentes d'enfants ont été médiatisées. Ces enfants ont probablement subi, pendant des semaines, des mois, voire des années, des actes de violence et de maltraitance, le plus souvent dans le cadre familial.
Devant ces drames, notre société ne peut rester aveugle et sourde. Cette violence, nous le savons, recouvre des réalités diverses : violences physiques, violences sexuelles, violences psychologiques. Bien que ces sévices ne se terminent pas toujours par un décès, leurs conséquences sont graves pour les victimes. Le coût social du traitement médical et psychologique de ces jeunes et de ces adultes en devenir se chiffre en milliards d'euros. Il s’agit donc d’une urgence humaine et d’une urgence sociale, d’un problème majeur de santé publique.
Madame la ministre, le Gouvernement a su mettre en œuvre un plan global pour lutter contre les violences faites aux femmes. Vous avez manifesté votre volonté d’agir dans le même sens en faveur des enfants : pouvez-vous nous en dire davantage aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du RDSE. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Je voudrais d’abord profiter de cette dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement de la législature pour remercier tous les sénateurs et sénatrices avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler au cours de ces trois dernières années, en particulier vous-même, madame Meunier, M. Gérard Roche, M. Georges Labazée, les deux présidentes successives de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Chantal Jouanno, M. Alain Milon et Mme Caroline Cayeux.
Pendant ces trois ans, je me suis attachée à déployer une politique globale de l'enfance, mais aussi à mettre en place une politique spécifique en faveur de l'enfance en danger.
La loi du 14 mars 2016, dont votre ancienne collègue Muguette Dini et vous-même avez eu l’initiative, a permis d’éviter les ruptures dans les parcours des enfants placés au titre de la protection de l'enfance, de mieux repérer et de mieux anticiper les difficultés familiales et les mises en danger des enfants, de décloisonner les interventions des acteurs publics, qu’ils relèvent de la justice, de l’éducation nationale, de l’aide sociale à l’enfance, de la psychiatrie, de la pédopsychiatrie.
J’ai acquis la conviction que la protection de l'enfance et la lutte contre les maltraitances ne sont pas réductibles à un sujet compassionnel. Elles constituent un sujet profondément et éminemment politique, qui convoque les représentations de la famille, de la liberté éducative, du rôle de l'école, des droits de l'enfant, de l'éducation à la sexualité et de la responsabilité dont chacun d’entre nous est investi envers les enfants en danger.
À ce titre, je regrette que le Sénat ait jugé utile de déférer au Conseil constitutionnel la mesure, adoptée dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, définissant l'autorité parentale comme devant s'exercer sans punition corporelle. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, cela revient à dire à tous ces parents que Mme Meunier évoquait à l'instant : « Vous pouvez frapper vos enfants, vous en avez le droit, mais pas trop, pas au point de les tuer, de les martyriser. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Allons !
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre. Il devient alors impossible, pour qui que ce soit, d’établir la différence entre la violence quotidienne, les punitions corporelles, le droit de correction et les maltraitances faites aux enfants.
Je présenterai la semaine prochaine le premier plan de lutte interministériel contre les violences faites aux enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
politique de santé
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Dans les domaines des affaires sociales et de la santé, le bilan du quinquennat qui s’achève n’est guère satisfaisant. Le pouvoir d'achat des Français a baissé en moyenne de plus de 500 euros depuis 2012…
M. Jean-Louis Carrère. C’est la suite du meeting !
M. Alain Milon. … et le nombre des travailleurs pauvres atteint 9 millions au terme du quinquennat de M. François Hollande. Alors que nos voisins européens ont enregistré des résultats probants en matière de lutte contre le chômage, le nombre des demandeurs d'emploi de catégorie A a crû, dans notre pays, de 500 000 en cinq ans.
M. Jean-Louis Carrère. Parlez-nous de vos assistants !
M. Alain Milon. Contrairement à vos annonces, le déficit de la sécurité sociale sera d’environ 4 milliards d’euros en 2017. La seule amélioration enregistrée est liée essentiellement à la réforme du régime des retraites réalisée par vos prédécesseurs, que vous aviez combattue.
Je suis au regret de devoir constater que vos réformes successives de la santé ont été aussi dogmatiques que bureaucratiques. Le niveau de remboursement des patients a baissé avec les contrats dits « responsables ». Le malaise à l'hôpital n'a fait que croître, et en décourageant la médecine libérale, vous avez favorisé le développement des déserts médicaux.
La baisse des allocations familiales a été un coup dur porté aux familles. Dans le même temps, vous n'avez pas su faire prendre au pays le virage du XXIe siècle : nous en avons débattu ici même hier soir. Il suffisait pourtant de s'inspirer de ce qui a fonctionné chez nos voisins européens.
En définitive, la loi El Khomri n’aura servi à rien : elle n’a été qu’un simulacre de réforme.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Milon. Le temps du bilan est venu. Ne pensez-vous pas que, face à la situation sociale inquiétante que connaissent les Français, face à la désespérance de beaucoup de nos compatriotes, il serait temps de faire résonner vos paroles avec la réalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Milon, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui est en déplacement à l'étranger avec le Premier ministre.
Monsieur le président Milon, j'ai beaucoup d'estime pour vous, j'ai eu beaucoup de plaisir à débattre avec vous pendant ces trois années, mais je vous pensais capable de plus de modération. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Milon rit.)
Nous n’avons pas la même vision des choses. Pour notre part, nous sommes fiers d'avoir mené une vraie politique de gauche. Nous sommes fiers d'avoir rétabli l’équilibre des comptes sociaux – je rappelle que le déficit du régime général de la sécurité sociale dépassait 17 milliards d’euros il y a cinq ans – tout en ouvrant de nouveaux droits. Ainsi, 650 000 personnes ont pu partir à la retraite avant l'âge légal parce qu'elles avaient commencé à travailler très jeunes, 500 000 salariés travaillant dans des conditions particulièrement difficiles bénéficient déjà de points pénibilité, 4 millions de foyers ont touché la prime d'activité en 2016, des dizaines de milliers de femmes bénéficient de la garantie des impayés de pension alimentaire. Oui, nous sommes fiers de toutes ces réalisations !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout va bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Nous sommes également fiers d'avoir amélioré l'accès aux soins grâce à l’ouverture de 1 000 maisons de santé pluriprofessionnelles supplémentaires, à la généralisation du tiers payant, à l’extension du bénéfice d’une complémentaire santé à l'ensemble des salariés. Nous sommes fiers d'avoir placé la prévention au premier plan avec la lutte contre le tabagisme, n’en déplaise à certains. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Mais oui, ça va mieux !
M. François Grosdidier. Tellement mieux que M. Hollande ne se représente pas !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Enfin, nous sommes fiers d'avoir mené une politique de redistribution, avec un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté conduit à son terme, une revalorisation du RSA de 10 %, une revalorisation des prestations familiales pour les familles les plus précaires. (Mme Dominique Gillot applaudit.)
M. Alain Gournac. C’est le paradis !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Tel est le bilan de notre action au service des plus fragiles, au service de la santé des Français. Elle a permis de faire progresser la justice sociale et l'accès aux droits ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Madame la secrétaire d’État, la modération doit se retrouver dans les critiques, mais aussi dans la présentation des actions menées…
M. Jean-Louis Carrère. C’est fini !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Stop !
M. Alain Milon. Pour les millions de patients qui sont actuellement traités au titre d’une affection de longue durée, le reste à charge est passé à près de 3 000 euros par an : c’est considérable.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Milon. Mais vous aurez au moins réussi à inverser une courbe, la plus importante de toutes : celle de la natalité ! L’an passé, notre pays a enregistré 20 000 naissances de moins ; c’est dangereux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
politique économique
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics.
L’heure du bilan a sonné. Pour apprécier l'efficacité et la pertinence des politiques menées par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2012…
M. Jean-Louis Carrère. Et ça continue !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, un vrai meeting !
M. Jean-Claude Lenoir. … en matière de lutte contre le chômage et, plus largement, dans les domaines économique, financier et budgétaire, il faut examiner les résultats obtenus par nos partenaires de l’Union européenne. Pouvez-vous citer un seul chiffre montrant que la France aurait mieux fait que ses voisins européens ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le sénateur Lenoir, chacun ses points de comparaison. Pour ma part, j’ai retenu six items pour dresser le bilan du Gouvernement.
Durant cette législature, la croissance a augmenté de quatre points. Or elle n’avait progressé que d’un point entre 2007 et 2011, soit quatre fois moins. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le solde du commerce extérieur s’est amélioré de 25 milliards d’euros durant cette législature. Sous le quinquennat précédent, il s'était dégradé de 32 milliards d'euros.
M. Alain Gournac. Tout va bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le taux de marge des entreprises aura augmenté de deux points au cours de ce quinquennat, alors qu’il avait baissé de trois points durant le précédent.
M. Alain Gournac. C’est le paradis !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au total, 160 000 emplois ont été créés depuis notre arrivée au pouvoir. Durant la législature précédente, 280 000 emplois avaient disparu !
M. René-Paul Savary. Et combien de chômeurs de plus ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté de 500 000 durant cette législature. C'est trop, mais il avait crû de 800 000 pendant la précédente…
La dette publique a augmenté de six points de PIB, contre vingt-cinq points, c’est-à-dire quatre fois plus, durant le quinquennat précédent.
Enfin, le déficit public s’est amélioré de deux points, alors que nous avions hérité d'un « État en faillite », pour reprendre les mots de celui qui nous l’avait légué… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le sénateur, tel est notre bilan. Il est clair, précis, vérifiable. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
À titre exceptionnel, et avec l’autorisation de mes collègues, je me ferai le porte-parole du Gouvernement pour remercier l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de la qualité des débats qui nous ont réunis. Ils ont été, le plus souvent, empreints de courtoisie. Je forme le vœu que chacun d’entre vous traverse cette période électorale dans la sérénité, ce qui, bien sûr, n'empêche pas les convictions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe CRC et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question. Je vous demandais de comparer les résultats des gouvernements qui se sont succédé pendant ce quinquennat avec ceux qu’ont obtenus leurs homologues européens au cours de la même période.
M. Jean-Louis Carrère. La comparaison avec la période antérieure est plus pertinente !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous faites l'impasse sur la grave crise qui a affecté tous les pays entre 2008 et 2010. Je vais vous aider à répondre.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas le mieux placé pour donner des leçons !
M. Jean-Claude Lenoir. Au terme de ce quinquennat, la France compte près de 600 000 chômeurs de catégorie A de plus qu’en 2012, et 1,2 million toutes catégories confondues. Pis, la France figure en tête de peloton des pays européens au regard du taux de chômage des jeunes : celui-ci est supérieur à 25 % chez nous, quand il n’est que de 4,7 % en Allemagne.
Le taux de croissance, après avoir été nul pendant deux ans, dépasse à peine 1 %. Dans le même temps, la moyenne des pays de l'Union européenne s’établit à 1,9 % !
En ce qui concerne le commerce extérieur, notre part des ventes à l'intérieur de la zone euro a régressé, passant de 17,9 % à 14 %.
Monsieur le secrétaire d’État, la dette publique représente 97,6 % de notre richesse nationale, contre 83 % en moyenne chez nos voisins.
Enfin, le déficit public était encore de 3,3 % en 2016, et personne ne croit aux 2,7 % annoncés pour l'exercice 2017. L’année dernière, le taux moyen n’était que de 1,9 % pour les pays de l’Union européenne.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Lenoir. Au total, le bilan du Gouvernement est marqué par une succession d'échecs. C’est la raison pour laquelle nous serons nombreux à dénoncer l'action que vous avez menée. Nous entendons réunir toutes celles et tous ceux qui veulent redresser la France ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 23 février 2017, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Personne ne demande la parole ?…
Nous passons à la suite de l’ordre du jour.
8
Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, présentée par MM. Bruno Retailleau, François Zocchetto, Philippe Bas, Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 291, texte de la commission n° 410, rapport n° 409).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi.
M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi répond à une forte attente de nos territoires, dont les élus appréhendent le transfert des compétences « eau » et « assainissement ».
Comme vous le savez, le régime d’attribution des compétences « eau » et « assainissement », dont l’exercice est complexe et hétérogène dans les territoires, a été sensiblement modifié par la loi NOTRe. Antérieurement à l’adoption de ce texte, l’assainissement figurait au rang des compétences optionnelles, un des sept groupes relevant du choix des communautés de communes. La compétence « eau », facultative, pouvait être librement transférée à l’intercommunalité par décision des communes membres, à la majorité des deux tiers.
Dans un objectif de renforcement de l’intégration communautaire, la loi NOTRe a élargi le bloc des compétences obligatoires des communautés de communes. Celui-ci comprend désormais l’eau et l’assainissement, le transfert étant organisé en deux temps d’ici au 1er janvier 2020. À cette date, aux termes du droit en vigueur, les services de l’eau et de l’assainissement seront obligatoirement pris en charge par les communautés de communes.
Avant cette échéance, la loi NOTRe a prévu des mesures transitoires. Les communautés de communes existant à la date de publication de la loi auront jusqu’au 31 décembre 2017 pour se conformer aux nouvelles dispositions.
Lors des débats sur la loi NOTRe au Sénat, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, corapporteurs du texte, s’étaient opposés à la démarche du Gouvernement visant à créer de nouvelles compétences obligatoires pour les communautés de communes. L’amendement du Gouvernement prévoyant la création de ces nouvelles compétences obligatoires avait suscité une vive opposition transpartisane au Sénat.
Notre assemblée avait donc adopté en deuxième lecture un texte dans lequel l’eau et l’assainissement avaient été classés au rang des compétences optionnelles des communautés de communes, afin de faciliter leur fonctionnement et au nom du principe de subsidiarité.
Aujourd’hui, le transfert de ces compétences suscite de nombreuses difficultés au sein de nos territoires, ce qui nous rappelle la nécessité, en matière de réformes territoriales, de faire preuve de pragmatisme.
On rappellera d’emblée que les délais prévus par la loi NOTRe sont beaucoup trop courts pour certaines communes, notamment rurales. De plus, les petites communes exerçant la compétence « eau » en gestion directe – c’est-à-dire en régie – fournissent déjà l’eau à un coût relativement faible pour les usagers et la collectivité.
Comme vous le savez, la gestion des services de l’eau et de l’assainissement est tributaire de nombreuses considérations géographiques, matérielles et techniques : il s’agit souvent d’exploiter un réseau physique préexistant.
La composition et l’organisation du réseau d’eau et d’assainissement dépendent nécessairement des spécificités, notamment physiques, des territoires. Or la loi n’est pas toujours en mesure d’anticiper les difficultés propres à de tels bouleversements dans l’exercice des compétences des communes.
Sur nos territoires, communes et syndicats exercent actuellement les compétences « eau » et « assainissement » de manière efficace et économique, dans l’intérêt des citoyens et, surtout, en tenant compte des contraintes techniques et géographiques liées à cet exercice.
