Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
MM. Serge Larcher, Philippe Nachbar.
2. Rétablissement de la confiance dans l'action publique – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
PROJET DE LOI organique pour la régulation de la vie publique
Amendement n° 31 rectifié bis de M. Didier Marie. – Adoption.
Amendement n° 87 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 6 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 40 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 86 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article 1er bis (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels avant le chapitre Ier
Amendement n° 51 de M. Jean-Léonce Dupont. – Retrait.
Amendement n° 50 de M. Jean-Léonce Dupont. – Retrait.
Article additionnel avant l'article 2
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Philippe Kaltenbach. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 13 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Non soutenu.
Amendement n° 61 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Non soutenu.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Non soutenu.
Amendement n° 5 rectifié quater de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Article 2 bis (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 2 bis
Amendement n° 47 rectifié de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° 33 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 44 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. François Zocchetto. – Non soutenu.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 85 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 59 de M. David Assouline. – Non soutenu.
Amendement n° 34 de M. Yannick Botrel. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 19 de M. Philippe Kaltenbach. – Non soutenu.
Amendement n° 35 rectifié ter de Mme Évelyne Yonnet. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 25 rectifié de M. Alain Richard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 6
Amendement n° 67 de M. Éric Doligé. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 7 rectifié de M. François Bonhomme. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié bis de M. François Bonhomme. – Retrait.
3. Mise au point au sujet de votes
4. Rétablissement de la confiance dans l'action publique – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
PROJET DE LOI organique pour la régulation de la vie publique (suite)
Amendement n° 65 de M. Éric Doligé. – Retrait.
Amendement n° 66 de M. Éric Doligé. – Retrait.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. François Bonhomme. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° 63 rectifié de M. Vincent Éblé. – Devenu sans objet.
Amendement n° 88 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 1 rectifié ter de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 62 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Non soutenu.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
5. Demande d’avis sur un projet de nomination
6. Candidature aux fonctions de secrétaire du Sénat
7. Mise au point au sujet de votes
8. Rétablissement de la confiance dans l'action publique – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié
PROJET DE LOI organique pour la régulation de la vie publique (suite)
M. le président
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur
Amendement n° 71 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié ter de M. Alain Bertrand. – Non soutenu.
Amendement n° 84 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 82 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 81 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 37 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 52 de M. Richard Yung. – Non soutenu.
Amendement n° 11 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 58 de M. François Bonhomme. – Retrait.
Amendement n° 45 de M. Didier Marie. – Non soutenu.
Amendement n° 76 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 38 de M. Didier Marie. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 89 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 72 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 9 quater
Amendement n° 73 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. François Bonhomme. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Intitulé du projet de loi organique
Amendement n° 74 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 69 de M. Éric Doligé. – Non soutenu.
Amendement n° 12 de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
9. Nomination d’un secrétaire du Sénat
10. Conférence nationale des territoires
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Serge Larcher,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rétablissement de la confiance dans l'action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, après engagement de la procédure accélérée, rétablissant la confiance dans l’action publique (projet n° 580, texte de la commission n° 608, rapport n° 607, avis n° 602).
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la conférence des présidents a prévu que nous siégions ce matin et cet après-midi jusqu’à seize heures.
Si nous n’avions pas achevé l’examen du projet de loi organique à seize heures, nous le reprendrions lundi prochain à partir de seize heures.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Ce serait une sacrée punition !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons faire un effort de concision !
Mme la présidente. Nous passons donc à la discussion du projet de loi organique, dans le texte de la commission.
projet de loi organique pour la régulation de la vie publique
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Article 1er
I. – La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est ainsi modifié :
a) Au neuvième alinéa du I, les mots : « deux mois au plus tôt et un » sont remplacés par les mots : « quatre mois au plus tôt et trois » et, à la fin, les mots : « qui sera publiée au Journal officiel de la République française dans les huit jours de son dépôt » sont supprimés ;
b) L’avant-dernier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Quinze jours après son dépôt, cette déclaration est rendue publique, dans les limites définies au même III, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui l’assortit d’un avis par lequel elle apprécie, après avoir mis l’intéressé à même de présenter ses observations, la variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles telle qu’elle résulte des déclarations, des observations que le déclarant a pu lui adresser ou des autres éléments dont elle dispose. » ;
c) Au quatrième alinéa du II, la référence : « de l’article L. 52-8 » est remplacée par les références : « des articles L. 52-7-1 et L. 52-8 » ;
d (nouveau)) Au neuvième alinéa du II, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
2° À la fin de l’article 4, la référence : « loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle » est remplacée par la référence : « loi organique n° … du … pour la régulation de la vie publique ».
II. – À la fin du deuxième alinéa du 2° du I de l’article 3 de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France, la référence : « loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales » est remplacée par la référence : « loi organique n° … du … pour la régulation de la vie publique ».
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme S. Robert, MM. Sueur, Leconte, Daudigny et Durain, Mme D. Michel, MM. Montaugé, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :
a) Le neuvième alinéa du I est ainsi modifié :
- après les mots : « sous pli scellé, », sont insérés les mots : « une déclaration d’intérêts et d’activités et » ;
- le mot : « conforme » est remplacé par le mot : « conformes » ;
- les mots : « deux mois au plus tôt et un » sont remplacés par les mots : « six mois au plus tôt et cinq » ;
- après les mots : « nouvelle déclaration », sont insérés les mots : « de situation patrimoniale » ;
- les mots : « qui sera publiée au Journal officiel de la République française dans les huit jours de son dépôt » sont supprimés ;
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« La déclaration d’intérêts et d’activités ne comporte pas les informations mentionnées au 10° du III du même article LO 135-1. » ;
…) Au début du dixième alinéa du I, sont insérés les mots : « Les déclarations d’intérêts et d’activités et » ;
II. – Alinéa 5
Après les mots :
ses observations,
insérer les mots :
l’exhaustivité, l’exactitude, la sincérité et
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à élargir les obligations déclaratives des candidats à l’élection présidentielle en exigeant, au-delà de la déclaration de situation patrimoniale, celles des activités et intérêts détenus.
Il y a là une grande logique. Puisque ces informations sont demandées aux parlementaires et aux ministres, personne ne comprendrait que le candidat à la présidence de la République ne les donnât point.
En se focalisant sur le patrimoine du Président de la République, la loi de 1962, déjà ancienne, fait l’impasse sur la deuxième partie de l’article LO 135-1 du code électoral auquel il se réfère, alors que la campagne présidentielle a démontré la pertinence qu’il y aurait à exiger une déclaration d’intérêts aux candidats à cette élection.
Il ne vous aura pas échappé, madame la garde des sceaux, qu’il y a une sorte d’ellipse dans mon exposé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Sueur. La sagesse progresse beaucoup !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Celle du Gouvernement ou de la Haute Assemblée ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle efficacité !
Mme la présidente. L'amendement n° 87, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
même III
par les mots :
III du même article LO 135-2
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
le mot : « quatrième »
par les mots :
la seconde occurrence du mot : « quatrième »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Grand, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I bis de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :
1° Les premier à quatrième alinéas sont supprimés ;
2° Au cinquième alinéa, les mots : « du début de la campagne » sont remplacés par les mots : « de la publication du décret de convocation des électeurs » ;
3° Au sixième alinéa, les mots : « aux premier et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa » ;
4° Au dernier alinéa, les mots : « de la liste des candidats » sont remplacés par les mots : « du décret de convocation des électeurs ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Alors que nous discutons de la façon de renouer le lien entre les citoyens et la vie publique dans un contexte de forte abstention lors du scrutin de 2017, il est essentiel de revenir sur la réforme de 2016 relative à l’élection présidentielle.
En effet, la substitution pour une partie de la campagne du principe d’équité au principe d’égalité du temps de parole, au détriment de ce dernier, représente, selon nous, une atteinte caractérisée à la démocratie.
Ainsi, les médias et les instituts de sondage seraient légitimes à décider quel candidat est digne de s’adresser aux Françaises et aux Français. Pour ce faire, ils s’appuieraient, d’une part, sur la « capacité d’animation » des candidats – il faut comprendre par cette expression le potentiel de « buzz » et de polémiques –, et, d’autre part, sur les résultats antérieurs desdits candidats.
Ces deux éléments entraînent trois conséquences majeures.
Premièrement, ils empêchent l’émergence de nouvelles forces, puisque des résultats antérieurs conditionnent l’exposition.
Deuxièmement, ils encouragent la perpétuation de scrutin en scrutin des mêmes rapports de force. En effet, une formation ayant obtenu de bons résultats serait plus exposée et aurait donc plus de chance de maintenir son niveau de vote.
Troisièmement, ils transforment le débat de fond que doit être celui de l’élection de l’élection présidentielle en spectacle de foire.
Rappelons-nous qu’il aura tout de même fallu la mobilisation de candidats exclus d’un débat pour qu’une seconde initiative soit prise, rassemblant cette fois sous la Ve République l’ensemble des prétendants à la fonction suprême.
Cet amendement vise donc à revenir sur la réforme de 2016 en réinstaurant l’égalité du temps de parole pour l’ensemble de la campagne, et ce dès la parution du décret de convocation des électeurs. Ainsi seront concernés les candidats à l’élection présidentielle dans leur ensemble, mais aussi les candidats putatifs à la recherche de leurs parrainages d’élus. Nous considérons en effet qu’une exposition supérieure de ces candidats pourrait leur permettre de recueillir davantage de signatures, d’une part, et de sensibiliser les citoyens à leur discours, d’autre part.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. À la suite d’un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel, les règles actuelles ont été modifiées par la loi organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Ce texte, et le rapport y afférent de notre collègue Christophe Béchu, a donné lieu à de longs débats entre nous, madame la présidente Assassi.
Nous étions alors convenus que les campagnes présidentielles se diviseraient en trois périodes.
Première période : avant l’échéance électorale, la presse peut s’exprimer le plus librement possible, sous réserve du respect des règles du pluralisme.
Deuxième période, plus courte : entre le dépôt des candidatures et le début de la campagne officielle, la liberté de la presse est plus restreinte, pour respecter le principe d’équité.
Troisième période, encore plus courte : lors de la campagne électorale officielle, un strict principe d’égalité de temps d’antenne entre les candidats doit être respecté.
Cet équilibre mérite d’être maintenu, l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est le même avis, pour les raisons qui viennent d’être exposées.
La loi organique du 25 avril 2016, extrêmement récente, a fait l’objet de longs débats. Il ne me semble donc pas opportun de revenir sur les termes de la loi à ce stade.
Par ailleurs, le texte dont nous traitons aujourd’hui porte sur des questions de transparence, et non sur les règles et modalités de l’élection présidentielle.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour avoir combattu la loi précitée, je soutiendrai cet amendement.
La dernière élection présidentielle a montré que même cette loi scélérate – disons-le ! (M. Roger Karoutchi sourit.) – n’a pas été respectée. On a eu affaire à un festival d’inégalités et de n’importe quoi comme on n’en a jamais vu !
Je souhaiterais que le Sénat mette en place une commission d’enquête ou une mission d’information sur la façon dont les choses se sont passées concrètement.
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. On est dans l’hypocrisie la plus totale ! Quant à la dérégulation…
M. Philippe Bas, rapporteur. On n’aime pas l’hypocrisie ! (M. Pierre-Yves Collombat sourit.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est vrai !
Par principe, je le répète, je soutiendrai l’amendement, car une telle façon de voir les choses ne devrait pas avoir cours dans une République. Et, encore une fois, même ce dispositif ne fonctionne pas… C’est vraiment n’importe quoi, c’est la jungle !
Mme la présidente. L’amendement n° 86, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du II de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le nombre : « 13,7 » est remplacé par le nombre : « 6,85 » ;
2° À la seconde phrase, le nombre : « 18,3 » est remplacé par le nombre : « 9,15 ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tend à ajouter une disposition relative aux campagnes électorales.
Il s’agit de réduire de moitié les plafonds de dépenses pour les campagnes électorales en vue de l’élection présidentielle, en passant de 13,7 millions à 6,85 millions d’euros pour tous les candidats à l’élection, et de 18,3 millions à 9,15 millions d’euros pour les deux candidats encore en lice au second tour.
En effet, malgré des efforts de contrôle et de transparence depuis trois décennies, les scandales se sont multipliés. Entre les meetings, les déplacements et l’impression des tracts, les dépenses de certains candidats peuvent atteindre des sommets.
Pour éviter des abus et de possibles dérapages, des règles et un encadrement du financement des campagnes électorales ont été mises en place depuis la fin des années quatre-vingt. Mais force est de constater, à la suite de la dernière campagne en vue de l’élection présidentielle, que les choses pourraient être davantage clarifiées et encadrées.
Pour assainir quelque peu ces dépenses, et les moraliser, nous proposons de les diminuer. Dans un souci de bonne utilisation des deniers publics, ces sommes faramineuses ne se justifient pas, et encore moins en cette période où les gouvernements successifs défendent l’austérité.
L’argument consistant à dire qu’outre-Atlantique, les dépenses liées aux campagnes électorales sont beaucoup plus importantes, ne tient pas. D’ailleurs, au vu du dernier résultat des élections américaines, ce système n’emporte pas vraiment l’adhésion…
L’argent pollue la sphère publique, et plus encore à l’ère de la communication excessive et des campagnes tape-à-l’œil.
Aux candidats à la plus haute fonction de l’État de montrer l’exemple en se satisfaisant de campagnes moins onéreuses à tous les niveaux, lesquelles feront davantage appel à l’intelligence des électeurs et à l’intérêt pour le débat public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Les auteurs de l’amendement obtiendront nécessairement un très gros succès d’estime.
Ils auraient déposé un amendement tendant à diviser par quatre le plafond des dépenses de la campagne présidentielle, leur succès aurait été plus grand encore !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de l’opportunisme !
M. Philippe Bas, rapporteur. Si vous vouliez, ma chère collègue, recueillir l’unanimité des Français en faveur de votre amendement, vous auriez aussi pu écrire « zéro ». Après tout, la possibilité de s’exprimer à la télévision devrait suffire !
Or il se trouve que les campagnes présidentielles mobilisent tout de même nombre de nos concitoyens, qui se déplacent pour se rendre à des réunions publiques…
Mme Éliane Assassi. Ils ne votent pas !
M. Philippe Bas, rapporteur. … et dont il faut prendre en charge le déplacement. Il y a aussi les tracts à distribuer. Et j’ai pu remarquer, par ailleurs, qu’un certain nombre de formations politiques manquaient singulièrement de moyens. Il convient, par conséquent, de trouver le bon étiage.
Dans le passé, il est arrivé que les plafonds de dépenses des campagnes présidentielles soient dépassés, et c’était fort regrettable. Il est très difficile de faire tenir dans un budget restreint des dépenses qui concernent la vie démocratique d’un pays de plus de 65 millions d’habitants.
Il est donc raisonnable de ne pas adopter cet amendement et d’en rester au plafond de dépenses, si difficile à tenir, prévu dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, le Gouvernement ne vous suivra pas dans votre proposition.
Nous considérons en effet que l’objet de la loi est non pas de diminuer le montant des dépenses électorales, mais d’assurer leur transparence, ce qui est une première raison de refuser cet amendement.
J’ajoute que le montant des dépenses électorales n’a pas été réévalué depuis 2009, ce qui conduit, de fait, à une diminution du plafond des dépenses.
L’avis est donc défavorable.
Mme Éliane Assassi. Et la diminution du nombre de votants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’entends les arguments de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux. Si encore ces sommes importantes donnaient lieu à une meilleure efficacité et à un plus grand nombre d’électeurs se rendant aux urnes ! Mais tel n’est pas le cas. Nous devons donc nous interroger.
Ce n’est pas l’augmentation du plafond qui permettra une progression à cet égard, mais bien une autre façon de mener les campagnes électorales. Il faut donc se demander comment conduire le débat public avec les électeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Madame Beaufils, s’il y avait un lien entre la dépense et le nombre d’électeurs, alors, du temps du général de Gaulle, quand il n’y avait qu’une seule chaîne de télévision, en noir et blanc, et que les campagnes électorales étaient pour le moins modestes, bien peu de Français seraient allés voter. Cela n’a donc rien à voir…
Ce n’est pas moi qui fixe le coût de l’imprimerie, des spots électoraux, etc. ! C’est une évidence que les campagnes électorales coûtent plus cher aujourd’hui, quel que soit l’impact sur les électeurs.
Je ne suis donc pas convaincu qu’il y ait un lien direct entre les deux éléments. Ce dont je suis convaincu, en revanche, c’est que les formations politiques doivent s’occuper de ceux qui veulent se rendre à des réunions et payer les tracts.
Comme l’a indiqué en creux M. le rapporteur, mieux vaut un plafond cohérent, de manière à être certain que tout le monde restera dans les clous, plutôt qu’un plafond tellement bas que l’on se demandera comment faire campagne.
Mme Éliane Assassi. Vous l’avez dépassé en d’autres temps…
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je serais tenté de soutenir cet amendement relatif au plafonnement des dépenses, car son objet est la bonne utilisation des deniers publics. Mais en prenant du recul, et au bénéfice des explications de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur, on peut s’interroger.
Nous avons vécu plusieurs campagnes électorales, et la récente campagne présidentielle était globalement assez sinistre si l’on considère sa médiatisation et sa déformation. La question des meetings coûteux, entre autres, nous interpelle.
Nous sommes tous favorables, dans cet hémicycle, à la rigueur et à la transparence, qui sont l’objet de ce projet de loi organique.
Malgré tout le respect que m’inspire cet amendement, je me rallierai néanmoins à l’avis de la commission des lois.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre Ier bis
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MEMBRES DU GOUVERNEMENT
(Division et intitulé nouveaux)
Article 1er bis (nouveau)
Le deuxième alinéa de l'article 5 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l'article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :
« À moins que l’intéressé n’ait repris auparavant une activité rémunérée, cette indemnité est versée pendant trois mois maximum, sans que cette durée excède celle des fonctions gouvernementales. » – (Adopté.)
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PARLEMENTAIRES
Articles additionnels avant le chapitre Ier
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 51, présenté par MM. J.L. Dupont, Saugey et D. Bailly, Mme Morin-Desailly, MM. Maurey, Gabouty et Commeinhes, Mme Férat, M. Reichardt, Mme Duchêne, MM. Vasselle, Pierre, Longeot, Bérit-Débat, Médevielle, Laménie, Marseille et Pozzo di Borgo, Mme Bouchoux, M. Kern et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Avant le chapitre Ier (Dispositions relatives aux conditions d'éligibilité et inéligibilités)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase de l’article 1er est complétée par les mots : « au 1er janvier 2022 » ;
2° L’article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – La revalorisation annuelle du montant de l’indemnité parlementaire visée à l’article 1er est effectuée sur la base d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation de l’indemnité concernée.
« Si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre …
Dispositions relatives à l’indemnité des membres du Parlement
L’amendement n° 50, présenté par MM. J.L. Dupont, Saugey et D. Bailly, Mme Morin-Desailly, MM. Bérit-Débat, Maurey, Gabouty et Commeinhes, Mme Férat, MM. Reichardt, Vasselle et Pierre, Mme Duchêne, MM. Longeot, Médevielle, Laménie, Pozzo di Borgo et Marseille, Mme Bouchoux, M. Kern et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Avant le chapitre Ier (Dispositions relatives aux conditions d'éligibilité et inéligibilités)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase de l’article 1er est complétée par les mots : « au 1er janvier 2020 » ;
2° L’article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – La revalorisation annuelle du montant de l’indemnité parlementaire visée à l’article 1er est effectuée sur la base d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation de l’indemnité concernée.
« Si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre …
Dispositions relatives à l’indemnité des membres du Parlement
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Ces amendements sont défendus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je répète ce que j’ai dit, hier, à M. Jean-Léonce Dupont : le Gouvernement est favorable à une réflexion globale sur l’évolution de la rémunération des parlementaires, mais cela ne peut se faire au détour de ce projet de loi organique, sans un travail concerté et réfléchi dont nous devons définir les modalités ensemble.
L’avis est donc, pour le moment, défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je suivrai l’avis de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux, mais, je tiens à le dire, je trouve incroyable que l’on présente cet amendement à l’heure où est annoncé le gel du point d’indice des fonctionnaires.
Cette posture politique m’interroge : on se protège et, dans le même temps, on ne dit mot sur le sort qui sera réservé à nos fonctionnaires du fait du gel du point d’indice et de la suppression de milliers de postes dans la fonction publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. On peut saisir toutes les opportunités pour faire du populisme ; c’est assez facile…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le cas. C’est la réalité !
M. Jean-François Longeot. Je ne vous ai pas coupé la parole, ma chère collègue !
S’il n’est plus possible aujourd’hui, dans cet hémicycle, de réfléchir ou de faire des propositions, à quoi servons-nous ?
Contrairement à ce que vous avez dit, il s’agissait d’un amendement d’appel. Je remercie donc Mme la garde des sceaux d’avoir dit que la discussion était ouverte.
Je retire les amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 51 et 50 sont retirés.
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conditions d’éligibilité et inéligibilités
Article additionnel avant l'article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Kaltenbach, n’est pas soutenu.
Article 2
Le chapitre III du titre II du livre Ier du code électoral est complété par un article LO 136-4 ainsi rédigé :
« Art. LO 136-4. – L’administration fiscale transmet au député, dans le mois suivant la date de son entrée en fonction, une attestation constatant s’il satisfait ou non, à cette date et en l’état des informations dont dispose l’administration fiscale, aux obligations de déclaration et de paiement des impôts dont il est redevable. Est réputé satisfaire à ces obligations de paiement le député qui a, en l’absence de toute mesure d’exécution du comptable, acquitté ses impôts ou constitué des garanties jugées suffisantes par le comptable, ou, à défaut, conclu un accord contraignant avec le comptable en vue de payer ses impôts, ainsi que les éventuels intérêts échus, pénalités ou amendes, à condition qu’il respecte cet accord.
« L’attestation mentionnée au premier alinéa ne constitue pas une prise de position formelle de l’administration fiscale sur la situation fiscale du député.
« Le député est invité, le cas échéant, par l’administration fiscale à présenter ses observations et à se mettre en conformité avec les obligations fiscales mentionnées au même premier alinéa dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette invitation.
« Si le député ne satisfait pas aux obligations mentionnées audit premier alinéa au terme de ce délai et que cette situation ne résulte d’aucune contestation dont est saisi le juge, l’administration fiscale informe le bureau de l’Assemblée nationale de la situation.
« Si le bureau de l’Assemblée nationale constate que le député n’est pas en conformité avec les obligations mentionnées au même premier alinéa, il saisit le Conseil constitutionnel qui peut prononcer la déchéance du mandat de député en cas de manquement d’une particulière gravité aux obligations mentionnées au même premier alinéa. »
Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le bureau de l'Assemblée nationale saisit le Conseil constitutionnel, qui peut constater l'inéligibilité du député et le déclarer démissionnaire d'office par la même décision. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 2° de l'article LO 128 du code électoral, les références : « et LO 136-3 » sont remplacés par les références : « , LO 136-3 et LO 136-4 ; ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Compte tenu de la possibilité offerte aux élus en retard de déclaration et de paiement de se mettre en conformité avec leurs obligations fiscales, sur invitation expresse de l’administration fiscale, il ne nous semble pas justifié, en cas de manquement persistant à cette obligation, de réduire le champ d’application de la démission d’office aux seuls manquements caractérisés par une particulière gravité.
Il nous semble également qu’il n’y a pas lieu de donner au bureau de chaque assemblée un pouvoir d’appréciation du manquement.
Je rappelle, au demeurant, que la suppression du critère de particulière gravité n’empêchera pas le Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle de proportionnalité de la sanction en tant que juge de l’élection.
Cela me conduit donc, je le dis d’ores et déjà, à être favorable au sous-amendement qui a été déposé sur cet amendement.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 90, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 70, alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Après le mot :
peut
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
constater, en fonction de la gravité du manquement aux obligations mentionnées au premier alinéa, l’inéligibilité du député et le déclarer démissionnaire d’office par la même décision. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons adopté le même dispositif hier, à la réserve près que c’est le Conseil d’État qui se prononce dans le cas des parlementaires européens.
Pour les parlementaires français, c’est le Conseil constitutionnel qui se prononcera.
Le système est très simple. Au vu de l’attestation de l’administration fiscale, si le nouvel élu n’est pas en règle avec ses obligations fiscales les plus élémentaires, la transmission au bureau de l’assemblée, lequel n’est pas une simple boîte aux lettres, se fait en fonction de la gravité du manquement.
J’admets, madame la garde des sceaux, comme nous l’avons fait pour les parlementaires européens, qu’il ne faille pas poser l’exigence d’un manquement d’une particulière gravité, mais permettre au Conseil constitutionnel d’avoir une appréciation en fonction de la gravité du manquement.
