Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme me le disait Serge Dassault à l’instant, l’hémicycle ne fait pas recette aujourd'hui, ce qui est bien dommage alors que l’on parle finances ! (Sourires.)
Dans ce débat sur l’orientation des finances publiques, je serai bref s’agissant du bilan de la gestion passée, que je résumerai en trois points : un choc fiscal sans précédent, un changement de pied aux effets tardifs et des déficits persistants.
Le Gouvernement a donné l’écho nécessaire à une situation désormais bien connue de tous et, plus encore, du Sénat.
Dans ce débat, la question est plutôt celle de l’après. En matière de finances sociales, le Gouvernement a annoncé une hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, pour un montant de 22 milliards d’euros, hausse à propos de laquelle je voudrais tenter, comme c’est l’usage en matière de médicament, une analyse bénéfice-risque.
Le bénéfice attendu est une augmentation du pouvoir d’achat des salariés, par la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, pour un montant total de 17 milliards d’euros par an.
Les risques, quant à eux, sont nombreux. Rappelons que la CSG porte à 70 % sur les revenus d’activité. C’est donc bien un prélèvement assis très majoritairement sur le travail. Il y a bien sûr une assiette sur les revenus du capital, mais le Gouvernement a annoncé qu’ils feraient l’objet d’un prélèvement forfaitaire de 30 %. Quelle sera donc la place de la CSG dans le cadre de ce forfait ?
Le taux de la CSG est élevé. Il est supérieur à l’ancienne première tranche de l’impôt sur le revenu, supprimée par le précédent gouvernement, qui était de 5 %. Une flat tax de 7,5 %, n’est-ce pas déjà beaucoup ?
Augmenter le taux de la CSG, c’est prendre le risque d’un processus de mitage comparable à celui qu’a connu l’impôt sur le revenu, dont le produit, qui atteint 72 milliards d’euros, est aujourd’hui inférieur de 26 milliards d’euros à celui de la CSG et se concentre sur les derniers déciles de rémunération.
D’ores et déjà, le débat se porte sur les compensations. Il s’étendra bientôt, à n’en pas douter, aux dérogations.
Que faire pour les travailleurs indépendants, lesquels ne paient pas de cotisations d’assurance chômage et pour qui la CSG porte sur le revenu majoré des cotisations sociales ?
Que faire pour les fonctionnaires, qui n’acquittent ni cotisation maladie ni cotisation chômage, alors qu’il est par ailleurs indispensable de maîtriser la masse salariale publique ?
Que faire pour les retraités, qui bénéficient d’un taux réduit de CSG et ne paient pas de cotisations salariales ?
Très récemment, les praticiens et auxiliaires médicaux se sont avisés que leurs cotisations étaient prises en charge par l’assurance maladie. Faudra-t-il inventer pour eux un système spécifique de compensation ?
Le Gouvernement a annoncé, en guise de compensation pour les retraités, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables. L’expérience de la suppression de la demi-part des veuves nous enseigne que les compensations indirectes ne touchent jamais exactement les mêmes cibles.
Il a également annoncé un élargissement du champ des bénéficiaires de l’assurance chômage, dont le régime aura accumulé une dette de 40 milliards d’euros à l’horizon 2020 et qui serait également, bien qu’il s’agisse d’un risque contributif, financé par une affectation de CSG.
Messieurs les ministres, le financement de la protection sociale est loin d’être un jardin à la française avec des prélèvements simples, clairs et compréhensibles par tous.
Dans un paysage fiscal d’une rare complexité où impôts et cotisations se confondent dans leurs modalités et leurs objectifs, les prélèvements ne seront légitimes et acceptés que s’ils sont compris. Les impôts financent la solidarité ; les cotisations financent les risques contributifs. La transformation annoncée du CICE offre l’occasion de mettre en œuvre ce principe par la suppression des cotisations familiales, qui pèsent encore sur les salaires.
La CSG, dont le produit devrait être de 98 milliards d’euros cette année, répond aux critères de la recette idéale en tant qu’impôt de la sécurité sociale : produit stable, assiette large, niches fiscales encore limitées et objectif clair. Portée à 9,2 % ou à 9,7 % avec la CRDS, avec des affectataires multiples, elle ne répondrait plus à ces critères.
Vous l’aurez compris, messieurs les ministres, pour une diversification des ressources de la protection sociale, notre préférence va à une taxation de la consommation, dont l’assiette s’est toujours maintenue pendant la crise, qui assure un prélèvement progressif grâce aux taux réduits de TVA et permet de taxer les produits importés, au moment où l’offre de notre économie peine à répondre à la demande des consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre. Après tant d’interventions de grande qualité, il serait dommage que M. le ministre des comptes publics et moi-même ne répondions pas à certaines des remarques qui ont été formulées.