Doit-on, au nom du seul renforcement de l’intercommunalité, mettre fin à ces pratiques adaptées à nos territoires ? Comme l’a dit Winston Churchill, « il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction ». Or la direction prise avec la loi NOTRe, sur cette question, n’est pas conforme à l’intérêt de nos concitoyens.
Le texte dont nous allons débattre a pour objet de remédier aux difficultés créées par ce transfert de compétences. Il vise à limiter les effets des dispositions de la loi NOTRe relatives à l’eau et à l’assainissement en supprimant le caractère obligatoire, à compter du 1er janvier 2020, du transfert de ces compétences aux communautés de communes.
Si ce texte était adopté, la compétence « eau » et la compétence « assainissement » demeureraient donc au rang des compétences optionnelles des communautés de communes.
D’une part, cette proposition de loi permettra de conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale. Comme je l’ai indiqué précédemment, les spécificités des compétences « eau » et « assainissement » font de la commune l’échelon territorial le plus à même de les exercer avec efficacité.
D’autre part, ce texte vise à remédier aux difficultés pratiques liées à ce transfert de compétences. Il procède d’une simple application du principe de subsidiarité, selon lequel une compétence doit être exercée par l’échelon le plus pertinent, en l’occurrence le plus proche des usagers. Cela vaut pour l’ensemble formé par les communes et les communautés de communes comme pour celui constitué de l’Union européenne et de ses États membres.
Nous devons en outre toujours rester fidèles au principe de liberté pour les communes de choisir de transférer ou pas une de leurs compétences à l’intercommunalité.
En application de ces principes, il doit revenir aux communes de choisir le niveau d’exercice des compétences « eau » et « assainissement ». Un transfert rationalisé de ces compétences implique que les communes soient libres d’en déterminer le rythme et le calendrier.
Le maintien du caractère optionnel de ces compétences répond à un impératif de pragmatisme et de flexibilité pour les communes. Cela n’affecte pas les chantiers de transfert déjà en cours dans de nombreuses communautés de communes.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean Bizet. Ce texte est d’autant plus nécessaire que, comme l’a souligné notre rapporteur, l’eau représente un enjeu de développement territorial. Il serait en effet peu opportun de retirer à des syndicats cette compétence au profit d’une intercommunalité n’ayant aucun savoir-faire en matière de gestion de l’eau et d’assainissement ne présentant parfois aucune cohérence en termes de périmètre.
En tout état de cause, je voudrais réaffirmer qu’il ne s’agit pas ici de freiner le développement de l’intercommunalité. En réalité, l’objet de cette proposition de loi est de permettre aux acteurs locaux de bénéficier de plus de temps et de plus de flexibilité dans l’exercice complexe de ces compétences, notamment en zone rurale ou de peuplement irrégulier.
Le Sénat, en adoptant ce texte, fera preuve de son attention et de sa vigilance habituelles, s’agissant de l’adaptation de la loi NOTRe aux réalités de nos territoires. Une telle approche convient particulièrement à notre assemblée, et je suis persuadé que, sur toutes les travées, chacun a conscience de l’intérêt de confier aux communes le soin de conférer ou non ces compétences à l’intercommunalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Association des maires de France observe que « l’organisation des services de l’eau répond à des logiques de qualité et de disponibilité de la ressource qui dépasse les frontières administratives ».
La question de l’eau, plus encore que celle de l’assainissement, nécessite effectivement un traitement particulier, surtout quand il s’agit des territoires, notamment ruraux, où l’eau est un service essentiel à la vie et une compétence dont le bon exercice contribue au développement.
L’objet de cette proposition de loi est, avant tout, de répondre à une volonté largement exprimée par les maires sur les différents territoires. La mission de suivi et de contrôle des lois de réforme territoriale a mené un important travail ; avec mes collègues René Vandierendonck et Pierre-Yves Collombat, nous avons sillonné les différents territoires de France. Nous rendrons nos conclusions et présenterons plusieurs observations et des propositions dans quelques jours. S’il est une question centrale, sur laquelle l’ensemble des élus des différents territoires ont mis l’accent, c’est bien celle de l’eau et de l’assainissement.
À l’évidence, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » vers l’intercommunalité représente parfois un souci majeur en termes de coûts supplémentaires pour l’usager, mais également pour les budgets annexes de l’eau, qui sont souvent, dans les petites communes rurales, les seuls budgets excédentaires.
Se pose également la question des syndicats des eaux. Dans la partie sud de mon département, le syndicat des eaux de la basse Ardèche regroupe aujourd’hui plusieurs intercommunalités et peut, à lui seul, assurer les services d’eau et d’assainissement. Par là même, il participe au développement de ce territoire.
Il importe également de laisser l’initiative aux élus des territoires. Au travers de cette proposition de loi, nous entendons non pas remettre en cause l’ensemble de l’architecture de la loi NOTRe, mais essayer de pointer clairement les problèmes majeurs que rencontrent aujourd’hui les élus, notamment communaux, sur cette question de l’eau et de l’assainissement. Je le dis avec force : là où les choses se passent naturellement, les transferts s’opèrent sans difficultés particulières. Pour autant, il subsiste quelques cas lourds, auxquels nous devons prêter une attention toute particulière.
Avec cette proposition de loi, le Sénat fait véritablement œuvre utile. Nous examinerons tout à l’heure quelques amendements visant, notamment, à inclure les communautés d’agglomération dans le champ de la réflexion. À ce stade, on peut faire observer que les structures intercommunales existantes, en particulier les communautés d’agglomération ou même les communautés urbaines, ne répondent pas, pour partie, à l’objectif initial, en ce qu’elles recouvrent souvent des territoires périurbains ou ruraux, qui ont le plus grand mal à admettre l’idée de leur transférer les compétences « eau » et « assainissement ». Il me semble important de l’entendre. Il nous faudra un jour repenser le découpage des territoires intercommunaux, repenser les outils que sont les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, pour faire en sorte que les problématiques relatives à la ruralité soient pleinement prises en compte, notamment au travers de cette question des compétences « eau » et « assainissement ».
Pour conclure, je crois qu’il faut veiller à ce que l’application de la loi NOTRe ne vienne pas contrarier les bonnes pratiques dans nos différents territoires. Aujourd’hui, l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » par les communes ou les syndicats des eaux est vécu de façon plutôt positive. Il ne faudrait pas qu’un transfert prématuré vienne contrarier cette bonne gestion et, finalement, augmenter la facture pour l’usager.
Nous avons aujourd’hui, à mon sens, l’ardente obligation d’entendre la voix des territoires et de faire en sorte d’adapter les dispositions de la loi NOTRe à leur réalité, sans pour autant détricoter ce texte. Tel est l’esprit de cette proposition de loi, qui recueillera, j’en suis certain, votre assentiment, le seul objectif de ses auteurs ayant été de faire œuvre utile pour l’ensemble des territoires de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – MM. Pierre-Yves Collombat et René Vandierendonck applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objet de la présente proposition de loi, dont je salue les auteurs, renvoie à la question des compétences exercées par les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Le législateur a en effet confié de nouvelles responsabilités aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Celles-ci sont compétentes, depuis le 1er janvier dernier, en matière de prévention et de gestion des déchets ménagers, de développement économique – je pense en particulier à l’ensemble des zones d’activité – ou encore d’accueil des gens du voyage. Au 1er janvier prochain, elles seront également chargées de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, au titre de la compétence GEMAPI.
La loi NOTRe a enfin prévu, et c’est le cœur de notre sujet, le transfert à titre optionnel en 2018, puis obligatoire en 2020, des compétences « eau potable » et « assainissement » à l’ensemble des communautés de communes et des communautés d’agglomération.
La proposition de loi discutée aujourd’hui vise à revenir sur ce transfert, qui resterait seulement optionnel. En revanche, le texte ne remet pas en cause les dispositions de la loi NOTRe concernant les communautés d’agglomération.
Mesdames, messieurs les sénateurs, de quoi parlons-nous précisément ?
Le service public d’eau potable se décline en deux types de missions : une mission obligatoire de distribution de l’eau potable aux usagers et des missions facultatives de production, de transport et de stockage. Le service public d’assainissement comporte, quant à lui, deux volets distincts : l’assainissement collectif et l’assainissement non collectif.
Enfin, je souhaite le préciser à cette tribune après avoir eu l’occasion de répondre à plusieurs questions écrites sur le sujet, le transfert de la compétence « assainissement » emporte celui de la gestion des eaux pluviales urbaines.
J’aimerais maintenant rappeler les nombreuses raisons qui ont conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de confier ces services publics de première nécessité à l’échelon intercommunal.
Selon le dernier recensement réalisé par l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, il existe environ 35 000 services d’eau et d’assainissement… En outre, d’après le rapport annuel de la Cour des comptes de 2015, dans près de 80 % des situations, la commune reste l’autorité organisatrice du service. Ces quelques chiffres témoignent de l’extrême atomisation de notre organisation locale.
Transférer aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération ces compétences permettra donc de mutualiser les moyens techniques et financiers indispensables à un service public de qualité.
Cela se traduira d’abord par une meilleure connaissance des réseaux, synonyme de rendement amélioré. Pour rappel, on estime toujours à environ 20 % le taux de perte, en raison des fuites, de ce bien précieux qu’est l’eau potable.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Cela ne signifie rien !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si ! Cela prouve que l’entretien des réseaux n’est pas satisfaisant. La situation sera différente quand il sera assuré par des EPCI de taille plus importante !
M. Pierre-Yves Collombat. Tiens donc ! Bien entendu…
M. Jean-Michel Baylet, ministre. En outre, le transfert à l’intercommunalité permettra de disposer d’une assise financière accrue, dans un contexte global difficile pour les finances publiques, et alors que les services d’eau potable et d’assainissement connaissent ces dernières années un effet de ciseau, entre des ventes d’eau en diminution et des charges d’exploitation qui continuent d’augmenter.
Par définition, les regroupements faciliteront une approche plus globale de la gestion de la ressource en eau, notamment de ses enjeux environnementaux.
Cette gestion intercommunale doit ainsi constituer le trait d’union entre ce que l’on appelle communément le « petit cycle » et le « grand cycle » de l’eau, d’autant que les intercommunalités seront prochainement compétentes en matière de GEMAPI, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer précédemment.
C’est enfin et surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, une mesure d’équité et de justice. Est-il normal que les tarifs et la qualité du service public de l’eau diffèrent autant d’un village à l’autre ? L’eau potable et l’assainissement constituent des services publics de première nécessité, comme l’électricité. Sur le même modèle, on pourrait même soutenir –certains ont eu le courage de le faire – la mise en place de tarifs nationaux. La réforme territoriale va assurer une cohérence à l’échelle intercommunale ; c’est déjà une avancée que l’on ne saurait combattre.
Les transferts proposés vont conduire à de profondes évolutions, je ne le nie pas, sources parfois d’inquiétudes sur le terrain. Je reçois de nombreux courriers qui en attestent. Toutefois, le calendrier prévu permet de se préparer dans de bonnes conditions.
Je voudrais d’ailleurs rappeler, à cet égard, la publication d’une note d’information de la Direction générale des collectivités locales, dès le 13 juillet dernier, pour accompagner les collectivités et les élus locaux dans la mise en œuvre de cette réforme.
L’exercice obligatoire au 1er janvier 2020 de ces compétences ne se traduira pas nécessairement du jour au lendemain par l’harmonisation du service et des tarifs. Bien évidemment, cela doit rester un objectif à atteindre dans des délais raisonnables. Les contrats en cours continueront à produire leurs effets jusqu’à leur échéance, sauf décision négociée par l’intercommunalité avec les tiers concernés.
Par conséquent, et même si l’on peut le regretter, des tarifs différenciés pourront exister. Ce n’est pas exactement ce que l’on appelle un big bang institutionnel, convenez-en.
Je souhaiterais enfin dire quelques mots sur le devenir des syndicats intercommunaux existants.
Un certain nombre d’entre eux ont certes vocation à disparaître. Mais, là encore, la loi répond à un objectif de mutualisation des moyens, tout en tenant compte de la nouvelle carte intercommunale issue des travaux des commissions départementales de coopération intercommunale. Il ne s’agit pas de supprimer les outils existants permettant de répondre aux enjeux que je viens de préciser. Ainsi, comme le prévoit la loi NOTRe, dans les syndicats dont le périmètre recouvre tout ou partie du territoire de trois EPCI à fiscalité propre au minimum, les communautés de communes se substitueront automatiquement à leurs communes membres. Les grands syndicats techniques seront donc préservés.
Je pense d’ailleurs que la constitution de grands syndicats départementaux peut représenter un modèle d’organisation pertinent. Certains départements ont en tout cas eu la volonté et le courage d’en mettre en place. J’avoue ne pas y être parvenu dans le mien, mais cela correspond à ma vision des choses. Appliquer un même tarif pour l’eau dans toutes les communes d’un même département relève de l’équité !
M. Alain Joyandet. Ah bon ? Pour quelle raison ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. On ne peut pas justifier que le prix et la qualité de l’eau varient d’un village à l’autre !
M. Alain Joyandet. Et les impôts locaux ? Et les services publics ?
M. Alain Joyandet. Bien sûr que si !
Mme Éliane Assassi. Mais non !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’eau est un service de première nécessité !
J’ai coutume de dire qu’il existe plusieurs temps dans l’action publique. Au temps du débat et de la discussion succède celui de la décision. Vient ensuite l’étape de la mise en œuvre. Les sénateurs ont fait le choix d’adopter la loi NOTRe après une double lecture et la convocation d’une commission mixte paritaire.
Mme Marie-France Beaufils. Pas nous !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est regrettable de vouloir remettre en cause une disposition majeure de ce texte, particulièrement dans le calendrier proposé. Le 16 juillet 2015, en effet, le projet de loi était adopté par le Sénat…
M. Pierre-Yves Collombat. Pas par le RDSE !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Certains membres du RDSE ont voté pour !
Le projet de loi était donc adopté par le Sénat avec 259 votes pour, dont la totalité des suffrages du groupe socialiste et républicain, et seulement 49 contre. Je note également que les quatre premiers signataires de la proposition de loi avaient l’avaient tous voté. (Non ! sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Nous avons déjà eu ce débat il y a quelques semaines. À vous entendre, personne n’aurait voté cette loi ! Mais j’ai vérifié qui l’avait votée ou pas ! (MM. Jean-Jacques Filleul et Philippe Bonnecarrère applaudissent.) Contrairement à ce que vous affirmez, M. Collombat, certains membres du RDSE ont voté pour !
Je m’étonne toujours de constater, plus d’un an après mon arrivée au ministère, la volonté de nombreux parlementaires de remettre en cause les dispositions fondamentales d’une loi votée il y a seulement dix-huit mois à une très large majorité, voire, pour certains groupes, comme le groupe socialiste et républicain, à l’unanimité !
Nous savons tous que ce texte ne prospérera pas, en raison de la fin de la session parlementaire. Pourquoi avoir déposé une telle proposition de loi aussi tardivement ?