C’est subtil, mais nous ne voudrions pas que le Conseil constitutionnel n’ait aucune capacité d’appréciation.
L’avis de la commission est donc favorable sur l’amendement n° 70, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris à ce sous-amendement.
Puisque je dispose d’un peu plus de deux minutes de temps de parole, je veux en profiter pour dire que nous sommes nombreux à partager les propos tenus par Mme Assassi au sujet des amendements nos 51 et 50, qui ont été retirés.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je trouve étrange que cette attestation ne constitue pas une prise de position formelle de l’administration. On a l’impression que c'est un peu décoratif !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Labbé, Manable, Tourenne et Duran, Mmes Herviaux, Yonnet et Monier, MM. Labazée, Botrel, Carcenac et Courteau, Mmes Lepage, S. Robert, Jourda, Conway-Mouret, Meunier et Benbassa, M. Desessard, Mmes Archimbaud et Bouchoux et M. Dantec, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« Le Conseil constitutionnel s’assure que le bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes présentées ne porte pas la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif au sens de l’article LO 127-1 du code électoral.
« Les condamnations incompatibles avec l’exercice d’un mandat électif sont :
« 1° Les infractions d’atteintes à la personne humaine réprimées aux articles 221-1 à 221-5-5, 222-1 à 222-18-3, 222-22 à 222-33, 222-33-2 à 222-33-3, 222-34 à 222-43-1, 222-52 à 222-67, 224-1 A à 224-8, 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12, 225-12-1 à 225-12-4,225-12-5 à 225-12-7, 225-12-8 à 225-12-10 , 225-13 à 225-16 du code pénal ;
« 2° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du même code ;
« 3° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 dudit code ;
« 4° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 du même code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 5° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ;
« 6° Les infractions fiscales. »
II. – Après l’article LO 127 du code électoral, il est inséré un article LO 127-1 ainsi rédigé :
« Art. LO 127-1. - Ne peuvent pas faire acte de candidature les personnes dont le bulletin n° 2 de son casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif.
« Les condamnations incompatibles avec l’exercice d’un mandat électif sont :
« 1° Les infractions d’atteintes à la personne humaine réprimées aux articles 221-1 à 221-5-5, 222-1 à 222-18-3, 222-22 à 222-33, 222-33-2 à 222-33-3, 222-34 à 222-43-1, 222-52 à 222-67, 224-1 A à 224-8, 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12, 225-12-1 à 225-12-4, 225-12-5 à 225-12-7, 225-12-8 à 225-12-10, 225-13 à 225-16 du code pénal ;
« 2° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du même code ;
« 3° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 dudit code ;
« 4° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 du même code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 5° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ;
« 6° Les infractions fiscales.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
III. – Le I du présent article s’applique à compter de la première élection présidentielle suivant la promulgation de la présente loi.
Le II du présent article s’applique à compter, s’agissant des députés, du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale et, s’agissant des sénateurs, du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient le sénateur.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à imposer aux candidats à l’élection présidentielle ou aux élections législatives et sénatoriales la production d’un casier judiciaire vierge.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés lors de la discussion du projet de loi ordinaire. Je veux simplement vous rappeler la proposition de loi que j’ai déposée au Sénat sur le sujet. Deux propositions de loi, l’une ordinaire et l’autre organique, ayant le même objet, déposées par ma collègue députée Fanny Dombre-Coste, ont été adoptées le 1er février dernier à l'Assemblée nationale par l’ensemble des députés, quelles que soient leurs convictions politiques.
Cet amendement a pour but de répondre à la double nécessité d’exemplarité et d’équité. Hier soir, nous avons procédé au « rattrapage » de notre vote sur l’article 4. L’image du Sénat avait été écornée, comme vous avez pu le constater en lisant la presse hier matin. Nous devrions veiller à donner une image plus positive de notre assemblée. Après le vote des deux propositions de loi à l'Assemblée nationale, on sent qu’il y a ici une certaine retenue. J’ai entendu les arguments du rapporteur et de la garde des sceaux selon lesquels le dispositif proposé est beaucoup plus sévère que l’exigence de présentation d’un casier judiciaire vierge. Mais les Français peuvent-ils le comprendre ?
Il faut arrêter de s’écouter entre nous, et tendre l’oreille vers l’extérieur. Avec mon collègue Joël Labbé, comme je l’ai dit hier, j’ai proposé une consultation sur les textes dont nous discutons et les retours que nous avons eus sur l'amendement « casier vierge » sont nombreux et positifs. Il est temps d’écouter les Français pour donner, avec ces projets de loi, une image plus moderne que celle que nous avons pu avoir jusqu’à aujourd'hui.
Je ne poserai qu’une question : que dire aux citoyens candidats à la fonction publique qui, eux, doivent présenter un casier judiciaire vierge ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Les amendements n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann et M. Montaugé, n° 61, présenté par Mme Garriaud-Maylam, et n° 3 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Montaugé, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 13 rectifié ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je vous rappelle, mon cher collègue, que le débat sur le choix entre l’exigence d’un casier judiciaire vierge ou l’absence de condamnation pénale a déjà eu lieu sur le projet de loi ordinaire. Il nous semble que la deuxième solution est plus sûre d’un point de vue juridique et, en réalité, plus sévère.
Le casier judiciaire vierge est un système aléatoire, puisque la personne condamnée peut demander, ou non, et obtenir, ou non, du procureur – et non d’un juge du siège – que la peine soit effacée de son casier judiciaire. On ne saura donc jamais si un condamné a réussi à faire oublier la condamnation qu’il a subie pour se porter candidat.
Par ailleurs, la mesure proposée est rétroactive. Or, en matière de loi pénale, la rétroactivité est inconstitutionnelle.
Je vous assure que le dispositif adopté dans la loi ordinaire est plus fort, plus respectueux des droits fondamentaux et moins aléatoire que votre proposition. Par conséquent, comme nous avons déjà voté sur ce sujet qui revient maintenant, il serait, me semble-t-il, préférable, si vous en êtes d’accord et sans vous demander de renoncer à vos convictions – vous les avez réitérées avec force –, que vous retiriez votre amendement.
Vous avez pu soutenir votre position, qui a déjà été rejetée dans la loi ordinaire. Si vous ne retirez pas votre amendement, nous procéderons au vote, mais je ne doute pas que le Sénat votera de la même façon pour la loi organique que pour la loi ordinaire, puisque l’exigence de cohérence s’impose à nos votes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sans reprendre les débats, je veux dire qu’il existe, nous semble-t-il, un risque constitutionnel. Je comprends parfaitement l’objectif de probité qui vous a poussé, monsieur le sénateur, à défendre cet amendement, mais l’automaticité de la peine qui pourrait en découler présente un risque constitutionnel.
Par ailleurs, en ce qui concerne la comparaison que vous avez faite avec l’accès à la fonction publique, il me semble que le droit de suffrage a un caractère constitutionnel extrêmement puissant, de même que ses corollaires, la liberté de candidature et la liberté de choix de l’électeur.
Tout en comprenant l’objectif que vous défendez, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Cabanel, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, madame la présidente, par cohérence avec le vote sur le projet de loi ordinaire.
J’entends bien les arguments que vous avez développés, madame la garde des sceaux, mais je ne les partage pas. Je souhaite que le débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale soit plus bénéfique que celui que nous avons eu sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, les Français ne comprennent pas l’argumentation que vous avez développée.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il faut leur expliquer !
M. Henri Cabanel. En revanche, ils voient très bien ce que veut dire la présentation d’un casier vierge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié est retiré.
Néanmoins, et à titre très exceptionnel, je vous donne la parole, monsieur Guillaume.
M. Didier Guillaume. Notre collègue Henri Cabanel a retiré son amendement, mais je voulais vous dire, madame la garde des sceaux, que votre argumentation ne tient pas. Vous comparez les candidats à la fonction publique et ceux à une élection, en évoquant le droit de suffrage. Mais alors, à ce titre, on ne devrait pas limiter à trois le nombre de mandats, on n’interdit pas le cumul des mandats… Sinon le peuple a toujours raison !
Vos propos sont contradictoires avec le texte que vous présentez. Il faut envoyer des signes à la population. Celui que proposait Henri Cabanel était fort, et il est bon que le débat ait eu lieu dans notre hémicycle. Il a retiré son amendement, dont acte. Mais à certains moments, nous devons dire les choses : on peut traiter différemment certaines catégories de la population, par exemple les fonctionnaires et les élus. L’élu n’est pas au-dessus des lois : votre position est contraire à ce que vous voulez faire avec ce texte.
Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié quater, présenté par M. Vasselle, Mme Hummel, MM. Danesi, de Raincourt, César et Mayet, Mme Imbert, MM. Commeinhes, J.P. Fournier, Cuypers, Chaize, Genest, Lefèvre et Chasseing, Mme de Rose et MM. Calvet, Pierre, Pointereau, Longuet, Nougein, Grand et Revet, Mme F. Gerbaud, MM. D. Laurent, Laménie et Houpert et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l'exception du mandat au sein du conseil municipal d'une commune de moins de 3 500 habitants, nul ne peut faire acte de candidature pour un mandat électif si, au jour de l’élection ou, en cas de vacance du siège, au jour de la vacance, il exerce un troisième mandat consécutif.
II. – Le 1° de l'article LO 141-1 du code électoral est complété par les mots : « d'une commune comptant plus de 3 500 habitants ».
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement a été déposé sur l’initiative d’Alain Vasselle et cosigné par un certain nombre de collègues.
Dans les petites communes rurales, le mandat électif s’apparente pratiquement à du bénévolat. Cet amendement vise à harmoniser les dispositions du code électoral concernant ces petites communes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, il serait préférable de retirer votre amendement.
Celui-ci porte sur le renouvellement des mandats des élus locaux et pose comme règle que les maires de communes de plus de 3 500 habitants ne peuvent pas faire plus de trois mandats.
Je sais bien que votre intention est de protéger les maires des communes de moins de 3 500 habitants. Mais êtes-vous sûr d’être réellement favorable à la limitation de la souveraineté de l’électeur, qui se verrait interdire de renouveler pour un quatrième mandat le maire d’une commune de 3 502 habitants ?
Par ailleurs, si telle était tout de même votre intention – même si je suis certain que ce n’est pas le cas –, je vous indique qu’une telle disposition relève de la seule Constitution.
La liberté de candidature en démocratie est un droit fondamental. Si nous adoptions une disposition, comme le Gouvernement l’avait souhaité, qui limite dans le temps le renouvellement des mandats, il faut réviser la Constitution. C'est si vrai que, lorsque le président Nicolas Sarkozy a voulu limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, cela s’est traduit par une disposition de la révision constitutionnelle de 2008.
On ne peut donc pas adopter par la loi la disposition que vous proposez, dont il n’est, de toute façon, pas certain qu’elle soit opportune pour les maires de nos communes.
Je vous donne acte de votre intention de permettre aux maires des plus petites communes d’être renouvelés au-delà de trois mandats, mais votre amendement présente des risques. Je vous demande donc de le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Votre amendement, monsieur le sénateur, ne correspond pas exactement à l’objet du présent projet de loi organique. Si une réflexion devait être conduite sur le sujet, elle relèverait plutôt de la révision constitutionnelle annoncée par le Président de la République.
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l'amendement n° 5 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. C'est le problème avec les cosignatures d’amendement ! On a peu de temps pour réagir et, je le reconnais, on peut parfois vite s’emballer…
Il faut toujours tout peser : chaque mot, chaque détail, compte. On connaît l’attachement de beaucoup d’entre nous aux petites communes, à leur identité et à leur légitimité, et au monde rural.
Avec Alain Vasselle et d’autres collègues, nous voulions faire passer des messages par cet amendement d’appel. Mais, après avoir entendu les explications pertinentes du rapporteur et de la garde des sceaux, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié quater est retiré.
Article 2 bis (nouveau)
Au 21° de l’article LO 132 du code électoral, après les mots : « des établissements publics », sont insérés les mots : « , des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Delahaye et Bonnecarrère, Mme Férat, M. Gabouty et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du II de l'article LO 132 du code électoral, après les mots : « titulaires des fonctions suivantes », sont insérés les mots : « , sauf lorsque leur contrat est de droit privé ».
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement a trait à certaines inéligibilités qui me paraissent choquantes. Je pense en particulier à celles qui sont relatives aux directeurs de cabinet, qui ont des contrats de droit privé et qui ne peuvent se présenter aux élections.
L'article LO 132 du code électoral vise les fonctions comportant de hautes responsabilités – fonctions de direction et d'autorité – dont la détention par le candidat pourrait influer sur le choix des électeurs, altérant ainsi la sincérité du scrutin.
Cette disposition me semble très excessive, surtout quand on sait que les ministres ne sont pas soumis à des mesures d’inéligibilité. Ils ont donc la possibilité de se présenter, alors qu’ils exercent des fonctions d’autorité qui influent forcément sur l’électeur.
La situation n’est pas normale. Je ne connais pas les raisons qui sont à l’origine de cette disposition, mais l’objectif de mon amendement est de revenir sur cette interdiction, notamment pour les personnes sous contrat de droit privé. Celles-ci ne disposent pas d’une garantie d’emploi à vie. Je ne vois pas pour quelle raison on leur interdirait de se présenter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je comprends votre souci, mon cher collègue. Des responsables d’administration locale sont sous contrat de droit privé, alors que beaucoup d’autres sont sous contrat de droit public.
Néanmoins, leur fonction est la même. Le code électoral prévoit qu’un certain nombre de fonctions empêchent leurs titulaires d’être immédiatement candidats à des élections locales, parce qu’ils ont en fait un « pouvoir local ». Il n’est pas tenu compte de la nature juridique du lien entre ces personnes et leur employeur, qui, lui, est public et exerce des responsabilités d’administration générale de collectivité.
Il faut aller au fond des choses. Ce qui est important, c'est d’empêcher d’être candidats des personnalités qui pourraient, par les responsabilités qu’elles exercent, influer sur le vote des électeurs. Peu importe la nature de leur contrat !
Quand on lit la liste de l’article LO 132 du code électoral, cela reviendrait à permettre aux uns d’être candidats, parce qu’ils ont un contrat de droit privé, et à interdire aux autres de l’être parce qu’ils ont un contrat de droit public, alors que tous font exactement la même chose !
Je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je partage l’analyse du rapporteur. Le conflit d’intérêts est inhérent à la fonction exercée et non à la nature du contrat. Je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je serai dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. J’entends bien l’argumentation qui a été avancée. Plus que la nature, publique ou privée, du contrat, il m’importe qu’on s’interroge sur les raisons qui ont prévalu à l’élaboration de cette interdiction. De nombreuses fonctions peuvent influer sur le choix des électeurs, et pas uniquement celles qui figurent dans le code électoral. Je ne vois pas pourquoi on interdit aux directeurs de cabinet de se présenter à des élections, et pas aux ministres.
J’aimerais que soit menée une réflexion de fond sur ce sujet. Je sais que mon amendement ne sera pas adopté et j’ai bien compris qu’il était difficile de faire une distinction selon la nature du contrat alors que les fonctions exercées sont les mêmes.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.
Chapitre II
Dispositions relatives aux incompatibilités
Article 3
Le 5° du III de l’article LO 135-1 du code électoral est complété par les mots : « , ainsi que les participations directes ou indirectes qui confèrent le contrôle d’une société, d’une entreprise, ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil ».
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur et Leconte, Mme D. Michel, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
qui confèrent le contrôle
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement vise à élargir la portée de l'article, en prévoyant que l'obligation déclarative relative aux activités de conseil ne se limite pas aux seules participations qui « confèrent le contrôle » d'une société de conseil.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Toutes les obligations de déclaration sont liées à une incompatibilité.
Aussi, en l’absence d’incompatibilité, une obligation de déclaration ne peut être prévue. C'est le cas avec cet amendement. La commission y est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° du III de l’article LO 135-1 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La nature, la valeur, l’origine et le motif de tout avantage gratuit d’une valeur de plus de 1 500 euros, exception faite de cadeaux reçus par des parents proches. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Des élus sont régulièrement sollicités par des concitoyens, des associations et aussi des groupes d’intérêts. Ces sollicitations peuvent s’accompagner d’un cadeau, d’une invitation, voire d’une ristourne au montant parfois élevé. Certains groupes d’intérêts espèrent obtenir compensation de ces cadeaux.
Dans l’esprit de ce qui nous a animés lors des dernières années où plusieurs réformes ont vu le jour, comme la déclaration de patrimoine et le registre des représentants d’intérêts, il s’agit aujourd’hui pour nous d’aller plus avant dans la prévention des conflits d’intérêts et de lever les soupçons réguliers de corruption.
Les récentes échéances électorales ont marqué l’attention particulière des Français au sujet des cadeaux faits aux élus. Cette exigence de transparence traduit la perte de confiance des citoyens envers leurs élus, qu’il nous convient de restaurer, en inscrivant dans le projet de loi organique dont nous débattons un principe de prudence.
Ainsi, nous proposons d’ajouter l’obligation de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la nature, la valeur, l’origine et le motif de tout avantage gratuit excédant une valeur de 1 500 euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est tout à fait inutile. L’organisation de la déontologie relève exclusivement du bureau. On ne va pas commencer à faire figurer cette question dans la loi. Le bureau a pris les devants : je vous rappelle, ma chère collègue – mais vous le savez et le pratiquez – que tout cadeau d’une valeur supérieure non pas à 1 500 euros mais à seulement 150 euros doit être déclaré.
Nous avons adopté des règles depuis mai 2015. Cette obligation est assortie de sanctions disciplinaires. Ce dispositif est bien plus exigeant que la seule déclaration à une autorité extérieure, qui n’a d’ailleurs pas vocation à se prononcer sur ce type de question.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par M. Zocchetto, n'est pas soutenu.
Article 4
Après le 7° de l’article LO 146 du code électoral, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les sociétés, entreprises ou organismes dont l’activité consiste principalement à fournir des prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes mentionnés aux 1° à 7°. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin et Mmes Costes, Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 7° de l’article LO 146 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les sociétés, entreprises ou organismes de plus de 5 000 salariés ou dont le chiffre d'affaires excède 1,5 milliard d'euros et le total de bilan 2 milliards d'euros. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle incompatibilité entre le mandat parlementaire et plusieurs fonctions de direction au sein des très grandes entreprises.
Il ne s’agit évidemment pas d’empêcher les personnes assurant ces fonctions de devenir parlementaires : leur expérience dans l’entreprise peut utilement éclairer le débat public.
Il est cependant nécessaire de les contraindre de choisir entre la faculté d’exercer ponctuellement un mandat de représentant de la Nation et des engagements professionnels potentiellement très lourds.
Le mandat parlementaire exige une très grande disponibilité, on l’a régulièrement entendu dans le débat sur le non-cumul des mandats. La direction d’entreprises de plus de 5 000 salariés ou générant un chiffre d’affaires supérieur à 2 milliards d’euros, avec toutes les sujétions qui lui incombent, paraît incompatible avec celles qui sont dévolues aux parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ma chère collègue, la nature du problème est exactement la même, que la société soit petite ou grosse. Les incompatibilités sont faites pour éviter que les liens d’intérêts d’un parlementaire mettent en cause son indépendance.
Vous savez que les incompatibilités sont, heureusement, déjà très larges puisqu’elles comprennent le fait de travailler pour des sociétés cotées, des sociétés d’économie mixte, des sociétés subventionnées par la puissance publique. Mais que la société soit petite ou grosse, j’y insiste, ne change rien du point de vue de la protection de l’indépendance du parlementaire.
C'est la raison pour laquelle je vous serais très reconnaissant si vous acceptiez de retirer votre amendement au bénéfice des explications que je vous ai apportées. Dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je partage l’avis du rapporteur. L’objet de la loi est la prévention des conflits d’intérêts, qui sont liés à la nature de l’activité de l’entreprise. La taille de l’entreprise ne constitue, par elle-même, ni un facteur de risque ni un critère pertinent à cette fin.
Je souhaiterais que vous retiriez votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 85 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je le retire, madame la présidente, au vu des explications satisfaisantes qui m’ont été apportées.
Je me faisais juste un petit plaisir à l’endroit des grosses entreprises, que nous remarquons plus facilement que les petites…
Mme la présidente. L'amendement n° 85 rectifié est retiré.
Article 5
L’article LO 146-1 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. LO 146-1. – Il est interdit à tout député de :
« 1° Commencer à exercer une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat ;
« 2° Poursuivre une telle activité lorsque celle-ci a été initiée dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction ;
« 3° Fournir des prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes mentionnés aux 1° à 7° de l’article LO 146. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Montaugé et Daudigny, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
député
insérer les mots :
et à tout sénateur
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Poursuivre une telle activité dès le premier jour du mois de son entrée en fonction ;
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par M. Assouline, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 34, présenté par MM. Botrel, Sueur, Leconte, Mazuir et Lozach, Mme Cartron et MM. Roux, Duran et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
trois ans
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le projet de loi organique prévoit que les parlementaires qui exercent une activité de conseil sont autorisés à poursuivre une telle activité si celle-ci a été initiée dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction.
Notre volonté est de faire que cette loi soit efficace et qu’elle garantisse une confiance totale de nos concitoyens dans l’action publique, sans pour autant sombrer, comme cela a été rappelé plusieurs fois, notamment lors de la discussion générale, dans une chasse aux sorcières qui serait néfaste.
Le présent amendement prévoit que le parlementaire est autorisé à poursuivre une activité de conseil si celle-ci a été initiée dans les trois ans précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction.
Cet amendement vise à lever tout soupçon à l’encontre des parlementaires concernés. En effet, le délai de douze mois, initialement prévu, ne nous semble pas suffisant pour garantir la plus grande transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Vous le savez, douze mois avant l’élection, dans de nombreux cas de figure, nous connaissons déjà les candidats qui se présenteront. Il s’agit de prévenir les situations dans lesquelles certains d’entre eux tenteraient de développer une activité de conseil en vue de devenir parlementaire. C’est pourquoi le délai proposé nous semble insuffisant.
Sans sombrer dans une suspicion systématique, nous ne devons pas laisser de place aux doutes pour nos concitoyens et nous devons faire preuve de la plus totale transparence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement touche non pas à la liberté d’entreprendre du parlementaire, mais à la liberté pour les Français qui exercent une profession d’être candidats. Avec votre amendement, un jeune de 26 ans, qui a terminé ses études et qui se lance dans une activité de consultant, n’aurait pas le droit d’être candidat à un mandat législatif ou sénatorial pendant les trois années qui suivent le début de sa carrière professionnelle.
Cette mesure est gravement frustratoire d’un droit fondamental : celui de tout Français d’être candidat à une élection.
Je pense même que, en ayant prévu un délai d’un an avant de pouvoir être candidat à une élection tout en gardant son métier, la mesure que nous avons prise est déjà extrêmement sévère.
Ainsi, on ne peut pas adopter cet amendement, car la privation du droit fondamental d’exercer sa profession qui en résulterait serait trop grande pour les citoyens français qui voudraient être candidats à des élections législatives ou sénatoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ferai la même observation et j’émettrai aussi un avis défavorable sur ces amendements.
Il me semble que ne retenir aucune limite à l’antériorité ou, au contraire, prévoir un délai de trois ans, comme cela est proposé, si je ne me trompe pas, au travers de l’amendement de M. Botrel, serait totalement disproportionné. En effet, cela conduirait à interdire toute candidature à une élection aux personnes exerçant une activité professionnelle de cette nature. Le risque constitutionnel serait excessif ou disproportionné.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas admettre cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article LO 146-1 du code électoral, il est inséré un article LO 146-… ainsi rédigé :
« Art. LO 146-… – Les revenus qu’un parlementaire tire d’activités de conseil sont plafonnés à 15 % de l’indemnité parlementaire. La liste des clients du cabinet de conseil auquel appartient le parlementaire dans ce cadre est rendue publique. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À défaut d’interdire l’activité de conseil aux parlementaires en cours de mandat, nous souhaitons, au travers de cet amendement, limiter les revenus annexes tirés de ces activités.
Nous préconisons ainsi l’établissement d’un seuil de 15 % des revenus et nous recommandons également que soit publiée la liste des clients du cabinet de conseil auquel appartient le parlementaire. Il s’agit, même si l’activité de conseil du parlementaire est en sommeil, de permettre une traçabilité des possibles conflits d’intérêts.
Au travers d’une contribution du groupe CRC à une mission d’information sur les conflits d’intérêts, menée par l’ancien sénateur Jean-Jacques Hyest, nous étions même allés plus loin en promouvant non seulement une conception du conflit d’intérêts quand celui-ci est avéré, mais encore de manière préventive. C’est ce qui sous-tend cet amendement, qui vise à instaurer la publicité sur les clients du cabinet de conseil d’un parlementaire, qu’il exerce ou non son activité.