Je veux tout d’abord évoquer les observations très justes d’Albéric de Montgolfier sur la question de la compétitivité, coûts et hors coûts, dont dépend bien évidemment notre balance commerciale extérieure. Toutes les décisions que nous prenons visent à rétablir aussi bien la compétitivité coûts que la compétitivité hors coûts de nos entreprises, pour améliorer le solde de la balance commerciale.
Ramener le taux d’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % sur cinq ans représente un effort considérable, qui améliorera les marges de nos entreprises, leur profitabilité et, donc, la compétitivité.
Financer massivement l’innovation, en maintenant le crédit d’impôt recherche et en mettant en place un fonds de 10 milliards d’euros financés par des cessions d’actifs de l’État dans des entreprises du secteur concurrentiel, permettra à nos produits de monter en gamme, d’intégrer l’innovation et, donc, d’être plus compétitifs.
Enfin, je le rappelle, le projet de loi sur les PME et les TPE que nous porterons en 2018 visera justement à transformer nos entreprises en entreprises de taille intermédiaire capables de conquérir de nouveaux marchés extérieurs.
Nous avons donc vraiment conscience de l’importance qu’il y a à rétablir la balance du commerce extérieur, sans nous reposer sur nos acquis. Cessons de tourner en rond comme s’il n’y avait que trois filières d’excellence en France, l’aéronautique, le vin et le luxe. Il en existe des dizaines d’autres ! Il suffit de leur donner les moyens d’exporter dans de bonnes conditions.
J’en viens aux questions de croissance potentielle et de rétablissement des soldes structurels, soulevées par plusieurs intervenants.
Nous avons fait un choix très novateur, avec Gérald Darmanin, le Premier ministre et le Président de la République : ne pas surévaluer la croissance potentielle dans la trajectoire quinquennale.
Précédemment, on faisait toujours la même chose : on fixait un taux de croissance potentielle très supérieur à ce que nous pouvions réaliser, en général 1,5 % ; puis, après avoir constaté à la fin de l’exercice que la réalisation n’était pas à la hauteur des prévisions, nous procédions à des révisions budgétaires.
Nous avons fait un choix très différent en retenant une croissance potentielle de 1,25 %, exactement conforme aux estimations des plus grands centres d’évaluation européens et internationaux, ce qui constitue un gage de la sincérité et de l’honnêteté de notre trajectoire budgétaire.
Je dirai un mot du prélèvement forfaitaire unique et du livret A, évoqués à plusieurs reprises.
Le prélèvement forfaitaire unique concernera les intérêts, les dividendes et les plus-values mobilières.
Monsieur Dassault, comme je vous l’ai déjà dit une bonne centaine de fois, ce prélèvement forfaitaire unique n’est pas très éloigné de la flat tax que vous défendez si souvent. Par ailleurs, j’estime que la progressivité de l’impôt est un gage de justice, et c’est la justice qui rend les prélèvements obligatoires acceptables.
Avoir un prélèvement forfaitaire unique et conserver une progressivité dans l’impôt, c’est donc conjuguer efficacité fiscale et justice fiscale.
S’agissant du livret A, nous avons décidé d’en maintenir le taux à 0,75 %, alors que la « formule » nous conduisait à retenir un taux de 1 %.
D’abord, les formules ne sont pas faites pour être strictement respectées, sinon il ne servirait à rien d’avoir des responsables politiques, qu’ils soient sénateurs, députés ou membres du Gouvernement. Nous sommes là pour prendre des décisions raisonnables, en fonction des indications qui nous sont données.
Ensuite, je le rappelle, les évaluations indiquent que l’inflation sera encore moins forte que prévu, n’atteignant que 0,7 % environ en juin. Je le rappelle également, dans un tel contexte, la rémunération du livret A restera attractive pour les épargnants, dans la mesure où les rendements financiers restent faibles du fait de la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale européenne. Je le redis à ceux qui l’auraient oublié, une telle politique est favorable au secteur du logement social, qui emprunte auprès de la Caisse des dépôts et consignations à un taux indexé sur le taux du livret A. Ainsi, en maintenant le taux du livret A à 0,75 % au lieu de le porter à 1 %, on favorise le logement social.
Je ne pense donc pas que les épargnants soient lésés, comme en témoignent d’ailleurs les encours du livret A, extraordinairement élevés, et nous gardons la possibilité de financer le logement social dans les meilleures conditions possible.
S’agissant enfin de la question des inégalités, mais Gérald Darmanin complétera mon propos, le Gouvernement a parfaitement conscience, monsieur Marc, que la lutte contre les inégalités est une priorité.
Par ailleurs, du point de vue strictement économique, je suis le premier convaincu que les inégalités sont défavorables à la croissance. L’idée qu’on augmentera la croissance en creusant les inégalités est une erreur. Il faut arriver à créer de la croissance et à réduire les inégalités, l’un n’allant pas sans l’autre. Une croissance qui ne profiterait qu’à un petit nombre de personnes serait non seulement inutile, mais aussi, très probablement, faible.
Quand nous décidons de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, quand nous décidons d’augmenter l’allocation aux adultes handicapés, quand nous supprimons les cotisations patronales sociales pour l’assurance maladie ou l’assurance chômage, nous réduisons les inégalités.
Certains de nos choix ne sont pas souvent mentionnés, par exemple ceux qui consistent à reprendre un certain nombre de décisions du précédent gouvernement que nous estimons justes bien que coûteuses.
Je pense au crédit d’impôt pour l’emploi à domicile, que nous maintenons bien qu’il coûte près d’un milliard d’euros aux finances publiques et aux contribuables français. Alors qu’on nous accuse de « taper » sur les retraités, je rappelle que ce dispositif permettra à des ménages modestes non soumis à l’impôt sur le revenu, notamment aux retraités avec de très faibles pensions, d’avoir accès à des emplois à domicile. En outre, cette mesure est bonne pour l’emploi, qui reste bien évidemment notre priorité à tous.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour compléter les propos de Bruno Le Maire sur les questions plus budgétaires, j’évoquerai d’abord la question de la fameuse baisse des dépenses publiques – les intervenants qui l’ont abordée ne sont pas tous présents, mais ils pourront se référer à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ou consulter les comptes rendus.
Bien évidemment, on peut toujours espérer davantage. Pourtant, si on la considère en pourcentage du PIB, on s’aperçoit que, jamais depuis la crise économique du début des années soixante-dix, on n’aura obtenu une telle baisse. C’est à la fois exaltant et difficile ! Je comprends que le Sénat soit désormais extrêmement exigeant avec ceux qui essaient d’être courageux en ce début de quinquennat budgétaire, mais, sachant que certains tendanciels sont déjà forts – je pense, par exemple, à l’augmentation de la population, qui nous contraint évidemment à engager quelques dépenses –, ce sera déjà une très bonne chose !
De manière générale, et je le regrette de la part du rapporteur général de la commission des finances, même s’il a eu aussi des propos tout à fait encourageants – je les prends pour tels – pour le Gouvernement, je n’ai pas entendu beaucoup de propositions de pistes d’économies.
On nous a en effet dit qu’on ne pouvait toucher ni aux armées, ni à l’intérieur, ni à la justice, ni à la culture, ni à l’enseignement supérieur, ni aux collectivités locales… On nous a dit aussi qu’il fallait faire attention à la sécurité sociale. Je voudrais savoir si c’est uniquement sur les inspecteurs des impôts de Bercy qu’on va faire des économies ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, s’exclame.)
Je dis juste, monsieur le rapporteur général, qu’il apparaît que tout le monde s’accorde sur la nécessité de faire des économies et qu’il est en revanche difficile de savoir où les parlementaires veulent en faire ! En prévision de la discussion du projet de loi de finances, à votre bon cœur, mesdames, messieurs les sénateurs : si vous trouvez que les économies que nous prévoyons ne sont pas pertinentes, n’hésitez pas à proposer des économies du même montant ailleurs !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le temps de travail dans la fonction publique !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour ce qui concerne les collectivités, je l’ai dit dans mon discours liminaire, et je suis moi-même un élu local, je reconnais qu’elles ont fait d’importants efforts, qui sont la conséquence à la fois de leur bonne gestion – ce n’est pas vrai pour toutes, mais c’est souvent le cas – et de la baisse des dotations, qui les a forcées à être plus économes.
Entre 2010 et 2016, en matière de réduction des dépenses publiques, la baisse a été plus rapide pour les collectivités locales que pour l’État, puisque l’on est à 0,6 point du PIB pour les collectivités contre 0,2 point pour l’État.
Nous proposons que l’État fasse plus de 50 % de l’effort cette année, car il n’a pas assez contribué précédemment à la diminution des dépenses publiques, dans les deux dernières années tout au moins.
Pour autant, je ne suis pas sûr, au vu des dotations qu’il verse aux collectivités – et je ne parle pas simplement de la DGF –, que raisonner en solde ait beaucoup de sens. Il faut considérer l’ensemble des dépenses et déficits publics, car, à la fin, ce sont les Français qui, d’une manière ou d’une autre, paieront.
Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu l’argument, et j’ajoute que nous ne parlons sans doute pas de choses bien différentes. Je n’ai d’ailleurs entendu de la bouche d’aucun sénateur dire que les collectivités locales ne devaient pas du tout réaliser d’économies. Il faut faire des réformes de structure y compris dans les collectivités locales, et nous ferons des propositions, avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur, dans le cadre des groupes de travail de la Conférence nationale des territoires.
S’agissant des dépenses sociales, je voudrais répondre à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales que l’équilibre n’est pas un but en lui-même : le but, ce sont les excédents !
M. Philippe Dallier. Personne ne le croirait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous nous contenterons de l’équilibre : nous savons modérer nos exigences !
M. Gérald Darmanin, ministre. D’accord, mais il faut se donner des objectifs audacieux !
Si nous sommes en période de reprise économique et que la croissance est plus forte que nous ne le prévoyons nous-mêmes, ne serait-ce que par pur bon sens et, comme l’a dit Bruno Le Maire, par souci de ne pas spéculer et de ne pas avoir à revenir vers vous pour revoir les chiffres de la croissance, profitons de l’embellie !
Si nous réduisons drastiquement les dépenses publiques et la fiscalité, c’est que nous espérons une reprise économique, ce qui est d’ailleurs conforme au programme présidentiel. L’objectif est donc, monsieur le rapporteur général, de ne pas s’arrêter en 2020 et de dégager des excédents !
Surtout, concernant les dépenses sociales et de la sécurité sociale, il ne s’agit pas de mener cette politique de rabot qui énerve tout le monde et désespère nos concitoyens – cela a été dit par François Marc au nom de la présidente de la commission des finances. Mme André a tout à fait raison : il faut expliquer à nos concitoyens que nous avons besoin d’innovation et de changements structurels.
Sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, vos rapports, que je connais, et vos propositions seront évidemment étudiés par le Gouvernement et par l’Assemblée nationale.
Je dirai un dernier mot sur les collectivités locales devant la chambre qui les représente particulièrement.
Les valeurs locatives n’ont pas été revues depuis les années soixante-dix. J’imagine que, s’il avait été si simple de le faire, cela aurait été fait.
M. François Marc. C’est en cours !
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour les locaux professionnels seulement !
M. Gérald Darmanin, ministre. N’allez pas trop vite, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. le rapporteur général a comme toujours, ou en tout cas comme souvent (Sourires.), raison. Le travail sur les valeurs locatives des locaux professionnels a été lancé en 2010 ; on a mis un certain temps, ou un temps certain, comme dirait le comique belge qui a passé une partie de son enfance dans ma commune, pour mettre en place cette réforme.
Les nouvelles valeurs sont désormais appliquées. En revanche, la question se pose toujours pour les valeurs locatives d’habitation. Une expérimentation a été lancée, mais elle est loin d’être généralisée.
MM. Philippe Dallier et François Marc. Elle a été faite ! (M. le rapporteur général de la commission des finances le confirme.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Je remarque qu’elle a été si bien faite et qu’il est apparu qu’elle était tellement de bon sens pour toutes les communes de France que le gouvernement précédent s’est empressé de l’appliquer, comme vous l’aurez tous constaté !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Certes, mais le gouvernement précédent n’était pas courageux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Les écarts sont en effet extrêmement importants, notamment pour 30 % des communes, ce qui est normal, d’ailleurs, lorsqu’on laisse passer quarante années ! Divers changements, notamment la périurbanisation, sont intervenus. Nous ne disons donc pas du tout qu’il ne faut pas définir de nouvelles valeurs locatives.
M. François Marc. Ah !
M. Philippe Dallier. C’est bien de le dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je l’ai dit ici même, en réponse à une question d’actualité, il y a quinze jours ! On peut toujours et sans cesse répéter ; la pédagogie est l’art de la répétition. Mais je suis certain que M. Dallier s’en souvient !
Oui, nous allons travailler sur cette question. Malgré tout, il faudra du temps pour faire accepter la réforme, et beaucoup de travail de la part non seulement des agents de la direction générale des finances publiques, mais aussi des parlementaires et des comités des finances locales.
Cela ne veut pas dire, d’ailleurs, que l’unique réforme de la fiscalité locale à mener soit celle des valeurs locatives. Le Président de la République l’a dit, et j’ai entendu les réactions à ses propos sur la CSG et la CRDS. C’est un exemple qu’il a pris : d’autres moyens de financement existent peut-être.
Dans la loi de finances qui a été votée et, en l’occurrence, que vous n’avez pas discutée, monsieur le rapporteur général,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons eu raison !
M. Gérald Darmanin, ministre. … un instrument était défini, pour les régions notamment, qui s’appliquera l’année prochaine, consistant à leur donner une fraction de recettes de TVA pour compenser la suppression de la dotation. Ce dispositif, qui a été décidé par l’ancien gouvernement, n’est pas encore mis en place ; ces recettes de TVA étant très dynamiques, une telle mesure permettrait peut-être, d’ailleurs, d’envisager le transfert, par ce gouvernement ou par un autre, de nouvelles compétences aux régions.
Le Président de la République n’a fait qu’évoquer une piste de réflexion. Il a demandé que l’imagination soit au pouvoir ; nous ferons œuvre d’imagination collective !
Peut-être faudra-t-il mobiliser 1 ou 2 points d’impôts nationaux ; peut-être n’est-ce pas la bonne chose à faire ; peut-être faut-il imaginer un nouvel impôt local qui remplacerait la taxe foncière et ce qui reste de la taxe d’habitation ; peut-être faut-il conserver la taxe foncière, mais, si nous recentralisons le RSA, peut-être pourrons-nous rouvrir le dossier avec les collectivités locales.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en sept semaines que nous rendrons une copie définitive. Si tel était le cas, d’ailleurs, vous nous opposeriez à bon droit, mesdames, messieurs les sénateurs, l’absence de concertation.
La méthode que nous avons prévue, à la demande du Premier ministre et pour mettre concrètement en œuvre le discours du Président de la République, consiste, avec le ministre d'État, ministre de l’intérieur, et le ministre de la cohésion des territoires, à ouvrir un chantier de travail sur ces pistes pendant les trois prochains mois. Le Sénat y sera bien sûr pleinement associé, dans les groupes de travail et, si sa présidente et son rapporteur général le souhaitent, au travers de sa commission des finances.
Nous chercherons le meilleur moyen de supprimer les tranches de taxe d’habitation qui doivent l’être – j’en profite pour rappeler que c’est là la volonté du peuple français telle qu’elle s’est exprimée à l’occasion des élections présidentielles et législatives.
Je veux bien que nous reparlions de l’augmentation de 2 points du taux de TVA, mais cette idée n’a pas reçu un énorme succès d’estime – c’est si vrai que, lorsque l’élection présidentielle a été perdue par François Fillon, Les Républicains se sont empressés de supprimer cette très bonne idée de leur programme.
M. Philippe Dallier. Je continue à penser que c’était la chose à faire !
M. Gérald Darmanin, ministre. S’il s’agissait vraiment de la meilleure idée fiscale du monde, elle aurait sans doute été soumise aux électeurs dans le cadre des élections législatives. Je ferme la parenthèse !
M. François Marc. C’est de la cuisine interne, ça !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous allons donc travailler sur ces pistes de rénovation de la fiscalité locale.
L’objectif est que cette dernière soit rendue juste à la fois pour nos concitoyens et pour les collectivités territoriales – vous l’avez tous dit, mesdames, messieurs les sénateurs, et nous le disons avec vous : elle est aujourd’hui territorialement injuste –, tout en étant compatible avec le respect de l’autonomie financière des collectivités locales.
Je voudrais cependant rappeler ici qu’il n’y a pas, comme je l’ai entendu dire dans vos rangs, monsieur Dallier, d’autonomie fiscale.
M. Philippe Dallier. Autonomie financière, pas fiscale !
M. François Marc. Certes !
M. Gérald Darmanin, ministre. La Constitution ne prévoit pas l’autonomie fiscale. Peut-être faut-il, aux yeux d’un certain nombre de sénateurs parmi vous, envisager une telle évolution. Quoi qu’il en soit, tel n’est pas le cas aujourd’hui.
L’autonomie financière est garantie par le fait que les mécanismes existants prévoient non pas des exonérations, mais des dégrèvements.
Veuillez m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas répondre plus précisément à vos interrogations, mais il me semble avoir donné des pistes ; d’ici à quelques semaines ou mois, nous aurons l’occasion de revenir sur les propositions très concrètes que le Gouvernement avancera après concertation.
Mme la présidente. Le débat commun est clos.
Nous passons à la discussion des articles du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016.