M. Jean Desessard. Voilà ! Très bonne question !
M. Jean Louis Masson. Très juste !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … ou à une volonté de se conduire de façon originale, comme votre assemblée semble parfois s’y plaire depuis quelque temps, bien que cela ne corresponde pas à sa tradition. (M. le rapporteur proteste.)
M. Jean Bizet. Le Sénat prévoit l’avenir !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le transfert aux communautés de communes des compétences « eau potable » et « assainissement » est parfaitement cohérent. Il répond à un enjeu essentiel : assurer un service public de qualité, sur le long terme, à l’ensemble de nos concitoyens, et aller vers davantage d’équité et de justice.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean Desessard et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
M. Jean Bizet. C’est bien dommage !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le président, monsieur le ministre, chers collègues, la loi NOTRe et tous les autres textes qui l’ont précédée ont pour seul objet, ne nous voilons pas la face, de faire disparaître les communes et les départements, au profit de grandes régions et de grandes intercommunalités.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, vous avez tout de même dit quelques vérités, notamment lorsque vous avez affirmé que nous n’avions été que quarante-neuf à voter contre la loi NOTRe. J’étais de ce nombre. Tout comme vous, monsieur le ministre, je trouve un peu curieux que ceux qui ont voté cette loi défendent aujourd'hui, en toute fin de session, une telle proposition de loi, tendant à revenir sur ses dispositions !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Sur un aspect de la loi NOTRe !
M. Jean Louis Masson. Nous avons débattu de la loi NOTRe durant plusieurs mois : que ceux qui ont voté en faveur de son adoption en assument la responsabilité et ne viennent pas nous dire aujourd’hui que, tout compte fait, elle n’est pas satisfaisante !
M. Bruno Sido. On a le droit de se tromper !
M. Rémy Pointereau. On a le droit de la modifier !
M. Jean Louis Masson. Cette proposition de loi n’est qu’un texte à visée purement électorale ! Il s’agit de faire croire aux maires et aux communes que le Sénat se soucie d’eux !
M. Bruno Sido. Absolument pas !
M. Jean Louis Masson. C’est quand vous avez voté la loi NOTRe qu’il fallait réfléchir à tout cela ! Cette discussion est une mascarade ! Vous avez déposé cette proposition de loi en sachant très bien qu’elle ne serait pas adoptée. (M. Bruno Sido proteste.) Il ne faut pas se moquer pas du monde ! Dans certains départements, comme le mien, vous ne serez pas déçus du résultat des élections, je vous le garantis ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités ont besoin de stabilité pour mettre en œuvre les politiques publiques dont elles ont la charge. Nous partageons ainsi la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi de ne pas les contraindre inutilement en rendant obligatoires des transferts de compétences, en l’occurrence les compétences « eau » et « assainissement ».
Cette proposition de loi est donc intéressante eu égard à la souplesse qu’elle vise à redonner aux communes dans le cadre de la construction intercommunale.
M. Daniel Laurent. Exact !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bernard Vera. Pour autant, il faut souligner son caractère d’affichage. Il est ainsi aujourd’hui de bon ton, pour le groupe Les Républicains, de se poser comme le défenseur des libertés locales.
Certes, lors de l’examen de la loi NOTRe, le Sénat a fait bloc, toutes tendances politiques confondues, pour refuser le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement ».
Pour autant, il faut tout de même rappeler que la logique de dévitalisation des communes et de leur asphyxie financière a été amorcée en 2010, lorsque l’actuel candidat à l’élection présidentielle François Fillon était Premier ministre.
En effet, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a ouvert la voie au big bang territorial que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agissait, à l’époque, de prévoir le rattachement à une intercommunalité des dernières communes isolées, la suppression des syndicats intercommunaux prétendument obsolètes et la rationalisation du périmètre des EPCI.
Pour ce faire, des pouvoirs importants étaient donnés aux préfets, au rebours de l’esprit même de la décentralisation.
Ensuite, alors que ce quinquennat devait marquer une rupture, les lois MAPTAM et NOTRe sont venues amplifier ce mouvement de dévitalisation de l’échelon communal, en vue de parvenir à l’effacement et à la disparition des communes.
Notre groupe est le seul groupe parlementaire à avoir conservé une position cohérente de défense des communes comme lieux vivants de la démocratie, en se prononçant pour des EPCI librement choisis, fondés sur des projets communs et partagés.
Ainsi, alors que, pour notre part, nous avons combattu toutes ces lois, le groupe Les Républicains a voté la loi MAPTAM, la loi NOTRe et, bien entendu, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui visaient clairement la réduction de la dépense publique et le transfert des services publics au secteur privé. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Le programme de François Fillon témoigne de cette logique libérale, puisqu’il promet une baisse de la dépense publique de l’ordre de 100 milliards d’euros, dont la moitié serait supportée par l’État et les collectivités territoriales.
M. Bruno Sido. En cinq ans !
M. Bernard Vera. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un champ d’application bien réduit. Elle ne concerne que les communautés de communes, ignorant les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles. Elle ne s’adresse ainsi qu’aux territoires ruraux, alors que la problématique est identique en milieu urbain.
Le positionnement adopté aujourd'hui par le groupe Les Républicains indique clairement que nous sommes entrés en campagne pour les élections sénatoriales. Redonner du pouvoir aux collectivités locales exige en premier lieu de leur donner les moyens d’assumer leurs compétences dans de bonnes conditions. Or la baisse généralisée des dotations a rendu la tâche particulièrement ardue pour les communes. Pour notre part, nous proposons de mettre fin à cette asphyxie financière.
Sur le fond, nous partageons la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi. La commune doit rester compétente en matière d’eau et d’assainissement, charge à elle de déléguer cette compétence si elle le souhaite, par une démarche librement consentie.
Nous voyons en outre dans la marche forcée vers des intercommunalités de taille géante, absorbant l’ensemble des compétences communales, une démarche antidémocratique et contre-productive, puisqu’elle éloigne les lieux de pouvoir de nos concitoyens. Or le contrôle de la qualité du service public de l’eau et de l’assainissement doit pouvoir être exercé par nos concitoyens, au plus proche des réalités.
Nous voyons également dans ce transfert obligatoire un manque d’efficacité évident. Il faut laisser aux communes la souplesse de pouvoir s’associer librement au niveau du bassin hydrique, sans multiplier les transferts de compétences en cascade, qui, de plus, rendent totalement illisible l’action publique.
Par ailleurs, nous craignons que ces regroupements engagent un accroissement des délégations de service public, alors même que nous observons un important mouvement en faveur d’un retour à une maîtrise publique des services de l’eau et de l’assainissement.
Les régies publiques disposent d’un incontestable savoir-faire dans la défense de l’intérêt public et pour garantir aux usagers des prix accessibles pour tous, la plupart d’entre elles appliquant une tarification graduée.
Tout bouleversement institutionnel autoritaire aiguisera les velléités du secteur privé de reprendre des marchés, avec les risques d’augmentation du prix de l’eau que cela induirait. Il ne s’agit pas d’un enjeu mineur, car le budget cumulé des syndicats de l’eau atteindrait près de 18 milliards d’euros.
Ces transferts de compétences obligatoires rebattent donc les cartes au détriment de l’intérêt public et des usagers.
Pour notre part, nous considérons qu’il convient de faire confiance aux élus locaux pour atteindre une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont la charge.
Les communes doivent conserver leur liberté d’appréciation en matière de transferts de leurs compétences et de regroupements, ceux-ci devant être fondés sur des projets partagés. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. « Nous n’avons pas été bons sur la réforme territoriale » : madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun ici se rappelle cette déclaration de Marylise Lebranchu ! (Mme Sophie Joissains applaudit.)
Monsieur le ministre, vous n’avez d’ailleurs pas voté la loi NOTRe. Le présent texte est la preuve que vous avez eu raison de ne pas le faire. Il s’ajoute à la liste des rustines – il doit bien s’agir de la septième ou de la huitième ! – que le Sénat a tenté de coller, parfois avec succès, sur cette fameuse loi NOTRe.
Cette proposition de loi devait être suivi d’une autre portant sur la territorialisation des compétences des intercommunalités, suscitée par l’émergence inattendue d’intercommunalités rurales « XXL », qui a posé des problèmes tels qu’il m’étonnerait que l’on puisse les régler par quelques ajustements, d’où peut-être le retrait de notre ordre du jour du texte en question…
Quoi qu’il en soit, le problème de fond demeure, et j’imagine mal comment le prochain gouvernement, quel qu’il soit, pourra faire semblant de ne pas le voir. Que faut-il faire de la loi NOTRe et, accessoirement, de la loi MATPAM, au regard de leurs résultats sur le terrain, et plus encore peut-être de ceux à venir ? Faut-il remettre tout à plat,…
Mme Colette Mélot. Certainement pas !
M. Pierre-Yves Collombat. … au risque d’ajouter encore à la confusion et de retarder un peu plus encore la remise en route administrative du pays, ce qui ne semble pas être la position dominante ? Faut-il, au contraire, continuer à composer, au risque de perpétuer ce tombeau bureaucratique de la démocratie locale ?
Ma conviction est que l’on ne pourra faire l’économie d’un réexamen de textes dont on n’a pas encore pu mesurer la dangerosité, parce qu’ils sont trop récents pour avoir été suffisamment mis en pratique.
Ainsi, pour moi, il est impératif d’arrêter la prolifération des métropoles et le processus de leur transformation en communes dès lors que les conseillers métropolitains seront élus directement par la population.
Il est également impératif d’arrêter la vampirisation des départements par les métropoles, ce qui pose la question du mode d’exercice des compétences départementales par ces dernières : délégation ou transfert définitif ?
Il est impératif aussi, si l’on entend redynamiser les communes rurales, les villes petites et moyennes, de redonner aux départements les moyens légaux et financiers d’assumer la « solidarité territoriale » dont ils ont déjà en principe la charge.
Quant aux intercommunalités issues de la loi NOTRe, il faudrait au minimum continuer à prévoir des assouplissements en termes de compétences obligatoirement transférées et de représentation des communes. Il faudrait aussi, pour redonner sa place à la négociation locale, améliorer l’articulation entre communautés et syndicats, ce qui suppose que l’on renonce à l’objectif d’une réduction massive a priori du nombre de ces syndicats.
Enfin, s’agissant des intercommunalités « XXL », il paraît difficile d’échapper à une remise à plat de leur mode de constitution et de leur fonctionnement. On risquerait autrement de voir émerger des formes d’organisation n’ayant plus grand-chose à voir avec la démocratie. Je pense à ce qu’il restera de celle-ci avec des conseils pléthoriques et la délégation systématique des choix réels à des cénacles choisis, quand ce n’est pas à la bureaucratie communautaire !
S’agissant du présent texte, il est bien évident que le RDSE le votera, parce qu’il correspond à sa philosophie de l’intercommunalité, qui doit être essentiellement assise sur le volontariat, parce qu’il permettra de mieux coller au terrain.
S’il existe des intercommunalités, communautés de communes et aussi communautés d’agglomération, dont la ressource en eau et son traitement dépendent obligatoirement d’actions coordonnées et de financements collectifs, il en est d’autres, probablement encore plus nombreuses depuis la mise en application de la loi NOTRe, pour lesquels ce n’est absolument pas le cas. Des solutions y ont été trouvées depuis longtemps, au niveau local – communal ou syndical –, pour un coût qui n’est pas supérieur, loin de là, à celui que l’on constate pour des structures beaucoup plus grosses et où la gestion est souvent concédée.
Pourquoi mettre à mal un mode de gestion qui donne satisfaction ? Parce que l’avenir est aux grandes organisations, nous susurrent les zélotes de la modernisation libérale… Ils se trompent : l’avenir est à la coopération volontaire, seule capable de mobiliser initiatives et volontés, et de permettre l’émergence d’un idéal civique, cet idéal civique perdu dans le sable des modernisations ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Sophie Joissains. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier François Zocchetto d’avoir été, avec Bruno Retailleau, à l’origine de ce texte. On a le sentiment que la voix des communes a été entendue.
Jusqu’à présent, les communes membres d’une communauté de communes pouvaient ou non choisir d’opérer ce transfert de compétences selon un critère totalement ignoré par les lois NOTRe et MAPTAM : le critère optionnel, le critère du choix, choix bien évidemment sous-tendu par l’intérêt général des habitants.
Sur le plan constitutionnel, ce critère trouve sa traduction, à l’article 72, alinéa 2, de notre loi fondamentale, sous le terme de principe de subsidiarité. Là encore, il a été superbement ignoré par les lois précitées.
Bon sens, pragmatisme, arguments d’essence girondine battus en brèche par l’esprit aveugle et monolithique d’une rationalisation jacobine. Il y aurait beaucoup à dire, mais je ne dispose que de trois minutes…
Dans le cas qui nous occupe, celui des communautés de communes, les compétences « eau » et « assainissement » s’exercent le plus souvent au sein de zones rurales au peuplement irrégulier, où les communes ont organisé ces services à faible coût.
L’augmentation du prix de l’eau dans les communes qui ont privatisé ces services est impressionnante. Il a parfois doublé ou triplé. Les premiers bénéficiaires de ces hausses sont souvent les prestataires.
Ces communes, souvent peuplées d’agriculteurs dont nous connaissons les graves difficultés, sont pauvres pour la plupart d’entre elles. Les obliger à opérer ce transfert de compétences serait les contraindre de manière inacceptable. Les transferts autoritaires des compétences communales prévus par les lois NOTRe et MAPTAM n’ont tenu compte ni de l’existant ni de l’opinion des maires et des élus communaux. Pourquoi détruire ce qui fonctionne pour construire de l’aléatoire ?
Les maires et les élus communaux, parfois les élus départementaux, sont pourtant les plus à même de connaître intimement et profondément les besoins et les problèmes de leur population. Quand ils s’opposent à des dispositions, comme c’est ici le cas, ils anticipent les risques à venir. Les écouter et leur laisser le choix est une nécessité de territoire.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent, disent-ils, conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale. Le citoyen doit être entendu. C’est par le maire et les élus municipaux qu’il l’est le mieux. C’est dans une politique municipale qu’il s’investit. Peu de citoyens connaissent les élus des autres institutions ou collectivités. Ne parlons pas des élus communautaires ou, pire, métropolitains.
Comme le soulignait Bruno Retailleau, la confrontation dans les politiques locales est essentielle. Selon lui, « l’élu doit être à portée d’engueulade » !
C’est pourquoi j’aurais souhaité que le champ d’application de cette proposition de loi soit plus large et touche l’ensemble des communes, qu’elles soient membres d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine, voire d’une métropole.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
Mme Sophie Joissains. Nous voyons ce qu’il se passe avec les métropoles de Paris et de Marseille : l’une est au point mort, l’autre connaît de graves difficultés budgétaires !