Par ailleurs, nous préconisons d’aller beaucoup plus loin dans le régime des incompatibilités, en interdisant notamment tout travail pendant l’exercice d’un mandat. Le caractère général de cette interdiction aurait au moins le mérite de la clarté. Bien sûr, on aurait pu envisager des autorisations accordées par une autorité unique et indépendante de déontologie de la vie politique ; c’est en ces termes que nous intervenions déjà en 2011, anticipant ainsi la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement tend simplement, à défaut de l’interdire, à limiter la proportion des revenus issus des activités de conseil. Il s’agit donc d’un amendement de repli et, me semble-t-il, de bon sens.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par M. Kaltenbach n’est pas soutenu.
L’amendement n° 35 rectifié ter, présenté par Mme Yonnet, M. Sueur, Mmes Blondin, Cartron et Lepage, MM. Lozach, Marie et Mazuir, Mme Conway-Mouret, M. Madec, Mme Féret et M. Leconte, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article LO 146-1 du code électoral, il est inséré un article LO 146-… ainsi rédigé :
« Art. LO 146-… – Les revenus qu’un député tire d’activités de conseils sont plafonnés à 50 % de l’indemnité parlementaire. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le III de l’article LO 135-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le député retirant de son activité de conseil une recette brute supérieure à 150 000 € au cours de la dernière année fait figurer au titre du 11°, dans le mois suivant la clôture de l’exercice, la liste des cinq entités dont il a obtenu les recettes les plus importantes. »
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Sur ce thème des conflits d’intérêts liés aux activités de conseil, nous devons essayer de trouver la bonne règle, celle qui instaure un équilibre entre deux principes : d’une part, le fait que les parlementaires, sur le fondement de la Constitution, ont la liberté d’entreprendre et peuvent donc, en droit, exercer une activité professionnelle intégrale en même temps que leur mandat parlementaire – c’est quelque chose d’un peu surprenant pour la grande majorité de nos concitoyens, mais c’est le droit – et, d’autre part, l’exigence d’indépendance ainsi que celle de disponibilité.
Or, conformément au texte organique en vigueur, il existe déjà une obligation de déclaration de toute une série de données ; je souligne à ce sujet que, au 11° du III de l’article LO 135-1 du code électoral, ce sont toutes les activités professionnelles que l’on doit déclarer, qu’elles soient ou non potentiellement génératrices de conflits d’intérêts.
Dès lors, notre raisonnement consiste à dire que, quand l’activité professionnelle de conseil prend un caractère prédominant par rapport à l’exercice du mandat parlementaire, si l’on ne peut constitutionnellement s’y opposer – c’est d’ailleurs pour cela que les amendements consistant à plafonner légalement les ressources du parlementaire ne peuvent prospérer –, il nous paraît en revanche évident que, pour prévenir les conflits d’intérêts, il doit y avoir un signalement.
Notre amendement se fonde donc sur ce principe. Il vise à ce que, lorsque la recette issue de l’activité de conseil dépasse le double de l’indemnité parlementaire, ce qui semble indiquer que la personne est très fortement investie dans cette activité et qu’elle jouit d’une reconnaissance du marché très au-dessus de la moyenne, même si cette activité est licite – il n’est pas ici question de l’empêcher –, il paraît tout de même cohérent avec les déclarations d’intérêts telles que nous les avons définies, incluant par exemple les déjeuners, que l’intéressé, qui perçoit donc plus de 150 000 euros par an de son activité de conseil, indique dans sa déclaration d’intérêts qui sont les cinq premiers contributeurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ceux de ces amendements qui visent à limiter la rémunération qu’un parlementaire peut tirer d’une activité compatible avec son mandat – compatible, j’y insiste – méconnaissent le fait que les activités professionnelles ne sont pas toutes rémunérées à la même hauteur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a des activités qui, avec trois ou quatre heures de travail, peuvent apporter une rémunération très supérieure à l’indemnité parlementaire mensuelle elle-même ; c’est ainsi.
Dès lors, soit on décide que ces activités sont incompatibles avec le mandat parlementaire, mais ce n’est pas le cas ici – puisque l’on propose de limiter le montant du revenu, c’est qu’elles sont tout à fait compatibles –, soit on limite le revenu qu’elles procurent, mais alors on ne peut pour ainsi dire plus les exercer qu’à titre quasi bénévole par rapport au revenu normal que l’on tire de ce type d’activité.
Il y a en effet des activités d’avocat ou de conseil qui, pour un professionnel qui a pignon sur rue, peuvent rapporter 700, 800, voire 900 euros par heure ! Ainsi, derrière ces amendements qui limitent la rémunération susceptible d’être perçue, il y a dès le départ, me semble-t-il, une erreur dans le choix de l’instrument. On pourrait éventuellement dire que l’on ne peut consacrer plus de deux, trois ou quatre jours par semaine à ces activités, parce qu’il faut se consacrer principalement à son travail de parlementaire, mais, à ce moment-là, on rentrerait dans des considérations très délicates parce que personne ne peut nous interdire de travailler de nuit, ou le samedi, voire le dimanche.
Au fond, notre critère de décision doit uniquement être : « cette activité est-elle compatible ou non ? ». Les incompatibilités ont déjà été élargies et nous les élargissons encore en prévoyant que l’on ne peut conserver une activité de conseil qui n’aurait pas été commencée au moins un an avant le début du mandat parlementaire – nous avons rejeté le délai de trois ans, mais nous avons adopté ce délai d’un an.
L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 29, ainsi que sur l’amendement n° 35 rectifié ter.
L’amendement n° 25 rectifié de M. Richard, qui vise à rendre publique la liste des cinq principaux clients d’un parlementaire qui exercerait une activité de conseil, a également reçu un avis défavorable de la commission, au motif que cette liste de clients est normalement couverte par le secret professionnel.
Cela dit, je dois dire que l’entorse à nos principes que constituerait cette disposition me paraît infiniment moins grave que celle dont sont porteurs les précédents amendements. Aussi, à titre personnel, je ne serais pas éloigné, sur cet amendement, de m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’amendement n° 29, qui tend à plafonner les revenus tirés d’activités de conseil à 15 % de l’indemnité parlementaire, n’établit pas une interdiction absolue, mais, malgré cela, le fait de limiter les revenus tirés d’une activité, quelle qu’elle soit, est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre.
En outre, l’objectif visé, tout à fait digne d’intérêt puisqu’il s’agit d’inciter fortement les parlementaires à se consacrer à l’exercice de leur mission et à leur mandat, devrait logiquement conduire à appliquer ce plafond de 15 % à l’ensemble des activités exercées par les parlementaires, et non seulement l’activité de conseil.
Enfin, dernière observation, le conflit d’intérêts dépend davantage de la nature des activités exercées, comme le faisait valoir M. le rapporteur, que du montant des sommes perçues au titre de ces activités.
Pour toutes ces raisons, tant constitutionnelles que de logique interne, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Richard, a pour objectif de rendre plus visibles un certain nombre de situations dans lesquelles le risque de conflit d’intérêts pourrait paraître élevé pour les raisons que vous avez évoquées. Vous souhaitez pour cela, monsieur le sénateur, que les parlementaires qui tirent d’une activité de conseil des revenus substantiels déclarent leurs principaux clients, les cinq plus importants, disiez-vous.
Je comprends, monsieur le sénateur, l’intérêt de votre amendement, qui va dans le sens d’un meilleur contrôle des activités de conseil. Pour autant, l’efficacité de la mesure que vous proposez ne me semble pas suffisamment établie, pour deux raisons. Tout d’abord, le seuil de 150 000 euros peut sembler arbitraire – ne voyez aucune connotation péjorative dans ce terme –, car, au fond, pourquoi 150 000 euros ? En outre, il me semble que cet amendement pose la question du secret professionnel, lorsqu’il s’agit d’une activité réglementée, mais vous avez peut-être un autre regard là-dessus.
Enfin, il me semble qu’en se concentrant sur la situation de parlementaires qui tirent des revenus importants de leur activité de conseil, cette mesure, M. le rapporteur l’a également expliqué, risque de rendre moins visibles d’autres situations qui pourraient être tout aussi problématiques. Je le répète, l’existence d’un conflit d’intérêts n’est pas liée uniquement au revenu que l’activité génère.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 35 rectifié ter.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 29.
M. André Reichardt. Je voterai naturellement contre ces trois amendements, mais mon intervention portera sur l’amendement n° 29, sur lequel je souhaite particulièrement m’étendre parce que j’ai un peu de mal à le comprendre ; il me gêne même singulièrement.
Lorsque l’on propose que les revenus qu’un parlementaire tire d’activités de conseil soient plafonnés à 15 % de l’indemnité parlementaire, eu égard aux coûts des prestations de conseil, cela laisse entendre que les revenus d’un parlementaire sont énormes.
Madame Assassi, mes chers collègues, 15 % de notre indemnité, vu la tarification habituelle des prestations de conseil, je pense que cela ne couvre même pas le coût que le consultant paiera pour la cotisation forfaitaire la plus basse ! De vous à moi, si l’on devait suivre cet amendement, cela signifierait simplement qu’il n’y a aucun intérêt pour le consultant de s’installer.
C’est pourquoi j’aurais tendance à vous proposer de rectifier votre amendement en interdisant purement et simplement, puisque c’est bien cela que cela veut dire, l’activité de conseil exercée en plus d’un mandat parlementaire.
Je ne comprends donc vraiment pas du tout cet amendement ; je le répète, ce qui me gêne vraiment, c’est qu’il donne le sentiment que nous, parlementaires, sommes énormément payés. Or le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas franchement le cas. (M. Alain Gournac sourit.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas risible, monsieur Gournac, il y a des personnes qui gagnent 1 200 euros par mois !
M. André Reichardt. Très franchement, je ne comprends pas beaucoup plus l’amendement n° 35 rectifié ter, mais, lui, au moins, vise à instaurer un plafond de 50 %
Mme la présidente. Les explications de vote portent sur l’amendement n° 29, mon cher collègue.
M. André Reichardt. Je voterai donc contre ces trois dispositions et, en tout état de cause, je ne comprends certainement pas les amendements nos 29 et 35 rectifié ter.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 29.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 232 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 212 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote sur l’amendement n° 35 rectifié ter.
Mme Évelyne Yonnet. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent amendement vise à donner aux députés et aux sénateurs la possibilité de poursuivre une activité de conseil parallèlement à leur activité parlementaire et indépendamment de celle-ci.
Bien que je souhaite permettre aux représentants de la Nation de travailler, cela doit évidemment être encadré et soumis à certaines règles. C’est pourquoi je propose que les revenus tirés des activités de conseil soient plafonnés à un seuil de 50 % de l’indemnité parlementaire, ce qui limiterait ainsi le risque de conflit d’intérêts sans engendrer de suspension ou de cessation forcée d’activité.
En effet, je le rappelle, la politique n’est pas un métier, mais bien un mandat, une fonction ; elle ne doit donc être que momentanée. Je ne vois pas pour quel motif une telle activité pourrait entraîner une incompatibilité ou provoquer un conflit d’intérêts. Je tiens d’ailleurs à le rappeler, le présent projet de loi organique prévoit qu’un parlementaire qui aurait commencé une telle activité moins de douze mois avant son entrée en fonction ne pourrait la poursuivre pendant son mandat.
Il s’agit donc non pas d’inciter les parlementaires à se consacrer à leurs affaires personnelles plutôt qu’à celles de la Nation, mais de leur permettre de conserver leur activité de conseil qui serait bien antérieure à leur prise de fonction d’élu du peuple, sans les pénaliser, le délai d’un an écartant de facto ceux qui auraient anticipé ou souhaité un cumul des deux pour diverses raisons, comme cela a d’ailleurs pu être le cas auparavant. Cela nous paraît donc à nous, sénateurs socialistes, juste et légitime.
Nous souhaitons donc leur donner la possibilité de cumuler ces deux activités, mais avec un plafonnement de rémunération, dans la mesure où, au regard du droit en vigueur, aucun motif d’incompatibilité n’est caractérisé.
Il nous semble injuste d’imposer une cessation d’activité à tout parlementaire ayant une quelconque activité de conseil ou autre datant de plus d’un an avant son entrée en fonction à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 106 |
Contre | 211 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° 25 rectifié.
M. Alain Richard. Je voudrais répondre, en quelques mots, aux questions soulevées par la garde des sceaux.
Si le problème réside dans la fixation du seuil, madame la garde des sceaux, celui que je préconise n’a rien de hasardeux ; il est indexé sur le montant de l’indemnité parlementaire. Si vous considérez qu’il est préférable que cette obligation déclarative, qui n’empêche nullement l’activité, soit déclenchée par le franchissement d’un seuil qui serait fixé au niveau de l’indemnité parlementaire – environ 72 000 à 75 000 euros bruts par an –, je veux bien rectifier mon amendement en ce sens.
Néanmoins, pour que la mesure proposée ne soit pas exagérément rigoureuse, j’ai préféré que l’on se place au double de l’indemnité parlementaire, ce qui correspond au fond à une situation objective, celle dans laquelle le parlementaire a choisi de consacrer une partie de son temps et de sa disponibilité à une activité qui représente les deux tiers de son revenu. Il s’agit donc bien d’un seuil objectif.
Le secret professionnel est, quant à lui, le résultat d’une relation contractuelle. Lorsque le client, pour une activité de conseil, choisit comme prestataire un parlementaire, dont toutes les activités politiques sont publiques, on peut considérer qu’il renonce par là même au bénéfice du secret professionnel. S’il tient absolument à ce que le secret professionnel protège entièrement cette activité de conseil, il lui suffit de choisir un prestataire qui n’est pas parlementaire. C’est extrêmement simple !
Le dispositif de mon amendement me semble au moins de nature à éclairer le public sur les priorités du parlementaire dans l’exercice de son mandat et sur le risque que certaines de ses décisions soient influencées par la part que prennent, dans ses activités et revenus, des clients spécifiques, raison pour laquelle on a précisément inventé les déclarations d’intérêts.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Après l’article LO 146-1 du code électoral, il est inséré un article LO 146-2 ainsi rédigé :
« Art. LO 146-2. – Il est interdit à tout député d’acquérir le contrôle d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil.
« Il est interdit à tout député d’exercer le contrôle d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme :
« 1° Dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil, s’il en a acquis le contrôle dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction ;
« 2° Dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes mentionnés aux 1° à 7° de l’article LO 146. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par MM. Doligé, Cardoux et Chasseing, Mme Deseyne, M. J.P. Fournier, Mmes Imbert et Lopez, MM. Milon, Pellevat et Pointereau, Mme Procaccia et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article LO 146-1, il est inséré un article LO 146-2 ainsi rédigé :
« Art. LO 146-2 – L’exercice du journalisme est incompatible avec un mandat parlementaire.
« La propriété d’un organisme de presse est incompatible avec un mandat parlementaire.
« Sont incompatibles avec le mandat de parlementaire les fonctions de président, directeur, membre du conseil d’administration chef de service, secrétaire général, conseil de surveillance d’un organisme de presse. » ;
2° L’article LO 151-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les 3 mois qui suivent son élection, le parlementaire qui se trouve dans un des cas précités d’incompatibilité prévus à l’article LO 146-2 est tenu de la faire cesser en démissionnant de ses fonctions. À défaut d’option dans le délai imparti, le Conseil constitutionnel le déclare démissionnaire d’office de son mandat. »
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement concerne la prévention des conflits d’intérêts.
Nous nous sommes beaucoup intéressés aux professions d’avocat, de conseil. Une autre profession importante me semble également mériter notre intérêt : il s’agit de la presse. (M. Roger Karoutchi approuve.)
En effet, la presse peut avoir parfois une influence sur le choix des électeurs, elle peut conduire à orienter les résultats des élections. Il m’a donc semblé intéressant que des journalistes élus parlementaires soient dans l’obligation de démissionner au bout de trois mois, pour retrouver leur joli métier à l’issue de leur mandat. Cette obligation me paraîtrait tout à fait logique pour éviter les éventuels conflits d'intérêts.
Les journalistes jouent un rôle important dans la société. Il est également important qu’ils puissent, comme la plupart d’entre nous, être parlementaires à temps plein.
Bien sûr, ce sujet est toujours un peu sensible dans cet hémicycle… Je me souviens notamment des interventions de M. Charasse sur les avantages de la presse. Sur ces questions, notre assemblée a toujours été très réservée.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Vasselle, Pellevat, Raison et A. Marc, Mmes F. Gerbaud et Duchêne, M. Doligé, Mme Deromedi et MM. de Legge, Béchu et G. Bailly, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article LO 146-1 du code électoral, il est inséré un article LO 146-… ainsi rédigé :
« Art. LO 146-… - I. - Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de directeur de la publication ou de directeur de la rédaction d’une entreprise de presse.
« II. - Il est interdit à tout parlementaire de détenir des participations directes ou indirectes dans une entreprise de presse. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Mon amendement est un peu différent de celui de mon collègue.
Il s’agit de considérer que la mission d'informer est par nature consubstantielle à la démocratie et que l'indépendance nécessaire pour être source d'information ne peut être compatible avec le fait d’exercer des fonctions de représentation politique.
Dans une démocratie, la mission d’informer n’est pas une mission comme une autre : elle est essentielle.
Pour celui qui exercerait les deux fonctions, la tentation d’en abuser peut être forte. Ainsi, la détention d’un groupe de presse peut devenir un instrument politique.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le régime des incompatibilités parlementaires soit étendu à de telles activités.
M. Jean-Pierre Sueur. On comprend mieux pourquoi M. Dassault n’est pas venu ce matin…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Les auteurs de ces amendements soulèvent le problème de la participation de parlementaires à des organes de presse, non seulement, d'ailleurs, pour ce qui concerne la propriété ou la direction de ces organes, mais aussi, s’agissant de l’amendement de M. Doligé, pour les activités journalistiques.
Leur adoption aurait pour effet d’interdire aux parlementaires l’exercice du journalisme, notamment la possibilité de signer des articles ou des tribunes dans des journaux.
Elle aurait également pour effet de restreindre le droit de propriété des parlementaires, qui pourraient investir dans un certain nombre d’entreprises, mais pas dans des entreprises de presse, au motif que la presse, si je comprends bien, ne doit jamais exprimer d’opinion et doit se borner à relater des faits de manière objective.
Cette appréciation de la nature même du métier de journaliste n’est pas la mienne. Pour ma part, je constate que tous les journaux ont une « inspiration », et un journalisme qui serait dénué de toute expression directe ou indirecte d’opinion me paraît inaccessible.
L’histoire – je pense à Clemenceau, à Jaurès et à beaucoup d’autres – démontre au contraire la reconnaissance, dans la tradition républicaine, d’un engagement des parlementaires dans des activités de presse et de l’existence d’une presse d’opinion qui s’assume comme telle.
Par conséquent, si je reconnais volontiers que le débat sur les incompatibilités soulevées par ces amendements mérite d’être ouvert, nous devrions peut-être nous y pencher autrement qu’au détour du présent texte, dont je rappelle qu’il porte sur beaucoup d’autres matières.
Je veux aussi souligner qu’en matière d’incompatibilités, les seules règles posées, qui sont constitutionnelles, protègent le parlementaire contre le risque de dépendre d’intérêts. Aucune incompatibilité ne peut être justifiée par d’autres motifs. Or la participation à une entreprise de presse, l’exercice d’une activité de journaliste ne mettent pas en cause l’indépendance du parlementaire lui-même.
En réalité, ces amendements visent à préserver l’indépendance de la presse, et non l’indépendance du parlementaire lui-même. Or la restriction de la liberté d’entreprendre d’un parlementaire ou de sa liberté d’exercice d’une profession comme celle de journaliste, même exercée à titre gratuit, se trouve limitée par des impératifs d’ordre constitutionnel. Dès lors, même si nous admettions leur opportunité, ces amendements se heurtent à des principes fondamentaux, qui ne sont pas de pure forme et touchent à la liberté du citoyen qu’est aussi le parlementaire.
Dans ces conditions, mes chers collègues, si les problèmes que vous soulevez sont sérieux, la commission des lois, bien qu’animée de la meilleure volonté du monde, a estimé devoir s’opposer à ces amendements.
J’ajoute que j’ai été saisi par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui est toujours extrêmement sourcilleuse lorsqu’il s'agit de préserver, comme vous voulez le faire, l’indépendance de la presse. La commission m’a fait part de sa préoccupation : elle considère que l’adoption de ces amendements entraînerait l’obligation, pour les parlementaires qui siègent actuellement dans les conseils d’administration de Radio France ou de France Télévisions, de se retirer. C’est aussi un élément que nous devons prendre en considération. Souvent, j’entends des plaintes sur le traitement de l’information par les médias audiovisuels.
Pour toutes ces raisons, dans l’hypothèse où nos collègues ne retireraient pas leurs amendements, la commission des lois sera obligée d’émettre, à leur sujet, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je comprends parfaitement l’objet de ces amendements, qui est de renforcer les règles de déontologie applicables aux parlementaires.
M. le rapporteur a cité quelques figures historiques de parlementaires qui ont aussi été journalistes. Je ne reviendrai pas sur cette liste, qui pourrait encore être allongée.
Pour m’en tenir à un raisonnement strictement constitutionnel, l’interdiction très générale que pose l’amendement n° 67 me semble porter atteinte non seulement à la liberté d’entreprendre, mais également à la liberté d’expression, qui est, constitutionnellement, extrêmement protégée, sans parler évidemment du droit de propriété, que M. le rapporteur a également évoqué.
Pour cette simple raison constitutionnelle, je suis obligée d’émettre un avis défavorable sur ces amendements. Nul besoin d’aller au-delà !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Les ancêtres sont toujours utiles, mais on pratique souvent avec eux ce qui ressemble un peu à du trafic de reliques. (Sourires.)
Il est vrai que l’on ne manque pas de parlementaires qui furent aussi des journalistes de grande classe. On a évidemment cité Clemenceau et Jaurès, mais il y en eut beaucoup d’autres.
Toutefois, c’était il y a longtemps, à l’époque où les journalistes exprimaient encore des opinions, et pas tous les mêmes… Aujourd'hui, les journalistes sont beaucoup plus nombreux. Le problème, c’est que plus ils sont nombreux, plus ils disent la même chose, du moins sur l’essentiel : « Il faut faire des économies », « l’Europe fonctionne actuellement très bien », j’en passe et des meilleures. On en arrive à une situation où il n'y a plus d’expression d’opinion. Nous sommes les témoins non de la liberté de la presse, mais de la liberté de l’argent dans la presse, avec dix milliardaires qui contrôlent à peu près tout.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. Au reste, les seuls qui sont en principe indépendants, notamment sur internet, ont tellement peur qu’on leur coupe les vivres qu’ils usent de leur droit d’expression avec modération.
Franchement, cela ne peut plus continuer ainsi si l’on veut que la République fonctionne normalement !
On m’oppose la Constitution, mais ce qui me frappe, c’est que le préambule de celle-ci fait référence au préambule de la Constitution de 1946, qui, me semble-t-il, appelle à la fin des monopoles… Mais cela, on l’a complètement oublié ! C’est très pratique une Constitution : chacun y prend ce qui l’arrange au moment où cela l’arrange !
Cela dit, il est vrai qu’il s’agit ici des parlementaires, et je ne suis pas persuadé que ce soit par le biais de ces amendements que l’on fera avancer les choses. Toutefois, pour le symbole, pour signaler qu’il y a un vrai problème de fond, je les voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Pour ma part, je trouvais ces amendements sympathiques, ce qui n’est pas si mal par les temps qui courent… (Sourires.)
Toutefois, je ne suis pas convaincu.
J’entends bien notre ami Pierre-Yves Collombat : il fut un temps où la presse et la politique entretenaient un lien sympathique. Mais c’était alors une presse d’opinion. Ce n’est pas tous les jours que l’on publie J’accuse, et les Clemenceau et autres Jaurès ne courent pas les rues. Je ne suis pas convaincu que les débats d’aujourd'hui, dans la presse ou dans les enceintes parlementaires, soient comparables, en qualité, à ceux de la Troisième République.
Je remercie Éric Doligé et François Bonhomme d’avoir ouvert le débat sur ce qui est un vrai sujet. Cependant, ce n’est pas dans le cadre de ce texte que ce débat devrait avoir lieu.
Pierre-Yves Collombat a raison : si nous débattons régulièrement de textes relatifs au milieu politique et à l’organisation de la politique, nous devrions aussi ne pas être totalement absents de l’organisation de la presse.
Est-ce pour autant dans le cadre du présent projet de loi que nous devrions en débattre ? Pas franchement. Ce n’est pas au détour d’amendements sur ce texte que devraient être posés les sujets de la liberté de la presse, de son organisation, de son indépendance, de ses liens avec la politique.
Par conséquent, je souhaite que ces amendements soient retirés, quitte à ce que l’on demande au Gouvernement un débat sur la presse, son organisation, sa liberté et son indépendance, sur ce qu’elle peut apporter à la vie publique et sur la manière dont celle-ci dépend encore des médias aujourd'hui.
Au demeurant – M. le rapporteur m’en excusera –, je n’ai pas le sentiment que nos collègues qui siègent dans les conseils d’administration exercent une influence considérable sur les médias concernés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je suis également sensible à ce sujet, en tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs aux médias.
Comme Roger Karoutchi, j’estime que le présent projet de loi organique n’est pas forcément le bon support pour voter une telle disposition. Le texte sur l’indépendance des médias et des rédactions que nous avons examiné voilà seulement trois mois offrait un cadre bien plus approprié ! Or, à ce moment, tous ces sujets ont été soigneusement écartés.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le rapporteur, votre argument nous touche, mais l’adoption de ces amendements n’empêchera pas les nouveaux journalistes dont on constate aujourd'hui le développement – ceux-là mêmes qui se font désormais appeler « éditorialistes », ce qui leur permet de dire n’importe quoi – de continuer à exister. Ce n’est pas l’impossibilité pour un journaliste de détenir un mandat de parlementaire qui changera les presses d’opinion.
J’admets donc les quelques réticences qui ont pu être exprimées, mais, pour le symbole, je voterai les amendements de nos collègues Éric Doligé et François Bonhomme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Je m’exprime en qualité de membre de la commission de la culture.
À entendre M. le rapporteur, les membres de la commission de la culture qui siègent dans les conseils d’administration d’organes de presse ne pourraient plus le faire. Je m’interroge sur cet argument.
À mon humble avis, le fait de siéger dans de tels organes n’a rien à voir avec un conflit d'intérêts : il y va de la mission de contrôle exercée par les parlementaires. Nous représentons le Sénat à Radio France, à France Télévisions ou encore à l’Institut national de l’audiovisuel, pour ce qui me concerne, afin de mieux les contrôler. C’est du moins ainsi que je vois les choses.
Cela dit, il me semble que le débat soulevé est important. Il faudra certainement y revenir.
Les exemples du passé sont intéressants, mais la situation actuelle n’est plus celle du XIXe ou du XXe siècle.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’ai bien entendu tous les arguments qui ont été développés, mais je dois dire que j’ai beaucoup de mal à m’y ranger.
Il n’est pas évident de s’exprimer après l’évocation des figures tutélaires de Clemenceau et de Jaurès ; on se sent écrasé sous le poids de l’histoire. (Sourires.) Très franchement, j’ai l’impression que l’on jette un voile pour nous empêcher de réfléchir un peu plus avant. Comme tout principe, la liberté d’informer, comme la liberté d’entreprendre, a ses limites.
On nous dit que la presse d’opinion était bien sympathique, mais n’est pas Jaurès qui veut. Quand c’est un directeur de publication ou de rédaction qui intervient d’une manière ou d’une autre auprès de ses journalistes – regardez les communiqués du Syndicat national des journalistes –, lorsque les chartes déontologiques propres à chaque journal sont ignorées, cela pose un vrai problème.
D’autres problèmes se posent concernant la presse écrite. En cas de campagne électorale, la presse audiovisuelle est assujettie à quelques règles inspirées par un souci d’équilibre. Tel n’est pas le cas de la presse écrite, notamment de la presse quotidienne régionale – la PQR – écrite. Je pourrai vous citer d’innombrables cas où les principes d’équilibre les plus élémentaires ont été ignorés au moment du débat public !
Nous faire croire qu’un élu qui dirige par ailleurs un groupe de presse en situation de monopole dans une région n’est pas amené à abuser de cette situation, c’est vraiment nous raconter un conte pour enfants !
On nous dit également que ce texte n’est pas le bon support. J’en conviens, mais, comme l’a fait remarquer notre collègue Jean-Pierre Leleux, la dernière fois, c’est l’occasion qui n’était pas la bonne !
On a le sentiment que certains veulent ignorer le principe même de séparation stricte. Je considère que cette situation est totalement anachronique : nous allons prendre des précautions pour élargir les régimes d’incompatibilité à d’autres fonctions pour lesquelles la porosité n’est pas évidente, alors que la consanguinité est, ici, le principe.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Bien évidemment, je n’avais pas du tout l’intention de toucher à l’indépendance ni à la liberté de la presse, qui vont bien évidemment perdurer bien au-delà de mon petit amendement.
Simplement, je ne vois pas pourquoi un avocat qui vient de terminer ses études ne pourrait pas pratiquer sa profession et devrait mettre son activité entre parenthèses pendant cinq ans, quand un journaliste ou celui qui participe à un organe de presse ne devrait pas faire de même durant son mandat. Le conflit d’intérêts est bien évident pour celui qui exerce un tel pouvoir d’influence sur la presse !
J’ai bien compris que ces sujets étaient toujours difficiles à aborder dans cette enceinte. Il faut dire que, bien souvent, certains de nos collègues ont à peine quitté l’hémicycle qu’ils contactent la presse pour essayer de faire passer un communiqué…
Je l’avoue, j’ai aussi déposé cet amendement parce que j’adore entendre Philippe Bas. (Sourires.) Je voulais savoir comment il exprimerait son désaccord avec ma proposition ! J’estime qu’il s’est défendu avec beaucoup de talent, mais, pour une fois, il ne m’a pas convaincu. (M. le rapporteur s’exclame.) Je maintiens donc mon amendement.
Croyez bien, monsieur le rapporteur, que je n’ai rien contre la liberté et l’indépendance de la presse.
M. Philippe Bas, rapporteur. Évidemment !
M. Éric Doligé. D'ailleurs, je vais essayer de faire passer un communiqué à l’issue de cette séance… Je ne suis pas certain qu’il sera accepté ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe La République en marche.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 10 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté. (M. Éric Doligé s’exclame.)
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Bonhomme, Vasselle, Pellevat et de Legge, Mmes Deromedi et Duchêne, MM. Doligé, A. Marc et Raison, Mme F. Gerbaud et M. Béchu, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article LO 146-1 du code électoral, il est inséré un article LO 146-… ainsi rédigé :
« Art. LO 146-… – I .- Sont incompatibles avec les fonctions exécutives au sein d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte les fonctions de directeur de la publication ou de directeur de la rédaction d’une entreprise de presse.
« II. - Il est interdit à tout élu détenant des fonctions exécutives au sein d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte de détenir des participations directes ou indirectes dans une entreprise de presse. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. En raison de la mission même d’informer, consubstantielle à la démocratie, nous voulons rendre incompatible l’exercice de fonctions exécutives locales avec celles de dirigeant d’une entreprise de presse.
On voit trop souvent le président d’un exécutif local orienter les annonces légales, dont le préfet ne contrôle que le montant, vers un support de presse appartenant au groupe qu’il dirige pour profiter de cette manne financière en toute légalité.
Il arrive encore que le même responsable de presse, par ailleurs titulaire de fonctions exécutives locales, décide de mettre en place une campagne de communication, sous couvert de publicité institutionnelle – avec argent sonnant et trébuchant – dont il confie la diffusion, ô miracle, à l’un des organes de son groupe.
Cette façon de recycler l’argent public constitue une machine à cash sans défaut, sinon qu’elle me semble en totale contradiction, madame la garde des sceaux, avec les principes affichés dans les objectifs généraux de ce texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. S’il vise les fonctions exécutives locales, cet amendement est de même nature que les précédents. La commission y est donc également défavorable.
Par ailleurs, les questions d’incompatibilité des mandats locaux relevant de la loi ordinaire et non d’une loi organique, le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de censurer une telle disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bonhomme, l'amendement n° 10 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Je retire cet amendement d’appel, sans plaisir mais avec raison.
La question n’en demeure pas moins criante et il faudra bien, un jour ou l’autre, se décider à la traiter.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
3
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Lors des scrutins nos 105 et 106 sur le projet de loi ordinaire, MM. Hue, Pélieu et Barbier ont été considérés comme votant contre. Or les deux premiers ne souhaitaient pas prendre part au vote et le troisième entendait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, qui sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Rétablissement de la confiance dans l'action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, dans le texte de la commission.
projet de loi organique pour la régulation de la vie publique (suite)
Article 7
L’article LO 151-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « et LO 142 à LO 147-1 » sont remplacées par les références : « , LO 142 à LO 146-1, LO 147 et LO 147-1 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard trois mois après son entrée en fonction ou, en cas de contestation de son élection, de la date de la décision du Conseil constitutionnel, le député qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés aux 1° et 2° de l’article LO 146-2 se met en conformité avec les dispositions de cet article, soit en cédant tout ou partie de la participation, soit en prenant les dispositions nécessaires pour que tout ou partie de celle-ci soit gérée, pendant la durée de son mandat, dans des conditions excluant tout droit de regard de sa part. »
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Deseyne, M. J.P. Fournier, Mmes F. Gerbaud, Imbert et Lopez, MM. Milon, Pellevat et Pointereau, Mme Procaccia et M. Vasselle, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard trois mois après son entrée en fonction ou, en cas de contestation de son élection, la date de la décision du Conseil constitutionnel, le député qui se trouve dans un cas d'incompatibilité mentionné à l'article LO 142 démissionne des fonctions incompatibles avec son mandat parlementaire sauf lorsqu’il occupe un emploi public mentionné au 1° et au 2°. » ;
II. – Alinéa 2
Remplacer la deuxième occurrence de la référence :
LO 142
par la référence :
LO 143
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Par cet amendement, nous voulons permettre à la France de s’aligner sur les règles en application dans la plupart des pays de l’OCDE, notamment dans les pays anglo-saxons.
Nous proposons que les fonctionnaires devenus parlementaires – et peut-être faudrait-il rectifier cet amendement pour limiter cette disposition à ceux de la catégorie A – aient l’obligation de démissionner de la fonction publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Vous me voyez extrêmement embarrassé : en tant que président de la commission des lois, je vais devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement bien inspiré, qui, de surcroît, provient de membres de mon groupe, auquel je suis particulièrement attaché. (Sourires.)
M. Éric Doligé. Vous êtes particulièrement attaché au groupe ou aux membres en question ? (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Au groupe et aux auteurs de cet amendement, et en particulier à vous, monsieur Doligé, qui l’avez si bien présenté.
Je me sens d’autant plus fragile et incertain pour vous répondre que je n’ai su me montrer convaincant voilà quelques instants.
Certains métiers s’exercent dans la fonction publique, d’autres dans le secteur privé. Mettre un parlementaire, dont le mandat pourrait très bien ne pas être renouvelé, dans la situation de ne plus pouvoir exercer son métier serait quelque peu injuste.
Vous avez vous-même objecté qu’il aurait peut-être fallu limiter votre dispositif à la catégorie A. Or une infirmière appartient à cette catégorie. Il existe des infirmières devenues parlementaires, il en est peut-être ici même. De même, un cadre territorial, une aide-soignante ou un professeur de français… Comment ces personnes pourraient-elles reprendre leur travail, à l’issue de leur mandat électif, si nous leur imposons de démissionner de la fonction publique ?
Nous avons un problème de statut des élus. Certains de nos collègues, qui ont abandonné leur métier dans le secteur privé, vont avoir le plus grand mal à le retrouver après leur mandat. Au lieu de traiter cette question, pourquoi interdire à ceux qui pourraient le faire de retrouver leur emploi ? Cela reviendrait à leur imposer de faire tout métier, sauf le leur – infirmière, aide-soignante, cadre territorial, professeur de français, professeur des écoles, etc.
Le désir d’amener plus de justice vous amène à créer une injustice sans régler le problème de ceux qui, en fin de mandat, vont se trouver en grande difficulté.
Le problème se pose surtout pour les jeunes actifs, ou pour les actifs encore jeunes, qui quitteraient la vie publique sans être aidés pour retrouver du travail. Nous devrions nous retrouver autour de la table, avec le Gouvernement, pour résoudre, une bonne fois pour toutes, ce problème lancinant.
En espérant, cette fois, avoir été plus convaincant que précédemment, je vous demanderai, monsieur Doligé, de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de mes explications.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Il s’agit d’une question essentielle du statut de l’élu que nous n’avons pas su régler, alors que nous avons pléthore de textes sur le sujet. Cette question est d’autant plus importante que nous souhaitons faciliter le renouvellement politique.
Sous couvert de rechercher une plus grande égalité entre fonctionnaires et salariés du secteur privé, l’adoption de cet amendement risquerait de créer une discrimination à rebours. Le Parlement doit être composé de l’ensemble des représentants de la Nation, y compris des fonctionnaires. Je ne suis pas persuadée qu’en empêchant un fonctionnaire de retrouver son métier d’origine, quelle que soit sa catégorie, nous créions réellement une plus grande égalité au sein du Parlement.
Mme la présidente. Monsieur Doligé, l'amendement n° 65 est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. J’ai écouté avec attention notre rapporteur et Mme la garde des sceaux, qui ont fini par me convaincre.
Je voulais démontrer l’inégalité existant entre les parlementaires issus de la fonction publique et ceux venant du privé. Je pense notamment aux jeunes députés de La République en marche qui ont, pour certains, abandonné leur métier et qui se retrouveront en grande difficulté dans cinq ou dix ans, la fin du cumul des mandants venant leur fermer certaines portes de sortie… On n’a pas mesuré, au travers de certaines décisions, les risques encourus par ces jeunes élus.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ils n’auraient pas même dû se présenter ! (Sourires)
M. Éric Doligé. Comme pour de nombreux autres sujets, ce n’est jamais le bon moment de s’attaquer au statut de l’élu et l’on préfère reporter indéfiniment l’examen de cette question. Au fil du temps, on se retrouve face à un mur de plus en plus difficile à franchir. Dans cinq ans, beaucoup de ces nouveaux élus vont être en grande difficulté. Les petits aménagements mis en place sur le court terme ne régleront rien…
Il n’y avait aucune arrière-pensée dans cet amendement. Merci à M. le rapporteur et à Mme la garde des sceaux de m’avoir permis d’aller un peu loin sur le fond.
Mme la présidente. L'amendement n° 65 est retiré.
L'amendement n° 66, présenté par MM. Doligé, Cardoux et Chasseing, Mme Deseyne, M. J.P. Fournier, Mmes F. Gerbaud, Imbert et Lopez, MM. Milon, Pellevat et Pointereau, Mme Procaccia et M. Vasselle, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le second alinéa est complété par les mots : « ni de cotiser pour la retraite à la caisse de son administration d’origine » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour la Caisse Nationale de Retraites des Agents des collectivités locales du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. J’avais cru comprendre qu’un fonctionnaire qui sortait frais émoulu d’une grande école et rejoignait le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel pouvait en partir au bout d’un an et n’y jamais retourner, sinon la veille de sa retraite potentielle, et bénéficier d’une pension au taux plein.
M. Roger Karoutchi. On ne peut plus le faire !
M. Éric Doligé. Si M. Bas me confirme que ce n’est plus possible, comme on me le souffle, je retirerai mon amendement, ravi d’avoir été devancé sur cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, c’est bien volontiers que je vous le confirme. Cette mesure était tellement nécessaire qu’elle a été votée voilà maintenant quatre ans. C’est dire si vous étiez bien inspiré ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais juste préciser qu’un membre du Conseil constitutionnel ne cotise pas pour la retraite.
Mme la présidente. L'amendement n° 66 est retiré.
L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Bonhomme, Pellevat, de Legge et Vasselle, Mme Duchêne, M. A. Marc, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme F. Gerbaud et MM. G. Bailly et Béchu, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après la référence :
LO 146-2
insérer les mots:
ou au II de l'article LO 146-3
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Il s'agit de permettre à un parlementaire détenant des participations dans le capital d'une entreprise de presse de céder ses participations dans un délai de trois mois ou d'en confier la gestion, sans droit de regard, à un tiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur Bonhomme, les amendements précédents n’ayant pas été adoptés, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement de pure coordination.
Mme la présidente. Monsieur Bonhomme, l'amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Je me range à la sagesse du rapporteur et retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Le premier alinéa de l’article LO 151-2 du code électoral est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « général », sont insérés les mots : « ou les participations financières » ;
2° À la même première phrase, après les mots : « en application du », sont insérés les mots : « 5° et du » ;
3° À la seconde phrase, après le mot : « exercées », sont insérés les mots : « ou des participations détenues ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55, présenté par MM. Bonhomme, Allizard, G. Bailly et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Cuypers et Danesi, Mme Debré, M. Delattre, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa et Frogier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, de Legge, Leleux, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul et Pierre, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Retailleau et Revet, Mme de Rose et MM. Savary, Savin, Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article LO 144 est abrogé ;
2° Au premier alinéa des articles LO 176 et LO 319, les mots : « , d’acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ou de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement » sont remplacés par les mots : « ou d’acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ».
II. – Le II de l’article 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est abrogé.
III. – Le 2° de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote est abrogé.
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Le Sénat a adopté, le 3 février 2016, une proposition de loi de M. Jacques Mézard visant à supprimer les missions temporaires confiées aux parlementaires par le Gouvernement.
La commission des lois, sur avis de son rapporteur, Hugues Portelli, a estimé alors que ce procédé constituait une atteinte à la séparation des pouvoirs, le parlementaire devant se consacrer parallèlement à sa mission législative, de contrôle et d'évaluation au sein du Parlement.
Cet amendement tend donc à clarifier le rôle du parlementaire dans l’action publique.
Mme la présidente. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Éblé et Mazuir, Mme Yonnet, MM. Vandierendonck et Raoul, Mmes Herviaux, Lienemann et Monier et M. Duran, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article LO 176 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. LO 176. – Sous réserve du second et du dernier alinéa du présent article, les députés dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article LO 136-1, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles LO 137, LO 137-1, LO 141 ou LO 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article LO 136 sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet.
« Toutefois, les députés dont le siège devient vacant, au motif d’une incompatibilité prévue aux articles LO 137, LO 137-1, LO 141 ou LO 141-1 intervenue dans les six mois du dernier renouvellement de l’Assemblée nationale, ne peuvent pas être remplacés par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet.
« Les députés qui acceptent des fonctions Gouvernementales sont remplacés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
La parole est à Mme Évelyne Yonnet.
Mme Évelyne Yonnet. M. Éblé ne pouvant être présent parmi nous, je présenterai cet amendement à sa place.
La volonté des auteurs du texte que nous examinons étant de « rénover » la confiance en nos institutions, il nous a semblé opportun de renforcer la loi pour mettre fin à des pratiques électorales contestables.
En l’état du droit, l’incompatibilité entre un mandat de député et de sénateur permet au suppléant du député élu sénateur de siéger à sa place jusqu’au prochain renouvellement de l’Assemblée nationale.
Cependant, lorsque ces deux élections se succèdent à quelques semaines d’intervalle, un député récemment élu faisant le choix d’être également candidat aux sénatoriales transmettra automatiquement, s’il est élu, son siège de député à son suppléant, sans nouvelle élection.
On voit ici parfaitement la manœuvre consistant à mettre en avant un candidat à la forte notoriété pour gagner la circonscription et ensuite permettre au suppléant, moins connu, d’exercer le mandat quelques semaines plus tard, sans permettre aux électeurs de valider cette succession.
Le retour naturel aux électeurs nous paraît essentiel lorsque ce cas de figure se présente afin de permettre aux citoyens de choisir légitiment le député qu’ils souhaitent voir représenter leur territoire.
L’adoption de cet amendement permettra de limiter ces comportements électoraux douteux que nos concitoyens rejettent massivement. Il répond donc pleinement à la volonté de transparence du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est favorable à ces deux amendements.
Quel plaisir, pour le président de la commission des lois, de pouvoir émettre, de temps à autre, des avis favorables ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n°55.
L’intérêt général justifie que des parlementaires puissent être parfois associés aux travaux de réflexion conduits à la demande du Gouvernement en amont du processus législatif stricto sensu. Cela permet d’associer des profils et des compétences variés. La pluridisciplinarité permet de mieux penser un certain nombre de réformes ensuite mises en œuvre à travers des textes législatifs.
La participation des parlementaires nous semble essentielle à ces réflexions. La suppression des missions temporaires ne me paraît pas de nature à améliorer le fonctionnement de nos institutions.
Par ailleurs, un parlementaire qui accomplit une mission à la demande Gouvernement est libre de l’organisation de son travail et de la formulation de ses conclusions et ne perçoit aucune rémunération ni indemnité. Cette pratique ancienne ne me paraît pas porter gravement atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n°63 rectifié. Les dispositions relatives au remplacement, adoptées en 2014, viennent d’entrer en vigueur. Il ne me semble pas opportun de les modifier dès à présent.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'amendement n° 55.
M. Roger Karoutchi. Je soutiens l’amendement n°55.
Franchement, depuis des décennies, que ce soit à droite ou à gauche, la prolongation au-delà de six mois d’une mission confiée à un parlementaire est un moyen de transmettre son siège à son suppléant.
Aujourd’hui, si le Gouvernement veut l’avis d’un parlementaire, faire travailler une commission sur une question ou s’appuyer sur une approche un peu différente, il peut le demander sans avoir besoin de nommer un parlementaire en mission. Il y a suffisamment d’échanges entre la majorité et le Gouvernement ou les commissions et le Gouvernement pour le faire. La France n’est pas en guerre civile ! Le Gouvernement peut d’ailleurs demander à une commission, qui ne le refusera pas, de travailler sur un sujet précis et de lui remettre un rapport.
Certes, madame la garde des sceaux, le parlementaire en mission est indépendant et n’est pas rémunéré. Mais en quoi est-il plus indépendant ou plus compétent à lui seul qu’une commission entière ? Pourquoi accorder ce statut – quelque peu curieux – et ne pas simplement consulter un parlementaire ?
Sous la présidence de M. Sarkozy, je souhaitais déjà que l’on supprime ce statut qui ne correspond plus à nos méthodes de travail. Je regrette que cela n’ait pas été fait.
M. Claude Bérit-Débat. Nicolas Sarkozy ne s’était pas privé de recourir à cette manœuvre !
M. Roger Karoutchi. Tout le monde y a eu recours, à gauche comme à droite.
Prolonger la mission du parlementaire au-delà de six mois pour lui permettre de transmettre son siège à son suppléant sans repasser devant les électeurs est une manœuvre aujourd’hui très moyenne.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je soutiens également l’amendement n° 55.
Ma modeste expérience d’un mandat m’a montré que les commissions parlementaires s’emparent elles-mêmes des thèmes particulièrement importants. Nous avons conduit, au sein de la commission des affaires sociales, un certain nombre de missions – sur les urgences, par exemple – de façon consensuelle, en associant plusieurs parlementaires d’orientations politiques différentes. Notre travail y a beaucoup gagné.
La procédure spécifique de nomination d’un parlementaire en mission cache toujours une arrière-pensée politique. Laisser aux commissions la liberté de s’organiser permet d’assurer la pluralité nécessaire au traitement objectif de ces questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il y a de bonnes raisons de soutenir cet amendement, ne choisissons pas les mauvaises.
La proposition de loi portée par Jacques Mézard, si ma mémoire est bonne, visait non la suppression des missions temporaires, mais celle de la disposition permettant, quand celles-ci se prolongent au-delà de six mois, la transmission du siège au suppléant. Cette manœuvre s’apparente souvent à une entourloupe pour échapper aux élections partielles.
Reprenez le texte de la proposition de loi, vous verrez qu’il n’était pas question de supprimer les sénateurs en mission temporaire. Maintenant, libre à vous de penser que cette disposition n’a plus lieu d’être, mais décidez-vous en connaissance de cause !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Le remplacement des parlementaires en mission par leur suppléant est tout à fait anormal. Il s’agit d’une anomalie que j’ai déjà soulignée à plusieurs reprises.
Encore plus grave, la transmission du siège ne bénéficie qu’au parti majoritaire puisque c’est le Gouvernement qui nomme les parlementaires en mission. C’est un véritable scandale démocratique !
Madame la garde des sceaux, comment pouvez-vous considérer qu’une telle situation soit normale ?
Au moment où le parti de M. Macron prétend donner des leçons à tout le monde, il paraît incroyable de cautionner un système aussi rétrograde et antidémocratique, qui permet aux partis majoritaires de faire remplacer tel ou tel député par son suppléant, tout en excluant les partis de l’opposition du dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Comme le disait M. Pierre-Yves Collombat, il y a deux sujets, à savoir la nomination d’un parlementaire en mission et la prolongation de celle-ci au-delà de six mois, avec la possibilité de remplacer automatiquement le parlementaire par son suppléant, dispositif qui semble totalement inacceptable.
Le fait qu’un parlementaire puisse être nommé en mission ne me choque pas. Un certain nombre d’entre nous l’ont d’ailleurs été, ce qui leur a permis de traiter un sujet de façon précise et approfondie. En ce qui me concerne, j’ai eu le bonheur de produire un rapport sur l’égalité professionnelle, lequel a abouti à une proposition de loi. Je ne pense pas que, dans ce cas précis, la démocratie ait beaucoup souffert ! Pourquoi un parlementaire, dans la mesure où il adopte une approche pluraliste, ne pourrait-il pas effectuer correctement la mission qui lui est confiée ?
En revanche, le dispositif permettant de prolonger la mission me semble tout à fait anormal.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis cosignataire de cet amendement. Je le rappelle, un gros travail de fond est fait au sein de la Haute Assemblée dans le cadre des rapports d’information, avec l’ensemble des personnels des commissions. Il s’agit d’éclairer non seulement le Sénat, mais aussi le Gouvernement.
Selon moi, cet amendement va dans le sens de la transparence et de l’impartialité.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 8, et l’amendement n° 63 rectifié n’a plus d’objet.
L'amendement n° 88, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article LO 145 du code électoral est ainsi rédigé :
« II. – Un député ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation. Il ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité. »
II. – Les parlementaires qui se trouvent dans le cas d’incompatibilité prévu au I à la date d’entrée en vigueur de la présente loi peuvent continuer à exercer leurs fonctions au sein d’une institution ou d’un organisme extérieur pour la durée pour laquelle ils ont été désignés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement prévoit que la désignation d’un parlementaire dans un organisme extraparlementaire ne peut se faire qu’en vertu d’une loi et non pas d’un décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, dans la mesure où la nomination de parlementaires dans des organes extraparlementaires par voie de décret peut poser question.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 8.
L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. P. Dominati et Danesi, Mme Procaccia, M. Pointereau, Mme Duchêne, MM. de Raincourt, Joyandet et Laménie, Mme Garriaud-Maylam et M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa de l’article L. O. 151-1 du code électoral est supprimé.
II. – L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le Président de la République, s’il est membre de la fonction publique, en démissionne au plus tard le trentième jour qui suit son entrée en fonction ou, en cas de contestation de son élection, la date de la décision du Conseil constitutionnel. »
III. – La liste des fonctionnaires visés par l’obligation de démission est précisée par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement aurait pu être examiné en discussion commune avec les amendements présentés tout à l’heure par mon collègue Éric Doligé, qui s’est attaqué à une montagne. J’ai d’ailleurs été surpris par le silence assourdissant dans lequel ont été accueillis ses propos.
Il paraît en effet curieux d’oublier l’essentiel lorsqu’on parle de « confiance retrouvée » dans l’action publique et qu’on essaie de construire des barrières pour supprimer un certain nombre de préventions.
Car il n’y a pas de plus grande incompatibilité que de voter le budget qui fixe votre rémunération, votre salaire et votre carrière. Ainsi un mandat de parlementaire et un poste important dans la fonction publique me paraissent-ils incompatibles.
On le sait bien, la sociologie des députés comme des sénateurs, qu’ils soient de droite ou de gauche, varie suivant que ces derniers appartiennent à la fonction publique ou au secteur privé.
Cet amendement vise donc à corriger un tel dysfonctionnement. Si l’on veut faire disparaître les dysfonctionnements et incompatibilités qui s’attachent aux sociétés de conseil, aux avocats ou aux journalistes, on doit également s’intéresser à la double appartenance que je viens d’évoquer, manifestement nuisible et dommageable à un réel débat démocratique.
Dans les conseils d’administration des grandes sociétés, lorsque le statut particulier, les avantages ou la rémunération du président ou du directeur général sont évoqués, celui sort généralement de la salle.
Faudrait-il que les fonctionnaires puissent sortir de l’hémicycle lors du vote du budget ? Car ils votent alors le budget de leur propre employeur, ainsi que l’indexation de leur carrière et de leur retraite. Comment un agent d’un ministère peut-il user de son libre arbitre au moment de voter le budget de son ministère ? Au demeurant, je suis très respectueux de la fonction publique, considérant qu’elle est, en France, particulièrement performante.
Ce sujet concerne également le Président de la République. En effet, après avoir occupé les hautes fonctions qui sont les siennes, il devient membre du Conseil constitutionnel. Je demande donc que la disposition prévue par cet amendement s’applique également à lui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me suis exprimé tout à l’heure sur les amendements présentés par M. Éric Doligé, dont les objets sont comparables à celui que vous venez de nous présenter, monsieur Dominati.
Je tiens à attirer votre attention sur un point : pourquoi un ancien fonctionnaire de l’enseignement public ou de l’hôpital public devrait-il se retrouver sans emploi ou condamné à faire un travail autre que celui pour lequel il est qualifié ? Pourquoi un ancien plombier ou un ancien cadre d’entreprise pourraient-ils retrouver du travail dans une entreprise, tandis qu’un ancien professeur ne le pourrait pas et qu’un ancien médecin hospitalier devrait ouvrir un cabinet en médecine libérale ?
Pourquoi, pour traiter le problème de la précarité d’emploi d’anciens parlementaires issus du secteur privé, devrait-on absolument plonger dans la précarité d’anciens parlementaires issus du secteur public, auxquels on interdirait, puisqu’ils auraient rompu tout lien avec la fonction publique, de reprendre un travail de fonctionnaire ? Ce serait une injustice qui ne réparerait pas l’injustice dont sont victimes les anciens parlementaires issus du secteur privé ! Nous devons être attentifs à éviter ce genre de choses.
Au demeurant, je me permets de vous le signaler, mon cher collègue, tel qu’il est rédigé, cet amendement revient sur l’obligation de mise en disponibilité, laquelle exclut la possibilité de cotiser pour sa retraite et de bénéficier d’un avancement ou d’un avantage matériel. Une telle disposition, qui revient sur la loi de 2013, rend le détachement – et non pas la démission – seul possible.
En effet, si vous écartez la mise en disponibilité, vous revenez à la situation antérieure, et les droits à avancement continueront pendant le mandat parlementaire. Je suis sûr que ce n’est pas ce que vous voulez faire !
S’agissant du Président de la République, Mme la garde des sceaux s’exprimera.
Outre les arguments de fond contre cet amendement, que je viens d’évoquer et qui me tiennent à cœur, car ils relèvent selon moi de la justice entre les Français, je relève que la rédaction proposée aboutira à l’effet inverse de ce que vous voulez obtenir, mon cher collègue : en effet, en supprimant l’obligation de mise en disponibilité, qui implique le renoncement à toute forme d’avantages pendant la période durant laquelle on siège au Parlement, vous rétablissez, je le répète, la possibilité du détachement.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, tout comme M. Doligé l’a fait au bénéfice d’explications analogues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce que nous recherchons, au fond, c’est la prévention des conflits d’intérêts et une plus grande transparence.
À cet égard, le dispositif actuel, à savoir la mise en disponibilité pendant l’exercice du mandat et le respect d’un certain nombre d’obligations déontologiques du fonctionnaire à l’issue du mandat – je pense notamment aux déclarations de patrimoine – me semble suffisant.
Je l’ai dit, mais je le répète, selon moi, une interdiction beaucoup plus générale serait d’abord source de rupture d’égalité. Ensuite, je ne vois pas ce qu’elle apporterait au regard de l’objectif que nous voulons atteindre.
En outre, cela créerait une atteinte à la liberté de candidature, laquelle me semblerait susceptible d’être sanctionnée.
Enfin, vous le savez, monsieur le sénateur, la possibilité, pour les anciens présidents de la République, d’être nommés membres du Conseil constitutionnel devrait cesser avec la prochaine révision constitutionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Chacun connaît mes liens d’amitié avec Philippe Dominati. Toutefois, en la matière, nos analyses diffèrent.
J’entends son point de vue, selon lequel les fonctionnaires, quand ils sont dans l’hémicycle, votent des budgets qui les concernent.
Pour ma part, j’ai pu constater que, au cours des débats sur des textes relatifs à la santé, ce sont essentiellement des médecins qui s’expriment. Certes, tel ne devrait pas être le cas, dans la mesure où, après leur mandat parlementaire, ils reprendront leurs cabinets médicaux et se verront appliquer des lois qu’ils auront eux-mêmes votées.
Bien sûr, le mandat de parlementaire peut être source d’incompatibilités et de conflits d’intérêts. Malgré tout, le parlementaire est censé représenter l’intérêt général. Certes, je veux bien admettre que, dans certaines situations, il faille faire preuve de vigilance.
Que vous veniez du privé ou du public, tout débat peut vous concerner de manière globale pour la suite de votre vie. Dans un tel contexte, on peut choisir de ne plus rien faire et de donner le pouvoir aux techniciens !
Du temps que j’étais sérieux,…
M. Philippe Dallier. Il y a longtemps ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. … j’ai passé une agrégation d’histoire. Je suis ensuite devenu inspecteur général de l’éducation nationale. Que voulez-vous que je fasse de cela dans le privé ? Mon cher collègue, vous me mettez dans une situation impossible ! (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il y a plus de risques de conflits d’intérêts avec les banques qu’avec les syndicats de fonctionnaires !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. On parle beaucoup des parlementaires qui étaient salariés avant leur mandat et du manque de protections et de garanties dont ils bénéficient.
Tel est mon cas. Par ailleurs, ayant été élu relativement jeune, je suis assez sensible à ce que j’entends. La seule garantie que nous ayons, en entrant au Parlement, c’est l’obligation pour l’entreprise de nous mettre en suspension du contrat de travail, suspension valable une seule fois.
L’amendement présenté par Philippe Dominati m’inquiète. En effet, si les fonctionnaires devaient démissionner de facto après leur élection, que deviendraient, pour leur part, les anciens salariés ? Ainsi, en tant qu’ancien employé d’une grande banque à titre d’informaticien, on pourrait sans doute m’accuser de conflit d’intérêts lorsque je siège à la commission des finances et que cette dernière évoque la situation des banques. Sans doute en viendra-t-on un jour à dire que les salariés employés des banques ne bénéficient plus de la garantie de suspension du contrat de travail pendant au moins un mandat.
Selon moi, il ne faut donc pas aller trop loin. En effet, à force de vouloir laver plus blanc que blanc et de chercher à éliminer tout type de conflit d’intérêts, je me demande qui sera susceptible de siéger au Parlement dans les années à venir. Les candidats finiront par se réduire à une frange très limitée de la population. Or ce n’est pas, je crois, ce que nous recherchons ! (Applaudissements sur certaines travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. En tant que médecin, je suis condamné à réagir sur cette question.
Il est important de disposer d’expériences diversifiées sur les bancs des différentes assemblées. Il faut en effet qu’il y ait un intérêt à légiférer. Le lien d’intérêt n’est pas le conflit d’intérêts ! On a d’ailleurs tendance, dans les assemblées, à mettre le médecin, ou le président d’un conseil départemental, à la commission des affaires sociales. On estime ainsi qu’ils ont acquis une expérience en la matière et qu’ils sauront de quoi ils parlent. Ils apprennent bien sûr beaucoup d’autres choses dans d’autres domaines !
Les liens d’intérêts, qui n’ont rien à voir avec les conflits d’intérêts, sont à mes yeux importants. Quand ils n’existent pas, l’intérêt disparaît, qu’il s’agisse du territoire, du monde professionnel voire de la société, ce qui est à l’encontre de l’esprit du parlementaire. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Sur ce sujet, il me semble que les attentes sont parfois contradictoires. D’un côté, nous souhaitons tous que le Parlement soit la représentation la plus large de la réalité de notre société ; d’un autre côté, nous sommes en train d’accumuler obstacles et interdits à cette diversité.
Selon moi, la compétence, notamment dans le domaine législatif, vient aussi de l’exercice d’un métier. Nous souffrons beaucoup aujourd'hui de l’entrée en métier politique de gens n’ayant jamais exercé aucun métier et qui ne se trouvent là où ils sont que par la grâce d’appareils politiques.
À mes yeux, tel ne doit pas être l’avenir du Parlement, dans l’intérêt même de la diversité de représentation de notre société. Soyons donc attentifs à ne pas pousser le bouchon trop loin s’agissant des interdits. Sinon, nous aurons, dans ces travées, des gens qui n’auront jamais travaillé et seront au service de leur appareil politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République en marche, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° 1 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je voulais lancer ce débat, qui me paraît d’actualité. Un ministre du Gouvernement, en l’occurrence celui de l’économie et des finances, a démissionné de la fonction publique pendant la campagne présidentielle. Dans l’opposition, une candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet a démissionné de la fonction publique pour promouvoir cette idée d’incompatibilité.
Il s’agit donc d’une idée qui, loin d’être absurde, témoigne d’une volonté d’indépendance.
J’ai beaucoup apprécié l’intervention de ma collègue Catherine Tasca. Nous connaissons tous, aussi bien à gauche qu’à droite ou au centre, des personnalités entrées très jeunes dans la fonction publique, ayant ensuite exercé plusieurs mandats parlementaires et occupé des fonctions ministérielles, qui terminent leur carrière dans la fonction publique.
Mon cher collègue Philippe Dallier, en évoquant les obstacles que se verront opposer les professions libérales, qu’il s’agisse des médecins ou des avocats, j’ai voulu montrer l’iniquité de cette loi et toutes les entraves qu’elle vise à créer.
Vous le savez, je suis attaché à la liberté. Mon but n’est pas, madame Tasca, de créer des entraves supplémentaires. Je l’ai indiqué hier dans le cadre d’autres amendements, j’estime que les entraves dont il est question sont nuisibles au débat démocratique. Tel est le sens de mon amendement.
Dans la mesure où le débat se poursuivra à d’autres occasions, je retire aujourd'hui cet amendement.
Mme Évelyne Yonnet. Madame la présidente, je n’ai pas compris pourquoi l’adoption de l’amendement n° 55 avait rendu l’amendement n° 63 rectifié sans objet. Il s’agit en effet de deux sujets différents.
Par ailleurs, M. Bas avait affirmé être favorable à l’amendement n° 63 rectifié. Je souhaiterais donc qu’il s’explique sur ce point.
Mme la présidente. Ma chère collègue, l’amendement n° 63 rectifié faisait l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 55, qui a été adopté. Or celui-ci avait notamment pour objet de modifier la rédaction de l’article LO 176, tout comme l’amendement n° 63 rectifié, qui, de fait, tombe.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ma chère collègue, effectivement, je n’aurais pas dû dire que j’étais favorable à l’amendement n° 63 rectifié, cet avis étant incompatible avec l’avis favorable que j’avais auparavant formulé sur l’amendement n° 55.
Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par Mme Garriaud-Maylam, n'est pas soutenu.
Chapitre III
Soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements
Article 9
I. – Le chapitre II du titre II de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le I de l’article 7 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements. » ;
2° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 11, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements » ;
3° (nouveau) Après le même article 11, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. – I. – Chaque année, le bureau de chaque assemblée adresse au Gouvernement la liste des projets que les députés et sénateurs proposent pour soutenir l’investissement des communes et de leurs groupements pour l’exercice suivant.
« Ces projets répondent aux critères cumulatifs suivants :
« 1° Ils correspondent à la réalisation de projets d’investissement matériel ou immatériel des communes, de leurs groupements ainsi que de leurs établissements publics ;
« 2° Ils présentent un caractère exceptionnel ;
« 3° Ils permettent la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général ;
« 4° Les fonds qu’il est envisagé de verser n’excèdent pas la moitié du montant total du projet concerné et le plafond de 20 000 euros ;
« 5° Un même projet ne peut être proposé par plusieurs députés ou sénateurs ;
« 6° Leur délai prévisionnel d’exécution est égal ou inférieur à sept ans.
« Cette liste précise, pour chaque projet proposé, le nom de l’éventuel bénéficiaire, le montant proposé, la nature du projet à financer et le nom du membre du Parlement à l’origine de cette proposition. Chaque assemblée la publie dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
« II. – Avant le 31 mai de chaque année, le Gouvernement publie la liste des projets ayant bénéficié, au cours du précédent exercice, de la dotation prévue au I. Elle est publiée dans les conditions prévues au dernier alinéa du même I. »
II. – Le 9° de l’article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est abrogé.
III (nouveau). – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er septembre 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Le présent article visait initialement à supprimer purement et simplement la réserve parlementaire En jetant ce pavé dans la mare, le Président de la République et de son gouvernement ont fait le choix d’envoyer des signaux clairs : sous couvert de moraliser la vie politique, ils ciblent particulièrement les parlementaires et souhaitent limiter leurs financements et leurs prérogatives. Les parlementaires coûtent toujours trop cher et il faut limiter la dépense publique.
Nous connaissons le laïus. Les travers antiparlementaristes de cette loi ne nous ont donc pas échappé.
Pour autant, il s’agit d’une vraie question, tant la suspicion est forte, résultat des dérives constatées dans certains territoires. L’exigence de transparence d’aujourd’hui doit être prise en compte par les élus que nous sommes.
En commission, cet article a été totalement réécrit pour concilier à la fois le maintien de la réserve parlementaire, tout en encadrant plus fortement son usage.
Nous prenons connaissance pour la séance de trois séries d’amendements : certains parlementaires ne veulent finalement aucune contrainte sur l’usage de la réserve ; le Gouvernement souhaite supprimer cette réserve, tout en annonçant la sanctuarisation des ressources dans une prochaine loi de finances ; quelques parlementaires souhaitent aménager le texte de la commission.
Je crois qu’il faut s’entendre au préalable sur les termes de notre débat.
Si la suppression de la réserve parlementaire signifie la limitation des ressources des territoires et des collectivités, sans oublier les associations durement frappées par l’austérité, nous ne sommes pas d’accord.
Les territoires subissent la baisse des dotations, qui devrait encore s’amplifier par les récents choix politiques. Pour cette raison, nous n’avons qu’une confiance relative dans vos déclarations, madame la garde des sceaux, sur la sanctuarisation de ces crédits. Nous verrons, lors de la loi de finances, quels seront les arbitrages et nous vous rappellerons vos promesses. Ces 140 millions doivent rester au service des territoires et de leurs habitants.
Pour nous, le débat doit essentiellement porter sur la question suivante : l’idée même d’une réserve parlementaire est-elle légitime ? En la matière, les avis sont partagés. En effet, si elle permet aux élus de tisser un lien particulier avec leur territoire, les modes d’attribution, soumis au seul arbitraire des parlementaires, rendent nécessaire, pour une bonne part d’entre nous, dont je fais partie, la suppression de ce dispositif. Cette réserve apparaît aux yeux de notre peuple comme un privilège d’un autre temps, qui va jusqu’à bloquer le renouvellement de la vie politique, les sortants et les nouveaux n’étant pas sur un pied d’égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.
M. Daniel Gremillet. L’article 9 visait à supprimer la réserve parlementaire, comme l’indique le titre du chapitre III.
On parle vraiment très mal de cette action parlementaire. Laisser croire aux Français que c’est un trésor caché des sénatrices et sénateurs, laisser croire qu’on va dans nos campagnes ou dans nos villes distribuer des billets de 200 euros ou de 500 euros, c’est faire injure au travail parlementaire.
Surtout, c’est faire injure aux élus de nos territoires. Madame la garde des sceaux, que font en réalité les sénatrices et les sénatrices ? Ni plus ni moins que soutenir l’action territoriale, les projets de nos territoires !
Combien d’investissements n’auraient pas eu lieu si l’action parlementaire n’était pas intervenue ? Combien de projets, orphelins de tout financement de l’État, de la région ou du département, n’auraient pas vu le jour si l’action parlementaire ne s’était pas exercée ?
C’est le mieux vivre de nos territoires dont il est question. Combien de projets d’accessibilité ont été soutenus dans nos territoires grâce à l’action parlementaire ? Autre exemple d’actualité : les maires ont l’obligation de formuler leurs propositions de mise en conformité eu égard à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Comment feront-ils si l’action de proximité n’est pas au rendez-vous ?
Combien de fois le soutien de l’action parlementaire est-elle l’effet déclencheur de soutiens communautaires ?
À mes yeux, mettre fin au soutien de l’action territoriale, c’est mettre encore un peu plus les élus hors-sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Sur ce débat concernant la réserve parlementaire, je voudrais exprimer ici le ressenti d’un sénateur de la ruralité. Si cette réserve parlementaire était totalement supprimée, je m’interroge sur les réactions, dans un ou deux ans, des maires, des élus, des habitants de petites communes, qui se trouveraient dans la difficulté pour compléter les financements de travaux d’aménagement : écoles, salles de loisirs, travaux de voirie, protection du patrimoine. Ces élus, dans un ou deux ans, jugeraient-ils que la moralisation de la vie politique – c’est bien le sujet qui nous préoccupe – est réellement en marche ?
Je veux profiter de cette intervention pour réaffirmer, à la suite du collègue qui m’a précédé, que la réserve parlementaire, aujourd’hui, est totalement transparente. La procédure qui la régit répond aux mêmes règles que tout octroi de subvention de la part de l’État. Je veux dire à nos concitoyens que cette réserve parlementaire n’est pas versée en liquide, qu’elle ne passe pas par la poche des parlementaires, que ces derniers n’en prélèvent pas une partie avant de la redistribuer aux élus locaux. Or c’est ce que nos concitoyens, souvent, pensent !
Bien sûr, le cadre de ce dispositif peut être rénové – je n’y suis pas opposé –, des règles peuvent être précisées, des aménagements proposés. Réserver la réserve parlementaire à des investissements dans les petites communes ? J’y suis favorable, encore que les élus de la région parisienne y trouveraient légitimement à redire.
Il serait envisageable également d’interdire qu’un parlementaire oriente la réserve parlementaire vers une commune dans laquelle il exercerait un mandat d’élu.
Quant à l’argument du clientélisme, je prendrai pour y répondre l’exemple du département de l’Aisne, celui que je connais le mieux. Sur un mandat de six ans, 150 communes au maximum peuvent être aidées, ce qui veut dire que 550 ne le sont pas. L’argument du clientélisme est donc assez faible !
Pour conclure, je souhaite vraiment que ne soit pas sacrifié, sur l’autel de l’antiparlementarisme, dont l’ambiance hélas ! imprègne dangereusement notre pays aujourd’hui, un outil de financement simple, efficace, utile et désormais totalement transparent en direction des petites communes. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Si la réserve parlementaire est utilisée honnêtement, il n’y a strictement aucun problème ; elle contribue à aider les communes, souvent les plus défavorisées, pour la réalisation de petits projets. Elle constitue souvent un déclic permettant d’inciter la commune à réaliser un petit projet d’intérêt général.
Chaque année, je distribue des petites subventions d’égale importance, ou presque, à toutes les communes de mon département ; je parviens ainsi à en distribuer une centaine. Lorsque je visite les communes, par la suite, on me montre ce qui a été réalisé, et je constate les effets très positifs de la réserve parlementaire.
Si elle est aujourd’hui contestée, c’est parce que des abus ont été commis ! Je citerai l’exemple d’un ancien parlementaire de mon département – il n’est plus parlementaire, on peut en parler librement : il a attribué deux années de suite les 200 000 euros de sa réserve parlementaire à sa propre commune ! C’est scandaleux ! Il faut donc que nous exercions un contrôle sur ce dispositif.
Me paraissent tout à fait anormales également les dérives des subventions aux associations. Mediapart a révélé le cas d’un parlementaire qui, en deux ans, avait alloué, au total, 160 000 euros à une association dont il était le président, dont le délégué général était son assistant parlementaire, et dont la trésorière était sa première adjointe ! C’est quand même incroyable ! Pour couronner le tout, le siège de l’association se trouvait dans son bureau au Sénat !
Il y a quand même des limites ! Et les communes n’ont pas à être les victimes des agissements et des dérives de quelques personnes. C’est la raison pour laquelle je suis partisan du maintien de la réserve parlementaire, à condition cependant qu’elle fasse l’objet d’un contrôle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. De grands débats peuvent être menés sur ce thème ; je veux simplement rappeler un fait. Il y a quelques années, la réserve parlementaire était distribuée dans une certaine opacité. Je me souviens qu’à mon arrivée dans cette maison, il y a quelque temps, celui qui était alors le président de mon groupe m’avait dit qu’il ne connaissait pas ce dispositif ! J’ai réussi, peu à peu, à savoir que des subventions étaient délivrées, et de manière très inégalitaire. Ce système était donc immoral !
À cette époque, il eût été heureux – nous ne le fîmes pas, nous eussions pu le faire ! – que nous votions des dispositions pour réformer cette immoralité.
Mais aujourd’hui, grâce au travail effectué, la réserve parlementaire est totalement transparente. Il s’agit de sommes affectées à des communes, villages ou communes plus importantes où se trouvent des quartiers en difficulté, attribuées en toute transparence. Le montant des crédits qu’un sénateur ou un député peut proposer au titre de la réserve est public. L’attribution de ces sommes à des communes est publique. Tout est public ! Et la transparence, je vous l’assure, mes chers collègues, est le meilleur rempart contre toutes les dérives.
Bien sûr, si certains se livrent à des pratiques répréhensibles, celles-ci seront critiquées, puisque tout est transparent.
C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression. Ce projet de loi organique a pour objet de rétablir la confiance ; mais aujourd’hui, en l’état du dispositif, il n’y a pas matière à défiance ou à suspicion d’immoralité ! C’est pourquoi nous considérons que ce sujet ne devrait pas intervenir dans le cadre de ce texte. Mais au cas, probable, où notre amendement ne serait pas adopté, nous nous rallierons à celui de la commission, c’est-à-dire au texte tel qu’il nous est présenté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.
M. Jean-Yves Leconte. En complément de ce qui a déjà été observé, je dois dire d’abord qu’à mon arrivée ici, j’ai été un peu étonné de découvrir ce type de pratiques. Je considère en effet, comme je l’ai déjà indiqué hier, que notre rôle est de légiférer et de contrôler l’action du Gouvernement. À l’évidence, lorsque nous soumettons au ministère des affaires étrangères ou au ministère de l’intérieur des propositions d’attribution de subventions, lesquelles sont ou non suivies d’effet, nous sortons quelque peu de notre rôle.
Voici le principe. Une fois fait ce rappel, force est d’y adjoindre deux constats.
Premièrement, la réserve permet en effet d’accompagner des projets, de lancer des initiatives qui, à défaut d’un tel dispositif, n’existeraient pas. Je pense, pour ce qui concerne les Français de l’étranger, au développement des écoles, à l’accompagnement des enfants à besoins particuliers, à l’action sociale, à l’aide au développement d’alliances françaises, aux sommes allouées pour répondre aux effets d’un séisme en Équateur ou d’une catastrophe climatique au Vanuatu – cela s’est produit l’année dernière, il avait fallu réagir très vite. Ces crédits représentent un complément indispensable à l’action de l’État.
Deuxièmement, les parlementaires tentent de contrôler l’action du Gouvernement d’un point de vue budgétaire. Or, lorsque je demande des informations au ministère des affaires étrangères sur un certain nombre d’opérations immobilières à Vienne, à Amsterdam ou à Toronto, on me balade ! Nous ne pouvons pas correctement exercer notre mission de contrôle budgétaire s’agissant d’enveloppes qui pourraient être mieux utilisées par le Gouvernement.
Dans la situation actuelle, donc, le principe est qu’il serait peut-être bon, en effet, que la réserve soit supprimée ; mais nous en avons absolument besoin, à cause de dysfonctionnements, et ce projet de loi organique ne permettra pas tout régler.
La proposition du président de la commission des lois est une manière de régler le problème pour les Français métropolitains ; pour les Français de l’étranger, il faudra la compléter. De toute façon, ce qui était proposé par le Gouvernement n’avait pas lieu d’être : il s’agissait d’une simple déclaration aux termes de laquelle nous étions censés ne pas voter d’amendements tendant à ouvrir de tels crédits en projet de loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je m’exprimerai en ma qualité de présidente de la commission des finances, laquelle a été saisie par la commission des lois sur cette question.
Nous vivons un moment que l’on pourrait qualifier de sortie de l’ambiguïté, ou du mystère, à notre détriment. Pendant longtemps, mes collègues l’ont dit, aucune lumière n’était faite sur cette réserve. Seuls les collègues de la commission des finances disposaient des possibilités de soutien qu’elle offrait. Ils le faisaient déjà, d’ailleurs, dans les règles qui président à l’attribution de subventions aux investissements des communes.
J’ai la chance de m’occuper de la totalité de vos dotations, mes chers collègues. Je regarde ce qui se passe, et je peux observer qu’il n’y a rien à dire de particulier depuis que les attributions donnent lieu à publication. Voici deux ans qu’elles sont publiées sur le site dédié ; ce dispositif a-t-il rendu vertueux certains collègues ? Je ne suis pas juge de cette question. Mais je considère que les dérives dont, les uns et les autres, nous avons pu entendre parler, sont largement derrière nous.
Les attributions sont donc publiées et traitées d’une manière remarquable. Je veux profiter de ce moment pour saluer la qualité du travail accompli par les fonctionnaires qui s’occupent des dossiers dans chaque ministère, que ce soit à l’intérieur, surtout, ou aux affaires étrangères, à la culture, à la jeunesse et aux sports, aux affaires sociales. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. Exactement !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Un réseau a été mis en place pour que nous puissions flécher correctement des sommes – soyons clairs : de petites sommes ! – qui constituent en quelque sorte, pour un investissement communal, la cerise sur le gâteau, parfois très utile s’agissant de petits équipements.
Pour ce qui concerne le Sénat, 80 % des dotations sont fléchées vers les investissements des communes. Quant à nos collègues représentants des Français établis hors de France, ils s’occupent avec talent de ce qui concerne l’étranger – cela vient d’être dit.
Aujourd’hui, les règles sont respectées, la transparence règne et on peut presque dire que la démocratie prévaut, pour des sommes moyennes situées entre 120 000 et 140 000 euros par parlementaire.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Oui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Par ce biais, nous apportons des financements dans nos territoires, auprès de nos écoles ou de nos alliances françaises. Il faut donc trouver une méthode, quelle qu’elle soit, pour que les projets soient soutenus. Je compte sur le débat qui suit pour y veiller. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souscris à tout ce qui a été dit, que je ne répéterai pas.
Je voudrais simplement attirer l’attention sur le fait suivant : cette dotation est menacée depuis très longtemps. Dès lors qu’il faut faire des économies, on gratte partout ! Du côté de Bercy, on serait très intéressé par la suppression de cette dotation ; c’est pourquoi on la déclare immorale.
Vous savez comme moi, mes chers collègues, comment fonctionnent les municipalités, les départements, les régions ; le dispositif présidant à l’attribution de la dotation parlementaire est beaucoup plus transparent.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Pas « plus » ! La réserve est transparente, tout simplement !
M. Pierre-Yves Collombat. Faut-il supprimer la possibilité pour les exécutifs des collectivités de distribuer des subventions sous prétexte qu’il y a des abus ici ou là ?
Mais le plus amusant dans cette affaire, c’est d’entendre défendre la thèse selon laquelle la réserve serait une atteinte à l’article 40, faute grave s’il en est ! Mais non ! Cela fait partie du budget, l’État donne son accord ! Je vous conseille le rapport de notre ancien collègue Philippe Marini sur l’article 40 : plus rien n’échappe à l’article 40 ! (Sourires.)
Encore plus amusants sont les développements de la Cour des comptes sur la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Nous détournerions la LOLF ! C’est peut-être vrai. Admettons ! Mais un tel détournement est bienvenu ! La LOLF, en effet, est devenue une véritable entrave au développement de ce pays !
M. Philippe Dallier. Oh ! N’exagérons rien !
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’exagère pas ! Regardez, dans les territoires, comment les services de l’État, chargés de l’agriculture, de l’équipement, etc., essaient de mutualiser leurs services, leurs moyens. Vous constaterez que les pauvres sous-préfets ont la vie impossible : les indemnités sont différentes, on ne peut pas passer d’un budget à l’autre. Cette façon pointilliste de distribuer les crédits aboutit à des blocages !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l'article.
M. François Bonhomme. C’est quand même un drôle de paradoxe : le Gouvernement propose la suppression de la réserve parlementaire au moment où les années de nébulosité sont derrière nous – dans les années 1980 et 1990, certains parlementaires ne découvraient que tardivement ou partiellement…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Parfois jamais !
M. François Bonhomme. … le fonctionnement de la réserve, avec, comme l’a dit Mme la présidente de la commission des finances, des enveloppes aux montants difficiles à connaître, réservées dans l’opacité à certaines catégories d’élus ; mais tout cela est terminé.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. François Bonhomme. La situation est de plus en plus claire, transparente, régulée, via notamment la publication, dont les effets sur les pratiques sont importants. Et c’est à ce moment précis que les communes, notamment les communes rurales et les petites communes, qui sortent de trois ans d’essorage par la baisse des dotations de l’État, subiraient une double peine avec la suppression pure et simple de la réserve parlementaire ?
Une nouvelle fois, elles verront ainsi réduites leurs marges de manœuvre, en particulier en termes d’investissement. La réserve parlementaire avait pourtant cette vocation, a minima, compte tenu de la modestie des sommes, de financer des projets qui ne pouvaient être bouclés et n’entraient pas nécessairement dans les cases d’autres sources de financement, leur permettant en définitive d’aboutir.
Qui n’a pas connu la situation évoquée par l’un de nos collègues, où une petite commune s’est vu offrir, par ce moyen, un véritable bol d’oxygène ?
Quant aux associations, comme l’a dit notre collègue Jean Louis Masson, il y a eu, en la matière, des dérives. Il est arrivé que la réserve soit détournée de sa fonction pour financer des associations dont l’objet était tout à fait sujet à caution et dont les pratiques l’étaient encore davantage. Il ne faut pas confondre les collectivités locales, qui font l’objet d’une procédure très claire de sélection, avec les associations, où le pire côtoie parfois le meilleur.
Il ne faudrait pas que, sous couvert de corriger des dérives qui se produisent à la marge, on supprime la totalité du dispositif, ce qui serait très dommageable pour les petites communes.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, sur l'article.
M. André Gattolin. Je ferai entendre un avis un peu dissonant : j’ai des réserves sur la réserve.
Notre collègue Jean-Yves Leconte a bien posé la question : en quoi consiste la fonction de parlementaire ? Il s’agit de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement. S’agit-il de distribuer des subventions ou des aides ? Une véritable question de fond est posée, sur la nature de ce que nous faisons.
La priorité, selon moi, est que le Gouvernement respecte un peu plus le travail parlementaire, le vote de la loi. Il existe d’autres réserves que la réserve parlementaire, à commencer par la réserve de précaution, qui nous conduit à discuter très rapidement de décrets d’avance, modifiant le cours du budget que nous avons pourtant voté.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ça n’a rien à voir !
M. André Gattolin. Que nous adaptions le budget en fonction des aléas, c’est nécessaire ; mais il arrive très souvent que des textes votés fassent l’objet de peu de respect !
Concentrons-nous sur notre métier !
J’ai entendu l’argument de mon collègue François Bonhomme : « Les collectivités territoriales, c’est bien ; les associations, ce n’est pas bien. » Non !
M. François Bonhomme. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit ! Ne caricaturez pas mon propos, mon cher collègue !
M. André Gattolin. Je suis gêné, en tant qu’élu d’un département, de pouvoir donner de l’argent, des subventions, à des municipalités où exercent nos grands électeurs, surtout dans les deux années qui précèdent le renouvellement ; d’une certaine façon, cela me semble incompatible avec nos fonctions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Lorsque je donne, je donne essentiellement à des associations, qui, de surcroît, ne viennent pas de mon département.
Un vrai problème se pose, aujourd’hui, s’agissant du financement des associations d’utilité publique, avec la baisse des subventions qui leur sont allouées : depuis trois ou quatre ans, elles voient régulièrement leurs moyens diminuer.
En l’espèce, la réserve est utile, comme elle l’est pour certaines collectivités. Mais, en la matière, trouvons un moyen qui ne fonctionne pas de façon discrétionnaire – je regrette, mais c’est le cas de la réserve, malgré sa transparence !
Voyons ce que les préfets proposent, et chargeons-nous du contrôle politique de ces aides ! Que les élus puissent donner leur point de vue ! Un tel système me paraîtrait plus juste.
Lorsqu’on veut bien faire – c’est mon cas –, la réserve parlementaire représente au minimum deux mois de travail pour un collaborateur chargé d’étudier les dossiers et de répartir équitablement la dotation. Nous avons autre chose à faire, à savoir être présents dans l’hémicycle et dans nos commissions respectives, à contrôler l’action du Gouvernement ! L’attribution de la réserve me paraît secondaire dans le cadre de la fonction parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Je suis résolument opposé à la disparition de la réserve parlementaire. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Un certain nombre de collègues se sont exprimés avant moi ; je voudrais être, après eux, la voix des territoires et des départements ruraux.
Je ne suis pas un élu parisien ni un élu des Français de l’étranger. Le département de la Dordogne, dont je suis un représentant, compte 557 communes, dont la moitié comptent moins de 500 habitants et le tiers moins de 300 habitants. Je ne répartis jamais mon aide aux petites communes de manière discriminatoire : je ne tiens jamais compte de l’étiquette politique des maires, mais toujours et uniquement des projets d’investissement présentés.
Lorsqu’on leur donne 1 500 ou 2 000 euros, les maires en sont très heureux, parce qu’ils ne peuvent financer à hauteur de 50 % un investissement de 30 000 ou même de 10 000 euros. Il y a donc une vraie utilité à continuer de disposer de la réserve parlementaire. Si nous la supprimons, pour les communes et départements ruraux, qui sont représentés dans cet hémicycle, sonnera la fin de financements que nous leur apportons.
Par ailleurs, nous discutons aujourd’hui de la suppression de la dotation d’action parlementaire des députés et sénateurs. À supposer qu’une telle suppression soit nécessaire, alors mettons fin aussi à la réserve ministérielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Absolument !
M. Claude Bérit-Débat. En parlant d’obscurité, personne ne sait comment fonctionne la réserve ministérielle ! Et on se retrouve avec des départements où les aides pleuvent d’un ou d’une ministre dans la plus parfaite opacité !
Si l’on veut balayer devant les portes, n’en négligeons aucune ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l'article.
M. Philippe Dominati. Je souhaite simplement dire à Mme la garde des sceaux que, en tant que parlementaire, je considère cette réserve comme un acte de confiance de l’exécutif à l’égard du Parlement, donc du législatif.
Je l’ai toujours pratiquée dans cet esprit : lorsque j’ai utilisé ma réserve, c’était pour faire gagner du temps à l’exécutif sur des sujets qui me paraissaient importants, mais qui, compte tenu de la modestie des montants engagés, n’avaient rien à faire dans la discussion budgétaire.
Apparemment, dans votre vision des choses, madame la garde des sceaux – nous aurons, me semble-t-il, du mal à vous convaincre –, cette confiance est rompue entre l’exécutif et le législatif. (Mme la garde des sceaux fait la moue.)
Il m’appartiendra donc à l’avenir, en ma qualité de parlementaire, pour continuer à jouer mon rôle, de déposer, lors des prochaines séances budgétaires, une vingtaine ou une trentaine d’amendements correspondant à la vingtaine ou trentaine de lignes que j’utilisais chaque année sur le budget de la réserve parlementaire pour promouvoir des actions dans le département dont je suis l’élu. À raison de deux minutes trente par amendement, je plaiderai l’importance d’accorder telle subvention à telle association locale ou à tel projet d’investissement dans des biens d’équipement, scolaire ou sportif.
Quelle perte de temps, pour votre collègue ministre du budget ! Si chaque parlementaire fait comme moi, c’est-à-dire dépose vingt ou trente amendements supplémentaires, il faudra allonger l’examen du budget de nombreux jours de séance : en effet, nous avons tous à défendre avec conviction l’intérêt de l’usage de cette réserve parlementaire. (M. Daniel Gremillet applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Demande d’avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 13 juillet 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de Mme Catherine Guillouard aux fonctions de président-directeur général de la RATP.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’aménagement du territoire.
Acte est donné de cette communication.
6
Candidature aux fonctions de secrétaire du Sénat
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour remplacer, en qualité de secrétaire du Sénat, M. Christian Cambon.
La candidature de M. Jean-Paul Émorine a été publiée et la désignation aura lieu conformément à l’article 3 du règlement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bon candidat !
7
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Je souhaite apporter deux rectifications de vote pour la séance du 12 juillet 2017.
La première concerne le scrutin n° 115 sur la demande de seconde délibération du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique : M. Hervé Maurey a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre.
La seconde porte sur le scrutin n° 117 relatif à l’ensemble du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique : Mme Anne-Catherine Loisier souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Rétablissement de la confiance dans l'action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, dans le texte de la commission.
projet de loi organique pour la régulation de la vie publique (suite)
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais faire le point sur nos travaux.
Comme vous le savez, la conférence des présidents a décidé que nous siégerions jusqu’à seize heures, à la demande notamment de M. le président Guillaume.
Le président du Sénat a envisagé, avec le Gouvernement, la possibilité de siéger, le cas échéant, lundi à partir de seize heures, ou mieux à partir de dix-huit heures, comme Mme Isabelle Debré l’a souligné ce matin.
Pouvons-nous en terminer avant seize heures ? Trois orateurs sont encore inscrits pour prendre la parole sur l’article 9, et Mme la garde des sceaux souhaite répondre. Vingt-deux amendements ont été déposés sur cet article, qui visent le soutien financier aux communes, ce qui nous fait une heure trente de discussion. Il reste ensuite dix amendements, deux inscriptions de parole et les explications de vote sur l’ensemble.
Il résulte de tout cela que nous ne pourrons vraisemblablement terminer à seize heures que si, véritablement, la discussion se déroule dans les meilleures conditions possible, avec des prises de parole concises.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. le président. Tout dépendra éventuellement du vote sur les amendements de suppression de l’article 9.
Mes chers collègues, c’est à vous de décider si nous pouvons terminer à seize heures ou s’il nous faudra revenir lundi, soit à seize heures, soit à dix-huit heures, pour parachever l’examen de ce texte.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 9.
Article 9 (suite)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l'article.
Mme Françoise Gatel. Je m’efforcerai de raccourcir mon propos, car la pression est forte en matière de concision…
Je souhaite évoquer les fonds de la réserve parlementaire. Comme beaucoup de mes collègues, je tiens à insister sur un point : ces fonds ne sauraient disparaître alors même que nous évoquons des modifications de procédures pour introduire plus de transparence et de lisibilité dans l’action publique. Je rappelle que le Sénat a, en l’espèce, fait un effort pour améliorer ses procédures.
Madame la garde des sceaux, M. le rapporteur, président de la commission des lois, a parlé hier d’un « accident de nuit » intervenu au Sénat, qui aurait eu pour conséquence d’établir une incohérence entre les emplois familiaux ministériels et les emplois familiaux parlementaires. Nous avons corrigé cette sortie de route.
Il conviendrait aujourd'hui d’éviter que ne survienne un « accident de jour » – je fais allusion à la différence de procédure proposée au travers de l’article 9 en matière de réserve ministérielle et de réserve parlementaire.
La transparence devenant une religion d’État, le Gouvernement ne peut manquer d’avoir à cœur de se l’appliquer. Voilà pourquoi je m’étonne que la réserve ministérielle ne fasse l’objet que d’une communication a posteriori, ce qui signifie que la règle de transparence n’est pas appliquée ici de manière cohérente.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.
Mme Catherine Génisson. Je ne veux faire de procès d’intention à quiconque. Il est vrai que la réserve parlementaire a connu des moments d’opacité. Toutefois, aujourd'hui, grâce au règlement du Sénat et à l’action de la commission des finances, en particulier de sa présidente, la répartition de la réserve parlementaire est transparente et très claire.
Je suis sénatrice du Pas-de-Calais, soit un département qui compte plus de 700 communes rurales. Je puis vous dire que l’ensemble des sénateurs du Pas-de-Calais, tous engagements partisans confondus, répartit la réserve parlementaire de façon égalitaire, en fonction des projets proposés par les communes. Il s’agit, par exemple, de l’achat d’un défibrillateur pour équiper une salle de sport ou une salle des fêtes dans un village. Sans vouloir les remettre en cause, je ne pense pas que les services de l’État s’attarderont à monter des dossiers complexes pour ce type d’équipements !
Comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, nous présenterons un amendement. Si celui-ci n’était pas voté, nous nous rallierons à la rédaction de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. Je serai bref, car je me suis déjà, modestement, placé lors de la discussion générale en défenseur de la réserve parlementaire, également appelée « dotation d’action parlementaire ». Cette dernière a réellement son utilité.
De nombreux collègues se sont exprimés avec passion, conviction et vérité, car c’est le langage que nous nous devons de tenir.
Dans le rapport sur le projet de loi organique, les quelques pages consacrées à la réserve parlementaire sont pédagogiques : cette dotation ne représente que 0,035 % des dépenses au niveau de l’État, soit un peu plus de 53 millions d’euros en 2016 pour le Sénat. Nombre de mes collègues ont mis en évidence le fait qu’il s’agissait d’un soutien indispensable aux petites communes et collectivités locales, qui disposent de peu de moyens financiers.
Dans mon département, les Ardennes, nous soutenons en moyenne trente à trente-cinq projets, en essayant de mettre la priorité sur les petits dossiers qui ne bénéficient pas d’autres subventions. Cette aide peut s’élever jusqu’à 50 % du montant du projet hors taxe, et varie de 1 000 euros à 10 000 euros maximum. Bref, il s’agit d’une aide substantielle largement appréciée.
En cas de suppression de la réserve parlementaire, M. le rapporteur, Philippe Bas, a évoqué la mise en place d’un système de remplacement. J’incite néanmoins à la prudence : les parlementaires votent le budget de l’État et le budget de la sécurité sociale. Cela fait partie de leur mission. La dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, elle, distribuée par les préfets et sous-préfets, n’est pas contrôlée ; nous n’avons pas notre mot à dire sur ces fonds. Il est important de faire le parallèle entre ces deux dotations. Vive la réserve parlementaire !
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.
M. Yannick Botrel. Je ne reviendrai pas sur mon propos de cette nuit, qui anticipait quelque peu le débat que nous avons aujourd'hui.
J’irai à l’essentiel, notamment sur les deux critiques fondamentales adressées à l’encontre de la réserve parlementaire.
Tout d’abord, j’évoquerai le soupçon de clientélisme. Selon moi, il s’agit à la fois d’un procès d’intention et d’un double affront : affront aux parlementaires – ce n’est pas le plus grave – et surtout affront aux élus locaux, dont on insinue qu’ils se laisseraient conquérir par l’usage fait par les parlementaires de cette réserve, ce qui est injurieux !
Les parlementaires d’un même département n’ont pas nécessairement la même obédience politique. Trois sénateurs représentent les Côtes-d’Armor : une sénatrice appartient au groupe communiste républicain et citoyen, un sénateur au groupe Les Républicains, et moi – nul n’est parfait (Sourires.) – au groupe socialiste et républicain. La pluralité est donc respectée.
J’évoquerai ensuite l’utilité de la réserve parlementaire. Philippe Bas l’a rappelé hier soir, cette dotation profite surtout aux petits projets. Nous avons fait la démonstration ici que cette aide, dont l’utilité n’est plus à démontrer pour les petites communes et collectivités, pouvait être régulée.
La DETR, dans mon département, est passée de 9 millions d’euros en 2014 à 14 millions d’euros l’année suivante, auxquels se sont ajoutés les crédits du fonds de soutien à l’investissement local. Le Gouvernement précédent a donc mis en place un certain nombre de moyens pour soutenir les gros projets. Toutefois, quid des petits projets ?
Si les sénatrices et sénateurs, qui sont les représentants des collectivités territoriales, veulent conserver un rôle et une visibilité sur leur territoire, ils doivent pouvoir continuer à disposer, suivant des critères désormais bien définis, des moyens de le faire.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très honnêtement, madame la garde des sceaux, la suppression de la réserve parlementaire dans ce projet de loi est presque démagogique, puisque, comme l’a rappelé à juste titre le Conseil d’État, il aurait suffi que le Gouvernement ne dépose pas d’amendement pour ouvrir des crédits à ce titre lors du prochain projet de loi de finances !
Mme Catherine Procaccia. Exactement !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est d’autant plus bizarre que, en vertu de l’article 40, tout amendement sur cette mesure est voué à l’irrecevabilité, sauf amendement de suppression pur et simple. Ce n’est évidemment pas le meilleur moyen de promouvoir une relation constructive entre le Parlement et le Gouvernement…
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, vous avez indiqué lors de votre audition que les arbitrages sur le fléchage de l’ancienne enveloppe de la dotation d’action parlementaire, la DAP, n’avaient pas été rendus, alors même que ces projets de loi sont inscrits en procédure accélérée. C’est curieux !
J’avais déposé un amendement, hélas jugé irrecevable, visant à flécher le contenu de l’ancienne réserve parlementaire dévolue aux sénateurs et députés des Français de l’étranger vers un fonds pour la présence et le rayonnement de notre pays à l’étranger. En effet, au-delà des abus auxquels il était indispensable de remédier, la réserve remplissait une fonction extrêmement utile, non seulement en France, en faveur essentiellement des toutes petites collectivités, mais aussi et surtout à l’étranger.
Vous le savez sans doute, madame la garde des sceaux, les budgets alloués par le Quai d’Orsay ne cessent de se réduire. Certains services publics reposent dorénavant largement sur les associations ou sur la réserve parlementaire, qu’il s’agisse de l’accès à l’enseignement ou de l’aide sociale.
Le Gouvernement a pris un engagement certes flou en faveur des petites communes, mais pour les Français de l’étranger, c’est le grand silence !
Je le dis avec insistance, madame la garde des sceaux, il ne faut pas oublier les Français de l’étranger, qui sont les premiers acteurs et les artisans du rayonnement de notre pays à l’étranger, en matière aussi bien culturelle qu’économique ! J’aimerais donc que vous preniez un engagement à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, en réponse à vos propos, je souligne que la suppression de la réserve parlementaire ne constitue ni un acte de défiance de la part du Gouvernement – l’un d’entre vous a parlé ce matin de rupture de confiance ; j’y vois plutôt un changement de procédure –, ni une marque d’antiparlementarisme, comme j’ai pu également l’entendre dire.
Au contraire, notre projet s’inscrit dans le respect des missions que la Constitution donne au Parlement. Aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Parlement a trois fonctions : il vote la loi, il contrôle l’action du Gouvernement et il évalue les politiques publiques.
Il appartient à l’État et aux exécutifs locaux de conduire des politiques publiques par le biais d’un budget qui sera voté par le Parlement ou par l’assemblée délibérante, et qui se traduira par des dotations et par des subventions. Le Gouvernement souhaite la suppression de la réserve parlementaire tout simplement parce que celle-ci brouille les lignes constitutionnelles que je viens de rappeler. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait un demi-siècle !
M. Daniel Gremillet. N’importe quoi !
M. Alain Gournac. Si c’était vrai, cela se saurait !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la garde des sceaux, on voit à votre sourire gêné que vous n’y croyez pas.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pas du tout, madame la sénatrice ! J’expose juste une position différente de la vôtre.
J’entends, bien évidemment, vos protestations, puisque vous êtes les représentants des territoires. Toutefois, parce que je sais faire la part entre la Constitution, dont je souhaite le respect, et les préoccupations de nos concitoyens, dont vous pouvez être les porteurs, j’ai pris des engagements liés à la suppression de la réserve parlementaire. Je le redis devant vous, le Gouvernement s’engage à ce que le montant attribué aux collectivités locales au titre de la réserve parlementaire, soit 86 millions d’euros, soit réorienté vers les territoires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jackie Pierre. C’est une recentralisation !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement a proposé de réorienter cette somme vers des instruments comme la DETR ou la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local. (Mêmes mouvements.)
M. Jackie Pierre. Non ! On n’en veut pas !
M. Daniel Gremillet. Ce n’est pas du tout la même chose !
Mme Éliane Assassi. Laissez donc Mme la garde des sceaux s’exprimer !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai entendu également que certains déploraient les imperfections du système. Les parlementaires ne seraient pas assez présents : un certain nombre d’amendements visent d’ailleurs à renforcer leur présence au sein des commissions d’attribution, voire à leur permettre de décider de ces attributions à une majorité des trois cinquièmes. Nous travaillerons ensemble afin de mieux associer les parlementaires à ce processus.
M. Roger Karoutchi. Tant mieux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La commission des lois, elle, a travaillé sur une autre piste et a adopté un autre schéma, qui est très intéressant, certes, mais qui ne rompt pas complètement avec la pratique actuelle – c’est un euphémisme !
En effet, il s’agit de recréer un fonds aboutissant à peu près à la même situation que celle que le Gouvernement entend supprimer, avec toutefois des garanties procédurales et des critères clairement exposés, je le reconnais, ainsi que des obligations de publicité reprises dans l’amendement de la commission des lois.
L’inscription dans la loi organique relative aux lois de finances d’un mécanisme clairement défini constitue, à n’en pas douter, un progrès par rapport à la situation actuelle de la réserve parlementaire, qui est un non-dit budgétaire et juridique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non, elle est dans le budget !
M. Jackie Pierre. De tels propos sont incroyables !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je sais que la réserve apparaît dans le budget, monsieur Sueur !
La dotation proposée par la commission des lois porte sur les territoires. Je formulerai trois observations.
Premièrement, le mécanisme constitue un progrès, mais quid des associations, dont vous avez parlé ici à plusieurs reprises et que l’Assemblée nationale ne manquera pas d’évoquer à son tour ? Deuxièmement, ce dispositif ne prend pas en compte les projets pour les Français de l’étranger. Troisièmement, ce projet, qui évoque les territoires en général, pourrait peut-être également être plus précis sur les finalités des dotations accordées. Je pense, par exemple, à des finalités transversales, telles que l’accessibilité aux lieux et aux services publics.
Certes, le travail effectué par la commission des lois du Sénat constitue un progrès par rapport à la situation antérieure. Toutefois, j’ai le sentiment que nous avons encore besoin d’un peu de temps pour avancer dans l’écriture de ce texte et que le travail que le Gouvernement sera amené à conduire avec l’Assemblée nationale nous permettra, sur la basse de la piste que vous avez ouverte, d’aller un peu plus avant. Il y a là une ouverture sur laquelle, le moment venu, je pourrai sans doute m’appuyer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Nous avons eu un long débat préliminaire. Je veux dire à mes collègues qui ont déposé des amendements de suppression de la disposition adoptée par la commission des lois que leur proposition conduirait, non pas à recréer la réserve parlementaire, contrairement à ce qu’ils escomptent, mais uniquement à rétablir le non-droit. Il suffira alors au Gouvernement de ne pas inscrire de crédits dans l’amendement de fin d’année qu’il a coutume de présenter pour abonder la réserve parlementaire !
M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous nous mettrions donc dans un grand état de faiblesse en supprimant la proposition de la commission, car le Sénat enverrait alors un texte d’une grande neutralité à l’Assemblée nationale. Celle-ci n’aurait aucun guide pour rechercher un accord avec nous.
Si nous voulons nouer un dialogue avec l’Assemblée nationale, dont j’ignore à l’avance s’il pourra aboutir, même si Mme la garde des sceaux vient malgré tout de nous dire que le Gouvernement ne nous ferme pas complètement la porte, il importe que nous votions la proposition de la commission, d’autant que Mme la garde des sceaux a reconnu qu’il s’agissait d’une piste sur la base de laquelle, je la cite exactement, le travail pourrait se poursuivre.
Compte tenu de l’heure avancée et des explications que je vous donne, je vous supplie donc de retirer vos amendements ou, à défaut, de les présenter en étant aussi brefs que possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Jacques Filleul applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 17 rectifié bis est présenté par MM. Maurey et Fouché, Mme Férat, M. Commeinhes, Mme Imbert, MM. Laurey et Médevielle, Mme Joissains et M. Kern.
L'amendement n° 30 est présenté par Mme Duranton.
L'amendement n° 36 rectifié est présenté par M. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mme Cartron, MM. Courteau, Daudigny et Éblé, Mmes Espagnac, Féret et Jourda, MM. Labazée, Lalande, Leconte, Lozach, Marie, Mazuir, Montaugé, Roux, Sutour et Sueur, Mmes Monier et Durrieu, M. Roger, Mme Yonnet, M. Duran, Mmes Génisson, Lepage et Meunier, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 41 est présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Cantegrit et Duvernois et Mme Kammermann.
L'amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme F. Gerbaud, M. Houpert, Mme Lopez, MM. Milon, Pellevat et Pointereau, Mme Procaccia et MM. Rapin et Vasselle.
L'amendement n° 80 rectifié est présenté par MM. Arnell, Barbier et Collin, Mme Costes, M. Guérini, Mme Laborde et M. Requier.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Les amendements nos 17 rectifié bis et 30 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 36 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Ayant entendu les explications de M. le rapporteur, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
La parole est à M. Louis Duvernois, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Louis Duvernois. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° 68 rectifié.
M. Éric Doligé. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.
L'amendement n° 80 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Rédiger ainsi cet article :
I. – Il est mis fin à la pratique de la « réserve parlementaire », consistant en l’ouverture de crédits en loi de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d’opérations déterminées.
II. – Le 9° de l’article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est abrogé.
II. – En conséquence, Chapitre III
Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :
Dispositions supprimant la réserve parlementaire
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je maintiens mon amendement, tout en confirmant que je saurai faire preuve d’ouverture d’esprit sur ces questions.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Labbé, Mme Benbassa, M. Tourenne, Mme Yonnet, MM. Labazée et Carcenac, Mmes Jourda et Monier, M. Desessard, Mmes Archimbaud et Bouchoux et M. Dantec, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À compter du 1er janvier 2018, la pratique de la « réserve parlementaire », consistant en l’ouverture de crédits en loi de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d’opérations déterminées, est subordonnée aux conditions prévues au présent article.
II. – Ne peuvent être proposés par les membres du Parlement que les projets sélectionnés par un jury indépendant. Ce jury est composé de représentants d’élus locaux et de l’État, de parlementaires, et de personnalités issues de la société civile, renouvelés chaque année.
Les demandes de subvention sont déposées par les communes et les associations.
La liste des projets sélectionnés est publiée avant le 1er septembre.
Les membres du jury s’abstiennent de participer aux délibérations portant sur des projets susceptibles de les placer en situation de conflits d’intérêts.
III. – Le quatrième alinéa du 9° de l’article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par les mots : « parmi les projets sélectionnés par un jury indépendant ».
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui vient d’être très brillamment dit par mes collègues. Je comprends que la question du clientélisme se pose, quand bien même cela n’existe pas, du fait d’une très grande transparence.
Pour autant, dans la mesure où il est important que cette réserve reste dans les territoires, je propose de la maintenir et de créer un jury d’élus, de citoyens et de chefs d’entreprise qui puisse délibérer des projets et investissements dans les communes. Ainsi serait effacée la suspicion du clientélisme électoral.
Je prendrai un exemple. Vendredi dernier, j’ai été invité par le maire d’un hameau – une commune de 267 habitants – à l’inauguration d’une petite place, projet d’un montant de 66 000 euros. Ma contribution, à hauteur de 20 % de cette somme, a permis, grâce à la réserve parlementaire, de réaliser cet investissement.
Pour les petites communes qui n’ont que de petits budgets, il est important de conserver la réserve parlementaire.
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié ter, présenté par MM. Bertrand, Collin, Guérini et Requier, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand, Castelli, Collin et Collombat, Mmes Costes et Jouve et M. Requier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La dotation d’action parlementaire est réservée au soutien à l’investissement financier des communes de moins de 5 000 habitants et de leurs groupements.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit de maintenir la dotation et de la centrer sur l’investissement des communes et sur les associations, en limitant le volume des fonds qui peuvent être attribués.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà énoncées, je souhaite que l’on s’en tienne au texte de la commission.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 14 rectifié et 84 rectifié ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour des raisons que je n’explique pas de nouveau.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Avant de retirer mon amendement, conformément à la demande du rapporteur, je formulerai deux remarques.
Tout d'abord, s'agissant du respect de la Constitution invoqué par Mme la garde des sceaux, je rappelle que notre texte fondamental dispose que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Or, si je veux bien croire qu’il la conduise, vous ne me ferez jamais croire, madame la garde des sceaux, qu’il la détermine. C’est le Président de la République qui le fait !
M. Roger Karoutchi. Quel débat !
M. Pierre-Yves Collombat. Ne jouons donc pas sur ce terrain.
Ensuite, nous savons très bien ce que vont devenir les fonds qui reviendront à la DETR : ils disparaîtront, ils s’évanouiront…
M. Philippe Bas, rapporteur. Ils s’évaporeront !
M. Pierre-Yves Collombat. On ne saura jamais où ils sont ! Cela fait partie de la grande lessive : on prend progressivement les ressources financières dont les communes peuvent bénéficier. Voilà comment cela va se terminer.
M. Rémy Pointereau. Évidemment !
M. Pierre-Yves Collombat. Je retire donc l'amendement n° 84 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié est retiré.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la garde des sceaux, certains territoires rencontrent un certain nombre de difficultés ; d’ailleurs, le Gouvernement a dressé le constat d’une réelle inégalité entre les zones métropolitaines et les zones rurales. L’une des façons de rééquilibrer la situation, c’est d’être attentif à ce qui se passe dans le monde rural.
Dans les faits, on va donner plus de pouvoir aux préfets pour décider de la DETR.
M. Rémy Pointereau. Bien sûr !
M. Jackie Pierre. C’est de la recentralisation !
M. René-Paul Savary. Vous savez comment cela se passe dans les territoires : des orientations sont données par le Gouvernement, et les décisions sont ensuite laissées à la discrétion du préfet. D’ailleurs, les maires de mon département me racontent que l’obtention d’une subvention de moins de 150 000 euros dépend du bon vouloir du sous-préfet. Ils doivent donc aller le voir. Autrement, ils n’ont rien !
Je ne remets pas en cause ce système, parce que les préfets et les sous-préfets connaissent bien les territoires, y sont très attachés et sont aux côtés des élus. Que mon propos soit clair : je ne remets pas en cause le rôle des préfets, qui est tout à fait important.
Reste que vous déshabillez les élus pour donner plus de pouvoir à l’administration. Madame la garde des sceaux, je suis déjà intervenu dans ce débat pour vous dire que, s’agissant des territoires, vous faisiez fausse route : c’est, pour eux, de l’argent et des services en moins.
Je rappelle que les diverses dispositions que nous sommes en train d’adopter dans le cadre de la moralisation de la vie publique – IRFM versée sur justificatifs, non-cumul des mandats, etc. –, auront un coût supplémentaire important pour l’ensemble des collectivités, dans lesquelles les emplois disparaissent. Ainsi, les charges de fonctionnement s’alourdissent, tandis que les actions de soutien aux territoires s’appauvrissent. C’est la raison pour laquelle il faut être particulièrement attentif à ce dispositif.
Nous allons nous rallier à la proposition de la commission, mais les parlementaires risquent de devenir hors-sol, et la démocratie n’y aura rien gagné ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 82 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin et Collombat et Mmes Costes et Jouve, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 5, 6 et 8
Remplacer les mots :
l’investissement des communes et de leurs groupements
par les mots :
l’investissement des communes, de leurs groupements et des associations communales
II. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d'associations communales
III. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
ou 5 000 euros pour les associations communales
L'amendement n° 81 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collin, Mme Costes, M. Collombat, Mme Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 5, 6 et 8
Remplacer les mots :
l’investissement des communes et de leurs groupements
par les mots :
l’investissement des communes, de leurs groupements et des associations communales
II. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d'associations communales
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter ces deux amendements.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour les mêmes raisons, je me rallie au texte de la commission et retire ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 82 rectifié et 81 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Leconte, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5, 6 et 8
Remplacer les mots :
et de leurs groupements
par les mots :
, de leurs groupements et des organismes de toute nature œuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
II. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
et des organismes de toute nature œuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
III. - En conséquence, intitulé du chapitre III
Remplacer les mots :
et de leurs groupements
par les mots :
, de leurs groupements et des organismes de toute nature œuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement a pour objectif d’élargir les bénéficiaires de la nouvelle dotation parlementaire introduite par l’article 9, tel qu’il a été rédigé par la commission. En effet, ce texte prévoit un dispositif de soutien à l’investissement des communes et des groupements de communes.
De fait, ne sont pas inclus les organismes qui, hors hexagone, sollicitent les sénateurs représentant les Français établis hors de France pour soutenir financièrement des projets d’intérêt général. Comme l’a souligné Jean-Yves Leconte, il peut s’agir d’investissements en livres ou en matériels, de créations et d’ouvertures de salles de classe dans les alliances françaises ou les instituts français, ou encore d’aides aux associations d’entraides et de solidarité. À chaque fois, ce sont des sommes tout à fait modiques, mais qui servent de leviers et agissent en quelque sorte comme une caution morale favorisant l’obtention d’autres aides financières.
En France, le maillage administratif permet d’identifier les besoins et de trouver différents moyens d’y répondre. À l’étranger, malheureusement, ne se trouvent que des consulats qui représentent l’administration française et qui ne disposent pas de crédits pour répondre à ces demandes, à la seule exception de crédits d’aide à la personne prenant la forme de bourses scolaires ou d’aides sociales.
Selon nous, il convient de maintenir la possibilité, pour les parlementaires, d’aider ces organismes de toute nature qui œuvrent en faveur du rayonnement de notre pays à l’étranger. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je vous propose d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Yung, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 11, présenté par M. Grand, n'est pas non plus soutenu.
L'amendement n° 58, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité nationale, au sein d'un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale, ou dont la densité démographique est inférieure à 30 % de la densité nationale
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Je me rallie à la position de la commission et retire cet amendement, monsieur le président.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Merci !
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Cantegrit et Duvernois et Mme Kammermann, n'est pas soutenu.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission des lois, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 91, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Le présent article est applicable aux projets que les députés et sénateurs proposent pour répondre aux besoins d’investissement des établissements français d’enseignement à l’étranger et des organismes publics et privés qui concourent aux actions de soutien et d’accompagnement aux Français établis hors de France en matière scolaire, de bienfaisance et de solidarité, et en matière de développement culturel, ainsi que de développement économique de la France. »
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur, et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 37 rectifié.
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie de votre coopération. Je vais pourtant moi-même porter atteinte à la règle que je vous ai demandé de respecter. (Sourires.)
La commission est favorable à l’amendement de Mme Deromedi. Comme aucun cosignataire n’était là pour le défendre, je l’ai repris. En effet, la Haute Assemblée ne peut pas laisser complètement à l’écart les Français de l’étranger. Cette disposition viendra ainsi s’ajouter au dispositif que je vous propose au nom de la commission.
M. Jean-Yves Leconte. Merci !
M. Philippe Bas, rapporteur. Je demande par conséquent le retrait à son profit de l’amendement n° 37 rectifié, dans la mesure où ses dispositions vont dans le même sens. Il en allait de même, d'ailleurs, de l’amendement qu’avait déposé Joëlle Garriaud-Maylam et qui n’a pu être retenu pour des raisons juridiques, ce que je déplore.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, en raison de la circonstance particulière dans laquelle nous nous trouvons.
M. le président. Madame Conway-Mouret, l'amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?
Mme Hélène Conway-Mouret. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié bis est présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Doineau et MM. Gabouty, L. Hervé et Maurey.
L'amendement n° 39 rectifié bis est présenté par MM. Sueur, Leconte et Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mmes Cartron et Conway-Mouret, MM. Courteau, Daudigny et Duran, Mme Durrieu, M. Éblé, Mmes Espagnac, Féret, Génisson et Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, MM. Montaugé, Roger, Roux et Sutour, Mme Yonnet, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 54 rectifié quinquies est présenté par M. Chasseing, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paul, Houpert, Doligé, Chatillon, Commeinhes, D. Laurent et Nougein, Mme Micouleau, MM. Kennel et Reichardt, Mmes Imbert et F. Gerbaud et MM. J.P. Fournier, Fouché, Mandelli et Danesi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Ils ne présentent pas un caractère permanent ;
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
M. Bernard Delcros. Durant toutes ces semaines, ce débat sur la réserve parlementaire a peu à peu installé dans l’opinion publique une idée complètement fausse. Je veux à mon tour rappeler que la réserve parlementaire est une subvention d’État, fléchée par les parlementaires vers un projet d’intérêt général, avec un dossier instruit par l’État.
Personnellement, je suis tout à fait favorable à la proposition de la commission, qui permet de conserver le dispositif, tout en l’encadrant davantage. Je la remercie de cette initiative.
Madame la garde des sceaux, s’il existe un argument, un seul, qui plaide en faveur du maintien de la réserve ministérielle et de la suppression de la réserve parlementaire, je souhaite vivement le connaître !
Je suis d’accord avec la position de la commission des lois et les différents critères prévus, à l’exception d’un seul, à savoir le fait que les investissements ou les actions doivent présenter « un caractère exceptionnel ». Voilà une formulation sujette à multiples interprétations ! Qui plus est, dans les toutes petites communes rurales, certaines dépenses ne sont pas exceptionnelles – l’achat d’un engin de déneigement en montagne, des travaux importants de voirie communale, la rénovation de logements, etc. Pour autant, elles justifient une aide au titre de la réserve parlementaire.
C’est pourquoi je préconise la rédaction suivante : « Ils ne présentent pas un caractère permanent ».
M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !
M. Bernard Delcros. C’est tout simple et cela signifie qu’un parlementaire peut financer l’engin de déneigement, mais pas le coût annuel du déneigement. Cela me paraît plus ciblé.
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié quinquies.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié bis, 39 rectifié bis et 54 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Marie, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Chasseing, Reichardt et Fouché, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le bureau de chaque assemblée s’assure d’une représentation territoriale équitable en amont de la répartition de la dotation de soutien à l’investissement des communes. À cette fin, il détermine et rend publiques les modalités selon lesquelles les projets proposés par les députés et les sénateurs, dès lors qu’ils répondent aux critères cumulatifs d’éligibilité définis au I de l’article 11-1 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, sont retenus dans la liste des projets ayant vocation à être soutenus et soumis au Gouvernement.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Je m’inscris tout à fait dans la proposition de M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions de répartition territoriale, ce qui est à mes yeux essentiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends bien votre intention, mais une telle disposition relève du bureau des assemblées.
Pour préserver l’autonomie des assemblées parlementaires, il me semble préférable de ne pas faire figurer cette mesure dans la loi. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gremillet, l'amendement n° 76 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Les précisions qui viennent d’être apportées me donnent satisfaction. Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Chapitre IV
Renforcement des obligations de publicité de la « réserve ministérielle »
(Division et intitulés nouveaux)
Article 9 bis (nouveau)
Avant le 31 mai de chaque année, le Gouvernement publie les critères d’éligibilité et la liste de l’ensemble des subventions accordées, au cours du précédent exercice, par le ministre de l’intérieur, pour des travaux divers d’intérêt local au titre de la « réserve ministérielle ».
Cette liste précise, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé et le nom du ministre, du membre du Parlement ou de l’élu local l’ayant proposée. Le Gouvernement la publie dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Beaucoup a été dit sur la réserve ministérielle. Pour notre part, nous estimons que celle-ci doit faire l’objet d’une transparence accrue. Or les dispositions prévues par le Gouvernement ne permettent pas d’atteindre cette transparence pourtant demandée par tous ici.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Férat, MM. Fouché et Commeinhes, Mme Imbert, MM. Longeot, Delcros, Laurey et Médevielle et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Il est mis fin à la pratique de la « réserve ministérielle » consistant en l’ouverture de crédits en loi de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement.
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Nous revenons à la discussion que nous avons eue précédemment : ou bien l’on estime que la réserve parlementaire peut être maintenue – j’ai bien noté votre ouverture, madame la garde des sceaux –, ou bien l’on considère que ce n’est pas le cas. Dans ce cas, il n’y a aucune raison de maintenir la réserve ministérielle.
Je le répète : si un seul argument justifie que l’on maintienne la réserve ministérielle et que l’on ne maintienne pas la réserve parlementaire, qu’on me le donne ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
M. Alain Gournac. C’est le même système, il a raison !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, faisons pour le Gouvernement ce que nous faisons pour le Parlement.
Nous refusons la suppression de la réserve parlementaire sans que soit reconstituée une forme de dotation de l’État qui pourrait financer les projets soumis à l’État par les parlementaires. Dans ces conditions, nous pourrions nous entendre pour que la réserve ministérielle, qui est une souplesse pour les membres du Gouvernement, en particulier pour le Premier ministre, fasse l’objet de garanties de transparence et de publicité, plutôt que de demander purement et simplement sa suppression.
M. Bernard Delcros. D'accord !
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous serons plus forts pour dire au Gouvernement que nous voulons maintenir un système de financement pour les communes rurales, avec fléchage par les parlementaires, si nous demandons, symétriquement, la même transparence, les mêmes règles et les mêmes critères pour la réserve ministérielle. C’est ce que prévoit le texte de la commission.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement, quand bien même il vise le même objectif qu’elle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement va émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour des motifs extrêmement logiques.
Je remercie le président de la commission des lois de son propos. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de la réserve ministérielle pour cinq raisons. Vous en souhaitiez une, monsieur Delcros, je vous en donne cinq !
Premièrement, la réserve ministérielle sert à subventionner des dossiers d’investissement des collectivités locales qui sont liés à des dépenses exceptionnelles. Elle est donc très utile. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. C’est pareil pour la réserve parlementaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Deuxièmement, son montant est très modeste : 5 millions d’euros,… (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous appelez cela modeste ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … contre 19 millions d’euros en 2013.
Troisièmement, cela relève de la procédure budgétaire de droit commun.
M. Philippe Bas, rapporteur. Comme la réserve parlementaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Quatrièmement, à titre principal, ces crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dans le programme 122 « Concours spécifiques et administration ». (« Comme la réserve parlementaire ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Cinquièmement, et enfin, la procédure d’instruction est claire et suit des règles qui sont fixées par le décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’État pour les projets d’investissement.
M. Philippe Bas, rapporteur. Comme la réserve parlementaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président. Monsieur Delcros, l'amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Sans vouloir polémiquer sur ce sujet et en toute gentillesse, madame la garde des sceaux, je signale que les cinq raisons qui sont avancées s’appliquent également à la réserve parlementaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
M. Bernard Delcros. Au reste, ce n’est pas ce que j’ai demandé. Je voulais une bonne raison qui justifiait sa différence de traitement avec la réserve ministérielle.
Cela étant, je souhaite faciliter l’ouverture du Gouvernement vers la proposition de la commission des lois, que je salue vraiment, tant elle me paraît équilibrée, tient compte de la réalité de la situation et des débats que nous avons eus, tout en préservant un outil important pour les territoires, notamment pour les communes les plus petites. Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. Philippe Bas, rapporteur. Merci de ce geste !
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par MM. Marie, Sueur, Leconte, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
le ministre de l'intérieur
par les mots :
tout membre du Gouvernement
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je tiens à mon tour à saluer le travail réalisé par la commission des lois et par Philippe Bas pour garder ces fonds à destination des communes et trouver un accord sur une procédure à même de permettre plus de transparence.
Madame la garde des sceaux, avec tout le respect que je vous dois, j’ai demandé tout à l’heure pourquoi cette religion nationale de la transparence ne bénéficierait pas au Gouvernement. Encore une fois, je ne doute pas de votre bonne foi, mais je suis profondément gênée de l’incohérence qu’il y aurait à adopter, soit la suppression de la réserve ministérielle, soit un dispositif particulier qui soustrairait les ministres à l’obligation de clarté, de transparence et de non-clientélisme.
J’insiste beaucoup sur ce point. Il ne serait pas acceptable que les parlementaires fassent l’objet d’une défiance si grande qu’on inventerait pour eux une procédure particulière, alors qu’ils sont élus et ont des comptes à rendre à la Nation, tandis que les ministres, aussi éminents soient-ils, ne se voient pas appliquer le même sort, eux qui sont nommés et non élus.
Je remercie Philippe Bas de sa volonté de ramener Mme la garde des sceaux à ce souci de cohérence qu’elle a eue tout au long de nos discussions, mais qu’elle semble avoir quelque peu oublié cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Titre II bis
Dispositions relatives aux obligations déclaratives
(Division et intitulés nouveaux)
Article 9 ter (nouveau)
I. – Au quatrième alinéa du I de l’article LO 135-1 du code électoral, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an ».
II. – L’article 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 10-1-2. – I. – S’ils ne sont pas soumis à cette obligation à un autre titre, les membres du Conseil supérieur de la magistrature adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale, dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions.
« II. – La déclaration de situation patrimoniale de chaque membre du Conseil supérieur concerne la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
« La déclaration porte sur les éléments suivants :
« 1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;
« 2° Les valeurs mobilières ;
« 3° Les assurances vie ;
« 4° Les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
« 5° Les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;
« 6° Les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions ;
« 7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
« 8° Les biens mobiliers et immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
« 9° Les autres biens ;
« 10° Le passif.
« Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s’il s’agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.
« La déclaration de situation patrimoniale adressée à l’issue des fonctions comporte, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration, ainsi qu’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le membre du Conseil supérieur et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions.
« III. – Toute modification substantielle de la situation patrimoniale fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Aucune nouvelle déclaration n’est exigée du membre du Conseil supérieur qui a établi depuis moins d’un an une déclaration en application du présent article, des articles 4 ou 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de l’article LO 135-1 du code électoral, des articles L. 131-10 ou L. 231-4-4 du code de justice administrative ou des articles L. 120-12 ou L. 220-9 du code des juridictions financières, et la déclaration mentionnée au dernier alinéa du II du présent article est limitée à la présentation et à la récapitulation prévues au même dernier alinéa.
« La déclaration de situation patrimoniale ne peut pas être communiquée aux tiers.
« IV. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil supérieur soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.
« V. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil supérieur soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.
« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations mentionnées au premier alinéa du présent V souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout membre du Conseil supérieur soumis au I du présent article.
« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans un délai de trente jours.
« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans un délai de soixante jours à compter de sa demande.
« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.
« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.
« VI. – La Haute Autorité apprécie, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration, l’évolution de la situation patrimoniale du membre du Conseil supérieur telle qu’elle résulte de ses déclarations, des éventuelles observations et explications qu’il a pu formuler ou des autres éléments dont elle dispose.
« Lorsque les évolutions de la situation patrimoniale n’appellent pas d’observations ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe le membre du Conseil supérieur.
« Lorsqu’elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, après que le membre du Conseil supérieur a été mis en mesure de produire ses observations, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet.
« Lorsqu’elle constate un manquement à l’obligation de déclaration de situation patrimoniale ou un défaut de réponse à une injonction prévue au IV du présent article, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique saisit le garde des sceaux, ministre de la justice.
« VII. – Le fait, pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déposer la déclaration de situation patrimoniale, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait, pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal.
« VIII. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale. »
III. – L’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 19
Remplacer les références :
L. 120-12 ou L. 220-9
par les références :
L. 120-10 ou L. 220-11
II. – Alinéa 25
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« La Haute Autorité exerce le droit de communication prévu… (le reste sans changement).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, dont l’adoption permettrait d’appliquer les nouvelles modalités du droit de communication exercée par la Haute Autorité aux membres du Conseil supérieur de la magistrature.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par cohérence avec la position que je proposerai à l’article 9 quater, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 ter, modifié.
(L'article 9 ter est adopté.)
Article 9 quater (nouveau)
Le quatrième alinéa de l'article LO 135-3 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « La Haute Autorité exerce le droit de communication prévu… (le reste sans changement) » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article LO. 135-3 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , à l’exception des informations mentionnées au huitième alinéa » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « Ces informations » sont remplacés par les mots : « Les informations demandées à l’administration fiscale » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’autorité judiciaire et les juridictions financières peuvent rendre la Haute Autorité destinataire de toute information relative au patrimoine ou aux intérêts d’un député.
« La Haute Autorité peut se faire communiquer tout document ou renseignement utile à l’exercice de sa mission de contrôle, par les établissements ou les organismes mentionnés au premier alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts ainsi que par les entreprises, personnes morales, institutions et organismes mentionnés au I de l’article 1649 ter du même code, sans que ceux-ci puissent lui opposer le secret professionnel.
« Le droit prévu au huitième alinéa s’exerce sur place ou par correspondance, y compris électronique, et quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. Les agents de la Haute Autorité peuvent prendre copie des documents dont ils ont ainsi connaissance.
« Le refus de communication des documents et renseignements mentionnés au huitième alinéa ou tout comportement faisant obstacle à leur communication entraîne l’application d’une amende de 5 000 euros. Cette amende s’applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous avons débattu de cette question hier, le Gouvernement ayant proposé une rédaction similaire pour le projet de loi ordinaire, que le Sénat n’a pas adoptée. Cet amendement est donc défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Le Sénat doit maintenir la position qu’il a adoptée lors de l’examen du projet de loi ordinaire et rejeter ce dispositif dans le projet de loi organique.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 quater.
(L'article 9 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 9 quater
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 9 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 9 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, il est inséré un article 9… ainsi rédigé :
« Art. 9. – Les membres du Conseil économique, social et environnemental adressent personnellement une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts dans les conditions prévues aux articles LO 135-1 à LO 135-5 du code électoral. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Toujours dans un souci d’équité et de transparence, il s’agit de soumettre les membres du Conseil économique, social et environnemental aux mêmes obligations déclaratives à la HATVP, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, que les parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Compte tenu des compétences de cette assemblée, je n’imagine pas les cas dans lesquels les membres du Conseil économique, social et environnemental pourraient être exposés au moindre risque de corruption… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. On ne sait jamais ! (Rires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Néanmoins, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption ne ferait de tort à personne. (Nouveaux sourires. – M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement en raison de la prochaine révision constitutionnelle qui devrait modifier la nomination, la composition et le fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 9 quater.
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉDIATEUR DU FINANCEMENT DES CANDIDATS ET DES PARTIS POLITIQUES
Article 10
Après la 43e ligne du tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Médiateur du financement des candidats et des partis politiques |
Médiature |
».
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
«
Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques |
Médiateur |
».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 11
L’article 2 est applicable :
1° Aux députés à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique ;
2° Aux sénateurs à la date du prochain renouvellement du Sénat suivant l’entrée en vigueur de la présente loi organique.
L’administration fiscale dispose d’un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi organique pour transmettre l’attestation prévue à l’article LO 136-4 du code électoral. Cette attestation constate la situation fiscale à la date de promulgation de la présente loi organique. – (Adopté.)
Article 12
I. – Dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi organique, tout parlementaire complète la déclaration mentionnée au III de l’article LO 135-1 du code électoral qu’il a adressée au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ainsi qu’au bureau de l’assemblée à laquelle il appartient, afin d’y faire figurer les éléments prévus au 5° du III du même article LO 135-1 dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la présente loi organique.
II. – L’interdiction mentionnée au 8° de l’article LO 146 du code électoral dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la présente loi organique s’applique à tout parlementaire à compter du 2 octobre 2017.
Tout parlementaire qui se trouve dans ce cas d’incompatibilité se met en conformité avec le 8° de l’article LO 146 du code électoral dans sa rédaction résultant de la présente loi organique, dans un délai de trois mois à compter de la même date.
III. – Les interdictions mentionnées aux 1° et 3° de l’article LO 146-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de l’article 5 de la présente loi organique, ainsi que celles mentionnées au premier alinéa et au 2° de l’article LO 146-2 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la présente loi organique, s’appliquent à tout parlementaire à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi organique.
Tout parlementaire qui se trouve dans le cas d’incompatibilité prévu au 3° de l’article LO 146-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de l’article 5 de la présente loi organique, ou dans celui prévu au 2° de l’article LO 146-2 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la présente loi organique, se met en conformité avec ces dispositions dans un délai de trois mois à compter de la même date.
IV. – Les parlementaires auxquels l’interdiction prévue à l’article LO 146-1 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi organique, n’était pas applicable en application du second alinéa du même article LO 146-1, ne peuvent commencer à exercer une fonction de conseil qui n’était pas la leur avant l’entrée en vigueur de la présente loi organique.
V. – Les interdictions mentionnées au 2° de l’article LO 146-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de l’article 5 de la présente loi organique, et au 1° de l’article LO 146-2 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la même loi organique, s’appliquent à tout parlementaire à compter du premier renouvellement de l’assemblée à laquelle il appartient suivant le 1er janvier 2019.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Bonhomme, Pellevat, de Legge et Vasselle, Mme Duchêne, M. A. Marc, Mme Deromedi, MM. Raison et Doligé, Mme F. Gerbaud et MM. G. Bailly et Béchu, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
L’article 9 n’est pas applicable aux crédits ouverts au titre de la « réserve parlementaire » avant l’exercice 2018. – (Adopté.)
Article 14
L’administration fiscale compétente localement dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie transmet, dans les mêmes conditions que l’administration fiscale compétente au niveau national, l’attestation prévue à l’article LO 136-4 du code électoral et à l’article 5-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, au regard de la législation et de la réglementation applicables localement. – (Adopté.)
Intitulé du projet de loi organique
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique
La parole est à Mme la garde des sceaux.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. Doligé et Cardoux, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Cabanel, Manable, Tourenne et Duran, Mmes Yonnet et Monier, MM. Labazée, Carcenac et Courteau et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Compléter cet intitulé par les mots :
en renforçant sa moralisation
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 74 ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, ce projet de loi ordinaire et ce projet de loi organique comportent des aspects positifs : encadrement de la réserve parlementaire, suppression des emplois familiaux, amélioration du statut des collaborateurs parlementaires, réflexion sur l’accès au financement des candidats et partis politiques.
M. Philippe Bas, rapporteur. Surtout grâce au travail du Sénat !
Mme Éliane Assassi. Reste que ne sont pas abordés des points essentiels, qui expliquent la perte de confiance de nos concitoyens dans le système politique.
M. Philippe Bas, rapporteur. La lutte contre le chômage !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas l’objet de ces textes, monsieur le rapporteur…
Ces sujets auraient pu être approfondis, mais le couperet de l’irrecevabilité est tombé sur un certain nombre de nos amendements qui visaient des points ayant pourtant un lien direct, comme l’exige l’article 45 de la Constitution, avec ces projets de loi ordinaire et organique.
M. Philippe Bas, rapporteur. Aucun !
Mme Éliane Assassi. Restaurer la confiance, c’est aussi permettre le débat.
Moraliser les rapports entre médias, politique et argent n’a-t-il aucun lien avec le rétablissement de la confiance de nos concitoyens dans la vie publique ?
Améliorer la représentativité des parlementaires en instaurant la proportionnelle, cela n’a-t-il aucun lien avec le rétablissement de la confiance dans l’action publique ?
Cesser le ballet indécent et permanent des sondages organisés par des entreprises et officines en lieu et nom de la politique et de l’argent, cela n’a-t-il aucun lien avec le rétablissement de la confiance ? Et encore, madame la garde des sceaux, nous ne nous sommes pas attaqués à la moralisation de l’économie et à l’absence d’intervention de la puissance publique pour rappeler à l’ordre le monde de l’argent, qui piétine l’intérêt général en permanence !
Ces projets de loi ont un double objectif : tenter de répondre au ras le bol de nos concitoyens tout en ne touchant pas à cette question de fond, l’intrusion massive de l’argent dans la politique.
C’est pourquoi, malgré l’adoption de trois de nos amendements – suppression du verrou de Bercy, inscription, contre l’avis du Gouvernement, de l’abus de bien social comme motif d’inéligibilité, accès au concours interne de la fonction publique pour les collaborateurs parlementaires – et malgré l’intéressant travail du président de la commission des lois, également rapporteur de ces textes, M. Bas, nous nous abstiendrons sur un texte d’opportunité, qui apporte quelques évolutions positives, mais qui, malheureusement, s’apparente à une goutte d’eau dans un océan envahi par l’argent qui corrompt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, c’est en tant qu’écologiste non inscrit que j’interviens.
Mon collègue Henri Cabanel et moi avons mis en œuvre une consultation citoyenne sur ce projet de loi, laquelle est d’ores et déjà un succès. Elle se poursuivra durant la discussion du texte à l’Assemblée nationale. À ce jour, cette consultation a rassemblé 945 citoyens. Elle totalise 961 contributions et 7 882 votes. Le débat y est riche. Nos concitoyens y sont très attentifs. Il est impératif qu’ils comprennent mieux notre travail et qu’ils puissent y contribuer. C’est essentiel dans l’œuvre de reconnexion démocratique que nous effectuons.
Nous avons introduit un certain nombre d’améliorations dans le projet de loi. À mon tour, je salue le travail du président de la commission des lois, M. Philippe Bas, et son œuvre de coconstruction avec le Gouvernement. Il s’agit de faire en sorte qu’on puisse avancer dans ces domaines.
Je déplore toutefois qu’un certain nombre de nos amendements – je ne les détaillerai pas – aient été considérés comme des cavaliers. Les raisons avancées ne tiennent pas selon nous.
Par ailleurs, nous proposerons de modifier le règlement du Sénat, afin de supprimer les scrutins publics, qui nous ont encore été infligés à de nombreuses reprises au cours de notre séance d’aujourd'hui. Certains arguent que l’avantage du scrutin public, c’est qu’il est nominatif. Toutefois, si l’on passe au scrutin électronique, tous les scrutins le seront ! Ceux qui ne seront pas présents ne voteront pas et devront assumer leur absence. Il s’agit là aussi de transparence. À cet égard, je salue l’excellente intervention qu’a tenue hier mon collègue Jean Desessard sur l’article 27 de la Constitution. Nous nous appuierons sur cet article pour étayer notre demande.
Nous ferons également des propositions concrètes afin de créer un véritable droit d’amendement citoyen. Henri Cabanel et moi le percevons : les citoyens veulent pouvoir être entendus. Il faut que nous avancions sur ce sujet, d’une façon extrêmement cadrée.
Pour ma part, je reste positif. Les débats vont se poursuivre à l'Assemblée nationale. J’espère qu’ils seront concluants, que la majorité ne fera pas blocage et que, à l’issue de l’examen du texte en commission mixte paritaire, nous parviendrons à un texte correspondant aux attentes de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de ma déception.
Madame la garde des sceaux, vous dites les choses avec le sourire, et je vous en remercie, car c’est toujours agréable, mais vos argumentaires sont les mêmes que ceux que l’on nous sert depuis des années. J’ai l’impression qu’il y a deux poids deux mesures. Vous utilisez les mêmes arguments pour conserver l’existant et pour supprimer les dispositifs parlementaires…
Or le nouveau gouvernement, qui est tout de même à l’origine d’une certaine révolution, devrait montrer l’exemple et renoncer aux pratiques en cours depuis des années, lesquelles sont largement dénoncées par nos concitoyens, en tout cas par les médias.
Ainsi, concernant la réserve ministérielle, j’ai été tout à fait déçu par les arguments que vous avez avancés. Je ne suis pas sûr finalement que le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis permette d’atteindre l’objectif légitime qui était le sien au départ, objectif que nous partageons tous, conscients que nous sommes de la nécessité de créer un lien nouveau avec le terrain.
J’espère que les arguments qui nous seront avancés à l’avenir nous permettront d’œuvrer à une meilleure réconciliation de nos concitoyens et des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai dit lors de la discussion générale que nous vivions dans une république oligarchique régulée par la lapidation médiatique. Ce texte en est le produit !
Tous les amendements visant à réduire le caractère hiérarchique de notre république ont été rejetés au motif que tel n’était pas l’objet du texte. On se demande bien pourquoi ce n’était pas l’objet du texte !
En revanche, on a désigné des boucs émissaires : les élus, qui font à nouveau les frais du populisme. Lorsqu’il existe un risque que le régime soit quelque peu perturbé, on invoque le populisme. C’est vilain, le populisme ! Ce n’est pas beau ! Mais ce que nous sommes en train de faire, n’est-ce pas du populisme ?
Cela dit, le texte ayant été amélioré grâce à la commission des lois, la majorité de notre groupe s’abstiendra, pour tenir compte de ces avancées, comme on dit en langage progressiste. (Sourires.)
Néanmoins, pour ma part, je voterai résolument contre, car je trouve qu’il n’est pas bon pour notre république de céder à ce type de populisme. Lisez bien l’étude d’impact : tous les articles sont justifiés par un scandale, plus ou moins important. Aucune raison de fond n’est avancée, aucune réflexion n’est menée sur l’équilibre des pouvoirs. Ce texte ne fait que répondre à telle ou telle émeute médiatique. Ce n’est pas ma conception de l’art de gouverner ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe La République en marche votera ce projet de loi organique. Il se félicite de l’excellent compromis qui a été trouvé par la commission des lois et son président sur la réserve parlementaire. Il fallait vraiment trouver une solution, madame la garde des sceaux, pour que les territoires soient irrigués à peu près des mêmes montants – on verra ce que le Gouvernement décidera –, car ces crédits répondent à de véritables besoins.
J’espère que nos collègues de l'Assemblée nationale seront bien inspirés et qu’ils suivront la position du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à saluer le travail de la commission des lois et de son président et rapporteur, Philippe Bas, en liaison avec la commission des finances et sa présidente, Michèle André. Ce travail collectif et ces échanges ont été constructifs.
Il y a quelques jours, M. le Premier ministre a rappelé dans cet hémicycle son attachement au bicamérisme. Nous respectons tout le monde, mais la Haute Assemblée doit elle aussi être respectée. Et en tant qu’élus de base, nous sommes tous attachés à nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.
On a parlé de transparence, d’exemplarité, de dévouement, de travail, valeurs auxquelles nous sommes unanimement attachés. Des avancées significatives ont été votées. Nous serons vigilants sur l’évolution de ce texte particulièrement important. Nous devons continuer à disposer d’une certaine autonomie et d’une certaine marge de manœuvre, car nous votons le budget de l’État et celui de la sécurité sociale.
Tout ne doit pas dépendre de la haute administration. Les petits dossiers doivent être financés, en particulier pour aider les petites communes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’expliquer mon vote avant d’entendre, hier soir, une intervention selon laquelle il y aurait d'un côté le « vieux monde » et de l'autre le « nouveau monde »…
Lorsque je lis l’intitulé initial du projet de loi – projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique – et que je m’aperçois que celui qui a porté ce texte n’est pas dans le nouveau monde,…
M. Jackie Pierre. Il fait partie du vieux monde !
M. Daniel Gremillet. … lorsque je vois que certaines des personnes qui se sont engagées auprès des Français lors des primaires à soutenir celui qui serait élu démocratiquement…
M. Roger Karoutchi. On a dit tellement de choses pendant les primaires !
M. Daniel Gremillet. … occupent aujourd'hui d’importantes responsabilités, je m’interroge. Si c’est cela le nouveau monde…
J’en appelle à l’humilité. Il est dommage que le président Patriat ne soit pas là. Voyez-vous, il n’y a pas d’un côté le vieux monde et de l’autre le nouveau monde. La confiance, cela ne se décrète pas. Elle se gagne au quotidien, grâce au travail de celles et de ceux qui sont sur le terrain. Ce n’est pas parce que nous aurons voté ce texte que les choses seront soudainement merveilleuses. Elles l’étaient déjà avant, grâce au travail réalisé par les élus. Faisons donc attention.
Cela dit, je remercie sincèrement à la fois la commission des lois et le président et rapporteur Philippe Bas, car ils ont comblé certaines lacunes du texte, que ce soit sur les attachés parlementaires ou sur le soutien à l’action territoriale. C’est pour cela que je voterai ce texte.
Pour conclure, je le répète : restons humbles. La confiance ne se décrète pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Notre groupe est confiant et pense que, malgré la procédure accélérée, un accord sera trouvé en commission mixte paritaire.
À cet égard, la proposition du président de la commission des lois est importante. Jacques Mézard a lancé un cri d’alarme ce matin sur la situation des territoires ruraux en France. Les associations d’élus, toutes tendances confondues, ne manqueront pas de rappeler lundi prochain qu’un grand nombre de communes sont aujourd'hui exsangues.
Je suis élu d’un territoire urbain et je ne serai plus sénateur en septembre prochain. Lorsque j’ai été élu en 2011, j’étais très réservé sur la réserve parlementaire. J’y étais même hostile, en raison de son opacité et de son caractère discrétionnaire. En outre, les montants en jeu étaient exorbitants du droit commun.
Le Sénat, toutes tendances confondues, a réalisé sur ce sujet un travail considérable, dont il faut remercier en particulier la présidente de la commission des finances. Vous n’allez tout de même pas tuer le bébé au moment où il est guéri ? (Sourires.) Les règles de transparence mises en œuvre par la commission des finances du Sénat devraient servir de modèle pour les réserves ministérielles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Pour conclure, j’ai confiance dans la poursuite du dialogue avec l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Notre groupe votera à la quasi-unanimité en faveur du texte, tel qu’il résulte des travaux du Sénat. C’est un texte pragmatique, qui préserve autant que possible les intérêts des territoires, en particulier ceux des territoires ruraux et des communes les plus petites et les plus fragiles, tout en tenant compte de la réalité du contexte.
En prenant en compte l’intérêt du territoire et le contexte, madame la garde des sceaux, on donne de la crédibilité à ce texte au regard des intentions du Gouvernement. Cela nous paraissait important. J’espère que cela lui permettra d’aboutir à l’issue de son examen à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l’adoption | 300 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier tout d’abord de l’adoption des deux textes, et ensuite du contenu de vos observations, lesquelles nous seront très utiles. Nous avons bien sûr des divergences, qu’il nous appartient d’assumer – c’est cela la démocratie –, mais nous avons également travaillé ensemble de nombreux points du texte, ce qui nous a permis de progresser.
Je tiens également à souligner ici le caractère tout à fait remarquable des relations que nous avons entretenues avec la commission des lois et avec son président, Philippe Bas. Ce travail a permis de trouver des points d’entente là où nous n’étions pas certains d’y parvenir ; je pense notamment à l’IRFM. Nous travaillons encore sur d’autres points qui restent à ce stade « non compromis », dans tous les sens du terme. Je pense notamment à la question de la réserve.
Je suis persuadée que, grâce à votre concours, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pourrons encore faire progresser ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
9
Nomination d’un secrétaire du Sénat
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté la candidature de M. Jean-Paul Émorine pour remplacer, en qualité de secrétaire du Sénat, M. Christian Cambon.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bonne candidature !
M. le président. Le délai prévu par l’article 3 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Paul Émorine secrétaire du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Avec mon soutien !
10
Conférence nationale des territoires
M. le président. Mes chers collègues, lundi prochain, 17 juillet, le Sénat accueillera la journée de lancement de la Conférence nationale des territoires. À cette occasion, le président du Sénat recevra le Président de la République et le Premier ministre.
La séance débutera à quatorze heures trente en salle Clemenceau par un discours du président du Sénat, qui sera suivi d’une intervention du Président de la République.
Tous les sénateurs sont conviés à cet échange, qui se prolongera par des ateliers thématiques.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 juillet 2017 :
À quatorze heures quinze : éloge funèbre de Patrick Masclet.
À quinze heures et le soir :
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (procédure accélérée) (n° 587, 2016-2017) ;
Rapport de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois (n° 629, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 630, 2016-2017) ;
Avis de M. Michel Boutant, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 636, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures cinquante-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD