politique migratoire
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Laurence Cohen. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Le 12 juillet dernier, le Premier ministre présentait un plan intitulé : « Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires ».
En réalité, il s’agit avant tout d’une politique dissuasive, tandis que les droits élémentaires des migrants continuent à être bafoués. Récemment, 156 migrants, parmi lesquels des mineurs, ont été arrêtés à la gare de Cannes et reconduits brutalement à la frontière franco-italienne par les forces de l’ordre. Ils essayaient simplement de déposer une demande d’asile, en toute légalité !
Cette reconduite à la frontière est une violation des droits humains les plus fondamentaux.
Cédric Herrou, cet agriculteur militant des droits humains, les accompagnait. Il a été, lui aussi, une nouvelle fois arrêté pour délit de solidarité.
Le rapport de l’organisation Human Rights Watch, sur les violences commises par les forces de police à Calais à l’encontre de 400 à 500 migrants, est tout aussi accablant. L’emploi du gaz poivre est courant. Nombreux sont celles et ceux qui sont choqués à juste titre par cette violence institutionnelle qui émane, hélas ! du pays des droits de l’homme.
Le Président de la République a affirmé que, d’ici à la fin de l’année, il ne voulait plus personne dans les rues, dans les bois.
Monsieur le ministre d’État, vous avez vous-même annoncé la création de deux centres d’accueil dans les Hauts-de-France et demandé un rapport sur les violences.
Ma question est donc simple : pouvez-vous nous préciser, en termes de moyens humains, matériels, et financiers, comment le Gouvernement entend faire face à la situation dramatique des migrants ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, le problème de la crise migratoire doit être abordé avec beaucoup d’humilité.
J’ai regardé l’évolution des chiffres dans votre département.
M. Roger Karoutchi. La pauvre, pourquoi son département en particulier ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Au cours de l’année 2016, nous y avons constaté une augmentation des demandes d’asile de l’ordre de 57 %.
M. Roger Karoutchi. Mme Cohen n’y est pour rien ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Au total, 786 de ces demandes relevaient de la procédure Dublin. Au premier semestre de cette année, sur 1 938 demandeurs d’asile, 969 étaient en procédure Dublin : ces chiffres traduisent une augmentation de 50 %.
Aussi, avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons donc décidé de mettre en place un plan.
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Ce plan doit permettre, d’abord, que les migrants arrivant aujourd’hui de Dublin, qui ont été déboutés du droit d’asile dans le pays où ils étaient et qui essayent aujourd’hui de venir en France, voient leur dossier traité en priorité. Autrement, nous n’arriverons pas à faire face.
En même temps (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), nous voulons agir avec générosité. C’est pourquoi, dans un département comme le Pas-de-Calais, nous avons fait en sorte que les exemples de Sangatte ou de la Lande ne se reproduisent plus. C’est pour cela que nous venons d’ouvrir deux centres d’accueil, mais aussi deux centres d’orientation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre d’État, les migrants n’arrivent pas de Dublin… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Mais si, ils passent par l’Irlande ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Cela étant, certains territoires font beaucoup d’efforts, et d’autres non.
Ce matin même, j’accompagnais Mme la ministre des solidarités et de la santé lors de sa visite d’un centre d’hébergement d’urgence à Ivry. Dans ce dossier, on observe une grande implication de la Ville de Paris, de la municipalité d’Ivry et d’un certain nombre d’associations, dont Emmaüs.
De quoi ont besoin les migrants, les associations et les collectivités ? Non des moyens constants, mais des moyens supplémentaires : tout ne peut pas reposer sur le bénévolat. Il faut que l’État s’en mêle, notamment à l’échelle des services publics. Certaines expériences fonctionnent : autant s’en servir et les multiplier !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Selon la CIMADE, pour 110 000 demandeurs d’asile, plus de 30 000 places sont nécessaires pour éviter toute mise à la rue ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. Alain Fouché. Le Gouvernement s’en occupe, ma chère collègue !
aides personnalisées au logement
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une diminution de cinq euros par mois du montant de l’aide personnalisée au logement. Pour les locataires bénéficiaires de l’APL, ce n’est pas rien !
M. Alain Néri. C’est un scandale !
M. Yannick Vaugrenard. En effet, 80 % des bénéficiaires disposent des ressources inférieures au SMIC, et, pour plus de la moitié d’entre eux, elles sont inférieures au seuil de pauvreté.
Voilà la triste réalité !
Cette mesure est aveugle, elle frappe les plus pauvres ; vous devez la supprimer.
Chacun a accepté la nécessité, pour notre pays, de faire des économies afin que nos enfants et nos petits-enfants ne paient pas les pots cassés de notre irresponsabilité, mais pas de cette façon, monsieur le Premier ministre, pas contre ceux qui supportent déjà le calvaire des fins de mois difficiles (Très bien ! sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.) quand d’autres verront avec satisfaction leur impôt sur la fortune diminuer.
Qui plus est, ce projet fait entendre une petite musique fort déplaisante, car il consiste à montrer du doigt celles et ceux qui, dès lors qu’ils touchent les aides sociales, seraient autant d’assistés, voire des fraudeurs.
Mes chers collègues, dans le monde curieux où nous vivons, ceux qui gagnent 20 000 euros par mois persuadent ceux qui en gagnent 1 800 que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 535 euros… Et ça marche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Eh bien moi, je vous le dis : cela suffit !
Il est en effet stigmatisant de diminuer de cinq euros par mois l’aide personnalisée au logement pour six millions et demi de ménages parmi les plus défavorisés.
Je vous suggère de prélever 0,07 % par an sur le patrimoine de cinq cents plus grosses fortunes de France (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.) ou encore douze euros par mois sur le revenu des 10 % les plus riches. Cela rapporterait strictement la même somme et serait beaucoup plus équitable.
Je vous le demande solennellement, monsieur le Premier ministre, revenez sur cette mesure, parce qu’elle est injuste, parce qu’elle touche également 800 000 jeunes, qui ont besoin d’être écoutés et d’être soutenus plutôt que d’être stigmatisés.
M. le président. Il faut conclure !
M. Yannick Vaugrenard. L’ensemble des associations caritatives et humanitaires plaident pour cette suppression. Après m’avoir écouté, je vous remercie de bien vouloir les entendre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC – MM. M. Jean-Jacques Filleul et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Vaugrenard, pour avoir souvent siégé dans cet hémicycle, je connais votre souci de préserver nos concitoyens les plus fragiles.
Je vous le dis toutefois très clairement, il ne faut pas pousser la simplification trop loin. Pourquoi le Gouvernement a-t-il été amené, et avec regret, à proposer cette mesure ? Vous le savez aussi bien que moi, aussi bien que nous : dans le budget, les APL étaient sous-budgétisées ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) C’est la stricte réalité !
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui !
M. Jacques Mézard, ministre. Le gouvernement précédent, je le dis très clairement, avait prévu des mesures d’économies sur les APL qui n’ont pas été mises en œuvre, ce qu’a d’ailleurs reconnu très loyalement l’ancien Premier ministre, Manuel Vals (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Le Sénat a demandé, en 2015, à travers sa commission des finances, une enquête à la Cour des comptes sur le système des APL.
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Jacques Mézard, ministre. Celle-ci a donné lieu à un rapport signé par M. Philippe Dallier. De la même manière, l’Assemblée nationale a demandé un rapport à votre camarade François Pupponi. Celui-ci avait conclu à la nécessité de revoir ce système et de réaliser un certain nombre d’économies (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Alain Néri. Pas comme cela !
M. Jacques Mézard, ministre. … y compris sur les allocations relevant du système propre aux étudiants.
La réalité est là : il faut constater les inégalités qui existent aujourd’hui dans ce système ainsi que sa complexité. Je vous renvoie à la page trente et un du rapport de Mme Fack, qui est significatif à cet égard !
Il reste donc des efforts à faire pour rendre plus équitables les critères d’accès aux APL et pour mettre en œuvre une politique du logement qui favorise une baisse des loyers et une relance de la construction.
Mme Évelyne Yonnet. Et le livret A ?
M. Jacques Mézard, ministre. Voilà la réalité concrète, et on ne peut pas l’éluder ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
impact des nouvelles sanctions américaines contre la russie
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour le groupe Union Centriste.
M. Yves Pozzo di Borgo. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des affaires européennes et concerne l’impact des sanctions américaines contre la Russie, en particulier en matière commerciale, pour la France et pour l’Union européenne.
La semaine dernière, la Chambre des représentants américaine a adopté de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie. Ainsi, le président Trump a la possibilité de sanctionner les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie, en limitant leur accès aux banques américaines et en les excluant des marchés publics américains.
Cela touche les entreprises Engie – française –, Uniper, Wintershall – allemandes – et Shell – anglo-néerlandaise –, qui travaillent sur le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne via la Baltique.
Les conduits de nos habitations sont pleins de gaz arrivant de Russie par tuyau et de gaz de schiste arrivant des États-Unis par bateau. Notre première réaction devrait être de cesser d’acheter ce gaz de schiste américain. La compétition est internationale, et les États-Unis sont aujourd’hui largement excédentaires dans leur balance commerciale en matière de gaz.
Le sujet est cependant plus vaste et cette décision américaine pose deux problèmes.
Le premier problème est diplomatique. Les décisions de sanctions contre la Russie ont toujours été prises en concertation entre les États-Unis et l’Union européenne. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Le second est économique et commercial. Il est clair que l’impact de ces mesures sur les entreprises européennes du secteur énergétique, et en particulier gazier, sera négatif. La guerre commerciale fait rage dans ce domaine.
Cette situation pose le problème de la portée extraterritoriale des règles américaines, qui coûtent près de 20 milliards de dollars de pénalités aux entreprises européennes, selon le rapport de Pierre Lellouche et de Karine Berger sur ce sujet.
Notre propre commission des affaires européennes, au Sénat,…
M. le président. Je vous demande de conclure.
M. Yves Pozzo di Borgo. Déjà ?… (Sourires.)
Madame la ministre, comment allez-vous accompagner la sainte et juste colère de M. Juncker, lequel, furieux de cette situation, réunit demain les commissaires européens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Yves Pozzo di Borgo, comme vous l’avez indiqué, le président Trump s’apprête à promulguer le projet de loi adopté largement par le Congrès américain portant de nouvelles sanctions contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord.
Le recours à des sanctions est un outil de politique étrangère auquel nous ne sommes pas hostiles. Le Conseil de sécurité des Nations unies y a recours, l’Union européenne également. En règle générale, nous examinons les régimes de sanctions en concertation avec nos partenaires, en particulier au sein du G7.
Vous soulignez très justement le caractère spécifique du projet de loi en question, singulièrement sa dimension extraterritoriale. Il rend possible de sanctionner des individus et des entreprises non américaines, notamment européennes, en fonction de leurs activités sans lien avec les États-Unis.
Vous avez justement mentionné le rapport de l’Assemblée nationale, préparé par M. Lellouche et Mme Berger. Je pourrais ajouter le rapport de M. Philippe Bonnecarrère, remis au nom de la Haute Assemblée. Dans les deux cas, les auteurs soulignent les difficultés posées par les sanctions extraterritoriales et ouvrent des pistes.
Nous avons publiquement indiqué le caractère illicite, au regard du droit international, de ces sanctions extraterritoriales.
Nous nous concertons d’abord avec l’administration américaine. Pour marquer notre préoccupation, Jean-Yves le Drian a ainsi effectué une démarche auprès de Rex Tillerson. Ce dernier a indiqué qu’il allait se concerter avec les alliés des États-Unis sur ce régime de sanctions.
Plus largement, nous nous concertons avec nos partenaires de l’Union européenne. Nous disposons d’outils : des mesures commerciales, des démarches diplomatiques, sans oublier le règlement de 1996, adopté à la suite de la législation Helms-Burton,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … lequel permet de prendre des mesures de protection en matière de sanctions.
Nous sommes donc mobilisés et nous soutenons les déclarations et la volonté d’action du président Juncker.
couverture du territoire en fibre optique
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
Si les collectivités se félicitent que le sujet de l’aménagement numérique fasse partie des dossiers prioritaires du Gouvernement, elles s’interrogent néanmoins sur d’éventuels changements d’orientation concernant le calendrier, bien sûr, mais aussi le budget.
Dans un premier temps, il serait très utile de clarifier nettement les deux échéances de 2020 : rendre raccordable en fibre optique à la maison l’ensemble des prises de la zone laissée à l’initiative privée d’une part, et, d’autre part, ainsi que l’a annoncé le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires, garantir une bonne couverture en haut et en très haut débit pour tous.
Il convient en outre que les moyens nécessaires suivent, afin de confirmer l’échéance en 2022 du plan France très haut débit. Il faut en effet rassurer les collectivités qui doivent déposer des demandes de financement dans les mois qui viennent. Sur les 3,3 milliards d’euros d’autorisation de programme, vous n’ignorez pas que 250 millions d’euros doivent encore être inscrits en loi de finances.
Enfin, pour assurer la cohésion des territoires, il est nécessaire que le Gouvernement fixe un objectif conforme à celui de la Commission européenne, soit un réseau permettant de délivrer un débit de dix gigabits par seconde et des débits symétriques en 2025. En pratique, cela signifie un réseau en fibre optique jusqu’à l’abonné. Selon les estimations de l’Agence du numérique, cela nécessite d’inscrire entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros supplémentaires en autorisation de programme.
Au moment où certains acteurs du secteur se déchaînent contre les réseaux d’initiative publique, les RIP, avec pour objectif principal de retarder le plus possible le déploiement du fiber to the home, ou FTTH, sur l’ensemble du territoire, il est impératif qu’une clarification soit apportée.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser l’échéancier, nous rassurer sur les financements et, enfin, nous assurer que votre gouvernement préservera les investissements publics contre les attaques des opérateurs privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Patrick Chaize, merci pour cette question, elle est essentielle.
L’accès au réseau numérique est une priorité de ce gouvernement depuis les premiers jours, nous l’avons annoncé. Avec le ministre Jacques Mézard, M. Denormandie et M. Griveaux, nous en avons fait notre premier axe de travail. Nous souhaitons trouver des solutions qui puissent être activables rapidement et durables dans leurs effets.
Vous avez abordé trois points : le calendrier, la méthode, le financement. Je répondrai sur chacun d’entre eux.
Concernant le calendrier, nous avons un principe simple : nous ne remettons pas en cause les engagements passés, au contraire, nous allons plus vite. Tel était la promesse du Président de la République.
Concrètement, cela signifie du bon débit pour tous en 2020. Pour cela, il faudra s’engager à l’accélération du réseau fixe comme du réseau mobile. Vous avez bien entendu, 2020, c'est-à-dire deux ans avant 2022 ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Vous riez, mais si certains parlent d’impatience numérique, les Français sont plutôt dans l’exaspération numérique. Ne pas bénéficier du numérique aujourd’hui au quotidien, c’est être exclu ! On ne peut pas rire de cela ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que nous annonçons deux ans d’avance sur l’engagement pris, nous devrions être tous mobilisés, et tous ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Donc, nous conservons l’engagement du très haut débit pour tous en 2022.
Vous évoquez un nouvel engagement, à échéance de 2025, cette fois : la société du gigabit, que la Commission européenne a souhaité promouvoir. Cela signifie un débit de près de cent mégabits par seconde pour les particuliers et d’un gigabit par seconde pour les équipements essentiels : commerçants, universités ou écoles. Cela reste l’objectif du Gouvernement, et nous irons jusqu’au bout.
Sur la méthode, maintenant.
Quelle méthode adopter pour modifier ces dates et aller plus vite ? Nous avons dû le faire avec les acteurs, que nous avons réunis à plusieurs reprises autour de trois sujets majeurs. Nous leur avons demandé à nouveau de respecter leurs engagements et de présenter chacun des gages pour la suite.
M. le président. Il faut conclure !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. En effet, vous l’avez dit, la tenue des engagements pris a posé problème. Ensuite, nous leur avons demandé d’améliorer et d’accélérer les investissements, et, enfin, nous avons insisté sur l’innovation à travers un mix que permettent aujourd’hui les nouvelles technologies.
Concernant enfin le financement, et en moins de dix secondes, monsieur le président, l’État s’est engagé, et les collectivités peuvent lui faire confiance. Si des compléments financiers sont nécessaires pour la suite, nous serons là ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
M. Patrick Chaize. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.
dotations à destination des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Frédérique Espagnac. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le premier ministre, vous vous êtes engagé à produire un effort budgétaire de 60 milliards d’euros sur le quinquennat.
Lorsque le précédent gouvernement est arrivé au pouvoir, les déficits s’élevaient à 5,2 % du PIB. Au terme de ce quinquennat, en ajoutant les correctifs de la Cour des comptes pour l’année 2017, que je ne remets pas en cause ici, il s’élève à 3,2 %, soit une baisse de deux points du PIB, à environ 40 milliards d’euros. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans le même temps, les charges des entreprises ont baissé de 40 milliards d’euros environ, une baisse financée pour moitié par des économies.
Donc, 40 milliards plus 20 milliards, cela fait 60 milliards d’euros d’économies réalisées durant le précédent quinquennat. (Rires sur les mêmes travées.)
M. Philippe Dallier. Affirmer cela, c’est énorme !
Mme Frédérique Espagnac. La Cour des comptes a reconnu, comme le rapporteur général de la commission des finances, M. de Montgolfier, que les collectivités territoriales ont été amplement mises à contribution, avec la réalisation d’une diminution de leurs dépenses de 3 milliards d’euros en 2016.
M. Albéric de Montgolfier. Ça, c’est vrai !
Mme Frédérique Espagnac. Elles ont donc déjà pris leurs responsabilités, il faut savoir le dire, mais il faut aussi savoir le reconnaître.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes en responsabilité, vous faites face à une certaine situation des comptes publics, nous pouvons parfaitement l’accepter.
Ce qui pose problème, au point de susciter un malaise jusque dans les rangs de la majorité, c’est la méthode employée : le rabot, les baisses indifférenciées, qui concernent par exemple, les APL, la politique de la ville – le budget baisse de 46,5 millions d’euros –, la dotation d’équipement des territoires ruraux, ou DETR, et j’en passe.
Mettre tous les postes budgétaires à contribution, c’est une force ; le faire dans la méconnaissance des spécificités de chacun, c’est une injustice !
Je rappelle que le Président de la République lui-même a souhaité mener la transformation des politiques publiques et a appelé à mettre fin à cette vieille technique du rabot.
Monsieur le Premier ministre, je vous demande donc non pas de remettre en cause vos objectifs, mais de changer de méthode, de mettre un terme à la politique du rabot et de prendre l’engagement solennel de préserver les territoires ruraux de cet effort, parce qu’ils n’en peuvent plus et qu’ils n’ont que trop contribué au redressement des comptes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Jean-Claude Carle applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, il est certain que nous devons mettre fin à l’idée que nous pouvons vivre indéfiniment en déficit.
Imagine-t-on une entreprise, ou une famille vivant pendant plus de quarante ans en déficit ?
M. Pierre-Yves Collombat. Un pays n’est ni une famille ni une boulangerie, enfin !… Tout cela pour les 3 % !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est même pas la question des 3 %, l’État s’est habitué à considérer que l’on pouvait vivre éternellement en déficit.
Nous sommes dans un pays où, aujourd’hui, comme M. le ministre d’État l’a rappelé au cours d’une précédente séance de questions d’actualité au Gouvernement, le déficit se creuse de 2 400 euros par seconde… Quant à notre dette, songez qu’elle atteint 2 200 milliards d’euros !
Notre méthode est, il est vrai, très différente de celle du gouvernement précédent. Tout le monde, bien sûr, va contribuer, mais pas sous forme de baisses de dotation appliquées uniformément par le Gouvernement aux élus locaux : nous allons contractualiser avec eux et discuter avec leurs associations.
Ainsi, le ministre d’État Gérard Collomb, Jacques Mézard et moi-même, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, allons travailler avec l’ensemble des élus et des associations d’élus pour que les collectivités territoriales puissent contribuer à l’effort en matière de dépenses publiques,…
M. Martial Bourquin. Elles ont déjà payé !
M. Martial Bourquin. Treize milliards d’euros, tout de même !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est en effet l’État qui assumera la plus grande part de la réduction, puisque, ces dernières années, sous le gouvernement précédent, il n’a pas totalement pris sa part de la baisse des dépenses publiques. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. - Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous allons présenter sera sincère : nous allons « sincériser » les dépenses,…
M. Jackie Pierre. Oh !
M. Gérald Darmanin, ministre. … de sorte que le Parlement pourra discuter des vraies inscriptions budgétaires.
En outre, ce budget baissera, parce que nous ferons des vrais choix : des vrais choix…
M. Martial Bourquin. Treize milliards ?…
M. Gérald Darmanin, ministre. … et pas un coup de rabot, car, vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, le coup de rabot est le contraire de la politique.
Oui, nous avons choisi, à la demande du Président de la République, et parce que les Français l’ont voulu, de baisser la fiscalité des entreprises. Nous pensons en effet que ce sont les entreprises qui créent l’emploi, et pas seulement l’administration publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur certaines travées du groupe Union Centriste.)