Pour l’heure, il s’agit d’aider des communes mises en très grande difficulté par la rigidité de la loi NOTRe. Je voterai évidemment en faveur de cette proposition de loi, tout comme la majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – M. Bernard Vera applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, quand le groupe écologiste inscrit à notre ordre du jour une proposition de loi dont l’objet est l’effectivité du droit à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, il est accusé par la droite sénatoriale de manœuvre électorale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Eu égard au procès d’intention qui nous a été fait hier, que rétorquer aujourd’hui à cette même droite sénatoriale lorsqu’elle propose un texte d’affichage sur le thème de l’eau ? Il est évident que la présente proposition de loi envoie un message clair aux élus locaux, autrement dit aux grands électeurs, à l’approche du renouvellement partiel de notre assemblée, au mois de septembre prochain…
En effet, avec cette proposition de loi, vous vous targuez, mes chers collègues, de revenir sur la réforme du bloc communal, en écartant le caractère obligatoire du transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement des communes aux communautés de communes dont elles sont membres. C’est d’autant plus étonnant que, en décembre, un orateur de la droite sénatoriale a motivé son refus de voter en faveur de notre proposition de résolution sur l’eau au nom précisément de la gestion par l’intercommunalité ! Que faut-il comprendre ?…
Vous entendez aujourd'hui remettre en cause une partie de la loi NOTRe du 7 août 2015, autrement dit vous souhaitez « détricoter » la nouvelle organisation territoriale de notre République. Cela revient à renier un an de débats parlementaires, répartis en deux lectures, à renier le compromis trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Il n’était pas évident de parvenir à un tel compromis. En ce sens, l’exemple de la compétence « eau » est particulièrement édifiant. En effet, le régime juridique est issu d’un accord entre le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Olivier Dussopt, du groupe socialiste, et le rapporteur du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, du groupe Les Républicains. Le remettre ainsi en cause n’a de sens ni du point de vue politique ni du point de vue de la légitimité du travail parlementaire.
Sur le fond, votre proposition de loi tend à écarter le caractère obligatoire, à compter du 1er janvier 2020, du transfert des compétences des communes en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes dont elles sont membres. Nous comprenons que cette modification des compétences communales interpelle les élus locaux. Toutefois, n’oublions pas qu’il faut parfois forcer le destin pour obtenir des évolutions souhaitables de notre droit positif.
En effet, rétablir la liberté, pour les communes, de transférer ou non certaines de leurs compétences ne nous paraît pas opportun. D’une part, cela induirait un manque de cohérence juridique d’un territoire à l’autre. D’autre part, le niveau de l’intercommunalité nous paraît le plus adapté pour gérer les compétences « eau » et « assainissement », et ce à plusieurs égards.
Tout d’abord, mutualiser la gestion de ces deux compétences au niveau des communautés de communes permet, par définition, de réaliser des économies d’échelle. Ces dernières sont bienvenues quand on sait les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales – il en a longuement été question hier –, du fait en particulier de la baisse constante des dotations de l’État.
Pragmatiquement, cela permet aussi une simplification dans la gestion ; pragmatisme et simplification, notions que vous avez ardemment défendues au sein de cet hémicycle pas plus tard que mardi dernier.
Dans le même ordre d’idées, il ne faut pas oublier que l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » coûte cher et peut constituer un véritable poids pour les petites communes. Ces dernières ne sont alors pas en mesure de gérer directement en régie ces services publics et sont souvent contraintes de les déléguer à des entreprises privées. Celles-ci, très souvent guidées par un objectif de rentabilité, ne sont pas les acteurs les plus à même, selon nous, d’assurer une mission d’intérêt général.
Surtout, la conséquence de la délégation de service public, pour les collectivités, est double : premièrement, le recours au privé coûte cher aux communes et aux habitants, qui voient leurs factures augmenter ; deuxièmement, on dépossède les élus locaux de leur capacité de mise en œuvre et de gestion d’un service public fondamental. Ainsi, la mutualisation à l’échelle intercommunale permettrait de pallier ces difficultés.
Enfin, retenir le niveau de l’intercommunalité est également avantageux du point de vue de l’usager. En effet, comme l’a souligné M. le ministre, le prix de l’eau varie d’une commune à une autre. La mutualisation à l’échelle intercommunale, en plus de diminuer les coûts de gestion, entraînera un rééquilibrage des tarifications, et donc des factures d’eau.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. En augmentation !
M. Jean Desessard. Pour le groupe écologiste, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes est le fruit d’un compromis politique auquel la droite sénatoriale a contribué et qui présente à terme des avantages pour les communes et leurs gestionnaires comme pour les usagers de ces services publics. C’est pourquoi nous ne soutenons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut être clair : la loi NOTRe a été adoptée par la majorité du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je l’ai moi-même votée et j’y suis très attaché.
Cette loi, bien sûr, a donné lieu à des critiques, mais elle comporte des avancées très importantes.
Vous voyant parmi nous, monsieur le ministre, je me remémore la loi relative à l’administration territoriale de la République, dite ATR, que nous avions, voilà quelque temps, défendue ensemble.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a rien à voir ; elle était bien, celle-là !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me souviens aussi, cher Pierre-Yves Collombat, que nous avions défendu, au Sénat, les communautés de communes face aux nombreuses critiques d’élus et de parlementaires nous disant que nous allions détruire les communes…
M. Pierre-Yves Collombat. On ne parle pas de la même chose ! Cette intercommunalité était volontaire !
M. Jean-Pierre Sueur. … et que le nouveau dispositif serait imposé. Or tout le monde le voit bien, ici, l’intercommunalité était et reste une nécessité, à condition qu’elle soit au service des communes et indissociable de celles-ci,…
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur. … ces communes auxquelles nous tenons, monsieur Joyandet !
Cela est clair, et je suis tout à fait en accord avec l’une des idées principales contenues dans la loi NOTRe : organiser le territoire au moyen de structures qui soient à la hauteur des enjeux.
Il est vrai que les métropoles – nous avons eu ce débat, n’y revenons pas ! – doivent donner à un certain nombre de sites urbains la capacité et la force nécessaire pour répondre aux enjeux.
Dans le monde rural et dans celui des petites et moyennes communes, nous devons aussi avoir, par exemple dans le domaine économique, des structures à la hauteur des enjeux. Parce que les agglomérations s’organisent, il faut également que le monde rural et celui des petites et moyennes communes fassent de même. Cela crée des difficultés ; j’en discutais justement aujourd’hui avec des élus de mon département venus nous rendre visite au Sénat.
Il est vrai que cela n’est pas facile. Mais nous avons eu raison, cher Jean-Michel Baylet, de défendre les communautés de communes. Je crois que nous avons raison, aussi, de défendre cette nouvelle organisation du territoire, que l’on jugera dans cinq, dix ou quinze ans, mais que l’on ne peut pas juger dès à présent.
Cela étant dit, mes chers collègues, je veux en revenir aux conditions dans lesquelles s’est déroulée la commission mixte paritaire sur la loi NOTRe, à laquelle j’ai participé aux côtés de plusieurs d’entre vous.
Il est clair qu’un compromis a été conclu, ce dont je suis très satisfait. Si celui-ci n’avait pas eu lieu, la loi NOTRe serait en effet rédigée dans la version de l’Assemblée nationale, avec les conséquences y afférentes dans tout le pays.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi le Sénat a fait œuvre utile. Mais c’était un compromis, et tous les points de celui-ci ne sont pas de nature telle qu’ils devraient devenir immuables.
Ce n’est pas se dédire que d’affiner une loi, que de peaufiner un texte pour tenir compte de la réalité. Je vous le dis très franchement, lorsque nos amis députés ont voté la compétence unique « eau et assainissement » pour 2018, j’ai trouvé cela totalement irréaliste.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Le compromis a permis de retenir la date de 2020. Comme je l’avais dit à un certain nombre d’élus, j’étais à peu près persuadé qu’une loi serait adoptée pour retarder cette échéance. Une solution, justement, eût été de repousser le délai ; nos collègues proposent de rendre ce transfert de compétences optionnel.
Pourquoi notre groupe est-il en accord avec la présente proposition de loi ?
Je vais vous le dire, Jean-Michel Baylet, ce n’est pas que nous soyons opposés à vos propos ! Mais notre quotidien en tant que sénateurs consiste à la fois à être au Sénat et à parcourir les communes, les villes et les villages, au plus près de la réalité.
Or la réalité, que je n’invente pas – il faut savoir écouter, mes chers collègues ! –, est la suivante : depuis le 1er janvier dernier, les communautés de communes sont beaucoup plus importantes, et je défends ce changement.
Imaginez une communauté de communes créée le 1er janvier 2017, qui regroupe 30 ou 40 communes. Parmi celles-ci, les unes fonctionnent en régie, les autres confient une délégation de service public à une, deux ou trois entreprises, certaines ont une société d’économie mixte et d’autres un syndicat, dont les compétences dépassent les limites de cette communauté. C’est cela la réalité !
M. Michel Canevet. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Cette réalité existait déjà il y a deux ans !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous ai bien entendu et je respecte ce que vous avez dit, monsieur Desessard !
Comment faire pour réaliser toutes les études et mener à bien toutes les procédures en deux ans, dans de bonnes conditions, afin de mettre en place ce qui est la solution idéale : un dispositif unique, avec le même prix payé par tous ? Nous n’y parviendrons pas, sinon à marche forcée, dans ce délai de deux ans.
Je vous le dis franchement, je crains que les sociétés bénéficiant d’une délégation de service public, qui font leur travail, ont des capacités d’expertise et emploient un nombre considérable de juristes, ne fassent en sorte de suggérer telle ou telle solution à des élus qui, eux, ne disposeraient pas de toute l’expertise nécessaire pour mener à bien cette tâche dans de bonnes conditions. Cela me fait penser au débat sur le plan local d’urbanisme, le PLU, et le plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI.
Nous avons été nombreux à dire que le PLUI était incontestablement une bonne idée. Mais pour le réaliser dans de bonnes conditions, il faut prendre un certain temps et faire preuve de pragmatisme.
Nous ne renions pas la loi NOTRe, mais nous disons qu’elle n’est pas un monument tel qu’on ne puisse l’améliorer. Nous proposons simplement, sur un point précis, de tenir compte de la réalité, car je vous assure que, avec les nouvelles communautés de communes, le délai est intenable, sauf à travailler dans de mauvaises conditions !
L’Assemblée nationale examinera cette proposition de loi dans quelque temps. Nous pensons, pour notre part, qu’elle constitue une réponse positive à une situation de fait.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi notre groupe la votera, sans nullement renier les grands objectifs de la loi NOTRe, mais avec le souci du pragmatisme et de l’écoute attentive des élus locaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Yves Daudigny. Très bonne position !
Mme Éliane Assassi. C’est extraordinaire…
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat est très intéressant, et je reconnais bien là le travail du Sénat.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, prévoit que les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement seront obligatoirement transférées des communes aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.
Aujourd’hui, en droit positif, l’eau et l’assainissement constituent pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération des compétences optionnelles, à la différence des communautés urbaines et des métropoles, pour lesquelles elles sont obligatoires.
En pratique, la gestion de ces services publics est assurée par les communes dans plus de 73 % des cas concernant l’eau potable, 88 % concernant l’assainissement collectif et 53 % concernant l’assainissement non collectif.
Cet état des lieux explique, pour partie, la très forte opposition des élus locaux à ces nouveaux transferts de compétences obligatoires. Ceux-ci craignent surtout, de façon fondée et justifiée, que ces transferts n’aboutissent à une augmentation des coûts de fonctionnement des services concernés et, in fine, à une augmentation du coût pour les usagers.
Je ne vois pas, monsieur le ministre, pourquoi l’eau ne pourrait pas avoir un coût différent selon les communes, quand celles-ci sont gérées différemment. Où sont, monsieur Desessard, les économies d’échelle ? Sur le terrain, on ne les constate pas.
À l’heure actuelle, dans de nombreuses communes, les services relatifs à l’eau et à l’assainissement sont financièrement gérés avec une très grande frugalité. Dans nos communes rurales, ils sont assurés de façon bénévole ou quasi bénévole par des élus municipaux, ainsi que par des agents communaux polyvalents ou à temps non complet. Or la prise en charge systématisée de l’eau et de l’assainissement par les communautés de communes et les communautés d’agglomération impliquera nécessairement la mise en place de services intercommunaux, avec le recrutement de personnels et, par là même, l’engagement de nouvelles dépenses de fonctionnement importantes.
Dans le même ordre d’idée, le contexte financier et budgétaire étant extrêmement contraint, et conjugué à toutes les obligations anciennes ou récentes qu’elles doivent déjà assumer, les intercommunalités ne sont pas toutes en mesure d’assumer de façon satisfaisante la gestion des services de l’eau et de l’assainissement. Bien au contraire, ces nouveaux transferts de compétences à marche forcée – cette expression a été prononcée précédemment ! – risqueraient de déstabiliser fortement une organisation territoriale qui est, dans l’ensemble, satisfaisante, mais également économe en fonctionnement.
Parallèlement, le principe de subsidiarité, consacré par le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution française, impose aux pouvoirs publics et, en premier lieu, à l’État, de laisser le soin aux élus locaux de déterminer librement quel est le niveau territorial le plus pertinent ou le plus à même de mener au mieux une mission de service public, avec la plus grande efficience fonctionnelle ainsi que financière. C’est inscrit dans la Constitution !
Aussi, pour toutes ces raisons, il ne semble pas pertinent de devoir imposer un seul et même modèle d’organisation dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mais plutôt de faire confiance à l’intelligence des élus locaux, afin qu’ils s’organisent de la façon qui leur semblera la plus adaptée pour leur territoire.
C’est pourquoi il est préférable que ces compétences relèvent des communes et qu’elles redeviennent optionnelles, et surtout pas obligatoires. C’était d’ailleurs la position que le Sénat avait adoptée lors de l’examen en première et en deuxième lectures. Jean-Pierre Sueur l’a rappelé, c’est la commission mixte paritaire qui a abouti à ce compromis et à des dispositions dont certains d’entre nous ont regretté l’adoption. Je pense ainsi au seuil de 15 000 habitants pour les communautés de communes, qui provoque des drames dans certains départements ruraux, y compris le mien.
Nous avons toujours eu l’intention, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire, de revenir devant le Sénat pour corriger ici ou là telle disposition qui entraîne un problème sur le terrain.
J’y insiste, il est tout à fait normal que le Sénat, sans renier la loi NOTRe, que nous avons votée, veuille corriger à la marge un certain nombre d’excès, ressentis comme tels sur le terrain.
Pour terminer de façon plus générale sur l’intercommunalité, il est évidemment indispensable de mutualiser les énergies – je ne reviens pas sur cette évidence ! – et d’optimiser les dépenses publiques de chaque territoire.
Néanmoins, mes chers collègues, soyons vigilants à ce que tous les bienfaits apportés par les communes à notre pays, et qui lui donnent son « âme », ne disparaissent pas avec le développement d’une intercommunalité de plus en plus grande et intégrée, génératrice d’économies et d’efficacité, lesquelles restent d’ailleurs encore à démontrer.
De la même manière, n’oublions pas que l’intercommunalité doit être exclusivement au service des communes, j’y insiste, (Mme Sophie Joissains applaudit.) et qu’elle doit garantir leur liberté.
Enfin, n’oublions jamais que la proximité est une condition de la réussite de la vie en société et que c’est dans « la commune que réside la force des peuples libres » et que « si le pouvoir vient d’en haut, la confiance vient d’en bas ».
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Joyandet. Je considère, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, que nous avons – la droite et la gauche y ont participé – beaucoup compliqué la tâche des élus locaux. Nous avons malmené nos territoires et nos communes. Alors même que nous avons besoin de croissance, beaucoup d’initiatives et d’investissements sont ainsi paralysés par les nouveaux redécoupages, imposés, de communautés de communes, par les transferts, également imposés, de compétences.
On a parlé des PLUI. Nos maires, notamment de petites communes, n’en peuvent plus. Il est urgent de les laisser décider eux-mêmes de leur destin et, si possible, de leur donner un peu de liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment vous convaincre en trois minutes de ne pas voter cette proposition de loi ?
La première raison tient à la crédibilité de la loi et du législateur.
Comment justifier la modification de la loi du 7 août 2015 à peine un an et demi après son adoption ?
M. Jean Desessard. Bravo ! Très bonne question !
M. Philippe Bonnecarrère. C’est une mauvaise besogne, après avoir déjà, à l’article 18-1 de la loi Montagne, vidé de sa substance le transfert de la compétence tourisme et après avoir tenté de faire de même voilà quelques mois, entre départements et régions, pour la compétence transports scolaires.
Je le dis au risque de répéter des propos tenus précédemment, soit vous laissez vivre la loi NOTRe, soit il convenait de ne pas la voter.
La deuxième raison tient à la cohérence de la loi.
La montée en puissance des compétences des intercommunalités ne doit rien au hasard. Elle répond à la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, qui a donné aux métropoles les moyens politiques correspondant à leur poids économique et démographique. Elle répond, aussi, à la loi concernant le regroupement des régions.
Les intercommunalités ont besoin de se renforcer au moment de la montée en puissance des métropoles et des grandes régions. Ou alors trouvez une autre cohérence et proposez la suppression des métropoles et des grandes régions !
La troisième raison tient à la prévisibilité de la loi.
Depuis dix-huit mois, nos collègues savent que les transferts des compétences « eau » et « assainissement » doivent être organisés avant le 1er janvier 2020.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
Mme Marie-France Beaufils. C’est faux !
M. Philippe Bonnecarrère. Ces transferts s’organisent et se préparent, ne dites pas le contraire ! Dans votre département, le secteur évoqué n’est pas concerné, monsieur le rapporteur ! Quel est l’intérêt de semer le doute et de dire qu’il faut tout arrêter parce que la loi pourrait changer ? Ce texte est, me semble-t-il, contre-productif !
La quatrième raison tient à l’intérêt des collectivités locales.
Le fond de la présente proposition de loi laisse penser qu’il y a une concurrence entre les communes et les intercommunalités et que le caractère obligatoire des nouvelles compétences représenterait un risque pour l’échelon communal.
Sous couvert du sauvetage du soldat communal, n’affaiblissez pas son meilleur rempart, l’intercommunalité !
L’élu intercommunal, vous le savez, mes chers collègues, est d’abord un élu communal. Le bloc local – la commune alliée à son intercommunalité – doit être renforcé pour trouver sa place dans le nouvel ordre régional et métropolitain. Tel est le véritable enjeu, que nos territoires soient urbains, périurbains ou ruraux.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Bonnecarrère. J’en viens à ma conclusion, madame la présidente.
Accessoirement, mais ce serait un autre débat, je crois que les agences de l’eau seraient les premières à se réjouir du vote à venir, dans la mesure où elles préparent une recentralisation, face à laquelle la meilleure réponse serait, à mon sens, la responsabilité des intercommunalités. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. Daniel Laurent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, je me félicite que le Sénat se soit saisi de la présente question en cette fin de session, avec l’examen de la proposition de loi visant à maintenir les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, qui sera, je le souhaite, complétée par l’adoption de l’amendement de notre collègue Alain Joyandet tendant à élargir ce texte aux communautés d’agglomération ; j’y souscris totalement.
Malgré un calendrier progressif, les compétences « eau » et « assainissement » seront attribuées obligatoirement aux communautés de communes et d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.
Pour répondre à ce qui vient d’être dit, je trouve qu’il est intelligent d’amender une loi quand on se rend compte qu’elle ne correspond pas ou n’est pas adaptée aux besoins des communes.
Je souhaite m’attarder sur la question prégnante de la gestion des eaux pluviales urbaines, qui n’a jamais été abordée dans les débats, sauf par vous, monsieur le ministre, dans votre propos introductif. Et pour cause, c’est une note de la Direction générale des collectivités locales du 13 juillet 2016 qui est venue préciser les contours des compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mentionnant que la compétence assainissement incluait la gestion des eaux pluviales.
Le Conseil d’État, dans une décision du 4 décembre 2013, assimile la gestion des eaux pluviales à un service public relevant de la compétence « assainissement ». Ainsi, il n’y a pas de distinction selon le mode d’exercice de la compétence « assainissement », qu’elle s’exerce à titre optionnel ou obligatoire. Cela me conduit à confirmer que le transfert obligatoire aux EPCI du bloc « assainissement » est inapproprié : les collectivités n’y sont pas prêtes.
Cela est d’autant plus vrai que, avec le transfert de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », la GEMAPI, aux EPCI au 1er janvier 2018 – sujet fort complexe ! –, il eût été pertinent de disposer d’un retour d’expérience avant d’ajouter obligatoirement l’assainissement et les eaux pluviales.
Rappelons que le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » n’était pas prévu dans le texte initial. Il a été introduit par le Gouvernement, sans évaluation préalable des effets au niveau local ni concertation. Aucune étude d’impact n’a été réalisée pour déterminer les enjeux et les conséquences d’un tel transfert, pas plus que sur l’organisation, le fonctionnement, le prix de l’eau ou la gouvernance locale.
Nous avions été nombreux sur ces travées à nous opposer à ce transfert imposé, augurant qu’il n’apporterait aucune amélioration en termes d’organisation, mais plutôt une désorganisation des structures, une inégalité territoriale, une gestion de l’eau et de l’assainissement hétérogène à l’intérieur d’un même périmètre.
Plutôt que de faire confiance aux élus pour décider de l’organisation la mieux adaptée aux enjeux et contraintes qu’ils rencontrent dans leurs territoires, le Gouvernement a imposé une fois de plus un modèle unique.
Si, sur certains territoires, le transfert des compétences peut s’avérer pertinent, cela ne peut être une généralité territoriale.
Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » fait fi des réalités et paramètres locaux, des infrastructures existantes, des moyens d’exploitation des services, des volontés politiques locales, et ne peut qu’entraîner des complexifications administratives, avec un impact sur les coûts, à la charge des usagers.
Dans un contexte budgétaire contraint et avec la mise en place de nouveaux transferts de compétences, les collectivités ne pourront assumer ce transfert ou n’auront pas les capacités de le faire.
Je souhaite citer mon département en exemple. Depuis 1952, un syndicat regroupe 463 des 469 communes de Charente-Maritime, acteur majeur dans le domaine de l’eau, véritable service départemental de l’eau. Son fonctionnement a pour principe la mutualisation des ressources en eau interconnectées, des moyens techniques d’exploitation, des ouvrages de production et de distribution, et la péréquation du prix de l’eau à l’échelle départementale.
En Charente-Maritime, le partage de l’eau entre usages domestiques, agricoles, ostréicoles et touristiques est très complexe. Cette gestion mutualisée permet une solidarité intégrale des territoires ruraux, urbains et littoraux.
Dans sa rédaction actuelle, la loi NOTRe pourrait favoriser le retrait des EPCI urbains denses au détriment des zones rurales et désorganiser les conditions d’approvisionnement en eau, les services d’exploitation et les secours réciproques entre territoires. Elle entraînerait également la multiplication inutile de points de vente d’eau en gros et une perte de réactivité en cas de crise climatique.
Plus globalement, l’alimentation en eau potable doit être réfléchie à l’échelle des bassins versants hydrographiques pour les eaux de surface ou de bassins d’alimentation hydrogéologique pour les eaux souterraines. Il est rare que les périmètres naturels correspondent aux limites administratives des EPCI à fiscalité propre.
Enfin, il conviendra d’être vigilant sur le respect du principe de représentation-substitution, qui permet de préserver les grands syndicats en cas de prise de compétence par un EPCI, même de façon optionnelle.
Si nous ne revenons pas sur ce transfert « obligatoire », nous allons, au mieux, déstabiliser des organisations qui fonctionnent très bien et doivent être consolidées au regard de leur rôle indispensable en termes de solidarité territoriale.
En tant que Néo-Aquitain, je suis bien entendu plus girondin que jacobin. Je soutiens qu’il faut faire confiance aux élus de proximité et leur laisser la gestion des compétences qu’ils sont les plus à même de réaliser dans leurs territoires – nous en avons la preuve tous les jours.
Je voterai donc en faveur du maintien de l’eau et de l’assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes ou d’agglomération. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes
Article unique
(Non modifié)
Le IV de l’article 64 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article unique.
M. Michel Savin. Je souhaite vous faire part du témoignage des élus des communes de mon département, lesquelles, situées en zone de montagne, sont confrontées à la problématique du transfert de la compétence « eau ». Les difficultés qu’elles rencontrent sont les suivantes.
Premièrement, ce transfert vers l’intercommunalité contribue à démanteler encore davantage les communes, ce que nous ne pouvons accepter.
Deuxièmement – je m’adresse en particulier à notre collègue Jean Desessard –, il met à la charge des usagers des coûts supplémentaires. Cette compétence est régulièrement exercée par un employé communal et, parfois, dans les toutes petites communes, par un élu.
Une commune qui dispose d’un ou deux agents communaux ne peut pas mettre à la disposition de l’intercommunalité ce personnel communal dans le cadre du transfert de la compétence « eau ». La structure intercommunale, en créant cette compétence, va donc augmenter le nombre d’agents, ce qui coûtera plus cher à la collectivité. (M. Alain Joyandet opine.)
Troisièmement, la problématique de l’eau n’est pas forcément compatible avec les périmètres des intercommunalités, lesquels sont gigantesques dans les zones de montagne.
Quatrièmement, en montagne, les compétences « eau » et « assainissement » répondent à des logiques de bassins, c’est-à-dire des logiques naturelles qui enferment les réseaux sans intérêt de maillage, et non dans des logiques administratives.
La proposition de loi est donc attendue dans les territoires où la mutualisation est impossible. J’ai rencontré des maires en zones de montagne qui sont aujourd’hui dans l’impossibilité de transférer la compétence « eau » vers l’intercommunalité, compte tenu de la distance qui existe entre certaines communes, de l’organisation des personnels, de la proximité et du service rendu aux populations. Ce texte est attendu par de nombreux élus, notamment en milieu rural.
C’est la raison pour laquelle je voterai pour ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article unique.
M. Yves Daudigny. Je précise qu’il n’y a pas d’élection sénatoriale prévue dans mon département cette année. Je voterai néanmoins cette proposition de loi. Vous voyez que l’intérêt électoral immédiat n’est pas en cause…
La situation du département de l’Aisne en matière d’eau et d’assainissement est le reflet de la très grande diversité des territoires de notre pays.
Au sud de l’Aisne, un très gros syndicat, l’Union des services d’eau du sud de l’Aisne, prélève de l’eau dans la Marne pour la distribuer à plus de 60 000 habitants, après l’avoir traitée bien sûr.
Dans le centre du département, une initiative ambitieuse est portée par la communauté de communes du Val de l’Aisne. Mais partout sur le territoire, de petits syndicats ou des syndicats de moyenne dimension, avec un très fort engagement des élus et, souvent, une part de bénévolat considérable, répondent à la demande des habitants.
Transférer aujourd’hui cette compétence à la communauté de communes entraînerait, comme le montrent les études sur la question, de fortes augmentations du prix de l’eau, sans apporter une amélioration du service. (M. Michel Savin opine.)
Je suis de ceux qui pensent que la mutualisation sur de larges périmètres représente certainement un avenir solide pour nos territoires, mais qu’elle doit, dans les conditions que nous connaissons, demeurer optionnelle. (M. Michel Savin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article unique.
M. Jean Desessard. Je soulignerai deux points.
Tout d’abord, ces problèmes étaient connus voilà deux ans. Je comprends ceux qui n’avaient pas voté la loi NOTRe à cette époque, car, précisément, ils en avaient connaissance de ces problèmes. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)
Comment travaille-t-on ? On vote un texte. Les groupes RDSE et CRC, ainsi que des membres du groupe Les Républicains et, certainement, du groupe socialiste étaient contre, mais la majorité d’entre nous était pour. Deux ans après, on remet tout en cause… Ce n’est pas sérieux !
M. Ladislas Poniatowski. Ce sont les retours de l’expérience du terrain !
M. Jean Desessard. J’ai bien compris que l’on proposait un rattrapage, et ce n’est pas cela que je critique. Mais on a tout de même voté il y a deux ans un texte contraignant. Vous saviez quelles seraient ces contraintes ! Or, une fois le texte adopté, vous nous dites que cela ne va pas aller !
M. Ladislas Poniatowski. On a le droit d’être intelligent !
M. Jean Desessard. Vous n’aviez pas le droit de ne pas l’être deux ans plus tôt !
Mme la présidente. Je vous demande, mes chers collègues, d’éviter les interpellations !
M. Jean Desessard. Je suis très surpris que vous soyez devenus aussi intelligents en deux ans ! Apparemment, vous n’aviez pas une bonne connaissance du terrain…
M. Jean Bizet. Cela peut arriver !
M. Jean Desessard. Vous avez dû avoir une formation accélérée, car, à l’époque, ces problèmes étaient déjà connus !
Monsieur Savin, vous connaissez certainement la question mieux que moi puisqu’il s’agit de votre territoire, mais j’ai du mal à comprendre pourquoi vos deux employés communaux ne peuvent pas être repris par l’intercommunalité. Celle-ci peut très bien décider de décentraliser la gestion en reprenant ces deux personnes.
M. Michel Savin. Ce n’est pas le seul problème !
M. Jean Desessard. Je ne vois comment cela peut conduire à une augmentation des frais, puisque ces deux personnes peuvent être employées.
M. Jean Bizet. Faites-nous confiance, monsieur Desessard !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Au-delà de la question de fond, que nous avons tous évoquée, je veux faire une réflexion de forme.
Il est assez singulier d’entendre, notamment de la bouche de M. le ministre et quelques autres collègues, que ce texte est politique, d’autant que, si j’ai bien entendu les différents orateurs des groupes, tout le monde s’apprête à le voter.
M. Jean Desessard. Pas tout le monde !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je veux tordre le cou à l’idée selon laquelle ce texte sort de nulle part, à l’approche des élections sénatoriales. C’est faire injure au travail du Sénat qui, je le rappelle, a mis en place depuis bientôt deux ans une mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, en particulier la loi NOTRe !
Avec Pierre-Yves Collombat, René Vandierendonck, Michel Mercier et de nombreux autres collègues de la commission des lois, nous nous sommes rendus dans presque tous les territoires. À chaque fois que nous sommes allés à la rencontre des élus, ce sujet a été abordé : ces derniers nous suppliaient de faire quelque chose pour le transfert des compétences « eau » et « assainissement ». Ce sujet ne sort pas du chapeau, nous ne l’avons pas inventé et nous n’intervenons pas pour faire plaisir.
Les positions qui ont été exprimées en témoignent, vous pouvez au moins nous donner quitus sur ce sujet ! L’argument d’absolue mauvaise foi, qui est savoureux et presque délicieux, est celui selon lequel nous sortirions ce texte le dernier jour de la session. Mais, pardonnez-moi de vous le dire, nous sommes en train de rendre les conclusions du rapport d’information, qui sont – je le pense – partagées sur toutes les travées.
Je le rappelle, pour tous les textes que l’on vient d’étudier – égalité réelle outre-mer, statut de Paris et aménagement métropolitain –, nombre de sujets sont sortis du chapeau au dernier moment. Faut-il s’interdire tout ajustement de dernière minute ? Il faut alors dire clairement que, une fois la loi votée, elle est gravée dans le marbre et nous ne devons surtout pas la corriger. Mais alors quid du rôle de contrôle du Sénat ? Cela ne sert plus à rien d’exercer ce rôle ! On ne touche plus aux lois adoptées, même si tous les élus des territoires nous disent qu’elles ne leur conviennent pas. Ce n’est pas grave, il ne faut absolument rien changer pour ne pas déjuger le travail des sénateurs… Je vous le dis, je trouve cela fort de café ! (Mme Sophie Joissains et M. Olivier Cigolotti applaudissent.)
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article unique.
M. Pierre-Yves Collombat. Sans allonger les débats, je veux dire que ce débat est surréaliste. Je crains que, au mois de juillet prochain, on ne devienne encore plus intelligent que maintenant ! (Sourires.) Je suis prêt à prendre le pari que ceux-là mêmes qui sont d’accord avec le texte aujourd’hui seront demain d’un avis complètement opposé. On passe son temps à revoir les textes : ce n’est ni nouveau ni infamant.
Sur le fond, je ne veux pas être blessant, mais il faut sortir des vingt arrondissements parisiens pour se rendre compte que les intercommunalités sont très différentes,…
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
M. Pierre-Yves Collombat. … y compris les communautés d’agglomération. Certaines sont très agglomérées et urbanisées, tandis que, dans d’autres, la question des compétences « eau » et « assainissement » a été réglée depuis longtemps, à la satisfaction générale.
Quant à l’argument du bénéfice à attendre des grandes organisations, il est parfois vrai, mais parfois faux. Je prendrai l’exemple de ma commune, qui a intégré, parce que je l’ai voulu – c’est pourtant une commune rurale, ce qui montre que je ne suis pas allergique à cette solution ! –, une communauté d’agglomération. La compétence enlèvement des ordures ménagères était obligatoire, ce qui a entraîné un doublement de la taxe dans ma commune !
Notre collègue a raison : c’est au cas par cas qu’il faut raisonner. Pour cela, il faut laisser aux communes la liberté de choisir la solution qui leur convient le mieux !
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article unique.
M. Daniel Gremillet. Cette proposition de loi est vraiment un texte pour les territoires. Ici, nous sommes au Sénat, qui représente justement ces territoires. Nous sommes dans une posture non pas d’échéance politique, mais d’écoute des territoires. Si effectivement le bon sens l’emporte, cela signifie qu’il faut revenir à la proximité, aux réalités de terrain, à la faisabilité.
Je suis d’autant plus à l’aise pour évoquer cette question que j’ai voté contre la loi NOTRe, notamment en raison de la dimension trop importante des structures intercommunales qui éloigne et déresponsabilise. Mais le débat ne se situe pas là aujourd’hui. Ces structures sont en marche, en route. Elles se sont organisées, mais certains domaines ne le sont pas, dont celui que nous évoquons aujourd’hui. Cela nous laisse la possibilité, si l’on est à l’écoute des territoires, de corriger le tir.
Quel est le problème, sinon de laisser la liberté aux acteurs des territoires de jouer l’efficacité ? Je ne voudrais pas que le Sénat décourage ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps. Nous sommes tous sur le terrain, quelles que soient nos sensibilités politiques, et nous savons combien de personnes, dans les équipes municipales et les syndicats, consacrent de leur temps à la gestion de l’eau et ne coûtent presque rien : c’est du bénévolat ! C’est le premier point que je voulais aborder.
Par ailleurs, je veux évoquer la règle économique.
Je le dis toujours, en économie, il faut boxer dans sa catégorie. Dans certains territoires, on peut répondre aux besoins en termes de qualité d’eau et de service rendu aux milieux ruraux, sans que, pour autant, les coûts soient astronomiques, c’est-à-dire que l’on a à la fois la proximité et le service rendu aux citoyens. C’est donc une loi de bon sens, qui responsabilise les acteurs des territoires. Je reviendrai tout à l’heure sur l’amendement de M. Joyandet, qui s’inscrit dans cette logique de proximité et de responsabilité.
Quelle que soit notre sensibilité politique, cette loi est très attendue sur le terrain.
M. Jean Bizet. Très juste !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, sur l’article unique.
M. Alain Vasselle. Je suis d’autant plus à l’aise pour intervenir sur cette proposition de loi que je n’étais pas encore redevenu sénateur lorsque la loi NOTRe a été soumise à l’examen de notre assemblée. D’ailleurs, si j’avais été présent, je pense que je ne l’aurais pas votée.
Cela étant dit, je veux attirer l’attention de nos collègues sur quelques points, en précisant au préalable que je fais miennes les trois dernières interventions, car elles sont pertinentes et inspirées par le bon sens et la sagesse du Sénat.
Il me semble que notre assemblée, dans sa sagesse, devrait suivre la proposition faite dans l’amendement de M. Joyandet. J’ai cru comprendre que notre rapporteur n’était pas totalement indifférent à cette proposition, même si, pour sa part, la commission des lois a émis un avis négatif à une courte majorité.
Je veux faire deux remarques.
Premièrement, il ne faut pas oublier que les périmètres des bassins versants en ce qui concerne l’eau ne correspondent pas systématiquement à ceux des intercommunalités.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Deuxièmement – je serai bref, car j’interviendrai peut-être sur l’amendement tout à l’heure –, je ne sais pas si des collègues du Morbihan sont présents, mais j’ai le souvenir que Josselin de Rohan, ancien sénateur de ce département, avait évoqué la création d’un syndicat départemental de l’eau, pour parvenir à une mutualisation du prix de l’eau.
M. Jean Bizet. C’est exact !
M. Alain Vasselle. Cela signifie que si vous rendez obligatoire l’exercice de cette compétence par les communautés d’agglomération, il faudra dissoudre ce syndicat pour que celles-ci, s’il en existe dans le département, reprennent la compétence.
Soyons cohérents et pragmatiques, et que le bon sens l’emporte dans nos décisions législatives ! (MM. Michel Savin et Alain Joyandet applaudissent.)
M. Jean Desessard. Ce n’est pas le bon sens qui l’avait emporté il y a deux ans !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article unique.
M. Alain Houpert. J’aime beaucoup M. Desessard, qui a le verbe haut, mais je l’invite à traverser le périphérique pour venir voir des intercommunalités en province.
Dans une intercommunalité, communauté d’agglomération, communauté urbaine ou métropole, il y a le centre et la périphérie. Les communes de la périphérie ne bénéficieront jamais des mêmes services que le centre.
Aujourd’hui, nous saluons tous le bon sens et la sagesse dont fait preuve le Sénat en s’interrogeant sur la pertinence des transferts de compétences. Le travail des sénateurs que nous sommes tous consiste à ausculter les territoires et de revenir à une juste proportion. La loi NOTRe a été adoptée, mais, comme toutes les lois, elle a des aspérités qu’il faut polir pour construire cet édifice qu’est la République française.
Je voterai cette proposition de loi et l’amendement de M. Joyandet, car, s’agissant des compétences « eau » et « assainissement », il ne faut pas oublier le volontariat, qui est très important. Vous avez dit, monsieur Desessard, qu’on pouvait transférer les emplois à l’intercommunalité. Mais très souvent dans les petites communes, il s’agit non pas d’employés, mais de volontaires, des conseillers municipaux.
Les bassins versants ont leurs aspérités, sont différents ; c’est une mosaïque. Venez dans la communauté d’agglomération de Beaune, au sud de la Côte-d’Or : si Beaune est très riche, les communes périphériques sont très pauvres. Avec du bon sens et du volontariat, on peut servir l’eau aux habitants au moindre prix.
On parle beaucoup d’économies. Certes, nous allons en faire, mais les véritables économies sont celles qui sont réalisées par les consommateurs lorsqu’ils payent leur eau.
Je rappellerai les propos d’un Président de la République mort en exercice : « Arrêtons de faire des lois qui embêtent les Français ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article unique.
Mme Marie-France Beaufils. Je partage les propos tenus précédemment par mon collègue Bernard Vera. Je veux insister sur la notion de choix, qui me semble importante, d’autant que la diversité de nos territoires est très grande.
Dans mon intercommunalité, qui est en train de se transformer, puisqu’elle sera passée d’une communauté d’agglomération à une communauté urbaine, puis à une métropole, nous sommes sous la pression de la mise en œuvre de la compétence « eau ». Ce dont nous discutons ici aujourd’hui, c’est-à-dire le transfert de cette compétence « eau » à la nouvelle intercommunalité, nous le vivons très précisément, et très mal.
Pourquoi ? Nous avons mis en œuvre depuis des années une régie municipale de l’eau, alors que l’intercommunalité a des délégations de service public, des régies… Cet énorme brassage ne permet pas, pour le moment, d’avoir une unité. Nous ne sommes pas aujourd’hui capables d’avoir quelque chose qui sorte de façon correcte et dans de bonnes conditions.
Cette proposition de loi permet de laisser une liberté de choix. Si nous avions eu ce choix dans notre intercommunalité, nous aurions regroupé ceux qui étaient en régie…
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. … et qui pompaient dans la Loire de quoi s’alimenter, alors que d’autres avaient opté pour des solutions différentes. Nous n’aurions pas choisi de prendre cette compétence pour l’intercommunalité, nous l’aurions fait pour des territoires différents.
C’est la raison pour laquelle il est important de redonner le choix, et le texte proposé peut le permettre. Mais vous ne l’avez prévu que pour les communautés de communes, alors qu’il serait bon de l’élargir.
M. Jean Bizet. Très juste !
Mme Marie-France Beaufils. Toutes les intercommunalités ont besoin d’avoir le choix.
Par ailleurs, il est angélique de penser que le regroupement permettra d’avoir un prix de l’eau très intéressant pour tout le monde.
M. Michel Savin. Vous avez raison !
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons débattu il y a peu du droit à l’eau. Si je prends l’exemple de mon intercommunalité, on assistera à une augmentation du prix de l’eau par rapport à celui que je propose aux habitants de ma commune avec une régie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Bien sûr !
M. Michel Savin. Pour le même service !
Mme Marie-France Beaufils. On ne peut pas faire des amalgames de choses prétendument naturelles, car elles ne le sont pas. Un prix de l’eau moins élevé pour ceux qui consomment moins, pour les foyers les plus modestes, ce n’est pas naturel non plus !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article unique.
M. Marc Laménie. Cette proposition de loi nous permet de nous rassembler sur un sujet important, que nous vivons au quotidien dans nos territoires, notamment ruraux, et dont certains d’entre nous peuvent témoigner.
Certes, la loi NOTRe a été adoptée, mais on peut aujourd'hui se rendre compte de ce qui va et de ce qui ne va pas. Il faut faire évoluer la loi. De nombreux élus, qui font notamment partie de petits syndicats intercommunaux d’alimentation en eau potable, se sont émus de la disparition de ces syndicats : ils sont réellement inquiets. Leurs attentes sont légitimes, car les syndicats fonctionnent avec des élus bénévoles.
Comme ma commune est isolée, un syndicat assure la maintenance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, car je ne suis pas compétent pour réparer les fuites… On arrive ainsi à maintenir un service public de l’eau qui répond réellement aux attentes.
Il faudrait remettre cette compétence à une grande communauté de communes. Mais on le constate déjà pour d’autres secteurs, ce transfert soulève des questions chez nous, les élus de base et de proximité. Car, dans le fond, ceux qui connaissent le mieux le réseau, ce sont les élus de proximité, les fontainiers. Si la compétence relève d’« usines à gaz », cela ne pourra pas aller !
Ce combat correspond à une réalité locale de gestion du service public de l’eau et de l’assainissement. Ce débat nous anime avec passion, car il porte sur la reconnaissance d’un service de proximité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article unique.
M. Bernard Delcros. Une partie de notre discussion est hors sujet : la question est de savoir non pas si nous avons, ou non, voté la loi NOTRe, mais si cette proposition de loi est utile pour nos territoires et si elle prévoit une mesure de bon sens.
J’approuve, pour ma part, cette proposition de loi, car il est important de laisser le choix aux élus de trouver les bonnes solutions et, surtout, le meilleur échelon pour répondre aux problèmes qui se posent.
Je rejoins Mme Beaufils quant à la distinction à faire entre théorie et pratique. Si, en théorie, on peut penser que confier cette compétence à une communauté d’agglomération permettra une mutualisation et une baisse du prix, l’inverse peut aussi se produire, comme on pourrait rapidement le démontrer pour certains territoires.
Je le redis, il faut laisser aux élus le choix de trouver le bon échelon. Dans de nombreux cas, la petite commune – je suis maire de l’une d’entre elles – n’est pas le bon échelon, mais la très grande communauté de communes ne l’est pas non plus. Il faut aussi laisser un délai raisonnable aux élus pour mettre en place ce nouveau service. Je suis d’accord avec Jean-Pierre Sueur, la date du 1er janvier 2020 me paraît très proche.
Je suis favorable à la proposition de loi et à l’amendement de M. Joyandet.
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, sur l’article unique.
M. René Danesi. Je formulerai deux brèves observations.
La ressource, le transport, la consommation et l’assainissement de l’eau sont profondément liés à la géologie et à la géographie physique, humaine et économique. L’eau potable est diverse et elle ne peut pas être enfermée dans un carcan uniformisé pour tout le pays, et encore moins dans un carcan idéologique.
Il me paraîtrait normal que le Sénat exprime, à l’occasion de cette proposition de loi, sa confiance dans la capacité d’adaptation des élus locaux aux réalités locales.
Pour ces raisons, je voterai cette proposition de loi des deux mains, en ma qualité de maire rural qui a géré un réseau intercommunal d’eau et d’assainissement pour douze communes rurales pendant quarante-deux ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié quinquies est présenté par MM. Joyandet, D. Laurent, Lemoyne, Milon, Raison, Longuet, Danesi, G. Bailly, Vial, Vasselle, de Legge et J.P. Fournier, Mmes Lopez et Deseyne, MM. Grand, Revet, Pierre et Grosdidier, Mme Primas, MM. Huré, Chaize et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Vogel, Masclet, B. Fournier, Chatillon, Charon, Houpert, Laménie, Doligé, Calvet, Leleux, Bouvard, A. Marc, Chasseing et Pellevat, Mme Giudicelli, M. Bizet, Mme Gruny et MM. de Raincourt, Dufaut et Gremillet.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Bockel, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Doineau, M. D. Dubois, Mmes Gatel et N. Goulet, M. L. Hervé, Mmes Joissains et Loisier et MM. Luche et Vanlerenberghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le II de l’article 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.
II. – En conséquence, compléter l’intitulé de la proposition de loi par les mots :
et des communautés d’agglomération
La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quinquies.
M. Alain Joyandet. Je commencerai par dire qu’il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre.
Monsieur le ministre, j’ai été maire de Vesoul, ville-centre d’un petit département rural, pendant dix-sept ans. Autour de Vesoul, bien avant que l’intercommunalité ne soit obligatoire, nous avions fait un district urbain. Comme nous avons anticipé, nous sommes, si je puis dire, des « pros » de l’intercommunalité. Notre eau était déjà « districale » : elle est donc déjà intercommunale. Nous avons construit une usine des eaux ensemble et nous avons surtout préservé le service public pendant dix-sept ans. C’est toujours le cas, avec une qualité et un prix de l’eau tout à fait compétitifs.
Je ne prêche donc pas pour ma paroisse. Je dis simplement que tout est dans la nature. Ce que nous avons réussi à faire, un grand nombre de communautés de communes du département – il y en a dix-neuf autres – ne sont pas prêtes à le faire et n’ont pas envie de le faire, contrairement à ce que j’entends dans cet hémicycle. Cela coûte aussi très cher. Soyons concrets : un schéma directeur coûte entre 80 000 et 100 000 euros par communauté de communes. Multiplié par vingt, vous voyez ce que cela représente pour ces toutes petites communes !
Certains syndicats des eaux n’ont pas la même superficie que nos communautés de communes.
Nous avons évoqué la fameuse réunion de la commission mixte paritaire, et je ne reviendrai pas sur l’intérêt de la loi NOTRe, que j’ai votée. Mais je regrette aussi le seuil de 15 000 habitants. Dans ma communauté de communes, cela ne pose pas de problème puisqu’elle comprend 35 000 habitants. Mais on coupe des communautés de communes en deux pour les répartir dans d’autres qui n’ont pas les mêmes compétences. On fait tout cela en le rendant obligatoire, par des décisions qui tombent de Paris et qui doivent s’appliquer uniformément sur le territoire. Ce n’est pas cela, la France ! Certaines choses peuvent être appliquées facilement dans des endroits et plus difficilement dans d’autres.
La proposition de loi permet uniquement à chacun en fonction de son territoire de faire ou de ne pas faire, ou même de prendre un peu du temps pour faire. On n’interdit rien, on permet seulement aux collectivités de décider elles-mêmes.
Mon amendement permet d’élargir le dispositif aux communautés d’agglomération, car, sur le territoire, les toutes petites communautés d’agglomération rencontrent les mêmes problèmes que les communautés de communes. Pour certaines communautés d’agglomération, cela sera certainement facile à faire, mais d’autres n’y parviendront pas. (M. Alain Houpert applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ne reviendrai pas sur l’excellente argumentation de mes collègues Alain Joyandet et Daniel Gremillet. Je veux simplement rappeler que les dispositions de la loi NOTRe sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement aux EPCI n’ont pas été introduites par le Sénat, qui s’y est opposé. Mais notre assemblée n’a pas voulu pas faire échouer la commission mixte paritaire pour conserver certains acquis. Voilà quel est l’historique exact de ce dispositif.
Sur les compétences « eau » et « assainissement », la cohérence voudrait aujourd’hui que le Sénat se prononce de la même manière que lors des débats sur la loi NOTRe, outre la concession acceptée pendant la commission mixte paritaire.
J’ajoute que, s’agissant de ces compétences, il ne s’agit plus vraiment d’intercommunalité. Aujourd’hui, avec le transfert obligatoire et la concentration des compétences, c’est de la « supracommunalité » pour ceux qui la vivent.
Selon les territoires concernés, le transfert d’un certain nombre de compétences obligatoires peut conduire à réaliser des économies ou à engendrer des surcoûts, des lourdeurs et des lenteurs.
Dans mon EPCI, le transfert de l’assainissement a déjà eu lieu il y a quelques années. Je vais vous faire part de mon expérience de maire depuis deux décennies.
Auparavant, lorsqu’un problème sur le réseau nous était signalé et que la compétence était exercée par la commune, on mettait un ou deux jours pour le résoudre, au maximum une semaine. Aujourd’hui, on prend d’emblée un ticket pour un mois ! Croyez-moi, nos concitoyens apprécient cette réactivité…
On constate donc un manque de proximité. Le principe de subsidiarité a été bafoué par différentes lois au cours de la dernière décennie. Certains territoires peuvent faire ces choix, et la proposition de loi n’empêche pas le transfert de compétences. Mais laissez la liberté à ceux qui veulent s’organiser autrement de le faire ! C’est au plus près du terrain que l’on est le mieux placé pour savoir quelle est la meilleure organisation en termes de coût et de service rendu à nos concitoyens.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Castelli, Esnol, Fortassin, Guérini et Arnell, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le II de l’article 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Selon moi, aucune raison de fond ne justifierait que l’on ne vote pas mon amendement.
Cela a été dit, les communautés d’agglomération sont dans des situations très diverses. Par ailleurs, avec la loi NOTRe, on hérite de communautés de communes comprenant cinquante membres, voire davantage, constituant de véritables méli-mélo où l’on ne sait plus qui fait quoi… La différence était claire dans le texte de Jean-Pierre Chevènement.
Aucune raison ne justifie qu’on réserve un sort particulier aux communautés d’agglomération. Alors pourquoi la commission va-t-elle donner un avis négatif sur mon amendement ? J’imagine que c’est parce que, sur le plan tactique, le choix que nous avons fait – ne rectifier qu’à la marge, alors qu’il faudra aussi traiter les problèmes de fond – n’est pas bon. Je le dis par anticipation, la raison qui nous sera donnée pour rejeter l’amendement nous paraît de circonstance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nos collègues Alain Vasselle et Pierre-Yves Collombat ont anticipé mes propos.
J’avais initialement proposé un avis de sagesse, considérant que ce débat – les faits me donnent raison ! – devait avoir lieu dans l’hémicycle et parce que, comme nombre d’orateurs, notamment M. Sueur, l’ont souligné, il y a non pas un seul modèle de communauté d’agglomération, mais plusieurs, entre celles qui ont un caractère très urbain et celles qui incluent – elles représentent aujourd’hui pratiquement la majorité – des territoires périurbains et ruraux.
S’agissant de cette seconde catégorie de communautés d’agglomération, la logique est presque la même que pour les communautés de communes.
La commission des lois en a décidé autrement et a rejeté l’avis de sagesse que je lui avais proposé.
L’avis est donc défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après les propos que j’ai tenus dans mon intervention liminaire, vous comprendrez que mon avis soit défavorable.
Le débat est reparti sur l’intercommunalité. Monsieur Joyandet, je ne peux pas vous laisser dire que tout est imposé depuis Paris ! La loi est faite ici, mais ce sont les commissions départementales, dans lesquelles les élus sont majoritaires, qui arrêtent les schémas.
M. Alain Joyandet. Non, pas du tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe votera contre ces amendements.
En effet, il nous paraît raisonnable d’apporter aux communautés de communes la souplesse que cette proposition de loi prévoit, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Mais, en ce qui concerne le monde urbain, les choses sont très différentes, et je vois mal comment on peut mettre en place un dispositif différent pour, d’une part, les communautés d’agglomération et, d’autre part, les communautés urbaines et les métropoles.
M. Alain Joyandet. Bien sûr que si, c’est possible !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien le cas jusqu’à maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur. Cette mesure se justifie pour les communautés de communes, et je crois comprendre la raison qui peut motiver ces amendements.
Mes chers collègues, nous n’avons pas été assez vigilants – disons-nous quelques vérités – quant à la définition des communautés d’agglomération. Pour moi, il s’est toujours agi d’instances urbaines où existe un tissu urbain aggloméré.
Or la réalité est qu’il existe maintenant des endroits où on a créé, au travers d’une sorte de détournement de la loi – je le dis clairement –, une « communauté d’agglomération » autour d’une commune de 10 000 ou 15 000 habitants et 60 villages. Je comprends, dans ces conditions, que l’on dise que l’on peut les assimiler à de grosses communautés de communes, ce qui est la réalité.
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Néanmoins, pour ma part, je regrette ces exceptions, ou ces quelques cas, car, si je suis pour une organisation structurée et dynamique de l’urbain et pour une organisation moderne et dynamique du monde rural et des moyennes et petites communes, je ne suis, en revanche, pas pour la confusion consistant à appeler « agglomérations » des espaces qui n’en sont pas.
Mme Marie-France Beaufils. Laissons-leur le choix !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes favorables aux communautés de communes, mais nous ne voterons pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Certes, on peut comprendre que cette proposition se justifie à l’échelle des communautés de communes, mais je voterai, moi aussi, les deux amendements identiques en raison de ce que l’on a vécu lors du transfert de cette compétence à de grosses intercommunalités.
Il en est en effet résulté que, loin de baisser, le prix payé par l’abonné a fortement augmenté, pour un service identique, voire moins bon.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Michel Savin. Le discours selon lequel les grosses structures seraient de nature à rationaliser et créer des économies se révèle infondé dans beaucoup de cas.
Monsieur Desessard, lorsqu’une petite commune a un agent, voire deux, celui-ci ne s’occupe pas que du service de l’eau, il s’acquitte également de tâches concernant la voirie, les bâtiments ou encore l’entretien des cours d’eau. Il est donc impossible pour la commune de le transférer vers l’intercommunalité, sans quoi elle n’a plus d’agent. Elle transfère donc la compétence sans l’agent, qui reste à la charge de la commune, ce qui représente un coût pour la collectivité dans la mesure où l’intercommunalité qui récupère la compétence est dans l’obligation de recruter pour assurer le service.
Ainsi, le coût global s’avère supérieur, voire très supérieur. Dans certains cas, ce mécanisme entraîne donc non pas une économie, mais un surcoût.
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Sophie Joissains. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Vous l’avez compris, je voterai les deux amendements identiques sans aucune hésitation. Nous sommes en train de vivre une situation que nous connaîtrons de nouveau, comme M. Collombat le faisait remarquer.
La loi NOTRe a été le résultat d’un compromis, qui ne satisfait personne. Cela explique que nous revenions sur ce texte par toute une série de propositions de loi – celle-ci n’est pas la première et ne sera certainement pas la dernière. Le compromis a été accepté à l’époque par tous les groupes politiques pour sauver les meubles, sauver ce qui leur apparaissait essentiel.
Cela dit, une fois qu’on a sauvé les meubles, on n’est pas pour autant satisfait de ce texte. C’est l’une des raisons pour lesquelles on y revient aujourd’hui.
Monsieur Baylet, vous avez indiqué que tout cela résulte de décisions prises dans le cadre des commissions départementales de la coopération intercommunale. Mais, si vous voulez bien prendre le temps de m’écouter et d’arrêter votre conversation avec votre conseiller,…
M. Alain Vasselle. … je veux vous faire remarquer que les préfets eux-mêmes – par exemple, le préfet de l’Oise – avaient déposé des projets en commission départementale de coopération intercommunale concernant la création de syndicats départementaux pour la gestion des eaux. N’affirmez donc pas aujourd'hui que les préfets ont agi dans la direction que vous venez de défendre à l’instant.
M. Alain Vasselle. Je veux aussi rappeler à M. Baylet et à l’ensemble de nos collègues qu’il serait bon de revenir à l’esprit des lois Chevènement mettant en place les premières intercommunalités.
Celles-ci s’appuyaient sur le volontariat des élus. Il ne s’agissait pas d’imposer aux élus, par des coups de canon, la façon dont cela devait se passer. Je rejoins ce qu’ont affirmé mes collègues Daniel Gremillet, Michel Savin et d’autres, on aboutit, pour ce qui concerne la gestion des services des équipements, à un éloignement du service de proximité. Les élus, en particulier ruraux, sont vent debout face à cette situation.
Voilà, monsieur le ministre, ce qui donne le sentiment que les décisions sont prises d’une manière technocratique à l’échelon national, et les partis politiques se sont engouffrés majoritairement dans cette solution pour faire passer un dispositif contraire à la volonté de nos concitoyens et des élus locaux.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Vasselle. Tout cela plaide en faveur de l’adoption de l’amendement de M. Joyandet. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens ces deux amendements identiques. Tout en partageant totalement les propos de nos deux collègues, j’ajouterai un élément supplémentaire.
Monsieur le ministre, contrairement à ce qui a été voté, y compris au travers du compromis, les maires, sur le terrain, ont avancé à marche forcée.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Bien sûr !
M. Daniel Gremillet. On connaît sur le terrain des réalités qui ne correspondent pas à l’esprit de la loi. Ce n’est pas un procès, c’est un constat. Face à cela, il faut revenir aux réalités de terrain.
Or ces amendements identiques sont aujourd’hui absolument essentiels. Le périmètre des communautés d’agglomération a complètement changé depuis le 1er janvier 2017. Dans certains départements, cela représente le tiers des communes et, pour répondre à ce que disait notre collègue Jean-Pierre Sueur, on est effectivement non plus dans la concentration urbaine, mais dans un vaste espace, qui milite pour rendre les compétences « eau » et « assainissement » optionnelles. C’est absolument essentiel si l’on veut être en harmonie avec le terrain et répondre aux femmes et aux hommes sur le terrain ainsi qu’aux entreprises, au travers de l’emploi.
Le sens de l’organisation territoriale, si cher au Sénat, milite en faveur de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 quinquies et 2 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 6 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article unique, modifié.
(L’article unique est adopté.)
Articles additionnels après l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Longeot et Cigolotti, Mmes Billon, Gatel, Létard et Loisier et MM. Gabouty, Capo-Canellas, Kern, L. Hervé, Canevet, Roche et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au huitième alinéa de l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3 000 » est remplacé, deux fois, par le nombre : « 5 000 ».
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. La loi NOTRe prévoyait, en son article 68, le transfert, au 1er janvier 2020, des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités.
Les articles L. 2224-11 et suivants du code général des collectivités territoriales, le CGCT, prévoient actuellement le principe de l’équilibre des services publics industriels et commerciaux que sont les services publics de l’eau et de l’assainissement, sauf pour les communes de moins de 3 000 habitants et pour les EPCI dont aucune commune membre n’a plus de 3 000 habitants.
Dans ce contexte, lors de la prise en charge des compétences « eau » et « assainissement », les nouvelles intercommunalités mises en place au 1er janvier 2017, si elles comptent une commune de plus de 3 000 habitants, devront, dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale, équilibrer leurs budgets annexes de l’eau et de l’assainissement grâce aux seules redevances des usagers. Ainsi, ces communautés de communes ne pourront plus bénéficier de l’exception offerte par l’article L. 2224-2 du CGCT, compte tenu de l’élargissement des périmètres et de l’intégration de ce fait de nombreuses communes dépassant le seuil de 3 000 habitants.
Afin d’éviter une augmentation excessive du prix de l’eau et de l’assainissement pour les usagers lors du transfert de la compétence à l’EPCI dans le cas précité, il est proposé de relever ce seuil de 3 000 à 5 000 habitants. Ce correctif assouplissant la loi NOTRe permettra aux communes et aux communautés de communes de préparer et de faciliter l’harmonisation des tarifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Pour les raisons de bon sens que vient d’exposer notre collègue, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même si cet amendement est empreint, pour partie, de bon sens, vous comprendrez que, compte tenu de tout ce que j’ai dit jusqu’à présent, je donne un avis défavorable.
Cela dit, dans un autre vecteur législatif, le Gouvernement aurait pu être favorable à l’amendement de M. Longeot.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Joissains, MM. Capo-Canellas, Gabouty et Guerriau, Mme Doineau et M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 5218-7 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la compétence visée au a) du 5° du I de l’article L. 5217-2 est déléguée au conseil de territoire, celui-ci peut la confier aux communes ou groupements de communes qui l’exerçaient antérieurement. »
La parole est à Mme Sophie Joissains.
Mme Sophie Joissains. Jean-Pierre Sueur parlait des territoires et de la différence entre les communautés de communes et les communautés d’agglomération.
Dans les métropoles, il y a souvent une grande ville-centre, ou éventuellement deux, et une multitude de villages autour. Aujourd’hui, à peu près un tiers des habitants de la métropole Aix-Marseille-Provence vit en zone rurale.
Il se trouve que, dans ce cas précis, les élus locaux n’ont pas du tout été écoutés, puisque 113 des 118 maires étaient contre cette métropole, qui a, de surcroît, des compétences pléthoriques et une grande volonté d’intégration. Aujourd’hui – M. le ministre s’y est rendu récemment –, elle est extrêmement endettée, ce que l’on savait dès l’origine. Alléger un peu ses compétences ferait, me semble-t-il, plaisir à toutes les communes et leur permettrait de respirer un peu.
Il s’agit non pas d’empêcher que cette compétence soit assumée à l’échelon intercommunal, si c’est ce qui est souhaité, mais de permettre à des communes qui ont des régies directes et qui préfèrent les conserver de le faire.
En outre, dans un État de droit, comme nous l’avons fait pour les communautés de communes et communautés d’agglomération, il convient que chacun ait les mêmes droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous avons déjà eu le débat en commission, et je comprends les motivations exposées par notre collègue Sophie Joissains.
Toutefois, d’une part, l’eau et l’assainissement relèvent des compétences obligatoires des métropoles et, d’autre part, si la métropole d’Aix-Marseille-Provence, en vertu des compétences qui lui sont spécifiques, peut déléguer ces matières au conseil de territoire, c’est à l’exception des schémas d’ensemble d’assainissement et d’eau pluviale.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pour ma part, j’essaie toujours d’être cohérent, à l’image du Gouvernement. Nous venons d’accepter récemment, dans le cadre de l’examen d’un autre texte, que la compétence du tourisme puisse être conservée par certaines communes et ne soit pas transférée à la métropole d’Aix-Marseille-Provence, comme ce fut le cas dans les communautés de communes.
Néanmoins, nous sommes là dans le cadre général. Aussi, je ne puis qu’émettre également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je crois que le trophée de la tératologie administrative revient incontestablement à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Mme Marie-France Beaufils. C’est clair !
M. Pierre-Yves Collombat. Si l’on peut arriver à la faire fonctionner, ce ne sera pas plus mal.
Ensuite, c’est le problème qui se posera avec les fameuses communautés « XXL », pour lesquelles on bricole des systèmes où des cénacles prennent des décisions, où l’on territorialise ceci ou cela. C’est exactement le même problème. Vous faites figure de précurseur, ma chère collègue.
Je soutiendrai donc cet amendement.
Mme Sophie Joissains. Merci !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. D. Dubois, Détraigne et Capo-Canellas, Mme Morin-Desailly, MM. Luche, Kern et Gabouty, Mme Doineau, MM. Longeot, L. Hervé, Canevet et Bockel, Mmes Billon et Loisier et M. Namy, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° du II de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « des eaux usées et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté en application des 3° et 4° de l’article L. 2224-10 ».
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. La compétence de l’eau pluviale est aujourd’hui incluse dans la compétence de l’assainissement en raison d’une interprétation jurisprudentielle, ce qui est particulièrement regrettable.
En tant que président d’une communauté de communes rurales, j’éprouve les pires difficultés à intégrer cette compétence dans les futures compétences communautaires à cause des enjeux financiers absolument considérables : il n’y a aucune recette à mettre en face du transfert de cette compétence.
Or, encore une fois, ce n’est que par interprétation que l’eau pluviale a été rattachée à l’assainissement. Vous le comprenez bien, cette situation n’est pas acceptable. Il vaudrait mieux que la compétence des eaux pluviales soit précisément définie et que les communautés qui souhaitent se l’approprier puissent le faire librement, en définissant à la fois les charges et les ressources pour l’assumer. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas, ce qui met les communautés en difficulté, d’autant que l’échéance du 1er janvier 2018 est assez proche. Imaginez les difficultés pour les collectivités !
Cet amendement vise donc à scinder les deux compétences de sorte que les choses soient beaucoup plus claires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voterai pour cet amendement, mais je souhaite appeler l’attention du rapporteur et du Gouvernement sur une remarque pertinente formulée par Alain Richard en commission des lois.
Notre collègue exprimait la crainte que, dès lors que la compétence « assainissement et eau » a été définie comme optionnelle, l’adoption de cet amendement ne fasse de l’assainissement pluvial une compétence obligatoire pour les communautés de communes, ce qui n’est certainement pas, à mon avis, l’objectif visé par Mme Gatel.
J’appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues. Il faudra donc vérifier, avant que le texte ne soit définitivement adopté par l’Assemblée nationale, que l’on ne se heurtera pas à une difficulté juridique, en se retrouvant dans la situation inverse à celle que nous recherchons.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis désolé, mais je ne comprends pas comment le Conseil d’État en est arrivé à cette jurisprudence.
Mme Marie-France Beaufils. Moi non plus !
M. Pierre-Yves Collombat. Il a dû oublier que, si les réseaux d’assainissement n’ont pas toujours été séparatifs – ils accueillaient autrefois tant les eaux pluviales que les eaux usées dans les mêmes tuyaux –, ils le sont devenus il y a déjà un certain temps, pour que les choses fonctionnent bien. Ils ne doivent pas sortir souvent de chez eux…
En outre, s’il fallait rattacher la question des eaux pluviales à une compétence, ce serait plutôt à la compétence GEMAPI,…
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Pierre-Yves Collombat. … pour une raison très simple : actuellement, dans les grandes unités urbaines, le problème des inondations provient non pas des rivières, mais principalement du ruissellement.
Mme Marie-France Beaufils. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. Or, avec cette compétence, on a des recettes, sous réserve que l’on ait le courage de les mettre en place, et on pourrait peut-être définir une véritable politique de prévention des inondations et régler la question du développement de réseaux suffisants d’évacuation des eaux.
Sous le bénéfice de ces explications, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme je l’ai indiqué précédemment, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi. Toutefois, j’exprimerai un regret : l’adoption de deux amendements, mais surtout de l’amendement visant à étendre le dispositif aux communautés d’agglomération.
À la réflexion, je veux dire qu’il y a deux types de communautés d’agglomération.
M. Alain Joyandet. Voilà !
M. Daniel Gremillet. On est d’accord !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense d’ailleurs que nous avons eu tort de les appeler du même nom.
M. Daniel Gremillet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a, d’un côté, des communautés urbaines en quelque sorte, qui peuvent avoir le statut de communauté d’agglomération, de communauté urbaine ou de métropole. Je peux vous affirmer que, lorsque l’on échange avec l’association France urbaine, qui rassemble les grandes villes et agglomérations françaises, il n’y a aucune objection au maintien du dispositif pour l’année 2020, et il n’y en a pas davantage du côté de l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF.
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. Sauf si l’on écoute les élus de terrain !
M. Jean-Pierre Sueur. Ma chère collègue, nous sommes aussi à l’écoute des élus du terrain : c’est ce que je disais précédemment, je ne sais pas si vous avez entendu mon intervention, mais vous la lirez peut-être.
Il y a donc, disais-je, deux catégories de communautés. Pour ce qui concerne les communautés urbaines, je pense que cela ne serait pas justifié.
En revanche, en ce qui concerne des cas tels que la communauté de Privas, citée par M. le rapporteur – une préfecture de 8 000 habitants entourée, je suppose, d’une soixantaine de villages ou de petites communes –,…
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Au moins !
M. Jean-Pierre Sueur. … de quoi s’agit-il ? D’un pays rural ! Telle est la réalité, il s’agit d’une communauté de la ruralité, ce qui n’est en rien péjoratif, vous le savez bien. Il faudrait donc affiner la rédaction.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de votre indulgence pour la dernière séance, madame la présidente.
Il faudrait donc faire en sorte que cela s’applique non pas aux premières communautés, mais aux secondes.
Notre groupe votera ce texte, mais nous comptons sur la navette parlementaire pour préciser les choses à bon escient.
MM. Yves Daudigny, Alain Joyandet et Daniel Gremillet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi et, donc, au vote. Je salue les auteurs de ce texte, ainsi que le travail du rapporteur et de nos collègues de la commission des lois.
Je veux rappeler avec conviction, comme d’autres orateurs l’ont fait avec passion, que nous traitons d’un sujet d’importance, auquel les élus de proximité, dont nous faisons partie, sont très attachés. Nous souhaitons valoriser le travail de terrain et de proximité de la gestion du service public de l’eau et de l’assainissement.
Ainsi, avec conviction, pour défendre cette notion indispensable de proximité, d’autant que l’eau est un bien précieux, je voterai naturellement cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je me réjouis du vote qui se fait pressentir sur ce texte. Son examen honore le Sénat parce que nous dépassons les clivages politiques traditionnels. C’est le propre du législateur que de corriger un texte qui, soumis à l’épreuve du terrain et au ressenti des élus de proximité, ne correspondait pas à l’intérêt de nos concitoyens.
La compétence « eau » et « assainissement » avait été conçue comme optionnelle. Elle a ensuite fait l’objet d’un compromis politique, mais elle va redevenir optionnelle. C’est donc le principe de réalité qui l’emporte.
Plusieurs collègues ont souligné qu’il existe déjà des syndicats d’alimentation en eau potable de dimension quasi départementale. Cela montre bien que les élus se sont déjà très largement pris en main et, si cette compétence était devenue obligatoire pour les communautés de communes, cela aurait cassé le travail réalisé antérieurement. Je suis donc ravi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la présidente, je ne relancerai pas le débat, puisque la proposition de loi a été adoptée. Je veux en revanche simplement remercier ceux qui ont soutenu la loi.
C’est d’une grande originalité, mais je suis tenu de remercier – je le fais avec plaisir ! – le sénateur Masson, une première pour moi ; il aura fallu attendre le tout dernier moment pour qu’il soutienne un texte que je présente au nom du Gouvernement.
Je remercie également le sénateur Bonnecarrère ; sa position ne m’étonne pas, car c’est un élu remarquable, qui préside la communauté d’agglomération d’Albi, ville qu’il a transformée, et qui connaît bien ces questions.
Je remercie aussi Jean Desessard et le groupe écologiste – une fois n’est pas coutume, même si cela fait deux fois en peu de temps. Merci de votre soutien.
Je veux dire à Jean-Pierre Sueur que j’ai admiré son numéro d’équilibriste, mais je connais son talent ; cela ne m’a donc pas étonné de sa part.
Je rappelle au sénateur Vasselle que les syndicats départementaux sont d’excellentes choses et que cette loi les autorise.
Je vous remercie aussi, monsieur le rapporteur. Je vais essayer de vous répondre avec beaucoup de modération ! Vous avez dit que la mauvaise foi était savoureuse, délicieuse (Sourires au banc des commissions.), et vous avez indiqué que l’on vous reprochait un texte politique. Un texte politique, non, mais une posture politique, oui, je vous le confirme ! Présenter un tel texte, alors que la XIVe législature prend fin dans quelques minutes et que vous savez qu’il ne peut pas prospérer relève en effet d’une posture politique. Il me semble donc qu’il s’appuie plus sur une visée électoraliste que sur l’espoir de prospérer.
Le plus surprenant consistait surtout, je vous le dis très amicalement, monsieur le rapporteur, à comparer ce texte à la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, qui a été adoptée, à la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, adoptée, à la loi ratifiant les ordonnances sur la Corse, adoptée aussi, et à la loi sur les métropoles, adoptée également. Comparez donc ce qui est comparable, ne mélangez pas les choses !
Madame la présidente, dans ces derniers instants de la législature, je veux vous remercier personnellement. Il se trouve que nous nous sommes souvent retrouvés, vous au plateau et moi au banc du Gouvernement, et que j’ai beaucoup apprécié votre manière de présider les débats.
Je veux aussi adresser à l’ensemble du Sénat tous mes remerciements, au nom du Gouvernement mais aussi en mon nom personnel – le ministre des collectivités territoriales est peut-être un peu plus que les autres le ministre du Sénat et des sénateurs –, pour la manière dont nous avons débattu, dans le respect mutuel, dans un esprit constructif, dans la volonté républicaine de porter des textes qui soient bien ficelés et bons pour nos collectivités et nos concitoyens.
Au moment de quitter cet hémicycle, puisque, selon l’expression consacrée, nous allons avoir l’honneur d’éteindre la lumière dans quelques instants, je veux vous remercier de la manière dont vous avez œuvré avec nous, parfois contre nous, mais toujours dans une vision commune de l’intérêt général et de l’intérêt de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
9
Suspension des travaux en séance publique
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour.
Dans ces conditions, le Sénat va suspendre ses travaux en séance publique, en laissant le soin à notre président de le convoquer s’il y avait nécessité.
Cette suspension ne concerne que nos travaux en séance publique.
Durant cette période, notre assemblée poursuivra les divers travaux engagés au sein de ses commissions, délégations, missions d’information et commissions d’enquête. Le programme prévisionnel de ces travaux, qui vous a été communiqué le 13 février dernier, figure sur le site internet du Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD