Sommaire
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
Secrétaires :
M. Yves Daudigny, Mme Mireille Jouve.
2. Candidatures à une commission et à une délégation sénatoriale
situation des arboriculteurs des alpes-de-haute-provence
Question n° 059 de M. Jean-Yves Roux. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; M. Jean-Yves Roux.
demande d’homologation permanente de produits biologiques
Question n° 060 de Mme Patricia Morhet-Richaud. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
délivrance des cartes nationales d'identité dans les communes nouvelles et les zones de montagne
Question n° 040 de M. Bernard Delcros. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur ; M. Bernard Delcros.
logement des pasteurs et des rabbins et travaux sur les lieux de culte en alsace-moselle
Question n° 073 de Mme Christine Herzog. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur ; Mme Christine Herzog.
difficulté d’harmonisation de la compétence scolaire dans le cadre de la fusion d’epci
Question n° 045 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur ; Mme Anne-Catherine Loisier.
Question n° 029 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; Mme Chantal Deseyne.
friches privées et biens “sans maître” dans les centres-bourgs
Question n° 068 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
technologie satellitaire et fracture numérique
Question n° 039 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.
élargissement du dispositif fiscal dit “pinel” aux communes situées en zone c
Question n° 071 de M. Cédric Perrin. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Cédric Perrin.
politique éducative en milieu rural
Question n° 050 de Mme Josiane Costes. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Josiane Costes.
Question n° 038 de M. Philippe Mouiller. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Philippe Mouiller.
implantation d'un centre de protonthérapie à toulouse
Question n° 042 de Mme Brigitte Micouleau. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Brigitte Micouleau.
prise en charge de l'avc en france
Question n° 049 de Mme Maryvonne Blondin. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Maryvonne Blondin.
Question n° 052 de Mme Catherine Troendlé. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Catherine Troendlé.
généralisation de l'autorisation de la procréation médicale assistée en france
Question n° 053 de M. Daniel Chasseing. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Daniel Chasseing.
travail dominical pour les laboratoires d’analyse de lait
Question n° 044 de Mme Françoise Gatel. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Françoise Gatel.
conséquences inquiétantes de la diminution drastique du nombre de contrats aidés
Question n° 065 de M. Martial Bourquin. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Martial Bourquin.
politique en matière de tourisme
Question n° 035 de M. Cyril Pellevat. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; M. Cyril Pellevat.
référencement des professionnels du tourisme par les grands opérateurs d'internet
Question n° 037 de Mme Gisèle Jourda. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; Mme Gisèle Jourda.
situation des personnels recrutés localement par le ministère de l'europe et des affaires étrangères
Question n° 055 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; Mme Hélène Conway-Mouret.
conditions de prise en charge des victimes des cavités souterraines
Question n° 031 de Mme Agnès Canayer. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Agnès Canayer.
stratégie nationale relative à la présence du loup
Question n° 036 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
unités de traitement des ordures ménagères résiduelles
Question n° 048 de M. Philippe Bonnecarrère. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Philippe Bonnecarrère.
nuisances occasionnées par la ligne à grande vitesse sud-europe-atlantique
Question n° 062 de Mme Nicole Bonnefoy. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Nicole Bonnefoy.
ligne à grande vitesse montpellier-perpignan
Question n° 072 de M. Roland Courteau. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Roland Courteau.
liaison privée « charles-de-gaulle express »
Question n° 064 de M. Pierre Laurent. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Pierre Laurent.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Revue stratégique de défense et de sécurité nationale. – Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères
Mme Florence Parly, ministre des armées
M. Christian Cambon, président de la commission
Mme Hélène Conway-Mouret ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Joël Guerriau ; Mme Florence Parly, ministre ; M. Joël Guerriau.
M. Jean-Noël Guérini, Mme Florence Parly, ministre.
M. Bernard Cazeau ; Mme Florence Parly, ministre.
Mme Christine Prunaud ; Mme Florence Parly, ministre ; Mme Christine Prunaud.
Mme Sylvie Goy-Chavent ; Mme Florence Parly, ministre ; Mme Sylvie Goy-Chavent.
M. Cédric Perrin ; Mme Florence Parly, ministre.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Raymond Vall ; Mme Florence Parly, ministre.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Revue stratégique de défense et de sécurité nationale. – Suite d’un débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères
M. Philippe Paul ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Claude Haut ; Mme Florence Parly, ministre.
Mme Christine Prunaud ; Mme Florence Parly, ministre ; Mme Christine Prunaud.
M. Olivier Cigolotti ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Rachel Mazuir ; Mme Florence Parly, ministre.
Mme Isabelle Raimond-Pavero ; Mme Florence Parly, ministre ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
M. Olivier Cadic ; Mme Florence Parly, ministre ; M. Olivier Cadic.
M. Yannick Vaugrenard ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Dominique de Legge ; Mme Florence Parly, ministre ; M. Dominique de Legge.
M. Henri Leroy ; Mme Florence Parly, ministre.
M. Serge Babary ; Mme Florence Parly, ministre ; M. Serge Babary.
M. Ronan Le Gleut ; Mme Florence Parly, ministre.
7. Redressement de la justice. – Discussion d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale commune :
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois
M. Jacques Bigot, corapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
Conclusions de la conférence des présidents
9. Redressement de la justice. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés
Discussion générale commune (suite)
Clôture de la discussion générale commune.
proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice
Amendements nos 42 à 48 de la commission. – Adoption des sept amendements.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’annexe, modifié.
Amendement n° 22 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 23 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 24 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Yves Détraigne. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 25 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 28 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 21 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 49 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 11 de Mme Sophie Joissains. – Rejet par scrutin public n° 2.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel avant l'article 12
Amendement n° 31 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 50 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 7 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Articles additionnels avant l'article 23
Amendement n° 12 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 51 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 de M. Patrick Kanner. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 28
Amendement n° 19 de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
proposition de loi organique pour le redressement de la justice
Amendement n° 4 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 6 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 2 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 10
Amendement n° 3 de Mme Sophie Joissains. – Non soutenu.
Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 13, 14 A (nouveau) et 14 à 17 – Adoption.
Adoption, par scrutin public n° 3, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
10. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
11. Ordre du jour
Nomination d’un membre d’une commission et d’un membre d’une délégation parlementaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
Mme Mireille Jouve.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 18 octobre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidatures à une commission et à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes et qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
situation des arboriculteurs des alpes-de-haute-provence
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 059, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les arboriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence ont subi, en avril dernier, deux épisodes de gelée noire particulièrement dévastateurs. La capacité de production pour la période 2017-2018 est ainsi gravement affectée.
Pour ces agriculteurs, l’enjeu est de préserver une trésorerie suffisante pour pouvoir maintenir leur activité et donner une visibilité aux employés et aux clients, mais aussi aux banques et aux structures de financement de ces exploitations agricoles.
Or les procédures d’indemnisation des agriculteurs concernés qui doivent permettre de passer ce cap très difficile ne prennent en compte qu’une petite partie des préjudices subis.
En effet, l’arrêté du 17 septembre 2010, qui pose le cadre général des conditions d’indemnisation des calamités agricoles et de prise en charge des frais afférents, prévoit des taux d’indemnisation par type et volume de pertes qui ne correspondent pas à la réalité des dommages supportés lors de ces deux épisodes de gelée noire.
Je me permets de rappeler, monsieur le ministre, que des dispositions exceptionnelles ont déjà été mobilisées lors d’épisodes similaires pour d’autres départements. L’arrêté du 1er juin 2013 portant modification du taux d’indemnisation applicable aux pertes supérieures à 80 %, à la suite du gel des 16 et 17 mai 2012, a ainsi prévu que, pour une tranche de perte supérieure à 80 %, le taux d’indemnisation de base soit porté à 50 % au lieu de 35 %.
Compte tenu de la gravité de ces épisodes et de l’importance de la filière arboricole pour l’ensemble du département des Alpes-de-Haute-Provence, je demande que, de manière similaire, ce taux d’intervention soit augmenté à hauteur de 50 % pour garantir la pérennité de l’activité.
Monsieur le ministre, ces agriculteurs, plus particulièrement ceux qui exercent en montagne, sont les premières victimes du réchauffement climatique : aux gelées noires d’avril a succédé une période de sécheresse, situation dans laquelle, mes chers collègues, ils se trouvent toujours. Ils n’ont pas de répit.
Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : entendez-vous relever le taux d’indemnisation de ces agriculteurs ; comment comptez-vous accélérer les procédures d’indemnisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, durant le mois d’avril 2017, la France a connu deux épisodes de gel qui ont affecté un grand nombre de régions françaises et différents types de production, dont les arbres fruitiers. Comme vous l’avez rappelé, c’est notamment le cas dans votre département.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour établir, en lien avec les professionnels, un état des lieux précis des dommages et pour mettre en place les mesures d’accompagnement nécessaires.
Afin d’accompagner les exploitants qui connaissent des difficultés économiques en cette période, plusieurs dispositifs peuvent d’ores et déjà être utilisés : le recours à l’activité partielle pour leurs salariés ; un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées par le gel ; un report du paiement des cotisations sociales auprès des caisses de mutualité sociale agricole.
Pour la filière arboricole, les pertes de récolte et de fonds sont éligibles au régime des calamités agricoles.
Le travail de reconnaissance au titre des calamités agricoles est en cours au niveau départemental et la majorité des dossiers devrait être examinée au prochain comité national de gestion des risques en agriculture, le CNGRA.
En ce qui concerne le taux d’indemnisation en arboriculture, l’arrêté du 17 septembre 2010 prévoit déjà un taux évolutif, compris entre 20 % et 35 %. À ce stade, le Gouvernement n’envisage pas de majorer ce taux.
Pour autant, monsieur le sénateur, face à la multiplication des intempéries, il est possible de développer d’autres solutions, à propos desquelles nous pouvons discuter.
Il est indispensable que les exploitants agricoles, notamment les arboriculteurs, puissent assurer plus largement leurs productions, à travers le dispositif d’assurance récolte contre les risques climatiques. L’État accompagne ces dispositifs assurantiels par une prise en charge partielle des primes ou cotisations d’assurance payées par les exploitants agricoles qui peut aller jusqu’à 65 %.
Mais nous savons bien que le coût de l’assurance n’est pas le seul frein. Il est important de mieux communiquer sur l’outil et d’expliquer les possibilités ouvertes pour adapter les contrats à chaque situation individuelle, par exemple pour abaisser la franchise. Des travaux ont été engagés avec les organisations professionnelles agricoles, en particulier les professions viticoles et arboricoles, ainsi qu’avec les assureurs, pour mieux communiquer sur le dispositif et étudier des pistes d’amélioration.
Telle est la réponse que je peux apporter, monsieur le sénateur, à votre question sur la situation des arboriculteurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. L’essentiel de ma question portait sur la possibilité de majoration de l’indemnisation en cas de perte supérieure à 80 %. Vous me dites que cette majoration ne sera pas mise en place. C’est bien dommage et je vous demande de bien y réfléchir, car une gelée noire est un phénomène exceptionnel pour nos agriculteurs, en particulier en termes d’impact sur leurs revenus.
demande d’homologation permanente de produits biologiques
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 060, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’homologation de deux agents actifs : le fongicide polyvalent dénommé « bouillie sulfocalcique » et l’insecticide biologique appelé « Neemazal ».
En effet, ces produits, qui sont indispensables au traitement des vergers labellisés biologiques, sont homologués par l’Union européenne conformément au cahier des charges qui limite notamment l’emploi des intrants. C’est ainsi que la bouillie sulfocalcique et le Neemazal sont largement utilisés par les arboriculteurs allemands, suisses ou italiens et que nous consommons en France, sous le label bio, des pommes issues de ces vergers.
Or, en France, ces agents de base font l’objet d’une dérogation annuelle délivrée par votre administration, sous couvert de la direction générale de l’alimentation.
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, cette dérogation, limitée dans le temps et renouvelable sous certaines conditions, s’appuie entre autres sur le principe de précaution en raison de données toxicologiques.
Il n’existe pas de produit de substitution pour lutter efficacement contre les pucerons des arbres fruitiers, si bien que, sans ces produits de base, la pérennité de l’arboriculture bio n’est pas assurée en France.
Dans ce contexte, alors que les principes actifs sont connus et que toutes les garanties sont prises, je vous sollicite, monsieur le ministre, pour que de nouvelles dispositions soient mises en œuvre pour aligner la réglementation française sur celle des autres États membres de l’Union européenne. Je souhaite ainsi que la bouillie sulfocalcique et le Neemazal soient enfin homologués de manière permanente au titre des produits conformes à l’agriculture biologique.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’homologation de plusieurs préparations fongicides, utilisables notamment en agriculture biologique.
Le Neemazal est un produit phytopharmaceutique à base d’azadirachtine, qui est une substance extraite du margousier. Il s’agit d’une substance active, approuvée en 2011 par l’Union européenne.
L’azadirachtine a des propriétés insecticides, qui présentent un intérêt en arboriculture fruitière, en particulier pour lutter contre le puceron cendré, et en culture légumière ou ornementale. Du fait de son origine naturelle, cette substance est utilisable en agriculture biologique.
Six demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques à base de cette matière active ont été déposées à l’ANSES. Leur évaluation est en cours et s’approche de son terme. Des décisions relatives à ces demandes d’autorisation de mise sur le marché sont donc attendues en 2018.
Afin de répondre à certaines situations d’urgence phytosanitaire dans les vergers de fruits à pépins ou à noyaux et d’agrumes, situations qui ont été signalées depuis 2014, le ministère de l’agriculture a délivré des autorisations dérogatoires d’une durée de 120 jours pour le Neemazal. Les producteurs ne se sont donc pas retrouvés en situation d’absence de solution, et je veillerai à ce que les choses continuent ainsi.
Concernant la bouillie sulfocalcique, communément appelée bouillie nantaise – second point que vous abordez, madame la sénatrice –, c’est une préparation à base de soufre, efficace contre de nombreuses maladies des fruits, en particulier les maladies fongiques. Le soufre constitue une alternative intéressante au cuivre – celui-ci compose la bouillie communément appelée bordelaise –, qui présente un caractère de persistance marqué dans l’environnement. La plupart des préparations soufrées sont autorisées en agriculture biologique.
À ce jour, une seule firme a montré de l’intérêt pour distribuer en France une préparation sulfocalcique. Cependant, elle a décidé de soumettre, dans un premier temps, une demande d’autorisation de mise sur le marché en Espagne et de solliciter, ultérieurement, une autorisation en France par la voie de la reconnaissance mutuelle. Selon les dernières informations disponibles, l’examen du dossier en Espagne n’est pas encore achevé.
Aussi, aucune demande d’autorisation de mise sur le marché n’a actuellement été sollicitée en France. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible, à ce stade, d’accorder une autorisation définitive pour ces préparations.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, qui n’est que moyennement satisfaisante. Comme vous le savez, l’arboriculture est déjà durement frappée par des crises structurelles et conjoncturelles et de nombreux professionnels, dont ceux des Hautes-Alpes ou des Alpes-de-Haute-Provence, s’engagent dans une démarche qualitative, afin de convertir leurs vergers en agriculture biologique. C’est pourquoi l’État ne peut entretenir plus longtemps les conditions d’une distorsion de concurrence qui est très préjudiciable à la production française, à la filière pomme-poire en particulier.
délivrance des cartes nationales d'identité dans les communes nouvelles et les zones de montagne
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 040, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, le nouveau dispositif de délivrance des cartes d’identité, issu de la réforme Préfectures nouvelle génération, a été généralisé au mois de mars 2017. Actuellement, seules 2 088 communes sont dotées du dispositif de recueil – le DR – et donc habilitées à délivrer les cartes d’identité.
Après plusieurs mois de mise en œuvre et d’observations faites sur le terrain, je pense que cette situation ne peut pas rester figée indéfiniment et qu’il convient d’envisager des évolutions pour tenir compte, d’une part, de la spécificité des territoires et, d’autre part, de l’évolution de l’organisation territoriale.
En ce qui concerne la spécificité des territoires, je pense que, dans les zones de montagne, où les déplacements sont parfois rendus difficiles et les temps de trajet plus longs en raison du relief, de l’altitude ou de l’enneigement, l’implantation des points de délivrance des cartes d’identité mériterait d’être révisée.
Dans le département du Cantal, par exemple, 9 communes sur 247 sont actuellement équipées du DR, alors que quelques autres, non équipées, jouent un vrai rôle de bourg-centre, certes sur un territoire à faible densité démographique, mais très vaste.
Une approche objective, prenant en compte les temps de trajet et les difficultés d’accès, justifierait que ces communes soient autorisées à délivrer les cartes d’identité.
Sur la question de l’évolution de l’organisation territoriale, des communes rurales ont fait le choix, parfois difficile, de se regrouper au sein d’une commune nouvelle pour optimiser leurs compétences et mutualiser leurs moyens. Cette courageuse évolution territoriale modifie le contexte local et confère désormais à ces communes nouvelles une vocation d’offre de services, qui justifierait qu’elles délivrent les cartes d’identité.
Madame la ministre, dans un contexte où la ruralité a besoin de messages positifs de l’État, j’espère que vous pourrez répondre favorablement à ma demande, qui est simplement fondée sur le bon sens venu du terrain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur Delcros, sénateur du Cantal, l’évolution des modalités d’instruction des demandes de cartes nationales d’identité dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération vise à sécuriser la procédure de délivrance et à renforcer la lutte contre la fraude. Ainsi, les données personnelles sensibles recueillies lors de la constitution des dossiers doivent transiter par des réseaux informatiques dédiés et sécurisés, comme pour les demandes de passeport.
Dans un rapport publié en juin 2016, l’Inspection générale de l’administration avait calculé le nombre de dispositifs de recueil supplémentaires qu’il convenait d’installer pour assurer une capacité annuelle de production satisfaisante, dans le respect de l’égalité des territoires. À la fin de l’année 2016, 278 stations supplémentaires ont ainsi été déployées avant que le ministère de l’intérieur n’annonce, en mars 2017, le déploiement de 250 nouveaux dispositifs.
Les préfets ont été informés, en juillet, de la répartition par département de ces stations biométriques qui a été décidée en considération du taux d’utilisation des stations existantes et de la fréquence des délais de rendez-vous supérieurs à 30 jours. Dans les départements répondant à ces critères, il appartient aux préfets, en concertation avec les associations départementales des maires, de répartir ces nouveaux dispositifs.
Dans le Cantal, le taux d’utilisation peu élevé des dispositifs installés ainsi que l’existence de délais de rendez-vous dans les mairies satisfaisants ont amené le ministère à reconduire le dispositif existant.
J’entends parfaitement, monsieur le sénateur, les questions que vous avez soulevées de proximité et d’accessibilité du service public, notamment en zone de montagne ou dans les communes nouvelles qui sont amenées à fournir de nouveaux services. Cela dit, à l’heure actuelle, comme je vous l’ai indiqué, le système a été reconduit dans le Cantal.
Toutefois, les mairies qui le souhaitent peuvent permettre aux usagers, à l’aide d’un simple ordinateur équipé d’un scanner et relié à internet, d’effectuer, dans leurs locaux, une prédemande en ligne, ce qui ne retire pas, toutefois, la nécessité d’une prise des empreintes digitales.
En outre, un dispositif de recueil mobile a été mis à la disposition des mairies dans chaque département, afin notamment de recueillir, de manière itinérante, les demandes d’usagers ayant des difficultés à se déplacer, singulièrement les personnes âgées ou hospitalisées. Dans le cadre d’une convention passée avec le préfet, ce dispositif de recueil mobile peut être mobilisé au profit des communes non équipées, ce qui peut naturellement concerner les communes nouvelles.
L’ensemble de ces mesures traduit les efforts du Gouvernement pour faire face aux questions liées au souci de proximité, mais j’ai bien conscience, monsieur le sénateur, de ne pas répondre complètement à votre désir de voir certaines communes équipées. Je pense tout de même que le plan Préfectures nouvelle génération répond à ce souci de proximité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Ce point précis de la délivrance des cartes d’identité touche un sujet de fond plus général, celui des critères de décision en matière de politique publique. On constate malheureusement, depuis de nombreuses années, que ces critères, en l’espèce le taux d’utilisation ou le délai de rendez-vous, sont purement urbains. Ils ne tiennent pas compte des situations en zone rurale. Certes, dans ces zones, il n’est pas besoin d’attendre trois semaines afin d’obtenir un rendez-vous pour demander une carte d’identité, mais sur des territoires à faible démographie, les vastes espaces entraînent des temps de transport très longs et des difficultés d’accès.
Je suis de ceux qui pensent que la seule politique efficace et juste d’aménagement du territoire est celle qui prend en compte la diversité et apporte des réponses différenciées. L’équité territoriale ne consiste pas à apporter la même réponse à tous, mais plutôt à prévoir des adaptations à la réalité du terrain. Toutes les décisions que nous prenons doivent croiser plusieurs critères, fondés à la fois sur la démographie et l’aménagement du territoire. C’est ainsi que nous réussirons à réduire la fracture territoriale et à adresser des messages positifs à la ruralité.
logement des pasteurs et des rabbins et travaux sur les lieux de culte en alsace-moselle
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteur de la question n° 073, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Christine Herzog. Madame le ministre, pour le culte catholique, dans les trois départements d’Alsace-Moselle, les frais de logement du prêtre desservant et de réparation du presbytère sont répartis entre les conseils de fabrique dont le desservant a la charge et donc, indirectement, entre les communes concernées. Dans la même logique, quelles sont les règles applicables pour les frais de logement, de fonctionnement et de réparation du logement d’un rabbin ou d’un pasteur protestant ? Le cas échéant, je souhaite savoir quels sont les critères administratifs précis de délimitation du ressort territorial à prendre en compte pour définir les communes concernées par la répartition.
Par ailleurs, des interrogations du même type se posent au sujet de la répartition des dépenses de grosse réparation des temples protestants et des synagogues. Cette problématique a été évoquée en détail dans la question écrite n° 440 du 13 juillet 2017, posée par mon collègue Jean Louis Masson. Malheureusement, cette question n’a toujours pas obtenu de réponse de votre part.
Or il y a un vide juridique, car les fabriques catholiques n’ont pas d’équivalent pour les cultes protestant et israélite. Lorsque des travaux doivent être réalisés dans un temple ou une synagogue, je souhaite savoir si seule la commune d’implantation doit assurer le financement ou si celui-ci incombe à l’ensemble des communes concernées. Le cas échéant, je souhaite connaître le critère administratif précis qui délimite les communes concernées.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, s’agissant des frais de logement des ministres du culte d’Alsace-Moselle, il convient tout d’abord de rappeler que les communes ont la charge exclusive du versement d’une indemnité de logement, en l’absence de presbytère ou de logement mis à disposition par ces communes.
Ces modalités sont précisées par l’ordonnance royale du 7 août 1842 relative à l’indemnité de logement des ministres des cultes protestant et israélite, qui prévoit l’intervention du préfet de département pour déterminer le montant de l’indemnité due, ainsi que la répartition de cette charge entre les communes bénéficiant de la desserte cultuelle.
En revanche, les frais d’entretien de ces bâtiments, lorsqu’ils sont mis à disposition des ministres du culte par les communes, ainsi que des édifices du culte, en général, incombent à titre principal aux établissements publics du culte, à savoir, selon chaque culte, la fabrique d’église, le conseil presbytéral ou le consistoire israélite départemental.
Ce n’est qu’en cas d’insuffisance de ressources de ces établissements publics que les communes composant la circonscription religieuse correspondante sont appelées, à titre subsidiaire, à participer à cette charge, en application de l’article L. 2543-3 du code général des collectivités territoriales.
En ce qui concerne le culte catholique, les modalités de cette intervention communale sont précisées par l’article 4 de la loi du 14 février 1810, selon une clé de répartition « au marc le franc », c’est-à-dire au prorata des contributions directes locales de chacune des communes comprises dans le ressort paroissial.
Cependant, aucune disposition équivalente ne s’appliquant aux autres confessions, en particulier au culte protestant pour lequel les communes comprises dans le ressort paroissial n’ont pas été précisément désignées, il est communément admis que pouvait être appliquée, par analogie, la règle de répartition des charges selon le critère fiscal de la loi de 1810 précitée. La fixation des ressorts rabbiniques a, en revanche, fait l’objet de mesures réglementaires permettant d’identifier le cas échéant les communes appelées à participer à ces frais.
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, en vous indiquant que je suis intervenue aujourd’hui, car nous n’avons pas reçu de réponse à la question écrite de juillet dernier.
difficulté d’harmonisation de la compétence scolaire dans le cadre de la fusion d’epci
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 045, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés d’harmonisation de la compétence scolaire dans le cadre de la fusion d’établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI. La loi NOTRe prévoit des délais d’harmonisation qui ne sont pas homogènes : un an pour les compétences optionnelles et deux ans pour celles qui sont facultatives.
Par nature, la compétence scolaire est singulière et a un impact très important sur les charges transférées, selon le périmètre de l’intérêt communautaire retenu.
Les trois étapes du transfert – choix de la reprise, définition de l’intérêt communautaire, réunion de la commission locale d’évaluation des charges transférées, la CLECT – ne peuvent pas être dissociées dans le débat qui doit avoir lieu avant le 31 décembre 2017. Chaque choix est étroitement lié l’un à l’autre et est d’autant plus complexe que, dans certains cas, l’une des communautés exerce pleinement la compétence scolaire depuis de nombreuses années.
On ne peut donc délibérer sur le choix de la reprise, sans être d’accord au préalable sur l’intérêt communautaire, qui lui-même peut supposer une restitution partielle de la compétence. En outre, un accord unanime de la CLECT est requis.
J’ajoute que ces débats se tiennent dans un contexte où les élus doivent aussi mener des discussions importantes sur les reprises de compétences dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations – GEMAPI –, des zones d’activité, ou encore de l’eau.
Madame la ministre, il me semble, dans ce contexte, que le calendrier proposé ne permet pas d’envisager réellement un débat serein et argumenté, d’autant que les ressources humaines ne sont pas toujours disponibles pour éclairer les élus et permettre un véritable travail prospectif.
Serait-il alors envisageable de mettre en place un assouplissement du dispositif, afin, notamment, de donner un délai supplémentaire aux communautés de communes concernées, qui sont confrontées à des arbitrages complexes en termes d’harmonisation de leurs compétences ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Loisier, les délais pour harmoniser la compétence scolaire à la suite de la fusion de deux communautés de communes au sein d’une nouvelle intercommunalité sont distincts selon que la compétence est facultative ou optionnelle.
Dans le cas de compétences facultatives, comme le sont les services en matière scolaire, une nouvelle communauté de communes dispose d’un délai de deux ans pour conserver ou restituer la compétence.
En revanche, pour les compétences optionnelles – dans le domaine scolaire, il s’agit des bâtiments –, ce délai est seulement d’un an. Si elle décide de conserver la compétence optionnelle, la communauté de communes doit ensuite décider de l’intérêt communautaire de la compétence dans les deux ans qui suivent la date de son arrêté de fusion.
Jusqu’à la prise de la délibération actant l’intérêt communautaire, et dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la fusion, un exercice territorialisé temporaire de la compétence « bâtiments scolaires » peut être admis. Au-delà de ce délai, la définition de l’intérêt communautaire permet à la nouvelle communauté de communes de déterminer les composantes de cette compétence qui seront exercées à son niveau.
En outre, jusqu’à la définition de cet intérêt communautaire, et au plus tard dans le délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la fusion, l’intérêt communautaire qui était défini au sein de chacun des anciens établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, ayant fusionné est maintenu.
Si la nouvelle communauté de communes restitue la compétence en matière de bâtiments scolaires à ses communes membres, mais que tout ou partie de celles-ci ne souhaitent pas l’exercer en propre, les communes peuvent la confier à un service commun créé par voie de convention avec l’EPCI dont elles sont membres.
Dans ce cas, il est évidemment souhaitable que la restitution de compétence et la création du service commun soient menées dans les plus brefs délais. À cet effet, il est conseillé au conseil communautaire de prendre une décision de restitution de compétence avec une date d’entrée en vigueur différée.
Cette formule, qui s’applique également en cas de restitution de la compétence en matière de service des écoles, paraît répondre à la préoccupation que vous avez exprimée, madame la sénatrice. En effet, elle permet de conserver la compétence scolaire dans son ensemble à l’échelle du périmètre antérieur, sans avoir recours à la création d’un syndicat.
D’ailleurs, rien n’interdit que les communes décident ultérieurement de transférer de nouveau la compétence à la nouvelle communauté de communes.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je vais réfléchir à cet enchevêtrement de calendriers ! Reconnaissez tout de même que les délais sont courts pour mener toutes ces réflexions, notamment quand on doit prendre en compte aussi le calendrier scolaire pour éviter de déménager des enfants et des équipes pédagogiques en cours d’année.
système d'admission post-bac
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 029, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les dysfonctionnements dans le système d’admission post-bac, dit APB.
Ce portail centralisait jusqu’à présent l’ensemble des démarches d’inscription dans l’enseignement supérieur. Depuis la mise en place du système d’orientation des bacheliers vers différentes formations proposées au niveau supérieur, la complexité et l’opacité du système sont régulièrement critiquées.
Le médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a présenté au mois de juin dernier un rapport dans lequel il souligne la nécessité d’améliorer l’information des familles sur la procédure et rappelle que « l’algorithme utilisé doit être transparent pour tous ».
En juillet dernier, après les résultats du bac, plus de 86 000 candidats n’avaient pas de place dans l’enseignement supérieur, et plusieurs milliers d’entre eux étaient encore dans cette situation à la fin du mois de septembre. Nombre d’entre eux ont le sentiment de jouer leur avenir à la loterie.
Le Gouvernement a déjà annoncé la fin du tirage au sort pour l’an prochain. La procédure d’admission changera de nom et continuera à utiliser un algorithme. Enfin, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, demande au Gouvernement que les décisions ne soient pas prises seulement sur la base d’un traitement algorithmique ; elle lui demande aussi de faire preuve de plus de transparence.
Je souhaite donc savoir, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour rendre la procédure d’admission post-bac transparente et conforme à la loi Informatique et libertés, qui dispose : « Aucune […] décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ».
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Madame la sénatrice Deseyne, dans une décision rendue publique le 25 septembre dernier, la CNIL a fermement critiqué, devant les difficultés rencontrées pendant la campagne 2017 d’APB, l’absence d’un traitement personnalisé et humain des étudiants, ainsi que le manque d’information des lycéens sur le respect des droits qui leur sont reconnus par la loi Informatique et libertés de 1978.
La CNIL confirme donc le constat fait par le Gouvernement dès le mois de juillet dernier : le système APB, tel qu’il est conçu actuellement, est un immense gâchis et ne peut plus répondre de manière satisfaisante à l’enjeu que représente l’accès à l’enseignement supérieur pour les futurs étudiants et leur famille.
Plus récemment, dans son rapport du 19 octobre dernier, la Cour des comptes a appuyé notre position en rappelant l’opacité du fonctionnement algorithmique d’APB et l’absence de fondement juridique à la procédure du tirage au sort.
Le consensus est donc total : il n’y aura plus de tirage au sort, et le Gouvernement veillera à garantir la transparence du nouveau système d’accès à l’enseignement supérieur en y réintroduisant une part d’humain.
Plus largement, la problématique du premier cycle ne saurait se limiter à la question d’APB. Je rappelle que deux tiers des étudiants échouent à obtenir leur licence en trois ans. Nous devons à nos étudiants d’édifier un premier cycle qui leur permette de construire leur réussite plutôt que d’intérioriser dès le plus jeune âge l’échec comme horizon indépassable de leurs efforts.
À cette fin, j’ai lancé le 17 juillet dernier une concertation sociale avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur, afin de déterminer le contenu d’une réforme systémique du premier cycle. Tous les acteurs ont été entendus : établissements et représentants des étudiants, des élèves et de leurs parents.
Nous prendrons prochainement une initiative législative globale sur le fondement du rapport final du recteur Daniel Filâtre qui m’a été remis le 19 octobre dernier, à l’issue de la concertation et des consultations que je conduis actuellement auprès des différents représentants de la communauté de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.
Cette réforme, qui sera globale, permettra d’améliorer la réussite des étudiants. Je puis d’ores et déjà vous annoncer que nous garantirons la transparence du nouveau système en confiant sa gestion à un service à compétence nationale adossé à un comité d’éthique constitué de scientifiques et de juristes. En outre, les mentions légales permettant d’informer les étudiants de leurs droits seront bien entendu mises en évidence sur le nouveau portail.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Nous avons un certain nombre de convergences.
Vous avez engagé une réflexion, mais je pense qu’il est maintenant temps de changer de système. Je souhaite vivement la mise en place d’une orientation bien en amont, qui tienne compte des aptitudes et des souhaits des futurs étudiants, mais aussi et surtout l’instauration de prérequis obligatoires à l’entrée de chaque filière. Ces prérequis rendront l’entrée à l’université plus juste et plus transparente et éviteront à nos étudiants nombre des déceptions et des échecs qu’ils subissent, comme vous l’avez dit, dès la première année.
friches privées et biens “sans maître” dans les centres-bourgs
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 068, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les biens « sans maître » auxquels sont confrontées nombre d’équipes municipales.
L’impossibilité de retrouver les héritiers ou le refus des légataires d’accepter certaines successions immobilières au regard du mauvais état des bâtiments font que de plus en plus de communes sont affectées par des biens non entretenus, souvent au cœur même de leur centre-bourg. Ces biens se détériorant inexorablement jusqu’à devenir dangereux pour la population, les maires sont conduits à prendre des arrêtés de péril avant de devoir les faire démolir aux frais de leur commune.
En effet, les domaines, qui, in fine, deviennent propriétaires de ces biens « sans maître », répondent, lorsqu’ils sont sollicités par les élus, qu’ils ne disposent pas de ligne budgétaire à affecter à ces démolitions ! Ainsi les communes se retrouvent-elles seules à assumer indûment des travaux qui viennent grever des finances locales déjà fortement pénalisées par les baisses de dotation.
À titre d’exemple, je citerai une commune de mon département, la Haute-Vienne – un département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et où nous sommes toujours heureux de vous accueillir –, qui doit faire face à une telle situation : Magnac-Laval, qui, avec 2 000 habitants et un budget communal de l’ordre de 2 millions d’euros, va devoir financer dans les semaines qui viennent la démolition d’un bâtiment en centre-bourg pour un coût de 100 000 euros au minimum, d’autres cas similaires se profilant à brève échéance.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si, et comment, l’État peut accompagner les élus qui ont à faire face, en Haute-Vienne et ailleurs, à de telles situations ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Perol-Dumont, je connais cette problématique pour y avoir été directement confronté dans mes fonctions d’élu local. Il s’agit d’une problématique récurrente, pour laquelle il existe deux procédures.
La première est la procédure de bien en état d’abandon manifeste, prévue aux articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales : après une procédure de constat d’un bien non entretenu et un échange avec le propriétaire, elle aboutit à une expropriation simplifiée pour cause d’utilité publique avec versement d’une indemnité. Certaines collectivités s’en sont d’ailleurs fait une spécialité, comme Joinville, en Haute-Marne.
La seconde est la procédure de bien « sans maître », qui permet une incorporation sans indemnité dans le domaine privé ou public de la commune. Elle est déclenchée pour l’un des deux motifs suivants : soit le propriétaire est connu mais disparu ou décédé depuis plus de trente ans sans qu’aucun héritier se soit présenté, soit le propriétaire est inconnu et les taxes foncières sur l’immeuble ne sont pas acquittées ou le sont par des tiers depuis plus de trois ans.
Ces deux procédures sont peu utilisées, ce qui pose la question de leur opérationnalité. Dans le cadre du plan Villes moyennes, sur lequel nous sommes en train de travailler, j’ai demandé qu’une réflexion soit engagée pour trouver les moyens de les améliorer.
Par ailleurs, je vous rappelle que, s’agissant de biens en état d’abandon manifeste ou faisant l’objet d’un arrêté de péril avec interdiction définitive d’habiter, le dispositif de résorption de l’habitat insalubre de l’Agence nationale de l’habitat peut permettre le financement de la démolition des deux maisons de Magnac-Laval dont vous avez parlé, dans le cadre d’un projet de retraitement de l’îlot. Peut-être cette piste pourrait-elle être utilement explorée. Si je me rends de nouveau en Haute-Vienne, je me tiendrai volontiers à votre disposition pour examiner cette question.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir rappelé les diverses situations et procédures existantes. Reste que les élus locaux, comme vous le comprendrez aisément pour l’avoir été vous-même, rechignent de plus en plus, alors qu’on leur demande constamment de maîtriser leurs dépenses, à faire face à des dépenses totalement improductives !
technologie satellitaire et fracture numérique
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 039, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le ministre, depuis le dépôt du texte de cette question, au mois de juillet dernier, le contexte en matière de technologie satellitaire a bien évolué ; vous comprendrez donc que j’actualise ma question.
En effet, à la suite de votre communiqué de presse du 27 septembre dernier, dans lequel vous avez fixé les orientations de la stratégie d’aménagement numérique des territoires, vous vous engagez à mobiliser l’ensemble des technologies disponibles, dont les solutions satellitaires nouvelles déployées, pour garantir à l’ensemble des foyers dès 2020 un accès au bon débit, c’est-à-dire entre 8 et 30 mégabits par seconde.
Ce mix technologique est une bonne nouvelle. Comme nous le savons, des progrès industriels considérables ont pu être accomplis dans le domaine des télécommunications par satellite ces dernières années. En la matière, la France dispose de grands champions ; je pense notamment à Eutelsat, qui lance un nouveau satellite avec son partenaire ViaSat. Les discussions sont encore en cours, afin d’être opérationnel à bien plus large échelle.
Toutefois, la technologie satellitaire disponible à l’heure actuelle se heurte à un problème de saturation prégnant. Or les collectivités territoriales engagées dans l’aménagement numérique de leur territoire ont besoin de visibilité sur la part des foyers que cette technologie pourrait effectivement permettre d’atteindre, au côté des technologies autres que la fibre.
Aussi, monsieur le ministre, compte tenu à la fois des échéances de votre feuille de route pour un bon débit en 2020 et des contraintes technologiques afférentes au satellite, pouvez-vous nous indiquer précisément dans quelle mesure le Gouvernement souhaite recourir à cette technologie, mais aussi comment les mesures de politiques publiques pourront faciliter la pénétration de cette solution en zone rurale au bénéfice des citoyens et des entreprises ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, votre question initiale était tout à fait pertinente. Vous avez bien voulu dire qu’une réponse importante lui avait déjà été apportée, puisque nous avons indiqué de façon très claire qu’il était opportun de recourir à la technologie satellitaire dans le cadre du mix technologique envisagé pour apporter le bon débit à tous les habitants sur tout le territoire en 2020, la question du très haut débit devant, quant à elle, être résolue en 2022. Sur le fond, donc, nous sommes parfaitement d’accord.
Nous avons demandé aux services de l’Agence du numérique de procéder à une analyse fine, département par département, des bâtiments qui ne disposeront pas d’un accès au haut débit en 2020. Ce travail, réalisé en coordination avec les collectivités territoriales porteuses de projets de réseaux d’initiative publique, sera généralisé d’ici à la fin de l’année à l’ensemble des territoires.
Nous nous inscrivons dans une approche pragmatique pour ce qui est du mix technologique, afin d’essayer de proposer à chaque foyer une solution de connectivité efficace dès 2020. Comme je l’ai indiqué très clairement aux opérateurs, la solution satellitaire aura toute sa place pour garantir une couverture des bâtiments les plus isolés, au même titre que la THD radio ou la 4G fixe des opérateurs mobiles.
En ce qui concerne le satellite, une fois terminé le travail d’identification en cours, nous pourrons déterminer le volume de bâtiments, qu’ils soient d’habitation ou d’entreprise, qui pourront bénéficier d’une connexion satellitaire en 2020. À ce stade, le potentiel est estimé entre 500 000 et 800 000 foyers ; une fois le travail achevé, je pourrai répondre de manière beaucoup plus précise à votre question.
Les modalités de soutien à ces technologies déjà prévues dans le cadre du plan France très haut débit seront revues et améliorées pour permettre la bonne utilisation de cette technique, pour laquelle des progrès majeurs sont réalisés par les industriels de notre pays.
Nous sommes donc tout à fait d’accord, monsieur le sénateur, pour encourager le développement de ces solutions !
élargissement du dispositif fiscal dit “pinel” aux communes situées en zone c
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 071, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Cédric Perrin. Rabotage des aides personnalisées au logement, APL, baisse des loyers, exclusion des territoires ruraux du prêt à taux zéro et des bénéfices de la loi Pinel, et j’en passe… Monsieur le ministre, toutes ces mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2018 mettent à mal les territoires ruraux !
Ce sont tout d’abord les mesures fiscales qui vont les déstabiliser. Ainsi de la loi Pinel, pour ne prendre que cet exemple – le recentrage du prêt à taux zéro répond à la même philosophie.
En quoi l’exclusion de la loi Pinel des zones B2 et C constitue-t-elle un nouveau coup dur pour ces zones moins tendues ? Tout simplement parce que, une nouvelle fois, on concentre l’avantage fiscal, et donc les investissements immobiliers locatifs, dans les territoires déjà urbanisés. Vous réservez les avantages fiscaux aux grandes villes et vous laissez mourir les milliers de zones qui ne sont pas des métropoles !
En effet, vous n’incitez pas les investisseurs à implanter leurs projets dans ces territoires plus reculés et plus fragiles économiquement. Ce sont pourtant ces zones qu’il faut soutenir pour favoriser leur développement ! En les excluant des avantages fiscaux, on les fait perdre en attractivité et on les fragilise encore davantage.
Quant à la réduction des aides personnalisées au logement et aux mesures en matière de logement social, elles reviennent à baisser le budget d’investissement des bailleurs sociaux de 20 à 5 ou 6 millions d’euros pour le Territoire de Belfort.
Quelles en seront les conséquences ? Les opérations neuves et de réhabilitation non lancées ne verront pas le jour et les actions sur le patrimoine, notamment en faveur de la qualité énergétique, seront dégradées. Il faudra alors expliquer aux locataires que, en contrepartie de la mesure populaire de baisse des APL, c’est la dégradation programmée de l’ensemble du parc social que vous allez mettre en marche ! Bref, c’est le retour vers le logement bas de gamme dans les secteurs détendus tels que le mien…
Je note enfin la brutalité de vos annonces, qui mettent à mal tout un écosystème, du bailleur social aux entreprises du BTP en passant par les architectes, les bureaux d’études, les promoteurs, les lotisseurs et les constructeurs.
Monsieur le ministre, il y a sans doute des offices riches, mais tous les bailleurs sociaux de notre pays ne le sont pas, vous le savez bien…
Aussi, face à ce que je qualifierai de désertification rurale organisée, pouvez-vous m’indiquer le montant des économies réalisées par le biais de ces mesures, mais aussi, et surtout, celui des pertes qui résulteront de l’abandon de ces dispositifs ? Le bilan ne risque pas d’être à l’avantage de nos finances publiques…
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que vous nous aviez habitués, sur ces travées, à un pragmatisme et un bon sens à toute épreuve ; j’ai l’impression, et avec moi un certain nombre d’élus des territoires non métropolitains, que ce bon sens a été abandonné par le Gouvernement dans le domaine du logement !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Perrin, le bon sens consiste d’abord à ne pas entrer dans la polémique, surtout lorsqu’elle est injustifiée. Par ailleurs, je n’ai pas tellement de leçons à recevoir en matière de désertification rurale, surtout compte tenu de ce qui s’est passé lors des deux précédents quinquennats, quels qu’aient été les gouvernements.
Ensuite, il faut être précis. S’agissant du dispositif Pinel, qui était l’objet de votre question, la loi de finances pour 2017 prévoyait son ouverture à certaines communes de la zone C, sous réserve d’un agrément du représentant de l’État dans la région après avis conforme du comité régional de l’habitat. Or le décret prévu à l’article 68 de cette loi, celui dont vous déplorez l’absence, a été publié au Journal officiel du 5 mai 2017…
Au demeurant, d’après le dernier bilan établi, moins de vingt communes ont bénéficié de ce dispositif. Telle est la réalité ! C’est la preuve du caractère peu incitatif du dispositif Pinel en zone C…
S’agissant du prêt à taux zéro, conformément à l’annonce du Président de la République, il sera mis en place pour toutes les communes des zones B2 et C pour les deux ans qui viennent, alors qu’il avait été prévu en 2016 que ce dispositif prendrait fin au 31 décembre 2017.
Soyons donc précis, concrets, et reconnaissons les mesures prises. Là est le bon sens !
Je ne parlerai pas de l’absence de baisse de dotation ni de la conservation au plus haut niveau des dispositifs de dotation et de subvention pour les communes. Toujours est-il que le bon sens, monsieur le sénateur, c’est d’avoir une approche équilibrée et juste de ce qui est fait. Je comprends parfaitement que vous ne soyez pas d’accord avec tout, mais, en ce qui concerne le logement, sachez que j’entretiens un dialogue constant avec l’Union sociale pour l’habitat et les bailleurs sociaux…
M. Antoine Lefèvre. C’est très nécessaire !
M. Jacques Mézard, ministre. … et que je fais le maximum pour trouver des solutions constructives dans l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse, mais vous ne pouvez pas affirmer que vous menez une politique juste quand vous privilégiez très clairement les métropoles au détriment des zones moins urbaines, comme le Territoire de Belfort, que je représente. Dans une commune comme Belfort, qui compte plus de 42 % de logements sociaux, les conséquences des décisions prises aujourd’hui seront absolument catastrophiques !
Imaginez la restructuration d’un site hospitalier en 380 logements. Ce ne sont pas les retraités d’Alstom qui pourront faire en sorte qu’un tel programme immobilier aboutisse : il s’agira évidemment de vente en l’état futur d’achèvement, avec possibilité de bénéficier du dispositif Pinel en zone B2.
Remarquez, monsieur le ministre, que je n’ai jamais évoqué la problématique du dispositif Pinel en zone C ; je parle de la zone B2. Si je vous ai interrogé, c’est parce qu’il a été annoncé que seules les communes situées en zone B1 pourraient bénéficier de la loi Pinel, ce qui serait tout à fait désastreux, puisque l’intégralité de l’investissement immobilier serait attirée dans les zones métropolitaines.
Dans des territoires difficiles comme le mien – le ministre de l’économie viendra à Belfort après-demain pour le comité de suivi du plan Alstom –, le bon sens, monsieur le ministre, est de ne pas en rajouter une couche supplémentaire.
Nous sommes dans l’obligation de réhabiliter des friches industrielles ou laissées vacantes par le départ de certaines administrations. Le dispositif Pinel est fondamental pour nous permettre de le faire et de construire de nouveaux logements !
politique éducative en milieu rural
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, auteur de la question n° 050, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Mme Josiane Costes. Monsieur le ministre, ma question concerne des problématiques de politique éducative en milieu rural.
Dans les départements qui connaissent une déprise démographique, les établissements du second degré perdent chaque année des élèves, et leurs internats se vident.
Ainsi, dans les collèges du Cantal, il y avait, à la rentrée 2016, 128 internes ; il n’y en avait plus que 101 à la rentrée 2017, pour environ 600 places disponibles, dont près de 300 rénovées récemment.
La possibilité de mettre en place des « internats liberté » a été évoquée. Comment cette mise en place est-elle envisagée ? Ces internats seront-ils proches des internats de la réussite pour tous, c’est-à-dire des internats que les jeunes choisissent pour les activités spécifiques qui y sont proposées ? Quel appui les collectivités territoriales peuvent-elles apporter à cette mise en place ? Les départements qui font face à des baisses d’effectifs préoccupantes dans leurs établissements du second degré pourraient-ils être prioritaires pour cette expérimentation ?
La seconde partie de ma question concerne les regroupements pédagogiques intercommunaux, ou réseaux d’écoles de territoire.
Lorsque la densité des effectifs est trop faible, les élèves, parfois de très jeunes enfants, sont confrontés à des temps de parcours très longs, particulièrement en zone de montagne. Est-il envisageable que ces territoires puissent bénéficier de mesures dérogatoires afin d’éviter des fermetures d’écoles qui imposeraient des temps de trajet excessifs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Costes, je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui m’a chargé de répondre à votre question.
Lors de l’ouverture de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier, au Sénat, le Président de la République a clairement marqué l’attachement du Gouvernement au service public de l’éducation dans les territoires ruraux. Dans cet esprit, des instructions précises ont été données pour ne pas fermer d’écoles.
Le ministre de l’éducation nationale a également indiqué clairement qu’il souhaitait la poursuite de la démarche de contractualisation entre l’État et les acteurs locaux à travers les conventions ruralité, pour que la totalité des territoires éligibles soient couverts d’ici à la fin de 2018. Vous ne l’ignorez pas, puisque le département que vous représentez est concerné.
L’objet de ces conventions est non pas de transposer le modèle d’une école urbaine en milieu rural, mais de proposer des solutions adaptées aux enjeux démographiques et géographiques de chaque territoire, à partir d’un diagnostic partagé.
En ce qui concerne le collège et le lycée, le ministre de l’éducation nationale souhaite relancer le plan Internat en milieu rural, ce qui correspond à votre question. Actuellement, 200 000 lits sont disponibles en France, mais 20 % sont inoccupés, notamment en milieu rural. Revitaliser les internats ruraux à partir de projets d’excellence au sein des collèges et lycées rendus attractifs est de nature à donner une image positive de ces établissements, qui pourront devenir des lieux de réussite pour les élèves.
Par ailleurs, le ministre de l’éducation nationale souhaite lancer une réflexion sur le rapprochement de l’école et du collège dans la ruralité, sur le plan tant du bâti que pédagogique.
Ces deux ambitions pourraient s’articuler, lorsque les collectivités territoriales et les communautés éducatives sont volontaires, avec la signature de conventions ruralité ou d’avenants à celles-ci.
Je sais, madame Costes, que M. Bruno Faure, le président du conseil départemental de votre département, a proposé par écrit, au ministre de l’éducation nationale, que ce territoire figure parmi les premiers départements à se lancer dans cette opération d’internats d’excellence en milieu rural. Je sais aussi que le ministre a répondu positivement à cette proposition et que nous allons pouvoir nous engager dans la réalisation du projet. J’y prêterai une attention toute particulière.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces paroles encourageantes et rassurantes.
centres de ressources autisme
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 038, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, selon les chiffres établis par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, environ 8 000 enfants naissent chaque année avec un trouble du spectre autistique.
Pour ces 8 000 enfants repérés, l’établissement d’un diagnostic précoce et adapté a permis de connaître le handicap suffisamment tôt pour apporter une réponse avant que ses effets ne deviennent irréversibles. Mais nous ignorons tout des autres enfants nés porteurs du handicap, sans que ce dernier ait pu être dépisté. Beaucoup de familles, en effet, peinent à accéder au dépistage.
Les structures chargées du dépistage précoce de l’autisme, les centres de ressources autisme, ou CRA, ont fait l’objet de virulentes critiques dans un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.
Insuffisamment déployés sur le territoire national, parfois composés de personnes insuffisamment formées, surchargés au point de rendre leurs conclusions après des délais d’attente de près d’un an et demi, ces centres peinent à remplir leur mission.
Le troisième plan Autisme avait fait de la réorganisation du réseau des CRA et de l’homogénéisation de leurs pratiques une priorité. Un décret du 5 mai 2017 a posé quelques « conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement » de ces centres.
Mais est-ce bien suffisant ? Peut-on se contenter d’un seul CRA par région ? Peut-on se satisfaire qu’un CRA doive parfois s’associer à un centre hospitalier spécialisé, autrement dit un hôpital psychiatrique, pour exister ? Comment peut-on tolérer que les recommandations de bonne pratique dont les CRA doivent se faire le relais ne soient nulle part mentionnées ?
Les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique se trouvent davantage exposées aux ruptures de parcours, aux carences de l’offre médico-sociale, à l’inadaptation des solutions actuellement proposées.
Comme vous le savez, l’autisme est un handicap évolutif dont les impacts peuvent être limités lorsqu’un diagnostic suffisamment précoce est posé et communiqué aux familles. Je vous remercie donc de bien vouloir m’indiquer, madame la secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte prendre pour favoriser la diffusion de ces diagnostics.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Votre question, monsieur le sénateur, me donne l’occasion de revenir sur l’une des priorités du quinquennat : le handicap et, plus particulièrement, l’autisme.
Les centres de ressources autisme ont été généralisés depuis plus de dix ans. Ils sont effectivement des acteurs majeurs dans le dispositif de prise en charge et d’accompagnement des personnes avec autisme.
Vous indiquez que le récent décret régissant leur fonctionnement a été établi en 2017, sans concertation avec les usagers. Je veux vous rassurer : la publication tardive de ce décret, qui est travaillé depuis 2014, tient précisément à la durée des concertations et à la difficulté à trouver un point d’accord entre les nombreuses parties prenantes, comme trop souvent dans ce domaine, traversé par des débats et des conflits « plus délétères que féconds », selon l’expression du rapport d’évaluation du troisième plan Autisme.
En l’espèce, il aura donc fallu trois ans pour confirmer, dans le décret de 2017, la place et le rôle central des CRA dans la chaîne repérage, diagnostic et intervention. Non pas toute la place, mais une juste place en tant que centre expert, pour les diagnostics les plus complexes, et centre ressources, pour la formation des équipes de proximité.
C’est une place essentielle pour garantir la fluidité d’un triptyque indispensable à la qualité des prises en charge, conformément aux bonnes pratiques professionnelles établies par la Haute Autorité de santé, la HAS, et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, et pour favoriser l’accès précoce à des interventions adaptées afin d’éviter, comme vous l’avez signalé, l’installation d’incapacités et rendre enfin possible une trajectoire d’inclusion.
Malheureusement, les textes sont aussi longs à être publiés que les pratiques à évoluer !
Je veux le dire clairement, la concentration des diagnostics sur les centres régionaux de ressources autisme est un vrai problème. Elle témoigne de l’insuffisance de la structuration des parcours et, surtout, de celle des outils donnés aux professionnels de santé et aux familles pour assurer une orientation adéquate.
Notre ambition est bien que le nouveau plan, dont la remise est annoncée au début de 2018, permette de remédier au problème.
Je serai, pour ma part, particulièrement attentive à toutes les propositions qui seront faites pour accroître la formation initiale et continue des professionnels de santé. Je sais compter sur l’engagement en ce sens de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, qui est pleinement mobilisée sur le sujet, dans le cadre d’une feuille de route totalement croisée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces propos, qui, en tout cas de par les intentions évoquées et, surtout, de par les problématiques prises en compte, sont rassurants.
Nous attendrons avec impatience les propositions visant à faire évoluer favorablement le fonctionnement de ces centres. Les membres de la commission des affaires sociales du Sénat seront également très ouverts à une participation aux réflexions sur l’évolution du plan Autisme. Il y a là une invitation à venir nous rencontrer !
implantation d'un centre de protonthérapie à toulouse
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 042, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Brigitte Micouleau. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la protonthérapie est une technique de radiothérapie utilisant des faisceaux de protons.
Elle est aujourd’hui reconnue comme la méthode permettant de cibler le mieux une tumeur, tout en épargnant les tissus sains voisins.
Moins toxique que la radiothérapie classique, elle permet notamment de s’attaquer à des cancers développés par l’enfant, tels que des tumeurs neurologiques ou de la colonne vertébrale. Chez l’adulte, ses bénéfices sont indiscutables dans le traitement des cancers de la prostate et des sinus.
Le troisième plan Cancer, qui court sur la période 2014-2019, a prévu la création de nouvelles autorisations pour l’ouverture de centres de protonthérapie.
Il est un fait : le grand quart sud-ouest de la France et, plus largement, le quart sud-ouest de l’Europe sont dépourvus de ce type de centres.
Première métropole de France en termes de développement démographique et économique, Toulouse compte déjà plus de 760 000 habitants et jouit d’une situation géographique qui lui permettrait de répondre de la meilleure des façons aux enjeux d’égalité territoriale d’accès à ce traitement innovant, et ce, sur le plan aussi bien national que continental, du fait notamment de sa proximité avec la péninsule ibérique.
De plus, forte de l’Oncopole, pôle de recherche sur le cancer et l’innovation en santé de dimension européenne, la métropole toulousaine peut déjà compter sur une dynamique médicale et scientifique de très haut niveau.
Mobilisés depuis plus de trois ans sur ce dossier, médecins, chercheurs, ingénieurs, industriels et collectivités territoriales, solidairement rassemblés au sein du projet « protonthérapie et recherche innovante en cancérologie et systèmes », dit PERICLES 2, ont réalisé un travail extraordinaire. Ils n’attendent plus aujourd’hui qu’un signe du Gouvernement pour engager les investissements qu’ils ont provisionnés.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous dès à présent nous préciser le calendrier, ainsi que les modalités pratiques de l’appel à projets de création de ces nouveaux centres de protonthérapie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l’absence de la ministre des solidarités et de la santé, qui n’a pas pu être présente et m’a chargée de vous répondre.
Vous appelez son attention sur le projet PERICLES 2, projet de création d’un centre de protonthérapie, conjoint au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à l’institut Claudius Regaud, centre de lutte contre le cancer.
L’accompagnement des évolutions technologiques et thérapeutiques, ainsi que le déploiement équitable de l’innovation en cancérologie figurent parmi les priorités de la politique menée par le Gouvernement.
J’attire votre attention sur le fait qu’aucun appel à projets pour l’implantation de centre de protonthérapie n’est prévu par le plan Cancer 2014-2019.
Dans le cadre de ce plan Cancer, l’Institut national du cancer, l’INCa, a remis au ministère de la santé son premier rapport sur le développement de la protonthérapie en juillet 2015. Il a mené des travaux complémentaires, en 2016, pour affiner les indications « projetées ».
Se pose dorénavant la question de l’évaluation médico-économique de la protonthérapie, pour laquelle la Haute Autorité de santé doit être saisie. Cette évaluation permettra d’élaborer d’éventuelles recommandations de bonnes pratiques.
Dans cette attente, les agences régionales de santé, les ARS, ont sursis à toute décision d’autorisation en la matière.
Nous ne pouvons que souligner le mérite du positionnement volontariste du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de l’institut Claudius Regaud.
Dans l’attente des orientations nationales, nous invitons ce projet à s’inscrire à moyen terme dans le cadre du processus d’autorisation qui suivra l’élaboration du futur projet régional de santé, ou PRS – celui-ci sera justement révisé à l’aune de ces orientations nationales.
Le projet toulousain pourra également s’inscrire dans des orientations qui découleront du programme national de recherche en santé publique, figurant dans la stratégie nationale de santé, lequel sera mené en étroite collaboration et coordination avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je reste néanmoins inquiète s’agissant de la création de nouveaux centres de protonthérapie. Je regrette ce qui ressemble à un renoncement, bien qu’un engagement de l’État ait pourtant été acté sur ce sujet particulier de santé publique et de lutte contre le cancer. Nous pouvions espérer une autre réponse et une réelle volonté politique.
prise en charge de l'avc en france
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 049, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Maryvonne Blondin. Près d’un mois après la Journée mondiale du cœur et à quelques jours de la Journée mondiale des accidents vasculaires cérébraux – dits AVC –, je souhaite vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur la prise en charge de ces attaques dans notre pays.
L’AVC, il faut le savoir, fait une victime toutes les quatre minutes ! Il représente un enjeu de santé publique majeur, affectant chaque année près de 130 000 personnes et causant 62 000 décès. C’est la première cause de mortalité chez la femme et la troisième chez l’homme, et encore un exemple, d’ailleurs, de l’androcentrisme de la recherche médicale, sujet sur lequel il faudra agir.
Lorsqu’il ne conduit pas au décès, l’AVC constitue la première cause de handicap physique acquis chez l’adulte. Son coût pour l’assurance maladie est par ailleurs estimé à 4,5 milliards d’euros par an.
Je précise que ma région, la Bretagne, est malheureusement très touchée. Elle est l’une des deux régions métropolitaines – l’autre étant les Hauts-de-France – enregistrant le taux de patients hospitalisés pour un AVC ischémique et le taux de mortalité par AVC les plus élevés.
Face à ce phénomène, de nouvelles modalités de prise en charge ont été développées. Outre les traitements médicamenteux, la thrombectomie mécanique représente une avancée médicale capitale, permettant d’augmenter sensiblement les chances de survie des patients et de limiter les risques de séquelles. Encore faut-il que cette technique puisse être disponible sur tout notre territoire !
Si aujourd’hui ces traitements de pointe se développent au sein des unités neuro-vasculaires, unités spécifiquement dédiées à la prise en charge des personnes victimes ou suspectées d’AVC, de nombreuses zones géographiques, en particulier rurales, restent encore trop éloignées de ces structures, avec des temps de transport et d’acheminement bien trop longs. Or le délai de prise en charge d’un AVC est fondamental. On estime qu’une minute perdue représente en moyenne deux millions de neurones en moins !
Il est donc urgent d’assurer à nos concitoyens une réelle égalité d’accès à ces soins.
Je veux ajouter un autre facteur à prendre en compte : la reconnaissance des symptômes de l’AVC.
Ces signaux sont encore trop méconnus, alors qu’ils sont simples à reconnaître, ne serait-ce que la difficulté à sourire, la paralysie temporaire ou le fourmillement. Face à de tels symptômes, il ne faut pas hésiter et appeler le 15 !
Voilà autant d’enjeux liés à la prise en charge de l’AVC, sur lesquels, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller. Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de développement de la prévention, de sensibilisation à la détection des signes de l’AVC et, enfin, d’un accès aux soins rapide et suffisant sur l’ensemble de notre territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. De nouveau, madame la sénatrice, je vous prie d’excuser l’absence de la ministre des solidarités et de la santé.
Les maladies cardio-neuro-vasculaires représentent la deuxième cause de mortalité en France, avec près de 180 000 décès annuels. Elles sont caractérisées par une incidence stable de 150 000 cas par an, avec un taux d’incidence multiplié par deux après 55 ans.
La mise en œuvre du plan AVC 2010-2014 a assuré non seulement une restructuration de la prise en charge de la population au sein de filières AVC, mais aussi le développement d’outils d’aide à la décision pour réduire les délais de prise en charge. Je pense notamment à la télémédecine, avec la téléconsultation, la téléexpertise et la télésurveillance des AVC.
L’innovation thérapeutique que représente la pratique de la thrombectomie mécanique par voie endovasculaire, couplée ou non à la thrombolyse, a montré une récupération quasi totale à trois mois, chez les personnes victimes d’infarctus cérébral, réduisant considérablement les risques de décès et de séquelles.
Les premiers éléments de consensus ont fait émerger l’estimation annuelle d’environ 60 000 à 80 000 AVC susceptibles d’être traités par thrombolyse, dont la moitié avec une association potentielle à une thrombectomie, pour 37 centres de neuroradiologie interventionnelle et 135 unités neuro-vasculaires, ou UNV, dont celle du centre hospitalier régional universitaire de Brest.
Des évolutions organisationnelles au niveau de la prise en charge sont nécessaires, avec le soutien, notamment, de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et de la Haute Autorité de santé, la HAS.
Elles sont proposées par le comité Thrombectomie créé à cet effet en février 2016, et qui réunit l’ensemble des acteurs impliqués, en lien avec les associations de malades France AVC et la Fédération nationale des aphasiques de France, la FNAF.
En novembre 2016, la HAS a annoncé la reconnaissance du service attendu de l’acte de thrombectomie. Cette reconnaissance a été suivie de la création dans la classification commune des actes médicaux, la CCAM, d’un acte Thrombectomie par la CNAMTS en juillet 2017.
Le déploiement de cette activité s’inscrit également dans le calendrier de la réforme du régime des autorisations d’activités de soins, et de celui du troisième cycle des études médicales.
Il repose aussi sur la télémédecine concernant les AVC, ou téléAVC, qui est l’un des éléments clés du parcours de soins. Plus de 30 projets de téléAVC sont inscrits dans les projets régionaux de santé, les PRS.
À ce jour, une montée en charge progressive de l’activité est observée, notamment par un rattrapage dans les territoires sous-dotés en UNV et le travail se poursuit, avec l’ensemble des acteurs et avec un objectif fixé d’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d’État.
Je voudrais ajouter qu’un dispositif expérimental de l’Union européenne – dénommé Spices – sera justement développé dans le pays évoqué tout à l’heure, le Centre-Ouest-Bretagne.
Il s’agit d’un outil de prévention des maladies cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires qui permet d’impliquer tous les acteurs de la communauté médicale, mais aussi tous les acteurs du territoire, autour de la question d’un enseignement le plus précoce possible – par exemple auprès des jeunes à l’école – des symptômes de l’AVC.
Autre remarque, il faut travailler à une recherche médicale centrée sur la femme. Alors qu’il existe une spécificité féminine très forte, les recherches portent sur l’être humain et, en général, sur l’homme. Or les femmes, du fait notamment des traitements hormonaux ou des grossesses, présentent une fragilité particulièrement grande des vaisseaux. La recherche doit le prendre en compte.
désertification médicale
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, auteur de la question n° 052, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Troendlé. Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la problématique des déserts médicaux.
Le Gouvernement, qui a présenté le vendredi 13 octobre 2017 son plan de lutte contre les inégalités d’accès aux soins, n’envisage pas de mesures coercitives afin d’inciter fortement les médecins à s’installer dans les zones déficitaires. Il ne prévoit ni d’augmenter le numerus clausus des étudiants en médecine ni même de le supprimer.
Or les pouvoirs publics vont être confrontés aux défis liés à la couverture médicale de l’ensemble du territoire, plus particulièrement dans les zones rurales et urbaines précarisées.
Ce phénomène de désertification médicale est sans nul doute le résultat d’une conjonction de divers facteurs : un vieillissement des praticiens en activité, un recul des vocations de médecin généraliste, mais également un moindre attrait de l’exercice libéral.
Ces réalités aboutissent à des situations extrêmement difficiles à gérer, telles des fermetures définitives de cabinets médicaux ou encore de maisons de santé « coquilles vides », entravant l’accès aux soins de nombreuses populations.
Je voudrais citer pour exemple la ville de Huningue, dans le Haut-Rhin, comptant 7 000 habitants. Elle se voit privée de médecin généraliste depuis le 1er avril dernier, alors que, dès 2011, l’équipe municipale avait entrepris la création d’un pôle médical au cœur même de la commune, afin de pérenniser la présence des médecins généralistes.
La municipalité s’est toujours montrée très attentive à l’ensemble des requêtes de ces professionnels de santé, tant en matière d’aménagement des locaux – des locaux fabuleux – que sur le calcul équitable des loyers et charges. Mais rien n’y a fait !
La situation est aujourd'hui inacceptable pour les élus locaux !
En réaction, les deux pharmaciens de Huningue ont lancé une pétition afin d’alerter les pouvoirs publics sur la pénurie de médecins. Cette démarche, qui a recueilli en peu de temps 1 150 signatures, s’articule autour de deux idées fortes : une régionalisation des diplômes et une réflexion en vue d’une modification législative qui porterait sur la libre installation des médecins – des propositions qui pourraient figurer dans une réelle et ambitieuse réforme !
Partageant pleinement les légitimes inquiétudes exprimées tant par les patients que par les élus locaux sur ce sujet, partant du constat que toutes les mesures incitatives mises en place jusqu’à présent n’ont jamais atteint leurs objectifs, je souhaite connaître, madame la secrétaire d’État, les mesures que vous souhaitez prendre afin de répondre à cette problématique de désertification médicale, qui affecte désormais tous les territoires.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de la ministre des solidarités et de la santé, madame la sénatrice Troendlé.
Comme vous l’avez souligné, l’accès aux soins est un enjeu majeur pour nos concitoyens. Mais pour y faire face, on ne peut se contenter d’une réponse unique qui serait « la » solution partout, dans tous les territoires.
La réponse ne passe pas uniquement par la présence d’un médecin dans chaque village.
Tout l’objectif du plan qui a été présenté par le Premier ministre et par Mme Agnès Buzyn est précisément d’ouvrir le champ des possibles en matière d’organisation, afin que les acteurs de terrain puissent mettre en œuvre les solutions les plus adaptées à leur situation.
Mme la ministre des solidarités et de la santé ne croit effectivement pas en la coercition ou au conventionnement sélectif. Cette méthode n’a pas démontré sa pertinence dans tous les pays qui l’ont essayée, car il y a toujours des moyens de contourner l’obligation.
En outre, il semble essentiel de construire les réponses avec les professionnels, et non contre eux. Ces derniers sont prêts à prendre leur part de responsabilité, dès lors que nous leur facilitons la tâche en levant les verrous réglementaires.
Aussi, ce plan est pragmatique et présente un panel de mesures destinées aux professionnels de santé et aux acteurs de terrain.
Il s’inscrit autour de quatre objectifs importants : redonner du temps médical au soignant, en facilitant les remplacements, le cumul entre emploi et retraite ou les exercices partagés entre ville et hôpital ; mettre en place la révolution numérique, en généralisant la télémédecine dès 2018 et en équipant toutes les zones sous-denses et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, d’ici à 2020 ; coordonner les professionnels de santé entre eux, en doublant les maisons et centres de santé d’ici à cinq ans, notamment grâce au 400 millions d'euros d’aide à l’investissement issus du Grand Plan d’investissement ; enfin, mettre en place une nouvelle méthode, fondée sur la confiance et le dialogue au niveau de chaque territoire.
Je souhaite donner à l’ensemble des acteurs tous les moyens leur permettant d’organiser ou de réorganiser les soins sur l’ensemble de nos territoires.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 viendra compléter l’annonce de plan, en particulier sur les aspects financiers et réglementaires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des précisions que vous m’apportez. Je voudrais moi-même en formuler quelques-unes…
À propos des maisons de santé, j’ai parlé tout à l’heure de coquilles vides.
Les élus locaux sont prêts à mettre en œuvre de tels dispositifs, mais la principale difficulté – je constate sur ce point un infléchissement du Gouvernement, qui semble avoir compris le problème, mais doit réellement en tenir compte –, c’est que ces projets de maison de santé sont impossibles à mettre en œuvre sans une véritable volonté des professionnels de santé.
S’agissant de la solution de la télémédecine, que vous avez évoquée, je vous mets tout de même en garde : cette solution ne peut être l’alpha et l’oméga des réponses apportées à la problématique.
Je pense tout d’abord que nous allons vers une déshumanisation des soins, mais il s’agit là d’un jugement tout à fait personnel.
Par ailleurs, ces consultations de télémédecine nécessitent la réalisation de plateaux techniques très onéreux et, c’est une évidence, la présence de médecins pour vérifier tous les éléments transitant par ces plateaux.
Enfin, et c’est la problématique principale, évoquée voilà quelques instants, il faut des engagements budgétaires importants ! En particulier, ces plateformes de télémédecine exigent un maillage très fin en matière de réseau à haut débit. Je souhaite que le Gouvernement agisse en ce sens, car, même dans une région bien dotée comme la mienne, des zones grises ou blanches demeurent. Ce maillage est un préalable nécessaire à la mise en place d’une télémédecine efficace !
généralisation de l'autorisation de la procréation médicale assistée en france
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 053, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Daniel Chasseing. Ma question porte sur l’amélioration de la procréation médicalement assistée, la PMA.
Pour toutes sortes de raisons sociologiques, un nombre croissant de femmes, aujourd’hui, retardent l’âge de la maternité. Or, après 35 ans, il est scientifiquement démontré que la fertilité baisse. Le nombre d’ovocytes que peut produire une femme diminue progressivement, ce qui réduit ses chances lors de démarches de PMA, singulièrement pour ce qui concerne la congélation d’ovocytes.
En France, celle-ci ne peut se faire qu’à trois conditions : en cas de traitement médical – notamment une chimiothérapie – ; en cas de don d’ovocytes ; en cas de traitement de fécondation in vitro. Elle n’est pas autorisée dans le cadre d’une démarche d’autoconservation.
En 2016, face à l’intransigeance de la législation française sur la PMA, des praticiens ont pris position publiquement. Le professeur René Frydman, notamment, a cosigné un manifeste avec plus de 130 de ses confrères. Ils y affirment avoir aidé et accompagné des couples et des femmes célibataires dans leur projet d’enfant, dont la réalisation n’était pas possible en France. Ces mêmes professionnels se sont récemment émus de l’absence de positionnement favorable à l’autoconservation ovocytaire.
Ainsi, de nombreuses Françaises vont bénéficier d’un diagnostic génétique embryonnaire ou d’une autoconservation ovocytaire à l’étranger, notamment en Espagne : en 2016, plus de 200 Françaises ont consulté dans une clinique de Barcelone. Mais elles se rendent aussi en Belgique, en Italie, en République tchèque, au Danemark ou en Grèce, voire aux États-Unis ou au Canada – 6 000 d’entre elles, semble-t-il.
Certaines techniques de PMA sont effectivement autorisées dans plusieurs pays, et non en France. De ce fait, elles ne sont pas accessibles aux patientes les moins fortunées, même si la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM, participe au financement à l’étranger.
En conséquence, il paraîtrait logique de permettre à toutes les femmes d’accéder aux évolutions de la PMA, en particulier pour la conservation de leurs ovocytes, ainsi que pour les diagnostics génétiques embryonnaires.
Parallèlement, il faudrait prévoir un encadrement du dispositif et en confier la gestion, sous certaines conditions à déterminer par les organismes représentatifs, à des établissements de santé privés ou publics, contrôlés par les pouvoirs publics.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir me donner votre avis, et par là même celui du Gouvernement, sur cette suggestion.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. L’extension de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules et aux couples de femmes relève de la loi. Elle mérite un débat apaisé.
À l’heure actuelle, la PMA répond aux problèmes d’infertilité des couples hétérosexuels. Or les demandes d’accès à la PMA ont désormais vocation à répondre à d’autres problèmes.
L’homoparentalité et la monoparentalité issues de cette technique sont, dans notre pays, une réalité. Chaque année – des chiffres ont déjà été cités –, 2 000 à 3 000 femmes ont légalement recours à la PMA dans des pays limitrophes.
L’opinion publique évolue, puisque 61 % des Français sont favorables au recours à cette technique par les couples de femmes, alors qu’ils n’étaient que 55 % en 2014.
Le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, a rendu un avis favorable à cette extension, le 15 juin dernier, en demandant de définir des « conditions d’accès et de faisabilité ». Il s’agissait précisément de l’accès à l’insémination artificielle avec donneur aux femmes seules et aux couples de femmes.
L’avis va vers plus d’autonomie pour les femmes, conforté par l’absence de violence engendrée par cette technique et par la relation à l’enfant, satisfaisante, dans ces nouvelles structures familiales.
Le CCNE s’inquiète d’un maintien du statu quo, qui stigmatiserait ces formes familiales.
Cependant, il recommande des conditions d’accès et de faisabilité pour les femmes seules, plus vulnérables, ainsi qu’une gratuité garantie du don de gamètes.
Vous le savez, l’actuelle loi de bioéthique du 7 juillet 2011 sera révisée l’an prochain. Conformément aux dispositions prévues, cette révision sera précédée de la tenue d’états généraux, sur l’initiative du CCNE.
Le sujet de l’extension de la PMA pourra être débattu, au premier semestre 2018, lors de ces états généraux. Ce n’est qu’ensuite que sera élaboré le projet de loi de bioéthique. Il est donc trop tôt pour connaître les dispositions qui seront contenues dans ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Tout cela doit être scrupuleusement encadré, mais l’autoconservation des ovules et le diagnostic embryonnaire – les deux points que j’ai soulevés dans ma question – nous paraissent une bonne pratique médicale. En effet, dans le cas du diagnostic embryonnaire préimplantatoire, une analyse chromosomique est autorisée en France pour les femmes enceintes qui le souhaitent, pour un dépistage anténatal, mais cela reste interdit pour le prélèvement d’une cellule sur l’embryon, avant le transfert in utero, ce qui nous paraît incohérent.
travail dominical pour les laboratoires d’analyse de lait
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 044, transmise à Mme la ministre du travail.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur une incongruité administrative ou sanitaire – vous m’aiderez à la qualifier – relative aux conditions d’autorisation du travail le dimanche pour les laboratoires d’analyse de lait.
Chaînons essentiels de notre industrie laitière, mais également protecteurs indispensables de la santé de nos concitoyens, les laboratoires d’analyse de lait ne bénéficient pourtant pas du même régime que les laiteries concernant le travail dominical.
Contrairement à ces dernières, qui profitent en permanence d’une dérogation au titre des denrées périssables, les laboratoires d’analyse de lait, acteurs essentiels de la santé publique, ont besoin d’une dérogation renouvelable annuellement pour pouvoir travailler le dimanche.
Le laboratoire d’analyse MyLab, reconnu par les pouvoirs publics, situé sur ma commune de Châteaugiron, en Ille-et-Vilaine, s’occupe de l’analyse laitière à destination de 65 laiteries et de près de 20 000 fermes dans la zone Grand Ouest. Il a ainsi attiré mon attention sur cette situation préoccupante.
La dérogation demandée est essentielle pour trois des activités de ces laboratoires : la collecte des échantillons ; l’astreinte pour assurer la conformité à la réglementation sur le critère de résidus d’antibiotiques dans le lait ; l’astreinte pour assurer la surveillance vis-à-vis des critères bactériologiques.
La demande annuelle d’une telle dérogation est donc un frein administratif au bon déroulement de l’activité à caractère sanitaire de ces structures.
Les lourdeurs administratives peu pertinentes – voilà l’incongruité dont je parlais – telles que la nécessaire délibération du conseil municipal de la commune où se situe le laboratoire constituent un véritable problème pour ces laboratoires. C’est une difficulté importante et assez incompréhensible qui peut mettre en danger l’activité de ces acteurs de la santé publique.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaite savoir quelles dispositions vous comptez prendre pour résoudre cette anomalie juridique et – me semble-t-il – sanitaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Gatel, je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Muriel Pénicaud, qui est retenue par les concertations avec les partenaires sociaux sur le deuxième volet de la transformation de notre modèle social.
Vous interrogez le Gouvernement au sujet des conditions d’autorisation du travail dominical des laboratoires d’analyse de lait, plus précisément du laboratoire MyLab, situé à Châteaugiron.
Comme vous l’indiquez, ces laboratoires d’analyse de lait ne bénéficient pas, contrairement aux laiteries qu’ils contrôlent, d’une dérogation permanente au repos dominical au titre du code du travail.
Néanmoins, cette activité d’analyse peut bénéficier d’une dérogation au repos dominical au titre du code rural et de la pêche maritime.
En effet, les articles L. 714-1 et R. 714-1 de ce code le permettent, sous réserve toutefois que les organismes de contrôle laitier relèvent du régime agricole, aux termes du 6° de l’article L. 722-20 du même code.
Or le laboratoire MyLab, bien qu’agréé par le ministère de l’agriculture, relève non pas du régime agricole, mais du régime général. Dans ces conditions, en l’état actuel du droit et à moins d’une modification de son régime d’affiliation, le laboratoire MyLab doit continuer à solliciter auprès du préfet une dérogation temporaire au repos dominical, sur le fondement de l’article L. 3132-20 du code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. J’ai bien compris votre argumentation juridique très pertinente, madame la secrétaire d'État. Toutefois, vous conviendrez qu’il s’agit là d’une activité sanitaire, liée à des obligations de contrôle du lait. J’entends bien votre réponse, mais permettez-moi de souligner une nouvelle fois cette incongruité. Il me semble nécessaire, compte tenu de l’enjeu sanitaire s’agissant d’une denrée périssable, que les laboratoires qui sont obligés de faire ces contrôles bénéficient d’une législation plus ad hoc. Je sais que les communes sont compétentes sur tous les sujets, mais vous avouerez que solliciter l’avis d’un conseil municipal sur celui-ci en particulier, c’est quand même une curiosité française dont on pourrait se passer pour plus d’efficacité et de sécurité.
conséquences inquiétantes de la diminution drastique du nombre de contrats aidés
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 065, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur les conséquences inquiétantes de la diminution drastique et immédiate du nombre de contrats aidés dans nos communes et nos territoires.
Je prends un exemple simple, celui de la commune d’Audincourt, ville de 15 000 habitants, qui, à travers ses associations, se voit profondément impactée par cette décision.
Ainsi, la maison des jeunes et de la culture Saint Exupéry, centre social, situé dans un quartier classé prioritaire, a perdu trois postes – référent famille, secrétariat et comptabilité – en septembre 2017, auxquels s’ajouteront trois autres contrats aidés au cours de la période 2017-2018.
L’association Réussir Ensemble, située également aux Champs-Montants, s’est vu refuser le renouvellement de deux contrats aidés.
L’association Soli-cités, une association d’aide et de soins à domicile, doit normalement renouveler douze contrats aidés d’ici à la fin de l’année, des emplois qui représentent un souffle indispensable pour cette structure.
Les Francas du Doubs nous alertent également, tout comme l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes nous fait part de ses plus vives inquiétudes puisque la perte et le remplacement par des agents des services hospitaliers des quinze contrats aidés que compte cette structure représentent un coût supplémentaire de 65 600 euros, soit une augmentation du prix de journée de 4,35 euros.
Voilà, madame la secrétaire d'État, à l’échelle d’une ville moyenne, un tableau rapide et non exhaustif des conséquences concrètes d’une telle décision. Diminuer drastiquement et sans aucune concertation le nombre d’emplois aidés a non seulement comme conséquence directe le retour à la précarité pour les personnes concernées, mais c’est également un coup porté à la cohésion sociale et aux services rendus aux plus fragiles qui sont directement remis en cause.
Madame la secrétaire d'État, pouvons-nous avoir un débat sur ces questions, afin d’assurer le vivre ensemble dans les quartiers, éviter des drames et, certainement, une remise en cause durable de la cohésion sociale ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Bourquin, je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Muriel Pénicaud, qui est retenue par les concertations avec les partenaires sociaux.
Vous demandez au Gouvernement de maintenir l’ensemble des contrats aidés, alors que vous aviez non seulement sous-budgétisé ce dispositif – 280 000 contrats aidés en loi de finances initiale pour 2017 contre 459 000 en 2016 –, mais aussi consommé plus des deux tiers des crédits de l’enveloppe au premier semestre.
Face à cette situation, et dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, le Gouvernement a pris ses responsabilités en accordant 40 000 contrats aidés de plus.
Ceux-ci sont recentrés sur les publics les plus éloignés du marché du travail et là où ils sont indispensables à la cohésion sociale et territoriale, notamment en direction des communes rurales en difficulté financière extrême.
Au-delà, nous considérons qu’une politique de l’emploi efficace, capable de répondre aux défis à venir, doit s’appuyer sur le renforcement des politiques de formation et d’accompagnement ciblé qui donnent plus d’atouts, de capacités aux personnes qui en bénéficient pour s’insérer durablement dans l’emploi.
C’est le sens du Grand Plan d’investissement compétences, d’un montant de 15 milliards d’euros, de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, mais aussi de la mission que Muriel Pénicaud a confiée à Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, pour apporter des solutions d’insertion innovantes et accompagner également les associations pour une nouvelle gouvernance, ce qui leur permettrait de faire face à ces difficultés financières.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d'État, je regrette que vous ne répondiez pas précisément à mes questions. Que vont faire ces associations si elles n’ont pas ces contrats aidés ? Vous nous parlez de maîtrise des dépenses publiques ; il y a d’autres choix à faire. Vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, vous avez fait des choix. Dans un sondage rendu public aujourd’hui, pour plus de 80 % des Français, le Président de la République est le président des riches. Je suis désolé d’entendre cela. Je pensais que vous auriez des réponses, une volonté de négocier pour essayer de régler le problème des contrats aidés.
Alors que le congrès des maires ruraux du Doubs vient de se tenir, vous nous indiquez que la ruralité serait peu impactée grâce aux mesures prises. Les Francas du Doubs ont fait dire au cours de ce congrès, par le biais d’un rapport, qu’une grande partie des actions périscolaires risquait de disparaître dans ce département.
Je pense que cette politique a été menée à la hâte. S’il y avait une possibilité de renouer le dialogue avec le Gouvernement et de revoir cette politique des contrats aidés, nous pourrions certainement entamer une vraie discussion et, surtout, essayer de sortir de cette situation.
Ces étudiants bénéficiant de contrats aidés pour s’occuper d’enfants en échec scolaire et essayer de les remettre dans le système scolaire, ils mènent des actions sociales indispensables : c’est la lutte contre l’échec scolaire. Tout cela va s’arrêter au mois d’octobre, au mois de novembre, si nous ne trouvons pas une solution.
Parfois, il faut entendre le bon sens. Ce n’est pas une intervention politique partisane que je fais aujourd’hui ; j’essaie d’attirer l’attention du Gouvernement sur un risque grave pour la cohésion sociale dans les quartiers.
politique en matière de tourisme
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 035, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est la première destination touristique mondiale, avec plus de 80 millions de visiteurs en France métropolitaine en 2015.
Représentant 8 % du PIB et deux millions d’emplois directs et indirects, le tourisme est un secteur clé de l’économie française.
Il ne serait pas bon de se reposer sur nos lauriers. Car, nous le savons, l’année 2016 a été très mauvaise en raison des attentats. Nous devons renforcer notre offre touristique et l’attractivité de la France.
Les défis ne manquent pas, au premier rang desquels la sécurité, mais aussi le numérique avec l’e-commerce et le travail à domicile, le tourisme des seniors, le boom du tourisme chinois, une meilleure valorisation du patrimoine, le problème des coûts élevés, la piètre qualité de l’accueil des étrangers, etc.
Nous devons aussi adopter des ajustements en matière de fiscalité pour promouvoir l’investissement, adopter des simplifications administratives.
Je soulignerai deux autres points qui mériteraient l’attention et la vigilance du Gouvernement : d’une part, la question du renouvellement des clientèles, notamment l’adaptation de l’offre touristique aux besoins des jeunes générations ; d’autre part, la question centrale des transports, individuels et en commun. Ce point détermine la capacité de développement des stations.
Concernant la destination Savoie-Mont-Blanc, territoire dynamique dont nous souhaitons développer les atouts « quatre saisons », nous avons de nombreux enjeux, dont la hausse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui pénalise les finances, de même que le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, anormalement élevé dans les communes de montagne.
Les exemples sont nombreux. Je citerai la communauté de communes de la Vallée de Chamonix, dont le FPIC est passé de 2,7 millions d’euros à 3 millions d’euros en 2016.
Il faudrait revenir également sur la législation concernant les unités touristiques nouvelles qui, trop complexe, pénalise les nouveaux projets en pays de Savoie.
De plus, les normes françaises concernant l’hôtellerie familiale pénalisent lourdement la transmission et impliquent des fermetures nombreuses. Inspirons-nous de la Suisse et de l’Autriche.
Concernant les modifications du calendrier scolaire pour une saison de ski plus longue, des efforts ont été faits, mais ils doivent être poursuivis.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles actions le Gouvernement compte-t-il entreprendre en faveur de ce secteur ? Pourriez-vous nous détailler la politique du tourisme qu’il souhaite mettre en œuvre pour atteindre les 100 millions de touristes internationaux en 2020 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, quelle politique du Gouvernement en matière de tourisme ?
Même si la conjoncture du tourisme se redresse en 2017, vous l’avez souligné dans votre propos, il ne faut pas oublier la contre-performance de 2016 – baisse du nombre d’arrivées de touristes internationaux de 2,2 % –, consécutive aux attentats terribles qui ont frappé l’Hexagone. Cela montre que la compétitivité du site France n’est jamais acquise et qu’il ne faut pas se reposer sur nos lauriers, qu’il faut poursuivre les efforts qui ont été engagés, parfois depuis longtemps, au-delà des appartenances partisanes.
La politique du Gouvernement a été définie lors du comité interministériel du tourisme qui s’est tenu à Matignon le 26 juillet dernier et dont les grandes orientations ont été rappelées il y a quelques jours au ministère des affaires étrangères. Elle comprend six axes prioritaires.
Premier axe : la qualité de l’accueil et la sécurisation des sites, facteurs à la fois de satisfaction et de fidélisation des touristes étrangers, en particulier de certaines clientèles plus sensibles que d’autres aux questions de sécurité – je pense à la clientèle chinoise. Cela passe par la rapidité dans la délivrance des visas – des efforts ont été engagés en ce sens – et par la promotion de la marque d’État Qualité Tourisme.
Deuxième axe : la structuration d’une offre touristique pour mettre en valeur l’ensemble des territoires. Le Gouvernement a par exemple mis en œuvre des instruments, comme les contrats de destination – je suis certain que vous en connaissez l’intérêt –, qui permettent de fédérer les acteurs d’un territoire autour d’une stratégie touristique commune de structuration et de promotion de l’offre touristique, afin de rendre l’offre de la destination France plus lisible.
La politique des contrats de destination sera poursuivie en 2018 avec la continuation des premiers contrats qui arrivent à échéance.
Troisième axe : le soutien étatique en matière d’investissements, qui suppose une meilleure mobilisation du fonds France Développement Tourisme, doté de 1 milliard d’euros sur cinq ans. Mis en place en 2015, il a permis de mobiliser des crédits de la Banque publique d’investissement et de la Caisse des dépôts sur les entreprises et projets touristiques porteurs.
Le Gouvernement vient en outre de lancer une mission pour identifier les propositions qui permettront de faciliter la rénovation du parc privé d’hébergements touristiques, notamment dans les stations littorales et de montagne – ces dernières vous sont chères, monsieur le sénateur, et je connais bien, moi aussi, cette région de la Savoie dont vous êtes l’élu.
Quatrième axe : la formation et l’emploi. Le Gouvernement a fait des formations dans le secteur du tourisme l’un des enjeux majeurs du développement du secteur. Il s’agira de poursuivre notamment la montée en puissance de la Conférence des grandes écoles françaises du tourisme, créée en 2016 sur l’initiative du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’éducation nationale. À ce jour, vingt formations d’excellence, dispensées par une douzaine d’établissements, ont été sélectionnées et l’appel à candidatures reste ouvert.
Le Gouvernement souhaite également augmenter le nombre de contrats d’apprentissage dans le secteur, en concertation avec les professionnels, pour développer l’offre des entreprises en direction des moins de 25 ans et lutter efficacement contre le chômage des jeunes. Le secteur touristique est sans doute l’un de ceux qui peuvent nous permettre de juguler le chômage qu’on observe depuis bien longtemps parmi le million de jeunes de moins de 25 ans sans emploi et constitue une ressource importante dans ce combat commun.
Cinquième axe : le soutien à la numérisation et au partage d’informations. Cette action comprend le développement de DATAtourisme, évoqué dès le comité interministériel du 26 juillet dernier, qui agrégera des données touristiques pour les livrer en open data, afin d’en permettre un meilleur usage.
Sixième et dernier axe : l’accès aux vacances pour le plus grand nombre, notamment pour les personnes en situation de handicap – Sophie Cluzel aurait pu vous en parler bien mieux que moi –, au moyen de la valorisation des marques « Tourisme et Handicap » et « Destination pour tous ».
Vous avez évoqué par ailleurs la question de la simplification, politique transversale aux six axes, qui, vous le savez, tient à cœur à ce gouvernement. Un projet de loi lui est consacré et, au-delà, c’est le fil rouge de l’action que le Gouvernement mènera.
En tout cas, nous nous assurerons de la mise en œuvre de ces axes dans le cadre des comités interministériels du tourisme et de leurs comités de pilotage, qui se réunissent tous les trois mois, et dont vous aurez bien évidemment connaissance.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui nous indique les éléments détaillés de la feuille de route tracée par le Gouvernement.
Je rejoins votre propos selon lequel il faudra que nous soyons unis, de façon transpartisane, pour faire évoluer le tourisme, répondre aux enjeux et ne pas nous laisser dépasser par les autres pays.
Quelques points d’alerte s’agissant de nos stations de montagne, que vous connaissez également – j’en profite pour vous renouveler mon invitation, à vous ainsi qu’à votre collègue Sébastien Lecornu, que nous aurons plaisir à recevoir en Haute-Savoie. Nous sommes passés de la première à la troisième place en ce qui concerne les ventes de forfaits journaliers aux skieurs entre 2016 et 2017, loin derrière les États-Unis et l’Autriche. S’agissant de la neige de culture, le taux de couverture en France est de 35 %, contre 48 % en Suisse, 60 % en Autriche et 70 % en Italie.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, il faudra un travail conjoint entre les professionnels du secteur, les environnementalistes et les services de l’État pour que nous puissions conserver cette dynamique.
Encore une fois, je vous remercie de votre réponse, qui, je l’espère, satisfera l’ensemble des acteurs.
référencement des professionnels du tourisme par les grands opérateurs d'internet
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteur de la question n° 037, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur l’état d’avancement des discussions entre les services du ministère chargé du tourisme et les opérateurs présents en ligne référençant les activités touristiques.
Depuis novembre 2016, à la suite de l’évolution des procédures utilisées par ces groupes puissants en situation de quasi-monopole, l’ensemble des offres touristiques présentes sur le territoire de plusieurs collectivités ne sont plus du tout référencées.
De fait, un cloisonnement géographique a été mis en place. Par exemple, avant cette date, une recherche effectuée sur des sites comme TripAdvisor et Booking permettait d’associer au nom « Carcassonne » l’ensemble de l’offre touristique présente sur les communes avoisinantes. Depuis près d’un an, ce n’est plus le cas. À cause du cloisonnement géographique mis en place par ces référenceurs, même un établissement présent à moins d’un kilomètre de la cité médiévale, mais domicilié sur une autre commune que Carcassonne, ne se voit plus identifié dans les possibilités offertes aux clients. Même la communauté d’agglomération se trouve impactée puisqu’elle ne peut plus référencer ses offices du tourisme communautaires en les rattachant à la ville-centre.
Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, c’est fortement dommageable.
À la suite de cette évolution, certaines activités touristiques ont subi une large baisse de fréquentation, allant jusqu’à près de 30 % dans le département de l’Aude. C’est d’autant plus pénalisant que des acteurs touristiques continuent de payer pour être référencés, certains ayant même choisi de s’appuyer principalement sur ces groupes pour assurer leur communication.
Pourquoi une telle situation ? Il apparaît dans les échanges avec ces grands groupes qu’ils ont souhaité standardiser leurs procédures, mais qu’ils ont pris néanmoins conscience des limites de ces dernières, notamment au vu des multiples réclamations dont elles ont fait l’objet.
Monsieur le secrétaire d'État, en raison des enjeux pour les professionnels du tourisme et pour nos collectivités, j’aimerais connaître l’état d’avancement des discussions entre vos services et les grands opérateurs. Je souhaite sincèrement qu’une solution rapide et pérenne puisse être apportée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le tourisme dans nos territoires et la place prépondérante prise par certaines grandes plateformes numériques, que nos concitoyens connaissent bien pour en faire un usage régulier dans la préparation de leurs vacances – encore récemment, j’y ai eu recours pour organiser celles de mes enfants. (Sourires.) De fait, elles sont entrées dans leur quotidien.
Votre question intervient quelques jours après le conseil de pilotage du tourisme, réuni le 10 octobre dernier par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en présence de plusieurs membres du Gouvernement et d’une trentaine de professionnels représentatifs des différentes activités touristiques.
À l’occasion de cette réunion a été annoncé le lancement d’une mission sur le financement de la promotion de la destination France qui devra rendre ses conclusions avant la fin de l’année. L’objectif de cette mission est d’élargir l’assiette des contributeurs à l’opérateur public Atout France et d’y associer plus étroitement les grands acteurs numériques qui bénéficient de ses actions de promotion sans pour autant les financer – en tout cas pas toujours.
L’Union nationale pour la promotion de la location de vacances, qui regroupe notamment les grands acteurs numériques tels que Airbnb, Abritel Homeway, Expedia et TripAdvisor, représentée par son président, a participé à ces travaux et redit sa volonté de contribuer à l’effort collectif selon des modalités qu’il appartiendra aux trois rapporteurs de la mission de définir.
Sur la question plus spécifique du référencement des professionnels que vous soulevez, les services du ministère ont été saisis d’une situation préoccupante à Carcassonne, sur votre territoire. La plateforme TripAdvisor a en effet décidé de changer son découpage territorial et de ne plus faire remonter dans les listes de résultats des internautes que les acteurs géographiquement situés dans la ville, brimant de facto les acteurs situés à la périphérie de Carcassonne, nombreux compte tenu de l’importance de ce pôle touristique dans la région.
Cette situation est évidemment très pénalisante pour ceux qui ont besoin d’être connectés à la marque « Carcassonne » – je n’aime pas assimiler le nom d’une ville à une marque – pour remonter dans les référencements de ce type de plateforme.
Cela ne correspond pas en outre à la logique des contrats de destination – je les ai évoqués dans ma réponse précédente – mis en place dans toute la France pour dépasser les frontières administratives, pas toujours des plus opérationnelles et efficaces, et fédérer les acteurs territoriaux du tourisme autour d’une marque commune.
Le contrat de destination « Pays cathare » est d’ailleurs le reflet de cette ambition et il bénéficie à plein de ce dispositif.
Après plusieurs échanges, TripAdvisor a indiqué avoir pris conscience des problèmes générés par son nouveau découpage territorial et travaille à des fonctionnalités moins restrictives pour les professionnels. La plateforme nous a indiqué traiter le cas de Carcassonne en priorité et doit faire des propositions dans le courant du mois de novembre. Elle est en relation constante avec l’office du tourisme du Grand Carcassonne et les services du Quai d’Orsay pour apporter au plus vite une solution satisfaisante à cette situation pour le moins ubuesque.
Ce cas particulier de Carcassonne n’est pas isolé en France ; d’autres professionnels sont confrontés à cette situation dans nos territoires. Là où existe une difficulté, nous nous employons à faire du sur-mesure, territoire par territoire. Cela soulève la question de la place hégémonique, voire oligopolistique – tel est le terme utilisé voilà quelque temps lors des cours d’économie que je suivais – prise en quelques années par les plateformes numériques dans le secteur du tourisme. Ce sont aujourd’hui des acteurs incontournables avec lesquels il faut collectivement pouvoir travailler, interagir et coopérer, dans un dialogue exigeant, afin que nous atteignions les objectifs ambitieux fixés par le Premier ministre le 26 juillet dernier à l’occasion du conseil interministériel du tourisme, à savoir l’accueil de 100 millions de touristes étrangers à l’horizon 2020 et 50 milliards d’euros de retombées économiques pour la France et l’ensemble de ses territoires.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le secrétaire, vous prononcez bien mieux que moi les anglicismes ! (Sourires.)
Cela étant, votre réponse va totalement dans le sens de mon questionnement. Je m’en ferai l’écho dans mon territoire auprès des opérateurs du tourisme et des représentants des communautés de communes et d’agglomération. Il est évident qu’en ayant placé ces frontières, TripAdvisor a dressé des remparts, alors que, pour Carcassonne, cité médiévale – vous avez mis en avant, et je vous en félicite, la marque « Pays cathare » –, le département de l’Aude a été l’un des premiers à déposer une marque voilà déjà quelques années, grâce au député européen Éric Andrieu.
Alors que nous avions mis en place au fil des années une politique touristique qui se voulait à l’avant-garde et précurseur, nous nous retrouvons avec des personnes qui n’ont plus l’« effet marguerite » voulu autour de Carcassonne pour promouvoir nos châteaux cathares, mais surtout le tourisme des abbayes et des sites remarquables situés dans le département de l’Aude. Or ce département comprend deux villes de moyenne importance, Carcassonne et Narbonne, autour desquelles rayonne le tourisme.
Il faut s’ouvrir au net, mais il ne faut pas, au moment où l’on veut que les frontières tombent pour s’ouvrir à un tourisme international et mondial, se trouver face à ce type de difficultés qui ont vraiment nui aux chambres d’hôtes et aux tables de l’arrière-pays qui bénéficiaient de l’intérêt pour Carcassonne.
situation des personnels recrutés localement par le ministère de l'europe et des affaires étrangères
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteur de la question n° 055, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur la scène internationale, nous sommes reconnus pour notre engagement en faveur des droits de l’homme, pour la protection que la sécurité sociale offre à nos compatriotes et, même si cela est peut-être moins connu, pour la densité et le dynamisme de notre réseau diplomatique et consulaire.
La France permet ainsi à ses ressortissants installés ou de passage à l’étranger de bénéficier d’un réseau en constante évolution et dont nous avons toujours préservé l’universalité.
Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la façon dont votre ministère gère les personnels qui animent ce réseau.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est un employeur atypique : il fait travailler près de 14 000 agents aux statuts très différents, dont un tiers d’agents de droit local. Cette catégorie de personnel regroupe des agents aux profils et aux fonctions très variés, recrutés localement par nos postes et soumis à la législation locale. À l’instar de leurs collègues titulaires, ils doivent en permanence s’adapter à des méthodes de travail qui se modernisent. Dans le même temps, ils sont aussi tenus de respecter le référentiel Marianne qui garantit un accueil efficace et courtois aux usagers dans nos consulats.
Le contexte budgétaire a conduit le ministère, afin de faire des économies, à remplacer, sur certains postes, des agents titulaires par des recrutés locaux dont le traitement salarial est tout à fait différent. Au vu de la forte activité des postes, la contribution de ces agents à notre réseau diplomatique, consulaire et culturel est devenue à la fois incontournable et fondamentale.
Or je suis inquiète de constater, au fil de mes déplacements, la dégradation des conditions de vie de ces agents. Les revalorisations salariales consenties par le ministère sont très insuffisantes au regard du coût de la vie dans les grandes villes comme Toronto, New York, San Francisco, ou encore Istanbul, dont je reviens, où leurs salaires ne sont plus en phase avec l’augmentation des loyers et des transports. Les recrutés locaux célibataires ou ayant une famille à charge ont de grandes difficultés à se loger décemment. Certaines situations individuelles sont tout à fait critiques.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux me résoudre à ce que des agents qui travaillent au service de la France depuis de nombreuses années ne puissent vivre dignement.
Aussi, je voudrais connaître les mesures que vous comptez prendre pour répondre aux préoccupations de ces personnels et, en premier lieu, leur assurer à toutes et à tous des conditions de travail et de vie décentes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Je vous rappelle que le temps imparti pour chaque réponse est de deux minutes, sachant que vos deux interventions précédentes, monsieur le secrétaire d’État, ont duré quatre minutes chacune…
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, quand on aime, on ne compte pas ! (Sourires.) Je vais essayer d’être concis.
Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Vous avez parfaitement raison de souligner la contribution essentielle des agents recrutés localement au bon fonctionnement de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel dans le monde. J’ai moi-même eu l’occasion de bénéficier de la qualité de leur travail lors de mes déplacements récents en Chine, en Corée du Sud ou en Tunisie plus récemment avec le Premier ministre. Ces agents représentent 46 % des effectifs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à l’étranger.
Ce ministère est évidemment très attentif à la situation de ces personnels dans l’ensemble du réseau, en particulier aux États-Unis, compte tenu du coût élevé de la vie en Amérique du Nord. Dans un contexte budgétaire contraint, il s’assure tous les ans que les conditions de rémunération de ces personnels sont adaptées à l’évolution du coût de la vie et à la politique salariale pratiquée chez nos principaux partenaires dans les pays considérés.
Ainsi, 92 pays ont bénéficié au 1er janvier 2017 d’une revalorisation salariale destinée à compenser l’inflation constatée en 2016, pour un montant d’environ 1,7 million d’euros. Contrairement à la pratique des années précédentes, les niveaux d’inflation observés par le Fonds monétaire international ont été compensés intégralement, sans déduction de l’inflation française. Ce point précis répondait à une préoccupation souvent exprimée par les personnels locaux.
Par ailleurs, 22 pays verront leurs cadres salariaux révisés à compter du 1er janvier 2017, afin de les adapter aux conditions locales de rémunération, pour un coût annuel total de plus de 1,6 million d’euros.
Ces montants illustrent l’effort budgétaire significatif consenti par le ministère en faveur des agents de droit local dont l’importance a été soulignée.
Les agents de droit local aux États-Unis ont pu bénéficier, au cours des dernières années, d’augmentations régulières et significatives. Ces revalorisations ont été mises en place sur plusieurs années consécutives.
Sur la base d’une étude des niveaux de salaire offerts aux agents de droit local dans l’ensemble de nos postes aux États-Unis, une revalorisation vient d’être décidée, pour les villes où un décrochage est patent par rapport à nos partenaires européens. Une revalorisation uniforme de 2 % a été accordée aux agents à New York et à San Francisco. Le cas du Canada pourra être étudié de la même manière en 2018.
Les agents de droit local aux États-Unis ont régulièrement bénéficié des augmentations annuelles au titre du mécanisme du coût-vie, sans préjudice des revalorisations structurelles que je viens de rappeler.
En ce qui concerne l’accès aux concours internes de la fonction publique, le ministère étudie plusieurs pistes, à la fois juridiques et statutaires, qui permettraient aux agents de nationalité française d’accéder à des modes de recrutement ouvrant la voie à une intégration dans un corps du ministère. L’action de ces agents au quotidien est déterminante pour le bon fonctionnement de notre réseau diplomatique et consulaire.
Enfin, s’agissant de l’éligibilité à l’indemnisation chômage des recrutés locaux qui rentrent en France, il est exact que le cadre juridique de ce mécanisme de protection ne permet pas d’en faire bénéficier les employés ayant exercé dans notre réseau sous contrat de travail de droit étranger et décidant de rentrer en France. Il s’agit d’un sujet sur lequel nous devrons nous pencher rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir, de fait, répondu à trois questions que j’avais posées. Ces réponses vont dans le bon sens et seront en effet de nature à rassurer ces personnels.
Je veux attirer votre attention sur le fait qu’un certain nombre de postes ont organisé des études comparatives entre les salaires que nous octroyons à nos recrutés locaux et les salaires versés par d’autres ambassades dans leur pays de résidence. Dans trop de pays, la France, et ce n’est pas très glorieux, arrive en queue de peloton. Les revalorisations que vous avez annoncées vont donc vraiment dans le bon sens.
Ainsi, nous observons aujourd’hui, cela a été le cas à Istanbul, qu’un grand nombre de recrutés locaux quittent leur poste, tout simplement parce qu’ils perçoivent des salaires plus intéressants ailleurs, alors que nous avons vraiment besoin de ces personnels bilingues, voire trilingues, dont les compétences techniques sont reconnues. Il est très important de les fidéliser, en les rémunérant à hauteur de ces compétences. Globalement, nos recrutés locaux méritent mieux.
conditions de prise en charge des victimes des cavités souterraines
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 031, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur l’amélioration de la prise en charge de l’indemnisation des dégâts causés par les effondrements de marnières, sujet qui ne peut avoir que de la résonance aux oreilles d’un Normand.
Historiquement, l’exploitation de la craie, aussi appelée marne, était utilisée pour enrichir la terre agricole. Les exploitations souterraines accessibles par un puits sont aujourd’hui de loin les plus nombreuses en Normandie. En effet, les extractions de marne devaient se situer à proximité des surfaces agricoles situées sur les plateaux où la craie est en moyenne à 25 mètres de profondeur. Ces cavités étaient accessibles par un puits, qui permettait de descendre dans des galeries, créant une véritable toile d’araignée souterraine.
En Seine-Maritime, le volume de chaque marnière vide était environ de 250 mètres cubes. Quand la marnière n’était plus exploitée, le puits était refermé et signalé par un arbre. Malheureusement, au fil du temps et des remembrements, ces arbres, généralement isolés au milieu des champs, ont disparu et la mémoire des sites avec eux. Dans le département de la Seine-Maritime, le nombre de marnières est estimé entre 60 000 et 80 000.
Les effondrements de marnières sont aujourd’hui récurrents et présentent un risque réel, tant pour les habitants que pour les constructions. Ils peuvent être dramatiques – les témoignages de victimes sont nombreux –, et leurs conséquences financières très lourdes.
La prévention des effondrements est rendue difficile en raison des difficultés de recensement des cavités et du coût des explorations. Cependant, depuis plusieurs années, sous l’impulsion notamment de mon collègue le sénateur Charles Revet, la législation a évolué pour mieux prendre en compte le dommage résultant de l’effondrement des marnières. Dorénavant, l’état de catastrophe naturelle peut être reconnu sous certaines conditions et le Fonds Barnier permet de financer la prise en charge partielle des opérations de sondage et de comblement.
Face à ces situations récurrentes, les maires jouent un rôle central, au titre tant de leur pouvoir de police, notamment par l’adoption d’un arrêté de péril ou la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, que du relogement des sinistrés. Cependant, l’aide accordée aux victimes demeure trop peu importante et difficile à mettre en place.
Le Gouvernement compte-t-il améliorer le régime applicable aux victimes propriétaires ? Des aides fiscales et financières nouvelles souvent mises en avant sont-elles à l’ordre du jour ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet difficile que nous connaissons bien entre Normands, aussi bien en Seine-Maritime que dans mon département, l’Eure.
L’exploitation passée des marnières, pour extraire de la craie dans le sous-sol, a duré des siècles dans notre région et provoque des effondrements, parfois terribles, vous l’avez rappelé.
Sachez, madame la sénatrice, que l’inventaire national des cavités est toujours en cours en Normandie et qu’il est annuellement enrichi de nouvelles données. Le chiffre que vous indiquiez dans votre question est un minima. On recense aujourd’hui jusqu’à 120 000 marnières, de taille inégale, potentiellement présentes en Seine-Maritime, ce qui illustre l’ampleur du phénomène.
Je vous remercie donc de relayer, dans cet hémicycle, l’inquiétude, et souvent même la détresse, des habitants confrontés à des situations qui peuvent parfois les mettre en danger de façon importante.
Comment aider les victimes ? Aujourd’hui, les communes peuvent prétendre à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, dans le cas d’un effondrement d’une intensité soutenue ou anormale. Cette reconnaissance permet ensuite aux assurés de bénéficier du remboursement des frais de remise en état du bien endommagé.
Néanmoins, sur ce sujet, et nous en sommes parfois les témoins en tant qu’élus locaux, il me semble que l’un des enjeux principaux est la prévention. Cela figurait d’ailleurs au cœur du plan national Cavités, mené entre 2013 et 2015.
Vous l’avez évoqué dans votre question, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, est aujourd’hui le dispositif le plus adapté techniquement et financièrement pour prévenir les risques d’effondrement. Comment s’applique-t-il ? Les travaux de prévention engendrent des coûts importants, qu’il n’est pas toujours évident de prendre en charge.
Aussi, le Fonds Barnier s’applique pour les opérations de reconnaissance et les travaux de comblement ou de traitement des cavités souterraines, avec une subvention à hauteur de 30%, et pour les études et travaux de réduction de la vulnérabilité, prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques, ou PPR, avec une subvention à hauteur de 40 % pour les habitations et de 20 % pour les biens à usage professionnel des petites entreprises.
Au fond, la vraie question est le taux de recours à ce dispositif. Pour répondre à votre interrogation, le Gouvernement doit améliorer la médiation, l’accompagnement des élus locaux sur ce sujet, puisque le Fonds Barnier est peut-être encore trop complexe. Le Parlement et le Gouvernement doivent engager une réflexion commune sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de clarification.
Dans ces situations, nous nous trouvons face à des propriétaires victimes qui connaissent une vraie détresse et à des élus locaux qui n’ont pas tous les outils pour accompagner celles-ci comme ils le souhaiteraient. Certes, des mécanismes existent, mais ils restent aujourd’hui complexes à mettre en œuvre. Il faut travailler à une simplification pour faciliter la vie de ces propriétaires et leur éviter de telles difficultés.
stratégie nationale relative à la présence du loup
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 036, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la stratégie que le Gouvernement compte mettre en œuvre concernant la présence du loup dans nos territoires et tout particulièrement le plan Loup 2018-2023.
Pour que les troupeaux et les loups cohabitent, l’État a instauré un arsenal d’interventions telles que la dissuasion par effarouchement, le tir de défense ou le tir de prélèvement avec un quota annuel de loups qu’il est possible d’abattre.
Une des caractéristiques du pastoralisme dans les Alpes-Maritimes est que les troupeaux restent en extérieur quasiment toute l’année, ce qui explique la raison pour laquelle, en 2016, mon département a enregistré le plus d’attaques de troupeaux – près de 3 000 bêtes – et le plus de tirs de prélèvement – 14 –, selon un décompte de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la DREAL.
Compte tenu de cette particularité, le quota de loups abattables est de 42 jusqu’au 1 er janvier 2018, mais déjà, à l’heure actuelle, 29 loups ont dû être abattus contre 30 à Noël dernier. Ce plafond sera donc vraisemblablement dépassé.
Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a déclaré qu’il souhaitait rencontrer toutes les parties prenantes après l’été 2017, afin de pouvoir définir une stratégie claire pour les prochaines années.
Mais la situation est urgente, les éleveurs sont inquiets face aux premières propositions du plan Loup 2018-2023, qui ne prend pas en compte leur première préoccupation : mieux protéger leurs troupeaux.
La problématique n’est pas spécifique aux Alpes-Maritimes, d’autres départements sont régulièrement frappés par des attaques, comme la Savoie, les Alpes-de-Haute-Provence, le Var, les Hautes-Alpes, l’Isère et la Drôme.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai trois questions.
Pouvez-vous présenter la méthode que le Gouvernement compte employer pour remettre les éleveurs au cœur du dispositif, pour la sauvegarde des activités pastorales et rurales ?
Alors même que la première réunion nationale sur le loup organisée le 22 juin 2017 à Lyon n’a pas été très concluante et qu’une première manifestation d’éleveurs s’est déroulée récemment contre les premières mesures proposées dans le plan Loup, le Gouvernement compte-t-il amender son plan d’action et écouter les éleveurs ?
Enfin, les collectivités locales auront-elles un rôle spécifique dans les territoires concernés par ce plan quinquennal ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, votre question est délicate. Depuis 1992, date du retour naturel du loup en France, la population de loups connaît une augmentation, ce qui pose la question de la cohabitation avec l’élevage et du respect de la biodiversité que représente le loup.
Cette vision d’une cohabitation possible est bien évidemment défendue par Nicolas Hulot, qui suit personnellement ce dossier. Je vous prie d’ailleurs de bien vouloir excuser son absence ce matin. N’ayant pu être présent, il m’a chargé de le représenter.
Quelles actions ont déjà été menées ? Sur ce dossier, nous ne partons pas de zéro. Les différents plans nationaux Loup ont permis la mise en place de mesures indispensables pour financer les moyens de protection des troupeaux, vous l’avez rappelé, indemniser les éleveurs, mais aussi assurer un dialogue entre les différents acteurs.
Dès 2016, et face à l’augmentation de la prédation, vous l’avez également rappelé dans votre question, une démarche prospective a également été lancée pour trouver de nouvelles pistes d’action, à la suite du constat, que nous partageons, de l’insuffisance des dispositifs en place.
Depuis le début du quinquennat, c’est-à-dire depuis seulement quelques mois, des mesures de dérogation à la protection du loup ont été prises pour assurer la défense des troupeaux tout au long de l’année 2017, notamment dans votre département, madame la sénatrice.
Quel est l’objectif visé par le Gouvernement ? Nous voulons aboutir à l’élaboration du prochain plan Loup dès 2018, dont le principal enjeu sera de garantir la viabilité de l’espèce sur le territoire – c’est une nécessité –, tout en contribuant à réduire considérablement la prédation des troupeaux. Cet objectif est bien évidemment partagé par le ministre de l’agriculture et le ministre de la transition écologique.
Quelle est la méthode du Gouvernement ? Nicolas Hulot a décidé de remettre à plat notre politique dans un cadre interministériel, avec des réflexions en cours qui suivent un cap clair.
Premièrement, il faut mener le dialogue – il est indispensable sur un sujet devenu passionnel – avec l’ensemble des parties prenantes, les représentants des éleveurs qu’il faut écouter encore davantage, mais aussi les ONG et les élus locaux. Cela permettra d’entendre le point de vue de chacun, de connaître les difficultés et de trouver des solutions.
Deuxièmement, il convient de garder la vision d’une coexistence entre la présence du loup et le pastoralisme durable que nous devons construire ensemble en opposant moins les uns et les autres.
Enfin, troisièmement, nous avons la conviction, comme vous, que tout n’a pas encore été tenté pour arriver à trouver des solutions.
Quels grands chantiers avons-nous engagés ? Nous travaillons sur plusieurs sujets comme les nouveaux moyens de détection et d’effarouchement des loups. La marge de progression technique est importante sur ce point. Nous œuvrons également sur la résilience du pastoralisme confronté aux prédations. Là aussi, des perspectives d’amélioration sont à noter. Je citerai encore les foyers d’attaque ou l’impact des tirs sur la régulation de la prédation et sur la démographie de l’espèce.
Sachez que, dans le cadre de ce prochain plan, les collectivités territoriales seront appelées à apporter leurs compétences et leurs moyens pour mettre en œuvre plusieurs actions. Je pense notamment à l’accompagnement des éleveurs et à l’amélioration des conditions de vie pastorale. C’est ainsi que l’ont formulé les acteurs locaux lors de déplacements ministériels. Ils souhaitent intervenir dans un esprit de coconstruction à propos du plan Loup 2018. Dans le même état d’esprit que sur d’autres sujets, le Gouvernement les fera participer à la réflexion. C’est le moindre des respects que nous devons aux maires ainsi qu’aux élus consulaires des chambres d’agriculture qui sont confrontés à ces sujets.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, j’apprécie votre volonté d’élargir le dialogue et d’associer autour de la table non seulement les éleveurs, les premiers concernés, mais aussi les agriculteurs, les élus locaux et les associations, et ce pour assurer la survie du pastoralisme. Les éleveurs n’en peuvent plus de la pression qu’ils subissent ; ils n’arrivent plus à exercer leur métier en toute sécurité. La pression doit viser aujourd’hui d’abord le prédateur, le loup.
Des mesures que vous avez annoncées ne font pas encore l’unanimité. Je pense en particulier au tir par effarouchement, que les éleveurs ne considèrent pas comme un bon moyen de dissuasion. Ceux-ci souhaiteraient une réflexion autour de la suppression durant une année du quota concernant le nombre de loups à abattre, en fonction de la spécificité des territoires et sous réserve du maintien d’un nombre minimal de loups. À l’issue du délai d’un an pourrait s’appliquer une clause de revoyure.
L’inquiétude grandit dans les Alpes-Maritimes. L’an dernier, le quota de 30 loups a été atteint. Il est aujourd’hui de 42, sachant que 29 loups ont déjà été abattus. On sait donc qu’il sera dépassé. Il serait peut-être intéressant de conduire une expérimentation dans des départements fortement touchés comme celui des Alpes-Maritimes fondée sur l’idée qu’un quota ne s’impose pas, et de faire appel à la sagesse, au dialogue, à la cohabitation nécessaire entre les éleveurs et les défenseurs du loup, tout en ayant le souci d’assurer la survie du pastoralisme dans nos territoires et de l’élevage en plein air comme c’est le cas dans mon département.
unités de traitement des ordures ménagères résiduelles
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 048, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Philippe Bonnecarrère. Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de traitement des déchets ménagers ? Quelles sont les clés de lecture qui permettraient aux collectivités locales de prendre des décisions pertinentes sur le long terme ? Nous nous inscrivons dans le cadre de l’application de la loi dite de transition énergétique. Nous savons que la valorisation matière des déchets doit atteindre 65 % à l’horizon de 2025 et que l’enfouissement des déchets doit être réduit de 50 % à la même échéance.
Les collectivités intègrent la nécessité d’agir à la source en accordant la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets pour parvenir à l’objectif de réduction de 10 % des quantités de déchets en 2020 par rapport à 2010.
Partout en France, monsieur le secrétaire d’État, des réflexions sont conduites pour adapter les unités de traitement de nos territoires et répondre à nos enjeux. Les investissements à prévoir engagent l’avenir de nos concitoyens qui assument le coût du service de collecte et de traitement des déchets au travers de la taxe ou de la redevance dédiée. Il importe, pour faire les choix technologiques les plus performants, que le Gouvernement donne ses intentions, sa position.
Dans un avis de mars 2017 intitulé Quel avenir pour le traitement des ordures ménagères résiduelles ?, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, semble faire la part belle aux usines d’incinération. Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d’État, que les réticences soient aussi fortes envers les unités de prétraitement des ordures ménagères, alors qu’il s’agit d’installations capables de valoriser de 50 % à 90 % des ordures ménagères entrantes.
Plusieurs opérateurs sont en mesure aujourd’hui de proposer des unités s’appuyant sur les technologies existantes et en prenant partie de produire du combustible solide de récupération, CSR, ou d’utiliser la méthanisation.
Il me semble que l’esprit de la loi de transition énergétique est d’encourager les initiatives innovantes plutôt que de les limiter.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Philippe Bonnecarrère. Je vous demande également de nous éclairer sur la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Prévoyez-vous de l’augmenter dans les années à venir ? À quel rythme ? Pouvez-vous nous donner des objectifs chiffrés qui permettront ainsi aux collectivités d’apprécier la conduite à tenir ?
Technologie, innovation, trajectoire financière : quelle est la visibilité pour nous permettre de prendre des décisions pertinentes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, deux minutes trente pour la stratégie sur les déchets, c’est court ! Je vais tenter d’être concis et efficace.
Quels sont nos objectifs ? C’est la continuité de la loi que le Parlement a votée sur la transition énergétique, comme la continuité dans la volonté de diminuer nos gaz à effet de serre. Vous savez à quel point la question du recyclage permet d’y parvenir. C’est l’un des axes forts du plan Climat qui a été dévoilé par Nicolas Hulot, vous le savez, au mois de juillet dernier.
Au moment même où nous nous parlons dans cet hémicycle, monsieur le sénateur, Brune Poirson est en train de présenter la méthode qui permettra l’élaboration de la feuille de route sur l’économie circulaire, afin de lancer une grande période de concertation avec l’ensemble des acteurs, y compris les élus locaux très fortement engagés dans les syndicats de traitement des ordures ménagères pour lesquels nous devons avoir le plus grand respect et la plus grande écoute.
Comment allons-nous atteindre les objectifs ? C’est la vraie question, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, nous devons beaucoup progresser dans notre pays, vous l’avez dit, en termes de déploiement du tri des déchets. C’est un enjeu majeur. Sur ce sujet, les intentions du Gouvernement sont claires, notamment sur la trajectoire prévue de la TGAP. Conformément à l’engagement du Président de la République pendant sa campagne, nous augmenterons cette taxe collectée sur la mise en décharge et l’incinération d’ici à la fin du quinquennat. C’est là une condition indispensable ! Pour rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge, il faut créer l’effet de levier.
Nous le savons, il est néanmoins nécessaire que cette évolution soit soutenable pour les entreprises et les collectivités territoriales. Cela signifie deux choses : d’une part, monsieur le sénateur, les augmentations ne doivent pas avoir lieu trop tôt, pour laisser le temps aux investissements, conformément à un devoir de prévisibilité, pour ne prendre personne en otage ; d’autre part, nous devons réfléchir en parallèle aux mesures d’incitation et d’accompagnement aux financements de projets pour les parties prenantes. Brune Poirson souhaite d’ailleurs que le Parlement soit associé à cette réflexion.
Vous m’interpellez également sur les installations de tri mécano-biologique, qui permettent d’extraire la fraction fermentescible des ordures ménagères collectées en mélange.
L’expérience française a montré les limites de ces installations. En effet, les procédés utilisés ne permettent généralement pas la production d’un compost de qualité pure : les composts produits contiennent encore, notamment, des morceaux de plastique. C’est pourquoi la loi privilégie explicitement la mise en place du tri à la source des biodéchets et indique, dans ce cadre, que la création d’installations de tri mécano-biologique est désormais non pertinente et doit être évitée.
Je tiens néanmoins à vous rassurer. L’ADEME, dans son avis technique de mars 2017, que vous citez, ne se montre absolument pas opposée au développement d’installations innovantes, à la seule condition qu’elles soient compatibles avec le déploiement du tri à la source, qui est nécessaire pour assurer un recyclage ou un compostage de qualité.
Ces questions très techniques sont parfois difficiles à expliquer à nos concitoyens et même aux élus locaux. Le Gouvernement est donc preneur de vos conseils, monsieur le sénateur, et note votre souhait d’enrichir la trajectoire de traitement des déchets dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. La question posée n’est pas aussi technique que vous voulez bien le dire, monsieur le secrétaire d’État. Les mesures à prendre sur l’ensemble des territoires pour tenir les objectifs nécessitent de mettre en œuvre des investissements à l’échelle d’une génération. On ne peut donc se tromper ni sur les choix financiers ni sur les choix techniques. Nous comprenons bien que le Gouvernement veuille assurer la continuité de l’application de la loi – il n’y a pas de débat sur ce point –, mais pour cela il faut une feuille de route.
Sur la TGAP, vous m’avez indiqué que vous prévoyez son augmentation d’ici à la fin du quinquennat, mais nous avons besoin de savoir quel sera le niveau d’arrivée, à quel rythme se fera l’augmentation… Sans ces éléments, nous ne pouvons pas faire de projections financières.
Vous m’avez également précisé que vous laissez une place à l’innovation. Je me permets d’insister pour qu’elle soit la plus large possible. Cela va au-delà du tri mécano-biologique ; se pose, par exemple, la question de la constitution d’une filière pour le combustible solide recyclable. Le CSR est-il, à vos yeux, une filière d’avenir ? Nous encouragez-vous en ce sens, en complément de l’utilisation de techniques telles que la méthanisation ? Quelle est la part d’innovation que vous nous laissez ?
Vous venez aussi de m’indiquer que le Gouvernement réfléchissait à un accompagnement au projet. Cela signifie des perspectives de subventions. Cela se fera-t-il par la voie de l’ADEME, ou d’une autre manière ? Dans le cadre de ces subventionnements, aurons-nous la liberté des choix technologiques, qui peuvent bien sûr être examinés avec les conseils utiles ? Peut-on combiner financement, subventions et innovation ?
Il vous appartiendra de nous donner ces réponses d’une manière un peu plus précise dans les semaines et les mois qui viennent, faute de quoi nous ne pourrons pas prendre de décisions cohérentes d’investissement.
nuisances occasionnées par la ligne à grande vitesse sud-europe-atlantique
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 062, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nicole Bonnefoy. Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre chargée des transports sur les nuisances occasionnées pour les riverains par la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Tours-Bordeaux.
Depuis le 2 juillet 2017, date de mise en service de cette ligne, les riverains immédiats mais aussi, parfois, les résidents de villages distants de la ligne ressentent les nuisances sonores ou vibratoires occasionnées par le passage des TGV. De l’avis général, ces bruits et vibrations ne sont nullement comparables à ceux qui ont été ressentis lors des essais en amont.
Le concessionnaire de la ligne, LISEA, s’est engagé à réaliser un suivi acoustique tant à l’échelle de l’ensemble de la ligne que sur les sites les plus sensibles, conformément aux normes en vigueur pour une telle situation, en particulier l’arrêté du 8 novembre 1999. La réglementation prévoit que les mesures réalisées prennent en considération le niveau sonore moyen sur deux périodes de référence. Les pics de bruit, qui sont en réalité ce qui affecte le plus les riverains, ne comptent pas aujourd’hui parmi les mesures retenues.
LISEA a également indiqué privilégier, dans sa sélection des sites de suivi, ceux qui sont situés à moins de 100 mètres de la ligne à grande vitesse. Les élus et les habitants des communes impactées demandent en revanche que des mesures soient effectuées dans des lieux situés au-delà de cette limite, notamment les hôpitaux, les écoles et les sites qui accueillent un public sensible, afin d’y prendre en considération les pics de bruit répétés au cours de la journée.
Ces deux points révèlent que le respect de la réglementation en vigueur, sur laquelle LISEA entend se fonder pour réaliser les infrastructures de protection acoustique des riverains, risque de ne pas suffire pour protéger pleinement ceux-ci des nuisances. J’entends dès lors interroger par votre intermédiaire, monsieur le secrétaire d'État, Mme la ministre chargée des transports quant aux possibilités, d’une part, de prendre des mesures de protection complémentaires à celles existant aujourd’hui et, d’autre part, de faire évoluer la réglementation applicable afin d’apporter une meilleure réponse aux préoccupations des riverains de la LGV Tours-Bordeaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, tout d’abord, je tiens à excuser l’absence de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je m’efforcerai de porter devant vous la voix du Gouvernement et de vous rassurer.
Il me faut tout de même acter dès à présent que cette ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux a permis, depuis le 2 juillet dernier, une nette amélioration de la desserte ferroviaire du grand Sud-Ouest et qu’elle était attendue par bon nombre de nos concitoyens depuis très longtemps. Dans le même temps, comme vous l’avez rappelé, c’est aussi un sujet de préoccupation majeur pour les riverains de la nouvelle infrastructure, qui s’inquiètent des nuisances sonores occasionnées.
Le Gouvernement a pleinement conscience de ce problème. Nous avons été saisis directement par des associations d’élus et des parlementaires ; vous le faites encore ce matin, madame la sénatrice.
Quel est le cadre prévu pour ces nuisances sonores ? Les impacts sonores des nouvelles infrastructures de transport sont strictement encadrés par la réglementation. Je veux ici vous confirmer que le concessionnaire, LISEA, devra scrupuleusement respecter les niveaux maximums autorisés. Dans ce domaine, le gestionnaire d’infrastructure a en effet une obligation de résultat, et non pas seulement une obligation de moyen.
Quelles actions sont et seront menées ? Une vaste campagne de mesures acoustiques, sur site, pilotée par le CEREMA, est en cours pour s’assurer du bon respect de ces normes. Il faut savoir de quoi on parle et avoir un instrument de mesure.
Les résultats sont attendus au début de l’année 2018 et seront accessibles aux parlementaires qui s’intéressent à la question. Si des manquements, graves ou relatifs, devaient être relevés, nous imposerons au concessionnaire de mettre en place, à ses frais, les mesures correctrices qui s’imposeront, et ce dans les plus brefs délais.
Mme la ministre chargée des transports a demandé aux services de l’État tant centraux que déconcentrés d’être très attentifs au bon respect de ces dispositions. Je vous invite d’ailleurs, madame la sénatrice, à joindre vos efforts aux nôtres pour vous assurer de ce suivi.
La réglementation doit-elle évoluer ? Tel est aussi, bien évidemment, en creux, votre question. Il existe un débat récurrent – je le connais bien en tant qu’élu local normand – sur la manière dont sont pris en compte les pics sonores en fonction du lieu où les mesures sont faites et de la circulation des trains.
L’objectif du Gouvernement n’est pas de se lancer, en début de quinquennat, dans un débat d’experts ; il s’agit plutôt de répondre rapidement au ressenti des populations et des élus locaux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé aux préfets concernés d’organiser des comités de suivi, qui associent la population, pour veiller au respect de la réglementation par LISEA, mais surtout pour recenser les difficultés apparues et les faire remonter au ministère, ce qui nous permettra d’avoir un dialogue opérationnel et concret avec le concessionnaire.
Quels outils peuvent être mobilisés ? Il faudra examiner avec toutes les parties prenantes les réponses qui peuvent être apportées. Sachez en tout cas que le Gouvernement est déjà favorable à ce que le Fonds de solidarité territoriale de la LGV Sud-Europe-Atlantique soit mobilisé pour toute action visant à améliorer l’insertion environnementale de la nouvelle infrastructure en dehors de l’emprise ferroviaire et au-delà des obligations réglementaires qui s’imposent.
Nous sommes précisément dans ce cas. L’utilisation de ce fonds pourrait donc être activée si des situations particulières étaient détectées et étaient portées par les préfets ou par vous-même à notre connaissance. Dans ce cas, et sous la présidence du préfet coordinateur, un financement pourrait être mis en place. Mme Élisabeth Borne aura en tout cas à cœur de réunir les collectivités territoriales concernées dès le début de l’année 2018, partant du résultat des mesures pour prescrire, éventuellement, un certain nombre de travaux indispensables. Nous sommes mobilisés sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que Mme Borne est soucieuse de cette question et que le Gouvernement essaie d’apporter des réponses. Pour ma part, tout comme pour les riverains, il n’y a pas cinquante solutions, il n’y en a que deux.
La première serait de changer le matériel roulant, pour que ne circulent sur cette ligne que des TGV neufs. Ce sont d’ailleurs ces rames neuves qui roulent entre Paris et Bordeaux et qui ont été utilisées par LISEA dans le cadre des prémesures acoustiques avant l’ouverture de la ligne. Or c’est du matériel ancien qui roule sur la ligne entre Tours et Angoulême, par exemple, et ce sont ces rames, poussées à 300 kilomètres à l’heure, qui occasionnent un bruit effroyable. Ce matériel sera probablement changé, mais dans cinq ans peut-être ; en attendant, c’est lui qui fait du bruit.
La deuxième solution serait de modifier le seuil retenu par la réglementation en la matière. Vous m’expliquez que c’est compliqué, qu’il s’agit d’un débat d’experts. Il n’en reste pas moins que, dans les mesures acoustiques, les pics de bruit ne sont pas retenus ; comme vous le savez, on ne mesure que la moyenne entre les pics et les silences. Or ce ne sont évidemment pas les silences qui posent problème aux riverains ; ce sont les pics ! Il est nécessaire de faire entrer ces derniers dans la réglementation.
Vous avez par ailleurs évoqué l’utilisation du FST, le Fonds de solidarité territoriale, pour les travaux qu’il faudrait imposer au concessionnaire. J’imagine que les élus qui nous écoutent en ce moment vont bondir. En effet, le Fonds de solidarité territoriale vise à offrir aux communes et autres collectivités traversées par la LGV un dédommagement de tous les préjudices qu’ils ont subis pour la construction de la ligne. Si ce fonds est utilisé pour ces travaux, les communes ne pourront donc pas bénéficier des crédits qui leur ont été octroyés.
Je veux bien, à l’évidence, travailler avec le Gouvernement sur ces sujets prégnants. J’ai pu, dans mon département, me rendre chez des riverains de la LGV et constater que le passage de ces TGV engendre un degré de nuisances sonores qui dépasse l’entendement. Je compte donc sur le Gouvernement pour améliorer la situation et faire en sorte que les riverains puissent être satisfaits dans les meilleurs délais.
ligne à grande vitesse montpellier-perpignan
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 072, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Roland Courteau. Lors de l’examen par notre assemblée, voilà quelques années, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord franco-espagnol pour la réalisation de la ligne à grande vitesse transpyrénéenne Perpignan-Figueras, j’avais beaucoup insisté, en ma qualité de rapporteur, sur l’urgence qui s’attachait à réaliser concomitamment le tronçon Montpellier-Perpignan. Les années ont passé, la section internationale Perpignan-Figueras a bien été réalisée, mais la LGV Montpellier-Perpignan est restée au point mort de longues années durant, alors même que la mission Querrien, en 1990, avait annoncé sa réalisation dans les dix années suivantes.
Plus récemment, et fort heureusement, les ministres des transports des précédents gouvernements avaient rassuré élus, populations et acteurs économiques quant à la volonté de l’État de réaliser cette ligne à grande vitesse. L’un des prédécesseurs de Mme Borne avait posé les perspectives suivantes : approbation du tracé à la fin de l’année 2015, réalisation d’une enquête publique à la fin de 2016, puis, en 2018, la déclaration d’utilité publique et, enfin, un chantier d’une durée de quatre à cinq ans. Tout cela avait été précisé à Mme Marie-Hélène Fabre, alors députée de Narbonne.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ce projet fait-il encore partie des priorités de ce gouvernement ? Par ailleurs, quelles suites le Gouvernement entend-il réserver au projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse-Narbonne ?
Je rappelle que le projet de LGV Montpellier-Perpignan représente non seulement un atout économique majeur pour l’essor et le développement de nos territoires, mais également un enjeu en matière de mobilité et de développement durable.
La ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan et l’axe Bordeaux-Toulouse-Narbonne doivent offrir des liaisons structurantes entre les trois métropoles régionales que sont Montpellier, Barcelone et Toulouse. L’enjeu est non seulement local, régional et national, mais aussi européen. La ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan constitue un véritable maillon stratégique sur le plus grand des axes de lignes à grande vitesse européennes. Le statut international de la ligne a été reconnu et il a été admis que son utilité et ses enjeux dépassaient largement ceux du seul tronçon considéré. Cette liaison rapide avec Barcelone et toute la Catalogne constitue un véritable levier économique pour l’eurorégion.
La LGV Montpellier-Perpignan permettrait de garantir tant la continuité des réseaux à grande vitesse entre la France et l’Espagne que les énormes investissements déjà réalisés. Enfin, dois-je rappeler l’union sacrée des collectivités autour non seulement de ces deux projets de ligne à grande vitesse, mais aussi des modalités de desserte des agglomérations, dont la gare de Narbonne-Montredon. Allez-vous me rassurer, monsieur le secrétaire d'État ? Allez-vous dissiper mes craintes ? Quelles sont les véritables intentions du Gouvernement sur ces deux dossiers majeurs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la grande question, on le sait bien, est la suivante : comment financer ces grands projets au vu de l’état des finances publiques, que vous connaissez et que je découvre en tant que jeune membre du Gouvernement ?
La LGV Montpellier-Perpignan requiert un investissement d’un montant de 5,5 milliards d’euros, dont 1,9 milliard d’euros pour une première phase Montpellier-Béziers, qui devait faire l’objet d’une mise à l’enquête publique en 2018, ce que je vous confirme. La liaison Bordeaux-Toulouse-Narbonne, qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique en 2016, représente quant à elle un investissement de 5,9 milliards d’euros.
Ces deux projets nécessiteraient donc un investissement total d’au moins 10 milliards d’euros, qui devra être supporté exclusivement par la puissance publique. En effet, je le rappelle, la « règle d’or » empêche désormais SNCF Réseau de financer les nouveaux projets par sa dette, qui s’élèvera en 2018 à la modique somme de 50 milliards d’euros.
Quelle est la position du Gouvernement sur ces projets ? Le Gouvernement est absolument conscient des fortes attentes des élus et des territoires d’Occitanie sur ces deux projets ferroviaires. Qu’il n’y ait pas de doute sur ce point ! Néanmoins, face à l’impasse de financement à laquelle nous sommes confrontés, le Gouvernement a annoncé, le 1er juillet dernier, une pause de tous les grands projets d’infrastructures de transport.
Mme la ministre chargée des transports, dont j’excuse à nouveau l’absence devant vous, a toujours eu une position claire sur le futur des mobilités : il faut reconstruire nos modes de pensée mais aussi nos solutions. C’est tout le sens de cette pause de travail. Je tiens à vous rassurer : il ne s’agit pas de confondre pause et remise en cause des projets, comme je peux parfois le lire dans la presse quotidienne régionale.
Comment s’y prendre ? Il faut rechercher, d’abord, toutes les optimisations des réseaux existants qui peuvent redonner de la régularité et de la capacité à nos services de transports. C’est une nécessité que nos concitoyens attendent au quotidien.
L’objectif, dans le même temps, est non pas d’abandonner les grands projets structurants pour les territoires, mais bien de les inscrire dans un calendrier réaliste, après avoir mobilisé toutes les optimisations possibles des lignes classiques. Je le dis pour les deux projets dont vous faites état, monsieur le sénateur, mais vous comprendrez que mon propos concerne l’ensemble des projets d’infrastructures que notre pays peut connaître.
Quelle est la prochaine étape ? Les Assises de la mobilité et les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures ont été lancés avec un objectif simple : permettre la construction d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport afin de créer de la visibilité et de la prévisibilité. Cette trajectoire devra être équilibrée entre recettes et dépenses, elle devra être réaliste et, permettez-moi de le dire, elle devra être sincère. En effet, si ces projets ont pris beaucoup de retard, c’est parce que nous avons parfois manqué, dans le passé, de sincérité budgétaire.
Les conclusions de cette démarche feront l’objet d’un projet de loi d’orientation, qui sera présenté au Parlement au premier trimestre de 2018. C’est dans ce cadre que le Gouvernement souhaite la poursuite des réflexions autour des grands projets d’infrastructure de transport, en Occitanie comme dans le reste de la France. J’espère, monsieur le sénateur, que je vous aurai ainsi rassuré.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Voilà un interminable feuilleton ! Comprenez, monsieur le secrétaire d’État, notre lassitude et notre irritation face aux tergiversations des pouvoirs publics depuis des décennies.
Dois-je rappeler que la volonté de favoriser les échanges entre la France et l’Espagne s’est manifestée, en 1992, lors du sommet franco-espagnol d’Albi ? Elle a été réaffirmée lors du sommet de Tolède en 1993. Les deux gouvernements ont décidé la réalisation d’une ligne à grande vitesse à écartement international de Montpellier à Narbonne et Barcelone. Le sommet franco-espagnol de Foix, en 1994, a défini le tronçon de la liaison Paris-Madrid par Montpellier et Barcelone, qui irait de Barcelone à Narbonne, point d’où les futures lignes se dirigeraient vers Montpellier, Paris et Toulouse. Ce tronçon devait, en principe, être mis en service au cours de la période 2002-2005.
Or, aujourd’hui, vingt-sept ans après la mission Querrien, les pouvoirs publics en sont encore à s’interroger, alors que le tronçon Montpellier-Perpignan constitue, sur l’axe reliant l’Europe du Nord au sud de l’Espagne, le seul maillon manquant. Voilà qui explique, monsieur le secrétaire d’État, notre exaspération.
liaison privée « charles-de-gaulle express »
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 064, transmise à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Pierre Laurent. Ma question porte sur la réalisation de la liaison privée « Charles-de-Gaulle Express ».
Au moment même où le Gouvernement fait planer le doute quant à la réalisation pleine et entière du futur réseau Grand Paris Express, dont plusieurs lignes sont remises en cause, il fait preuve d’une obstination qui confine à l’absurde concernant le projet CDG Express. Il me faut d’abord faire remarquer que cette liaison privée aura pour l’usager un coût : le titre de transport est estimé aujourd’hui entre 27 et 29 euros et la tarification du STIF ne s’y appliquera pas.
Les infrastructures nécessaires à la réalisation de cette ligne privée reposent entièrement sur des deniers publics, car la société de projet est abondée en fonds propres par la SNCF et Aéroports de Paris. De source interne à SNCF Réseau, le coût global de ce projet est estimé aujourd’hui à 2,12 milliards d’euros. Pour autant, le CDG Express ne desservirait ni les arrondissements parisiens ni les villes de la banlieue parisienne qu’il traverserait. Nul site olympique ne serait non plus desservi. Ce sont les lignes B et D du RER, impactées négativement par ce projet s’il était réalisé, et la future ligne 17 du Grand Paris Express qui desserviront ces sites. En effet, le CDG Express utiliserait en grande partie le réseau ferré existant, alors que celui-ci est déjà saturé, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences dramatiques pour les usagers des lignes B, E, H, K et P, pour ceux du TER Picardie et pour le fret.
D’un point de vue environnemental – le secrétaire d’État à la transition écologique devrait être sensible à cet argument –, le CDG Express serait également néfaste. Cela est clair au vu des procédures d’expulsion d’extrême urgence qui concernent 29 hectares de terres agricoles sur le territoire de Mitry-Mory, du passage de nouveaux tronçons au cœur d’une zone Natura 2000 ou encore de la dégradation de l’environnement urbain des habitants de la porte de la Chapelle à Paris, dont on connaît déjà l’état actuel et où le train passera 152 fois par jour sous les fenêtres des riverains.
Le STIF estime à 1,5 milliard d’euros le déficit de recettes lié à la perte de ponctualité sur la ligne B du RER, qui transporte chaque jour 900 000 passagers, alors qu’on en prévoit à peine 20 000 sur le CDG Express. Et l’impact financier sur les autres lignes reste à établir !
On le voit, le CDG Express est en exacte opposition à la priorité aux transports quotidiens affichée par le Président de la République. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire. Pas un seul des organismes compétents consultés au sujet du CDG Express – STIF, Autorité environnementale, ARAFER, Cour des comptes et d’autres – n’a manqué de souligner son impact négatif pour les transports du quotidien. Pas un seul n’a manqué de sommer le gestionnaire de fournir des garanties solides sur le sujet. À ce jour, aucune réponse nette et précise n’existe quant à ces questions primordiales.
Monsieur le secrétaire d’État, en un mot comme en cent, ce projet reste inutile et coûteux. Il ne manquera pas d’avoir des conséquences désastreuses sur le transport quotidien des Franciliens. Il faut avoir le courage de l’abandonner. C’est l’engagement que j’attends de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne vais pas vous surprendre : le Gouvernement ne partage pas votre point de vue. Je doute de pouvoir vous convaincre, mais je vais tenter d’apaiser vos craintes.
La qualité de cette liaison ferroviaire est vitale pour l’économie et pour l’attractivité de notre pays et de sa capitale, Paris, dont vous êtes sénateur et qui est la première destination touristique d’Europe. La nécessité de cette infrastructure nouvelle est donc établie pour le Gouvernement. Avec une croissance moyenne du trafic de l’aéroport de 3 % par an, soit un doublement en vingt ans, l’accès à l’aéroport par les autoroutes A1 et A3 est déjà saturé et le RER B ne pourra jamais suffire. Plusieurs raisons justifient clairement et de manière rationnelle ce projet.
Sur l’aspect du transfert modal, ce projet permet d’opérer un transfert de la route vers le fer pour l’accès à l’aéroport, ce qui aura un impact direct sur la pollution de l’air et le changement climatique en décongestionnant les voies rapides du nord de la région parisienne, qui en ont bien besoin.
Par ailleurs, quant au confort des voyageurs, dans le RER, les voyageurs avec leurs bagages et les voyageurs du quotidien se gênent mutuellement. Il y a une forme de conflit d’usage, comme disent les techniciens des questions de transport. Cela est vrai, notamment, à chaque arrêt avec les nombreuses montées et descentes. Le CDG Express permettra donc d’apporter un gain de confort pour tout un chacun.
Où en sommes-nous sur ce projet ? Il a été déclaré d’utilité publique, une seconde fois, en mars 2017 après un avis favorable de la commission d’enquête. Sa construction sera réalisée dans le cadre d’un montage juridique associant SNCF Réseau, Aéroports de Paris et la Caisse des dépôts et consignations. Je tiens, monsieur le sénateur, à vous préciser que le projet sera réalisé sans subventions publiques. Il ne pèsera donc pas sur les financements nécessaires à la modernisation du RER B, puisqu’il sera entièrement financé par la vente de billets sur cette liaison, donc par l’usager, et par une taxe affectée dont s’acquitteront, à partir de 2024, les passagers aériens, hors correspondances, de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Il n’y a donc pas lieu d’opposer le projet Charles-de-Gaulle Express à la modernisation de la ligne B du RER, qui se poursuit et qui contribue d’ailleurs au projet lui-même à hauteur de 150 millions d’euros. Je tiens à vous rassurer sur ce point, puisque j’ai entendu le début de votre question : l’État et la région Île-de-France se sont engagés en faveur des transports du quotidien dans le cadre du nouveau contrat de plan 2015-2020. Une enveloppe totale de 7,5 milliards d’euros est prévue pour les projets de transports collectifs régionaux, dont près de 1,3 milliard d’euros pour les schémas directeurs des RER ; 230 millions d’euros ont d’ailleurs déjà été engagés, depuis 2015, pour le seul RER B.
Enfin, et toujours au profit des voyageurs du quotidien, il faut bien entendu mentionner la réalisation du Grand Paris Express, dont les travaux sont lancés au sud de Paris et qui viendra soulager les lignes existantes. Je doute de vous avoir convaincu, monsieur le sénateur, mais j’espère au moins vous avoir apaisé.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Je vous ai écouté attentivement, monsieur le secrétaire d’État, mais vous ne m’avez en effet absolument pas convaincu et je n’ai rien entendu qui puisse me rassurer ou convaincre des acteurs attachés à la transition écologique. Ce projet est un non-sens de ce point de vue. Il causera des nuisances extraordinaires, il sera déséquilibré et l’investissement réalisé est démesuré et contraire à l’intérêt général.
J’y insiste, ce projet reste une insulte – je pèse mes mots – à la dignité des habitants de Seine-Saint-Denis, de Seine-et-Marne et du nord de Paris, qui verront cette ligne passer sous leurs yeux sans pouvoir y accéder. C’est même le cas des salariés très nombreux – plusieurs dizaines de milliers – de la plateforme aéroportuaire. Il est temps d’arrêter ce type d’aménagement qui ne bénéficie qu’à un très petit nombre d’usagers au détriment de l’immense majorité de ceux qui ont besoin d’une amélioration des transports.
Il faut un autre projet : donner les moyens d’une forte accélération des investissements pour les lignes de RER et, plus particulièrement, pour la ligne B, qui dessert notamment l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Ces investissements pourraient être financés via la création d’une recette dédiée, comme une augmentation de la taxe locale sur les bureaux, que nous proposons.
Par ailleurs, l’une des solutions efficaces et à court terme qui permettrait de désengorger le réseau et, notamment, la ligne B serait d’augmenter la fréquence de la ligne K, ce qui requiert des moyens. Dans le même esprit, il faudrait installer un véritable atelier de maintenance du matériel roulant à Mitry-Mory.
À plus long terme, il faudrait doubler le tunnel entre les stations Châtelet et Gare du Nord, ce qui permettrait d’absorber deux fois plus de trafic pour les RER B et D, et réaliser le bouclage du RER B entre Mitry-Claye et l’aéroport. Voilà un investissement beaucoup plus efficace ! Investir dans du matériel roulant neuf, comme cela a été fait sur d’autres lignes, ne serait sans doute pas de trop.
Je vous encourage donc une nouvelle fois à suivre ces pistes plutôt que de vous entêter dans un projet contraire à l’intérêt général du point de vue tant financier qu’écologique. Vous nous avez dit que les deniers publics ne seraient pas utilisés, mais, quand la ligne sera déficitaire – tout le monde sait qu’elle le sera –, à qui demandera-t-on alors d’éponger le déficit ? Aux deniers publics et aux usagers !
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Pour ce débat, la conférence des présidents a retenu une nouvelle organisation, plus interactive.
L’auteur du débat, en l’occurrence la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes. Nous entamerons ensuite une séquence de questions-réponses. Chaque orateur disposera de deux minutes maximum, y compris la réplique, avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre des armées, mes chers collègues, c’est avec gravité que nous abordons le débat de cet après-midi, dans un monde de plus en plus dangereux, où le terrorisme frappe à nos portes et où la guerre est à nouveau possible, du Moyen-Orient à l’Asie nucléarisée, mais aussi aux frontières de l’Europe, avec l’annexion de la Crimée.
Pourquoi une revue stratégique ? C’est notre commission, par la voix de mon prédécesseur, Jean-Pierre Raffarin, qui avait suggéré dès le mois de juin dernier au Président de la République et à vous-même, madame la ministre, la formule souple d’une revue stratégique plutôt qu’un Livre blanc, pour aller, sans perdre de temps, vers une nouvelle loi de programmation militaire. Au fond, la menace était connue : du terrorisme djihadiste asymétrique jusqu’aux stratégies de puissance dans le haut du spectre – les grandes puissances –, dans un environnement de plus en plus incertain et instable, nous assistions à une accélération de tendances déjà en germe dans le Livre blanc de 2013.
La revue remarquablement menée par le député européen Arnaud Danjean confirme pleinement notre analyse. Je voudrais lui rendre hommage personnellement, car il a accepté de consacrer ses compétences, son temps, voire ses vacances d’été, au service de ce devoir important. Il a su réunir autour de lui une équipe compétente et il nous livre aujourd’hui un diagnostic imparable.
Mettons de côté les deux composantes de la dissuasion, que le Président de la République lui-même, dans sa lettre de mission, indiquait vouloir maintenir et qui sont donc hors du champ du débat. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées souscrit à cette approche, comme nous l’avons dit dans notre rapport d’information de juin dernier sur la modernisation des forces nucléaires.
Ce qui est frappant, c’est évidemment le décalage, le hiatus, pour ne pas dire la contradiction manifeste entre l’aggravation de la menace décrite par la revue stratégique et l’état de nos armées, aujourd’hui saturées d’engagements – je rappelle que plus de 30 000 hommes sont actuellement en opérations intérieures et extérieures – et fragilisées par une décennie d’éreintement et de sous-investissement. Nous en sommes tous responsables !
La description de la menace est saisissante à la lecture de la revue.
Le durcissement des engagements est vécu chaque jour par nos soldats confrontés, au Mali, en moyenne, à un engin explosif improvisé par jour ou, en République centrafricaine, à des scènes dépassant l’horreur.
Une attaque nucléaire n’est plus, aujourd’hui, impensable. Les crises sont dispersées, depuis les immensités sahéliennes jusqu’à la mer de Chine méridionale et même à l’espace extra-atmosphérique.
L’incertitude, la confusion, les menaces hybrides, les postures d’ambiguïté stratégique sèment le doute partout, répandant ce « brouillard de la guerre », parfois jusqu’au cœur de nos alliances. La menace se numérise : cyberattaques sur nos économies et sur nos systèmes politiques, guerre informationnelle et bataille de la communication.
Nos engagements, enfin, sont écartelés entre un temps politique précipité par la pression médiatique et un temps des opérations, lequel se compte en années, voire en dizaine d’années.
Si la revue n’adopte pas d’approche géographique, une priorité euro-méditerranéo-sahélienne se dessine toutefois, avec une attention particulière portée à notre voisinage immédiat, en particulier à la rive sud de la Méditerranée. Nous y souscrivons pleinement : le danger n’est pas loin. Que se passerait-il si un pays à nos rives était déstabilisé ? Cette revue stratégique doit nous inciter à y réfléchir plus activement.
Forts de ce constat, c’est maintenant vers l’étape d’après que nous devons nous tourner : la préparation de la loi de programmation militaire. Or l’état des armées offre, en comparaison, un singulier contraste. Le maintien d’un modèle d’armée complet et équilibré, prôné par la revue, implique, il faut le mesurer pleinement, un considérable effort sur les moyens, car le modèle est bon, mais il est exsangue !
Trente capacités sont nécessaires pour assumer les cinq fonctions stratégiques. Le maintien de certaines d’entre elles est un défi, la revue le dit sans détour : entrer sur le champ de bataille en premier et durer, en particulier. Entrer en premier sur un théâtre d’opérations, c’est pouvoir agir seul, contre tout type d’ennemi, c’est avoir la capacité d’agréger des alliés, c’est conserver son autonomie stratégique. Cela implique non seulement de combler nos lacunes capacitaires bien connues – moyens de surveillance, ravitailleurs, hélicoptères, moyens de transport stratégique… –, mais aussi de mener une action réparatrice de régénération du potentiel et d’intégration de l’innovation pour conserver notre ascendant sur l’ennemi.
Durer, c’est avoir suffisamment de masse, de chair, pour pouvoir tenir. Or les faits sont têtus.
Nos forces armées ont perdu, entre 2008 et 2015, 50 000 effectifs ; la force opérationnelle de l’armée de terre entrerait tout entière dans le Stade de France, elle compte moins d’effectifs que la RATP !
Les véhicules de l’avant blindé ont quarante ans ; il faudra attendre 2028 pour doter tous les fantassins de leur nouveau fusil d’assaut ; quant au pistolet automatique de l’armée de terre, il a soixante ans.
Parmi les pilotes d’hélicoptères de l’ALAT, 20 % d’entre eux ne sont pas aptes aux « missions de guerre », faute d’heures de vol.
Le format de la marine nationale a fondu ; le programme de frégates multi-missions n’atteindra même pas la moitié de sa cible initiale. Pendant ce temps, la Chine produit chaque année l’équivalent du quart de la marine française. Les pétroliers ravitailleurs, d’âge canonique, ne sont pas aux normes environnementales, les patrouilleurs outre-mer, désarmés, ne sont pas remplacés et les hélicoptères Alouette volaient déjà à l’époque de Fantômas !
Les vingt avions de combat de l’armée de l’air engagés en opérations consomment à eux seuls le potentiel de cinquante appareils en pièces détachées. Les ravitailleurs de l’armée de l’air, qui servent à la dissuasion nucléaire, ont cinquante-cinq ans. Mes chers collègues, c’est comme si nous voyagions toujours en Caravelle quand nous prenons l’avion !
Tout cela démontre l’ampleur du besoin de régénération, de réparation et de modernisation.
Je n’évoque pas le secteur sinistré qu’est le soutien, l’éternel sacrifié, ou l’état déplorable du parc immobilier de la défense. Après avoir bradé l’hôtel de l’Artillerie à Sciences Po ou l’îlot Saint-Germain à la Ville de Paris, mieux vaudrait conserver le Val-de-Grâce pour loger les soldats de Sentinelle.
M. Gilbert Bouchet. C’est vrai !
M. Dominique de Legge. Nous l’avons demandé !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Il manque 400 logements pour les militaires en région parisienne. La proportion de logements sociaux destinés aux militaires doit d’ailleurs être augmentée dans l’îlot Saint-Germain : cinquante sur un total de deux cent cinquante, ce n’est évidemment pas assez ! Nous en espérons plus dans votre plan Famille.
Pourtant, nos armées gagnent, elles sont respectées. C’est grâce aux hommes et aux femmes qui y servent ! Je salue ici solennellement, en notre nom à tous, leur valeur et leur force morale. C’est leur courage, c’est leur compétence qui font la différence dans l’affrontement des volontés que constitue la guerre. Je salue également l’effort et les sacrifices consentis par leurs familles.
Dans ce contexte, la remontée en puissance des moyens est indispensable. C’est tout l’enjeu de la prochaine loi de programmation militaire.
Le Sénat avait chiffré en juin dernier à 2 milliards d’euros et 4 500 recrutements l’effort supplémentaire nécessaire chaque année à partir de 2018. Nous n’y sommes pas, même si – j’en donne volontiers acte au Gouvernement – l’inflexion positive, pluriannuelle, clairement affichée, nous permet enfin de sortir d’une décennie de déconstruction. Mais quel paradoxe ! On nous fait miroiter une magnifique remontée en puissance, il ne s’agira en fait que d’une « simple » consolidation. Pourquoi ?
Tout d’abord, parce qu’il faut payer les ardoises du passé. Les impasses se chiffrent en milliards d’euros pour les recrutements Sentinelle non financés, sans parler des conséquences de la régulation budgétaire de 850 millions d’euros en 2017, qui sera évidemment tout sauf indolore. Et ce n’est pas fini ! Quand les 700 millions d’euros restant seront-ils dégelés ? Qui va payer les 360 millions d’euros d’opérations restant à couvrir pour clore le budget de 2017 ?
Ensuite, parce que, sous couvert de vertu budgétaire, la loi de programmation des finances publiques organise un véritable transfert de charge vers la défense pour « neutraliser », voire « siphonner » la hausse des crédits annoncée courageusement par le Président de la République. Attention danger ! La « sincérisation des OPEX » – belle expression… – ou la résorption forcée de la « bosse budgétaire » sont en fait des outils pour vider de sa substance l’effort de défense annoncé par le Président de la République.
Or la défense, c’est aussi 200 000 emplois, de haute technologie et non délocalisables ; c’est le premier budget d’investissement de l’État ; ce sont des investissements de rupture et d’innovation, qui tirent toute l’économie ; c’est également 14 milliards d’euros d’exportations par an.
Nous ne sommes pas seulement confrontés à un enjeu de souveraineté, il s’agit aussi d’une question économique de premier plan, sans parler des dimensions sociale et territoriale, évidentes pour les élus que nous sommes. Les armées intègrent, forment et remettent sur le marché du travail des jeunes qui trouvent un emploi.
Madame la ministre, vous le voyez, il nous reste du travail. Après cette revue stratégique, les choses sérieuses commencent. Vous pouvez compter sur le Sénat, sur notre vigilance et notre combativité pour ne pas laisser les armées aux seules mains des comptables. Il faut reconstituer une force armée solide et apte à répondre fermement aux désordres du monde. La revue stratégique en démontre la nécessité, mais notre plus forte exigence reste la sécurité de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dès son élection, le Président de la République a souhaité que soit menée une revue stratégique. Cette étude avait un objectif : produire une analyse fine et complète de la situation stratégique internationale et en tirer les conséquences pour notre défense. J’ai confié ce travail à un comité d’experts venus de toutes les disciplines et présidé par M. Danjean, qui a abouti à cette revue stratégique à la fois lucide et ambitieuse pour nos armées, fixant un cap clair et une vision pour la prochaine loi de programmation militaire.
Dans quelques instants, je répondrai aux questions que ce document pose sur notre environnement stratégique et l’avenir de notre défense. Je suis particulièrement heureuse de pouvoir le faire par ces échanges que vous avez voulus plus libres et plus francs et qui permettront d’aborder vos interrogations – celles de la représentation nationale – sans tabou ni fausse pudeur, ce qui est précisément l’objectif de la revue stratégique.
Ce travail était un exercice ambitieux. Il visait, bien sûr, à actualiser l’analyse menée dans le Livre blanc de 2013. Depuis quatre ans, le monde a sans doute changé plus vite et plus fortement que nous nous y attendions. Plus largement, cette revue a permis d’identifier les intérêts de la France dans un contexte particulièrement imprévisible et mouvant. Elle prépare l’avenir de notre défense, définit notre vision en France et en Europe et, enfin, établit les aptitudes requises pour atteindre notre ambition.
La revue stratégique fait d’abord un constat : aujourd’hui, la France est plus sollicitée et plus engagée qu’elle ne l’a été depuis longtemps. La menace du terrorisme djihadiste reste centrale pour notre sécurité. Nos ennemis ont changé d’organisation, de visages, de noms, mais ils sont encore plus violents et peut-être encore plus déterminés. Ne nous y trompons pas, la prise de Raqqa et la défaite, sans doute très proche, de Daech ne signifient pas la fin du terrorisme, de son idéologie et de sa barbarie.
À cette menace s’ajoute une instabilité croissante aux portes de l’Europe. J’ai à l’esprit les vulnérabilités persistantes dans le Sahel, la déstabilisation durable du Proche et du Moyen-Orient ou la crise migratoire, mais aussi des phénomènes plus larges qui nous touchent et qui appellent le monde entier à s’adapter : les risques pandémiques, les dérèglements climatiques, les trafics ou la criminalité organisée.
Face à ces menaces, la France répond fermement et chaque fois que c’est nécessaire. Elle est impliquée dans un grand nombre d’opérations, supérieur à nos prévisions. Nos armées sont très sollicitées, à l’extérieur comme sur le territoire national, avec pour conséquence une forte mise sous tension de nos capacités et de nos ressources.
La revue stratégique, ensuite, prend acte de ce que nous soupçonnions déjà : l’équilibre du monde tel que nous le connaissions à la sortie de la guerre froide est révolu. L’environnement stratégique est aujourd’hui articulé autour de multiples pôles dont les équilibres, les forces et les intentions sont changeants et parfois imprévisibles. Chaque État cherche à affirmer sa puissance, notamment militaire, et entre dans une logique de compétition pour l’accès aux ressources, pour le contrôle des espaces stratégiques et pour l’armement.
C’est l’objet d’un troisième constat dressé par la revue : nos forces sont plus contestées et nos ennemis plus équipés et mieux armés. La diffusion des technologies et la dissémination d’équipements conventionnels modernes ont permis à certains acteurs de détenir et de maîtriser des capacités qui, il y a peu, étaient seulement accessibles à certains États.
Les terrains de conflits évoluent eux aussi. À la terre, à la mer et aux airs, qui nous étaient familiers, s’ajoutent désormais l’espace et le cyberespace. Ceux-ci sont devenus des domaines d’affrontement à part entière, impliquant des acteurs parfois inconnus ou intraçables, dont les actes peuvent avoir des conséquences dramatiques sur notre sécurité et sur le quotidien de nos concitoyens.
Enfin – c’est le quatrième constat issu de la revue stratégique –, les nouvelles technologies ont radicalement changé nos forces et nos vulnérabilités. Elles représentent une opportunité formidable. L’intelligence artificielle, la robotique ou les biotechnologies déboucheront sans doute sur des applications militaires décisives. Cependant, la révolution technologique est aussi un enjeu, car nous devons la saisir pleinement, sous peine d’être dépassés. Enfin, elle peut également devenir une source de vulnérabilité. C’est pourquoi l’espace numérique, dans son ensemble, doit se trouver au centre de nos priorités.
Dans cet environnement stratégique à la fois instable et imprévisible, la France est et restera une puissance majeure. Elle continuera à intervenir partout où ses intérêts sont menacés. Sa voix sera entendue, écoutée et respectée.
Notre autonomie stratégique n’est pas négociable. Nous la consoliderons, notamment en renouvelant les deux composantes de la dissuasion nucléaire. Nous poursuivrons nos efforts en faveur du renseignement et nous renforcerons de front les cinq fonctions stratégiques : dissuasion, prévention, protection, intervention et connaissance et anticipation, en prêtant une attention particulière à la prévention des risques et des conflits.
L’assurance de notre autonomie stratégique passe également par un modèle d’armée complet et équilibré. C’est le gage de notre souveraineté comme de notre liberté. Nous devons être en mesure de détenir toutes les aptitudes et toutes les capacités pour répondre à toutes les menaces.
Nous protégerons et nous garantirons notre autonomie totale dans les domaines de la dissuasion, de la protection du territoire et de ses approches, du renseignement, du commandement des opérations, des opérations spéciales ou de l’espace numérique. Dans les autres champs, nous mènerons les partenariats et les coopérations nécessaires pour assurer la pleine capacité d’action de nos forces.
Nous assumerons pleinement notre dimension européenne. Nous avons tout intérêt à ce qu’une défense européenne puisse se construire autour d’intérêts partagés. La France, comme l’a indiqué le Président de la République à la Sorbonne le 26 septembre dernier, sera à l’initiative de cette dynamique. Nous avancerons avec ceux qui le peuvent et ceux qui le souhaitent. Nous assumerons également pleinement nos responsabilités au sein de l’OTAN et nous renforcerons nos partenariats bilatéraux partout dans le monde.
Quand je parle d’Europe, je pense aussi à notre industrie. Nous devons accompagner et encourager le développement d’une industrie européenne de défense solide et réputée. Plus largement, l’industrie et la recherche doivent être au fondement de notre stratégie. C’est un socle économique puissant, une garantie du succès de nos exportations comme de notre innovation.
L’innovation, justement, nous devons la prendre à bras-le-corps, en faire notre force et notre moteur. Je parle d’innovation technologique, de recherche, mais également de cet esprit d’innovation qui doit guider toutes les femmes et tous les hommes de la défense. L’audace doit les accompagner dans leurs décisions, dans la recherche de processus plus efficaces, dans la modernisation de notre action. Cet esprit d’innovation est une condition pour l’attractivité de la défense, pour l’efficacité de nos missions et donc pour la sécurité et la liberté des Français.
Cette revue stratégique nous offre un apport immense : identifier nos aptitudes prioritaires et agir, agir vite et fermement. Ce sera précisément l’objet de la prochaine loi de programmation militaire à qui la revue donne un corps et une vision. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour la réplique.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Je tiens à remercier Mme la ministre des engagements très forts qu’elle a pris. Comme je l’ai dit, nous l’accompagnerons. Je veux simplement la mettre en garde contre les dangers qui, au-delà de Bercy, nous guettent. L’actualité récente nous fournit quelques sujets d’inquiétude : il faut absolument que le Gouvernement obtienne que les militaires soient exclus de la directive sur le temps de travail, faute de quoi des milliers d’emplois disparaîtront de nouveau – c’est une véritable préoccupation.
Par ailleurs, le service national universel est une belle idée, mais les armées ne peuvent pas la porter seules : il n’y a pas de nécessité au titre des seules armées, c’est peut-être une nécessité sociale. Aussi, nous contribuerons, si vous nous y associez, comme vous en avez pris l’engagement, à travailler sur ce sujet.
Soyons vigilants à reconstituer une belle armée, dont notre sécurité a absolument besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Bernard Cazeau applaudit également.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat sous forme de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que le Président de la République l’avait annoncé le 13 juillet dernier à l’hôtel de Brienne, la revue stratégique examine notre environnement et les menaces auxquelles nous sommes confrontés. Elle s’inscrit d’ailleurs très naturellement dans le sillage du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. On y retrouve la même volonté de jeter un regard lucide et sans concession, pour reprendre vos mots, madame la ministre, sur un contexte « en dégradation rapide et durable », tout en affirmant notre ambition de maintenir notre autonomie stratégique. Elle dresse le constat d’un durcissement des environnements opérationnels, avec le retour des États-puissance – la Russie – ou la fragilisation croissante de certains acteurs étatiques, ou de l’omniprésence des menaces terroristes ou cyber toujours plus diffuses.
S’y ajoutent « des fragilités multiples » : démographie, climat, risques sanitaires, criminalité organisée.
On ne peut donc que saluer la volonté de relever le défi pour le quinquennat en cours de conserver un modèle de défense complet et équilibré pour agir et répondre à l’ensemble des menaces. Néanmoins, l’intention affichée par la revue stratégique se heurte à la dure réalité des premières annonces. En effet, comme l’a rappelé le président Cambon, outre la coupe budgétaire de juillet dernier qui a affecté les armées à hauteur de 850 millions d’euros, l’intégration au budget de la défense des mesures de « resoclage » budgétaires des OPEX, qui dépassent les 200 millions d’euros par an, le financement des mesures non prises en compte dans la loi de programmation militaire actuelle, décidées en 2016, à savoir 996 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les coûts à venir engendrés par le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, ne doivent pas compromettre la poursuite d’autres programmes pour nos armées sur le terrain.
Certes, l’orientation de notre budget de la défense est à la hausse, avec une augmentation de 1,8 milliard d’euros pour 2018 et 1,7 milliard d’euros en 2019 et 2020. Mais cette hausse utile se révèle en réalité bien limitée.
Je vous remercie, madame la ministre, de nous apporter des garanties sur la question centrale des moyens, point d’inquiétude majeure pour nos armées, mais également, et plus généralement, pour nos concitoyens, car il y va aussi des questions de sécurité intérieure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Je vous remercie tout d’abord, madame la sénatrice, d’avoir reconnu la qualité du travail réalisé par le comité des experts. Je les remercie moi-même d’avoir insisté sur la double nécessité de réaffirmer une ambition et une autonomie stratégique propres à la France, sans pour autant écarter, bien au contraire, la construction de partenariats.
Vous appelez mon attention sur le fait que, au-delà des grands engagements, il faut évidemment tenir un certain nombre de promesses. C’est exactement dans cet esprit que s’est inscrit le Gouvernement. Les premières décisions du Président de la République témoignent d’une remontée en puissance d’un budget qui, comme cela a été rappelé, a été malmené au regard de l’écart croissant entre les engagements qui sont allés bien au-delà de ce que la présente loi de programmation militaire prévoyait et les moyens qui, pour ce qui concerne, en tout cas, la première période de la loi de programmation, étaient en forte déflation, même si un coup d’arrêt a été réalisé en fin de période.
Durant le quinquennat, la remontée en puissance sera très significative : 1,8 milliard d’euros en 2018 et, les années suivantes, 1,7 milliard chaque année. Ce sont 30 milliards de plus par rapport au quinquennat précédent qui seront alloués au budget du ministère des armées.
Néanmoins, vous avez raison d’appeler mon attention, la vigilance s’impose quant aux décisions qui peuvent se prendre ici ou là.
Permettez-moi de profiter des dix-huit secondes qui me restent pour vous dire que les 850 millions d’euros d’annulations de crédits étaient en quelque sorte le prix collectif à payer pour régler un certain nombre d’impasses budgétaires, notamment celle qui portait, par exemple, sur le financement des OPEX, mais pas seulement. C’est un coup d’entrée, si je puis dire, dans le quinquennat. J’exercerai la plus grande vigilance pour faire en sorte que ces annulations de crédits n’aient pas d’impact, comme je m’y suis engagée, sur les forces, en particulier nos forces en opération.
Par ailleurs, le président de votre commission nous a invités à faire preuve d’une grande vigilance à l’égard du ministère des finances et, croyez-moi, je m’y attelle.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la revue stratégique souligne à quel point nos armées sont sollicitées de façon croissante, dans un contexte de durcissement, d’instabilité et de diffusion des menaces.
La défense et la sécurité nationale, c’est avant tout des femmes et des hommes qui s’engagent pour notre pays. Leurs engagements impliquent leurs familles, qui en subissent les conséquences de plein fouet. Le récent rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire met en évidence de forts enjeux de fidélisation. Difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, mobilité professionnelle du conjoint, reconversion, lassitude face aux difficultés rencontrées en matière d’hébergement sont autant d’écueils.
Je voudrais insister ici en particulier sur la politique immobilière du ministère. Même si les crédits vont augmenter en 2018, le parc est très dégradé, sa maintenance ayant été longtemps sacrifiée pour préserver les dépenses d’infrastructures des grands équipements, des grands programmes d’armement.
Le rattrapage doit s’inscrire dans la durée et se poursuivre résolument. Il manque 400 logements de militaires en région parisienne. Les logements sociaux de l’îlot Saint-Germain ne seront que partiellement affectés aux familles des militaires : 50 sur 250. C’est insuffisant, d’autant que cet immeuble subit une forte décote, de près des deux tiers de son prix, ce qui représente un préjudice important pour le budget des armées.
Dans ce contexte, peut-on se passer du Val-de-Grâce, alors que la revue mentionne que les enjeux de protection du territoire vont durer, particulièrement en Île-de-France, et que les besoins de nos soldats en termes d’hébergement sont considérables ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de pointer du doigt l’une des difficultés sans doute majeures qu’éprouvent les militaires et leurs familles en matière de logement.
Vous avez rappelé la nécessité de fidéliser nos soldats. Le récent rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a fait état de chiffres qui montrent qu’il n’y a pas de difficultés particulières en matière de recrutement pour nos soldats. En revanche, il convient de porter une attention particulière pour assurer la fidélisation dans le temps ; le logement y contribue probablement ou insuffisamment, suivant où l’on se place.
Pour ce qui me concerne, l’immobilier est une priorité. L’augmentation du budget du ministère le montre, avec 1,2 milliard d’euros en 2017 et 1,5 milliard d’euros en 2018.
Par ailleurs, dans le cadre du plan Famille que j’annoncerai prochainement, un chapitre entier sera consacré à la question du logement, tant celle-ci est majeure.
Il est vrai que nos emprises ont fait l’objet d’une réorganisation en profondeur en Île-de-France du fait de la mise en service, si je puis dire, du grand ensemble de Balard il y a quelques mois. C’est dans ce contexte que le Val-de-Grâce ainsi que l’îlot Saint-Germain ont été mis en vente, dans des cadres différents.
Pour ce qui concerne le Val-de-Grâce, c’est une cession en bloc qui a été décidée dans son principe. Elle fait l’objet d’un appel à projets, qui est géré par la Ville de Paris. Concernant l’îlot Saint-Germain, c’est-à-dire la seconde fraction, celle-ci sera cédée par morceaux ou par sous-ensembles.
Vous avez appelé mon attention sur le fait que des décotes importantes ont été réalisées pour les emprises qui avaient déjà été cédées. C’est en effet un sujet de préoccupation, mais, vous le savez, ces décotes sont aussi la contrepartie d’autres engagements, qui permettent également de récupérer, dans le cadre des emprises cédées, un certain nombre de logements pour nos militaires. Il nous revient de trouver le point d’équilibre entre un prix de cession convenable et un nombre de logements obtenus en contrepartie satisfaisant.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas pleinement pour ce qui concerne le Val-de-Grâce. Nous souhaitons voir clairement figurer dans la future loi de programmation militaire la résolution qui sera la vôtre de faire en sorte que les questions immobilières ne soient pas un rattrapage de l’instant, mais qu’elles s’inscrivent véritablement dans la durée.
S’agissant du plan Famille, nous serons évidemment très vigilants sur le fait d’y trouver toutes les données que nous attendons, notamment les annonces du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un monde en pleine mutation, où les dangers se multiplient et les périls s’accentuent, notre pays doit adapter et faire évoluer ses réponses en termes de défense, de sécurité et de protection. La revue stratégique le fait avec mesure et intelligence.
Je tiens, madame la ministre, à saluer la qualité du travail réalisé dans des délais contraints, tout en rattachant cette analyse pointue de la capacité militaire de la France au récent plaidoyer du Président de la République pour une Initiative pour l’Europe, Europe qui est, permettez-moi de le citer, « notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir ».
Je m’attarderai sur un point précis que je considère comme essentiel, l’Europe de la défense et, plus précisément, le fonds européen de la défense.
Oui, les défis à relever aujourd’hui et demain en termes de sécurité et de défense sont multiples et complexes ! Les États membres ne sont pas en mesure de les relever seuls. Et il n’appartient pas à la France de les relever seule…
Avec l’annonce de la création de ce fonds européen le 7 juin dernier, ce constat est désormais contrarié. Il s’agira dorénavant de coordonner intérêts nationaux et autonomie stratégique, industrielle et technologique de l’Europe, d’offrir à l’ensemble des États membres des ressources militaires communes, ce qui permettra ainsi à l’Union européenne de mettre en œuvre une véritable politique de coopération en matière de défense. La Commission a annoncé que son financement aurait lieu selon les cycles budgétaires de l’Union européenne et à partir de financements nationaux.
Madame la ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier de mise en activité de ce fonds ainsi que sur les estimations en termes de coûts et d’économies pour notre budget national ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, l’un des objectifs fixés par le Président Macron lors de son intervention à la Sorbonne est de faire en sorte que l’Union européenne dispose à l’avenir d’un véritable budget commun de défense. De ce point de vue, le fonds européen de la défense, qui est en cours de création, constitue l’une des premières pierres de cette politique, même si le Président de la République nous appelle à aller au-delà.
Il faut aussi saluer les efforts récents que consentent ensemble les Européens. Cela est certainement lié à une prise de conscience de l’importance des menaces qui pèsent tout autour de l’Europe pour avancer dans le domaine de l’Europe de la défense.
Le fonds européen de la défense est une étape vraiment décisive puisqu’il permettra de financer la recherche de défense ainsi que certaines phases de développement de programmes capacitaires, notamment le développement de prototypes. En effet, l’Union européenne s’apprête à accepter de financer à hauteur de 20 % de telles dépenses, contrairement à ce qui se faisait auparavant.
Le financement partiel du développement de programmes capacitaires est une proposition phare de la Commission qui, au-delà, souhaite pouvoir créer un programme européen de développement industriel de défense.
Vous m’avez interrogée sur le calendrier de mise en œuvre de ce fonds. L’objectif est d’adopter le règlement permettant d’engager ces dépenses dans les prochaines semaines ; une réunion aura lieu au mois de novembre à Bruxelles sur cette question. De plus, il est envisagé d’affecter 500 millions d’euros en 2019, 500 millions d’euros en 2020, puis, pour les années suivantes, de passer à 1 milliard d’euros par an.
Il conviendra évidemment d’être très attentif aux modalités de mise en œuvre, en vue de nous assurer que les projets financés soient bien définis par les États eux-mêmes.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Florence Parly, ministre. Naturellement – mais il vaut mieux le dire –, ces fonds bénéficient à la base industrielle et technologique de défense européenne.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai lu avec intérêt la revue stratégique de défense et de sécurité nationale. On y insiste sur la remise en cause des certitudes et le brouillage des lignes, comme le monde en connaît depuis la chute du mur de Berlin.
Face à un monde de plus en plus chaotique, complexe et souvent incertain, notre diplomatie a besoin d’un cadre d’action fort, cohérent et ambitieux.
Nous avons aujourd’hui le devoir d’œuvrer en faveur d’un ordre collectif, avec nos alliés et tous nos partenaires. Pour ce faire, la revue préconise plusieurs axes forts pour renouveler la diplomatie de la France : une sécurité qui prenne en compte l’émergence de nouveaux acteurs ; une indépendance qui impose de revisiter les termes de la souveraineté, y compris européenne ; enfin, une influence qui va de pair avec la défense des biens communs universels.
À cet égard, mon interrogation porte sur l’enjeu que constitue le renseignement économique et financier, sujet actuellement à la croisée de diverses sphères et de plusieurs administrations. En effet, nos impératifs de sécurité nationale s’étendent non seulement à la défense du territoire, mais aussi à la préservation des capacités économiques de la Nation. L’interdépendance et la concurrence économiques à l’échelle mondiale se sont accrues et se révèlent des sources importantes de tensions et de conflits possibles entre les États. L’information s’avère désormais une condition essentielle de la compétitivité.
Dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire, je souhaite connaître les intentions de Mme la ministre des armées concernant le développement de l’intelligence économique, sachant que son importance reste sous-évaluée en France, contrairement à nos partenaires anglo-saxons qui en ont fait une de leurs priorités en matière de renseignement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, le renseignement économique et financier est un enjeu absolument majeur pour la protection de nos intérêts vitaux, si je puis dire. Au travers des intérêts de nos entreprises, il y va des intérêts du pays.
Cette question est à l’intersection de l’action de plusieurs ministères, et le ministère des armées y contribue naturellement. En effet, il participe à l’accompagnement des capacités économiques de la Nation.
Ce renseignement recouvre différentes thématiques : une thématique politico-économique, une thématique concurrentielle, technologique ou bien financière. Pour ce qui nous concerne, nous nous intéressons à la lutte contre l’ingérence économique extérieure.
De ce point de vue, je veux souligner le travail réalisé par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, qui contribue à déceler et neutraliser les menaces affectant le potentiel scientifique et technique de la Nation.
Ce combat a enfin une dimension cybernétique, un domaine dans lequel les services de renseignement et l’état-major des armées jouent là encore, aux côtés de l’ANSSI, un rôle central.
Vous m’interrogez sur les moyens. Ceux-ci sont en constante augmentation : de 2014 à 2017, les fonctions globalement entendues de cyberdéfense et de renseignement auront vu leurs effectifs augmenter de près de 1 800 emplois. Pour ce qui concerne la seule année 2018, dans le cadre du prochain budget qui sera soumis à votre approbation, ces effectifs augmenteront encore de 848 emplois. Il s’agit d’une dynamique que nous souhaitons poursuivre ; mais nous aurons bien entendu le loisir d’y revenir dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire. Je n’en doute pas, nous chercherons à maintenir cette priorité.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Madame la ministre, la parution de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale me laisse perplexe sur bien des points, notamment pour ce qui concerne le développement de programmes nucléaires en France.
Au-delà du traité de non-prolifération des armes nucléaires, auquel notre pays n’a adhéré qu’en 1992, 122 pays ont adopté en juillet dernier à l’ONU un traité d’interdiction des armes nucléaires. Dans ce contexte, comment expliquer le refus de notre diplomatie de participer a minima aux discussions menées à l’ONU ?
Par ailleurs, comment expliquer le poids toujours plus important de la part de la dissuasion nucléaire dans notre budget ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, le désarmement nucléaire reste un sujet de préoccupation majeur pour notre pays. Il est nécessaire si l’on veut aboutir un jour à un monde sans armes. Ce principe de désarmement est actuellement encadré par un traité de non-prolifération, qui reste aujourd’hui la norme fondamentale en matière de désarmement nucléaire.
Par ailleurs, un traité d’interdiction a été récemment signé, et le prix Nobel de la paix a été attribué au mouvement ICAN. Pour légitime qu’il soit, ce traité d’interdiction ne tient pas compte, de notre point de vue, de la réalité géostratégique actuelle. Pourquoi ?
On le voit bien, les démonstrations de force actuelles de certaines nations, tel le programme nucléaire nord-coréen, traduisent l’émergence d’une menace vitale pour notre pays que peuvent représenter les États qui cherchent à adopter l’arme nucléaire. Il nous semble donc tout à fait prioritaire, essentiel même, de prendre toutes les mesures visant à renforcer la non-prolifération et le désarmement dans le cadre des structures internationalement reconnues aujourd’hui.
Ne vous méprenez pas sur mes propos, la France est et reste adhérente au traité de non-prolifération, et elle mettra toute son énergie pour faire en sorte que celui-ci soit respecté et mis en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.
Mme Christine Prunaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait au moins sur un point : vous insistez sur le traité de non-prolifération. Le groupe CRCE demande évidemment à aller bien au-delà.
Les superpuissances, dont nous faisons partie, ont manqué, selon nous, une occasion historique avec le traité d’interdiction des armes nucléaires. C’est un peu comme si l’on avait remis en cause la volonté des 122 pays qui l’ont signé. Certes, vu le contexte, dites-vous, on doit se préparer à intervenir au regard des conflits qui existent dans le monde entier. Vous avez évoqué la Corée du Nord, mais il y a aussi les États-Unis, voire peut-être le Japon, en pleine réflexion.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Christine Prunaud. Comme l’a dit le président de la commission, plus l’escalade est grande, plus on a tendance à renforcer la dissuasion nucléaire. Or c’est ce que nous souhaitons remettre en cause.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent.
Mme Sylvie Goy-Chavent. La revue stratégique montre que la présence des armées sur le territoire national est appelée à durer. Au-delà de la menace terroriste, il y a les enjeux migratoires, le contrôle des frontières, la protection des événements sportifs et culturels notamment.
L’évolution récente de l’opération Sentinelle semble au final assez homéopathique : elle permettra sans doute à l’armée de terre de sortir du sur-régime, mais le totem des 10 000 soldats est toujours là, et l’articulation avec les forces de sécurité intérieure n’est pas repensée en profondeur.
La vraie question me semble aller au-delà des effectifs et de l’articulation des différentes forces. Il faut s’interroger sur le rôle même de l’armée en matière de sécurité intérieure. Est-ce, par exemple, à l’armée d’assurer des missions de police aux frontières ?
Alors que les forces de police et de gendarmerie sont à bout de souffle après des mois de lutte contre le terrorisme et de maintien de l’ordre, l’armée elle-même extrêmement sollicitée sur les théâtres extérieurs fait office de palliatif.
L’opération Sentinelle devait être provisoire, comme, d’ailleurs, l’état d’urgence. On sait aujourd’hui que la menace terroriste ne cesse de se renforcer. Les revers de l’État islamique en Irak et en Syrie font craindre le retour rapide des djihadistes français et de leurs familles, qui cultivent la haine des juifs, des mécréants et de toutes nos valeurs humanistes et républicaines.
Ne faut-il pas alors, madame la ministre, repenser complètement le système et clarifier la situation afin de savoir si nos armées doivent se concentrer sur les opérations extérieures ou assurer la sécurité intérieure, à moins que vous ne souhaitiez renforcer considérablement leurs effectifs ?
M. Jean-Marie Bockel et Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, je crois que l’armée est bien dans son rôle lorsque, dans un certain nombre de cas très particuliers, elle apporte sa contribution aux forces de sécurité du ministère de l’intérieur. C’est le cas pour la lutte contre les feux de forêt ; cela a été le cas, de manière éclatante, lorsque l’ouragan Irma a saccagé les îles des Antilles.
Des savoir-faire et des matériels particuliers viennent donc en appui de tous les secouristes, civils ou autres, qui se sont engagés sur ces terrains. De ce point de vue, la présence du bâtiment de projection et de commandement Tonnerre a été un appoint décisif pour ce type d’opération. À cet égard, je rends hommage à tous ceux qui se sont mobilisés.
S’agissant de l’opération Sentinelle, beaucoup de débats ont en effet eu lieu. Les militaires doivent-ils passer du temps pour défendre le territoire national ? La réponse a été donnée de façon extrêmement claire.
D’une part, des moyens importants ont été conférés à l’armée de terre, qui a vu le nombre de ses effectifs progresser de manière importante pour pouvoir répondre à ses besoins. D’autre part, l’efficacité des interventions réalisées par les hommes et les femmes qui sont engagés dans cette opération se passe de longs discours. Leur présence est sécurisante, dissuasive. Lorsqu’ils font face à une menace, ils agissent avec professionnalisme et protègent la sécurité des Français.
Il ne s’agit pas du tout de mélanger les genres. Il faut continuer à entraîner et à maintenir nos soldats dans des opérations qui se déroulent sur des fronts extérieurs. Néanmoins, il faut aussi continuer à les entraîner à une mission différente, mais tout aussi utile à notre pays, à savoir la protection du territoire national.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour la réplique.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Je veux simplement appeler de nouveau votre attention sur l’état d’épuisement de nos forces armées, de ces hommes et de ces femmes qui se dévouent au quotidien pour défendre nos valeurs et protéger nos vies.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la revue stratégique présentée la semaine dernière devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par Arnaud Danjean est un document « solide », pour paraphraser le président Cambon. Je souhaite remercier et féliciter son auteur, ainsi que le comité de rédaction, de ce travail remarquable : ils ont travaillé vite et bien, ce qui nous permet de nous concentrer sur la loi de programmation militaire sans perdre de temps.
Madame la ministre, la revue prône le maintien d’un modèle d’armée complet et équilibré. Entre les menaces diffuses de basse intensité et le retour des États-puissance, il va falloir dessiner des priorités pour nos armées. Dans ce contexte, il s’agit de définir les pays européens volontaires politiquement et, surtout, capables militairement de participer à une coopération. Des choix stratégiques majeurs vont devoir être faits ; les sujets sont évidemment nombreux, mais il en est un sur lequel je souhaite m’arrêter, celui des drones.
Je souhaite saluer votre décision de suivre les recommandations que Gilbert Roger et moi avions formulées dans un rapport, celle d’armer nos drones.
Se pose aussi la question de la surveillance aérienne du territoire national, qui doit être repensée. La surveillance des frontières ou des grands événements comme les Jeux olympiques de 2024 est à préparer dès maintenant.
Les drones sont un nouvel outil à exploiter. Les besoins et les demandes en la matière vont exploser et, tout comme nous ne faisons plus aujourd’hui d’opération militaire sans un drone, sans doute demain n’organiserons-nous plus aucune manifestation ni aucun grand événement sans un drone.
Les Harfang seront prochainement retirés du service, les Reaper et les Patroller seront largement, voire exclusivement mobilisés pour les opérations extérieures. La prochaine loi de programmation militaire permettra peut-être – vous nous le direz – de mobiliser de nouveaux moyens de nature à aller dans le sens que je viens d’évoquer.
Enfin, quelle étape supplémentaire faut-il franchir pour préparer l’avenir ? Envisagez-vous de passer du drone armé au drone de combat ? Quel sera le système de combat du futur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous le savez mieux que personne, monsieur le sénateur, les drones sont devenus un système d’arme incontournable dans les opérations modernes, auxquelles ils apportent, d’une part, une capacité à durer sur les zones d’action et, d’autre part, une complète discrétion, laquelle permet de réduire les risques encourus par les équipages. J’ai donc fixé trois priorités au ministère des armées.
La première consiste à conforter notre capacité d’acquérir du renseignement au moyen de drones aériens. Pour cela, nous allons poursuivre la livraison des systèmes de drones Reaper, mettre en service le système de drones tactiques Patroller et préparer le futur drone MALE européen.
La deuxième priorité consiste à élargir le champ des capacités permises par les drones. C’est ainsi que, au cours des prochaines années, vous l’avez rappelé, les drones MALE seront armés. Ces drones aériens seront d’abord introduits sur les bâtiments de la marine, au travers du programme SDAM, ou « système de drone aérien marine », ainsi que les drones de surface et sous-marins, dans le cadre de la guerre des mines navales, au travers du programme « système de lutte anti-mines marines futur ». Ce programme s’accompagnera de la robotisation de l’action terrestre, dans le cadre du programme Scorpion.
Enfin, troisième priorité, nous devons penser plus loin, et explorer la place que pourront en effet prendre les drones de combat, dans le cadre du « système de combat aérien futur » ; tel est le sens de ce programme, que nous conduisons en coopération avec nos alliés britanniques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la revue stratégique dresse un tableau global de l’environnement dans lequel notre pays et l’Europe évoluent. Sur ce point, la partie touchant à la sécurité continentale mérite, me semble-t-il, une attention particulière. L’analyse de la « déconstruction de l’architecture de sécurité en Europe » paraît singulièrement juste, au regard notamment des entreprises de déstabilisation engagées par Moscou à l’endroit de l’Ukraine, qui font fi de tous les traités et des fondements les plus élémentaires du droit international.
Dans le même temps, force est de constater que l’unilatéralisme dont l’administration Trump se prévaut participe de ce registre et nous touche collectivement en tant qu’Européens. En témoignent ainsi non seulement sa volonté de désengager les États-Unis de la COP 21, qui met en péril l’ambition de réguler le changement climatique, mais également celle de remettre en cause l’accord historique de Vienne sur le nucléaire iranien, alors même que celui-ci a vocation à être un important outil de stabilisation d’une partie du monde pour le moins tourmentée.
Cette posture, qui devient une constante de la politique extérieure américaine et qui va à l’encontre des intérêts européens, suscite des interrogations sur le lien transatlantique, pourtant valorisé par la revue stratégique comme un « élément clé de la sécurité européenne », l’OTAN restant « pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».
N’y a-t-il pas, madame la ministre, une contradiction entre, d’une part, la telle valorisation d’une alliance, certes importante au regard de l’histoire et du rôle qu’elle joue mais qui semble tout de même peu ou prou en voie de délitement, et, d’autre part, la volonté de tendre vers « une autonomie stratégique européenne », actée par la revue ? Comment envisagez-vous de concilier le nécessaire développement d’une Europe de la défense avec le maintien de ce lien transatlantique aujourd’hui fortement fragilisé et pour le moins imprévisible ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, vous soulevez une question que je comprends et qui est largement partagée dans le monde – d’ailleurs, nos alliés américains nous la posent –, mais qui, en même temps, me paraît théorique. En effet, aujourd’hui, les pays européens prennent conscience, je l’indiquais précédemment, de la nécessité de se protéger et d’investir dans leur propre sécurité. Par ailleurs, l’OTAN appelle à une montée en puissance des budgets de ses membres. Il y a donc de ce fait, me semble-t-il, une parfaite cohérence entre la démarche que les Européens adoptent dans le cadre de l’Union européenne et ce que l’OTAN appelle de ses vœux dans le cadre d’une alliance plus large.
La France est à la fois un allié sûr, fiable, au sein de l’OTAN, et un membre de l’Union européenne, au sein de laquelle elle prône la montée en puissance d’une Europe de la défense, dont je parlais tout à l’heure.
Je ne vois pas de contradiction entre l’un et l’autre ; je vois au contraire un renforcement et des synergies qui vont s’exercer de l’un vers l’autre. En outre, le fait que nous soyons aux avant-postes de la construction de l’Europe de la défense ne signifie nullement que nous nous désengagions en quoi que ce soit de l’alliance atlantique. Ainsi, j’étais récemment sur la frontière estonienne, où nous avons des bataillons engagés aux côtés de bataillons britanniques dans le cadre d’une force de l’OTAN ; c’est un engagement que nous n’avons pas l’intention de remettre en question. Nous avons été présents en Lituanie en 2017 et nous y serons encore en 2018.
On ne peut donc pas, selon moi, parler de contradiction mais, au contraire, de complémentarité.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est à un triple défi que nos armées sont confrontées dans leurs opérations extérieures.
D’abord, les menaces persistent, voire s’accroissent. Il y a certes des victoires au Levant – saluons le symbole de Raqqa –, mais le Sahel n’est pas stabilisé et Boko Haram reste actif. Qu’adviendra-t-il si les djihadistes chassés du Levant se replient dans cette zone ? La République centrafricaine mais aussi la République démocratique du Congo ne peuvent qu’inspirer de vives inquiétudes…
Ensuite, deuxième impératif, il faut ménager l’outil pour durer, car notre niveau d’engagement est éprouvant pour les hommes et pour le matériel. Cet aspect a été maintes fois souligné.
Enfin, troisième point, il faut chercher des soutiens, en Europe, d’abord, quand nos partenaires ne partagent pas notre priorité sahélienne, aux Nations unies, ensuite, alors que l’attitude des États-Unis a compliqué l’adoption de la résolution 2359 sur la force du G5 au Sahel, et auprès de la société civile des pays en crise, enfin, car toute intervention, même justifiée, finit par susciter, quand elle dure, des oppositions.
La seule manière d’attaquer à la racine ce triple défi, dans le cadre d’une « approche globale », est bien identifiée par la revue stratégique : « l’autonomie stratégique ne saurait se penser en termes exclusivement militaires et suppose une articulation étroite avec […] [la] diplomatie […] [et le] développement. »
Madame la ministre des armées, comment contribuerez-vous à créer, avec M. le ministre des affaires étrangères, une véritable dynamique défense-diplomatie-développement, dans une optique de sortie de crise au Levant et au Sahel, mais aussi dans une perspective préventive dans un Maghreb fragile ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il est plus difficile de faire la paix que de mener des guerres. Nous l’avons vu en Irak en 2003, en Afghanistan depuis 2001 et nous pourrions le voir, à terme et dans une moindre mesure, au Sahel.
Nous voyons bien que nos adversaires sont des groupes armés terroristes et que l’action contre de tels groupes ne peut être uniquement militaire ; cela ne serait pas suffisant. Il faut, vous l’avez rappelé, lier de façon cohérente une approche diplomatique et politique – l’engagement opérationnel de nos forces armées – avec une aide au développement qui permet, au fond, de répondre à la racine du mal : la pauvreté et la détresse dont se nourrissent les terroristes.
Nous devons poursuivre, au profit de ces populations, cette approche globale, qui n’est pas nouvelle. Au sein du ministère des armées, le Centre interarmées des actions sur l’environnement est spécifiquement chargé de contribuer à sa mise en œuvre, en complémentarité, bien sûr, avec l’action du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est plus spécifiquement chargé du volet développement.
Sur le terrain et à l’échelon local, nous mettons également quotidiennement en œuvre cette approche au travers d’actions civilo-militaires ou de l’aide médicale déployée en faveur des populations partout où nos troupes sont présentes. D’une façon plus ambitieuse, à l’échelon de la région sahélienne, la création de l’alliance pour le Sahel répond également à cette logique.
Nous devons donc garder à l’esprit que, dans tout conflit, au Sahel comme ailleurs, c’est l’État tout entier qui s’engage, et non seulement ses armées.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Sénat du Cambodge, conduite par Mme la présidente de la commission des affaires étrangères et de la coopération internationale du Sénat cambodgien. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.)
Cette délégation effectue actuellement un séjour d’étude dans notre pays, notamment sur le thème de la diplomatie parlementaire. Après une journée d’entretiens au Sénat hier, au cours de laquelle elle a été reçue par notre collègue Vincent Éblé, qui préside notre groupe d’amitié France-Cambodge, la délégation s’est entretenue tout à l’heure avec notre collègue Jérôme Bignon, membre de la délégation du groupe français auprès de l’Union interparlementaire. Elle rencontrera tout à l’heure M. Philippe Mouiller, membre de la section française de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.
Nous sommes sensibles à l’intérêt que la délégation porte à notre institution, dans le cadre des relations inscrites dans l’histoire et fructueuses qui existent entre nos deux assemblées.
Au nom du Sénat de la République française, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que son séjour en France lui soit profitable et contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements.)
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Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
Suite d’un débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères
Débat interactif (suite)
M. le président. Dans la suite du débat interactif, la parole est à M. Philippe Paul.
M. Philippe Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous tous ici, j’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Je veux saluer la qualité du travail réalisé par son comité de rédaction, présidé par notre collègue député européen, Arnaud Danjean.
Nous ne pouvons que partager le constat d’une France exposée et engagée dans un environnement de plus en plus instable et en proie à des menaces de plus en plus diffuses. Ce contexte périlleux nous oblige plus que jamais à être en capacité d’action et de réaction sur notre territoire national, bien sûr, mais aussi en de nombreux points du globe.
Madame la ministre, considérant que cette revue stratégique est le préalable à la préparation d’une nouvelle loi de programmation militaire, je souhaite vous sensibiliser à la nécessité d’envisager d’ores et déjà la construction d’un porte-avions nucléaire à même de succéder au Charles-de-Gaulle.
Véritable fer de lance de notre capacité de projection et d’intervention lors de situations de crise, le porte-avions constitue une composante majeure de cet « outil de défense agile, projetable et résilient » qu’appelle de ses vœux le Président de la République dans la préface de la revue stratégique, de ce « modèle d’armée complet et équilibré […], le seul à [même de] donner à la France les moyens de son autonomie stratégique et de sa liberté d’action » que vous évoquez vous-même, madame la ministre, dans son avant-propos.
Il ne s’agit pas d’entrer aujourd’hui dans un débat sur le budget futur des armées, mais bien d’anticiper – près de vingt ans ont séparé les premières études pour la construction du Charles-de-Gaulle et son admission au service actif en 2001 –, avec cette exigence qui doit être la nôtre : leur donner des moyens opérationnels modernes et maintenir ces moyens à un niveau très élevé de performance.
Il s’agit aussi de ne pas perdre un savoir-faire technologique et industriel qui a fait ses preuves et de conserver une position forte en matière de défense en Europe, plus particulièrement au sein de l’Union européenne post-Brexit.
Enfin, envisager la permanence de cette capacité constituerait un signal fort vis-à-vis de nos armées, dont nous ne saluerons jamais assez le sens du devoir, le professionnalisme et la compétence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, ce modèle d’armée complet que la revue stratégique appelle de ses vœux repose notamment sur la capacité de se projeter depuis la mer. Pour cela, nous disposons déjà de trois bâtiments de projection et de commandement, ou BPC, qui permettent de projeter des troupes, de conduire des opérations amphibies et de projeter outre-mer les moyens de l’État, comme cela s’est récemment fait aux Antilles.
Au-delà, la capacité de projection depuis la mer passe aussi par les avions, qui doivent pouvoir décoller d’un porte-avions.
La résurgence des États-puissance se traduit en ce moment par la construction de nombreux porte-avions dans le monde : en Chine, en Inde ou encore au Royaume-Uni. Ce constat nous rappelle que les porte-avions sont des outils militaires exceptionnels, qui fournissent non seulement une capacité de projection vers la terre mais encore une capacité d’acquisition autonome de renseignement et, surtout, de contrôle des espaces aéromaritimes. Bref, c’est un outil majeur du combat naval.
C’est aussi – cela n’est pas négligeable – un outil politique, car il a une très forte visibilité médiatique, et c’est aussi un vecteur de crédibilité vis-à-vis de nos alliés ; les récentes opérations que nous avons menées en Méditerranée, en lien avec nos alliés américains, en attestent.
Dès la prochaine loi de programmation militaire, nous devrons lancer des études pour renouveler cette composante des porte-avions. Il faudra à tout le moins préparer la succession du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui devrait être retiré du service actif à l’horizon de 2040. Par ailleurs, l’opportunité de disposer ou non d’un second porte-avions fera partie des travaux à mener dans le cadre de la préparation de cette future loi.
M. le président. La parole est à M. Claude Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’en viens à une question qui n’est pas souvent abordée.
L’industrie spatiale française bénéficie de nombreux atouts. Elle est l’un des leaders au niveau mondial ; il faut désormais tirer avantage de son excellence pour enraciner dans le paysage industriel français des compétences incomparables tournées vers les besoins du futur, facteurs d’indépendance technologique et de rayonnement politique et stratégique.
Comme le précise la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, l’espace exoatmosphérique est en profonde mutation et en proie à des logiques de compétition tant militaire que stratégique. Des acteurs étatiques et non étatiques disposent aujourd’hui de moyens industriels leur permettant de mettre en place des satellites.
Les prouesses technologiques et scientifiques des dernières années ont contribué à l’essor d’une nouvelle manière de concevoir et d’exploiter les systèmes spatiaux, sur fond de compétition accrue entre acteurs étatiques, sur le plan tant politique qu’industriel. Support de services aujourd’hui indispensables de navigation, de communication, de météorologie ou d’imagerie, le domaine spatial est aussi un espace de confrontation ; des États peuvent aujourd’hui être à l’initiative de la mise en place de technologies potentiellement antisatellites.
Les activités liées à ce nouveau schéma posent également des questions d’ordre juridique. Le problème de l’« arsenalisation » de l’espace se pose donc en des termes renouvelés.
Face à ces nombreux défis, nous devons nous doter d’une politique spatiale ambitieuse. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel pourraient en être les contours dans la prochaine loi de programmation militaire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. La revue stratégique a effectivement insisté sur la nouvelle dimension que constitue l’espace en tant qu’espace militaire potentiel, même si la politique spatiale n’est évidemment pas nouvelle, et elle met le doigt sur les menaces que tout cela comprend.
D’abord, les nouvelles technologies banalisent l’accès à l’espace ; ce qui était autrefois l’apanage de quelques très rares grandes puissances devient aujourd’hui possible pour des entités non étatiques, avec, finalement, peu de moyens.
Par ailleurs, vous l’avez souligné, en l’absence de réglementation permettant d’en assurer la maîtrise, il y a un risque de militarisation accrue du domaine spatial.
À l’inverse, le domaine spatial offre de très nombreuses opportunités ; les technologies à l’œuvre sont bien sûr duales et le spatial permet d’accéder, à des coûts toujours plus faibles, à de nouveaux services, qui bénéficient tant au monde civil qu’au monde militaire.
Enfin, le spatial est un domaine particulièrement approprié pour développer les coopérations européennes.
Comme nous avons souligné la nécessité de maintenir une capacité d’appréciation autonome, l’axe spatial constituera bien sûr un élément tout à fait majeur de notre prochaine loi de programmation militaire.
Dès l’année 2018, nous allons assurer la mise en service de trois satellites d’observation relevant de la Composante spatiale optique, ou CSO, qui permettront, dans la continuité du système Hélios II, de disposer de prises de vue d’une précision et d’une résolution très élevées ; notre réactivité devrait s’en trouver tout à fait renforcée.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Florence Parly, ministre. Nous travaillons par ailleurs à l’introduction d’un certain nombre de systèmes spatiaux dans la prochaine loi de programmation militaire. J’ai participé ce matin à une réunion du CoSpace, au ministère de la recherche, en présence du ministre de l’économie et de l’ensemble des industriels ; la conclusion en a été que nous avons aussi grand besoin d’une équipe de France unie, associant les entités institutionnelles et les industriels, afin de développer une préférence européenne et une capacité industrielle autonome, sans laquelle notre autonomie de renseignement et d’observation ne sera pas possible. (M. Claude Haut applaudit.)
M. Jean-Marie Bockel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La revue stratégique de défense et de sécurité nationale fait le constat inquiétant de la multiplication des menaces non étatiques du fait de la dissémination plus importante des armes.
Sous le précédent quinquennat, l’industrie de l’armement servait de variable d’ajustement à notre balance commerciale, c’est du moins notre vision.
Madame la ministre, le Gouvernement entend-il revoir notre politique d’exportation d’armement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, le développement de l’exportation en matière d’armement est un prolongement indispensable du développement de ces programmes eux-mêmes. Aujourd’hui, sans l’exportation, un certain nombre de programmes militaires ne pourraient pas être menés à bien. L’exportation fait donc partie intégrante, en quelque sorte, du modèle de développement de ces programmes.
L’exportation en matière d’armement contribue à résorber le déficit commercial de la France à hauteur de 14 milliards d’euros par an. Globalement, l’industrie de défense compte plus de 4 000 entreprises, grandes ou petites, et représente plus de 160 000 emplois sur notre territoire. Ces emplois sont pérennisés grâce à la commande publique, mais aussi, je viens de l’indiquer, à l’existence de marchés à l’extérieur.
Exporter ne signifie bien évidemment pas qu’il faille le faire dans n’importe quelles conditions. Il existe des règles internationales que nous respectons, sous la surveillance des entités compétentes.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.
Mme Christine Prunaud. Merci, madame la ministre, vous êtes toujours précise dans vos réponses.
Cela dit, en la matière, il est difficile d’appeler à la diminution de l’armement quand on figure, comme c’est notre cas à nous, Français, parmi les plus gros vendeurs à l’échelon mondial.
Nous respectons, dites-vous, des règles internationales ; je n’en doute pas, mais le groupe communiste républicain citoyen et écologiste souhaiterait, et je pense qu’il n’est pas le seul, que nous soyons plus stricts – sous quelle forme ? Je ne saurais le dire dans l’immédiat – dans la sélection des pays acheteurs.
On sait qu’il existe des circuits parallèles et qu’une partie des armes que nous vendons dans des pays comme l’Irak, la Syrie ou autres est détournée ; mais, au-delà de ces marchés parallèles, nous avons d’autres inquiétudes, qui plaident pour cette exigence sur nos ventes. Je pense par exemple au Yémen, et aux soupçons de crime de guerre qui émeuvent la communauté internationale.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Christine Prunaud. Aussi, quel commerce entretenir avec ces pays ?
Enfin, pour revenir sur votre conclusion, madame la ministre, je pense qu’il ne faut pas opposer, mais vous le savez bien, le nombre d’emplois au maintien de la paix.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les engagements extérieurs.
Deux axes contradictoires ressortent avec force de la revue stratégique : d’une part, des enjeux sécuritaires de première importance – en effet, la menace se renforce, se généralise, se durcit, se complexifie, rendant improbable un reflux des interventions extérieures – et, d’autre part, une concomitance d’opérations et de déploiements dans la durée, qui engendre un phénomène d’usure de nos ressources humaines et matérielles.
Les armées françaises ont un grand besoin de se régénérer et le maintien de nos capacités est un véritable défi. Des programmes de renouvellement du matériel ont été engagés ; je pense principalement au programme Scorpion, qui devrait offrir un certain renouvellement des capacités de combat et de soutien de l’armée de terre à moyen terme.
En attendant, la situation est particulièrement tendue. L’exemple le plus symptomatique, évoqué par notre président, est celui des véhicules de l’avant blindé. Leur taux de disponibilité est d’à peine plus de 42 %, et leur âge moyen de trente et un ans. Leurs coûts de maintien opérationnels sont extrêmement importants et les mécaniciens ne pourront pas faire éternellement des miracles.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait plus efficace de concentrer les crédits sur un renouvellement accéléré de ces engins, ce qui permettrait d’offrir un niveau de protection plus important à nos militaires, plutôt que de subir des coûts extrêmement élevés de maintien en condition opérationnelle ?
Cette disponibilité des matériels comporte des dimensions plus globales, c’est la seconde partie de ma question : les opérations extérieures françaises vont-elles être réarticulées en fonction des priorités dégagées par la revue stratégique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, vous évoquez un problème auquel nos armées sont actuellement confrontées, à savoir l’usure d’un certain nombre de matériels due à leur utilisation intense sur de multiples théâtres extérieurs, en particulier au Sahel. C'est la raison pour laquelle j’ai souhaité que, dans le cadre du projet de loi de finances dont nous discuterons prochainement, une enveloppe particulière soit réservée à ce que nous avons appelé la protection. Il s’agit de pouvoir régénérer un certain nombre de matériels, notamment en améliorant le niveau du blindage des véhicules légers qui sillonnent les pistes du Sahel et qui sont très exposés à la menace d’engins explosifs. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais il s’agit là de l’une des priorités du prochain projet de loi de finances.
Vous m’interrogez par ailleurs sur l’évolution dans le temps des OPEX. Il est vrai que nous ne voyons pas à ce stade de réduction possible à très court terme de nos engagements. En revanche, l’évolution de la situation militaire sur un certain nombre de fronts, en particulier au Levant, appelle à revisiter ce dispositif. À cet égard, il faut se féliciter des victoires militaires qui s’accumulent ces derniers jours. Bien sûr, nous revisiterons ce dispositif en lien avec nos alliés. Le Président de la République nous a également demandé d’examiner dans quelles conditions le dispositif au Sahel pourrait être adapté pour faire face aux conditions présentes auxquelles nos armées sont confrontées.
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Madame la ministre, la principale nouveauté de la revue stratégique par rapport au Livre blanc de 2013 est la reconnaissance – « enfin ! », diront certains – du cyberespace comme un lieu important de conflictualité.
La prise en compte des menaces a été amorcée par le développement d’une politique de cybersécurité par l’ANSSI. Sans doute faudra-t-il aller plus loin, compte tenu de l’évolution des menaces qui persistent.
Nous savons que le Secrétariat national de la défense et de la sécurité nationale prépare une revue stratégique de cyberdéfense. Il est dommage, de notre point de vue, que ce travail n’ait pas été mené en relation plus étroite avec l’élaboration de la revue stratégique de défense, dont le volet « protection » apparaît dès lors moins, voire insuffisamment développé.
La revue préconise le renforcement prioritaire des moyens de défense et le développement de capacités offensives, mais aussi défensives. Elle annonce que « la France a décidé de se doter d’une posture permanente de cybersécurité » et va jusqu’à poser le postulat d’une invocation de l’article 51 de la charte des Nations unies dans l’hypothèse d’une cyberattaque, ce qui nous permettrait de riposter sans avoir à attendre l’avis de qui que ce soit.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si le Gouvernement entend remettre en cause le modèle original français de séparation des instances qui sont chargées de la protection et de celles qui s’occupent de la lutte informatique offensive ?
En matière de lutte informatique offensive, la revue stratégique insiste sur les capacités de détection et d’attribution, c'est-à-dire la recherche des coupables – ce n’est pas le plus facile –, ainsi que sur la capacité pour nos armées de planifier et de conduire les opérations dans l’espace numérique jusqu’au niveau tactique de façon intégrée et d’exploiter ainsi la numérisation croissante de nos adversaires. S’agit-il d’une évolution de cette doctrine ?
Enfin, quel format pensez-vous donner au commandement cyber dans le cadre de la loi de programmation militaire ? À combien évaluez-vous le montant des crédits nécessaires pour doter nos armées de capacités crédibles en personnels, bien évidemment – il faut les former –, mais aussi en moyens techniques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, les capacités cyber du ministère des armées peuvent être distinguées en trois catégories : la mission de renseignement et d’investigation, celle de protection et de défense, celle de riposte et de neutralisation.
Dans le domaine cyber, la mission de renseignement et d’investigation revêt une très grande importance. Elle suppose des moyens dédiés, qui ne sont pas tous de nature numérique. Nous avons en effet besoin de mobiliser l’ensemble de la panoplie, laquelle comprend également le renseignement humain.
La deuxième mission de la fonction cyberdéfense, c’est la posture de protection et de défense. Elle intègre une défense en profondeur, qu’on appelle la cyberprotection. Cette cyberprotection consiste à bâtir d’épaisses murailles, ainsi qu’à veiller en permanence à leur efficacité, face à une menace toujours évolutive. La fonction cyberdéfense intègre également une défense de l’avant, qui est la lutte informatique défensive. Elle consiste à patrouiller, à guetter et à intervenir dans l’espace numérique en cas d’intrusion pour éradiquer la menace et reconstruire la muraille.
Enfin, la troisième mission est la lutte informatique offensive, que je caractériserai par deux termes : riposte et neutralisation. Il y a une distinction entre ce que fait l’ANSSI, qui est focalisée sur les aspects de défense, et ce que font les armées, qui sont centrées sur l’offensive. Cette distinction n’a pour l’instant pas lieu d’être remise en question.
La revue stratégique de cyberdéfense va très prochainement rendre ses conclusions. À cet égard, je signale qu’elle a apporté sa contribution à la revue stratégique de défense dont nous parlons aujourd'hui, ce qui devrait normalement faciliter les convergences.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Florence Parly, ministre. Enfin, j’indique que le nombre de combattants cyber au sein du ministère des armées – ils sont 3 000 aujourd'hui – est très probablement appelé à croître, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre, chacun s’accorde aujourd’hui à considérer que les avancées technologiques vont conditionner, bouleverser le futur de certains pays, dans le domaine tant économique que militaire. La revue stratégique se fait l’écho de ces préoccupations.
Nombre des technologies disruptives d’intérêt militaire dérivent plus que par le passé, et de façon croissante, de technologies civiles. Ces évolutions sont manifestes dans la sphère numérique. L’hyper-connectivité, les technologies du big data, l’internet des objets, la robotique, l’utilisation de l’intelligence artificielle vont avoir un impact considérable non seulement sur les armements, mais aussi sur la conduite des opérations de renseignement et de combat.
La diffusion de ces technologies efface les écarts de puissance entre États et offre également des capacités à des groupes terroristes ou criminels incontrôlés. Il faudra donc également prémunir nos administrations, nos services publics et, bien sûr, nos armées contre les risques de détournement et de pertes de contrôles de leurs propres systèmes.
Comment ces évolutions sont-elles intégrées par nos armées dans leur réflexion doctrinale ? Impliquent-elles de nouveaux modes d’organisation dans la conduite des opérations ?
Comment le commandement militaire prépare-t-il ces évolutions et y prépare-t-il les personnels ? Quels projets concrets vont, dans un avenir proche, trouver une application opérationnelle jusqu’au niveau du combattant ?
La conduite des programmes d’équipement doit-elle être pensée pour être plus agile, intégrer plus rapidement des technologies dérivées d’applications civiles, voire faire travailler ensemble start-up, officiers de programme et chercheurs sur des projets, tout en préservant nos capacités souveraines ? Un projet comme Intelligence Campus, soutenu par la direction du renseignement militaire, vous paraît-il correspondre à ces nouveaux modes d’organisation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, vous mettez le doigt sur l’un des sujets majeurs qui nous préoccupe en ce moment : la bonne façon de faire cohabiter des modes d’innovation différents, à savoir les modes d’innovation qui se développent dans le monde civil, sur des cycles très courts, et les modes d’innovation et de développement technologiques sur des temps plus longs, tels que ceux que nous avons l’habitude de mettre en œuvre au sein du ministère des armées.
Nous souhaitons que la délégation générale à l’armement, au-delà du rôle très prééminent qu’elle joue, puisse contribuer à créer, avec l’ensemble des acteurs du ministère des armées, ce qu’on appelle aujourd'hui un écosystème favorable à l’innovation afin de permettre des fertilisations croisées entre le monde civil et le monde militaire. Il s’agit également de permettre l’accélération de l’innovation au profit des armées, ainsi que – pourquoi pas ? – une innovation plus sobre, plus frugale en termes de coût des technologies.
J’avoue ne pas avoir encore eu l’occasion de visiter Intelligence Campus, mais ce campus fait partie des sujets dont je vais m’entretenir avec la direction du renseignement militaire. Ce que je peux vous dire également, c’est qu’il est extrêmement important de disposer d’un certain nombre de plateformes permettant d’effectuer des simulations. La simulation est aujourd'hui un élément majeur pour assurer le caractère sûr et opérationnel de nos équipements. Nous devons développer nos outils de simulation et intégrer le volet cyber dont nous parlions tout à l’heure…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Florence Parly, ministre. … dans tous les travaux de conception de nos futurs équipements, tels que les navires. Comment éviter que nos futurs navires puissent être contrôlés par un tiers ?
Veuillez me pardonner cette réponse trop longue. J’espère que nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet, qui mérite d’être abordé de façon plus détaillée.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Pour que la France maintienne son engagement international et ses domaines d’excellence, ainsi que sa capacité à intervenir, elle doit mettre en adéquation ses moyens avec ses besoins, madame la ministre.
M. le président. Je vais maintenant céder ma place à Mme Catherine Troendlé, qui va présider nos travaux pour la première fois aujourd'hui. Je ne doute pas que vous lui réserverez le meilleur accueil ! (Applaudissements.)
(Mme Catherine Troendlé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la photo est émouvante : un militaire souriant porte dans ses bras une petite fille endormie. Nous sommes dans l’aérogare de Saint-Martin, l’île ravagée par l’ouragan Irma. Cet instantané, publié par l’envoyé spécial de Radio France, a déclenché une étonnante polémique sur les réseaux : on a parlé d’opération de propagande de l’armée française, de néo-colonialisme !
Il y a quelques jours, un faux sondage circulait par e-mail sur le mode : « saviez-vous que ? » Cette manœuvre visait à lister les prétendus avantages, aussi faux qu’astronomiques, dont bénéficieraient les sénateurs.
Je mesure les efforts entrepris pour nous protéger contre les cyberattaques et ceux qui sont annoncés pour doter nos armées de capacités de lutte informatique offensives, mais ces efforts seront incomplets si nous ne nous préoccupons pas des actions d’influence et de déstabilisation. La revue stratégique relève la perméabilité des sociétés européennes à la propagande djihadiste, laquelle « a fragilisé les sentiments d’appartenance, affectant ainsi la cohésion des sociétés ».
Nous sommes également l’objet d’actions conduites par des puissances étatiques de premier rang, dotées d’extraordinaires arsenaux d’influence et de déstabilisation, qui vont de la diffusion massive de fake news à la manipulation des processus électoraux, comme on l’a vu lors de la campagne présidentielle américaine.
L’instrumentalisation des réseaux sociaux est désormais considérée par le Pentagone comme la plus grande menace militaire des années à venir dans le domaine des guerres hybrides.
Je suis inquiet face à l’absence dans la revue stratégique d’exposé de stratégie de contre-influence et de promotion de nos valeurs démocratiques. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les dispositifs d’ores et déjà mis en œuvre par le Gouvernement dans ce domaine. Quel est le service chargé de lutter contre la propagation de fausses nouvelles ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Votre question, monsieur le sénateur, va bien au-delà du cas d’Irma que vous évoquez. Elle concerne toutes les propagandes.
Les réseaux sociaux sont le premier vecteur d’influence du terrorisme. L’espace numérique est un espace de combat banalisé, mais extrêmement puissant, qui imprègne notre société aujourd'hui.
Un certain nombre de moyens ont été mis en place, tels les moyens cyber du ministère des armées que j’ai évoqués tout à l’heure, lesquels sont en croissance, en termes d’effectifs et de savoir-faire, mais ils ne sont pas les seuls. Le service d’information du Gouvernement, je n’en doute pas, scrute de façon permanente les informations circulant sur les réseaux sociaux.
Enfin, une démarche a été entamée à l’échelon européen auprès d’un certain nombre de fournisseurs d’accès et de services pour obtenir la suppression sur les réseaux sociaux d’informations manifestement erronées ou mettant en cause des personnes.
J’avoue que je n’ai pas de réponse complète à votre question, monsieur le sénateur. Si nous en avions une, nous serions en mesure de contrer l’essentiel de ces attaques. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, ce qui est important, c’est de pouvoir observer,…
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. … protéger et, éventuellement, intervenir. C’est ce que le ministère des armées s’efforce de faire dans son domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. Pour diriger une armée, « mieux vaut un mauvais général que deux bons », disait Napoléon. Face aux fake news, nous n’avons aucun général, et cela m’inquiète.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, la « course » technologique internationale s’avère aujourd’hui particulièrement vive, et la revue stratégique souligne le risque de décrochage. Numérique, robotique, miniaturisation, intelligence artificielle sont autant de défis pour l’avenir de notre défense.
L’innovation, avec sa part de risques, doit être placée au cœur de la démarche du ministère des armées. En effet, nous devons considérer que les défaillances d’investissement d’aujourd’hui pourraient être les lacunes capacitaires de demain. La remarque vaut tout autant pour les armements que pour notre analyse stratégique. Or les perspectives que vous présentez font état d’un risque de « décrochage technologique dont notre pays pourrait être victime ».
Dans un environnement où le secteur civil produit de plus en plus de technologies d’intérêt militaire, le risque de « nivellement opérationnel » décrit dans votre document existe bien. Aujourd’hui, avec peu de moyens, des forces armées régulières ou irrégulières, voire des groupes terroristes, peuvent mettre en échec ou entraver l’action de nos forces conventionnelles. Cette problématique vitale doit être prise en compte pour le renouvellement de nos systèmes d’armes.
Dans ce cadre, le recours à une meilleure synergie entre la recherche civile et le monde militaire peut se révéler extrêmement bénéfique.
Madame la ministre, en plus des dispositifs existants, quelles nouvelles mesures prendrez-vous afin d’encourager une forme de symbiose dans le domaine de la recherche ? Quelle sera notre capacité d’investissement à cet effet ?
Par ailleurs, une base industrielle et technologique forte est indispensable. La revue stratégique met opportunément l’accent sur ce point. Or son renforcement passe aussi par des consolidations industrielles. En particulier, quel résultat donnera l’accord de principe trouvé à l’occasion du déblocage du dossier STX sur un partenariat structurant dans le secteur de la construction navale ? Peut-on croire à un Airbus des mers militaire, associant Naval Group et Fincantieri ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, le ministère des armées, en particulier la DGA, dispose d’un certain nombre d’outils pour encourager et soutenir l’innovation. Ces outils incluent le financement de thèses et de travaux de recherche duale via le CNES et le CEA, au sein du programme 191 du ministère des armées ; le dispositif ASTRID, en partenariat avec l’ANR ; le soutien des pôles de compétitivité, un dispositif rapide en faveur de l’innovation des PME ; des contrats d’étude pour préparer les équipements futurs pour un montant de 700 millions d’euros par an ; une mission pour l’innovation participative finançant les projets des innovateurs au sein des services du ministère.
Pour ma part, je souhaite renforcer l’effort en faveur de l’innovation selon un certain nombre d’axes. Il s’agit ainsi d’améliorer la collaboration avec l’écosystème, en particulier avec les start-up, de prendre en compte de façon plus agile l’innovation civile, notamment numérique, au profit des équipements, des soutiens et du quotidien des militaires, mais aussi du fonctionnement du ministère, de développer des outils d’expérimentation et des tiers-lieux au sein du ministère, et enfin de favoriser l’innovation de rupture.
C’est pourquoi j’ai également annoncé que les crédits du programme 144, consacré à l’innovation et aux études, devraient être portés à 1 milliard d’euros par an dès 2022, contre 730 millions d’euros aujourd'hui.
Enfin, vous m’interrogez sur le projet de consolidation entre Naval Group et Fincantieri. Ce projet a été lancé sous forme d’études à conduire lors du précédent sommet franco-italien qui s’est déroulé à Lyon. En ce moment même, les équipes de Fincantieri et de Naval Group, accompagnées par le ministère des armées et le ministère de l’économie de chacun de nos deux pays, travaillent en vue de présenter un projet à la fin du premier semestre de 2018.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. La revue stratégique fait un état des lieux des menaces pesant sur notre pays. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il devrait être complété par un autre état des lieux, celui de la situation humaine, matérielle et financière du ministère des armées ?
Vous avez annoncé tout à l’heure la trajectoire budgétaire, par anticipation sur la loi de programmation militaire, ce qui réduit un peu l’exercice ou le contraint. Pensez-vous que cette trajectoire sera suffisante, compte tenu de l’état de nos armées et de la menace, pour répondre aux différents défis qui se présentent à nous ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, j’ai en effet indiqué que, à partir de 2018, les moyens consacrés au ministère des armées remonteraient en puissance. Cette remontée en puissance était indispensable compte tenu, d’une part, du très fort taux d’utilisation de nos forces au cours des années précédentes et, d’autre part, de la nécessité de reconstituer notre potentiel pour faire face aux différentes menaces.
Nous devons aussi préparer le futur. La prochaine loi de programmation militaire devra trouver un juste équilibre entre ce qui est absolument indispensable, c'est-à-dire la reconstitution de notre potentiel d’action, avec les moyens existants, et la préparation de l’avenir. Les programmes d’équipements de défense, nous le voyons bien, sont des programmes au long cours. Nous touchons aujourd'hui les dividendes, si je puis dire, des décisions qui ont été prises par nos prédécesseurs il y a parfois trente ans. C’est à nous qu’il revient aujourd'hui d’assurer la préparation de l’avenir, c'est-à-dire de prendre des décisions qui n’auront d’effets visibles, dans certains cas, que dans trente ou quarante ans.
Oui, monsieur le sénateur, j’ai conscience des contraintes qui vont peser sur ce budget ! Le fait qu’il soit en progression ne signifie pas que nous ne devons pas être extrêmement vigilants sur la bonne utilisation de chaque euro investi.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.
M. Dominique de Legge. Madame la ministre, je ne mets aucunement en doute votre volonté de bien faire et de faire plus. Vous parlez de « reconstruire le potentiel », mais quelle sera la fin de l’exécution budgétaire 2017 ? L’impasse serait potentiellement de l’ordre de 4 milliards d’euros, soit plus de 10 % du budget ! Comme l’a rappelé Christian Cambon tout à l’heure, des véhicules, des avions ont plus de trente ans !
Dans notre rapport, que vous avez bien voulu lire, nous estimons à 2,5 milliards d’euros les investissements nécessaires dans le parc immobilier. Je crains que la vérité des chiffres nous conduise à penser que, compte tenu de la situation dont vous héritez et de la menace qui pèse sur notre pays, l’effort que vous prévoyez de consentir ne permette pas de satisfaire l’ensemble des besoins.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’aborder deux sujets indissociables.
J’évoquerai tout d’abord le rôle de la gendarmerie nationale dans la défense de notre pays, de ses intérêts et de nos ressortissants, tant sur le sol national qu’à des milliers de kilomètres, dans nos territoires ultramarins.
On ne peut envisager la doctrine de sécurité sans prendre conscience de la spécificité évidente de la gendarmerie : son ancrage territorial, ses capacités judiciaires, militaires, administratives, ses relations privilégiées avec nos concitoyens et les autres armées.
Dans le contexte de menace terroriste, nous ne pouvons ignorer l’aggravation de la porosité entre les activités criminelles et le financement d’organisations djihadistes transnationales. Que ce soit en matière de lutte contre le trafic d’armes en provenance des Balkans occidentaux ou de drogues en provenance de la bande sahélo-saharienne, la gendarmerie a une véritable expertise des filières et de leurs interactions.
Madame la ministre, alors que le risque d’attentat ne cesse de croître, dans quelle mesure les métiers de la gendarmerie, qui ont une réelle valeur ajoutée dans notre outil de sécurité nationale, peuvent-ils être optimisés et développés ?
Enfin, je ne saurais conclure sans évoquer un point capital de notre politique de défense : nos ressources humaines. Vous aurez beau « cybernétiser » ou moderniser, il n’est point de défense sans ressources humaines. Or nous savons tous que celles-ci sont véritablement épuisées. Ne pensez-vous pas que nos militaires, qui ne sont pas des fonctionnaires comme les autres, du fait même de leur condition militaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mériteraient une réelle amélioration de leurs conditions de travail et de vie, au sens large du terme ? Il y va de la détermination de nos troupes à défendre nos valeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, la gendarmerie est une force armée rattachée au ministère de l’intérieur, qui couvre et incarne l’État sur 95 % de son territoire, au profit de la moitié de la population. Elle constitue une force de continuité et de souveraineté, quelle que soit l’intensité des crises.
Les gendarmes ont de remarquables capacités à mener un certain nombre d’opérations en complément de celles des armées elles-mêmes. La gendarmerie apporte en effet des appuis quantitatifs et qualitatifs essentiels, d’abord par l’existence de gendarmeries spécialisées, ensuite grâce à des missions communes réalisées en métropole – c’est le cas dans le cadre de l’opération Sentinelle ou bien outre-mer, par exemple en Guyane, dans le cadre de l’opération Harpie –, enfin lors des opérations extérieures.
La gendarmerie fait en quelque sorte le lien entre les opérations intérieures et les opérations extérieures menées par nos armées. Elle est un acteur clé de l’anticipation dans le cadre de ses activités de renseignement ; elle est un acteur clé de la résilience de la Nation ; elle est enfin également un acteur clé de la dissuasion. L’interopérabilité et la complémentarité entre la gendarmerie et les armées sont des atouts majeurs pour notre pays.
Vous rappelez enfin que, sans les femmes et les hommes de la défense, nos armées ne seraient rien. C’est bien pour cette raison, monsieur le sénateur, que j’ai souhaité pouvoir proposer d’ici à quelques jours un plan en faveur des militaires et de leurs familles. Je considère que, sans famille heureuse, il n’y a pas de soldat efficace. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de mesures, qui ont vocation à se traduire…
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. … de façon très concrète dès l’année 2018, seront proposées d’ici à quelques jours. Je suis sûre que nous aurons l’occasion d’y revenir ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels de nos armées, sujet déjà abordé par plusieurs de mes collègues, ce qui est le signe d’une inquiétude assez générale.
Le président Cambon nous a, non sans humour, parfaitement présenté la situation. La politique du toujours plus loin, toujours plus longtemps et avec toujours moins n’est plus tenable. Il y va de la sécurité même de nos soldats. La multiplication des OPEX sur des théâtres où les conditions sont difficiles, combinée aux besoins de nos forces de souveraineté, pèse sur l’ensemble de notre appareil de défense. Nos matériels sont plus qu’usés, nos soldats sont fatigués et ont des difficultés à maintenir les niveaux d’entraînement.
Certes, des efforts budgétaires ont été engagés pour prendre en compte cette problématique, mais il s’agit de développer une véritable politique en la matière : le volet « soutien » mérite d’être repensé.
Madame la ministre, quelles actions précises entendez-vous mettre en œuvre pour permettre une réelle amélioration de la situation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, le maintien en condition opérationnelle est une de mes préoccupations majeures – j’avoue, pour être tout à fait franche, qu’elle était aussi celle d’un certain nombre de mes prédécesseurs.
Que pouvons-nous faire à très court terme ?
Dans la mesure où les matériels sont fortement sollicités, il m’a tout d’abord semblé indispensable, dans le cadre des arbitrages budgétaires qu’il a fallu rendre au sein de l’enveloppe globale qui nous a été allouée pour 2018, d’assurer une progression des moyens consacrés au maintien en condition opérationnelle, toutes forces confondues. Le budget, d’un montant de 6 milliards d’euros, sera donc augmenté de 400 millions d’euros en 2018 par rapport à 2017. Il s’agit d’une première étape.
Seconde question, comment faire en sorte, au-delà des investissements que je viens de mentionner, que nos matériels soient plus disponibles, et le soient dans de meilleures conditions ? Aujourd’hui, les taux de disponibilité, comme l’a souligné le président Cambon, ne sont pas acceptables.
Permettez-moi toutefois d’apporter une nuance à votre propos, monsieur Cambon : le taux de disponibilité, lorsqu’il s’agit de matériels engagés dans les opérations, n’est évidemment pas du tout celui qui a été décrit. Mais vous le savez parfaitement…
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Heureusement !
Mme Florence Parly, ministre. Le niveau d’indisponibilité des matériels est notamment préoccupant dans le domaine aéronautique. C'est la raison pour laquelle j’ai demandé à M. Chabbert de bien vouloir réaliser un audit sur le maintien en condition opérationnelle dans ce domaine. Il me fera part de ses propositions d’ici à quelques semaines. Il ne suffit pas d’investir : encore faut-il pouvoir utiliser pleinement des matériels qui ont bénéficié des investissements de la Nation.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Je prends acte de vos remarques et de vos initiatives, madame la ministre.
Nous serons très attentifs, eu égard à l’importance du sujet, à la réalité de ce qui sera proposé pour 2018.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale affiche de très grandes ambitions dans de nombreux domaines.
Je voudrais saluer ce formidable travail, dont nous sommes nombreux à partager les ambitions, tout en nous interrogeant sur la capacité budgétaire à y répondre, même en tenant compte de la hausse annoncée.
Se pose aussi un problème d’articulation de la revue stratégique avec la loi de programmation militaire, articulation qui lui a valu d’être surnommée « la rotule » dans le milieu militaire.
Je m’inspire de ce surnom pour soulever un autre problème d’articulation, celui pouvant survenir entre les ambitions européennes – j’approuve d’ailleurs pleinement le renforcement des partenariats européens – et l’OTAN : comment les choses se passeront-elles si des pays européens non membres de l’OTAN intègrent l’IEI, l’initiative européenne d’intervention, ou si des militaires étrangers, venus de pays non membres de l’OTAN, intègrent, comme le souhaite le Président de la République, l’armée française ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, l’initiative européenne d’intervention, appelée récemment de ses vœux par le Président de la République, sera ouverte à tous les États qui seront volontaires pour la rejoindre, unis autour de valeurs communes, partageant une même vision sécuritaire, tout en souhaitant faire les efforts nécessaires pour lancer des engagements communs de natures très diverses, car pouvant aller de l’évacuation de ressortissants à des opérations de très haute intensité, en passant par la lutte contre le terrorisme.
L’initiative européenne d’intervention a vocation à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe et donc l’ensemble des instruments de politique de sécurité et de défense commune. Les pays de l’Union européenne seront prioritairement associés à cette initiative, mais celle-ci ne se limitera cependant pas à l’Union européenne : elle sera tout à fait transposable à l’OTAN ou à des formats ad hoc.
Monsieur le sénateur, notre objectif est en effet bien de dépasser la question des cadres institutionnels pour favoriser, et c’est finalement la seule chose qui compte, la construction d’une culture stratégique commune entre Européens.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Je vous remercie, madame la ministre, mes chers collègues, de votre participation à cette nouvelle forme d’échanges interactifs.
7
Redressement de la justice
Discussion d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice (proposition n° 641, 2016-2017, texte de la commission n° 34, rapport n° 33) et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice (proposition n° 640, 2016-2017, texte de la commission n° 35, rapport n° 33), présentées par M. Philippe Bas.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la justice va mal.
Les délais ne cessent de s’allonger. En dix ans, ils sont passés de sept mois et demi à près d’un an pour les tribunaux de grande instance. Dans le même temps, le stock d’affaires en attente a augmenté de plus d’un quart. Or le nombre de magistrats et de greffiers a diminué. Les vacances de postes sont devenues endémiques : actuellement, près de 500 postes de magistrats et 900 postes de greffiers ne sont pas pourvus.
Les juridictions sont proches de l’embolie. Chaque année, on compte plus de 2,6 millions nouvelles affaires civiles et plus de 1,2 million nouvelles affaires pénales.
Je veux ici rendre hommage à tous les magistrats, aux personnels judiciaires et pénitentiaires, aux avocats et aux auxiliaires de justice dont le dévouement quotidien, dans des conditions difficiles, voire dégradées, fait que la justice est encore rendue dans notre pays.
Des millions de Français sont concernés. Pour eux, la justice, ce sont d’abord les litiges relatifs aux loyers, aux crédits à la consommation, aux saisies sur salaire, à la propriété, à l’état civil, au droit du travail, au recouvrement de créances et, bien sûr, aux divorces, à la garde des enfants, aux pensions alimentaires…
À l’égard de tous nos concitoyens en demande de justice, les tribunaux doivent avant tout répondre à des impératifs de service public : qualité, facilité d’accès, simplicité de fonctionnement, rapidité et, bien évidemment, effectivité de l’exécution des jugements.
Il suffit d’énoncer toutes ces exigences pour mesurer le chemin qui reste à accomplir pour répondre aux attentes des Françaises et des Français.
En attestent aussi les lenteurs et les dysfonctionnements de l’aide juridictionnelle, ainsi que l’incroyable complexité du partage des compétences entre tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance. Dans notre pays, le parcours de l’accès au droit demeure trop souvent labyrinthique.
Quant à la chaîne pénale, elle se caractérise par un phénomène de saturation qui prend deux formes : 100 000 condamnations à une peine de prison ferme en attente d’exécution ; 70 000 détenus pour 58 000 places en prison – chaque nuit, 1 800 détenus dorment sur un matelas posé à même le sol.
C’est dire l’ampleur des défis que doit relever la justice de notre pays pour sortir de la crise dans laquelle un long délaissement l’a plongée.
Pendant près d’un an, la mission pluraliste de la commission des lois a entendu au Sénat non loin de 300 personnalités du monde judiciaire et a accompli de nombreux déplacements à travers notre pays pour apprécier concrètement les conditions de fonctionnement de la justice.
La mission a rendu son rapport le 4 avril dernier. Nous sommes parvenus à faire émerger ensemble 127 propositions, dont 125 ont fait l’objet d’un accord entre nous. Il s’agit d’un consensus politique, mais aussi d’un large consensus judiciaire.
Au cours de notre plongée dans le monde de la justice, jamais ou presque la question du manque d’indépendance n’a spontanément été soulevée, sauf pour la nomination des magistrats du parquet. L’indépendance de la justice est profondément ancrée non seulement dans notre droit, mais aussi dans la culture et les pratiques des magistrats. Elle n’est en rien menacée.
C’est pourquoi nous avons concentré nos réflexions et nos propositions sur la question des moyens, de l’organisation et de la gestion des juridictions plutôt que sur la conception de réformes institutionnelles sans portée concrète qui nous auraient enfermés dans des débats idéologiques dépassés ayant trop souvent servi de prétexte à l’inertie.
Les propositions de loi qui vous sont présentées sont le fruit de ce travail.
Au cours des quinze dernières années, la demande de justice a progressé beaucoup plus vite que les moyens, même si, contrairement aux idées reçues, ceux-ci ont en réalité beaucoup augmenté, passant de 4,5 milliards d’euros en 2002 à 8,5 milliards d’euros en 2017.
Mais cet effort s’est révélé très insuffisant compte tenu de l’explosion du nombre des instances. En réalité, la justice a été négligée, sauf, peut-être, durant la période 2002-2007, au cours de laquelle le budget a augmenté de 37 %. Le rythme de la hausse a ensuite été inférieur de moitié.
Pourquoi ce ralentissement ? Parce que dès l’été 2002 avait été votée une loi de programmation des moyens de la justice, mise en œuvre cent jours après l’élection présidentielle. La sincérité de la priorité donnée à la justice avait alors été démontrée avec éclat…
La véritable épreuve de vérité permettant d’apprécier la volonté politique de redresser la justice est donc bien la capacité à adopter rapidement une loi de programmation liant le Gouvernement et le Parlement dans l’élaboration et l’exécution des lois de finances de tout le quinquennat.
La proposition qui vous est présentée vise à augmenter le budget de la justice de 28 % en cinq ans, avec la création de près de 14 000 postes et de 15 000 places de prison, pour atteindre un budget d’environ 11 milliards d’euros en 2022.
Cette augmentation est, certes, moindre que celle qui est intervenue entre 2002 et 2007, mais elle est déjà près de deux fois plus importante que celle qui a été enregistrée pendant le précédent quinquennat.
Pour atteindre ces objectifs matériels, la croissance du budget de la justice devra s’élever en moyenne à 5 % par an, c’est-à-dire être nettement supérieure à celle du budget 2017 et du projet de budget pour 2018, qui traduisent pourtant une évolution substantielle par rapport aux années précédentes.
Il faut, par ailleurs, mettre la justice à l’abri des mesures de mise en réserve et d’annulation de crédits qui provoquent, depuis si longtemps, une gestion erratique des budgets et une exécution chaotique des travaux programmés sans véritablement contribuer à la maîtrise des dépenses publiques. Des dispositions vous sont proposées en ce sens.
Madame la garde des sceaux, je suis heureux de voir que le Gouvernement, après tant et tant de rapports, a lancé le mois dernier une réflexion multiforme sur la réforme de la justice. Les cinq groupes de travail devront vous remettre leurs conclusions en janvier prochain. Je veux croire que l’inscription de nos deux propositions de loi à l’ordre du jour du Sénat n’est peut-être pas étrangère au lancement de cette nouvelle réflexion.
Mais, si le Gouvernement a posé de bonnes questions, nous espérons avoir déjà formulé les bonnes réponses ! Ce serait une perte de chance pour la justice que de ne pouvoir disposer d’une loi de programmation que dans le courant de l’année 2019, deux ans après l’élection présidentielle.
Si nous voulons œuvrer au redressement de la justice dans l’unité nationale nécessaire, il faut aller vite. C’est pourquoi il est essentiel que la réforme de la justice soit adoptée dès maintenant par le Sénat et qu’elle devienne ensuite, si vous le voulez bien, un instrument entre les mains du Gouvernement pour que l’Assemblée nationale se prononce à son tour rapidement, c’est-à-dire au début de l’année 2018, dès que le Gouvernement aura tiré les enseignements des travaux que vous venez de lancer et que j’ai évoqués.
Une loi quinquennale qui ne trouverait à s’appliquer que durant les trois dernières années du quinquennat constituerait, pour la justice, une occasion largement manquée.
Le montant des crédits de la justice n’est bien sûr pas seul en cause. Il faut également poser la question, soulevée à de nombreuses reprises par la Cour des comptes, de l’organisation, du fonctionnement et de la gestion des cours et tribunaux, ainsi que des prisons. Il serait vain, en effet, de déployer de nouveaux moyens sans une transformation profonde de la façon d’utiliser les moyens existants.
La réforme sera le corollaire de l’engagement financier de l’État et, en quelque sorte, sa contrepartie. C’est pourquoi les textes qui vous sont soumis proposent des changements profonds.
La création d’un tribunal de première instance permettra de créer une unité de gestion des juridictions de proximité en maintenant l’intégralité des implantations actuelles.
Le développement massif de la conciliation et de la médiation concentrera le juge sur son office et accélérera le traitement des litiges.
La réforme de l’aide juridictionnelle écartera du prétoire les recours manifestement irrecevables et financera l’accès au juge par le rétablissement d’un droit de timbre modique.
L’amélioration de la gestion des ressources humaines, en magistrats comme en greffiers, mettra fin aux vacances de poste endémiques qui paralysent tant de petites juridictions déshéritées.
Le renforcement de l’équipe du juge permettra aux magistrats de se consacrer pleinement à leurs tâches.
Je cite encore le renforcement des pouvoirs budgétaires des chefs de juridiction, l’accélération des processus de dématérialisation des procédures, l’exigence d’études d’impact dignes de ce nom et, enfin, la clarification du régime de l’aménagement des peines.
Cette dernière mesure est une nécessité pour rétablir la confiance dans la justice pénale. Il n’est compréhensible ni pour les victimes ni pour les condamnés eux-mêmes que des peines de prison ferme allant jusqu’à deux ans ne donnent lieu, en pratique, à aucune incarcération. Si les alternatives à l’emprisonnement, dont l’essor stagne depuis cinq ans, doivent être développées, il importe de sortir de l’ambiguïté actuelle : une peine de prison ferme est une peine de prison ferme ; elle doit être exécutée, ou alors il faut prononcer une autre peine !
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’ambition de ces deux propositions de loi montre l’attachement que le Sénat porte à notre état de droit. Elles reflètent les attentes profondes de tous les Français, et pas seulement celles des serviteurs de la justice.
Sur un marché du droit en pleine expansion, les tribunaux n’ont plus de monopole : nous assistons à l’essor de sites internet proposant un éventail de plus en plus large de services de règlement des litiges. Si la justice continuait à dépérir, si le sursaut était encore différé, une justice de substitution, qui risquerait d’être aussi une justice au rabais, pourrait prospérer.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, il y a urgence à agir pour la sauvegarde et le redressement de notre justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, s’exprimer à cette tribune à ce stade est un exercice singulier puisque M. Bas, président de notre commission et auteur des deux propositions de loi, a, comme à son habitude, quasiment tout dit (Sourires.) et en grande partie révélé le rapport et les propositions qu’avec Jacques Bigot, mon corapporteur, nous allons présenter.
Je voudrais tout de même rappeler que ces deux textes que nous examinons en première lecture sont la concrétisation d’un travail de fond réalisé en 2016 et au début de 2017. Quelques éléments démontrent à quel point il fut approfondi : nous avons mené 117 auditions au Sénat et effectué treize déplacements sur le terrain, à Brest, à Marseille, à Dijon, à Élancourt, à Viroflay, à Nancy, à Metz, à Riom, à Bordeaux, à la direction des services judiciaires, à Bobigny, à Saint-Lô, à Lille, à Marmande et à Agen.
Pourquoi cette énumération ? Pour montrer à quel point la commission a été au plus près de la justice de nos concitoyens afin de se rendre parfaitement compte de la situation.
Comme l’a rappelé le président Bas, nous avons formulé 127 propositions consensuelles dans le rapport que nous avons présenté devant la commission des lois le 4 avril dernier, propositions à l’ensemble desquelles, il faut y insister à cette tribune, un accueil favorable ou très favorable a été réservé. Notre rapport fait consensus ou quasi-consensus à tous les niveaux, même si, bien sûr, quelques points font, mais de façon modérée, discussion.
La proposition de loi d’orientation et de programmation comprend un volet de programmation des crédits budgétaires et des emplois sur la période quinquennale 2018-2022, des réformes d’organisation et de structures, ainsi qu’un rapport annexé précisant, sur la même période, l’ensemble des réformes à mener, qu’elles soient législatives ou réglementaires, concernant l’évolution de l’organisation et les pratiques administratives.
La proposition de loi organique concerne notamment la loi organique relative aux lois de finances et le statut de la magistrature.
La principale mesure proposée, qui se trouve à la base de l’ensemble des autres propositions, vise à sanctuariser les crédits de la justice dans la LOLF afin de la préserver de ce que l’on appelle le gel budgétaire, parfois même le « dégel », et des annulations de crédits en fin d’année. Il s’agit d’une mesure essentielle, parce qu’elle permet d’inscrire et d’engager la réforme dans la durée.
La progression des crédits de la mission « Justice » de 8,7 milliards d’euros en 2018 à 10,9 milliards en 2022 inclut la création de 15 000 places de prison, ainsi que la progression du nombre d’emplois, qui passe de 85 700 en 2018 à près de 97 000 en 2022, et du nombre de conciliateurs.
Un dispositif plus précis en matière d’open data judiciaire et d’encadrement des sites internet est proposé. Il s’agit d’une mesure très importante qui constitue un élément substantiel de modernisation de notre justice et de son accès. La protection de cet open data judiciaire est évidemment un enjeu majeur.
En matière budgétaire, nous proposons le retour à l’aide judiciaire et, en particulier, le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique, à un niveau modique et modulable, de 20 à 50 euros, pour abonder le budget de l’aide juridictionnelle en maintenant l’exemption pour les personnes éligibles à celle-ci.
Autre élément tout à fait nouveau : la consultation préalable obligatoire d’un avocat, financée par le budget de l’aide juridictionnelle, avant toute demande. Il s’agit de s’assurer de façon effective de la pertinence de la demande du justiciable. C’est une question essentielle en termes d’efficacité et de gestion des flux. Disons les choses telles qu’elles sont : il y a de la quantité ; il faut lui adjoindre désormais de la qualité pour avoir de l’efficacité.
À côté de la création d’un tribunal départemental de première instance, dont Jacques Bigot parlera dans quelques instants, nous proposons de transformer les tribunaux de commerce actuels en tribunaux des affaires économiques et d’en élargir la compétence, de façon cependant volontairement limitée, aux procédures relatives aux difficultés des entreprises. Les nouveaux tribunaux se verraient confier les compétences qui sont actuellement celles des TGI pour le monde associatif et les professions libérales.
Telles sont les quelques avancées et précisions apportées par la commission.
Si la réinstauration d’un droit de timbre ne fait pas forcément l’unanimité au sein de la commission des lois et de notre assemblée, elle demeure un élément budgétaire essentiel puisqu’elle rapportera plus de 55 millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable en période de disette, sans priver du bénéfice de l’aide juridictionnelle ceux qui en ont besoin pour faire valoir leurs droits.
Le tribunal des affaires économiques, quant à lui, aura l’occasion de montrer sa grande compétence dans des affaires extrêmement techniques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, auteur de ces deux propositions de loin, mon cher collègue corapporteur, mes chers collègues, ce fut un plaisir pour moi d’accompagner le président de la commission des lois dans le cadre de la mission.
Nous avons effectué de nombreux déplacements et de nombreuses auditions.
Ce fut également un plaisir de constater que nous parvenions à un accord sur énormément de points, nous inspirant du travail déjà réalisé lors des états généraux portés par Mme Taubira, lorsqu’elle était garde des sceaux, et de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Enfin, je voudrais remercier François-Noël Buffet de la manière dont nous avons travaillé, alors que nous n’appartenons pas à la même famille politique, l’un étant de gauche, l’autre de droite. Nous avons ainsi montré, madame la ministre, que nous avons écouté, pour partie, le Président de la République. (Sourires.)
Dans le cadre du travail sur le redressement de la justice, nous avons, pour l’essentiel, trouvé des accords – ils concernent notamment le financement et l’organisation –, mais aussi mis en lumière des points de discussion, qui relèvent toutefois du détail.
Notre souhait en tant que corapporteurs est de vous donner, madame la ministre, la possibilité de vous battre, au sein du Gouvernement, pour avoir les moyens de redresser la justice. Je le sais, tous les gardes des sceaux l’ont dit, c’est une tâche difficile ! Elle est néanmoins indispensable. Il suffit, comme vous le faites, d’écouter les magistrats et les personnels pour se rendre compte qu’ils sont au bord du burn-out. Il est urgent d’avoir de nouveau des magistrats et des greffiers en nombre, ainsi que des conditions d’incarcération conformes à celles d’un État de droit digne de ce nom.
Le financement évoqué par MM. Bas et Buffet doit faire l’objet d’une programmation pluriannuelle et être accompagné d’une réforme organisationnelle. Cette dernière ne relève pas, pour l’essentiel, de la loi, mais des domaines administratifs et réglementaires. L’ensemble des réformes nécessaires a été décrit dans le rapport et repris de manière synthétique dans l’annexe à la proposition de loi.
Si les dispositions prévues par les deux textes sont importantes, elles demeurent toutefois insuffisantes. S’agissant du numérique, l’évolution envisagée est relativement légère et plutôt protectrice, notamment à l’égard des officines qui pourraient se créer. Bien qu’importantes, ces dispositions n’amélioreront pas le fonctionnement, car vous le savez, mes chers collègues, si la justice est en retard pour ce qui concerne le numérique, les efforts à réaliser sont essentiellement organisationnels.
La création du tribunal de première instance apparaît à nos yeux comme une formule organisationnelle souhaitable. D’abord, il faut abolir les distinctions de compétences entre tribunal d’instance et tribunal de grande instance, les tribunaux d’instance ayant vu la compétence du tribunal de police transférée vers le tribunal de grande instance. Par ailleurs, le juge des tutelles est dorénavant le juge aux affaires familiales, lequel appartient lui-même au tribunal de grande instance. À un moment donné, il est plus simple, pour les justiciables, d’arriver à une organisation de type tribunal de première instance, comme cela se fait dans d’autres pays européens.
En revanche, les problèmes relatifs au nombre de tribunaux par département perdureront. Nous souhaitons qu’il y ait un tribunal de première instance par département, tout en conservant à l’esprit l’idée selon laquelle tous les lieux de justice n’ont pas besoin d’être regroupés. Au demeurant, ces questions relèvent plus de l’organisation que des principes.
Pour notre part, nous posons le principe, dans la loi, d’un tribunal de première instance, principe qui fait consensus.
S’agissant de la conciliation, il est important, dans le droit fil de la réforme de modernisation de la justice du XXIe siècle, ou J21, de poursuivre les évolutions.
Pour ce qui concerne la question pénale, nous avons été très étonnés, François-Noël Buffet et moi-même, de l’insuffisance des liens entre justice et administration pénitentiaire. Il n’est plus possible que des magistrats, dans des tribunaux correctionnels, prononcent des peines en se déchargeant – de par la loi ! – de la question de l’application de la peine sur le juge de l’application des peines, sans se préoccuper de savoir comment les maisons d’arrêt peuvent fonctionner. Les responsables des prisons doivent pouvoir dire qu’il est impossible, pour des raisons de sécurité, d’accepter davantage de détenus. Les articles 27 et 28 de la proposition de loi permettent d’ouvrir, sur cette question, un débat, à mes yeux urgent, qui sera approfondi par la discussion des amendements déposés sur ces articles.
Nous avons souhaité ajouter un article additionnel pour prévoir, madame la ministre, la rédaction d’un rapport par les chefs de juridiction sur la situation de l’exécution des peines au regard de celle des maisons d’arrêt du ressort.
S’agissant de la proposition de loi organique, nous avons été sensibles, au cours de nos visites, à la question du turn-over, trop fort dans certaines juridictions, des magistrats. Nous souhaitons que ceux-ci restent au moins trois ans, quatre ans si ce sont des juges spécialisés, en poste et au maximum dix ans. Nous savons que c’est une pratique du CSM, le Conseil supérieur de la magistrature, mais nous pensons qu’il faut l’inscrire dans la loi organique.
En guise de conclusion, je rappelle que nous avons eu un vrai débat, qui demeure, sur la possibilité d’avoir des magistrats entourés et aidés qui ne statuent pas seuls. Tel est le sens d’une réforme qui a choqué la magistrature, mais pas le Sénat, puisqu’il y reviendra au cours de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être aujourd’hui devant vous pour débattre des deux propositions de loi que viennent de présenter M. Bas, leur auteur, et les deux rapporteurs. Je me dois de saluer d’emblée le travail considérable qui a été mené sous l’égide de son président par votre commission des lois.
Permettez-moi d’évoquer une anecdote personnelle. Vous m’avez remis, cher Philippe Bas, le rapport de la mission d’information très exactement – je l’ai daté – cinq jours après ma nomination. (Sourires.) Il a constitué un élément puissant de mon acculturation avec le milieu de la justice, et de cela aussi je vous remercie.
Que ces textes soient inscrits à l’ordre du jour du Sénat témoigne, s’il en était besoin, de l’intérêt soutenu et constant porté par la Haute Assemblée à la justice. Ce faisant, vous vous inscrivez résolument dans la grande tradition sénatoriale.
Le rapport de la mission d’information de la commission des lois, présenté le 4 avril 2017, dont ces textes se veulent la traduction, constitue un socle important. Il montre que l’objectif d’améliorer le fonctionnement de la justice dépasse largement tous les clivages partisans. Le débat d’aujourd’hui donnera l’occasion à chacun des groupes qui constituent le Sénat de démontrer que l’on peut s’accorder sur des propositions consensuelles en la matière. J’y vois la confirmation que la transformation de la justice ne doit pas seulement relever d’un enjeu idéologique. C’est pour moi une conviction profonde.
Qu’on ne s’y trompe pas ! Cela ne signifie pas que je ne suis pas attentive aux impératifs de l’État de droit et que je ne mesure pas les exigences constitutionnelles ou conventionnelles de protection des libertés publiques et individuelles.
Je ne veux pas signifier que des débats de cette nature seraient illégitimes ou inutiles. Ce serait absurde et contraire à toute idée démocratique. Je pense simplement qu’en tant que responsables politiques, que nous soyons parlementaires ou membres de l’exécutif, nous devons aussi apporter à la justice des solutions concrètes, opérationnelles, qui améliorent vraiment les choses, et non pas des idées préconçues qui se grefferaient sur une réalité qui serait tout autre.
Je partage en grande partie les orientations mises en avant par la mission d’information et reprises dans le rapport annexé à la proposition de loi.
Je ne peux que souscrire à la volonté qui y est exprimée de « renforcer les capacités de pilotage du ministère de la justice », de « moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique », de « rendre l’institution judiciaire plus proche des citoyens », d’« améliorer l’organisation et le fonctionnement des juridictions en première instance et en appel », d’« accroître la maîtrise des dépenses » ou, enfin, de « redonner un sens à la peine d’emprisonnement ».
Je partage bien entendu toutes ces ambitions et je tiens d’ailleurs à remercier M. le président de la commission des lois d’être venu m’en présenter l’économie et la portée.
Dans le rapport de la mission comme dans les deux propositions de loi, l’accent est tout d’abord mis sur les questions budgétaires. Vous avez raison sur ce point, et le Gouvernement sait qu’il est nécessaire de donner, sur la durée, des moyens supplémentaires à la justice.
C’est une volonté forte qui a été exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, qui en a fait l’un des points essentiels de son discours de politique générale en juillet dernier.
Les paroles se sont traduites en actes : le budget du ministère augmentera de près de 4 % en 2018 à périmètre constant. Dans le contexte contraint de nos finances publiques, une telle augmentation est assez significative. La progression sera encore plus rapide dans les années à venir, puisqu’elle devrait s’élever à 4,3 % en 2019 et à 5,1 % en 2020.
En trois ans, le budget de la justice augmentera ainsi de près de 900 millions d’euros. L’un de mes prédécesseurs avait fixé l’objectif d’un accroissement d’un milliard d’euros sur l’ensemble du quinquennat. Cet objectif sera donc quasiment atteint sur les trois premières années. Sans en tirer gloire, c’est évidemment un motif de satisfaction, car c’est l’assurance que nous pourrons avoir les moyens indispensables pour soutenir les évolutions profondes que nous souhaitons mettre en œuvre en faveur de la justice.
Mais je pense aussi, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, que l’augmentation des moyens ne suffira pas à elle seule à transformer la justice. C’est d’ailleurs un constat partagé avec la commission des lois.
Depuis plusieurs années, les discours sur la justice portent essentiellement sur des questions de principe et sur des questions budgétaires. Évidemment, ces enjeux sont légitimes et importants. Mais il faut aussi s’interroger sur l’adéquation de l’organisation de la justice et de ses procédures avec les missions qui nous sont assignées. Je veux traiter ces questions, car les augmentations budgétaires ne seront efficaces que si nous nous lançons dans une transformation en profondeur de notre système.
Dès son discours de politique générale, le Premier ministre avait annoncé, je le rappelais à l’instant, un projet de loi de programmation pour la justice qui devrait être présenté au Parlement au printemps prochain.
Cher Philippe Bas, vous souhaiteriez que ce projet de loi de programmation s’appuie sur la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui. Permettez-moi d’avoir sur ce point une divergence de nature plus méthodologique que principielle.
L’article 34 de notre Constitution prévoit que les lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. Même si rien ne fait naturellement obstacle à ce que le Parlement prenne des initiatives en ce domaine, il me semble logique, sur le plan institutionnel, que le Gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la Nation en application de l’article 20 de la Constitution, soit à l’initiative d’une loi de programmation pour la justice, laquelle traduit une volonté politique et une action dans la continuité.
Comme vous, je souhaite aller vite, car la justice ne peut plus attendre, mais je veux aussi agir avec méthode et pragmatisme, deux valeurs que vous ne renierez pas.
Plus fondamentalement sans doute, je pense que l’excellente base de travail que constituent les travaux de la commission des lois doit être encore enrichie par les propositions venues des acteurs mêmes de notre justice. Je n’ignore pas que la mission d’information que vous avez conduite est allée à la rencontre d’un nombre important d’entre eux et les a auditionnés.
Cependant, j’ai souhaité aller plus loin dans la consultation de celles et ceux qui peuvent être porteurs d’idées nouvelles, efficaces et réalistes, car j’ai la conviction, après quelques mois passés place Vendôme, que ce sont les acteurs au quotidien de la justice qui détiennent les clés de sa transformation.
Sans eux, rien n’est possible. Ce sont eux qui peuvent nous apporter les solutions concrètes dont nous avons besoin pour engager les indispensables évolutions. Leur expérience, leur engagement, leur imagination doivent nous être utiles. J’ai rencontré des magistrats et des personnels qui prennent des initiatives, fourmillant d’idées pour améliorer le traitement des dossiers, aller plus vite, mieux accueillir les justiciables… C’est sur eux que je veux m’appuyer.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de lancer des chantiers de la justice articulés autour de cinq thèmes : la transformation numérique, la simplification de la procédure pénale, la simplification de la procédure civile, l’adaptation de l’organisation territoriale, le sens et l’efficacité des peines.
Chaque chantier est coordonné par deux chefs de file choisis pour leur expérience sur chacun des sujets. Chaque chantier sera mené selon une méthode spécifique, ajustée au mieux aux besoins de l’exercice.
Je suis persuadée que la transformation numérique est la première priorité. Le justiciable ne peut plus comprendre que la justice reste à l’écart de l’évolution numérique, qui facilite l’accessibilité et l’efficacité des services publics. Le numérique offre l’opportunité unique de rendre notre justice accessible à chacun très simplement, de rendre des décisions plus rapidement, de réduire les distances géographiques, d’introduire de la transparence sur l’avancée des procédures. Vous l’avez, cher Philippe Bas, très bien écrit.
Ce sujet irrigue en réalité tout le fonctionnement de la justice. Ainsi, il n’est pas normal que les justiciables ne puissent suivre l’état de leur procédure en ligne, comme cela se fait, toute comparaison gardée, devant la juridiction administrative depuis plusieurs années. Il n’est pas normal non plus que l’on ne puisse pas saisir les juridictions en ligne, notamment pour les petits litiges. Enfin, on ne peut accepter que les procédures pénales ne soient pas dématérialisées, de l’enquête jusqu’à l’audience, et que les magistrats et les greffes se trouvent noyés sous le papier. Le plan de transformation numérique doit être ambitieux. Les acteurs de terrain, par leurs exigences, nous aideront à fixer les bonnes priorités.
Cette réflexion autour de la numérisation doit aller de pair avec la réforme des procédures civile et pénale. C’est une question de cohérence, puisque le cœur du procès sera, dans un futur proche, je l’espère, constitué d’un dossier numérique.
C’est pourquoi nous avons lancé, avec le ministre de l’intérieur, mon collègue Gérard Collomb, un ambitieux chantier d’amélioration et de simplification de la procédure pénale. Nous souhaitons ensemble – j’insiste sur cette volonté commune, concernant notamment la phase de l’enquête – que l’on puisse alléger et rendre plus efficace et plus fluide le travail des enquêteurs, dans le respect des libertés individuelles. Il faudra également renforcer l’efficacité du travail des magistrats, en leur permettant de se concentrer sur le cœur de leur activité.
Je souhaite donc que le débat s’engage, pour évaluer l’ensemble des propositions et, surtout, celles qui sont issues des consultations effectuées auprès des professionnels de la justice, mais aussi, pour la partie qui les concerne, auprès des enquêteurs, qu’ils soient policiers ou gendarmes.
Il va de soi que ce chantier trouvera sa concrétisation et ses prolongements dans les textes que nous présenterons au printemps.
Il en ira de même pour le chantier sur le sens et l’efficacité de la peine. Notre ordre pénal républicain est fondé sur le principe de l’individualisation des peines. Cela doit demeurer ainsi. Mais la réflexion n’a pas encore suffisamment investi le champ de l’exécution des peines. Je suis pourtant convaincue que, ce qui garantit l’efficacité de la répression, c’est le caractère adapté de la peine, mais aussi sa certitude et sa promptitude.
Outre un plan de construction de 15 000 nouvelles places de prison, qui traduit un engagement présidentiel et permettra d’assurer la prise en charge des détenus dans des conditions tout à la fois de plus grande sécurité pour la société et de plus grande dignité pour eux, une réflexion doit être conduite sur le sens de la peine. Elle devra prendre en compte ses trois dimensions : sécuriser la société, punir le condamné et assurer la réinsertion sociale de ceux qui ont purgé leurs peines.
Nous travaillons sur la manière de donner aux magistrats les moyens de prononcer des peines réellement diversifiées, en ne faisant plus de la peine d’emprisonnement la seule peine de référence et en réinscrivant à son côté des peines autonomes, notamment les peines de travaux d’intérêt général et le bracelet électronique pour les courtes peines.
Dans le cadre de ce chantier sera évalué notre système d’aménagement et d’exécution des peines, devenu, vous l’avez rappelé, messieurs les rapporteurs, trop complexe. Il faut aussi nous pencher sur le parcours des détenus en détention et l’aménagement des fins de peine. C’est essentiel pour la prévention de la récidive et la réinsertion des condamnés. Tous ces points se traduiront par des modifications de notre législation.
La simplification que j’appelle de mes vœux portera aussi sur la procédure civile.
La réforme de la procédure en appel, qui vient d’entrer en vigueur, doit être pleinement assimilée par les acteurs, et il faut se donner le temps d’une première évaluation avant de la retoucher profondément. En revanche, nous pouvons aller plus loin, me semble-t-il, s’agissant de la procédure civile de première instance.
Dans le cadre de la dématérialisation, il faut simplifier les règles de saisine du juge et développer puissamment la conciliation et la médiation. Il nous faudra travailler sur la déjudiciarisation d’un certain nombre de procédures, dans le cadre de ce chantier.
Je souhaite, entre autres choses, que l’on puisse expertiser l’idée de deux « procédures cibles » – procédure avec avocat et procédure sans avocat –, au sein desquelles viendraient se fondre les particularismes qui distinguent aujourd’hui les contentieux.
Il faut aussi que l’on puisse s’interroger sur l’office du juge et le rôle des parties quant à l’objet du litige : faut-il davantage responsabiliser les parties sur la mise en état du dossier ? Faut-il instaurer une obligation pour le juge de soulever d’office un moyen de pur droit ? Un juge compétent pour soulever d’office les moyens de droit, c’est en effet une piste pour rétablir l’égalité des armes au profit du justiciable qui ne dispose pas des ressources nécessaires pour s’assurer une défense de qualité.
Je souhaiterais enfin que l’on puisse réfléchir à la revalorisation du rôle du juge de première instance : pour ce faire, faut-il revoir les cas d’ouverture de l’appel ou encore généraliser l’exécution provisoire ?
Toutes ces questions seront soumises à la réflexion ; nous ne devons omettre aucune piste et n’éluder aucune question pour apporter les bonnes réponses.
Enfin, il reste un dernier chantier, qui n’est pas le moindre, celui de l’adaptation de l’organisation judiciaire. La proposition de loi en discussion comporte un certain nombre de propositions très précises à cet égard.
Cette adaptation est une conséquence inéluctable des réformes profondes que je souhaite mener. La simplification et la numérisation des procédures ne peuvent rester sans incidence sur nos modes de fonctionnement et sur notre organisation. Les nouvelles perspectives numériques, notamment, changeront le rapport des justiciables à la justice, mais modifieront aussi profondément le travail de l’ensemble des professions du droit.
À mon sens, le statu quo n’est pas possible. On ne peut imaginer une transformation de nos procédures et de nos modes de fonctionnement sans une adaptation de notre organisation, avec une seule idée-force : rendre le meilleur service possible au justiciable, car c’est bien lui qui doit être notre préoccupation centrale.
Cela signifie en particulier que les exigences qui s’imposent à notre organisation doivent être fondées sur le respect des principes de proximité et d’efficacité.
Je le rappelais à l’instant, votre mission d’information a proposé des pistes dignes d’intérêt, et je me réjouis qu’elle soit entrée positivement dans ce débat. L’adaptation de notre organisation est toujours un sujet sensible, compliqué, où les intérêts des uns et des autres se chevauchent, se confrontent, se retrouvent ou divergent parfois profondément. Le point de vue du Sénat, assemblée de la proximité et des territoires, est en la matière tout à fait essentiel, et j’y serai très attentive.
J’ai souhaité que cette question soit étudiée dans le cadre des chantiers de la justice avec un regard neuf, en se fondant sur une ample concertation. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que soit menée une mission de concertation avec l’ensemble des parties prenantes – professionnels du droit, magistrats, fonctionnaires, parlementaires et élus locaux – sur les principes qui doivent sous-tendre notre organisation judiciaire, tels que les principes de proximité, de collégialité, de spécialisation et de mise en cohérence avec l’action de l’État. Des propositions me seront faites par les chefs de file de ces chantiers au tout début de l’année prochaine.
Je veux cependant d’ores et déjà l’indiquer, cette réforme doit se faire en conservant le maillage actuel de nos juridictions, en maintenant les implantations judiciaires existantes. Les adaptations ne se traduiront par la fermeture d’aucun lieu de justice.
M. Philippe Bas, président de la commission. Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne m’appuie et ne m’appuierai sur aucune carte préétablie. Mon projet ne sera pas fondé sur un quelconque schéma arrêté de manière autoritaire et technocratique. L’adaptation de notre réseau ne résultera que de la réflexion qui a déjà été conduite et de la concertation aujourd’hui engagée.
Sur tous ces chantiers, j’ai fait le choix d’un calendrier de travail resserré. La restitution des concertations aura lieu dès le 15 janvier prochain, sous la forme de propositions concrètes, opérationnelles et déclinées selon un calendrier précis, de manière à ce que nous puissions être prêts à présenter au Parlement un projet de loi de programmation pour la justice, qui comprendra des dispositions pénales, dès le printemps prochain.
Je souhaite que les résultats de ces chantiers puissent être restitués dans un cadre législatif avec la plus grande cohérence, car, si j’ai fait le choix de lancer simultanément ces cinq chantiers, c’est parce que j’ai la conviction que la transformation de la justice ne pourra résulter que d’une action globale. C’est finalement à cette conclusion que votre commission des lois a également abouti.
Sur le fond, des points de convergence existent entre nous, et c’est heureux, que ce soit sur des objectifs généraux ou sur des mesures concrètes. Je pense notamment aux services de communication en ligne fournissant des prestations juridiques ou aux amendes civiles pour les appels abusifs.
Sur d’autres points, nous avons des divergences. Je pense au rétablissement en l’état de la contribution pour l’aide juridique ou aux dispositifs qui pourraient rigidifier excessivement la gestion des ressources humaines.
Enfin, nombre des questions que vous avez soulevées sont liées aux conclusions des chantiers de la justice que je viens d’engager. C’est le cas concernant les moyens et les effectifs programmés. Je vous l’ai dit, le Gouvernement présentera dans quelques mois sa propre programmation. La répartition des postes et des moyens dépendra notamment du rythme auquel nous pourrons créer les 15 000 places de prison en faveur desquelles nous avons pris un engagement.
Les sujets relevant de l’aménagement des peines, du suivi socio-judiciaire ou de l’organisation de la première instance sont aussi directement liés aux chantiers de la justice.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est très ouvert et très attentif aux propositions de votre commission des lois et de votre assemblée. C’est une remarquable base de départ, qui alimentera notre réflexion, parallèlement aux consultations de terrain lancées dans le cadre des chantiers de la justice.
Si vous le souhaitez, je tiens à votre disposition les questionnaires qui ont été adressés aux acteurs de terrain dans ce cadre. Les contributions de chacun nous seront très utiles.
Par respect pour le travail accompli et conformément à son souci d’écoute, le Gouvernement a fait le choix de ne pas déposer d’amendements sur ce texte. Il s’en tiendra globalement, en l’état, à une position de sagesse, souvent positive, parfois interrogative, mais, soyez-en assurés, toujours attentive. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces deux propositions de loi font suite aux travaux de la mission d’information de la commission des lois sur le redressement de la justice que présidait Philippe Bas.
Les travaux de cette mission, qui comportait un représentant de chaque groupe parlementaire, ont donné lieu à un rapport présenté le 4 avril dernier.
Ces deux textes partent du constat que la hausse des moyens dévolus à la justice, passés de 4,5 milliards à 8,5 milliards d’euros entre 2002 et 2017, n’a pas apporté d’améliorations significatives. Trop de réformes sont venues rendre toujours plus complexe le fonctionnement de la justice, tandis que, dans le même temps, l’activité juridictionnelle n’a cessé de croître.
Par ailleurs, notre système judiciaire apparaît bien moins classé que d’autres systèmes judiciaires européens.
En effet, depuis plusieurs années, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, instance du Conseil de l’Europe créée pour évaluer l’efficacité des systèmes judiciaires, fait le constat d’une relative modestie du budget de la justice française.
Selon son rapport, le montant annuel du budget par habitant affecté au système judiciaire est assez faible puisque la France n’y consacre que 64 euros en moyenne, ce qui la place assez loin du niveau de dépenses consenti par des pays dont les structures sont comparables, comme l’Autriche – 96 euros par habitant –, la Belgique – 85 euros – ou l’Italie – 73 euros.
Si l’on rapproche le niveau de dépenses pour la justice du produit intérieur brut par habitant, qui est un bon indicateur de comparaison en zone euro, à niveau de richesse comparable, les Pays-Bas réalisent un effort budgétaire presque deux fois plus important que la France en faveur de leur système judiciaire.
Outre le fait que le système judiciaire français est moins bien classé que ses homologues européens, les prisons françaises souffrent depuis de nombreuses années d’une situation chronique de surpopulation carcérale.
En tant que rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire », je souhaite aborder ce problème.
Au 1er mars 2017, le nombre de personnes écrouées détenues s’élevait à 69 430 contre 67 580 au 1er mars 2016, soit une augmentation de 2,7 % en un an.
Cette augmentation de la population carcérale s’inscrit dans une tendance constante d’accroissement depuis 2000, qui peut s’expliquer par trois facteurs : la suppression des grâces présidentielles collectives, l’augmentation du nombre de condamnations à des peines de prison ferme et l’allongement de la durée des peines prononcées.
La surpopulation carcérale est un facteur aggravant des conditions de travail de l’administration pénitentiaire. Exacerbant les tensions, elle peut nourrir des actes de violence à l’encontre du personnel. En 2015, le personnel pénitentiaire a été victime de 4 070 agressions physiques et de 16 040 agressions verbales ; 8 425 agressions physiques entre codétenus et 113 suicides en détention sont également à déplorer la même année.
Aussi la situation actuelle de surpopulation dans les prisons françaises nécessite-t-elle une augmentation considérable et une diversification du nombre de places dans les établissements pour assurer aux détenus des conditions d’hébergement dignes et pour améliorer les conditions de travail des agents de l’administration pénitentiaire.
En effet, l’augmentation substantielle de la capacité du parc carcéral apparaît nécessaire pour garantir une réponse pénale plus crédible : il est inconcevable que l’exécution des peines soit retardée en raison de la saturation des établissements pour peine.
Il est tout aussi contestable que des prévenus, détenus « provisoires » qui bénéficient de la présomption d’innocence, soient incarcérés dans des conditions indignes en maison d’arrêt.
La prison doit jouer un double rôle de punition et de réinsertion. Il est donc nécessaire de disposer d’établissements pénitentiaires offrant des conditions matérielles propices à la prévention de la récidive, mais également d’établissements très sécurisés pour les détenus les plus dangereux, notamment ceux qui sont radicalisés.
Un autre problème auquel il faut remédier sans tarder est l’effectivité de la peine.
S’il est certes exagéré d’affirmer que les condamnations à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à deux ans ne sont pas du tout exécutées, force est de constater toutefois que si le condamné n’est pas déjà incarcéré aucune condamnation à une peine inférieure à deux ans d’emprisonnement ne sera réellement exécutée en établissement pénitentiaire pour toute la durée prononcée par la juridiction.
Le fait qu’une personne condamnée semble ne pas subir de sanction pose problème : cette situation jette un lourd discrédit sur notre justice et suscite l’incompréhension des citoyens.
C’est pourquoi il apparaît intéressant que le juge de l’application des peines dispose d’un éventail d’alternatives à l’emprisonnement, comme les travaux d’intérêt général.
Pour conclure, madame la ministre, notre institution judiciaire a besoin à la fois de crédits et de réformes, et il y a urgence ! Le Sénat, à travers ces deux textes, propose de bonnes mesures. Pour cette raison, le groupe République et Territoires/Les Indépendants votera en faveur de ces deux propositions de loi. (M. le président de la commission applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les propositions de loi de M. Bas, éminent président de la commission des lois, ont pour premier mérite de remettre la justice au cœur des débats, une thématique trop largement éclipsée lors des récentes campagnes électorales. Elles me donnent en outre l’occasion, en tant que nouvelle sénatrice, de m’étonner du peu d’élus dans l’hémicycle aujourd'hui alors que la justice est un pilier du fonctionnement de notre République !
Depuis des décennies, une lente dégradation des conditions matérielles de l’exercice de la justice est à l’œuvre dans notre pays, produisant pourtant de rares élans de manifestation, probablement en raison de la retenue naturelle qui caractérise les hommes de robe. Il serait pourtant naïf de considérer que cette dégradation, au prétexte qu’elle serait tue, ne serait pas perçue par nos concitoyens.
Cependant, malgré leur lenteur et leur manque de moyens, nos juridictions bénéficient encore, heureusement, de la confiance des Français. Nos tribunaux exercent toujours cette fascination que décrivait Gide dans ses Souvenirs de la cour d’assises voilà plus de cent ans. Sans doute, beaucoup de justiciables ont été rassurés d’observer comme lui « la conscience avec laquelle chacun, tant juges qu’avocats et jurés, s’acquittait de ses fonctions ».
La vigueur du sentiment de justice de nos concitoyens dépend en effet essentiellement du grand professionnalisme et du dévouement de l’ensemble des corps du ministère de la justice, lesquels font fonctionner nos juridictions avec des moyens, il faut l’avouer, bien inférieurs à ceux de nos voisins européens.
C’est pourquoi nous souscrivons à la démarche du président Philippe Bas lorsque, au moment de réformer, il choisit de se placer à la hauteur des hommes qui rendent la justice, avec la ferme volonté de résoudre leurs difficultés concrètes. C’est le cas, par exemple, au travers de l’article 25 de la proposition de loi, qui vise à permettre à la cour d’assises, statuant en appel, de ne pas réexaminer l’intégralité de l’affaire à la demande du condamné ou du ministère public.
Nous croyons fondamental, comme lui, de stabiliser la nomination des magistrats dans une même juridiction au moins trois ans et, pour la préservation de l’expertise acquise, de maintenir dans une même fonction les juges pour la même durée de trois ans.
De la même manière, la réforme de l’aide juridictionnelle associant les avocats en amont de l’attribution de l’aide par le bureau d’aide juridictionnelle nous semble aller dans le bon sens. La maîtrise des frais de justice ne sera efficace que si elle repose sur une démarche inclusive, en associant tous les acteurs en présence.
Il est indéniable que la réforme passe également par la résolution des difficultés que rencontrent plusieurs avocats. Dans un climat concurrentiel aiguisé par l’augmentation du nombre de confrères, le risque de la tentation d’alimenter les contentieux n’est pas inexistant.
Aussi, en parallèle d’une réflexion sur l’établissement d’un numerus clausus à l’entrée dans la profession, cette dernière doit-elle également être protégée de la concurrence déloyale des sites d’information en ligne, qui sont en plein essor. Certaines dispositions de la proposition de loi nous permettront peut-être d’avancer dans ce sens.
Si les nouvelles technologies peuvent faciliter le suivi des dossiers et accélérer les délais d’instruction, nous considérons, en revanche, qu’aucune innovation ne pourra remplacer la vertu cathartique du procès. Plusieurs dispositifs du texte nous posent ainsi question.
En premier lieu, nous nous interrogeons sur le paradoxe qui consiste à vouloir redresser la justice en décourageant le justiciable d’accéder au prétoire du juge… N’est-ce pas le sens de l’établissement d’amendes extrêmement dissuasives en cas de requêtes abusives ?
Mais nous savons que l’abus est difficile à caractériser à l’aune du droit d’ester en justice, qui est une liberté fondamentale. Il sera donc difficile d’asseoir ce principe.
En second lieu, il peut paraître inéquitable d’établir un coût élevé pour le pourvoi en rendant l’assistance par un avocat aux conseils obligatoire ; mais saisir la plus haute juridiction, qui ne statue que sur l’application du droit, nécessite l’assistance d’un juriste confirmé pour éviter les saisines inutiles. Là aussi, nous savons que ce combat de surcoût est vain.
En outre, au regard de l’obsolescence des outils bureautiques et des moyens de communication internes aux juridictions, il serait incompréhensible d’accorder de si précieux crédits à la construction d’un nouveau site internet ou au développement d’outils de justice prédictive alors qu’il nous faut nous concentrer d’abord sur la justice effective !
La Convention européenne des droits de l’homme, dans le premier alinéa de son article 6, fait référence au droit qu’a toute personne « à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ». C’est le sens du droit au procès équitable.
Sur la conciliation, montrons-nous modernes ! Cela peut être vraiment efficace si nous lui donnons une force exécutoire qui engage les parties. La conciliation peut responsabiliser le citoyen tout en permettant d’instaurer un échange, de retisser du lien social et de promouvoir l’idée d’un « vivre ensemble », tout en garantissant la fin du litige. Il faut cependant assurer et rassurer le citoyen sur l’exécution effective de la solution obtenue par la conciliation. Si nous décidons de la rendre obligatoire, il faut engager une homologation judiciaire.
La création d’un tribunal de première instance unique par département est un point qui nous paraît secondaire compte tenu de la nécessaire proximité que les justiciables sont en droit d’attendre. Les tribunaux d’instance remplissent aujourd’hui avec brio leur rôle de juge de proximité et tous les acteurs contestent l’existence de sureffectifs perdus dans les méandres de la carte judiciaire.
Alors oui, qui trop embrasse mal étreint ! Selon nous, ces textes de programmation auraient gagné à se concentrer sur quelques objectifs prioritaires : l’exécution des peines, la justice familiale et les nécessaires réformes du conseil de prud'hommes et du tribunal de commerce. Cependant, l’exercice a le mérite d’exister et de faire référence.
En conclusion, nous sommes tous d’accord pour affirmer que l’humain demeure la matière première de la justice. Le groupe du RDSE espérait que l’augmentation des effectifs affectés aux juridictions serait plus importante. Comme depuis trop longtemps maintenant, l’administration pénitentiaire absorbe la plus grosse part des crédits…
Aussi la première véritable réforme ambitieuse de la justice serait-elle de désolidariser les budgets de l’autorité judiciaire et de l’institution pénitentiaire, ce qui permettrait de distinguer la crise juridictionnelle de la crise carcérale, ainsi que de la crise engendrée par le manque d’établissements psychiatriques, car trop souvent la prison pallie cette politique irresponsable de fermeture d’établissements de soins.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Nathalie Delattre. Ce sujet non plus ne doit pas rester tabou, afin que la justice puisse remplir correctement son œuvre sociétale. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons deux propositions de loi, l’une ordinaire et l’autre organique, pour le redressement de la justice, toutes deux présentées par le président de la commission des lois, M. Philippe Bas.
Ces deux textes sont la traduction législative de 42 des 127 propositions formulées par la mission d’information pluraliste de la commission des lois dans un rapport rendu le 4 avril 2017.
Pendant neuf mois, la mission que vous avez conduite, monsieur Bas, a abattu un travail considérable en effectuant de nombreux déplacements et en procédant à de multiples auditions.
Partant d’un constat alarmant, unanime et sans appel relevant combien la complexité et la lenteur de notre système judiciaire contribuent à rendre la justice illisible, vous soumettez à notre assemblée dans ces deux textes des propositions fort intéressantes.
Je pense, notamment, à l’amélioration de l’organisation juridictionnelle en première instance et en appel, ou encore à la révolution numérique.
Les objectifs affichés de maîtrise des délais, de qualité des décisions rendues, de proximité ou encore d’effectivité de l’exécution des peines sont éminemment importants.
Cependant, je m’interroge sur l’opportunité de voter ces textes à la veille de l’examen du projet de loi de finances et à l’orée de chantiers gouvernementaux sur la justice.
En effet, la proposition n° 126 du rapport d’information, qui a inspiré les deux propositions de loi, préconisait la présentation au début de la prochaine législature d’un projet de loi de programmation sur cinq ans pour le redressement des crédits et des effectifs, ainsi que des réformes d’organisation et de fonctionnement de la justice.
Le 4 juillet dernier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, répondait, avant le dépôt deux semaines plus tard de ces deux propositions de loi, à cette demande en annonçant l’examen par le Parlement au premier trimestre 2018 d’une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice, laquelle engagera notamment un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation de notre système judiciaire.
Le Gouvernement entendait ainsi démontrer sa volonté de faire de la justice une priorité.
C’est également la raison pour laquelle les crédits qui lui seront alloués dans le projet de loi de finances que nous nous apprêtons à discuter augmenteront de 3,9 % en 2018 par rapport à l’année précédente, cela dans un contexte général de redressement des comptes publics.
Cette hausse budgétaire doit être considérée comme une première étape, puisque la future loi de programmation quinquennale, qui sera examinée début 2018, prévoira de nouvelles augmentations de 4,3 % en 2019 et de 5,1 % en 2020.
Par ailleurs, le 6 octobre dernier, vous engagiez, madame la garde des sceaux, un long et exhaustif travail de concertation avec les professionnels de la justice pour faire remonter les attentes et les initiatives innovantes des différents acteurs du monde de la justice, notamment autour des cinq chantiers que vous avez rappelés, à savoir : une transformation numérique de notre justice, qui permettra notamment de faciliter les procédures en ligne des justiciables ; l’amélioration et la simplification de la procédure pénale ; l’amélioration et la simplification de la procédure civile ; l’adaptation de l’organisation judiciaire ; enfin, le sens et l’efficacité des peines.
Les conclusions de ces travaux seront remises en janvier prochain ; elles seront intégrées dans ce projet de loi de programmation pour la justice et au sein des projets de loi de simplification civile et pénale qui nous seront présentés au premier semestre 2018.
Aussi me semble-t-il judicieux d’attendre, d’autant que le rétablissement dans la proposition de loi de la contribution pour l’aide juridique ou encore l’extension du suivi socio-judiciaire à tous les délits et les crimes font partie des points de divergence qui, à tout le moins, nécessitent de recueillir au préalable le fruit des consultations lancées début octobre.
Il ne fait aucun doute que nous avons tous ici conscience de la situation de quasi-misère dans laquelle se trouve l’institution judiciaire, et nous mesurons l’état d’épuisement des magistrats et des fonctionnaires. Notre volonté est évidemment d’œuvrer pour l’amélioration du fonctionnement de notre justice. Il y va de l’intérêt de tous, professionnels du droit et justiciables, de pouvoir bénéficier d’une justice de qualité. Cette préoccupation dépasse largement les clivages partisans.
Néanmoins, parce que je crois sincèrement que le texte de programmation à venir ira dans le sens d’un redressement de la justice, souhaité par tous, et malgré l’intérêt et la qualité des dispositions qui nous sont présentées, lesquelles, j’en suis certain, viendront nourrir le texte gouvernemental, le groupe La République En Marche s’abstiendra de voter ces propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien évidemment, nous partageons le constat initial à l’origine de ces propositions de loi : il est nécessaire et urgent de redresser notre justice, et il va de soi qu’il est primordial de sanctuariser le budget de l’autorité judiciaire, comme le prévoit l’article 1er de la proposition de loi ordinaire.
Certes, les moyens de la justice connaissent une hausse régulière depuis 2002. Pour autant, selon nous, mais c’est aussi l’avis de nombre d’acteurs du secteur, le budget de la justice n’échappe pas aux logiques d’austérité. Globalement, les moyens qui sont alloués à cette mission, année après année, ne suffisent pas à permettre aux services de fonctionner convenablement.
Cependant une question que mon collègue Pierre-Yves Collombat a soulevée en commission des lois nous taraude : comment lire le débat d’aujourd’hui au regard de la Constitution et de son article 40 ?
L’idée que ces textes ne fixent que des cadres et ne sont donc pas contraignants ne nous convainc pas. Il me semble – dites-moi si je me trompe – que c’est là une première en la matière et que cela fera pour ainsi dire jurisprudence ; je saurais d’ailleurs m’en souvenir. Qu’en est-il exactement, messieurs les rapporteurs ?
Par ailleurs, sur le fond, si nous partageons l’objectif de redressement budgétaire pour la justice, nous sommes au regret de constater que l’augmentation des crédits proposée s’inscrit dans la même orientation que celle de ces dernières années : une progression de 5 % par an bénéficiera de manière très réduite aux services judiciaires, ou encore à l’accès à la justice, puisqu’elle sera en grande partie absorbée par le programme « Administration pénitentiaire ».
Dès lors, la problématique du sujet est jetée : redresser la justice oui, mais pour en faire quoi ?
Il n’est pas vrai que le texte a été adopté dans un « esprit consensuel », comme l’avance la commission des lois, tout simplement parce que ce texte est loin d’être consensuel et qu’il porte en lui une vision de la société qui n’est pas la nôtre.
Six minutes pour évoquer un sujet si important et des propositions si nombreuses sont bien dérisoires ; je me limiterai donc aux points les plus problématiques à mes yeux et à ceux de mes collègues du groupe CRCE.
D’abord, je note une grande contradiction dans les propositions avancées : monsieur Bas, vous invoquez plus de proximité et d’accessibilité pour les justiciables. Cependant, dans le même temps, vous souhaitez fermer des lieux de justice, avec la création des TPI, vous voulez faire contribuer les justiciables aux dépenses de la justice, avec le retour du droit de timbre, et vous désirez ajouter des obstacles à l’obtention de l’aide juridictionnelle pour les plus précaires, avec la consultation obligatoire d’un avocat avant toute demande !
La création des tribunaux uniques de première instance ainsi que des chambres détachées n’est pas une bonne chose. Créer des lieux de justice qui ne seraient pas en charge de tous les contentieux et qui n’accueilleraient pas tout le personnel portera atteinte à la fois aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des magistrats, mais aussi à l’exigence de proximité pour les justiciables. La proximité ne doit pas s’arrêter à la première instance, au juge de proximité ou au conseil de prud’hommes, il faut aussi qu’elle demeure au deuxième degré de juridiction. Trouvez-vous satisfaisant pour notre justice qu’un justiciable puisse se retrouver à quatre heures de sa cour d’appel ?
En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, le fait de prévoir que toute demande doit être précédée de la consultation d’un avocat ajoute un obstacle supplémentaire au parcours du justiciable qui souhaite saisir la justice et qui n’en a pas les moyens. De plus, il est inadmissible de confier aux avocats, qui sont des acteurs privés, une mission relevant de l’autorité de l’administration à seule fin de réaliser des économies.
Le rétablissement du droit de timbre va, hélas ! dans le même sens. Instaurée en 2011 et supprimée en 2014, cette taxe présentée comme devant aider au financement de l’aide juridictionnelle aura surtout eu pour conséquence de finir de décourager bien des justiciables aux revenus modestes. Pourquoi alors vouloir la rétablir ?
Comme ma collègue Cécile Cukierman l’indiquait dans sa contribution au rapport de la mission qui a précédé ce texte, s’attaquer à l’aide juridictionnelle, c’est s’attaquer à la fonction essentielle de la justice, qui est de rétablir l’égalité des armes entre les parties. L’aide juridictionnelle est le moyen précieux d’accéder à la même justice pour tous.
En matière de justice pénale, vos propositions nous inquiètent et témoignent de l’urgence qu’il y a à réfléchir sérieusement sur le sens de la peine. Je vous rappelle, mes chers collègues, que celle-ci a trois vocations : punir, protéger la société et réinsérer.
Avec ce texte, la réinsertion n’a aucune place ; au contraire, la peine n’est envisagée que sous l’angle de la punition. En outre, l’unique peine considérée comme possible, voire efficace, est la peine de prison. Comme s’il n’existait qu’elle !
Mon discours aux antipodes de vos propositions va vous sembler inconcevable. Pour autant, monsieur le président de la commission des lois, je me dois de signaler les effets délétères de l’emprisonnement sur les personnes condamnées et, à terme, sur la société dans son ensemble. C’est aussi ce que relève l’Observatoire international des prisons.
C’est pourquoi nous demanderons la suppression de l’article 27, car il est essentiel que le juge de l’application des peines intervienne dans tous les cas, le but étant que la peine soit la plus adaptée possible, et ainsi la plus efficace, avec des « projets de sortie » au cas par cas pour une réinsertion réussie. Nous avancerons nos propositions en ce sens lorsque sera examiné le projet du Gouvernement.
À cet égard, nous formons le vœu que les chantiers que vous lancez, madame la garde des sceaux, ou qui sont en cours aboutissent à un texte sous-tendu par une tout autre logique – les premières annonces nous laissent cependant un peu sceptiques… –, car il y a urgence à prôner et à ériger une justice plus sociale et humaine. Sans cela, toute tentative de redressement sera vaine.
La justice fait l’objet d’une politique publique bien particulière, car elle est essentielle à notre État de droit : si elle ne fonctionne pas bien, c’est toute la société qui s’effondre…
Pour toutes ces raisons, et également parce que la commission des lois n’a modifié leur texte qu’à la marge, sans rien changer à l’économie générale, nous voterons contre ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents, réunie à dix-huit heures, a décidé que nous pourrons siéger au-delà de minuit pour terminer l’examen de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.
Les conclusions qu’elle a adoptées sont mises en ligne sur le site du Sénat et disponibles dans les couloirs d’accès à notre hémicycle et auprès des huissiers. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 24 octobre 2017
Le soir et la nuit
- Suite de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice (texte de la commission, n° 34, 2017-2018) et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice (texte de la commission, n° 35, 2017-2018), présentées par M. Philippe BAS (demandes de la commission des lois et du groupe Les Républicains)
Ces textes ont été envoyés à la commission des lois.
Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
Mercredi 25 octobre 2017
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe République et Territoires / Les Indépendants)
- Débat : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux »
• Temps attribué au groupe République et Territoires / Les Indépendants : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
- Débat : « Participation dans l’entreprise, outil de croissance et perspectives »
• Temps attribué au groupe République et Territoires / Les Indépendants : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
À 18 h 30
- Débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité » (demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable)
• Temps attribué à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Jeudi 26 octobre 2017
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 26 octobre à 11 heures
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste)
- Débat : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
• Temps attribué au groupe Union Centriste : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 25 octobre à 15 heures
- Proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable, présentée par MM. Bernard DELCROS et René VANDIERENDONCK et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n° 32, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 25 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 25 octobre à 15 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 31 octobre 2017
À 14 h 30
- Éventuellement, suite de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice (texte de la commission, n° 34, 2017-2018) et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice (texte de la commission, n° 35, 2017-2018), présentées par M. Philippe BAS (demandes de la commission des lois et du groupe Les Républicains)
- Proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude CARLE et plusieurs de ses collègues (n° 557, 2016-2017), en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc HERVÉ et plusieurs de ses collègues (n° 680, 2016-2017) (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
Ces textes ont été envoyés à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 octobre à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 31 octobre à 12 h 30
À 17 h 45
- Suite de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude CARLE et plusieurs de ses collègues (n° 557, 2016-2017), en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc HERVÉ et plusieurs de ses collègues (n° 680, 2016-2017) (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 7 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 21, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 2 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 novembre à 15 heures
Mercredi 8 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 21, 2017-2018)
Jeudi 9 novembre 2017
À 10 h 30
- 5 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (n° 705, 2016-2017)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 706, 2016-2017)
=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement (n° 822, 2015-2016)
=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Gouvernement de l’État d’Israël, d’autre part (n° 821, 2015-2016)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l’enceinte de l’aéroport de Bâle-Mulhouse (procédure accélérée) (n° 36, 2017-2018)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 7 novembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (procédure accélérée) (A.N., n° 234)
Ce texte sera envoyé à la commission des finances avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 31 octobre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 8 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 8 novembre à 15 heures
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 9 novembre à 11 heures
À 16 h 15
- Éventuellement, suite du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (procédure accélérée) (A.N., n° 234)
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Lundi 13 novembre 2017
À 16 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (discussion générale) (A.N., n° 269)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 8 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 novembre matin, en début d’après-midi et à la suspension du soir et mercredi 15 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 10 novembre à 15 heures
Mardi 14 novembre 2017
À 14 h 30
- Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (discussion des articles) (A.N., n° 269)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 14 novembre à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
Mercredi 15 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
Jeudi 16 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
Vendredi 17 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 20 novembre 2017
À 16 heures
- Débat sur l’avenir de l’Institut français (demandes de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées)
• Temps attribué à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication : 10 minutes (y compris la réplique)
• Temps attribué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : 10 minutes (y compris la réplique)
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 17 novembre à 15 heures
- Débat : “Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens” (demande de la commission des affaires économiques)
• Temps attribué à la commission des affaires économiques : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 17 novembre à 15 heures
Mardi 21 novembre 2017
À 9 h 30
- 26 questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0005 de M. Antoine LEFÈVRE à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Qualité des infrastructures de transport dans l’Aisne)
• n° 0041 de Mme Anne-Catherine LOISIER à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Régime de la sécurité sociale étudiante)
• n° 0043 de M. Antoine KARAM à Mme la ministre des sports
(Statut de la sélection de football de la Guyane)
• n° 0046 de Mme Dominique ESTROSI SASSONE à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Lutte contre la propagation de la bactérie Xylella fastidiosa)
• n° 0051 de Mme Josiane COSTES à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Manque de spécialistes en milieu rural)
• n° 0058 de M. Yannick BOTREL à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Financement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural)
• n° 0067 de Mme Nicole BONNEFOY à M. le ministre de l’économie et des finances
(Récupération de la taxe sur la valeur ajoutée et transport scolaire)
• n° 0069 de M. Gilbert BOUCHET à M. le ministre de la cohésion des territoires
(Préenseignes)
• n° 0070 de Mme Marie-Pierre MONIER à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Nécessité de faire évoluer la protection du loup)
• n° 0075 de Mme Frédérique ESPAGNAC à M. le ministre de la cohésion des territoires
(Suppression progressive du prêt à taux zéro pour 97 % du territoire)
• n° 0076 de M. Philippe MADRELLE à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Grand contournement autoroutier de Bordeaux)
• n° 0077 de Mme Catherine DEROCHE à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la cohésion des territoires
(Certification des armatures du béton)
• n° 0078 de Mme Sylvie GOY-CHAVENT à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Élevage industriel et développement durable)
• n° 0079 de M. Didier MARIE à M. le ministre de la cohésion des territoires
(Suppression de l’accès au prêt à taux zéro pour les constructions nouvelles)
• n° 0080 de M. Hervé MAUREY à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Déserts médicaux)
• n° 0081 de Mme Vivette LOPEZ à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Promotion des métiers du grand âge)
• n° 0082 de Mme Marie MERCIER à Mme la ministre de la culture
(Seuils d’exportation des biens culturels)
• n° 0083 de Mme Laurence COHEN à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Inquiétudes sur le calendrier et le tracé du Grand Paris Express)
• n° 0084 de M. Fabien GAY à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Impact du projet EuropaCity)
• n° 0085 de Mme Éliane ASSASSI à M. le ministre de l’action et des comptes publics
(Fermeture de services publics de proximité en Seine Saint-Denis)
• n° 0086 de Mme Sylvie ROBERT à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
(Transfert du site de l’école nationale supérieure maritime de Saint-Malo)
• n° 0087 de M. Loïc HERVÉ à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Situation critique des Hôpitaux du Léman)
• n° 0088 de M. Simon SUTOUR à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la cohésion des territoires
(État d’avancement du plan France Très Haut Débit)
• n° 0089 de Mme Corinne FÉRET à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Avenir de la ligne nouvelle Paris-Normandie)
• n° 0090 de M. Jean-Raymond HUGONET à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Stratégie de bioéconomie pour la France)
• n° 0091 de M. Didier MANDELLI à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio)
À 15 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 novembre à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
À 16 h 30 et le soir
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (A.N., n° 269)
- Suite de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude CARLE et plusieurs de ses collègues (n° 557, 2016-2017), en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc HERVÉ et plusieurs de ses collègues (n° 680, 2016-2017) (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
Mercredi 22 novembre 2017
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)
- Proposition de loi tendant à garantir la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles, présentée par M. Alain BERTRAND et plusieurs de ses collègues (n° 620, 2016–2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 16 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 novembre à 15 heures
De 18 h 30 à 20 h 00 et de 21 h 30 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (n° 362, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 novembre à 15 heures
- Débat sur la thématique des collectivités locales
• Temps attribué au groupe socialiste et républicain : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 21 novembre à 15 heures
PROJET DE LOI DE FINANCES
CALENDRIER D’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU JEUDI 23 NOVEMBRE AU MARDI 12 DÉCEMBRE
Jeudi 23 novembre 2017
À 11 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Discussion générale
• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 22 novembre à 15 heures
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook)
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de la discussion générale
=> Examen de l’article liminaire
=> Examen de l’article 27 : débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne
• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes
• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 22 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements à l’article liminaire et à la première partie et délai limite pour l’ajout d’un signataire à l’un de ces amendements : jeudi 23 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l’article liminaire et à l’article 27 : jeudi 23 novembre à l’issue de la discussion générale
Vendredi 24 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’examen des articles de la première partie
• Délai limite pour le dépôt des amendements à la première partie et délai limite pour l’ajout d’un signataire à l’un de ces amendements : jeudi 23 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les autres amendements à la première partie : vendredi 24 novembre à 9 heures
Samedi 25 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’examen des articles de la première partie
Éventuellement, dimanche 26 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’examen des articles de la première partie
Lundi 27 novembre 2017
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’examen des articles de la première partie
Mardi 28 novembre 2017
À 14 h 30, à 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite et fin de l’examen des articles de la première partie
=> Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 27 novembre à 15 heures
Scrutin public ordinaire de droit
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook)
Mercredi 29 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 58 à 62)
. Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission, ce compte spécial et les articles rattachés : vendredi 24 novembre à 12 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission, ce compte spécial et les articles rattachés : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 28 novembre à 11 heures
=> Enseignement scolaire
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : lundi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 28 novembre à 11 heures
=> Sport, jeunesse et vie associative
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : lundi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 28 novembre à 11 heures
Jeudi 30 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Pouvoirs publics, Conseil et contrôle de l’État et Direction de l’action du Gouvernement
. Budget annexe : Publications officielles et information administrative
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur ces missions et le budget annexe : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur ces missions et ce budget annexe : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 11 heures
=> Santé
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 11 heures
=> Solidarité, insertion et égalité des chances (+ article 63)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 11 heures
=> Défense
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : mardi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 29 novembre à 11 heures
Vendredi 1er décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 30 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour examiner son rapport : jeudi 30 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 53 et 54)
. Budget annexe : Contrôle et exploitation aérien
. Compte spécial : Aides à l’acquisition de véhicules propres
. Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
. Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
. Compte spécial : Transition énergétique
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission, ce budget annexe, ces comptes spéciaux et les articles rattachés : mercredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission, ce budget annexe, ces comptes spéciaux et les articles rattachés : jeudi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 30 novembre à 11 heures
Éventuellement, samedi 2 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 3 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 4 décembre 2017
À 10 heures, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Travail et emploi
. Compte spécial : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Culture
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Médias, livre et industries culturelles
. Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Aide publique au développement
. Compte spécial : Prêts à des États étrangers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
=> Action extérieure de l’État
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 1er décembre à 11 heures
Mardi 5 décembre 2017
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Sécurités
. Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et ce compte spécial : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et ce compte spécial : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
=> Immigration, asile et intégration (+ articles 56 et 57)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et les articles rattachés : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et les articles rattachés : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
=> Administration générale et territoriale de l’État
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
=> Justice
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : vendredi 1er décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 décembre à 11 heures
Mercredi 6 décembre 2017
À 10 h 30, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (+ articles 50 et 51)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et les articles rattachés : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et les articles rattachés : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
=> Cohésion des territoires (+ article 52)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et l’article rattaché : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et l’article rattaché : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
=> Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Crédits non répartis et Action et transformation publiques
. Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : Pensions
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur ces missions et ces comptes spéciaux : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à des amendements sur ces missions et ces comptes spéciaux : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
=> Engagements financiers de l’État (+ article 55)
. Compte spécial : Participation de la France au désendettement de la Grèce
. Compte spécial : Participations financières de l’État
. Compte spécial : Accords monétaires internationaux
. Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Investissements d’avenir et Remboursements et dégrèvements
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur ces missions, ces comptes spéciaux et l’article rattaché : lundi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à des amendements sur ces missions, ces comptes spéciaux et l’article rattaché : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 5 décembre à 11 heures
Jeudi 7 décembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ article 49)
. Compte spécial : Développement agricole et rural
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission, ce compte spécial et l’article rattaché : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission, ce compte spécial et l’article rattaché : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Économie
. Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission et ce compte spécial : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission et ce compte spécial : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Outre-mer
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
=> Recherche et enseignement supérieur
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements sur cette mission : mardi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement sur cette mission : mercredi 6 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 6 décembre à 11 heures
Vendredi 8 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
=> Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 6 décembre à 12 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 7 décembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 7 décembre à la suspension de l’après-midi et, éventuellement, vendredi 8 décembre à 8 h 30 et aux suspensions
Éventuellement, samedi 9 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’ordre du jour de la veille
Éventuellement, dimanche 10 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’ordre du jour de la veille
Lundi 11 décembre 2017
À 10 heures, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Suite de l’examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Mardi 12 décembre 2017
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018 (A.N., n° 235)
=> Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2018
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 11 décembre à 15 heures
Scrutin public à la tribune de droit
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 8 novembre 2017 à 19 heures
9
Redressement de la justice
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. « La justice va mal. Ses délais ne cessent de s’allonger. En dix ans, ils sont passés de sept mois et demi à près d’un an pour les tribunaux de grande instance. Dans le même temps, le stock d’affaires en attente d’être jugées a augmenté de plus de 25 % pour les juridictions civiles. Or, le nombre de magistrats et de greffiers diminue, les vacances de postes sont devenues endémiques. »
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ces quelques mots sont ceux du président de la commission des lois, Philippe Bas, en avant-propos du rapport de la mission d’information. Ils résument très bien le constat sévère que nous avons collectivement dressé lors des travaux de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Le constat est sévère, mais, pis encore, il n’est pas une surprise, en tout cas pas pour ceux qui, comme moi, s’intéressent depuis des années aux moyens dont dispose la justice.
Depuis des années, en effet, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Justice », j’alerte la Haute Assemblée et les gouvernements successifs sur l’état de nos tribunaux, sur l’impossibilité pour certaines juridictions de régler les frais de justice avant même que la moitié de l’année soit écoulée, sur les vacances de postes, etc.
Nous ne pouvons plus attendre. C’est pour cela que je salue l’inscription à notre ordre du jour de ces deux textes.
Je salue également l’important travail réalisé dans le cadre de la mission d’information et sur les deux propositions de loi par les corapporteurs, Jacques Bigot et François-Noël Buffet. Ils ont su préserver l’esprit général de la mission d’information tout en apportant certaines modifications afin de rendre pleinement opérationnelles les dispositions des textes qui nous sont soumis ce soir.
La réforme que nous vous proposons, madame la garde des sceaux, a un intérêt majeur : pour une fois, elle ne dissocie pas les aspects budgétaires du fond de la réforme. Les deux textes apportent des évolutions importantes, aussi bien en matière d’organisation judiciaire que sur le statut et l’organisation de la magistrature. Dans les deux cas, les évolutions proposées sont financées.
Ils ne font pas l’impasse sur ce qu’on pourrait appeler les serpents de mer qui hantent la place Vendôme. Je pense, par exemple, à l’aide juridictionnelle et à son financement.
Nous vous proposons de rétablir la contribution pour l’aide juridique supprimée par la loi de finances pour 2014. Cette contribution apporte une réponse simple et efficace au besoin de financement de l’aide juridictionnelle, pour un coût modique pour le justiciable. Même si cette mesure ne résoudra pas à elle seule les questions posées par l’aide juridictionnelle, elle devrait néanmoins générer plus de 50 millions d’euros chaque année.
Autre sujet très sensible : l’organisation judiciaire. Chacun se souvient des débats enflammés suscités par la réforme Dati en 2007-2008. Aujourd’hui, la commission des lois opte pour la création d’un tribunal départemental unique de première instance, regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance de son ressort.
Sur le principe, nous sommes séduits par cette idée. Coauteur de plusieurs rapports ayant évoqué cette piste, je ne peux, à titre personnel, qu’y être favorable. Pour autant, plusieurs de nos collègues ont émis en commission un certain nombre de craintes. C’est pourquoi Sophie Joissains a souhaité que cette innovation soit d’abord expérimentée dans quelques départements pendant trois ans, avant d’être généralisée à l’ensemble du territoire. Elle proposera un amendement en ce sens.
Concernant la magistrature, de nombreuses évolutions ont eu lieu récemment avec la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature. Ce texte a notamment permis d’ouvrir davantage le recrutement et diversifier le corps de la magistrature ; c’est une avancée.
Pour autant, il restait encore de nombreuses pistes d’évolutions à explorer, notamment en matière de gestion des ressources humaines. Une question importante est celle des postes offerts à la sortie de l’École nationale de la magistrature. Comme le mettait déjà en évidence en 1994 Jean-Jacques Hyest, à l’époque député chargé par le Premier ministre d’établir un rapport sur la formation professionnelle des magistrats et des avocats, « un magistrat sortant de l’ENM va immédiatement, dans la majorité des cas, assumer les responsabilités de juge d’instruction, de juge des enfants, de juge d’application des peines… Après dix ans d’expérience, il continuera d’exercer des fonctions de même type avec des responsabilités quasiment identiques ». Depuis lors, cette situation, en dépit de critiques récurrentes, n’a guère évolué.
Il apparaît contre-productif de confier à des débutants des postes peu attractifs en raison d’un contexte difficile – nature, localisation du poste ou autre motif – et susceptible d’engendrer à terme un certain découragement. Cela alimente le phénomène, relevé par la mission d’information, de turn-over important sur certains postes, où les magistrats, à peine arrivés, demandent leur mutation. Au contraire, il faudrait nommer les jeunes magistrats à des postes adaptés à leurs capacités. Aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
Les pistes de réflexion sur ce sujet sont nombreuses. On peut se rappeler de ce que préconisait notre regretté collègue Pierre Fauchon dans un rapport datant de 2006 qui prévoyait l’instauration d’une période de probation d’au moins deux ans au sortir de l’ENM, le magistrat débutant étant alors dénommé « magistrat référendaire ».
Sans aller jusque-là, je me félicite du maintien dans le texte des dispositions prévues aux articles 4 et 7. Elles créeront de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège pour le traitement des décisions complexes. Elles permettront notamment au magistrat chargé d’une affaire de bénéficier d’un renfort précieux pour préparer sa décision et au jeune magistrat de perfectionner sa formation.
Plus fondamentalement, il me semble que le critère déterminant pour l’affectation de magistrats sortis d’école devrait être l’affectation dans des formations systématiquement collégiales, à l’exclusion de toute affectation sur un poste à juge unique, a fortiori s’il s’agit de fonctions spécialisées comme juge d’instruction ou juges des enfants.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, madame la garde des sceaux, le groupe Union Centriste partage les objectifs de ces deux textes d’initiative parlementaire et il soutient les solutions proposées.
Il n’est plus temps de commander de nouveaux rapports d’information – j’ai participé à cela – : il faut agir ! J’espère, madame la garde des sceaux, que le Gouvernement entendra la voix constructive du Sénat, dans l’intérêt des acteurs du monde judiciaire, mais aussi et surtout dans l’intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les deux textes que nous examinons résultent d’un important et minutieux travail mené l’année dernière par la commission des lois du Sénat. Je partage l’essentiel des constats, en particulier sur à la situation dégradée de la justice. Une justice « en voie de clochardisation » disait même votre prédécesseur Jean-Jacques Urvoas, madame la garde des sceaux… Les mots sont forts, mais la situation est réellement difficile dans le monde judiciaire, dans nos prisons comme dans nos tribunaux.
Cette situation résulte de divers facteurs : accroissement du recours à la justice par nos concitoyens, réformes pénales successives n’ayant pas permis de désengorger des prisons surpeuplées, insuffisance des moyens affectés à la justice.
Dans ce contexte, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », je souscris bien sûr à l’idée que le ministère de la justice doit être considéré comme prioritaire et, à ce titre, voir son budget augmenter quand des économies sont demandées à d’autres.
Pour aller plus loin, la commission des lois propose notamment une trajectoire pluriannuelle d’augmentation des crédits et des emplois de la mission « Justice » sur cinq ans. Une telle programmation est attendue par le monde judiciaire : source de prévisibilité, elle serait le gage d’une meilleure gestion, de la mise en œuvre de projets et de réformes dans la durée.
Je note à ce titre avec satisfaction que la proposition qui nous est soumise est équilibrée. Dans leur rapport, Jacques Bigot et François-Noël Buffet écrivent en effet vouloir « un redressement significatif et durable des crédits », qui s’accompagne de « l’exigence de réformes structurelles fortes ».
En effet, des réformes sont attendues en matière d’organisation, mais aussi de procédures, de délais de jugement, de dématérialisation et d’informatisation, d’accessibilité de la justice.
Évaluer l’efficacité des dispositifs et des réformes : c’est sous cette condition qu’une augmentation des moyens est envisageable. Si le budget du ministère de la justice s’inscrit, ces dernières années, dans une phase de rattrapage, il convient de préparer une seconde phase, susceptible de permettre la réalisation d’économies.
Je pense en outre que l’existence d’un budget pluriannuel de la justice constitue sans nul doute un outil au service du ministre de la justice, notamment lors des arbitrages budgétaires.
Toutefois, je souhaiterais formuler deux remarques sur la trajectoire des crédits proposée à l’article 2 de la proposition de loi.
Il est préférable de prévoir les moyens supplémentaires pour une politique publique prioritaire en examinant, dans le même temps, les modalités de leur financement et le cadre global dans lequel ils s’inscrivent ; je pense en particulier à nos engagements européens. Ce sera l’objet du débat que nous aurons dès la semaine prochaine sur le projet de loi de programmation des finances publiques.
Les trajectoires proposées pour le budget de la justice par le Gouvernement et la proposition de loi ne sont pas identiques.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit, pour la période entre 2018 et 2022, une augmentation plus de 25 % des crédits de la mission. L’horizon du Gouvernement s’arrête à 2020. Le projet de loi de finances pour 2018 attribue 6 millions d’euros de plus à la mission « Justice » que la proposition de loi. Entre 2018 et 2020, le projet du Gouvernement accroît les moyens de la justice de 9,6 %, contre 7,9 % dans la proposition de loi.
Par ailleurs, contrairement à la méthodologie des lois de programmation des finances publiques, la trajectoire de la commission des lois intègre l’évolution de l’inflation et de la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions ». La dynamique propre de ces variables pourrait absorber une partie de l’effort en faveur des moyens de la justice.
Pour l’ensemble de ces raisons, je crois donc, mes chers collègues, qu’il conviendrait de ne pas adopter l’article 2 de la proposition de loi. Si je sais que cela risque de peiner le président Philippe Bas, je sais aussi qu’il comprendra que l’ancien membre de la commission des lois que je suis a intégré depuis trois ans la commission des finances ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Restez plutôt fidèle aux lois !
M. Antoine Lefèvre. Je terminerai par quelques remarques concernant l’article 1er de la proposition de loi organique, qui vise à exonérer de gels et d’annulations les crédits des juridictions judiciaires et du Conseil supérieur de la magistrature.
Le caractère constitutionnel d’une telle disposition n’est pas certain, comme le soulignent justement les rapporteurs : la régulation budgétaire appartient d’abord au Gouvernement, même si le Parlement peut l’encadrer. Il le fait d’ailleurs dans les lois de programmation des finances publiques. Surtout, les annulations comme les mises en réserve permettent de piloter les dépenses pour tenir compte des évolutions de la conjoncture et des urgences auxquelles il faut faire face en cours d’année, tout en évitant de dégrader le déficit de l’État.
Il ne me semble pas opportun de priver le Gouvernement de l’outil dont il dispose pour exécuter le budget voté par le Parlement. Supposons qu’une exemption au seul bénéfice de la justice soit tolérée par le Conseil constitutionnel : j’imagine déjà les demandes de même nature qui ne manqueraient pas d’émaner d’autres secteurs de l’action publique ! C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 1er de la proposition de loi organique.
Sous ces réserves, qui portent sur deux articles seulement – les deux textes en comptant plus de quarante –, je renouvelle mon adhésion aux travaux du président de la commission des lois, des membres de la mission d’information et des rapporteurs. Je ne doute pas, madame la garde des sceaux, qu’ils sauront vous inspirer et vous aider à mener à bien votre mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, Cinq ans pour sauver la justice !, c’est, en même temps que son titre, le mot d’ordre qui a guidé la rédaction de ce rapport d’information et des propositions de loi qui en résultent. Nous les examinons ce soir avec beaucoup de volonté, cette même volonté qui sous-tend le rapport, dont nous partageons en grande partie les conclusions.
Le groupe socialiste et républicain accueille favorablement, en effet, les propositions de loi tant elles s’inscrivent dans la continuité et prolongent l’action du dernier quinquennat pour améliorer le fonctionnement de la justice, à partir d’un constat sans concession que nous pourrions résumer ainsi : nous n’avons pas été collectivement à la hauteur des enjeux rencontrés par la justice de notre pays.
Plusieurs questions sont posées par ces textes : comment fait-on pour donner envie aux jeunes magistrats de rester en poste dans des juridictions difficiles ? Comment assurer l’effectivité de l’exécution des peines ? Comment faire en sorte que les moyens de la justice soient en corrélation avec la mission de service public dont elle est chargée ? Comment adapter le fonctionnement de la justice à la révolution numérique ? Il y a bien d’autres questions, mais je m’arrête là. Cette rapide énumération montre déjà que nous avons beaucoup de pain sur la planche, si vous me permettez cette expression triviale. Je constate néanmoins que les réponses apportées dans ces textes sont globalement constructives.
Malgré une augmentation régulière du budget de la justice, ce dernier, cela a été dit à de nombreuses reprises, demeure insuffisant. Il faut continuer et amplifier la dynamique vertueuse enclenchée, notamment sous le précédent quinquennat, qui a permis de nombreuses avancées : l’augmentation de près de 15 % du budget en cinq ans ; la création de 6 000 postes dans la justice, dont 1 714 dans les services judiciaires ; l’augmentation de 174 % des crédits de l’aide aux victimes.
M. François Bonhomme. Pour quels résultats ?
M. Patrick Kanner. Une remise à niveau des moyens humains et matériels reste néanmoins nécessaire. C’est le seul critère qui nous permettra de mettre en cohérence l’ambition partagée par les membres de cette assemblée avec des réalisations concrètes.
Sur ce point, je tiens à saluer l’action de Christiane Taubira et de Jean-Jacques Urvoas, qui avaient fait de cette augmentation, pour citer le dernier nommé, leur « premier combat ».
M. François Bonhomme. Avec la contrainte pénale !
M. Patrick Kanner. Il est nécessaire de le poursuivre avec humilité, mes chers collègues. Le vieux monde, madame la garde des sceaux, a montré la voie.
Ce combat, c’est aussi un combat pour avoir les moyens de mettre en œuvre les sanctions, pour que la peine soit efficace. Il faut cesser d’avoir des peines d’emprisonnement prononcées qui ne sont pas exécutées. Les Français ne le comprennent pas et y voient un signe de faiblesse de notre République.
Il faut aussi un système pénitentiaire qui prévienne la récidive, grâce à l’augmentation de ses capacités. Ces cinq dernières années, 8 000 nouvelles places de prison ont été créées afin de lutter contre la surpopulation carcérale et tendre vers l’encellulement individuel. Ces textes continuent le travail mené, et nous les approuvons.
Un dispositif comme celui de la contrainte pénale, par exemple, pourrait bénéficier d’une meilleure mise en œuvre avec l’augmentation souhaitée des moyens de la justice. Je sais que la majorité au Sénat l’a remise en cause dans une précédente proposition de loi.
M. François Bonhomme. Et pour cause !
M. Patrick Kanner. En cohérence avec les ambitions affichées ici, je suis convaincu que cette mesure continuera à participer à une justice plus efficace.
M. François Bonhomme. Perseverare diabolicum !
M. Patrick Kanner. Cela serait logique, car la proposition de loi ordinaire, comme la loi du 1er août 2014, affirme notre volonté de renforcer l’individualisation de la réponse pénale, qui permet d’apporter une réponse à l’acte posé en adéquation avec sa gravité et avec le profil de l’intéressé.
Cette loi, n’en déplaise à certains, a supprimé les mesures automatiques, dont les peines planchers, lesquelles constituaient un obstacle à l’individualisation de la peine ; elle a lutté contre les sorties sèches de prison. Elle portait donc la même philosophie que les textes que nous examinons : une lutte sans merci face à la récidive, principale source de mécontentement de nos concitoyens.
Ces textes respectent aussi l’esprit de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, avec, par exemple, la modernisation du service public de la justice, par l’innovation et la maîtrise de la révolution numérique, ou encore l’amélioration de l’organisation de la justice à proprement parler.
La proposition de loi reprend ainsi un point très intéressant du rapport de la mission d’information : la création d’un tribunal départemental de première instance, venant remplacer les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance sans remettre en cause la carte judiciaire.
Comme la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, elle s’inscrit dans la perspective de décharger le juge de certaines tâches, en renforçant notamment le poids des conciliateurs de justice et en lui permettant de se reposer davantage sur des juristes assistants.
La proposition de loi organique, qui vise à stabiliser la nomination des magistrats, va également dans le bon sens. Une trop grande mobilité des magistrats peut être préjudiciable à certaines juridictions. Qu’ils restent au moins trois ans dans leur affectation, quatre dans le cas des fonctions spécialisées, et qu’une certaine souplesse soit laissée au Conseil supérieur de la magistrature participe à la bonne organisation de la justice.
Certes, tous les chantiers de la justice ne sont pas résolus ici, et c’est bien normal. Je pense notamment à la réforme du statut du parquet. On ne peut que regretter que les conditions n’aient pas été réunies précédemment pour la mener à son terme.
Je profite donc de votre présence, madame la garde des sceaux, pour passer le message et espérer que nous avancerons sur ce sujet.
Par ailleurs, je suis heureux que l’examen de ces textes par la chambre haute se télescope, si je puis dire, avec les annonces que vous avez faites lors du conseil des ministres du 4 octobre dernier et que vous avez rappelées devant notre assemblée.
Ainsi, vous allez lancer cinq grands chantiers qui visent à transformer en profondeur deux aspects majeurs de la question qui nous occupe : l’amélioration du fonctionnement quotidien de la justice et l’efficacité des peines. Si je ne peux que m’en féliciter, tant ces annonces font écho au travail que nous réalisons aujourd’hui, j’exprime pourtant un regret.
Pourquoi donc se cantonner aux annonces quand l’urgence est manifeste ? Le diagnostic est connu de tous. Le temps de la poursuite de l’action est venu ; c’est un besoin impérieux.
Aussi j’espère que la discussion que nous allons avoir aujourd’hui sera féconde et, pourquoi pas, suivie d’effet. Vous pourriez ainsi, madame la garde des sceaux, aider ces textes à prospérer dans la suite de la navette parlementaire… Vous me répondrez probablement, vous l’avez d’ailleurs déjà presque fait, que ces sujets méritent une importante concertation et que vous nous proposerez bientôt un projet de loi, ce à quoi je me permettrai d’opposer l’urgence évoquée précédemment.
Vous avez annoncé un « véritable plan d’action », qui « doit être élaboré dans des délais rapprochés pour que les réformes nécessaires puissent intervenir rapidement ». Nous vous offrons ici un support qui permettrait de raccourcir ces délais. C’est pourquoi, madame la garde des sceaux, j’invoque la nécessité d’aller dès à présent encore plus loin, plus vite, plus fort.
Vous le voyez, je le répète, le groupe socialiste et républicain porte un regard bienveillant sur les présentes propositions de loi.
Des améliorations ont été apportées en commission ; je pense notamment à la suppression de la condamnation à une amende civile de 10 000 euros en cas d’appel ou de pourvoi jugé dilatoire ou abusif en matière pénale. C’était un obstacle à l’accès à la justice et une atteinte aux règles du procès équitable. C’est une bonne chose que la commission et ses rapporteurs, que je salue, aient accepté à deux reprises de prendre en considération la proposition du groupe socialiste et républicain.
Je remercie également la commission d’avoir, grâce à un débat lancé par le dépôt d’un amendement que j’ai défendu au nom du groupe socialiste et républicain, acté la mise en place d’un groupe de travail sur la présomption irréfragable de non-consentement des mineurs à un acte de pénétration sexuelle. Je me permets cette digression, car, si le lien avec le texte est certes ténu, cette question relève également de l’amélioration de la justice. Nous comblerions ici un vide juridique qu’une actualité judiciaire douloureuse nous a rappelé il y a quelque temps.
Malgré ces points d’accord, nous avons plusieurs points de divergence avec la proposition de loi ordinaire. La réinstauration d’une contribution à l’aide juridictionnelle et l’inscription dans la loi du principe d’une consultation juridique préalable à la demande d’aide juridictionnelle afin de vérifier que l’action envisagée ne paraît pas manifestement irrecevable ne sont pas de bonnes mesures. Ce sont plutôt des obstacles pour l’accès à la justice pour tous. En mettant en place des démarches supplémentaires, vous empêcherez les plus précaires d’accéder au juge.
Par ailleurs, baisser les seuils d’aménagement de peine ou étendre le suivi socio-judiciaire ne nous semble pas cohérent avec la volonté de rendre les peines plus efficaces et donc avec l’esprit du texte. Je développerai ces points plus longuement lors de l’examen des amendements, et Marie-Pierre de la Gontrie évoquera les voies et moyens pour lutter contre le phénomène de surpopulation carcérale lorsqu’elle présentera à la Haute Assemblée un amendement sur ce sujet.
Pour conclure, je suis heureux que nous œuvrions ensemble pour surmonter les obstacles importants qui s’offrent à nous et que nous fassions preuve d’intelligence collective pour conforter la confiance des Français en leur justice. Nous ne pourrons pas être d’accord sur tout, c’est l’essence même de la démocratie, mais il convient de nous rassembler pour avancer sur les sujets qui sont la clé de voûte de la République. J’en appelle donc encore une fois à vous, madame la garde des sceaux : rejoignez-nous pour qu’ensemble nous accélérions un processus qui sera porteur de progrès supplémentaires pour tous nos concitoyens et donnera l’image d’une République ferme et généreuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Bigot, corapporteur de la commission des lois, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi et la proposition de loi organique que nous examinons viennent à point nommé, alors que le constat sur l’état et le fonctionnement de la justice de notre pays est peu ou prou partagé.
Ce constat, c’est celui de la dégradation constante de la justice, du besoin de réformes structurelles profondes, de nature à améliorer l’organisation et le fonctionnement de l’institution judiciaire, indépendamment ou, en tout cas, en complément d’un redressement significatif et durable de ses moyens.
Dans ce domaine de votre ministère, comme dans d’autres, il y a sans doute une méprise ou tout au moins une insuffisance qui demeure et qui consiste à considérer les enjeux d’un bon exercice de la justice par le seul prisme des moyens qui lui sont alloués. Vous avez rappelé, madame la garde des sceaux, votre volonté d’augmenter le budget de la justice de 4 %. Cette approche quantitative, sous le seul angle budgétaire, peut néanmoins amener à manquer l’analyse des insuffisances et des dysfonctionnements procéduraux. Nous le constatons parfois par l’absurde. Malgré une hausse régulière des moyens de la justice – 89 % en quinze ans –, aucune amélioration de son fonctionnement ne peut être valablement constatée.
Notre système judiciaire demeure le moins bien classé parmi les pays européens, si l’on en croit l’analyse de la Commission européenne sur l’efficacité de la justice.
Dès lors, ces deux textes pour le redressement de la justice se fixent quatre objectifs, chacun concourant à l’atteinte du but commun : juger plus et mieux.
Premier objectif : la maîtrise des délais. Question essentielle en effet pour une bonne justice que celle des délais de jugement. De ce point de vue, le renforcement des moyens humains dans les juridictions, par l’augmentation des crédits de 5 % par an, l’amélioration des outils informatiques par la sécurisation juridique de l’open data des décisions, et l’encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges par l’incitation à la conciliation constituent autant d’éléments importants pour atteindre cet objectif.
Deuxième objectif : l’amélioration de la qualité des décisions en première instance comme en appel. Il faut aux magistrats plus de temps pour travailler, plus de collégialité, être entourés par des équipes de collaborateurs, mais il faut aussi remédier à leur excessive mobilité.
Troisième objectif : une plus grande proximité de la justice pour le justiciable, tout au moins pour les litiges de la vie courante. Cela passe par une organisation territoriale de proximité, c’est-à-dire un tribunal départemental unique de première instance avec des chambres détachées ; par la création d’un tribunal des affaires économiques, avec l’extension de la compétence du tribunal de commerce aux agriculteurs, professions libérales et associations ; par un assouplissement de l’organisation prud’homale, avec une composition des sections variable, en fonction du contentieux ; enfin, par la révision du financement structurel de l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire le rétablissement du droit de timbre et la consultation obligatoire d’un avocat avant toute demande d’aide.
Le quatrième objectif, sans doute le plus sensible et attendu, est d’assurer, avec certitude et promptitude, l’effectivité de l’exécution des peines et une diminution du risque de récidive, par une évolution des textes existants sur l’exécution des peines, par la réduction de moitié du seuil d’aménagement des peines ab initio et par l’augmentation des capacités pénitentiaires, ainsi que des effectifs des personnels .
Madame la garde des sceaux, le Gouvernement et votre ministère peuvent donc trouver là matière à analyse et à conception dans les deux textes que nous vous proposons comme une contribution utile et féconde du Sénat vu l’urgence de la situation, même et surtout parce que celle-ci dure !
Ces propositions répondent aux mêmes préoccupations que celles qui guident le Gouvernement dans les chantiers de la justice que vous avez lancés le 5 octobre dernier. Elles s’inscrivent également dans votre objectif de présenter, au printemps 2018, une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice pour la période 2018-2022 et une loi de simplification pénale et civile.
Sachez vous inspirer de ces propositions, du travail de tisserand réalisé par Philippe Bas et les deux rapporteurs, qui n’en prendront pas ombrage : rassurez-vous, il n’y aura pas de droits d’auteur à verser ! L’enjeu qui nous occupe est l’un des plus nobles : celui d’une bonne justice, comme on parlait au XIVe siècle d’un bon ou d’un mauvais gouvernement, c’est-à-dire d’une justice qui affirme et garantisse le droit des plus faibles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons cette proposition de loi et cette proposition de loi organique pour le redressement de la justice sur l’initiative du président Philippe Bas. Je salue nos collègues de la commission des lois, en particulier les deux rapporteurs François-Noël Buffet et Jacques Bigot, pour la grande qualité de leur travail.
Il s’agit d’un texte très important. Tous les textes le sont, mais celui-ci l’est particulièrement, car il porte sur un sujet sensible pour nos concitoyens. La proposition de loi comprend vingt-huit articles, la proposition de loi organique en compte quinze.
Depuis de nombreuses années, nous assistons à une dégradation constante de la justice, malgré une progression des crédits dans chaque loi de finances. En 2002, les crédits de la mission « Justice » s’élevaient à 4,5 milliards d’euros ; en 2017, ils atteignent 8,5 milliards d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2018, le montant prévu est de 8,7 milliards d’euros.
Malgré cette progression budgétaire significative – une augmentation de 89 % en quinze ans –, le fonctionnement de la justice demeure particulièrement complexe. C’est pourquoi ces deux textes ont pour objectif de permettre de « juger plus » et de « juger mieux », selon les termes du rapport.
On notera quatre priorités.
La première est la maîtrise des délais grâce à un renforcement des moyens humains, tout en incitant à la conciliation.
La deuxième est l’amélioration de la qualité des décisions, notamment, comme cela a été rappelé par plusieurs de nos collègues, en remédiant au problème de la mobilité des magistrats.
La troisième est le renforcement de la proximité de la justice pour le justiciable. Il est en effet indispensable de disposer d’une organisation territoriale de proximité : tribunal départemental unique, mise en place d’un tribunal des affaires économiques, extension de la compétence du tribunal de commerce aux agriculteurs, professions libérales et associations. Cette ouverture aux acteurs économiques est tout à fait fondamentale.
La quatrième priorité concerne l’amélioration de l’effectivité de l’exécution des peines, afin de réduire le risque de récidive. Il en résulte une augmentation des capacités pénitentiaires parallèlement à un renforcement des moyens humains du personnel qui œuvre dans les prisons et exerce des métiers particulièrement difficiles.
Nous sommes conscients que la tâche est immense. Sur le terrain, dans nos départements respectifs – notamment dans le mien, les Ardennes –, nous assistons aux audiences solennelles de rentrée et d’installation des nouveaux magistrats des tribunaux de grande instance ou du parquet, même si, malheureusement, des postes restent vacants. Ce sont des temps forts qui permettent de connaître réellement les besoins en termes d’effectifs.
Je veux aussi saluer le dévouement de tous, juges, magistrats, conciliateurs, greffiers notamment. Le travail effectué est le résultat d’une coopération étroite entre l’ensemble des acteurs de la justice, notamment les juristes et les avocats, les différentes administrations, les collectivités territoriales, les services de l’État – sécurité civile, sapeurs-pompiers, sécurité intérieure, gendarmes et policiers, qui mènent des enquêtes toujours de plus en plus difficiles.
Compte tenu des enjeux importants soulevés par ces deux textes et de leur intérêt, je les soutiendrai avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, de la proposition de loi.
proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice
Chapitre IER
ORIENTATION ET PROGRAMMATION DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE
Article 1er et annexe
Sont approuvés les objectifs du redressement de la justice et les moyens qui lui sont consacrés pour les années 2018 à 2022, figurant dans le rapport annexé à la présente loi.
Annexe
La loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice se situe dans le cadre de l’article 34 de la Constitution, selon lequel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État ». La programmation budgétaire prévue par la présente loi sera déclinée dans les lois de finances successives sur la période de 2018 à 2022.
Elle a pour objectifs de mieux maîtriser les délais de la justice, d’améliorer la qualité des décisions de justice, de renforcer la proximité de la justice et d’assurer l’effectivité de l’exécution des peines. Ces objectifs sont précisés par le présent rapport. Ils orienteront les grands axes de réforme de l’institution judiciaire pour la période de 2018 à 2022, présentés dans le présent rapport.
Ces objectifs exigent de mobiliser des ressources plus importantes qu’aujourd’hui, ce qui doit se traduire par une revalorisation notable et durable des crédits et des effectifs alloués au ministère de la justice, tant au bénéfice des juridictions judiciaires que de l’administration pénitentiaire, comme des autres services du ministère.
Ces objectifs s’inscrivent en conséquence dans le cadre de la progression budgétaire prévue par le chapitre Ier de la présente loi d’orientation et de programmation.
Les crédits de paiement globalement alloués à la mission « Justice » devront progresser à un taux moyen annuel de 5 % par an sur la période de 2018 à 2022, pour atteindre dans la loi de finances pour 2022 le montant de 10,902 milliards d’euros, soit une progression de 27,63 % sur la période. Corollairement, les effectifs de la mission « Justice », en équivalents temps plein travaillé, devront être portés à 96 954 emplois dans la loi de finances pour 2022.
Outre l’augmentation des moyens, des évolutions de l’organisation et du fonctionnement de la justice doivent aussi contribuer à atteindre ces objectifs. Rationaliser l’organisation et le fonctionnement de la justice doit aussi permettre d’améliorer la qualité du service public de la justice. L’amélioration de la capacité de pilotage et d’évaluation du ministère de la justice paraît aussi nécessaire, pour assurer le bon emploi des moyens qui lui sont alloués et renforcer l’efficacité du fonctionnement des juridictions judiciaires et de l’administration pénitentiaire.
À terme, le redressement de la justice doit ainsi conduire à l’amélioration de la qualité du service public rendu, dans l’intérêt des justiciables, en veillant aux conditions dans lesquelles travaillent les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires et pénitentiaires.
Enfin, la révision constitutionnelle relative au statut du parquet doit être définitivement adoptée, dans le texte déjà voté en termes identiques par les deux assemblées. En effet, l’accroissement régulier des prérogatives du ministère public dans le cadre de la procédure pénale, notamment vis-à-vis des personnes mises en cause, suppose de renforcer les garanties statutaires d’indépendance des magistrats du parquet.
I. – LES OBJECTIFS DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE : JUGER PLUS VITE ET JUGER MIEUX
A. – Mieux maîtriser les délais de la justice
En premier lieu, d’un point de vue quantitatif, il est indispensable de permettre aux juridictions de faire face au flux des affaires nouvelles, civiles et pénales, de façon à pouvoir les traiter dans des délais raisonnables, alors que la situation s’aggrave au vu de l’évolution année après année du stock d’affaires en attente de jugement.
Cet objectif exige de renforcer les moyens humains des juridictions, pour traiter plus rapidement le flux des affaires, mais aussi d’améliorer les outils informatiques pour simplifier et accélérer les procédures. Renforcer les moyens humains des juridictions consiste d’abord à résorber les vacances récurrentes de postes de magistrats et de fonctionnaires.
Cet objectif peut aussi conduire à alléger la charge des juridictions, qui pèse concrètement sur les magistrats et les greffiers, par la voie de la déjudiciarisation ou de la dépénalisation, ainsi que par l’encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges, de nature à limiter le nombre des affaires portées devant la justice, mais également par la voie de la simplification et de la dématérialisation des procédures. L’utilisation des technologies devrait permettre de simplifier davantage le travail au sein des juridictions, sans méconnaître pour autant les risques liés plus globalement aux innovations technologiques.
Des facteurs ponctuels, de nature procédurale ou organisationnelle, peuvent aussi peser sur les délais de la justice. Par exemple, la réforme des extractions judiciaires désorganise le travail des juridictions pénales, rend plus difficile leur maîtrise du temps et contribue dès lors à l’allongement des délais de jugement.
En matière pénale, à la question des délais de jugement s’ajoute celle de la longueur des délais d’exécution des peines de prison, laquelle suscite l’incompréhension de nos concitoyens et fait perdre une large partie de son sens à la peine pour la personne condamnée.
La maîtrise des délais de jugement apparaît ainsi comme le premier défi à relever pour la justice.
B. – Améliorer la qualité des décisions de justice
En deuxième lieu, d’un point de vue qualitatif, il est nécessaire de mieux garantir la qualité des décisions de justice en première instance, d’abord dans l’intérêt de nos concitoyens, qui saisissent la justice pour trancher un litige ou qui attendent d’elle la condamnation des auteurs d’infraction, mais aussi pour limiter le volume des appels et des pourvois en cassation. Atteindre un tel objectif suppose que les magistrats disposent de davantage de temps pour examiner chaque affaire, de façon plus collégiale. La qualité des décisions de justice en appel doit, elle aussi, être améliorée.
À la question des effectifs de magistrats s’ajoute, ici, celle du rôle du juge. Lui permettre de se recentrer sur son office, sur le cœur de sa fonction, c’est-à-dire décider, trancher des litiges, améliorerait la qualité des décisions rendues. À cet effet, le juge doit pouvoir être entouré d’une véritable équipe de collaborateurs et être déchargé de tâches secondaires qui seraient effectuées par d’autres et de la participation à des commissions administratives où sa présence n’est pas indispensable.
En outre, si la mobilité des magistrats est nécessaire, sa fréquence trop forte peut nuire au traitement qualitatif des dossiers et à l’implication dans certaines fonctions. Les règles de mobilité doivent aussi prendre en compte le défaut d’attractivité de certaines juridictions.
Les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffe, indépendamment des difficultés résultant des manques d’effectifs, altèrent la qualité du travail des juridictions. En d’autres termes, d’un point de vue matériel, les juridictions doivent avoir la capacité de faire face aux besoins de leur fonctionnement courant et bénéficier de bâtiments en bon état. Trop souvent, en dépit des efforts réalisés en ce sens, l’immobilier judiciaire n’est pas au niveau de la mission de la justice. L’amélioration des conditions de travail exige également de disposer d’outils informatiques performants et adaptés, rapidement mis à jour pour tenir compte des réformes que les juridictions sont tenues d’appliquer.
La maîtrise de la charge et des conditions et méthodes de travail des différentes catégories de personnel des juridictions apparaît donc comme un deuxième défi pour la justice.
C. – Renforcer la proximité de la justice
En troisième lieu, d’un point de vue là encore qualitatif, en matière de litiges de la vie courante, le justiciable attend un traitement de proximité, avec une institution judiciaire plus simple d’accès, en première instance, sans quoi saisir le juge devient une démarche trop complexe et dissuasive. Quelques années après la réforme de la carte judiciaire, il est nécessaire de rendre la justice plus proche et plus accessible.
Outre l’accroissement des moyens de la justice, une amélioration de son organisation territoriale peut permettre de renforcer son accessibilité et sa proximité pour les justiciables, en particulier pour les plus vulnérables. La proximité peut aussi passer par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, plus simples et rapides, à l’instar de la conciliation.
Renforcer l’accès au juge suppose également, pour le justiciable, un effort en faveur de l’accès à l’avocat, dont le ministère est obligatoire dans de nombreux contentieux. Alors que le plafond de ressources ouvrant droit à l’aide juridictionnelle reste faible, la nécessité d’assurer un financement structurel de l’aide juridictionnelle exige pourtant de mobiliser de nouvelles ressources.
L’amélioration de l’accès à la justice, dans tous ses aspects, apparaît donc comme un troisième défi pour la justice.
D. – Assurer l’effectivité de l’exécution des peines
En dernier lieu, du point de vue de l’exécution des peines, l’objectif qualitatif est double : assurer l’effectivité de l’exécution des peines, par une évolution des textes et des capacités pénitentiaires, et diminuer le risque de récidive, par un meilleur accompagnement des personnes incarcérées, en vue de la préparation à la sortie. Il réside aussi dans une réflexion sur les courtes peines, qui ne permettent pas aujourd’hui un tel accompagnement.
Outre la simplification du droit de l’application des peines, un tel objectif suppose ainsi une mise à niveau des capacités pénitentiaires, à la fois du point de vue du nombre de places de prison et du point de vue des effectifs des personnels, notamment les surveillants et les services d’insertion et de probation.
La réaffirmation effective de la double mission de la prison, punir et réinsérer, constitue un quatrième défi pour la justice.
II. – LES GRANDS AXES DE LA RÉFORME DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE
A. – Renforcer les capacités de pilotage du ministère de la justice
Le redressement de la justice suppose, au préalable, de disposer, au niveau de l’administration centrale, d’une organisation robuste permettant un pilotage global et reposant sur une stratégie claire. Cette stratégie, que le ministère de la justice a vocation à piloter, doit permettre d’assurer les conditions de la bonne exécution du service public de la justice et de répondre aux attentes légitimes des justiciables et des pouvoirs publics.
1. Sanctuariser le budget de l’autorité judiciaire
L’autorité judiciaire, autorité de rang constitutionnel, fonction régalienne et grand service public placé au tout premier rang dans la hiérarchie des fonctions de l’État, doit être exemptée des gels de crédits et disposer dès le début d’année d’une visibilité sur les crédits qui lui sont affectés. Le budget de l’autorité judiciaire, correspondant aux programmes respectivement consacrés aux juridictions judiciaires et au Conseil supérieur de la magistrature, doit être sanctuarisé. La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances doit être modifiée à cet effet, pour consacrer l’existence du budget de l’autorité judiciaire et l’exonérer des mesures de gel budgétaire.
2. Améliorer la gestion des ressources humaines, pour une réelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
Les ressources humaines sont le cœur du ministère de la justice : plus de 80 000 personnes – magistrats, personnels de greffe, surveillants pénitentiaires, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et agents administratifs des corps communs – œuvrent au service du bon fonctionnement de la justice.
a) Résoudre le phénomène récurrent des vacances de postes de magistrats et de fonctionnaires dans les juridictions
Les vacances de postes constituent l’un des principaux sujets de préoccupation au sein des juridictions. De plus, le phénomène apparaît plus important dans certaines juridictions qualifiées de peu attractives. En outre, la durée de la formation est de nature à reporter dans le temps la création des postes en juridictions.
L’effort de recrutement de magistrats et de personnels de greffe doit être poursuivi dans la durée, pour au minimum résorber, en cinq ans, les vacances de postes dans les juridictions, dans le cadre de la progression des emplois alloués à la mission « Justice » prévue par la présente loi.
L’estimation du nombre de postes à créer devra tenir compte des capacités matérielles d’accueil et de formation des écoles du ministère de la justice. Le ciblage du nombre de postes à créer dépend également de l’évolution du volume d’affaires soumises aux tribunaux et de la charge de travail des juridictions. Des outils adaptés de suivi et de pilotage devront permettre d’identifier ces créations de postes.
b) Améliorer l’évaluation qualitative et quantitative des magistrats et des fonctionnaires
Connaître finement la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires des juridictions, selon leurs fonctions et les catégories de contentieux, constitue, un enjeu majeur pour l’avenir des services judiciaires, dans la double perspective d’une remise à niveau des moyens et d’une réflexion sur l’organisation et l’activité du service public de la justice. Il s’agit en outre d’un préalable indispensable à l’engagement d’une réelle politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.
Devra être créé un référentiel national d’activité des magistrats, fruit d’une construction de l’ensemble des parties prenantes, puis d’un arbitrage par la chancellerie et d’une validation par l’inspection générale de la justice, garante de l’objectivité du référentiel.
Dans la mise en œuvre de ce projet, plusieurs principes devront être retenus :
– la spécialisation : évaluer la charge de travail raisonnable d’un magistrat, via un nombre de dossiers et d’affaires à traiter par catégorie de contentieux et par fonction ;
– la complexité : définir des indicateurs de complexité des affaires en matière civile et pénale ;
– la qualité : intégrer le principe de qualité des décisions rendues, via le taux d’appel ou de confirmation des décisions de la juridiction ;
– la collégialité : veiller à respecter ce principe lorsqu’il est prévu par la procédure ;
– le consensus : valider le référentiel en association avec l’ensemble des acteurs judiciaires concernés.
Ce référentiel d’activité devra en outre s’appuyer sur une définition objective de la durée du temps de travail des magistrats et également, à terme, servir de cadre au versement de la prime modulable, dont le taux resterait fixé par le chef de cour ou de juridiction.
En parallèle, Outilgref, outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires, devra faire l’objet d’une meilleure adaptation, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et en étroite collaboration avec la démarche du référentiel national d’activité et de carrière des magistrats.
Cette adaptation devra veiller aux trois critères suivants :
– l’adaptation à la taille des juridictions ;
– l’adaptation aux évolutions législatives et réglementaires ;
– la prise en compte de la complexité des tâches.
c) Mettre en œuvre une politique de mobilité plus harmonieuse pour les magistrats et les fonctionnaires
La forte mobilité des magistrats contribue aujourd’hui à désorganiser les juridictions. Elle constitue un sujet important de préoccupation, en lien étroit avec celui des vacances de postes dans les juridictions, susceptible de nuire à la qualité des décisions de justice rendues ou au suivi efficace des dossiers. Ce phénomène est plus prégnant dans certaines juridictions moins attractives, dont les magistrats cherchent à partir et qui ne suscitent que peu de candidatures. À l’inverse, certains magistrats ne bougent pas, ou très peu.
Cette situation s’explique également par le cadre juridique actuel, qui fait de la mobilité une condition essentielle de l’avancement de carrière des magistrats. L’accès au premier grade, à l’exercice de certaines fonctions et à la nomination aux emplois placés hors hiérarchie est conditionné statutairement à une certaine mobilité, géographique ou fonctionnelle.
L’exercice de certaines fonctions est toutefois soumis à une durée limitée :
– sept ans pour les chefs de cour et de juridiction ;
– dix ans pour les juges spécialisés, au sein d’une même juridiction : sont concernés le juge d’instruction, le juge des enfants, le juge de l’application des peines, le juge des libertés et de la détention et le juge chargé du service d’un tribunal d’instance.
Toutefois, en dépit de la doctrine du Conseil supérieur de la magistrature, les textes ne prévoient aucune autre durée minimale ou maximale d’exercice des fonctions pour les autres magistrats.
Le régime de mobilité doit donc être mieux encadré, en prévoyant dans le statut de la magistrature des règles de durée minimale et maximale d’exercice des fonctions dans la même juridiction. La durée minimale de droit commun pourrait être fixée à trois ans, portés à quatre ans pour les fonctions spécialisées exercées en cabinet, en raison du nécessaire investissement plus lourd dans les dossiers qu’exigent ces fonctions. La durée maximale pourrait être fixée à dix ans comme c’est d’ores et déjà le cas pour les fonctions spécialisées.
Cet encadrement est prévu par la loi organique pour le redressement de la justice.
En conséquence, le rythme des mouvements annuels devra être revu et leur nombre limité et défini préalablement selon un calendrier annuel.
Afin de compléter cette nouvelle politique de mobilité, l’attractivité de certaines juridictions devra être renforcée, afin d’y encourager les candidatures de magistrats et de fonctionnaires, par la mise en place d’incitations en termes de régime indemnitaire et d’ancienneté.
Cette politique incitative s’appuiera sur l’élaboration d’une série de critères permettant la définition d’une ou plusieurs catégories de juridictions jugées peu attractives, qui pourrait comprendre des éléments quantitatifs, tels que la taille de la juridiction, sa localisation géographique en zone rurale ou dans un quartier éligible à la politique de la ville, le nombre de candidatures de magistrats et de fonctionnaires intervenues au cours des dernières années, et des critères qualitatifs, tels que le type des contentieux traités et les facteurs exogènes pouvant accroître le nombre d’affaires. Ce travail devra s’articuler avec la création du référentiel national d’activité et de carrière des magistrats et l’adaptation d’Outilgref.
Enfin, le chantier de l’harmonisation de la gestion des corps communs du ministère de la justice, dont les régimes sont actuellement très divers en matière indemnitaire, d’évaluation, de temps de travail ou de mobilité, devra être engagé, en vue de renforcer l’équité entre les différentes directions et l’attractivité des fonctions proposées dans les services judiciaires.
d) Mieux garantir la réussite d’une politique de diversification du recrutement du corps de la magistrature
La politique d’ouverture du corps de la magistrature et de diversification de son recrutement devra être poursuivie, tout en maintenant un haut niveau juridique de recrutement, notamment en renforçant la formation initiale à l’École nationale de la magistrature pour les candidats issus des concours complémentaires et les candidats à une intégration directe.
e) Mettre à niveau les effectifs des services pénitentiaires pour un véritable suivi des détenus
En dépit de son rôle crucial pour l’efficacité des politiques pénales et la réinsertion des personnes placées sous main de justice, l’administration pénitentiaire souffre d’un manque d’effectifs et d’un fort taux de vacances de postes, tant pour les personnels de surveillance que pour les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
La politique active de recrutement des surveillants pénitentiaires doit être poursuivie et les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation doivent être mis au niveau des ambitions d’accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion dans la société.
3. Améliorer la programmation et le financement de l’immobilier judiciaire
La dégradation d’une partie de l’immobilier judiciaire justifie un travail de long terme et un investissement accru, dans l’objectif d’améliorer les conditions de travail des personnels et auxiliaires de justice, tout comme les conditions d’accueil des justiciables.
a) Poursuivre l’effort de remise à niveau de l’immobilier judiciaire
Les besoins de financement sont criants dans certains tribunaux dont l’état est extrêmement dégradé, alors que les ressources budgétaires sont en voie de raréfaction, dans le contexte de l’accroissement prévisionnel des dépenses contraintes relatives au financement des bâtiments construits dans le cadre de partenariats public-privé. Les efforts déjà engagés de redressement de l’immobilier judiciaire devront donc être accrus. Les dépenses d’investissement immobilier ne devront pas être sacrifiées aux exigences de la régulation budgétaire.
La programmation de l’immobilier judiciaire devra bénéficier d’un financement régulier et suffisant, complété par la mise en œuvre d’un programme pluriannuel de maintenance et d’entretien adapté aux spécificités de l’immobilier judiciaire, pour limiter à moyen et long termes les surcoûts résultant du défaut d’entretien.
Enfin, un travail interministériel de diagnostic des enjeux et objectifs en matière d’immobilier judiciaire devra être mené. Il pourra être formalisé par un contrat d’objectifs entre les ministères de l’économie et des finances et de la justice.
b) Renforcer l’organisation et le pilotage de la fonction immobilière pour faire face aux enjeux de moyen et long termes
L’effort de rationalisation de la fonction immobilière au sein du ministère de la justice sera prolongé, par une meilleure articulation entre les directions gestionnaires, en charge de la définition des besoins immobiliers, le secrétariat général, doté d’une compétence renforcée de pilotage, et l’agence publique pour l’immobilier de la justice.
Les compétences et l’expertise des équipes dédiées au pilotage de la fonction immobilière du ministère de la justice et de l’agence publique pour l’immobilier de la justice devront être renforcées, afin d’assurer un suivi performant des partenariats public-privé, notamment pour le nouveau palais de justice de Paris.
4. Adapter l’organisation du ministère de la justice, pour en faire une administration plus moderne et efficace
a) Renforcer le rôle de coordination stratégique du secrétariat général
Les fonctions de coordination sont indispensables, dans la mesure où elles permettent d’assurer le lien entre les différentes entités, la cohérence de l’action du ministère, et sa conformité avec le cadre général défini par l’autorité politique. Ce rôle stratégique de coordination revient en principe au secrétariat général.
À cette fin, le cadre juridique du ministère de la justice doit être mis en conformité avec le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères, pour en faire une instance stratégique de coordination et de pilotage du ministère de la justice, dotée des compétences nécessaires à l’exercice de ces missions.
Le secrétariat général du ministère de la justice devra disposer de l’expertise pour jouer un rôle essentiel dans le pilotage des réformes, et donc assurer la coordination de l’évaluation ex ante des moyens nécessaires et des conditions de la réussite d’une réforme, ou de la bonne application d’une disposition législative ou réglementaire nouvelle. Sa fonction d’impulsion et de pilotage des grands projets transverses du ministère devra être renforcée.
La formalisation des missions ministérielles et interministérielles confiées personnellement au secrétaire général du ministère de la justice sera accrue, dans une lettre de mission pluriannuelle cosignée par le Premier ministre et le garde des sceaux.
Plus particulièrement, le secrétariat général devra faire aboutir les deux grands projets prioritaires que sont la dématérialisation des procédures, qui inclue la mise en place de la signature électronique, et la conduite d’une politique d’archivage et de gestion des scellés dans les juridictions.
b) Réaffirmer le rôle du secrétariat général dans le pilotage transversal des fonctions support
L’organisation des services du secrétariat général dédiés aux fonctions support devra être améliorée, de sorte que le ministère de la justice dispose d’une vision globale de l’ensemble des fonctions support, assortie d’un réel pilotage transversal.
c) Mieux articuler l’action des services judiciaires du ministère sur le territoire
L’organisation dans les territoires des services délocalisés du secrétariat général, ainsi que leur articulation avec les services déconcentrés, sera simplifiée, sans pour autant méconnaître les spécificités de chaque métier de la justice, notamment des juridictions, qui devront être mieux prises en compte au sein de l’organisation et des procédures des plates-formes interrégionales de service du ministère de la justice. L’action des services délocalisés et déconcentrés du ministère de la justice devra être mieux coordonnée.
d) Renforcer le niveau d’encadrement et diversifier les compétences présentes au sein de la direction des services judiciaires
Les effectifs de la direction des services judiciaires devront être accrus, par le recrutement de compétences diversifiées et adaptées aux enjeux de la direction en termes de gestion budgétaire, de ressources humaines, d’informatique et d’immobilier.
5. Mettre à niveau la fonction de suivi statistique et d’évaluation, pour améliorer la préparation des réformes judiciaires
a) Les nouvelles perspectives offertes par la création récente de l’inspection générale de la justice
La nouvelle inspection générale de la justice sera confortée dans ses nouvelles missions, tout en préservant l’indépendance de l’autorité judiciaire, s’agissant notamment de la compétence de l’inspection à l’égard de la Cour de cassation.
b) Rénover la fonction statistique et en faire un véritable outil d’évaluation de l’activité des juridictions
La fonction statistique au sein du ministère de la justice sera l’objet d’un audit. Sur cette base, l’appareil statistique sera mis à niveau, automatisé et mieux intégré aux outils informatiques existants ou en développement, de façon à disposer de véritables outils d’aide à la décision, mais aussi d’évaluation des politiques menées.
En particulier, le ministère devra investir dans l’évaluation qualitative et quantitative des personnes placées sous main de justice, en réalisant des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de récidive, et en mesurant l’efficacité des peines et la qualité des intervenants du milieu probationnaire.
La mise à niveau de l’outil statistique du ministère devra permettre d’améliorer l’évaluation qualitative et quantitative de l’activité des juridictions.
c) Asseoir le rôle central du ministère de la justice dans la production normative et le pilotage des réformes
Le ministère de la justice est particulièrement exposé aux effets de l’inflation normative et à son impact, notamment procédural, sur l’activité des juridictions.
Au-delà des exigences organiques actuelles, toutes les dispositions adoptées au cours de l’examen parlementaire devront être évaluées à l’issue de la première lecture afin d’actualiser les études d’impact accompagnant les projets initiaux, pour mieux préparer la mise en œuvre des réformes.
Le rôle d’évaluation du ministère de la justice doit aussi être renforcé vis-à-vis des textes dont il n’est pas à l’initiative, en particulier en réalisant des études d’impact des propositions de loi réformant les procédures et l’organisation judiciaire et en instaurant des référents magistrats du ministère de la justice dans les directions des affaires juridiques ministérielles. En matière pénale, l’ensemble des modifications normatives seront centralisées auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces.
B. – Moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique
Fondée sur les principes d’indépendance et d’impartialité, qu’aucun dispositif technologique ne pourra garantir comme l’intervention du juge, la décision de justice garde toute sa valeur. Pour préserver sa fonction de régulation sociale dans les situations qui l’exigent, l’institution judiciaire doit néanmoins mieux intégrer et accompagner les innovations technologiques.
1. Accélérer la dématérialisation des procédures judiciaires, pour simplifier l’accès et le fonctionnement de la justice
Tant en matière civile qu’en matière pénale, la dématérialisation offre des pistes de réforme porteuses de réels gains de simplification et d’allègement de la charge de travail, pour les personnels comme pour les justiciables. L’accélération de la dématérialisation des procédures suppose une plus grande coordination entre les directions législatives et les directions dites métiers, sous l’égide du secrétariat général, ce dernier devant assurer un pilotage plus stratégique de cette évolution.
a) Dématérialiser et simplifier les procédures en matière civile, pour rendre la justice plus accessible pour le justiciable
L’ensemble des procédures en matière civile sera passé en revue, afin de les modifier selon les deux exigences de simplification et de dématérialisation, sans remise en cause des droits et des garanties pour les justiciables et pour les tiers. La règle de procédure doit dorénavant être conçue pour être mise en œuvre de façon dématérialisée et informatisée.
Cette perspective suppose la systématisation de la communication électronique, entre les juridictions, les justiciables et les auxiliaires de justice, et la mise en place de la signature électronique dans ces échanges, de façon à supprimer tout courrier. Elle suppose aussi une mise à niveau de l’informatique judiciaire.
Ce projet prioritaire de simplification et de dématérialisation reposera sur une instance ad hoc au sein du ministère de la justice, comportant un comité de pilotage, composé de toutes les compétences utiles, ainsi qu’une direction de projet, plus opérationnelle, assurée par le secrétariat général en lien avec les directions concernées, pour en assurer le suivi permanent. Cette instance devra à la fois superviser les travaux juridiques de simplification et les travaux de développements informatiques pour la dématérialisation, de sorte que l’enjeu de coordination est majeur.
b) Dématérialiser les procédures pénales
La simplification des procédures pénales et l’allègement de la charge d’activité des parquets passent aujourd’hui essentiellement par la dématérialisation. Des progrès notables devront être réalisés dans ce domaine, pour dématérialiser les procédures pénales, en particulier les échanges entre services d’enquête et juridictions pénales.
Les logiciels d’aide à la rédaction des procédures des forces de sécurité intérieure utilisés par la police nationale et par la gendarmerie seront fusionnés.
Des alertes automatiques d’information des services d’enquête seront mises en place pour les informer des suites judiciaires données à leurs procédures.
2. Consolider la conduite des projets informatiques au sein du ministère et organiser l’intégration des innovations
La fonction informatique au sein du ministère de la justice sera mise à niveau, pour assurer un réel pilotage stratégique des projets informatiques.
a) Créer une direction dédiée aux systèmes d’information, facteur essentiel pour la conduite des projets structurants
Une direction des systèmes d’information sera créée au sein du ministère de la justice, pour piloter la transformation numérique du service public de la justice, pour concevoir dans un lieu unique la stratégie numérique et la structure informatique du ministère, pour réduire la dispersion de la conduite des projets et pour limiter le recours à des prestataires extérieurs pour développer, maintenir et faire évoluer rapidement les outils informatiques structurants.
Les juridictions seront encouragées à développer des outils informatiques locaux. L’intégralité des applicatifs utilisés au sein des juridictions sera recensée au sein d’un répertoire national, afin de les partager.
Les juridictions pourront adapter localement certains aspects des outils informatiques nationaux et les utilisateurs seront mieux associés au développement et à l’évolution des applications informatiques.
b) Renforcer la sécurité des systèmes d’information et des traitements automatisés de données
La prise en compte de la question de la sécurité des systèmes d’information sera améliorée et la sécurisation des données à caractère personnel sera renforcée, sans nuire à l’efficacité des juridictions.
c) Mieux utiliser les outils technologiques pour faciliter le travail du juge
Des outils technologiques souples d’aide à la décision et d’aide à la rédaction des jugements pour les magistrats seront développés, pour faciliter le travail quotidien des juridictions et pour gagner du temps, au profit de leur cœur de métier.
L’exploitation des données judiciaires devrait aussi permettre au juge de disposer d’outils plus performants, pour l’éclairer sur la décision à prendre et pour connaître dans des cas similaires les décisions prises dans les autres juridictions.
3. Maîtriser et tirer profit des évolutions technologiques dans le domaine du droit et de la justice
Le ministère de la justice doit jouer pleinement son rôle dans la régulation des innovations technologiques dans le domaine du droit et de la justice, pour encadrer ces nouveaux services, au bénéfice de la justice et des justiciables. Ces nouveaux outils doivent être complémentaires et non concurrents de la justice traditionnelle.
a) Donner au ministère un rôle pilote pour accompagner et intégrer les innovations dans le domaine du droit et de la justice
Les capacités du ministère de la justice devront être revues pour lui permettre de jouer un rôle plus actif dans la connaissance et dans l’accompagnement des innovations technologiques, en intégrant davantage ces enjeux dans son organisation administrative, en lien avec des partenaires publics et privés, notamment la Cour de cassation. Il devra aussi jouer un rôle d’orientation, par le lancement et la dotation d’appels à projets innovants.
b) Maîtriser les risques d’ordre technique et éthique liés aux innovations technologiques
Un cadre juridique et déontologique plus précis et approprié sera fixé pour la mise à disposition du public des décisions de justice, pour assurer une meilleure protection des données personnelles, pour les justiciables mais aussi pour les magistrats et les avocats, et pour écarter les risques de perturbation de l’office du juge et du cours normal de la justice.
Une mise à niveau des outils informatiques est indispensable, afin d’automatiser le processus de traitement et de mise en forme des décisions en vue de leur publication.
Le ministère de la justice devra garantir l’égalité de traitement de tous les justiciables, indépendamment de l’utilisation des technologies, par exemple avec le développement de la visioconférence en matière pénale.
Un cadre juridique plus précis et protecteur pour le justiciable sera fixé pour les plates-formes de prestations juridiques et d’aide à la saisine de la justice.
c) Utiliser les innovations au service d’une meilleure qualité de la justice, notamment pour prévenir le contentieux civil
Un cadre juridique plus précis et protecteur pour le justiciable sera fixé pour permettre le développement du règlement alternatif des litiges en ligne et un dispositif public de résolution des litiges en ligne, piloté par le ministère de la justice, sera créé.
L’exploitation massive des données judiciaires devra être encouragée, tout en étant encadrée, pour contribuer à la prévention du contentieux en matière civile et au développement des modes alternatifs de règlement des petits litiges de la vie courante.
Ces outils nouveaux devront être mis au service du bon fonctionnement de la justice et de la qualité des décisions de justice, tout en prévenant les risques de dérives possibles.
La Cour de cassation sera appelée à jouer un rôle éminent en la matière, en lien avec sa mission d’harmonisation des jurisprudences et de diffusion des décisions de justice.
C. – Rendre l’institution judiciaire plus proche des citoyens
La proximité est une qualité régulièrement exigée de la justice, par les différents acteurs judiciaires, dans l’intérêt du justiciable, en particulier lorsqu’il est vulnérable ou pour des litiges de faible enjeu financier, lorsque la distance avec la juridiction compétente peut le dissuader de la saisir. Une telle exigence est légitime et suppose de maintenir un maillage territorial suffisant des lieux de justice.
Pour autant, l’exigence de proximité, pertinente pour les litiges de la vie courante, ne saurait s’appliquer à tous les contentieux. De plus, la voie contentieuse n’est pas l’unique mode de traitement pour les litiges exigeant de la proximité : les modes alternatifs de règlement des litiges, à commencer par la conciliation, peuvent constituer, dans un certain nombre de cas, un outil plus simple, efficace et rapide pour le traitement de petits litiges.
À côté des contentieux de proximité, il existe des contentieux qui exigent un principe de spécialisation juridique plus marquée dans leur traitement, par des juges plus spécialisés, et pour lesquels le ministère d’avocat est a priori obligatoire en matière civile.
Ainsi, toute évolution de l’organisation judiciaire en première instance doit être conçue du point de vue de la nature des contentieux, afin de mieux répondre aux deux exigences complémentaires de proximité et de spécialisation.
1. Pour renforcer l’accessibilité de la justice et sa proximité avec le justiciable, créer le tribunal départemental unique de première instance
Regroupant dans une juridiction départementale unique le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, le tribunal de première instance sera mis en place progressivement d’ici 2022, selon les départements et en fonction de la résorption des vacances de postes de magistrats et de greffiers, sans remise en cause des implantations judiciaires existantes.
Compte tenu des spécificités de leur organisation juridictionnelle, le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes seraient conservés en dehors du tribunal de première instance.
Le tribunal de première instance serait créé sur la base de la notion de taille efficiente de juridiction. Ainsi, sauf particularités démographiques ou géographiques locales, un tribunal de première instance unique serait créé par département. Dans chaque département, des chefs de juridiction et des directeurs de greffe seront rapidement désignés chefs de projet pour préparer la mise en place du tribunal de première instance.
Les implantations judiciaires actuelles des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance seraient en principe maintenues, en transformant les sites extérieurs au siège en chambres détachées du tribunal de première instance et en s’appuyant sur le service d’accueil unique du justiciable. Le contentieux de proximité serait traité dans les chambres détachées.
Le socle minimal de compétences attribué aux chambres détachées correspondrait aux litiges de la vie courante, incluant le contentieux actuel des tribunaux d’instance et le contentieux familial, ainsi qu’aux réponses pénales simples. Des compétences supplémentaires pourraient leur être attribuées de façon souple, sur proposition des chefs de juridiction et sur décision des chefs de cour.
La mise à niveau de l’outil informatique civil est un préalable majeur, avec la résorption des vacances de postes, à la mise en place du tribunal de première instance.
Les magistrats affectés au sein du tribunal de première instance seront répartis entre le siège de la juridiction et les chambres détachées selon la procédure actuelle de l’ordonnance de roulement, prise par le président du tribunal après avis de l’assemblée des magistrats du siège.
Des garanties de localisation devront être mises en place pour les personnels du greffe du tribunal de première instance, avec une affectation dans un site donné, au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée, tout en aménageant le mécanisme de la délégation entre le siège et une chambre détachée. Le mécanisme de délégation des personnels de greffe au sein du tribunal de première instance devra associer le directeur de greffe à la décision des chefs de juridiction et comporter un accompagnement indemnitaire.
Les règles actuelles en matière de représentation obligatoire par ministère d’avocat, en fonction du type de contentieux, seront maintenues, sans préjudice d’une réflexion ultérieure. Le regroupement au sein du tribunal de première instance des contentieux actuellement dévolus au tribunal d’instance et au tribunal de grande instance sera l’occasion d’ouvrir une réflexion sur la rationalisation et la simplification des modes de saisine du tribunal, en lien avec les enjeux de dématérialisation.
Parallèlement à la mise en place du tribunal de première instance, la politique d’accès au droit dans les territoires et le réseau des structures d’accès au droit devront être renforcés, dans le même objectif de renforcement de la proximité pour le justiciable, sous l’égide des conseils départementaux de l’accès au droit. Cette politique relève d’abord de la responsabilité de l’État. Les maisons de la justice et du droit, dont le nombre sera augmenté et qui seront toutes coordonnées par un greffier, seront de véritables relais du tribunal de première instance, en étant intégrées au sein du service d’accueil unique du justiciable.
2. Des perspectives d’évolution pour le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes
La compétence du tribunal de commerce sera étendue à l’ensemble des entreprises, c’est-à-dire aux agriculteurs, aux indépendants et aux personnes morales non commerçantes ayant une activité économique, pour en faire un réel tribunal des affaires économiques. Le corps électoral des juges consulaires sera élargi en conséquence. La mission civile du tribunal de première instance s’en trouvera recentrée. Cette évolution achèvera le processus de réforme que connaissent les tribunaux de commerce, après l’inclusion des artisans et le renforcement des obligations statutaires et déontologiques des juges consulaires.
Lorsqu’il n’est pas justifié par un nombre important d’affaires, le nombre de conseillers sera réduit dans les conseils de prud’hommes, pour renforcer l’efficacité juridictionnelle et la qualité des décisions, sans dégrader les délais de jugement. Pour mieux tenir compte de l’évolution différenciée du nombre d’affaires de chaque section, résultant des évolutions économiques et de l’emploi propre à chaque secteur et à chaque juridiction, la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud’hommes sera revue et un dispositif permanent permettant de la modifier en cours de mandat sera mis en place.
3. Réaffirmer le rôle essentiel du juge chargé des contentieux de proximité, en renforçant ses capacités de conciliation
Dans le cadre du tribunal de première instance, le juge chargé des contentieux de proximité devra disposer des moyens appropriés pour exercer ses missions. Les conciliateurs seront rattachés au tribunal de première instance.
a) Renforcer les effets de l’intervention des conciliateurs, placés auprès du juge chargé des contentieux de proximité
Force exécutoire sera donnée aux accords trouvés par les parties dans le cadre de la conciliation préalable à la saisine du juge chargé des contentieux de proximité ou réalisée au cours d’une procédure judiciaire.
En cas d’échec de la conciliation, dans l’hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, le conciliateur devra transmettre au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige, dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation. Le juge aura alors la possibilité d’avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l’audience, à moins que l’une d’entre elles demande à être entendue. Le juge ne s’immiscerait pas dans le processus de conciliation et garderait entière son indépendance d’analyse, tout en bénéficiant du travail déjà réalisé par le conciliateur.
Un plan de recrutement de 1 500 conciliateurs de justice en cinq ans sera lancé, afin qu’ils soient en nombre suffisant sur l’ensemble du territoire pour accomplir les missions qui leur sont confiées.
Tout en préservant le caractère bénévole de leur fonction, les conciliateurs de justice seront dotés des moyens matériels indispensables à l’exercice de leurs missions.
b) Créer des « délégués du juge », placés auprès du juge chargé des contentieux de proximité
Pour améliorer la mise en œuvre de la mission légale de conciliation confiée au juge, à côté du renforcement du rôle des conciliateurs de justice bénévoles, des « délégués du juge » seront désignés sous le statut de juriste assistant. Ces assistants pourront exercer cette mission de conciliation par délégation du juge, mais aussi proposer la rédaction de jugement, à la suite de l’échec de la conciliation ou pour d’autres contentieux de proximité, et accomplir toute autre mission qui leur serait déléguée par le juge. Ces fonctions seront également proposées aux greffiers, accompagnées d’une revalorisation statutaire adaptée.
La coordination des différents acteurs de la conciliation intervenant auprès du juge chargé des contentieux de proximité devra être organisée, soit par le juge lui-même, soit par un « délégué du juge » issu du corps des greffiers.
D. – Améliorer l’organisation et le fonctionnement des juridictions en première instance et en appel
1. Renforcer l’autonomie de gestion des juridictions
a) Mieux prendre en compte les compétences d’encadrement pour l’accès aux fonctions de chefs de cour et de juridiction
Les critères de sélection des chefs de cour et de juridiction seront mieux définis, notamment les compétences d’administration et d’encadrement, et inscrits dans la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature. La prise de fonction des magistrats chefs de cour ou de juridiction devra également être mieux préparée.
b) Conforter la responsabilité des chefs de cour et de juridiction dans l’administration de la justice, appuyée sur les directeurs de greffe
L’administration des juridictions constitue une mission essentielle des chefs de cour et de juridiction, qu’ils exercent avec l’appui des fonctionnaires de greffe, placés sous l’autorité d’un directeur de greffe.
L’organisation et les relations hiérarchiques internes des juridictions seront clarifiées, en distinguant mieux l’organisation de la fonction de juger, qui relève directement des chefs de juridiction, de la gestion quotidienne par les directeurs de greffe sous l’autorité et le contrôle des chefs de cour et de juridiction.
Afin de favoriser la vie interne des juridictions, les chefs de juridiction seront incités à réunir davantage les instances de concertation des cours et des juridictions, à savoir les différentes assemblées de magistrats et de fonctionnaires.
c) Mettre à niveau les budgets de fonctionnement courant des juridictions
La remise à niveau des moyens de fonctionnement courant des juridictions est impérative, pour leur permettre de faire face à leurs charges fixes et leur redonner des marges de manœuvre budgétaire.
d) Accroître l’autonomie de gestion des chefs de cour et de juridiction
Les chefs de cour sont l’échelon de référence en matière de dialogue de gestion budgétaire avec la direction des services judiciaires.
Les procédures de dialogues de gestion budgétaire entre les chefs de cour et le ministère de la justice seront améliorées et les modalités de fixation des dotations, en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs, seront revues.
Le pilotage des juridictions suppose une meilleure prévisibilité de l’évolution des ressources pour les chefs de juridiction. Pour leur redonner des marges de manœuvre, dans le cadre de la sanctuarisation des crédits de l’autorité judiciaire, la totalité de leurs crédits sera déléguée aux chefs de cour en début de gestion et les chefs de juridiction auront la compétence et la responsabilité de gestion de leur budget.
Une telle évolution suppose de renforcer les équipes de gestion autour des chefs de cour et de juridiction, en diversifiant les compétences à leur disposition en matière de gestion des ressources humaines, d’informatique, de marchés publics ou encore de conduite de travaux.
Pour accompagner cette évolution, la contractualisation sera développée entre les juridictions de première instance, les cours d’appel et la direction des services judiciaires, en commençant par les juridictions les plus importantes, assortie d’engagements quantitatifs et qualitatifs, tant pour l’activité juridictionnelle que pour la gestion de la juridiction.
2. Ouvrir le chantier de la réforme des cours d’appel, un enjeu essentiel de l’organisation judiciaire
La situation des cours d’appel appelle une réforme, pour deux motifs majeurs : donner une taille critique suffisante à chaque cour d’appel et assurer une meilleure cohérence de l’action publique avec les services de l’État intervenant à l’échelon régional. Une telle réforme conduit à revoir le nombre des cours d’appel et à actualiser et simplifier leur carte. Elle sera ainsi l’occasion de concevoir un nouveau modèle de cour d’appel.
a) Les objectifs et les principes de la réforme des cours d’appel : pour un nouveau modèle de cour d’appel plus efficace
La situation actuelle des cours d’appel incite à faire évoluer leur nombre afin, d’une part, de leur faire toutes atteindre une taille critique suffisante et, d’autre part, de revoir les limites des ressorts pour assurer une meilleure cohérence avec la carte administrative générale, dans l’intérêt de la protection de l’ordre public au sens large, dont les parquets et les parquets généraux ont la responsabilité du point de vue judiciaire.
À ce stade, il n’est pas proposé de réduire le nombre de cours d’appel à treize, soit une par grande région, ni de supprimer toute implantation judiciaire relevant de l’appel là où une cour serait supprimée.
S’il n’est pas nécessaire de maintenir tous les sites judiciaires actuels en appel, car l’exigence de proximité ne présente pas la même acuité en appel qu’en première instance, certaines cours pourront comporter des chambres détachées, dotées d’une compétence territoriale particulière ou d’une compétence matérielle pour l’ensemble du ressort, conformément à un impératif de spécialisation, en vue d’une plus grande qualité juridique des décisions.
En revanche, il est nécessaire de regrouper des cours d’appel et de réunir leurs effectifs et leurs moyens, pour permettre un fonctionnement plus optimal de chacune d’elles, spécialiser davantage les magistrats en appel, améliorer ainsi la qualité juridique des arrêts rendus et mieux harmoniser, dans un ressort plus vaste, les jurisprudences de première instance.
Il est cohérent de constituer des ressorts de cours d’appel plus étendus, dès lors que seront mises en place des juridictions de première instance de taille plus importante. Il s’agirait de constituer sur le territoire, en première instance comme en appel, des juridictions plus solides et plus compétentes, plus à même de répondre à l’exigence de nos concitoyens d’une justice plus rapide et de qualité.
En outre, la cohérence entre les limites des ressorts des cours d’appel et les limites des régions administratives devra être assurée, de façon à ce qu’aucun ressort ne chevauche plusieurs régions administratives.
La réduction du nombre de cours permettra de prévoir un budget opérationnel de programme et un pôle Chorus par cour d’appel, afin de renforcer leur autonomie budgétaire et leur capacité d’initiative.
Une telle évolution du modèle des cours d’appel est un préalable à toute réforme profonde de la procédure ou de la nature même de l’appel.
b) Une réévaluation périodique de la carte judiciaire, sur la base de critères rationnels et objectifs, pour maintenir l’exigence de proximité
Un dispositif permanent de suivi et de réévaluation de la carte judiciaire sera mis en place, sur la base d’un ensemble de critères rationnels et objectifs visant à adapter régulièrement les implantations judiciaires à l’exigence de proximité, en fonction des évolutions locales. Cette adaptation concernera le réseau des chambres détachées des tribunaux de première instance, mais également les tribunaux des affaires économiques et les conseils de prud’hommes.
Ce dispositif de réévaluation périodique, au moins tous les cinq ans, s’appuiera sur les observations des chefs de cour et donnera lieu à des rapports publics élaborés par un comité permanent d’évaluation associant tous les acteurs judiciaires.
c) La nécessaire correspondance entre les différentes cartes administratives du ministère de la justice
La cohérence des limites géographiques des différentes cartes du ministère de la justice sera assurée : cours d’appel, directions interrégionales des services pénitentiaires, directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse et plates-formes du secrétariat général.
3. Adapter les procédures d’appel et de cassation, sans remettre en cause l’accès à la justice
a) En matière civile, une rationalisation des voies de recours qui suppose comme préalable incontournable de renforcer la première instance
La réflexion tendant à modifier la procédure d’appel, et en particulier à recentrer l’appel sur la critique de la décision de première instance, ne pourra aboutir qu’une fois la première instance réformée et redressée et à la condition de réunir les conditions nécessaires pour ne pas baisser le niveau des garanties offertes au justiciable par le double degré de juridiction.
b) En matière pénale, une modernisation souhaitable des voies de recours pour en renforcer l’effectivité
En matière pénale, plusieurs modifications seront réalisées pour améliorer l’appel.
Le droit d’appel sera étendu à l’ensemble des contraventions. Le jugement de ce contentieux en appel relèvera néanmoins d’un juge unique, suivant des procédures simplifiées.
Les appels et les pourvois abusifs ou dilatoires seront sanctionnés par une amende civile.
La possibilité sera donnée au condamné et au ministère public, en matière criminelle, de ne faire appel que du quantum ou de la nature de la peine, de façon à éviter que l’ensemble de l’affaire soit à nouveau jugé.
Enfin, la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation sera rendue obligatoire, pour donner au droit au pourvoi en cassation plus de chances d’aboutir.
4. Imaginer de nouvelles méthodes de travail au sein des juridictions, pour recentrer le juge sur son office
L’amélioration de l’organisation interne des juridictions, notamment avec la mise en place des magistrats coordonnateurs ou responsables de pôle, sera poursuivie et le juge sera doté d’une véritable équipe ayant pour mission, d’une part, de le décharger de certaines tâches ne relevant pas de son cœur de métier et, d’autre part, de lui apporter une aide à la décision.
a) Encourager le développement de nouveaux outils d’harmonisation des jurisprudences
En cas de divergence de jurisprudences au sein d’une juridiction, le président de la juridiction pourra organiser des échanges entre magistrats du siège concernés ou entre l’ensemble des magistrats du siège réunis en assemblée générale, pour permettre d’apporter aux justiciables des réponses harmonisées.
Pour encourager la diffusion des bonnes pratiques, une revalorisation statutaire sera accordée pour les missions de magistrat coordonnateur ou responsable de pôle.
En matière pénale, la spécialisation des magistrats siégeant en audience correctionnelle sera expérimentée pour favoriser l’harmonisation des décisions et des référentiels de jurisprudence pénale seront mis en place dans chaque juridiction et partagés dans le ressort de la cour d’appel.
b) Revaloriser les missions des greffiers, pour recentrer les magistrats sur la fonction de juger
Parallèlement à la résorption des vacances de postes de greffiers et au relèvement des effectifs de greffe, les potentialités offertes par le statut récemment rénové des greffiers devront être pleinement utilisées, avant de confier aux greffiers d’importantes tâches juridictionnelles.
Le déploiement de greffiers assistants du magistrat sera expérimenté auprès des magistrats du siège. Leur sera notamment confiée la mise en état des affaires civiles.
c) Renforcer la dimension collaborative du travail des magistrats
De nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats seront instaurées, pour permettre à un jeune magistrat sortant de l’École nationale de la magistrature de commencer sa carrière au siège auprès d’un magistrat plus expérimenté, pour parfaire sa formation, soit au cas par cas pour le traitement de certaines affaires plus complexes, sur décision du président de la juridiction, soit dans le cadre de postes conçus à cet effet, dans des juridictions spécialisées. Seul le magistrat en charge de l’affaire endosserait la responsabilité de la décision. Dans le respect de l’indépendance des magistrats du siège, ce dispositif est inspiré du fonctionnement du ministère public.
Par ailleurs, sera encouragé le recours à la procédure existante qui permet de confier à un juge rapporteur la préparation d’une décision rendue ensuite en formation collégiale.
5. Explorer les voies raisonnables de déjudiciarisation et de dépénalisation
Afin d’alléger la charge qui pèse sur les juridictions, les possibilités de déjudiciarisation et de dépénalisation seront examinées avec prudence.
a) La déjudiciarisation en matière civile
La possibilité de confier à la seule autorité administrative l’établissement des procurations de vote sera mise à l’étude. Les réflexions engagées sur la possibilité de permettre aux directeurs des services de greffe judiciaires d’être assistés des agents des finances publiques pour la vérification des comptes de tutelles seront poursuivies. Certaines procédures telles que les saisies immobilières, le changement de régime matrimonial, la délivrance des certificats de nationalité ou l’adoption simple des majeurs capables pourront être simplifiées.
b) La dépénalisation
Pour certains contentieux techniques, concernant notamment le droit de l’environnement, le droit de la construction et de l’urbanisme, le droit de la consommation et de la concurrence, lorsque l’intervention d’une juridiction pénale apparaît coûteuse et peu efficace, des sanctions prononcées par les autorités administratives pourront remplacer des sanctions pénales pour réprimer certains comportements.
Les infractions de faible gravité donnant lieu à des contentieux massifs, principalement le contentieux du code de la route, font déjà souvent l’objet de modes de traitement simplifiés. Si le traitement de ces contentieux est une question incontournable dans la réflexion sur le désencombrement des juridictions pénales, les réponses apportées ne font pas l’objet d’un consensus aujourd’hui. Dès lors, dans un premier temps, un inventaire exhaustif des infractions faisant l’objet d’un contentieux de masse et une évaluation de leur traitement par les juridictions pénales seront réalisés.
6. Alléger la charge d’activité des juridictions pénales
a) Rendre lisibles les politiques pénales nationale et locale
Les priorités de la politique pénale nationale seront consolidées au sein d’un document unique et actualisé et les procureurs de la République auront la liberté de définir une politique pénale locale adaptée, dans le cadre fixé par les procureurs généraux.
b) Assurer un traitement judiciaire de qualité à l’ensemble des enquêtes
Pour améliorer la qualité de la réponse pénale, les procureurs de la République établiront un schéma d’orientation des infractions distinguant celles qui doivent relever de la direction dématérialisée d’enquête et celles qui exigeraient de relever d’un traitement plus approfondi par les bureaux d’enquête. L’édiction d’une telle doctrine au sein des parquets exige de réaffirmer le principe d’opportunité des poursuites des magistrats du parquet.
Si la question de l’articulation entre les enquêtes et l’instruction devra faire l’objet d’une réflexion approfondie, la procédure d’instruction ne sera pas remise en cause. Une réflexion sera également engagée sur les avantages et les risques d’une extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière criminelle.
c) Simplifier les jugements en matière pénale
L’inflation législative constante en matière pénale a contribué à faire perdre en lisibilité et en cohérence la structure des peines pouvant être prononcées à titre principal, complémentaire ou accessoire. Le prononcé des peines devra donc être simplifié, en rationalisant la nomenclature des peines.
E. – Accroître la maîtrise des dépenses de justice
Les dépenses d’aide juridictionnelle et les dépenses de frais de justice pèsent particulièrement sur le budget du ministère de la justice, au détriment des autres dépenses.
1. Mobiliser de nouvelles ressources pour contribuer au financement durable de l’aide juridictionnelle
Pour augmenter les capacités de financement de l’aide juridictionnelle, l’exclusion de certains contentieux du champ de l’aide juridictionnelle est une piste écartée, de même que la participation financière de la profession d’avocat ou la taxation de certains actes juridiques. L’effort principal de financement de l’aide juridictionnelle doit être supporté par le biais de la solidarité nationale.
En revanche, sera rétablie la contribution pour l’aide juridique, acquittée par tout justiciable introduisant une instance devant une juridiction judiciaire ou administrative, créée en 2011 avant d’être supprimée en 2013. Pour éviter que cette contribution ne constitue une entrave au droit d’accès à la justice, certaines procédures seront exclues de son champ d’application, comme lors de sa mise en place en 2011, et une modulation de la somme à acquitter, de 20 à 50 euros, sera prévue en fonction de l’instance concernée. Comme en 2011, les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle seront exonérées de son paiement.
Outre sa simplicité et sa lisibilité, cette contribution modique permettra d’assurer un financement durable de l’aide juridictionnelle et de jouer également un rôle de régulation en dissuadant les recours abusifs.
Par un renforcement des actions de sensibilisation et par la formation initiale et continue, les magistrats seront encouragés à utiliser davantage le dispositif qui impose de faire payer les frais d’avocat de la partie qui bénéficie de l’aide juridictionnelle par son adversaire, si celui-ci perd le procès.
Enfin, au vu de leur complexité, les règles administratives et financières de gestion de l’aide juridictionnelle seront simplifiées pour améliorer son efficacité et limiter son coût.
2. Assurer un meilleur contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle
a) Faciliter le contrôle des ressources par les bureaux d’aide juridictionnelle
Pour simplifier le contrôle des ressources des demandeurs et alléger la charge des greffes, la consultation par les bureaux d’aide juridictionnelle des services fiscaux ou des organismes sociaux sera rendue obligatoire, par voie dématérialisée. Les bureaux d’aide juridictionnelle seront dotés d’un outil informatique simple pour octroyer l’aide juridictionnelle, la retirer et recouvrer les sommes indûment versées.
En outre, les bureaux d’aide juridictionnelle devront apprécier très strictement les situations d’urgence justifiant l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle sans contrôle a priori des ressources du demandeur. Le contrôle a posteriori de ces ressources devra être réalisé et, le cas échéant, conduire au recouvrement par l’État des sommes indûment versées.
Les magistrats seront également sensibilisés à l’utilisation des procédures de retrait de l’aide juridictionnelle.
Enfin, le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à la suite d’une décision de retrait de l’aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès dès lors que celle-ci n’est pas bénéficiaire de l’aide juridictionnelle sera amélioré, car ce recouvrement sera confié au Trésor public.
b) Prévoir une appréciation du bien-fondé de l’action par un avocat préalablement au dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle
Toute demande d’aide juridictionnelle devra être précédée de la consultation d’un avocat, de façon à assurer l’effectivité du contrôle du bien-fondé de l’action, déjà prévu par la loi, par les bureaux d’aide juridictionnelle. Actuellement, l’absence d’utilisation de ce filtre explique en partie le taux élevé d’admission à l’aide juridictionnelle en première instance et en appel. Cette obligation ne concernera pas les actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, les demandes relevant de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.
Cette consultation préalable sera rétribuée comme un acte d’aide juridictionnelle.
3. Revoir le rôle de l’assurance de protection juridique
Pour une meilleure application du principe de subsidiarité, selon lequel l’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque le demandeur peut bénéficier d’une prise en charge par un contrat d’assurance de protection juridique, les bureaux d’aide juridictionnelle pourront vérifier de manière simple auprès des compagnies d’assurance que le demandeur ne bénéficie pas d’une couverture par une assurance de protection juridique.
En outre, un nouveau type de contrat d’assurance de protection juridique sera créé, permettant la prise en charge des frais engagés au titre de certains litiges correspondant aux besoins des justiciables, comportant un avantage fiscal pour inciter à la souscription de tels contrats, sur le modèle des « contrats responsables » qui existent en matière de santé.
4. Développer les outils de maîtrise des frais de justice
Recouvrant l’ensemble des dépenses prescrites dans le cadre d’une procédure judiciaire nécessaires à la manifestation de la vérité, les frais de justice en matière pénale représentent un fort enjeu budgétaire. Les efforts déjà engagés de maîtrise de ces dépenses, dont certaines sont obligatoires et dont les autres dépendent d’une multiplicité de prescripteurs, qui disposent d’une liberté de prescription plus ou moins grande, devront être poursuivis et amplifiés.
En premier lieu, sera mis en place un outil informatique complet d’analyse et de pilotage des dépenses de frais de justice. Cet outil permettra de standardiser certaines prestations, par le biais de référentiels ou d’études comparatives de prix. Il renforcera la connaissance et donc la maîtrise par les juridictions de leurs dépenses en frais de justice.
Les enquêteurs et les magistrats seront mieux informés sur les coûts des frais de justice.
La politique de passation de marchés publics, au niveau ministériel et local, sera poursuivie. La mise en concurrence et, plus généralement, le recours aux règles de la commande publique doivent être un des axes majeurs de l’optimisation de la dépense.
La politique d’internalisation de certaines compétences au sein des juridictions (traduction, interprétariat, expertise informatique…) sera également poursuivie.
Les circulaires de politique pénale seront assorties d’une étude d’impact en termes de frais de justice. La coordination entre magistrats et services d’enquête en matière de contrôle et de prescription des frais de justice sera améliorée et la responsabilité budgétaire des services d’enquête dans ce domaine sera renforcée.
F. – Redonner un sens à la peine d’emprisonnement
Le système d’exécution des peines d’emprisonnement doit être réformé et clarifié, afin de redonner un sens à la peine d’emprisonnement.
1. Exécuter plus rapidement les peines d’emprisonnement
L’examen obligatoire par le juge de l’application des peines, aux fins d’aménagement, pour les peines d’emprisonnement prononcées jusqu’à deux ans, ou un an en cas de récidive, sera supprimé. Il appartiendra à la juridiction de jugement de distinguer explicitement, dès le jugement, les condamnations susceptibles de faire l’objet d’un aménagement avant incarcération et les condamnations entraînant la mise en détention immédiate du condamné.
En outre, l’exécution provisoire et immédiate des peines d’emprisonnement sera facilitée et les juridictions seront encouragées à utiliser davantage la procédure de l’ajournement du prononcé de la peine.
2. Remédier au double scandale de la vétusté et de la saturation des prisons par un vaste programme de création de places
La situation actuelle de surpopulation dans les prisons françaises nécessite une augmentation conséquente et une diversification du nombre de places dans les établissements pénitentiaires pour assurer aux détenus des conditions d’hébergement dignes et respectueuses des droits et améliorer les conditions de travail des personnels, mais aussi pour garantir une réponse pénale plus crédible, par une exécution des peines plus rapide.
La prison doit jouer un double rôle de punition et de réinsertion. Il est donc nécessaire de disposer d’établissements offrant des conditions matérielles propices à la prévention de la récidive, permettant la réalisation de parcours pénitentiaires individualisés, entre unités, voire entre établissements plus ou moins sécurisés.
Dès lors, au-delà de la nécessaire augmentation du nombre de places, un programme équilibré de construction de places sera mis en œuvre. Si des établissements très sécurisés pour les détenus les plus dangereux, notamment radicalisés, sont nécessaires, des établissements à la sécurité adaptée, proches des villes pour favoriser la réinsertion et permettre un accès facilité à l’emploi, seront également construits pour préparer et accompagner de manière efficace les sorties des condamnés. Ce programme immobilier doit également créer des établissements de proximité qui, en raison de leurs conditions de sécurité allégées, pourront être mis en place plus rapidement. Ces établissements auraient vocation à incarcérer les détenus condamnés à une courte peine dans des conditions permettant leur réinsertion rapide.
Le parc pénitentiaire sera accru de 15 000 places supplémentaires d’ici 2022, sans recourir aux partenariats public-privé, en axant le programme principalement sur les maisons d’arrêt, notamment les centres pour courtes peines.
La construction de nouvelles places d’établissement pénitentiaire, dans des proportions permettant de résorber la surpopulation carcérale, est une nécessité pour permettre enfin aux agents de l’administration pénitentiaire d’exercer leurs métiers dans des conditions appropriées.
Enfin, il conviendra de revaloriser l’attractivité des carrières dans l’administration pénitentiaire, en rénovant l’organisation des concours et de la formation, en améliorant les conditions de travail qui se dégradent en raison du phénomène de surpopulation carcérale et en diversifiant les métiers.
3. Simplifier le régime de l’application des peines d’emprisonnement et renforcer le suivi post-libération des condamnés détenus
Pour simplifier l’exécution des peines, certaines décisions qui relèvent des juridictions de l’application des peines seront transférées aux directeurs des établissements pénitentiaires, en particulier certaines permissions de sortir, notamment lorsqu’une telle mesure a déjà été octroyée au détenu.
Par ailleurs, l’intégralité des sorties d’incarcération devra être accompagnée par un suivi socio-judiciaire probatoire, grâce au recrutement d’effectifs supplémentaires dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation.
4. Corriger la réforme des extractions judiciaires
Dans le prolongement des correctifs apportés à l’organisation des missions d’extraction et de transfèrements judiciaires, sans remise en cause de cette réforme décidée en 2010, la priorité de toutes les extractions judiciaires dont l’absence de réalisation perturbe l’organisation des juridictions et des procédures pénales sera réaffirmée. Dès lors, si une extraction ne peut pas être réalisée par l’administration pénitentiaire, elle devra l’être par les forces de sécurité de la police ou de la gendarmerie.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 36, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ainsi que des mesures d’annulation de crédits en cours de gestion
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’ensemble des amendements déposés par la commission à l’article 1er sont des amendements de coordination qui portent sur l’annexe. Je vous propose de considérer, monsieur le président, qu’ils sont tous défendus.
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 66
Remplacer les mots :
est prévu
par les mots :
et les dérogations qu’il serait possible d’y apporter, sous l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature, sont prévus
L’amendement n° 44, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 137
Après le mot :
magistrats
insérer les mots :
, les greffiers
L’amendement n° 45, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 163, première phrase
Remplacer les mots :
ayant une activité économique, pour en
par les mots :
, pour les mesures et les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, afin d’en
L’amendement n° 46, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 168
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 169
Au début, insérer les mots :
Lorsque le conciliateur de justice intervient par délégation du juge,
III. – Après l’alinéa 169
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
A contrario, toutes les fois où la conciliation aura été engagée à l’initiative des parties, ou toutes les fois où la tentative de conciliation relèvera d’un préalable obligatoire à la saisine du juge, le conciliateur n’aura pas à adresser, au juge saisi, de proposition de règlement du litige.
L’amendement n° 47, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 204
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il associera également les élus locaux, en particulier les conseils départementaux.
L’amendement n° 48, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 226, première phrase
Remplacer le mot :
décision
par le mot :
demande
Ces amendements ont été présentés.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, j’émettrai un avis défavorable, car il s’agit d’amendements de coordination avec la proposition de loi organique que nous n’avons pas encore examinée. Il ne me semble pas cohérent de commencer la discussion de cette manière.
Par ailleurs, au fond, ce sont des dispositions auxquelles je ne suis pas nécessairement favorable.
Je pense notamment à l’amendement n° 42, qui vise à instaurer une forme de sanctuarisation en interdisant les gels de crédits. Je ne crois pas que, d’un point de vue constitutionnel, l’on puisse prévoir par amendement de réduire la capacité du Gouvernement à gérer les crédits qui lui sont attribués. Se pose donc ici une question de constitutionnalité.
Enfin, dernier argument, qui ne porte plus sur la constitutionnalité, je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à ce que les réserves de crédits n’excèdent dorénavant plus 3 %, ce qui me semble être une amélioration importante.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je ne comprends pas très bien votre argumentation, et ce pour deux raisons.
Première raison, vous nous dites que chercher à mettre en adéquation l’annexe de ce texte avec la proposition de loi organique pose problème, car nous n’avons pas encore examiné cette dernière. Mais nous allons en parler ! Rien n’empêche nos rapporteurs de mettre en harmonie les deux textes. Je ne vois pas pourquoi vous seriez pour la disharmonie.
Deuxième raison, il est tout de même étonnant que votre première intervention sur l’article 1er soit pour contester l’affirmation en vertu de laquelle il ne faudrait pas qu’il y ait des gels de crédits en cours d’année. Vous savez bien que les lois de finances que nous votons ne sont finalement qu’une sorte d’exercice quelque peu abstrait, puisque des régulations qui détruisent la volonté du législateur finissent toujours par survenir.
Nous sommes ici – c’était la volonté, me semble-t-il, du président Philippe Bas et des rapporteurs – pour dire qu’il faut absolument une programmation en matière de justice. Madame la ministre, vous voudriez donc commencer par affirmer qu’une mesure que nous voterions dans la loi de finances serait derechef aléatoire et que, si elle ne l’était pas, elle serait inconstitutionnelle…
Vous avez de hautes qualités pour parler de constitutionnalité, mais vous comprenez bien que nous sommes nous simplement des législateurs. Lorsque nous disons, comme nous allons souvent le faire dans ce débat, qu’il faut respecter les augmentations de crédits prévus dans une loi de finances, c’est pour nous simplement du bon sens ! Nous en avons assez de cette fantasmagorie qui consiste à voter des lois de finances pour avoir ensuite toute une série de suppressions de crédits aléatoires.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je voudrais vous faire observer qu’inscrire dans un texte de loi, puisque tel est l’objet de l’amendement, qu’il faut exonérer les crédits de l’autorité judiciaire de décisions d’annulation en cours de gestion ne signifie pas que le Gouvernement n’est pas décidé à se battre pour que les crédits du budget de la justice soient en augmentation.
J’aurai l’occasion de vous présenter le budget de la justice, mais je veux dire ici que le budget pour 2018 est en augmentation. Ne mélangeons donc pas les choses, monsieur le sénateur !
Vous me faites observer que ce serait bien mal commencer le débat que d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais, encore une fois, mon désaccord de fond porte sur la technique même de la disposition qui nous est proposée, et non sur le principe de l’augmentation du budget ni même sur la nécessité, que nous partageons avec la commission et vous-même, d’avoir des crédits en augmentation pour les services judiciaires.
Je veux simplement dire que je m’interroge sur la constitutionnalité d’une disposition qui prévoit de restreindre la compétence et les prérogatives du Gouvernement en matière d’exécution budgétaire. Il me semble qu’elle n’est pas constitutionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la garde des sceaux, je ne veux pas prolonger excessivement cet échange : nous avons bien compris que le Gouvernement ne souhaitait pas que soit délibérée ici et adoptée une disposition traduisant notre opposition aux annulations de crédits.
Pour autant, et je rejoins les propos de notre collègue Jean-Pierre Sueur, votre position ne doit pas tenir à un argument constitutionnel. Nous ne sommes pas en train de légiférer. Nous délibérons d’une annexe à une proposition de loi. Dans ce texte, sont énoncés de grands principes, des objectifs dont nous aurions souhaité – il faut le dire – qu’ils soient partagés par le Gouvernement.
Nous entendons que vous êtes en désaccord avec cet objectif, ce qui est regrettable, mais ne vous cachez pas derrière un argument constitutionnel qui ne tient pas puisque, je le redis, avec cette annexe, nous ne sommes pas en train d’adopter une disposition législative stricto sensu.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er et de l’annexe, modifié.
(L’article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article 2
La progression des crédits de paiement de la mission « Justice », en euros courants, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Mission « Justice » |
8 733 512 141 |
8 974 042 001 |
9 420 059 277 |
10 059 867 430 |
10 902 216 304 |
dont programme justice judiciaire |
3 420 144 300 |
3 522 748 629 |
3 628 431 088 |
3 737 284 021 |
3 849 402 542 |
dont programme administration pénitentiaire |
3 691 892 789 |
3 802 649 572 |
4 106 861 538 |
4 599 684 923 |
5 289 637 661 |
dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice |
378 405 668 |
397 325 952 |
425 138 768 |
454 898 482 |
486 741 376 |
dont programme accès au droit et à la justice |
406 623 117 |
410 689 349 |
414 796 242 |
418 944 205 |
423 133 647 |
dont programme protection judiciaire de la jeunesse |
831 878 444 |
836 037 836 |
840 218 025 |
844 419 115 |
848 641 211 |
dont programme Conseil supérieur de la magistrature |
4 567 823 |
4 590 663 |
4 613 616 |
4 636 684 |
4 659 867 |
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement de suppression vise à marquer notre désaccord sur la répartition des crédits proposée.
Il s’agit non pas de mettre en cause la sincérité de la programmation, mais plutôt de souligner la différence de nos approches respectives concernant le redressement de la justice.
Nous aurions souhaité que l’effort en direction de l’autorité judiciaire soit plus important. Une fois encore, le programme « Administration pénitentiaire » absorbe une grande partie des crédits. En effet, sur un total de 2,17 milliards de progression de l’ensemble de la mission « Justice », 1,59 milliard est fléché vers l’administration pénitentiaire, soit trois fois plus que pour le programme « Justice judiciaire ».
La surpopulation carcérale et le délabrement de nos prisons sont indéniables. La situation des prisons françaises a d’ailleurs donné lieu à de nombreuses condamnations de l’État devant la Cour européenne des droits de l’homme. Mais la France a également déjà été condamnée pour ses procédures judiciaires trop lentes. Les deux situations sont donc prioritaires.
Comme nous l’évoquions précédemment, il nous paraît donc illusoire de vouloir résoudre ces deux problèmes avec le même outil budgétaire, en maintenant une justice de qualité et accessible. Cela nous conduit toujours à arbitrer entre l’un et l’autre : la programmation proposée n’en est qu’une énième démonstration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable à cet amendement tendant à supprimer l’article 2, l’un des fondements du texte qui nous est proposé sur la programmation budgétaire pluriannuelle.
Je rappelle simplement, et je le fais une fois pour toutes, car d’autres amendements iront dans le même sens, que cette démarche de programmation a été saluée par l’ensemble des personnes qui ont participé à l’élaboration de ce rapport et ont été consultées.
Par ailleurs, le principe d’une programmation pluriannuelle est plutôt convergent avec les projets actuels du Gouvernement, comme cela a été précédemment rappelé à la tribune. Il tient évidemment compte de la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. Proportionnellement, le budget pénitentiaire est plus important que le budget judiciaire, mais ce dernier augmente aussi. Nous sommes donc dans une cohérence globale. On ne peut pas scinder les choses en deux pour donner plus ou moins satisfaction. Je le redis, cette cohérence globale est absolument nécessaire.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement uniquement parce que, comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, il souhaite présenter sa propre programmation budgétaire dans un texte qui vous sera proposé au printemps prochain.
C’est donc moins sur la cohérence et la construction de l’article 2 que j’émets un avis favorable que sur le fait que le Gouvernement souhaite s’approprier la présentation de la programmation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis opposé à cet amendement.
Nous sommes en train de payer au prix fort le fameux principe de l’annualité budgétaire.
L’annualité budgétaire est toujours présentée comme une sorte de dogme. Je me souviens que j’avais présenté, il y a un certain nombre d’années, un rapport sur la politique urbaine, la politique de la ville et des quartiers. J’avais proposé une programmation sur dix ans. Tout le monde m’avait répondu que c’était impossible, que ce serait insupportable pour Bercy, qui allait se révolter, s’étrangler… L’annualité budgétaire, il n’y a que cela de vrai !
Madame la garde des sceaux, j’estime pour ma part que le culte de l’annualité budgétaire est finalement contraire à la politique elle-même. Qu’est-ce que la politique ? C’est voir le moyen terme et le long terme, et c’est inscrire l’effort dans ce moyen terme et ce long terme. Or, en matière de justice, les chiffres sont éclatants. Je me rappelle des propos des différents orateurs lors de la discussion de la loi pénitentiaire. Le retard est considérable : si l’on regarde les chiffres de l’OCDE, la France est dans les quatre ou cinq derniers pays sur quarante ou quarante-cinq. Je le redis, le retard est considérable.
Je crois que si l’on veut sérieusement combler ce retard, il faut a minima aller dans le sens proposé par le président Philippe Bas, soit une augmentation de 27 % en cinq ans. Il faudrait faire davantage, mais je le dis avec beaucoup de modestie, car je n’ignore pas, comme tout un chacun, que lors du précédent quinquennat les crédits du ministère de la justice ont augmenté de 14 %. Il est proposé ici une augmentation de 27 %, soit pratiquement deux fois plus. Mais, je le répète, il faudra aller beaucoup plus loin.
Madame la garde des sceaux, si les Tables de la loi sont contraires à ce que je dis, cela m’est complètement égal ! (Sourires.) Si l’on veut rattraper la situation que connaissent les tribunaux comme celui de Bobigny et les prisons – vous êtes au courant, puisque vous vous y êtes rendue –, si l’on veut en finir avec la sous-évaluation des besoins du ministère de la justice, il faut avoir le courage de faire une loi de programmation sur dix ans.
Cette loi de programmation s’imposerait à tous les gouvernements. Non seulement il n’y aurait pas d’annualisation budgétaire, mais les chiffres seraient sacralisés et sanctuarisés. En dix ans, nous nous donnerions les moyens de ne pas être la lanterne rouge de l’OCDE.
Cet enjeu est absolument majeur. C’est la raison pour laquelle il faudrait à tout le moins voter ces dispositions du texte.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’étonne donc, madame la garde des sceaux, que vous soyez favorable à cet amendement.
Monsieur le président, je vous demande votre indulgence, car je sais qu’elle est grande ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je suis pleinement d’accord avec vous : il faut une loi de programmation pour la justice. C’est la raison pour laquelle je vous la présenterai dans quelques mois ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai là !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il faut une loi de programmation pour la justice, mais je m’étonne que vous préemptiez ce que décideront celles et ceux qui vous succéderont. Peut-être vous succéderez-vous à vous- même lors des prochaines élections sénatoriales, mais je trouve surprenant que vous préemptiez la capacité de décider de vos futurs collègues pendant dix ans ! Cela me semble être une innovation assez radicale…
Je me contenterai pour ma part d’une loi de programmation pour cinq ans que je vous présenterai dès le printemps prochain.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
La progression des effectifs de la mission « Justice », en équivalents temps plein travaillé, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Plafond d’emplois de la mission « Justice » |
85 747 |
88 378 |
91 118 |
93 976 |
96 954 |
dont programme justice judiciaire |
33 239 |
33 738 |
34 244 |
34 758 |
35 279 |
dont programme administration pénitentiaire |
41 167 |
43 226 |
45 387 |
47 656 |
50 039 |
dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice |
2 200 |
2 244 |
2 289 |
2 335 |
2 382 |
dont programme protection judiciaire de la jeunesse |
9 119 |
9 147 |
9 174 |
9 202 |
9 229 |
dont programme conseil supérieur de la magistrature |
22 |
23 |
24 |
25 |
25 |
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Dans la même logique que précédemment, nous souhaitons affirmer notre opposition à la répartition retenue des évolutions d’effectifs.
Les rapports de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice permettent de mettre en lumière la sous-dotation structurelle de nos juridictions en effectifs, par comparaison avec les effectifs recensés chez nos voisins européens.
En 2014, la France comptait ainsi deux fois moins de juges professionnels que la moyenne européenne, quatre fois moins de procureurs et deux fois moins de non-magistrats.
La répartition de l’augmentation des plafonds d’emplois retenue prévoit une hausse d’environ 6 % des effectifs du programme « Justice judiciaire », soit un peu plus de 2 000 personnes, contre une hausse de 21 % pour l’administration pénitentiaire. Cela ne nous semble pas aller dans le sens d’un rattrapage de notre retard au regard de nos voisins européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable.
Je ne reviens pas sur l’explication générale et la cohérence de l’ensemble. En revanche, je voudrais apporter quelques précisions à mes collègues sur les effectifs. Il y a bien eu un important effort de recrutement consenti en faveur de l’administration pénitentiaire : nous l’avons déjà dit, cela représente 1 500 postes de surveillants en plus. Il s’est également agi d’accompagner l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, puisque l’on tient compte de la construction de 15 000 places supplémentaires.
Des recrutements significatifs sont également prévus au bénéfice des juridictions. Je voudrais les citer dans le détail : la programmation des emplois vise notamment à combler la vacance de postes de magistrats – 500 postes – et de greffiers – plus de 900 postes sur cinq ans –, mais aussi à prévoir la création de postes de greffiers assistants de magistrats – 100 postes – et de juristes assistants – 300 postes – destinés à renforcer l’équipe du juge, ainsi qu’à accroître les effectifs mis à disposition des chefs de cour et de juridiction, en augmentation de 200 postes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans la logique de mon avis sur l’amendement précédent, je suis favorable à l’amendement n° 23 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
La progression du nombre de conciliateurs de justice, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Nombre de conciliateurs de justice |
2 220 |
2 520 |
2 820 |
3 120 |
3 420 |
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à contester l’augmentation du nombre de conciliateurs de justice prévue à l’article 4, qui préfigure l’évolution proposée à la section 2 de du chapitre III de la proposition de loi.
L’objectif semble être d’accorder une plus grande place à la conciliation dans l’architecture judiciaire, en permettant au conciliateur de présenter au juge une proposition de règlement du litige et en exploitant si nécessaire la main-d’œuvre bon marché que constituent les assistants de justice pour s’acquitter de cette fonction.
Sur le plan programmatique, cette volonté se traduit donc par le recrutement de 1 200 conciliateurs supplémentaires, en plus des 2 200 existants.
Certains se féliciteront du faible coût de la mesure, puisque les conciliateurs sont bénévoles et que les assistants de justice sont rémunérés entre 450 et 500 euros nets mensuels, selon une information publiée sur le site internet du ministère de la justice.
Derrière l’économie budgétaire, on peut cependant s’inquiéter du coût caché d’une telle mesure pour le justiciable, pour qui la conciliation pourrait représenter une étape supplémentaire dans un parcours judiciaire déjà long.
D’autant que peu d’informations sont disponibles sur l’avenir des conciliations et la satisfaction qu’en tirent les personnes qui y ont recours. À ce propos, la décision des rapporteurs de ne pas conférer à l’accord issu de la conciliation la force exécutoire est une bonne chose.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la conciliation, bien que ce soit une forme de déjudiciarisation, mais nous souhaiterions disposer de renseignements susceptibles de nous convaincre de son utilité, pour la gestion du flux de contentieux comme pour le justiciable.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis est défavorable.
La commission ne cherche pas du tout à supprimer des juges – au contraire, il faut en recruter ! – pour les remplacer par des conciliateurs.
Je rappelle que, dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a été récemment adoptée, une conciliation obligatoire a été prévue pour les litiges inférieurs à 4 000 euros. Nous sommes bien conscients que, pour la plupart des justiciables, une conciliation rapide pour des valeurs en litige aussi faibles est plus utile qu’un long procès.
Pour beaucoup d’affaires – je pense notamment aux questions relatives aux troubles du voisinage –, la conciliation est une bonne voie de règlement des litiges. Jacques Bigot et moi-même avons rencontré les conciliateurs : ce sont des bénévoles, et ils tiennent à le rester.
La proposition de loi prévoyait que le conciliateur pouvait faire un rapport au juge pour l’aider à comprendre le litige en cas de désaccord. Nous avons présenté un amendement sur ce point, qui a été accepté par la commission et par l’auteur de la proposition de loi : le conciliateur ne pourra proposer des éléments de règlement au juge que si le juge lui confie préalablement une mission de conciliation. Dans ce cas, il peut indiquer quel pourrait être le sens de l’issue du litige.
Le but des conciliateurs est d’amener les gens à se réconcilier. Ce n’est pas du tout gênant ! Si l’on arrive à décharger les magistrats de ce type de contentieux, ce serait une bonne chose pour la justice.
Voilà le motif pour lequel la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Costes, j’émets un avis favorable sur votre amendement, mais pas pour les raisons que vous avez exposées.
Le recours à des conciliateurs est à nos yeux important : comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, la conciliation est une procédure qui mérite d’être développée, non pas pour faire des économies, mais tout simplement parce que ce mode alternatif de règlement des litiges peut permettre d’éviter des procédures longues, coûteuses et anxiogènes.
Cependant, je ne souhaite pas m’engager ce soir sur les objectifs chiffrés définis par la commission. Il convient d’attendre les conclusions des chantiers de la justice, en particulier du travail en cours sur la procédure civile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la garde des sceaux, les conciliateurs de justice sont de plus en plus considérés, par les nombreuses personnes qu’ils reçoivent chaque semaine dans nos mairies, comme des juges : elles attendent d’eux qu’ils rendent un jugement. Il y a là une dérive qui s’installe peu à peu, avec pour corollaire l’apparition de comportements de justiciables. Tout cela se passe dans nos mairies où, chaque mois voire chaque semaine, des dizaines de personnes viennent rencontrer un conciliateur de justice, et ce, il faut le souligner, gratuitement.
Multiplier les conciliateurs peut relever d’un bon principe, mais, aujourd’hui, on observe une dérive complète : en s’adressant à un conciliateur, nombre de nos concitoyens pensent s’adresser à un juge professionnel, dont ils attendent un jugement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes bien sûr en désaccord avec cet amendement de suppression de l’article. Je crois, pour ma part, que celui-ci va dans le bon sens, car les conciliateurs de justice jouent un rôle utile. Toutefois, on peut plaider, notamment à la lumière de ce que vient de dire M. Grand, que l’augmentation du nombre de conciliateurs, pour nécessaire qu’elle soit, ne saurait être une sorte de cataplasme destiné à masquer le manque de magistrats.
La réalité, mes chers collègues, c’est que la France consacre chaque année 72 euros par habitant à la justice, contre 146 euros en Allemagne et 155 au Royaume-Uni. Dans notre pays, on compte dix magistrats pour 100 000 habitants, contre le double, en moyenne, dans les autres pays européens. Enfin, la France se classe au trente-neuvième rang parmi les quarante-trois pays de l’OCDE…
C’est dire l’impérieuse nécessité de faire davantage que tout ce qui a été fait par le passé : il faut une loi de programmation qui nous permette de retrouver un classement plus digne de la République française !
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Jusqu’en 2022, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l’exécution de la présente loi. – (Adopté.)
Chapitre II
MODERNISER LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE EN INNOVANT ET EN MAÎTRISANT LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE
Article 6
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des greffiers, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions. »
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 10 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de ré-identification des juges, des greffiers, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des juges et à l’impartialité des juridictions. »
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Loisier, MM. Laugier et Kern, Mme Férat et MM. Mizzon, L. Hervé, Cigolotti, Vanlerenberghe, Cadic et Longeot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L’article 6 de la proposition de loi soumet la publication des jugements à des contraintes nouvelles ; en particulier, il prévoit l’anonymisation des noms des magistrats qui les ont rendus.
Le Conseil national des barreaux s’est opposé à l’unanimité à cette anonymisation. De même, le Premier président de la Cour de cassation et les premiers présidents de cour d’appel se sont prononcés contre cette mesure, qui ferait de la France une exception en Europe, la plaçant aux côtés de la Russie et de la Roumanie en matière de transparence. En outre, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a déjà fait connaître son opposition à ce type de dispositions.
À la vérité, cette mesure donne l’impression que l’on va au rebours des exigences de transparence de notre société et du monde moderne. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis est défavorable. Il y a là, me semble-t-il, une incompréhension.
La pratique de l’open data, c’est-à-dire la mise en ligne de toutes les décisions de justice, vise à aider les justiciables et les praticiens du droit à connaître l’état de la jurisprudence et, surtout, à appliquer celle-ci. De ce point de vue, ce qui importe, c’est la nature de la décision, pas nécessairement l’identité de ceux qui ont contribué à ce qu’elle soit prise. On saura de toute façon que c’est telle chambre de telle juridiction qui s’est prononcée.
La majorité des syndicats de magistrats nous ont confirmé qu’ils souhaitent l’anonymisation, ne fût-ce que pour éviter certains débordements de justiciables mécontents d’une décision. Les greffiers nous ont fait la même demande de protection. S’agissant des avocats, nous avons recueilli des avis un peu divergents. Le barreau de Paris, notamment, a fait valoir que l’absence d’anonymisation est une façon de susciter une forme de publicité indirecte en fonction de la jurisprudence obtenue.
C’est pourquoi la commission, sur la proposition des rapporteurs, a émis un avis défavorable sur l’amendement de M. Détraigne. Sans doute le débat parlementaire suivra-t-il son cours sur cette question de l’open data.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, mais pas exactement pour les raisons exposées par M. Détraigne.
M. le rapporteur Bigot a bien décrit la complexité de la question de l’anonymisation des noms des magistrats participant à la délibération d’une décision de justice.
La Chancellerie a confié à M. Loïc Cadiet, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le soin de réaliser une étude sur la préfiguration de la mise en œuvre des articles 20 et 21 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Ce rapport, qui me sera remis dans le courant du mois de novembre, apportera un éclairage sur l’ensemble des questions soulevées par le biais du présent amendement.
C’est dans l’attente de ce rapport que j’émets un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Après l’article 66-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un article 66-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 66-1-1. – Les personnes proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d’information et de renseignement en matière juridique ou d’aide à la saisine des juridictions respectent des obligations d’information préalable du public et de déontologie définies par un décret en Conseil d’État.
« Elles ne peuvent réaliser, de quelque manière que ce soit, aucun acte d’assistance ou de représentation au sens de l’article 4 sans recourir à un avocat.
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’activité définie au premier alinéa, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même premier alinéa.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise. »
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
juridictions
insérer les mots :
actualisent régulièrement les contenus diffusés, en supprimant les informations obsolètes ou erronées de nature à entrainer des recours abusifs ou dilatoires. Elles
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. L’objet de cet amendement est de prévoir des obligations légales minimales s’imposant aux sites internet dispensant des informations et des renseignements juridiques, afin qu’elles prennent effet le plus rapidement possible. Il arrive en effet que certains projets de décret se perdent dans la mécanique gouvernementale…
Compte tenu de l’influence de ces informations disponibles en ligne sur les justiciables, apporter cette précision nous semble important. La mobilisation de tous les acteurs du droit est nécessaire pour lutter contre les recours abusifs ou irrecevables et désengorger nos tribunaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’article 7 renvoie pour l’essentiel à un décret en Conseil d’État la définition des obligations d’information préalable et de déontologie qui devront être respectées. Ce que vous proposez, ma chère collègue, pourra parfaitement figurer dans le futur décret. Nous vous suggérons donc de retirer votre amendement ; s’il est maintenu, nous y serons défavorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable, pour la raison que M. le rapporteur vient d’exposer.
M. le président. Madame Costes, l’amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Non, nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié est retiré.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
sans recourir à un avocat
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à prévenir la confusion pouvant découler des dispositions de l’article 7 aux termes desquelles toute personne peut proposer, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d’information juridique ou d’aide à la saisine de juridictions.
L’alinéa 3 prévoit que ces sites peuvent proposer des actes d’assistance ou de représentation, à la condition de recourir à un avocat. Nous considérons qu’il sera difficile pour un justiciable de s’assurer qu’un avocat est associé aux actes mentionnés avant de souscrire un contrat de services, sauf à ce que le nom de l’avocat figure sur le site internet concerné, obligation qui n’est pas prévue par l’article. Ce dispositif est de nature à entraîner une confusion dans l’esprit des justiciables.
En outre, nous estimons que le développement d’une intermédiation de la relation entre justiciable et avocat est de nature à accroître les frais de justice, ce qui ne va pas dans le sens d’une meilleure accessibilité de la justice.
Pour ces raisons, nous souhaitons interdire strictement aux personnes n’exerçant pas la profession d’avocat de proposer des services d’assistance ou de représentation juridique au sens de l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La proposition de loi vise précisément à assurer le respect des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques en interdisant aux sociétés offrant ces services en ligne de faire des propositions d’assistance ou de représentation sans recourir à un avocat.
Faire respecter les règles fixées par la loi du 31 décembre 1971 est relativement compliqué, mais nous savons bien qu’il n’est pas possible d’interdire strictement la fourniture de ces services ni d’en réserver le monopole à des barreaux ou à des sociétés d’avocats.
Dans ces conditions, madame Costes, je sollicite le retrait de votre amendement ; nous y serons défavorables si vous le maintenez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Costes, l'amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Non, nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, sont insérés deux articles 4-2 et 4-3 ainsi rédigés :
« Art. 4-2. – Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d’aide à la résolution amiable des litiges respectent des obligations d’information préalable, d’impartialité, de compétence, de diligence et, sauf accord contraire des parties, de confidentialité précisées par un décret en Conseil d’État.
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour une personne physique ou pour le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’activité définie au premier alinéa, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même premier alinéa.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. 4-3. – Il est institué un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des litiges, conforme aux prescriptions du premier alinéa de l’article 4-1. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. À l’instar de l’article 7, l’article 8 de la proposition de loi tend à fixer un cadre juridique plus précis pour les services en ligne de règlement amiable des litiges. Il est ainsi prévu d’imposer des règles de déontologie et une obligation d’information du public aux personnes proposant en ligne une assistance juridique ou une aide à la saisine des juridictions.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que nous ignorons tout de ces règles de déontologie et obligations, dont la définition est simplement renvoyée à un décret en Conseil d’État. Les auteurs de la proposition de loi ne semblent pas avoir d’idée précise des mécanismes qui seraient susceptibles de constituer de véritables garanties en la matière, ce qui nous semble pour le moins inquiétant.
Par ailleurs, comme le souligne le Syndicat de la magistrature, dont nous avons entendu les représentants il y a peu, il semble, monsieur Bas, que vous considériez la résolution de litiges en ligne comme une solution miracle au problème majeur de l’engorgement des juridictions.
Nous ne sommes pas contre cette idée a priori ; cela mérite probablement une réflexion approfondie. Toutefois, de notre point de vue, l’objectif doit toujours être de maintenir un accès garanti à tous et gratuit à la justice de notre pays. Or nous parlons ici de services en ligne payants qui créeront, sans nul doute, de nouvelles inégalités entre justiciables.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste proposent la suppression de l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Ma chère collègue, il faut mesurer que ces services commencent à naître ; nous sommes obligés d’en tenir compte et de réagir pour protéger le justiciable. C’est la raison pour laquelle l’alinéa 5 de l’article 8 prévoit l’institution d’un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des litiges, conforme aux prescriptions précisées au même article. La création de ce service public vise à éviter un monopole des services payants.
Par ailleurs, je puis vous dire, par expérience personnelle, que les possibilités de recourir à un service public en ligne de transaction et de règlement des litiges, notamment dans le domaine du marché unique européen, ne sont pas négligeables.
En 1993, en tant que président de la chambre de consommation d’Alsace, j’ai créé, avec la Verbraucherzentrale du Bade-Wurtemberg, un lieu d’information des consommateurs. Nous avons très rapidement constaté que de nombreux petits litiges transfrontaliers de la consommation ne pouvaient pas trouver de solution judiciaire. La mise en place par cette structure, qui existe maintenant depuis plus de vingt ans, d’un service en ligne dédié au règlement de ces litiges s’est avérée tout à fait utile.
Soyons donc modernes et ouverts, mais protégeons le justiciable. Telle est l’ambition du dispositif de cet article. Sans doute des améliorations devront-elles lui être apportées à l’avenir, mais je ne comprends pas, madame Benbassa, que vous en proposiez la suppression pure et simple. L’avis est donc défavorable.
Mme Éliane Assassi. Notre logique est différente, voilà tout !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, l’article 8 de la proposition de loi vise à encadrer la résolution des litiges en ligne et à instaurer un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des litiges.
Il paraît tout à fait souhaitable au Gouvernement de sécuriser le déroulement des résolutions de litige sur internet. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, cette pratique se développe : il faut l’accepter, mais la sécuriser, en prévoyant que les conciliations ou médiations intervenant dans ce cadre doivent respecter les obligations d’information préalable, d’impartialité, de confidentialité et de compétence, sous peine de sanctions pénales.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. La modernisation des outils informatiques et bureautiques du ministère de la justice s’avère souvent particulièrement coûteuse, et parfois contre-productive.
Depuis l’origine, la mise en œuvre du système informatique de suivi des dossiers CASSIOPÉE suit une trajectoire chaotique et très onéreuse. Cette expérience négative s’ajoute à d’autres, la plus connue étant celle du système de paie du ministère de la défense, affecté de graves dysfonctionnements. Cela illustre la difficulté de nos services à passer des marchés d’équipement informatique et de logiciels à des prix raisonnables.
L’alinéa 5 de l’article 8 de la proposition de loi prévoit la création d’un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des conflits. Compte tenu de la forte contrainte budgétaire pesant déjà sur le ministère et de l’obsolescence générale du matériel mis à disposition, cet investissement paraît secondaire.
En outre, si l’on considère que le coût de CASSIOPÉE s’élève au total à 142 millions d’euros, on peut s’interroger sur la prise en compte du coût du futur site internet dans le budget proposé, dès lors que les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » n’augmenteront que de 17 millions d’euros sur cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Ma chère collègue, n’oubliez pas que la proposition de loi vise au redressement de la justice et comporte, dans cette perspective, un volet financier fondamental destiné à donner à celle-ci davantage de moyens.
Je vous ferai observer qu’il n’est pas précisé dans le texte à quel rythme le service public en ligne sera mis en place. Cependant, il faut bien le prévoir dans la programmation pluriannuelle si l’on veut qu’il puisse s’organiser. Ce n’est pas parce que la justice connaît quelques difficultés en matière d’informatisation et de numérisation qu’il faut renoncer à mettre en œuvre cette idée !
D’ailleurs, quand nous les avons rencontrés, les représentants des conciliateurs de justice nous ont dit qu’ils étaient tout à fait intéressés par la mise en place d’un système de ce type. Il faut donc le maintenir dans la loi ; le supprimer serait dommageable pour les usagers, surtout s’agissant des petits litiges qui ne justifient pas que l’on este en justice.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je m’en remets à la sagesse du Sénat. Au sein du ministère de la justice, nous développons actuellement un portail, justice.fr, qui va prendre une très grande ampleur et pourrait être le support de ce futur service public en ligne. Il faudrait toutefois savoir exactement quelles ressources humaines et financières nécessiterait la mise en œuvre de ce dernier. Plus généralement, je pense que nous devrons mener une réflexion plus approfondie sur la notion de service public en ligne.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Après l’article L. 421-7 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 421-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-7-1. – Le premier président et le procureur général veillent à ce que la réutilisation des informations figurant dans les décisions mises à la disposition du public en application de l’article L. 111-13 favorise l’harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions. »
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Nous avions considéré, dans un premier temps, que l’harmonisation des jurisprudences, la gestion des flux et des stocks de contentieux et l’amélioration de la qualité des décisions relevaient du domaine de la loi. Nos échanges en commission des lois ce matin nous ont convaincus du contraire. Nous retirons donc cet amendement, non sans avoir exprimé l’inquiétude que nous inspirent l’utilisation qui pourrait être faite des données contentieuses mises à disposition du public et le développement possible de ce que l’on appelle la justice prédictive.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
L’amendement n° 21, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
et le procureur général veillent
par le mot :
veille
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Lors de l’élaboration de la loi pour une République numérique, nous n’avions eu aucune difficulté à voter l’open data en matière de décisions de justice, car la justice est rendue au nom du peuple français. Nous mesurions ce que pouvait emporter le vote d’une telle disposition en termes d’anonymisation des personnes ayant contribué à la décision.
Entre statistiques et algorithmes, des choses nouvelles pourraient apparaître, telle la justice prédictive évoquée par Josiane Costes, avec le risque d’une remise en cause profonde de la justice et d’une compréhension différente de certaines jurisprudences. Nous devons être très vigilants à cet égard.
C’est la raison pour laquelle la proposition de M. le président de la commission des lois de donner au Premier président de la Cour de cassation un rôle spécifique de contrôle de tout ce qui concerne l’open data judiciaire mérite d’être saluée.
Cependant, à la suite de l’adoption d’un amendement en commission, ce rôle se trouve dévolu à la fois à ce dernier et au procureur général près la Cour de cassation. Le Premier président de la Cour de cassation a exprimé la préoccupation que lui inspire cette modification dans un courrier dont vous avez probablement tous été destinataires. Il y rappelle que les décisions des cours et des tribunaux sont prises exclusivement par les magistrats du siège et que le procureur général près la Cour de cassation donne seulement des avis à la Cour, sans exercer aucune responsabilité en ce qui concerne les décisions juridictionnelles, contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs de l’amendement. C’est pourquoi, indique-t-il, la mission de tenir les bases de la jurisprudence et de la diffuser incombe au seul service de la documentation, des études et du rapport, dirigé par un président de chambre, composé exclusivement de magistrats du siège et placé sous l’autorité du seul Premier président.
En d’autres termes, le texte tel qu’issu des travaux de la commission rompt avec l’architecture d’ensemble de la Cour de cassation en confondant les fonctions du siège et celles du parquet.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Compte tenu de l’importance de ce sujet et de la gravité du risque de voir se mettre en place une justice prédictive, il me semble raisonnable de réserver cette fonction de supervision de l’open data au Premier président de la Cour de cassation, ainsi que le prévoyait la version initiale de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable.
L’article 9 tend à insérer dans le code de l’organisation judiciaire un article L. 421-7-1 disposant que « le Premier président et le procureur général veillent à ce que la réutilisation des informations figurant dans les décisions mises à la disposition du public en application de l’article L. 111-13 favorise l’harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions ».
Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, seul le Premier président de la Cour de cassation était visé par cet article. À la suite d’une audition conjointe du Premier président et du procureur général, il a été demandé que le procureur général puisse également participer à cette mission. Jacques Bigot et moi-même avons donc soumis un amendement en ce sens à la commission des lois, qui l’a adopté.
Le 19 octobre, le Premier président de la Cour de cassation a écrit au président Larcher et au président Bas pour s’émouvoir de cette situation. Nous venons de recevoir copie de la réponse du procureur général près la Cour de cassation, datée du 20 octobre, qui conteste la position du Premier président.
Nous devons, en ce qui nous concerne, éviter d’entrer dans des conflits de personnes et nous en tenir aux principes. Ces deux personnalités étant chargées par la loi d’une mission d’harmonisation et de veiller au bon fonctionnement de la justice au plus haut niveau de la Nation, Jacques Bigot et moi-même souhaitons le maintien de la rédaction issue des travaux de la commission, afin qu’elles s’accordent pour assurer la mise en œuvre d’un open data efficace.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Chapitre III
RENDRE L’INSTITUTION JUDICIAIRE PLUS PROCHE DES CITOYENS
Section 1
Créer le tribunal départemental unique de première instance
Article 10
I. – Le livre Ier du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 121-1, les mots : « , les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance » sont remplacés par les mots : « et dans les tribunaux de première instance » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 121-4, les mots : « d’instance et de grande » sont remplacés par les mots : « de première » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 122-1 et à l’article L. 122-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
4° À l’article L. 123-1, les mots : « grande instance, les tribunaux d’instance, les tribunaux d’instance ayant compétence exclusive en matière pénale » sont remplacés par les mots : « première instance » ;
5° À la deuxième phrase de l’article L. 123-4, les mots : « d’instance, des tribunaux de grande instance et » sont supprimés.
II. – Le livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Le titre Ier est ainsi modifié :
a) Dans l’intitulé, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) À la première phrase de l’article L. 211-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
c) L’article L. 211-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2. – Il y a un tribunal de première instance dans chaque département.
« Par dérogation au premier alinéa, un même département peut comporter deux tribunaux de première instance, lorsque son importance démographique ou sa configuration géographique le justifie. » ;
d) Dans l’intitulé de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
e) Aux articles L. 211-3 et L. 211-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
f) Après l’article L. 211-4-1, sont insérés deux articles L. 211-4-2 et L. 211-4-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 211-4-2. – Le tribunal de première instance connaît des demandes formées en application :
« 1° Du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;
« 2° Du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges.
« Art. L. 211-4-3. – Le tribunal de première instance connaît des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel. » ;
g) L’article L. 211-5 est abrogé ;
h) Aux articles L. 211-6, L. 211-7, L. 211-8 et L. 211-9-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
i) Dans l’intitulé de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
j) Aux articles L. 211-10, L. 211-11, L. 211-11-1, L. 211-12, L. 211-13 et L. 211-14, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
k) À l’article L. 212-1, au premier alinéa de l’article L. 212-2, à l’article L. 212-3 et au premier alinéa des articles L. 212-4 et L. 212-6, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
l) Le chapitre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Les chambres détachées
« Art. L. 212-7. – Le tribunal de première instance peut comprendre des chambres détachées, dont les compétences matérielles minimales sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Des compétences supplémentaires peuvent être attribuées à une chambre détachée, sur décision conjointe du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le siège du tribunal et du procureur général près cette cour, prise sur proposition du président du tribunal et du procureur de la République près ce tribunal. » ;
m) À la fin de l’intitulé de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre III, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;
n) Aux articles L. 213-1 et L. 213-2, au premier alinéa et au 1° de l’article L. 213-3 et au premier alinéa de l’article L. 213-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
o) Après la sous-section 3 de la section 1 du chapitre III, est insérée une sous-section 3 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 3 bis
« Le juge des tutelles des majeurs
« Art. L. 213-4-1. – Dans chaque tribunal de première instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge des tutelles des majeurs.
« Le juge des tutelles connaît :
« 1° De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
« 2° Des actions relatives à l’exercice du mandat de protection future ;
« 3° Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, aux fins d’être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d’être habilité à le représenter ;
« 4° De la constatation de la présomption d’absence ;
« 5° De l’habilitation familiale prévue à la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil. » ;
p) Aux premier et second alinéas de l’article L. 213-5 et au premier alinéa des articles L. 213-7 et L. 213-9, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
q) À la première phrase de l’article L. 214-1 et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 214-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
r) L’article L. 215-1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
– après les mots : « siège du tribunal », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « de première instance. » ;
s) À l’article L. 215-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
t) Le chapitre V est complété par des articles L. 215-3 à L. 215-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 215-3. – Le greffe du tribunal de première instance, sous le contrôle du juge, tient les registres de publicité légale tenus au greffe du tribunal de commerce.
« Art. L. 215-4. – Les fonctions de tribunal pour la navigation du Rhin sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la convention révisée pour la navigation du Rhin, signée à Mannheim le 17 octobre 1868.
« Les fonctions de tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la loi n° 66-379 du 15 juin 1966 déterminant, en application de la convention franco-germano-luxembourgeoise du 27 octobre 1956, les juridictions compétentes pour la navigation de la Moselle.
« Art. L. 215-5. – Le service du livre foncier est assuré au sein du tribunal de première instance selon des modalités fixées par décret.
« Art. L. 215-6. – Le tribunal de première instance connaît :
« 1° De la tutelle, des administrations légales et des curatelles de droit local ;
« 2° Du partage judiciaire et de la vente judiciaire d’immeubles, des certificats d’héritier et des scellés ;
« 3° Des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local. » ;
u) Aux articles L. 216-1 et L. 216-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
v) Dans l’intitulé du chapitre VII, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
w) Aux articles L. 217-1 et L. 217-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° Le titre II est abrogé.
III. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 621-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° Le livre VII est ainsi modifié :
a) Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 722-4 et au dernier alinéa de l’article L. 722-7, à l’article L. 722-10, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) Le titre III est ainsi modifié :
– à l’article L. 731-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
– à la fin de l’article L. 731-2, les mots : « , à l’exception des affaires qui relèvent de la compétence du tribunal d’instance en application des dispositions du chapitre III du titre II du livre II du code de l’organisation judiciaire » sont supprimés ;
– à la première phrase de l’article L. 731-3, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 732-3 et à l’article L. 732-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
c) Au premier alinéa, deux fois, de l’article L. 743-4, à la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 743-6, aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 743-7, au second alinéa de l’article L. 743-8, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 743-9, à l’article L. 743-10 et à l’article L. 744-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
IV. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2022. Ce décret peut prévoir une entrée en vigueur à une date différente selon les départements.
À cette date, les procédures en cours devant les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance sont transférées en l’état aux tribunaux de première instance territorialement compétents. Les convocations et citations données aux parties peuvent être délivrées avant la date d’entrée en vigueur du présent article pour une comparution postérieure à cette date devant la juridiction nouvellement compétente. Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures, à l’exception des convocations et citations données aux parties qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction antérieurement compétente. Les parties ayant comparu devant la juridiction antérieurement compétente sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant la juridiction à laquelle les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe des juridictions antérieurement compétentes sont transférées au greffe des tribunaux de première instance compétents. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont imputés sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 29 rectifié est présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 10 tend à instaurer un tribunal unique départemental qui regrouperait le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance et comporterait plusieurs sites, sous forme de chambres détachées, en dehors de son siège. Nous sommes opposés à la création de ces tribunaux, pour plusieurs raisons.
Premièrement, sur un plan pratique, si l’objet de cet article est de favoriser l’égalité d’accès au service public de la justice, il nous semble que le cadre départemental n’est pas le plus approprié.
Deuxièmement, les syndicats nous ont alertés sur le fait que cette disposition va à l’encontre du principe du juge naturel, qui impose une affectation des dossiers selon des critères objectifs, des règles claires, précises, préétablies et stables, afin que le juge ne puisse être influencé par des éléments extérieurs.
Troisièmement, si le principe affiché est celui du maintien des sites des juridictions supprimées sous forme de chambres détachées, l’exposé des motifs de la proposition de loi évoque des exceptions locales à ce principe, ce qui nous inquiète.
Les chambres détachées seraient compétentes pour un certain nombre de contentieux de proximité, déterminés par décret en Conseil d’État, mais des compétences supplémentaires pourraient leur être attribuées sur décision des chefs de cour et sur proposition des chefs de juridiction. In fine, les chefs de juridiction décideront de la gestion des effectifs.
Vous vous réjouissez, monsieur Bas, de la souplesse qui en résulterait dans l’affectation des magistrats et des fonctionnaires. Nous ne pouvons vous suivre dans cette appréciation, car ce mode de gestion mettrait à mal le principe d’inamovibilité du juge pour satisfaire l’objectif caché de pallier la pénurie des effectifs.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 10.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à revenir sur la création de tribunaux de première instance uniques par département, en remplacement des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Il s’agit là d’un de nos principaux sujets de désaccord.
Certes, des exceptions ont été prévues pour porter le nombre de tribunaux de première instance à deux dans certains départements, et l’on nous assure que les sites actuels permettront d’accueillir des chambres détachées. Cependant, nous ne sommes pas convaincus par l’argument selon lequel ces évolutions renforceraient la lisibilité, et moins encore par celui consistant à dire qu’elles rendraient « l’institution judiciaire plus proche des citoyens », pour reprendre l’intitulé du chapitre III de la proposition de loi.
Nous considérons que cette réforme nuira à la mission de proximité remplie aujourd’hui par les tribunaux d’instance et qu’elle se fonde sur l’hypothèse de sureffectifs inexistants en réalité.
Les retours du terrain semblent montrer que les répartitions de compétences entre les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance ne donnent pas lieu à de grandes difficultés. Certains professionnels ont également émis des doutes sur l’opportunité de créer des juridictions de très grande taille, plus difficilement pilotables. Il serait préférable de privilégier les structures moyennes.
En outre, articulée avec la simplification de l’adaptation de la carte des implantations judiciaires prévue à l’article 17, cette réforme pourrait à terme aggraver l’enclavement des territoires les plus isolés de la République et réduire l’accès de certains justiciables au juge. Ce n’est pas acceptable pour nous !
Selon le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, déjà cité, la France figure parmi les onze pays européens étudiés où l’on trouve le moins de tribunaux par nombre d’habitants, alors que son territoire est le plus vaste de l’Union européenne. C’est bien la preuve que notre maillage juridictionnel territorial, déjà très distendu, ne doit pas être réformé dans le sens proposé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Cette proposition de création de tribunaux de première instance, qui d’ailleurs figurait dans le rapport du mois d’avril 2017, tient compte des réalités actuelles et du nouveau mode d’organisation proposé.
Le regroupement des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance en un seul et même tribunal, le tribunal de première instance, part d’un constat simple : la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a attribué les compétences du tribunal de police aux tribunaux de grande instance ; on se retrouve aujourd’hui avec des juges des affaires familiales ayant, par exemple, la compétence en matière de tutelle des mineurs, auparavant détenue par les juges d’instance.
À l’origine, le tribunal de grande instance ne pouvait être saisi que par le biais d’un avocat, selon un principe de postulation. Or, à l’heure actuelle, le recours à l’avocat n’est plus nécessaire dans certains domaines : il est par exemple possible de s’adresser directement au juge des affaires familiales pour modifier le montant d’une pension alimentaire ou changer le mode de résidence des enfants.
Paradoxalement, alors que l’on cherche à développer les services uniques d’accueil des justiciables, on rajouterait de la complexité dans l’organisation… L’idée est ici d’opter pour la simplicité en créant le tribunal de première instance. Nous n’en sommes pas moins conscients qu’il ne faut pas vider certains territoires de lieux de juridiction : le regroupement au sein du tribunal de première instance ne signifiera pas que la justice sera rendue dans un seul bâtiment. Il pourra y avoir plusieurs implantations. On pourrait même envisager que, dans des départements étendus ou fortement peuplés, les juges aux affaires familiales tiennent des audiences dans d’anciens tribunaux d’instance, devenus des locaux du tribunal de première instance. C’est tout le sens de la proposition de loi.
L’objectif est aussi de privilégier une organisation par département – même si des dérogations seront possibles –, afin de la caler sur l’organisation administrative. Ce point intéresse surtout les préfets, qui nous ont expliqué qu’il était beaucoup plus compliqué pour eux de travailler avec plusieurs procureurs de la République – on en compte parfois trois dans un même département – qu’avec un seul. On l’a notamment vu en matière de terrorisme.
Pour ces raisons, la commission ne peut qu’exprimer un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans le cadre des chantiers de la justice, j’ai souhaité mettre en place un chantier spécifique dédié à l’adaptation de notre réseau des juridictions.
J’ai demandé à la commission chargée de ce chantier de réfléchir aux principes qui guideront notre organisation, et je suis évidemment extrêmement intéressée par l’ensemble des propositions figurant dans le rapport élaboré par la commission des lois. Elles méritent d’être prises en compte.
Outre la question de la proximité, j’évoquerai celle de la nécessaire spécialisation d’un certain nombre de juges. On ne peut nier que certaines matières juridiques sont devenues extrêmement complexes et ne peuvent plus être traitées occasionnellement par un juge moins spécialisé qu’un autre. C’est sans doute aussi un des principes qui devront régir notre organisation.
La question de la cohérence avec les autres actions de l’État, que vous venez de soulever, monsieur le rapporteur, devra également être prise en compte.
Enfin, j’ai déjà évoqué tout à l’heure le développement de la collégialité. Le fait que nos juges travaillent trop souvent de manière solitaire pose de plus en plus de difficultés.
C’est sur la base de ces principes que nous devrons penser une organisation de nos réseaux juridictionnels qui soit adaptée aux objectifs que nous aurons définis. Telle est l’ambition que nous nous fixons.
Dans cette perspective, j’émets un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’ai été heureux de vous entendre, madame la garde des sceaux, car les arguments que vous avez énoncés plaident tous pour la création du tribunal de première instance !
Je comprends que vous vouliez vous forger votre propre jugement, à partir des conclusions des groupes de travail que vous avez mis en place.
En ce qui nous concerne, nous avons développé notre réflexion après une très large concertation et de nombreuses auditions. Il nous a semblé que la notion de tribunal de première instance présentait de très nombreux avantages, à commencer par celui de la proximité et de la facilitation de l’accès au juge.
Aujourd’hui, un justiciable s’adresse tantôt au tribunal d’instance, tantôt au tribunal de grande instance selon une répartition des compétences très complexe, reposant soit sur l’importance du litige en termes monétaires, soit sur les matières. Il n’est pas rare qu’un justiciable se trompe de porte ! Le tribunal de première instance aurait donc cette vertu de garantir au justiciable qu’il frappe à la bonne porte : c’est un point fondamental pour améliorer l’accès à la justice, dans la proximité.
Par ailleurs, mes chers collègues, je tiens à dire devant les représentants des territoires de la République que vous êtes, à ce titre particulièrement préoccupés par l’exigence de proximité, qu’il n’y a pas de piège, pas d’intentions cachées derrière la notion de tribunal de première instance.
Nous affirmons de la manière la plus nette, nous écrivons dans notre texte qu’il ne s’agit pas de remettre en cause une seule implantation de tribunal. Il s’agit de regrouper la gestion des tribunaux à l’échelon départemental – mais, je le redis, il sera possible, par dérogation, d’avoir plusieurs tribunaux de première instance dans un même département –, afin qu’il n’y ait plus de juridictions déshéritées. En effet, on sait bien qu’il arrive parfois que de toutes petites juridictions doivent fonctionner avec trois ou quatre magistrats. Il suffit d’une vacance de poste en raison d’une mutation, d’un congé de maternité, d’une maladie pour que la justice avance de manière un peu erratique. La création du tribunal de première instance permettra d’atteindre un seuil critique, une dimension suffisante pour assurer un bon fonctionnement.
La proximité, la lisibilité, la facilité d’accès, la qualité de gestion : tout commande de mettre en place le tribunal de première instance ! Les textes dont nous débattons aujourd'hui prévoient une installation progressive, à mesure que les vacances de postes auront été comblées. Il ne s’agit pas de mettre en place le tribunal de première instance alors que de nombreux postes de magistrat ou de greffier seraient encore vacants. Jamais la création d’un tribunal de première instance ne pourra intervenir dans un contexte de pénurie de moyens humains.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ajouterai rien aux propos, très pertinents, de M. le président de la commission des lois. Cependant, je souhaite revenir sur un point de votre argumentation qui m’a frappé, madame le garde des sceaux, et qui tient aux relations entre l’exécutif et le législatif.
En effet, j’ai été quelque peu étonné que, s’agissant d’une proposition de loi, donc d’un texte d’initiative parlementaire, vous indiquiez, pour marquer votre désaccord avec l’une des mesures envisagées, que la question sera discutée dans le cadre des chantiers de la justice, qui relèvent de l’exécutif. Vous semblez ainsi présupposer que l’on ne saurait statuer sur un tel sujet sans que le pouvoir exécutif l’ait préalablement considéré. C’est un point que l’on peut, me semble-t-il, contester.
Puisque le pouvoir législatif vous propose, par l’intermédiaire de cette proposition de loi de M. Bas, d’aller dans le sens que vous souhaitez, rien ne s’oppose à ce que vous vous en remettiez à la sagesse de notre assemblée. Pourquoi vous déclarer opposée au dispositif présenté ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne m’oppose nullement par principe à cette proposition de loi, monsieur le sénateur, et je reconnais bien volontiers le rôle primordial du législateur, auquel je rends hommage et que je respecte.
J’essaie simplement d’assurer un minimum de cohérence dans l’action que je conduis. Voilà moins de dix jours, j’ai lancé les chantiers de la justice. Vous comprendrez aisément que je laisse les différentes commissions chargées de ces chantiers mener leurs réflexions à leur terme. Une fois qu’elles m’auront présenté leurs conclusions, je reviendrai devant vous pour vous soumettre des propositions que vous accepterez ou non d’adopter.
M. Jean-Pierre Sueur. L’initiative parlementaire, cela existe, madame le garde des sceaux !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 29 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 211–2. – Des tribunaux de première instance sont établis dans chaque département selon des critères démographiques, géographiques et sociologiques, en tenant compte du coût et de la facilité d'accès de la population à ces sièges. » ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement de repli vise à supprimer le principe d’un tribunal de première instance par département et à compléter les critères d’implantation à prendre en compte.
En plus de l’importance démographique et de la configuration géographique, critères déjà mentionnés à l’alinéa 13 de la rédaction actuelle de l’article, les particularités sociologiques et logistiques du territoire devraient être prises en compte. En particulier, il faudrait prévoir que le lieu d’implantation retenu devra être accessible par les transports publics pour l’ensemble de la population du ressort.
Enfin, la propension à ester en justice étant plus forte dans les territoires où les difficultés sociales s’accumulent, le critère sociologique, souvent sous-estimé, paraît déterminant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis de la commission est bien évidemment défavorable.
Au travers de ce texte, il est clairement proposé de se diriger vers la création d’un tribunal de première instance par département. Cela paraît parfaitement possible, dans la mesure où, à l’heure actuelle, trente-cinq départements ne disposent que d’un seul tribunal de grande instance. D’autres en comptent plusieurs, jusqu’à six pour le département du Nord ! Il faudra donc mener une réflexion sur ce point, et on aurait pu concevoir que soient déposés des amendements visant à prévoir des exceptions à la règle d’un unique tribunal de première instance par département. La navette parlementaire, si elle a lieu, permettra d’affiner le dispositif, mais l’idée directrice est bien de s’en tenir à un tribunal de première instance par département, pour les motifs exposés tant par le président de la commission et auteur de la proposition de loi que dans notre rapport. Je pense notamment à celui de la spécialisation des magistrats, que vous avez vous-même évoqué, madame la garde des sceaux.
Je sais que les magistrats invoquent volontiers le principe de l’inamovibilité. Or ce principe s’appliquera au sein du tribunal de première instance dans lequel ils seront nommés. De même, les magistrats nommés dans des fonctions spécialisées seront inamovibles dans ces fonctions spécialisées.
Il n’y a donc aucune raison de s’opposer à cette proposition, sauf à ne pas souhaiter l’amélioration du fonctionnement de la justice.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis défavorable, dans l’attente des solutions qui pourront m’être proposées.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 70
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
… – Le second alinéa de l’article L. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution est supprimé.
… – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 1134-10, aux première et seconde phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 1422-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 1423-11, les mots : « d’instance » sont remplacés par les mots : « de première instance » ;
3° À la première phrase du premier alinéa et aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 1454-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
4° Le 3° de l’article L. 1521-3 est abrogé ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2323-4, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 2323-39, au dernier alinéa de l’article L. 2325-38, au second alinéa de l’article L. 2325-40, à la première phrase du deuxième alinéa et aux première et dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 2325-55, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
6° L’article L. 3252-6 est abrogé ;
7° Aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 7112-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
… – Aux articles L. 4261-2 et L. 4262-2 du code des transports, la référence : « L. 223-3 » est remplacée par la référence : « L. 215-4 ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur. Cet amendement de coordination porte notamment sur la mention du tribunal de grande instance dans le code du travail, en lien en particulier avec le conseil de prud’hommes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est défavorable, par cohérence avec l’ensemble du raisonnement que j’ai présenté.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Joissains, est ainsi libellé :
A. - Alinéa 71
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. - Le présent article entre en vigueur à titre expérimental à une date fixée par décret et jusqu’au 1er janvier 2022. Cette expérimentation a lieu dans une liste fixée par décret de trois départements présentant des configurations géographiques et démographiques variées.
B. – Alinéa 72
Remplacer les mots :
À cette date
par les mots :
Pendant cette période
La parole est à Mme Sophie Joissains.
Mme Sophie Joissains. Le changement proposé au travers de l’article 10 est important. Je sais bien que de nombreux arguments pratiques militent en faveur de la création du tribunal de première instance départemental unique, mais force est tout de même de constater que ce concept a suscité les fortes réserves, voire l’hostilité, de nombreux magistrats. Le rapport de la commission des lois n’occulte d’ailleurs pas ce fait.
Sur le fond, l’article 10 doit être considéré en lien avec l’article 17, qui permettra, quelque sincère que soit le souci de proximité exprimé par le président et les rapporteurs de la commission des lois, de faire évoluer l’implantation des chambres détachées des tribunaux de première instance, notamment en en supprimant. Il sera dès lors plus simple de créer ou de supprimer une chambre détachée que de créer ou de supprimer une juridiction.
En d’autres termes, je redoute que cet article 10 ne soit le premier acte d’une disparition annoncée de plusieurs lieux de justice.
C’est pourquoi le présent amendement vise à prévoir une entrée en vigueur expérimentale du dispositif de l’article 10 dans quelques départements seulement, avant une éventuelle extension à tout le territoire. Cette expérimentation permettra de s’assurer de la pertinence du dispositif.
L’expérimentation est d’ailleurs une démarche que le monde judiciaire connaît très bien, puisqu’il la pratique régulièrement et avec succès. On peut citer l’exemple récent du service d’accueil unique du justiciable, expérimenté entre 2014 et 2016. Cette expérimentation réussie permet aujourd’hui une entrée en vigueur progressive du dispositif dans les meilleures conditions. A contrario, d’autres expérimentations ont mis en évidence les limites de certaines réformes. Je mentionnerai à cet égard l’introduction des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels : l’expérimentation a montré les coûts et les lourdeurs d’une telle innovation, qui a été abandonnée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement.
Peut-être y a-t-il une incompréhension. Il est question d’organiser la création d’un tribunal départemental unique de première instance par regroupement des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, de manière progressive en fonction des capacités programmatiques, en termes notamment de personnel.
Si nous suivions votre proposition, madame Joissains, en mettant en place une expérimentation dans quelques départements pour une durée non précisée, l’accès des citoyens à la justice s’en trouverait complexifié, au regard par exemple de la répartition des compétences. La mise en œuvre du tribunal de première instance, si elle est décidée par le législateur, doit intervenir rapidement. Procéder à une expérimentation me paraîtrait extrêmement dangereux.
Derrière votre amendement, madame Joissains, j’entrevois la crainte, déjà exprimée par certains collègues, de voir des lieux de juridiction disparaître. C’est la raison pour laquelle nous avons ajouté, par le biais d’un amendement, qu’une consultation des élus locaux et un avis du conseil départemental sur l’organisation judiciaire envisagée seraient requis. En effet, celle-ci ne doit pas complètement échapper aux territoires ; nous en sommes bien conscients. L’histoire récente de la justice montre que l’excès de précipitation n’est pas de bonne méthode.
Il s’agit donc ici de poser le principe du tribunal de première instance, avant d’organiser sa mise en œuvre, non de prévoir des expérimentations susceptibles de mettre à mal le cours de la justice.
Pour tous ces motifs, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je comprends votre préoccupation, madame Joissains, car nous nous sommes posé les mêmes questions que vous. Cependant, nous avons considéré que les raisons de créer ce tribunal de première instance l’emportaient de beaucoup sur ces interrogations et que nous avions pris toutes les précautions utiles pour éviter que, à l’avenir, on puisse remettre en cause des implantations. Nous soulignons que ces dernières sont toutes maintenues. C’est même la raison d’être de ce tribunal de première instance que de permettre au justiciable de présenter ses demandes partout où il existe actuellement un tribunal d’instance ou un tribunal de grande instance.
Comme l’a rappelé M. Jacques Bigot, nous avons prévu un avis du conseil départemental, dont on peut supposer qu’il sera attentif à la répartition des lieux de justice sur son territoire. En outre, l’alinéa 71 de l’article 10, en apparence anodin, prévoit que « le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2022. Ce décret peut prévoir une entrée en vigueur à une date différente selon les départements. » Cet alinéa vise précisément à échelonner dans le temps la création des tribunaux de première instance, afin de faire en sorte qu’ils ne soient mis en place qu’au fur et à mesure de la mise en œuvre des moyens humains nécessaires.
Si cet amendement n’était pas retiré, la commission ne pourrait qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mme Sophie Joissains. Si l’article 17 n’existait pas, je retirerais bien volontiers mon amendement. Des magistrats s’inquiètent de la possibilité de supprimer des chambres détachées. Je partage cette inquiétude !
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Puisqu’il est question de rendre la justice au plus près des citoyens, je voudrais attirer l’attention de mes collègues, à cette heure tardive, sur la situation de ma collectivité, la Polynésie française.
Je veux tout particulièrement vous interpeller, madame la garde des sceaux, sur l’application du décret du 6 mai 2017 relatif à l’état civil.
Comme vous le savez, la Polynésie vient d’être dotée d’un tribunal foncier. L’un des problèmes les plus importants que nous rencontrons en la matière est celui des filiations et des changements de nom pour le partage des biens fonciers. Or, malheureusement, l’application dudit décret n’a pas été étendue à la Polynésie. Il fut un temps où, en Polynésie, la moitié de la fratrie prenait le nom de la mère, l’autre moitié celui du père. Alors que nous voulons simplifier la situation pour faire en sorte que tous les membres d’une fratrie portent le même nom, il se trouve que le tribunal de Papeete n’est désormais plus compétent en matière de changement de nom. Aujourd’hui, un décret du garde des sceaux est nécessaire !
Les demandes de changement de nom doivent donc être adressées à 20 000 kilomètres de chez nous et, en plus, il faut qu’elles soient motivées ! À l’heure où nous cherchons à régler des problèmes d’état civil pour simplifier les partages fonciers dans notre collectivité, on nous impose d’aller nous perdre dans les dédales de l’administration parisienne ! Je suis bien placée pour en parler !
C’est un vrai problème, madame la garde des sceaux ! À l’heure où l’on veut tout simplifier, on complique la vie des Polynésiens ! (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je tiens à vous redire que le Gouvernement est très attaché à ce que la question foncière en Polynésie puisse être réglée dans les meilleures conditions possible. À cet égard, la création du tribunal foncier est un atout puissant. En tout cas, nous mettrons tout en œuvre pour appuyer la résolution des difficultés que vous rencontrez.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Pour l’adoption | 68 |
Contre | 224 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
I. – Le titre II du livre Ier du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 121-3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « et le président du tribunal de première instance » ;
b) Après le mot : « différents », sont insérés les mots : « pôles, chambres et » ;
c) Sont ajoutés les mots : « et, s’il y a lieu, chambres détachées » ;
2° Après l’article L. 123-1, il est inséré un article L. 123-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-1. – Les fonctionnaires des greffes des tribunaux de première instance sont affectés soit au siège du tribunal, soit dans une chambre détachée. Par décision conjointe du président du tribunal et du procureur de la République près ce tribunal, prise après avis du directeur des services de greffe judiciaires, leur affectation peut être modifiée, pour nécessité de service et pour une durée limitée. »
II. – Le présent article entre en vigueur à la date fixée au IV de l’article 10 de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Section 2
Renforcer la conciliation
Article additionnel avant l'article 12
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement produit un rapport relatif à l'impact du recours à la conciliation sur l'évolution du contentieux devant les juridictions judiciaires.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées ce matin en commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12
Après l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – Lorsque le conciliateur de justice intervient par délégation du juge, en cas d’échec partiel ou total de la conciliation, il dresse un bulletin de non-conciliation qui comporte, le cas échéant, une proposition de règlement de tout ou partie du litige dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation.
« Le juge statue sur la proposition de règlement sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties ou que les parties demandent à être entendues.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 12 a pour objet, selon l’exposé des motifs, de « renforcer les effets de la procédure de conciliation menée par les conciliateurs de justice, pour les litiges relevant, en raison de leur nature ou de leur montant, de la compétence du juge chargé des contentieux de proximité ».
À ce titre, il est prévu que, en cas d’échec de la conciliation, le conciliateur pourra transmettre au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige, dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation. Le juge statuerait alors sans entendre les parties, sauf s’il l’estime nécessaire ou si les parties le lui demandent.
Bien sûr, nous considérons que les modes alternatifs de règlement des litiges permettent, le plus souvent, l’exercice d’une justice de qualité et l’apaisement des conflits. Toutefois, comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises au cours de ce débat, ces modes alternatifs ne doivent pas être pensés comme une solution à l’engorgement des tribunaux.
Surtout, la proposition qui nous est faite ici, et qui montre une profonde méconnaissance à la fois du rôle du conciliateur et de celui du juge, heurte de plein fouet l’un des piliers de notre droit, à savoir le principe du contradictoire. Cela revient, en cas d’échec de la conciliation, à ériger le conciliateur en juge du fond, qui se déterminerait sur la base d’échanges confidentiels et dont les conclusions pourraient être homologuées sans aucun débat par le juge.
Nous demandons donc la suppression de cet article, que nous considérons comme une incongruité juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Je crois qu’il y a une incompréhension de ce qui est proposé.
Je rappelle que la rédaction initiale prévoyait la possibilité en toute circonstance, pour les conciliateurs, de faire une proposition de règlement au juge. À la suite de l’audition des représentants des conciliateurs, les corapporteurs ont suggéré, sans que cela pose la moindre difficulté à l’auteur du texte, d’exclure le recours à cette possibilité en cas de saisine directe par les parties.
En revanche, nous nous situons ici dans l’hypothèse où le juge considère qu’il peut être utile, compte tenu de la nature du litige, d’adresser les parties à un conciliateur, à qui il va donner mandat de tenter une conciliation entre elles et, le cas échéant, de lui fournir des informations utiles à la résolution du litige, voire de faire une proposition de règlement de celui-ci. Dans ce cas-là, aux fins d’accélérer le cours de la justice, le juge pourrait prononcer sa décision au vu de ce que propose le conciliateur, sauf à ce que l’une quelconque des parties demande à ce que se tienne une audience publique. Le contradictoire est donc parfaitement respecté.
Il s’agit simplement, je le redis, d’accélérer le cours de la justice dans des cas – retards dans le paiement d’un loyer, par exemple, ou conflits de voisinage – où le juge pense que tenter une conciliation est utile et peut permettre aux parties de se rapprocher. Dans les situations de cette nature, la conciliation est une œuvre de justice. Si le conciliateur n’aboutit pas, il pourra fournir au juge des éléments de nature à lui permettre de trouver une solution, à l’instar d’un expert qui apporte des réponses techniques sur lesquelles sera souvent fondée la décision.
Cela me paraît parfaitement cohérent et de bonne administration de la justice.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est défavorable.
L’article 12 prévoyait initialement de permettre aux conciliateurs de justice de conférer force exécutoire aux accords qu’ils ont contribué à faire accepter par les parties à la conciliation. Désormais, il s’agit de permettre aux conciliateurs de justice ayant tenté de concilier des justiciables après avoir été désignés par un juge de lui adresser une proposition de règlement du litige sur laquelle celui-ci pourrait statuer sans avoir systématiquement entendu les parties.
Il faut bien entendu être extrêmement prudent avec les entorses au contradictoire et voir si elles sont véritablement justifiées, puisque les parties qui n’ont pas trouvé un accord devant le conciliateur voudront vraisemblablement s’en expliquer devant le juge. Cependant, la proposition qui est ici faite me semble extrêmement intéressante. Elle sera examinée dans le cadre du chantier relatif à la simplification de la procédure civile.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est sûr…
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
I. – Le chapitre III bis du titre II du livre Ier du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et les assistants de justice » ;
2° Avant la dernière phrase de l’article L. 123-4, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans les tribunaux de première instance, le juge peut leur déléguer une mission de conciliation. » ;
3° Il est ajouté un article L. 123-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-5. – Des assistants de justice sont institués auprès des juridictions. Peuvent être nommées en qualité d’assistants auprès des magistrats des tribunaux de première instance, des cours d’appel, de la Cour de cassation ainsi qu’à l’École nationale de la magistrature les personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation juridique d’une durée au moins égale à quatre années d’études supérieures après le baccalauréat et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions. Ces assistants de justice sont nommés pour une durée maximale de deux années, renouvelable deux fois. Ils sont tenus au secret professionnel. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
II. – L’article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour les juges, de déléguer leur mission de conciliation à des assistants de justice.
Il faut rappeler que, contrairement aux règles prévues pour les conciliateurs, qui doivent avoir exercé pendant trois ans dans le domaine juridique, aucune expérience n’est requise pour exercer la mission d’assistant de justice, qui reste par ailleurs assez vague – nous y reviendrons.
Nous considérons que cette disposition nuit donc à l’esprit du recrutement d’assistants de justice, qui s’oriente a priori vers des étudiants très qualifiés, désireux de se placer dans une situation d’apprentissage, dans la perspective de la préparation des concours du ministère de la justice. La faible rémunération de leur mission constitue en fait souvent un complément au financement de leurs études.
C’est pourquoi il est important de maintenir cette relation d’apprentissage entre les magistrats et les assistants, plutôt que de placer ceux-ci dans une situation de délégation, pour des missions qui, par ailleurs, ne constituent pas le cœur de l’office du juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Au nom de la commission, je vous propose, ma chère collègue, de retirer votre amendement, qui est parfaitement compréhensible si vous pensez que le texte est sous-tendu par l’idée de confier aux assistants des fonctions qu’ils ne peuvent exercer, étant des étudiants.
En fait, l’alinéa 3 de l’article 13 prévoit d’insérer la phrase suivante à l’article L. 123-4 du code de l’organisation judiciaire : « Dans les tribunaux de première instance, le juge peut leur déléguer une mission de conciliation. » Sont visés ici non pas les assistants de justice, mais les juristes assistants, fonction créée par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ces personnes, qui bénéficient de contrats de trois ans, sont recrutées après l’obtention soit d’un doctorat en droit, soit d’un diplôme universitaire sanctionnant cinq années d’études, suivies de deux années d’expérience professionnelle. Il ne s’agit donc pas des assistants de justice.
Je crois que vous avez fait une mauvaise lecture de l’article 13, c’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme Maryse Carrère. L’amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 123-6. – Les assistants de justice sont nommés par le président de la juridiction, à l’issue d’une procédure de recrutement rendue publique. Sous la responsabilité des magistrats, ils participent notamment à la mise en l’état et à l’instruction des dossiers ainsi qu’à la rédaction des jugements. Ils ne peuvent être affectés de façon permanente au service d’un unique magistrat. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. En cohérence avec l’amendement précédent, il est proposé d’étoffer le statut des assistants de justice. Pour le moment, il s’agit essentiellement de décrire les missions susceptibles de leur être confiées, toujours dans une perspective d’apprentissage. En effet, nous considérons qu’il est nécessaire de fixer certaines règles pour maintenir la qualité de leur accueil au sein des juridictions et s’assurer qu’ils ne soient pas simplement recrutés pour pallier le manque de magistrats et de greffiers.
À plus long terme, nous pourrions réfléchir à l’établissement d’une passerelle vers l’École nationale de la magistrature pour les assistants de justice donnant satisfaction, en s’inspirant de celles déjà ouvertes au profit des juristes assistants et des professionnels du droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Il me paraît nécessaire de préciser les choses, compte tenu des confusions que l’on observe parfois.
Il existe depuis quelques années des assistants de justice, qui sont en fait des étudiants de quatrième année recrutés à temps partiel pour une durée souvent courte. Ce furent les premières aides dont ont bénéficié les magistrats.
Il y a ensuite les greffiers assistants du magistrat. Il s’agit d’une fonction particulière dévolue aux greffiers, très utile au sein des parquets, nous ont dit notamment les procureurs de la République.
Enfin, les juristes assistants constituent une catégorie nouvelle dont la création a été saluée par l’ensemble des magistrats, qui regrettent qu’ils ne soient pas plus nombreux –cette proposition de loi prévoit d’ailleurs qu’il y en ait davantage.
En termes de gestion des ressources humaines, il est de bonne politique de confier à des personnes payées 2 000 euros par mois des tâches qui, aujourd’hui, sont accomplies par des magistrats coûtant trois fois plus cher au ministère de la justice en fin de carrière.
Il importe donc de bien distinguer entre l’assistant de justice, le juriste assistant, qui peut être amené à devenir magistrat s’il fait ses preuves, et le greffier assistant du magistrat, ce dernier pouvant, le cas échéant, s’élever et bénéficier d’une passerelle. En effet, l’École nationale des greffes, à Dijon, accueille aussi des gens qui ont raté de peu le concours de l’École nationale de la magistrature : ouvrir aux greffiers des passerelles vers la magistrature me paraît donc très utile.
Cette organisation concourra à un meilleur fonctionnement de la justice. Il y faudra du temps, mais c’est un début.
Je vous suggère de retirer votre amendement, madame la sénatrice ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable au nom de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Carrère, l'amendement n° 33 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Chapitre IV
AMÉLIORER L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS EN PREMIÈRE INSTANCE ET EN APPEL
Section 1
Étendre la compétence des tribunaux de commerce
Article 14
I. – Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 713-7 est ainsi modifié :
a) Après le b, sont insérés des b bis et b ter ainsi rédigés :
« b bis) Les agriculteurs inscrits au registre des actifs agricoles situés dans ce ressort ;
« b ter) Les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, inscrites à un ordre professionnel ou déclarés auprès de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, situées dans ce ressort ; »
b) Le c est complété par les mots : « ainsi que les conjoints des personnes énumérées au b ter qui collaborent à l’activité de leur époux sans autre activité professionnelle » ;
2° Après le mot : « en », la fin du premier alinéa de l’article L. 713-11 est ainsi rédigée : « six catégories professionnelles correspondant, respectivement, aux activités commerciales, artisanales, agricoles, libérales, industrielles ou de services. » ;
3° Au 5° de l’article L. 723-4, les mots : « ou au répertoire des métiers » sont remplacés par les mots : « , au répertoire des métiers ou au registre des actifs agricoles » et la référence : « au d » est remplacée par les références : « aux b ter et d ».
II. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2018. – (Adopté.)
Article 15
I. – Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 611-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale » sont remplacés par les mots : « , une entreprise individuelle commerciale ou artisanale, une personne morale de droit privé ou une personne physique exerçant une activité agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, » et les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception, lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d’avocat, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’officier public ou ministériel, le président du tribunal ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel. » ;
2° L’article L. 611-2-1 est abrogé ;
2° bis (nouveau) bis Le deuxième alinéa de l’article L. 611-3 est ainsi rédigé :
« Le tribunal compétent est le tribunal des affaires économiques. » ;
2° ter (nouveau) ter À l’article L. 611-4, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » et les mots : « exerçant une activité commerciale ou artisanale » sont supprimés ;
2° quater (nouveau) quater Le premier alinéa de l’article L. 611-5 est supprimé ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 621-2 est ainsi rédigé ,
« Le tribunal compétent est le tribunal des affaires économiques. » ;
4° (nouveau) Après l’article L. 622-14, il est inséré un article L. 622-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 622-14-1. – Le tribunal statue sur toute contestation relative au bail des immeubles donnés à bail au débiteur. » ;
5° (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 662-3, les mots : « de commerce et le tribunal de grande instance » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
6° (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 662-6, les mots : « de commerce et celui du tribunal de grande instance établissent » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
II. – Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;
2° Le titre Ier est ainsi modifié :
a) À la fin de l’article L. 713-6, aux a et e du 1° de l’article L. 713-7 et au premier alinéa de l’article L. 713-11, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
b) Au I de l’article L. 713-12, la première occurrence des mots : « de commerce » est remplacée par les mots : « des affaires économiques » ;
3° Le titre II est ainsi modifié :
a) À la fin de l’intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
b) À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 721-1 et à l’article L. 721-2, deux fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
c) À la fin de l’intitulé de la section 1 du chapitre Ier, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
d) Au premier alinéa de l’article L. 721-3, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
e) À l’article L. 721-3-1 et au premier alinéa de l’article L. 721-4, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
f) L’article L. 721-5 est abrogé ;
g) Au premier alinéa des articles L. 721-6 et L. 721-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
h) À la fin de l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
i) L’article L. 721-8 est ainsi modifié :
– le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Des tribunaux des affaires économiques spécialement désignés connaissent : » ;
– au 4°, au dixième alinéa, à la première phrase du onzième alinéa, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, deux fois, et au dernier alinéa, deux fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
j) À la fin de l’intitulé de la section 1 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
k) À l’article L. 722-1, aux articles L. 722-2 et L. 722-3, à l’article L. 722-3-1, deux fois, à la première phrase du premier alinéa , deux fois, et au second alinéa de l’article L. 722-4 et aux première et deuxième phrases de l’article L. 722-5, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
l) À la fin de l’intitulé de la section 2 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
m) Aux première et seconde phrases du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 722-6, aux premier, deux fois, et second, deux fois, alinéas de l’article L. 722-6-1, au premier alinéa de l’article L. 722-6-2, aux première et deuxième phrases de l’article L. 722-6-3, aux premier et dernier, deux fois, alinéas de l’article L. 722-7, au premier alinéa de l’article L. 722-8, à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 722-9, à l’article L. 722-10, au premier alinéa, deux fois, et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 722-11, au premier alinéa de l’article L. 722-12, à l’article L. 722-13, aux premier et second alinéas de l’article L. 722-14 et aux articles L. 722-15 et L. 722-16, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
n) Aux premier et second alinéas de l’article L. 722-17, dans sa rédaction résultant de l’article 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
o) Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 722-18, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 722-19, au premier alinéa de l’article L. 722-20, au premier alinéa et aux 1° et 2° du I de l’article L. 722-21, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
p) À la fin de l’intitulé du chapitre III, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
q) Au premier alinéa et au 2° de l’article L. 723-1, aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 723-3, au premier alinéa, au 1°, deux fois, et au dernier alinéa, deux fois, de l’article L. 723-4, au premier alinéa, deux fois, et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 723-7, aux premiers alinéas des articles L. 723-9, L. 723-10 et L. 723-11 et à l’article L. 723-12, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
r) À la fin de l’intitulé du chapitre IV, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
s) À l’article L. 724-1, à l’article L. 724-1-1, deux fois, au 3°, deux fois, de l’article L. 724-2, à l’article L. 724-3, au premier alinéa de l’article L. 724-3-1, à la première phrase, deux fois, du premier alinéa, au deuxième alinéa, au 1°, aux première et deuxième phrases du neuvième alinéa et au douzième alinéa de l’article L. 724-3-3, aux première, deux fois, et dernière phrases de l’article L. 724-4 et à l’article L. 724-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
4° Le titre III est ainsi modifié :
a) Dans l’intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;
b) À l’article L. 731-2, au premier alinéa de l’article L. 731-4 et aux articles L. 732-1 et L. 732-2, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
c) L’article L. 732-3 est ainsi modifié :
– à la première phrase du premier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
– le second alinéa est ainsi rédigé :
« Le greffe des tribunaux mixtes des affaires économiques est assuré par un greffier de tribunal des affaires économiques. » ;
d) À l’article L. 732-4, deux fois, à la première phrase de l’article L. 732-5, à l’article L. 732-6, deux fois, et à la deuxième phrase de l’article L. 732-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
5° Le titre IV est ainsi modifié :
a) À la fin de l’intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
b) Au premier alinéa de l’article L. 741-1, au premier alinéa, deux fois, à la première phrase du sixième alinéa et au dernier alinéa de l’article L. 741-2, au premier alinéa de l’article L. 742-1 et à l’article L. 742-2, à la première phrase de l’article L. 743-1, au premier alinéa de l’article L. 743-2, à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 743-3, au premier alinéa, trois fois, de l’article L. 743-4, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 743-5, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 743-6, au premier alinéa de l’article L. 743-7, aux premier et second alinéas de l’article L. 743-8, à la première phrase, deux fois, de l’article L. 743-12 et aux première, deux fois, et seconde, trois fois, phrases du premier alinéa, aux première, deux fois, et seconde phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, trois fois, de l’article L. 743-12-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
c) Après le mot : « tarification », la fin de l’intitulé de la section 3 du chapitre III est supprimée ;
d) Au premier alinéa de l’article L. 743-13, à la première phrase de l’article L. 743-14, au premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 743-15, à l’article L. 744-1, trois fois, à l’article L. 744-2, quatre fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
II bis (nouveau). – À l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de grande instance » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
III. – Le livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 215-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;
2° À la fin du 1° de l’article L. 261-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
IV. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2022.
À cette date, les procédures ouvertes en application du livre VI du code de commerce en cours devant les tribunaux de grande ou de première instance sont transférées en l’état aux tribunaux des affaires économiques territorialement compétents. Les convocations et citations données aux parties peuvent être délivrées avant la date d’entrée en vigueur pour une comparution postérieure à cette date devant la juridiction nouvellement compétente. Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures, à l’exception des convocations et citations données aux parties qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction antérieurement compétente. Les parties ayant comparu devant la juridiction antérieurement compétente sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant la juridiction à laquelle les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe des juridictions antérieurement compétentes sont transférées au greffe des tribunaux des affaires économiques compétents. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont imputés sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Aux première et troisième phrases du deuxième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 234-1 du code de commerce, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
II. – Alinéa 16
Après le mot :
économiques
insérer le mot :
établit
III. – Après l’alinéa 58
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – À la fin du I de l’article L. 145 A du livre des procédures fiscales, les mots : « et au premier alinéa de l’article L. 611-2-1 du code précité » sont supprimés.
… – À la fin de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 2325-55 et au premier alinéa de l’article L. 7322-5 du code du travail, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Section 2
Assouplir l’organisation interne du conseil de prud’hommes
Article 16
L’article L. 1423-10 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le président du conseil de prud’hommes constate une difficulté durable de fonctionnement d’une section, il peut, après avis conforme du vice-président, sous réserve de l’accord des intéressés et de l’approbation du premier président de la cour d’appel, affecter définitivement les conseillers prud’hommes d’une section à une autre section pour connaître des litiges relevant de cette dernière.
« À défaut de décision du président du conseil de prud’hommes ou lorsque le vice-président a émis un avis négatif, le premier président de la cour d’appel, saisi sur requête du procureur général, peut constater la difficulté de fonctionnement et procéder lui-même, après accord des intéressés, aux affectations mentionnées au troisième alinéa. » ;
2° Au dernier alinéa, le mot : « temporaire » est supprimé. – (Adopté.)
Section 3
Simplifier l’adaptation de la carte des implantations judiciaires
Article 17
I. – Le titre II du livre Ier du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Siège et ressort des juridictions
« Art. L. 124-1. – Tous les cinq ans au moins, le siège et le ressort des tribunaux de première instance et de leurs chambres détachées donnent lieu à un examen, au vu des observations présentées par les premiers présidents des cours d’appel dans le ressort desquelles se trouve le siège de ces tribunaux et les procureurs généraux près ces cours ainsi que par les conseils départementaux, afin de déterminer s’il y a lieu de les modifier ou s’il y a lieu de créer ou de supprimer des tribunaux ou des chambres détachées. Il est rendu compte de cet examen dans un rapport public.
« La même procédure est applicable aux tribunaux pour enfants ainsi qu’aux juridictions mentionnées à l’article L. 261-1.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les critères sur la base desquels la création ou la suppression de juridictions et de chambres détachées peut être proposée. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’ensemble du dispositif d’implantation territoriale des juridictions devrait, aux termes de l’article 17, être réévalué tous les cinq ans au moins, à la lumière des conclusions d’un comité permanent d’évaluation de la carte judiciaire.
Nous pensons que cela n’est pas souhaitable. Un tel mécanisme permettrait de gérer l’évolution de la carte judiciaire « de façon plus fluide et locale », est-il affirmé dans l’exposé des motifs, au rebours de la réforme de 2008, « brutale et globale ». Or il n’en est rien, mes chers collègues. Les personnels judiciaires ne peuvent devenir itinérants pour pallier le défaut d’attractivité des professions judiciaires. Le tribunal de première instance, transformé en chambre détachée, ne peut quant à lui être déplacé au gré des desiderata politiques. C’est pourquoi nous sommes opposés à cette idée d’une révision périodique de la carte judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Il apparaît nécessaire que l’organisation des juridictions puisse faire périodiquement l’objet d’un débat.
Notons tout de même que tout cela relève entièrement du pouvoir réglementaire, et non du pouvoir législatif, et que les élus locaux n’ont rien à dire : en 2008, souvenez-vous, ils n’ont pas eu grand-chose à dire, à l’exception de certains d’entre eux…
Il est donc utile, de ce point de vue, de trouver une solution pour que cette question, si elle est abordée, fasse l’objet d’un débat avec les élus locaux. Mon collègue corapporteur et moi-même avons ajouté un avis des conseils départementaux.
La révision quinquennale prévue par cet article apporte une sécurité parce qu’il ne sera pas possible pour le pouvoir réglementaire, quel qu’il soit, de supprimer sans débat préalable des tribunaux ou des chambres détachées.
Le dispositif de l’article 17 est subtil, mais il sera utile pour les élus locaux, croyez-moi ! Si cet amendement n’est pas retiré, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable, monsieur le président.
Le Gouvernement est en effet défavorable à l’article 17, qui prévoit un réexamen quinquennal de la carte judiciaire. Au-delà du fait que je suis évidemment convaincue que la justice a besoin de stabilité, plusieurs raisons s’opposent, selon moi, à cette révision périodique.
Tout d’abord, comme vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur, la détermination des sièges et des ressorts de juridiction relève du pouvoir réglementaire. Ensuite, au-delà du coût financier qu’induirait un tel examen périodique, nous attendons les résultats de la consultation menée dans le cadre des chantiers de la justice. Enfin, une refonte du réseau judiciaire, me semble-t-il, ne peut être envisagée qu’au regard d’un certain nombre de critères très objectifs liés à des évolutions procédurales et à des évolutions numériques ne présentant aucun caractère quinquennal. J’ajoute que prévoir une révision périodique de la carte judiciaire créerait un climat de crainte et de méfiance.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les observations ainsi présentées s’appuient sur des données statistiques établies par chaque juridiction selon une classification unifiée définie par un décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. L’article 17 prévoit une procédure simplifiée pour réviser la carte judiciaire, reposant sur les observations des premiers présidents des cours d’appel et des procureurs généraux des ressorts. Les rapporteurs y ont ajouté la consultation des conseils départementaux.
Afin que ces observations puissent être comparées d’un ressort à un autre, nous avions jugé utile de préciser dans la loi qu’elles reposent sur des données statistiques collectées selon des critères harmonisés. Il existe en effet différentes façons de comptabiliser les dossiers suivis par juridiction, ce qui pourrait biaiser les décisions d’implantation judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Nous ne sommes pas sûrs que cet amendement ajoute quoi que ce soit d’essentiel au dispositif. Est-ce à la loi de dire sur quelle base les observations doivent être formulées, et selon quelle échelle statistique ? Je ne le pense pas.
Mme la garde des sceaux s’est déclarée défavorable à cet article. Je n’en suis pas étonné, puisque son adoption la priverait d’un pouvoir dont elle dispose aujourd’hui !
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable, qui sera sans doute suivi par Mme la garde des sceaux…
Mme Josiane Costes. Nous retirons l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 38 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
Chapitre V
ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D’AIDE JURIDICTIONNELLE
Article 18
L’article 1635 bis Q du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 1635 bis Q. – I. – Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 20 à 50 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.
« II. – La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.
« III. – Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due :
« 1° Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;
« 2° Par l’État ;
« 3° Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;
« 4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;
« 5° Pour les procédures introduites par les salariés devant un conseil de prud’hommes ;
« 6° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;
« 7° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;
« 8° Pour la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil ;
« 9° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 34 du code électoral ;
« 10° (nouveau) Pour les procédures de conciliation mentionnées à l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles déléguées par le juge, en vertu d’une disposition particulière, au conciliateur de justice.
« IV. – Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées.
« V. – Lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.
« Lorsque l’instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.
« Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire.
« VI. – La contribution pour l’aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux.
« VII. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 20 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 34 rectifié est présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Patrick Kanner. L’aide juridictionnelle est un mécanisme auquel nous sommes naturellement toutes et tous attachés et par lequel l’État prend en charge, totalement ou partiellement, les frais de justice des personnes aux revenus modestes. L’idée d’apporter une aide aux indigents remonte au droit romain. Elle a été reprise au Moyen Âge, puis développée sous la Révolution.
C’est notamment à partir de 1851 qu’a été organisée cette assistance judiciaire, selon un principe simple : il ne peut y avoir égalité de droits sans un égal accès de tous au droit. Notre société se judiciarisant, il faut préserver ce droit absolu.
Qu’il n’y ait cependant pas de malentendu : l’article 18, dont nous demandons la suppression, ne remet pas en cause ce droit ; il s’agit simplement de la manière de le financer.
La loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative avait instauré une « contribution pour l’aide juridique » forfaitaire de 35 euros pour tout justiciable introduisant une instance. Ce droit d’ester en justice, acheté sous la forme d’un timbre fiscal, concernait les justices judiciaire, civile, commerciale, prud’homale, sociale, rurale, voire administrative, à l’exception des situations de surendettement, de la saisine du juge des libertés et de la détention ou du juge des enfants, par exemple.
Je rappelle que cette contribution, ce droit d’ester avait été créé pour assurer le financement de la réforme de la garde à vue à laquelle avait été contraint le gouvernement de M. François Fillon. Elle a été supprimée par la loi de finances pour 2014 sur proposition de Mme Taubira, alors garde des sceaux, au motif qu’elle constituait un véritable frein à l’accès au droit. Pour compenser la perte de recettes, une dotation budgétaire avait été créée.
La présente proposition de loi prévoit de rétablir une contribution, cette fois pour financer l’aide juridictionnelle. Son montant s’établirait entre 20 et 50 euros. Certes, la commission a prévu des exemptions plus nombreuses, mais, qu’on le veuille ou non, le principe d’égalité de droits justifie que l’aide juridictionnelle demeure une charge publique.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 20.
Mme Esther Benbassa. L’article 18 de la proposition de loi vise à rétablir la contribution pour l’aide juridique supprimée par la loi de finances du 29 décembre 2013. Elle serait désormais modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d’instance engagée.
Malgré les exemptions prévues pour les litiges prud’homaux et pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, cette mesure nous paraît, encore une fois, participer d’une vision comptable de la justice, dont les « usagers » devraient participer à la couverture du coût de fonctionnement.
L’accès au droit, au juge, cela n’est plus à démontrer, est un problème majeur dans notre pays. Cette taxe constituerait un obstacle supplémentaire pour les plus fragiles de nos concitoyens.
La justice de notre pays est exsangue, le manque de moyens humains et matériels est criant, et ce à tous les niveaux. Mais que nous est-il proposé ici ? De faire porter l’effort sur les plus précaires.
Nous demandons la suppression de cette disposition, comme nous demanderons celle de l’article 19, qui rend obligatoire la consultation d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle.
Investir dans la justice de notre pays ne doit pas se réduire à construire des prisons. Il est urgent de donner aux juges, aux greffiers et à tous les acteurs judiciaires les moyens de mener convenablement leurs missions. Faciliter l’accès au droit pour tous doit être une priorité ; nous nous opposerons toujours avec force aux mesures ayant vocation à entraver cet accès.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l'amendement n° 34 rectifié.
Mme Josiane Costes. Depuis la suppression de la contribution pour l’aide juridique, en 2013, la France est, avec le Luxembourg, le seul pays en Europe à assurer la gratuité d’accès à tous les tribunaux.
Nous considérons que la réintroduction d’une contribution constituerait une régression, à rebours du principe de gratuité de la justice érigé dès la loi des 16 et 24 août 1790.
En outre, cette contribution, dont le produit est affecté au Conseil national des barreaux, instaure un régime de financement des frais de justice excessivement complexe et difficilement compréhensible pour les justiciables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur ces trois amendements, la commission a émis un avis défavorable.
Je vais endosser le costume du « méchant », si tant est qu’il s’agisse vraiment de cela. L’objectif n’est naturellement pas de remettre en cause l’aide juridique, dont le coût net pour l’État est, au titre de l’année 2017, de 370 millions d’euros, et le coût global de l’ordre de 454 millions d’euros.
Nous proposons d’en revenir au dispositif de 2011, en réintroduisant le principe du droit de timbre. Cela permettra de récupérer de l’ordre de 50 millions d’euros pour financer l’aide juridique, destinée à permettre à ceux qui ont le moins de moyens d’ester en justice. Chacun, sur ces travées, invoque régulièrement le besoin d’argent public et la nécessité de trouver un équilibre budgétaire.
Par ailleurs, le texte prévoit de nombreuses exonérations du droit de timbre. Cela concerne évidemment les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, mais également les personnes engageant une procédure devant la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions, le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention ou le juge des tutelles. L’exonération de droit de timbre vaudra aussi pour les personnes en défense pénale, ce qui est parfaitement légitime, ainsi que pour les salariés saisissant les conseils de prud’hommes.
Toutes ces dispositions permettront à ceux qui ont besoin d’ester en justice, mais n’ont pas a priori les moyens de le faire, d’être exonérés de ce droit de timbre. Les autres acquitteront une contribution d’un montant compris entre 20 et 50 euros. Le produit est estimé à 50 millions d’euros : ce n’est pas totalement négligeable ni déséquilibré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression.
La contribution pour l’aide juridique présente des avantages, que vient de préciser M. le rapporteur. D’une part, elle permet d’assurer un financement plus pérenne de l’aide juridictionnelle. D’autre part, cette contribution constitue, d’une certaine manière, un instrument de régulation contre les recours abusifs. Enfin, elle connaît un certain nombre de dérogations qui viennent en atténuer la portée.
Toutefois, nous considérons qu’une telle contribution peut freiner les recours de personnes démunies. C’est la raison pour laquelle la loi de finances pour 2014 l’a supprimée. Le Gouvernement ne souhaite pas la réinstaurer.
En revanche, une mission de deux mois va être confiée à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de la justice, à charge pour elles de réfléchir à une solution pérenne. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées, dont la mise en place d’une assurance juridique. J’aurai l’occasion de revenir devant vous pour en parler.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 20 et 34 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à atténuer l’effet de seuil qui pourrait résulter de la réintroduction de la contribution pour l’aide juridique, dont seraient exemptées les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.
Nous considérons en effet qu’il n’est pas sain de créer un système à deux vitesses, où les uns auraient l’impression de contribuer deux fois au financement de la justice, en tant que contribuables puis en tant que justiciables via le droit de timbre, et les autres bénéficieraient de la solidarité nationale via l’aide juridictionnelle et seraient exemptés de la contribution.
Dans l’hypothèse malheureuse d’un rétablissement de la contribution, il nous paraîtrait plus juste que chacun paie à hauteur de ses moyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Adopter cet amendement reviendrait à soumettre les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle au droit de timbre. Or ils en sont exonérés.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme Josiane Costes. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
Après l’article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18-1. – Toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat. Celui-ci vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
« Cette consultation n’est pas exigée du défendeur à l’action, de la personne civilement responsable, du témoin assisté, de la personne mise en examen, du prévenu, de l’accusé, du condamné et de la personne faisant l’objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« La rétribution due à l’avocat pour cette consultation est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle si le demandeur remplit les conditions pour en bénéficier, à l’exception de celles fixées à l’article 7.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 35 rectifié est présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 19 prévoit que toute demande d’aide juridictionnelle soit précédée de la consultation d’un avocat, lequel vérifiera que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
Cette mesure nous semble porter atteinte au principe d’accessibilité de la justice que vise précisément à défendre cette proposition de loi, en introduisant un obstacle supplémentaire dans le parcours du justiciable qui souhaite saisir la justice mais n’en a pas les moyens.
Par ailleurs, il nous paraît étrange de confier à des avocats, c’est-à-dire à des acteurs privés, une mission qui relève aujourd’hui de l’administration, d’autant que l’alinéa 4 prévoit que « la rétribution due à l’avocat […] est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle ». Par conséquent, une mission exercée gratuitement par l’administration sera demain transférée à l’avocat et prise en charge au travers de l’aide juridictionnelle, ce qui nous semble en totale contradiction avec les articles précédents.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Patrick Kanner. L’article 19 prévoit d’inscrire dans la loi le principe d’une consultation juridique préalable à la demande d’aide juridictionnelle, pour vérifier que l’action envisagée n’est pas manifestement irrecevable. Il s’agirait là d’un frein potentiel à la mise en œuvre de la justice. Cette démarche supplémentaire, dans un parcours qui est déjà long et compliqué pour les personnes les plus démunies, aura pour effet de décourager celles-ci. Je rappelle qu’il ne peut y avoir égalité de droits sans un égal accès de tous au droit, et que l’estimation de la pertinence de l’introduction d’une action doit rester personnelle et subjective.
Nous souhaitons nous aussi la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l'amendement n° 35 rectifié.
Mme Josiane Costes. Je fais miens les argumentaires développés par mes collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Afin que l’on sache bien de quoi nous parlons, permettez-moi de vous redonner lecture de l’article 19 :
« Après l’article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18-1. - Toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat. Celui-ci vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
« Cette consultation n’est pas exigée du défendeur à l’action, de la personne civilement responsable, du témoin assisté, de la personne mise en examen, du prévenu, de l’accusé, du condamné et de la personne faisant l’objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« La rétribution due à l’avocat pour cette consultation est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle si le demandeur remplit les conditions pour en bénéficier, à l’exception de celles fixées à l’article 7.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
L’objectif est de passer, en matière d’aide juridictionnelle, d’une logique quantitative à une logique qualitative, en évitant des recours ou des procédures manifestement irrecevables ou non fondés. Depuis le début de l’après-midi, nous nous plaignons de l’encombrement des tribunaux, du manque de moyens de la justice judiciaire et de la longueur des procédures.
Je ne dis pas que ce dispositif permettra de tout résoudre, mais les avocats, qui, bien qu’exerçant une profession libérale, sont d’un point de vue statutaire des auxiliaires de justice – c’est la réalité, même s’ils n’aiment pas l’entendre –, joueront un rôle de filtre. De surcroît, l’intervention de l’avocat ne sera pas à la charge du demandeur si celui-ci remplit les conditions requises pour bénéficier de l’aide juridictionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements. Nous considérons que la mission confiée aux inspections que j’ai évoquée tout à l’heure va nous permettre de développer une solution de financement pérenne, qui n’inclura pas la nécessité d’un recours à l’avocat préalablement au dépôt de la demande d’aide juridictionnelle. Il peut y avoir, me semble-t-il, d’autres manières de traiter intelligemment cette question.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 16 et 35 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
L’article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « peut recueillir » sont remplacés par le mot : « recueille » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À cet effet, il consulte les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales. Ceux-ci sont tenus de lui communiquer, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. » – (Adopté.)
Article 21
(Supprimé)
Article 22
Au premier alinéa de l’article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, le mot : « étrangères » est remplacé par le mot : « relatives ». – (Adopté.)
Chapitre VI
REDRESSER LA JUSTICE PÉNALE
Section 1
Adapter et simplifier la procédure d’appel et de cassation en matière pénale.
Articles additionnels avant l'article 23
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’avant dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 135-2, les mots : « avec l’accord de la personne et » sont supprimés ;
2° L’article 706-71 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « et de l’ensemble des parties » sont supprimés ;
b) La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 706-71 du code de procédure pénale fixe les modalités d’utilisation des moyens de télécommunications au cours d’une procédure judiciaire.
L’utilisation de la visioconférence est possible dans de nombreux cas, mais, pour certains d’entre eux, il convient d’obtenir l’accord de l’ensemble des parties ou du détenu.
Un détenu peut donc aujourd’hui s’opposer à l’utilisation de cette modalité technique, par exemple pour sa comparution devant le tribunal correctionnel ou pour une audience au cours de laquelle il doit être statué sur son placement en détention provisoire ou la prolongation de sa détention provisoire.
Sans remettre en cause le droit d’accès au juge, il est proposé de pouvoir recourir à la visioconférence dans l’ensemble des cas prévus aujourd'hui par la loi sans qu’un détenu puisse s’y opposer. Je tiens à rassurer la commission des lois : je ne propose aucune modification des cas prévus par la loi, notamment en matière pénale.
Cette simplification permettrait de répondre en partie aux nombreux dysfonctionnements constatés en matière d’extractions judiciaires depuis l’extension de leur prise en charge par l’administration pénitentiaire.
La correction de la réforme des extractions judiciaires figure en annexe à la proposition de loi. Il s’agit là, madame la garde des sceaux, d’un véritable fiasco. Dans certaines juridictions, plus de 50 % des extractions judiciaires ne sont pas exécutées, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner pour la suite de la procédure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. En matière pénale, de surcroît en matière de comparution personnelle devant le tribunal correctionnel, ne pas comparaître ou le faire par voie de visioconférence nécessite impérativement l’accord de la personne concernée. Si cet amendement était adopté, son accord ne serait plus nécessaire, ce qui constituerait, en matière pénale, une atteinte réelle à un droit absolu de toute personne mise en examen ou devant être jugée par le tribunal correctionnel ou toute autre juridiction à caractère pénal.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est certain que l’extension du recours à la visioconférence constituera un atout puissant, que nous devons développer. De ce point de vue, il importe que nous puissions disposer de matériels fonctionnant très correctement. Cela incitera les personnes concernées à donner leur accord.
Toutefois, prévoir une extension assez large du recours à la visioconférence sans accord des intéressés pourrait poser des problèmes de constitutionnalité ou de conventionalité.
C’est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 3332-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de transfert prévu à l’article L. 3332-11, il en transmet copie intégrale uniquement au représentant de l’État dans le département. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Le « livre noir » du ministère public de juin 2017, que j’ai lu très attentivement, dénonce la lourdeur de la charge de travail, notamment de celle des missions non assumées.
En effet, on ne trouve aujourd’hui aucun domaine touchant de près ou de loin la justice dans lequel un rôle ne soit réservé au ministère public. Pour certaines attributions, c’est un simple avis qui est demandé au parquet, mais, parfois, c’est également l’instruction complète du dossier et son suivi, alors qu’à l’évidence une autre autorité serait mieux placée pour y procéder.
Le « livre noir » dresse ainsi une liste des attributions pour lesquelles l’intervention du parquet est dépourvue de sens réel et qu’il conviendrait donc d’assouplir.
Si un grand nombre d’allégements nécessitent des modifications réglementaires, il est proposé d’enclencher une dynamique de réduction de la charge de travail en supprimant symboliquement l’avis du parquet en matière notamment de transferts de licence de débit de boissons – on en compte des centaines chaque année dans nos départements, en particulier à l’occasion des fêtes votives, et le parquet ne peut naturellement pas faire face –, car dans ce cas il n’y a pas changement de propriétaire ou de gérant et c’est aujourd’hui le maire qui en définit les conditions. Prévoir un simple avis du maire permettrait de gagner du temps et de sécuriser les choses.
Au-delà de la question des moyens financiers et humains nécessaires au redressement de la justice, il convient également de s’attaquer à l’allégement des charges inutiles. À mon sens, le Gouvernement ne peut qu’accepter cet amendement de bon sens ! (Mme la garde des sceaux sourit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement met en évidence une réelle difficulté. Il est en effet urgent de décharger le ministère public de certaines missions. Néanmoins, il convient encore de déterminer l’autorité de substitution : qui interviendra à la place du ministère public ? Le préfet ? Le maire ?
De surcroît, une réponse globale couvrant tout le dispositif de participation du parquet est nécessaire. Une commission pourrait se pencher sur cette question dans la perspective de la préparation du projet de loi de réforme de la procédure pénale. Cela permettrait de traiter le sujet de manière approfondie en vue d’apporter une solution pérenne. À ce stade, nous ne sommes pas en mesure de le faire. C’est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Grand, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. La réponse de M. le rapporteur témoigne d’une ouverture à la réflexion ; je souhaiterais être associée à celle-ci. Dans cette attente, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié est retiré.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport évaluant l’opportunité d’instaurer constitutionnellement la fonction de procureur général de la Nation.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Il s’agit là d’un amendement d’appel, qui ne vise nullement à vous mettre au chômage, madame le garde des sceaux…
Dans le cadre des réformes constitutionnelles voulues par le Président de la République, il convient de ne pas oublier la justice. L’instauration de la fonction de procureur général de la Nation permettrait de garantir une véritable indépendance de la justice en régulant les liens entre le pouvoir politique et le parquet. Madame le garde des sceaux, vous êtes consciente, comme nous tous ici, que, quelle que soit la décision rendue, l’existence de ces liens suscite la suspicion des citoyens.
Si la loi du 25 juillet 2013 relative aux instructions individuelles a constitué une avancée, le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui a été débattu au Parlement se trouve suspendu depuis juillet 2013.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité d’instaurer constitutionnellement la fonction de procureur général de la Nation afin de garantir véritablement l’indépendance de la justice. Madame le garde des sceaux, depuis l’affaire Clearstream, je suis très attaché à la mise en œuvre d’une telle réforme constitutionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Par principe, la commission des lois n’est pas très favorable à la multiplication des rapports.
Sur le fond, nous disposons de tous les éléments permettant d’apprécier l’opportunité de cette proposition. Notre regretté collègue Pierre Fauchon portait également cette idée, mais elle n’a jamais prospéré à ce jour.
Il sera intéressant d’entendre l’avis du Gouvernement sur ce sujet, mais il n’est nullement besoin d’un rapport supplémentaire pour prendre une décision. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Grand, la question que vous soulevez devra être débattue lors de la révision constitutionnelle. Je voudrais vous rassurer sur ce point : la justice ne sera pas oubliée dans le cadre de cette révision. Le Président de la République l’a annoncé lors de son discours devant le Congrès au mois de juillet dernier. Un pan de la révision constitutionnelle sera consacré à la justice, sans doute sous plusieurs aspects – nous aurons l’occasion d’y revenir. Au sein de cette réflexion, un chapitre concernera le statut du parquet. Nous aurons alors la possibilité d’évoquer la création de ce procureur de la Nation que vous appelez de vos vœux.
Je dois cependant rappeler que nous nous inscrivons a priori pleinement, bien qu’un dialogue doive encore être noué avec l’ensemble des personnes intéressées à cette révision constitutionnelle, dans le cadre de l’article 20 de la Constitution, selon lequel « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Il va de soi que, dans ce cadre, la politique pénale et les politiques publiques portées par les procureurs constituent un levier puissant. C’est la raison pour laquelle je ne sais pas si l’idée que vous évoquez, qui mérite d’être discutée, pourra prospérer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Dans mon esprit, il n’a bien entendu jamais été question que le Gouvernement cesse de déterminer la politique pénale, mais aujourd’hui les magistrats sont nommés par le Président de la République. Pour l’opinion publique, cela change tout, même si cela n’a aucune incidence dans les faits ! Par ailleurs, trop d’affaires, anciennes ou récentes, troublent nos concitoyens, quelle que soit la décision de la justice souveraine.
Par conséquent, on ne peut pas faire l’économie de cette réflexion. La réforme constitutionnelle ne saurait se limiter à rabougrir le Parlement ! Sa portée doit être beaucoup plus ample : il convient de montrer aux Français que nous avons compris leurs inquiétudes et leurs doutes. Nos compatriotes ne croient plus en la justice. Si demain le Gouvernement se borne à fixer la politique pénale, ce sera une belle avancée. Si demain les parlementaires désignent à la majorité des trois cinquièmes un procureur général de la Nation qui aura les mains libres, les Français comprendront que l’on ne revivra pas l’affaire Clearstream ! L’occasion est historique !
Dans cette attente, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Articles 23 et 24
(Supprimés)
Article 25
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre IX du titre Ier du livre II est complétée par un article 380-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 380-8-1. – L’affaire est dévolue à la cour d’appel statuant en appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article 380-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La déclaration peut indiquer que l’appel est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application. » ;
3° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 380-13, les mots : « le troisième » sont remplacés par les mots : « l’avant-dernier ».
II (nouveau). – À la dernière phrase du deuxième alinéa du VII de l’article 48 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, à la dernière phrase du deuxième alinéa du VII de l’article 50 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et à la dernière phrase du second alinéa de l’article L. 555-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la référence : « le troisième alinéa de l’article 380-12 » est remplacée par la référence : « l’avant-dernier alinéa de l’article 380-12 ». – (Adopté.)
Article 26
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le ministère d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur en cassation et les autres parties, sauf pour la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577.
« Cet avocat est choisi par le demandeur en cassation ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. La désignation intervient dans un délai maximal de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2. » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;
3° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;
4° L’article 585-1 est ainsi rédigé :
« Art. 585-1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur en cassation doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;
5° Après le mot : « attaquée », la fin de la première phrase de l’article 586 est ainsi rédigée : « et une expédition de l’acte de pourvoi. » ;
6° Au début de l’article 588, les mots : « Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, » sont supprimés ;
7° L’article 590-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et n’a pas déposé son mémoire dans le délai prévu à l’article 584 » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « n’ayant pas constitué avocat » sont supprimés et les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
8° L’article 858 est abrogé.
II. – Le second alinéa de l’article 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Au-delà d’un délai de dix jours après la déclaration de pourvoi, la partie civile pourra transmettre son mémoire directement au greffe de la Cour de cassation sans le ministère d’un avocat à la Cour de cassation. Le mémoire devra être accompagné d’autant de copies qu’il y a de parties en cause. »
III. – L’article 49 de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicable le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d’outre-mer est abrogé. – (Adopté.)
Section 2
Redonner du sens à la peine d’emprisonnement
Article 27
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Aux premier et avant-dernier alinéas des articles 132-25 et 132-26-1, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » et les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois » ;
2° À l’article 132-27, les mots : « de deux ans » sont remplacés par les mots : « d’un an » et les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois » ;
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 474 est ainsi rédigé :
« Art. 474. – Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à un an d’emprisonnement ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à six mois, elle peut décider, au regard de la personnalité, de la situation matérielle, familiale, médicale ou sociale du condamné, de le convoquer devant le juge de l’application des peines, dans un délai qui ne saurait excéder trente jours, en vue de déterminer les modalités d’exécution de la peine.
« En cas de condamnation d’une personne non incarcérée à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve, à une peine d’emprisonnement avec sursis assortie de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ou à une peine de travail d’intérêt général, la personne condamnée est convoquée à comparaître devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation, dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours, en vue de déterminer les modalités d’exécution de la peine.
« Si la personne est présente à l’audience, l’avis de convocation à comparaître lui est remis à l’issue de l’audience. » ;
2° L’article 723-15 est ainsi rédigé :
« Art. 723-15. – En application de l’article 474, préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public informe le juge de l’application des peines de cette ou de ces décisions en lui adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l’intéressé. » ;
3° À la première phrase de l’article 723-15-1, après le mot : « convocation, » sont insérés les mots : « mentionnée à l’article 474 » ;
4° À la première phrase de l’article 723-17 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 723-17-1, les mots : « mentionnée à l’article 723-15 » sont remplacés par les mots : « à une peine égale ou inférieure à un an d’emprisonnement, ou pour laquelle la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à un an, ou en cas de cumul de condamnations concernant la même personne si le total des peines prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à un an » ;
5° À la fin du premier alinéa de l’article 747-2, les mots : « ou de l’article 723-15 » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 37 rectifié est présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 9.
Mme Esther Benbassa. Dans l’état actuel du droit, les condamnations à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans, ou à un an si le condamné est en récidive légale, ne peuvent être exécutées sans le préalable obligatoire d’un examen de la situation du prévenu par le juge de l’application des peines, chargé de définir les modalités d’exécution de la peine.
Considérant que ce dispositif a « dénaturé le sens de la peine d’emprisonnement », les auteurs de la proposition de loi en demandent, au travers de l’article 27, la suppression.
J’ai eu l’occasion de le dire, les membres du groupe CRCE ont échangé avec des représentants de syndicats de magistrats et d’avocats sur les dispositions de la proposition de loi. Au nombre des mesures qui font l’unanimité contre elles, on trouve, en bonne place, celles du présent article 27.
Ces différents acteurs ont évoqué la nécessité d’établir un véritable bilan de l’application de la loi de 2009, qui est à l’origine de ce dispositif. Tous ont dit l’urgence de renforcer les moyens des juges de l’application des peines, certains ont regretté ce qu’ils considèrent comme une régression dans l’évolution du droit de la peine.
Nous partageons leurs préoccupations, leurs revendications et demandons, en conséquence, la suppression de ces dispositions.
Contrairement à vous, monsieur le président Bas, nous ne considérons pas que la seule peine qui vaille soit l’incarcération effective. Bien au contraire, l’emprisonnement, la désinsertion, la surpopulation carcérale sont autant de facteurs de récidive. Or la peine doit permettre au condamné de reprendre, à l’issue de celle-ci, toute sa place dans notre société. C’est pour cela qu’elle doit être le plus individualisée possible et qu’il faut donner aux juges les moyens pour ce faire.
Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler que, notre pays étant loin de garantir la dignité de ses détenus, adopter des mesures qui auront pour conséquence une aggravation de la surpopulation carcérale serait pour le moins irresponsable.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Patrick Kanner. L’article 27 de cette proposition de loi supprime la saisine obligatoire du juge de l’application des peines préalablement à toute mise à exécution pour les condamnations à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans ou à un an pour les personnes en état de récidive légale. Cet article va même plus loin : il abaisse le seuil de la peine pouvant être aménagée ab initio de deux ans à un an, et d’un an à six mois pour les condamnations en récidive.
Il s’agit là de la remise en cause d’une mesure conçue et défendue par Rachida Dati à l’époque où elle était garde des sceaux et que nous avions confortée par la loi du 15 août 2014, en faisant en sorte que le droit puisse être appliqué dans de bonnes conditions.
En l’absence d’aménagement ab initio par la juridiction, la peine de prison sera mise à exécution sans que la situation personnelle du condamné soit examinée de manière approfondie.
Or de nombreuses études montrent que les aménagements de peine contribuent à une réinsertion plus efficace des personnes condamnées, grâce à l’accompagnement social et au contrôle inhérent à la mise en œuvre de ces mesures, que les sorties dites « sèches », ce qui avait conduit Mme Dati et son prédécesseur, M. Clément, à donner une nouvelle impulsion à ce type de mesures.
Par ailleurs – Mme Benbassa l’a rappelé il y a un instant –, les dispositions du présent article ne manqueront pas d’aggraver significativement une surpopulation carcérale déjà trop importante : au 1er août dernier, la France comptait 80 460 détenus, pour 58 561 places en service. Certes, les auteurs de ce texte proposent d’étendre le parc pénitentiaire. Mais, entre le moment où la construction d’un établissement pénitentiaire est décidée et celui où il est mis en service, il peut parfois s’écouler jusqu’à dix ans. Pendant ce temps, comment allons-nous gérer l’augmentation de la population carcérale ?
Enfin, comme les rapporteurs – sur ce point, j’approuve leurs conclusions –, je regrette que les juridictions de jugement ne s’intéressent qu’insuffisamment à l’exécution effective des peines qu’elles prononcent, alors même que leur rôle ne se limite pas à la déclaration de culpabilité : il doit inclure la détermination de la peine la mieux adaptée, notamment pour prévenir la récidive.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables au dispositif proposé via l’article 27, dont nous demandons la suppression.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l'amendement n° 37 rectifié.
Mme Josiane Costes. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mme Benbassa m’a attribué un point de vue qui n’est pas le mien, en disant que je serais systématiquement partisan des condamnations à des peines de prison.
Mme Esther Benbassa. C’est ce qui ressort de ce texte !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis, au contraire, partisan de la diversification des peines et de leur adaptation, à la fois à la gravité des délits et des crimes commis et à la personnalité des coupables.
J’observe que, au cours des cinq dernières années, le développement des peines alternatives à la prison, en particulier le port du bracelet électronique, a subi un véritable coup d’arrêt : c’est un fait constaté. Il faudra s’interroger sur les raisons de cette situation.
En ce qui me concerne, madame Benbassa, je ne suis pas partisan de la peine de prison systématique. J’ai conscience, comme vous et comme toutes les personnes de bonne foi, que la prison n’est pas forcément la meilleure solution pour protéger la société contre les risques de récidive.
En revanche, j’estime que, quand une peine de prison ferme a été prononcée, elle doit être exécutée.
M. Yves Détraigne. Voilà !
Mme Catherine Troendlé. C’est cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il appartient au juge de prendre ses responsabilités. Quand une peine de prison d’une durée de moins de deux ans est prononcée et qu’elle ne donne pas lieu à une incarcération, c’est incompréhensible pour la victime, bien sûr, mais aussi pour le public, et même pour le condamné (M. Yves Détraigne acquiesce.) qui continue à mener sa vie librement en dehors de la prison jusqu’à ce que le juge de l’application des peines le convoque.
C’est à cette anomalie qu’il nous faut porter remède ! Nombreux sont ceux qui se sont indignés de la situation de la France à cet égard : aujourd’hui, dans notre pays, une centaine de milliers de personnes ayant été condamnées à des peines de prison ferme seraient en attente d’une décision du juge de l’application des peines. Ce n’est pas normal ! Le Président de la République lui-même, dans son projet présidentiel, a fait de cette question un point central de son programme pour la justice, et il n’est pas le seul à s’être prononcé sur ce sujet.
Ma chère collègue, l’article dont vous demandez la suppression ne vise pas à ce que l’on prononce systématiquement des peines de prison : il vise à ce que les peines de prison prononcées soient exécutées. Ce n’est pas la même chose !
M. Philippe Mouiller. Très bien !
M. Antoine Lefèvre. Merci de la précision !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, qui visent, comme cela a été souligné, à rétablir un texte adopté sur l’initiative de Mme Dati à l’époque où elle était garde des sceaux et tendant à réguler un problème permanent, celui de la surpopulation carcérale.
Certains des juges de l’application des peines que nous avons auditionnés nous ont dit avoir le sentiment que les juges de correctionnelle se déchargeaient sur eux de leur travail et qu’ils devenaient des juges du prononcé de la peine, ce qui crée une confusion.
Certains s’étonnent parfois qu’une peine de prison ayant été prononcée ne soit pas exécutée. Or la loi le permet tout à fait.
L’idée qui sous-tend l’article 27, c’est que le juge en correctionnelle, qu’il s’agisse d’un juge unique ou d’une formation collégiale, doit pouvoir prononcer une peine en toute connaissance de cause. C’est dans cet esprit que j’ai accepté d’être corapporteur de ce texte.
Nous constatons dans notre rapport que l’on ne recourt plus à l’ajournement, qui consiste en ce que le tribunal prononce la culpabilité et renvoie à plus tard le prononcé de la peine. Entre-temps, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, peut enquêter et donner des éléments au juge pour lui permettre de prononcer la peine la plus adaptée.
Nous le savons tous, les courtes peines d’emprisonnement ne sont pas une solution. Elles conduisent à un encombrement de nos maisons d’arrêt et, souvent, à la récidive. Tout cela ne contribue pas à renforcer l’efficacité de la justice.
À cet égard, je crois que nous sommes tous d’accord pour considérer qu’il faut que la sanction soit efficace. Nos concitoyens pensent trop souvent que la prison est le moyen d’écarter définitivement quelqu’un de la vie publique, ce qui est faux. Il faut trouver le juste équilibre.
À titre personnel, je suis assez d’avis que si l’article 27, tel qu’il est rédigé, devait entrer en vigueur aujourd’hui, cela entraînerait immanquablement une aggravation de la surpopulation carcérale, faute de moyens suffisants alloués aux tribunaux. Cela étant, la navette parlementaire prendra du temps… Certes, elle est en marche, mais pour combien de temps ?
En revanche, si la programmation financière suit, si les SPIP bénéficient de moyens suffisants, si l’on recrute davantage de juges, il sera possible d’appliquer ce dispositif. Sinon, il faudra revenir à ce qui se pratiquait avant la loi de 2009 : la grâce présidentielle du 14 juillet permettait de réguler la population carcérale en libérant des détenus condamnés à de courtes peines. Nous ne voulons pas en revenir à cette méthode, objectivement tout à fait anormale, et nous devons donc trouver un meilleur système.
Profitons de l’examen de cet article 27 pour avoir un débat. J’ajoute que, selon moi, le dispositif de l’article suivant, relatif au suivi socio-éducatif, est trop lourd. Non seulement il ne pourra pas être mis en œuvre, mais il ne sera pas nécessaire si le prononcé initial de la peine est pertinent et efficace. Le juge de l’application des peines ne sera pas privé de son rôle, car il aura à suivre ou le sursis avec mise à l’épreuve, ou la contrainte pénale, si elle peut être mise en œuvre, ou l’un des autres dispositifs en vigueur.
Nous avons donc encore du chemin à parcourir. Je ne prendrai pas part au vote sur cet amendement, ne voulant me fâcher ni avec mes amis du groupe socialiste et républicain ni avec mon corapporteur (Sourires.),…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jacques Bigot, corapporteur. … mais, tout en exprimant l’avis de la commission, je tenais à formuler ma conviction sur ce point : nous devons évoluer, car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. En tout état de cause, le rôle de celui qui prononce la sanction est fondamental !
M. le président. Monsieur le corapporteur, je n’ai pas voulu vous interrompre, mais, à cette heure avancée, il importe de respecter les temps de parole. (Mme Catherine Troendlé approuve.) Si cela se reproduit, je serai contraint de vous couper la parole.
M. Jacques Bigot, corapporteur. Merci de votre indulgence, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le corapporteur, j’ai été très sensible à vos explications et je suis sur une longueur d’onde très proche de la vôtre. J’ai beaucoup hésité au sujet de ces amendements. Après avoir d’abord envisagé de donner un avis favorable, je m’en remettrai finalement à la sagesse du Sénat.
L’emprisonnement est trop souvent considéré comme la seule peine de référence et la diversification des peines n’est sans doute pas assez pratiquée. Le délai séparant le prononcé de la peine de sa mise à exécution est absolument insupportable pour le condamné, pour la société et pour les juges. Tout cela doit donc évoluer.
C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des chantiers de la justice et, plus particulièrement, des travaux relatifs au sens et à l’efficacité de la peine, j’ai invité à la conduite d’une réflexion sur, entre autres thèmes, le renforcement du rôle du tribunal correctionnel dans l’exécution des peines qu’il prononce, y compris dans la fixation de ses modalités, notamment pour les courtes peines d’emprisonnement – l’idée sous-jacente, c’est que le tribunal doit être responsable de la peine qu’il prononce – et sur la mise à exécution rapide des peines prononcées, y compris les peines d’emprisonnement.
Les dispositions adoptées par la commission à l’article 27 sont bien entendu extrêmement intéressantes. Toutefois, comme M. le corapporteur l’a très bien dit, elles soulèvent un certain nombre de difficultés. En tout cas, elles impliquent un certain nombre de préalables auxquels nous devons réfléchir.
En particulier, si l’examen préalable de la situation du condamné libre par le juge de l’application des peines devait ne plus être automatique, ce serait à la condition que les possibilités offertes au tribunal au moment où il prononce sa sentence et où il peut fixer lui-même un aménagement de peine ab initio soient très fortement améliorées. Dans certaines circonstances, la situation actuelle n’est pas satisfaisante.
C’est pourquoi une réflexion globale et approfondie me semble nécessaire. C’est un travail que j’ai engagé et dont, je l’espère, les résultats nous permettront d’atteindre le but fixé par les auteurs du présent texte.
Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 17 et 37 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
Article 27 bis (nouveau)
L’article 709-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport annuel comprend également une présentation de la politique pénale et d’aménagement des peines du ministère public, une présentation de la jurisprudence du tribunal de grande instance en matière de peines privatives de liberté, ainsi qu’une synthèse des actions et conclusions de la commission de l’exécution et de l’application des peines du tribunal. » ;
2° À la seconde phrase, après le mot : « public », sont insérés les mots : « et transmis au Parlement ».
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
seconde
par le mot :
dernière
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 bis, modifié.
(L'article 27 bis est adopté.)
Article 28
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 131-36-1 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « En matière criminelle ou correctionnelle, la juridiction de jugement … (le reste sans changement). » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d’assistance, prévues à l’article 132-44 et à l’article 132-45, destinées à prévenir la récidive et à assurer sa réinsertion sociale.
« La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour un délit, dix ans pour un délit commis en récidive ou mentionné à l’article 706-47 du code de procédure pénale ou vingt ans en cas de condamnation pour crime. Toutefois, en matière correctionnelle, cette durée peut être portée à vingt ans par décision spécialement motivée de la juridiction de jugement ; lorsqu’il s’agit d’un crime puni de trente ans de réclusion criminelle, cette durée est de trente ans ; lorsqu’il s’agit d’un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité, la cour d’assises peut décider que le suivi socio-judiciaire s’appliquera sans limitation de durée, sous réserve de la possibilité pour le tribunal de l’application des peines de mettre fin à la mesure à l’issue d’un délai de trente ans, selon les modalités prévues à l’article 712-7 du même code. » ;
c) À la dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « juge de l’application des peines » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné » ;
2° Les articles 131-36-2 et 131-36-3 sont abrogés ;
3° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 131-36-4 et au second alinéa de l’article 131-36-12, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
4° Les articles 221-9-1, 221-15, 222-65, 224-10, 227-31 et 421-8 sont abrogés ;
5° L’article 222-48-1 est ainsi rédigé :
« Art. 222-48-1. – En cas de condamnation pour une infraction définie aux articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-14 et 222-18-3 commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, le suivi socio-judiciaire est obligatoire en matière correctionnelle lorsqu’il s’agit de violences habituelles, sauf en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve ou si le tribunal correctionnel considère, par décision spécialement motivée, qu’il n’y a pas lieu de prononcer cette mesure ; en matière criminelle, la cour d’assises délibère de façon spécifique sur le prononcé d’un suivi socio-judiciaire. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 763-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les références : « aux articles 131-36-2 et 131-36-3 » sont remplacées par la référence : « au deuxième alinéa de l’article 131-36-1 » ;
b) À la troisième phrase du troisième alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
2° La première phrase du premier alinéa de l’article 763-5 est ainsi rédigée : « En cas d’inobservation des obligations mentionnées à l’article 131-36-1 du code pénal ou de l’injonction de soins, le juge de l’application des peines saisit, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction en application du quatrième alinéa de l’article 131-36-1 du code pénal. » ;
3° Au quatrième alinéa de l’article 763-10, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Le suivi socio-judiciaire a été instauré pour prévenir la récidive et pour seconder les efforts de réinsertion sociale par des injonctions de soins ou des mesures d’assistance. C’est une peine complémentaire qui, à ce stade, ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi d’atteintes à la vie, de disparition forcée, de trafic d’armes, de corruption de mineur, de terrorisme, etc. Il s’agit là de faits extrêmement graves et très précisément définis par la loi.
L’article 28 de la proposition de loi vise à faire du suivi socio-judiciaire une peine complémentaire de portée générale susceptible d’être prononcée pour tous les délits et les crimes, afin de soumettre tous les condamnés, une fois leur peine d’emprisonnement purgée, à des obligations particulières pendant une certaine durée.
Cette disposition nous paraît inutile, dans la mesure où un accompagnement est toujours possible dans le cadre d’un aménagement de peine, et fait même selon nous perdre tout son sens au suivi socio-judiciaire tel qu’il avait été imaginé à l’origine : ce dispositif doit être réservé aux infractions les plus graves.
Nous sommes défavorables à la banalisation du suivi socio-judiciaire. En conséquence, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. Pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 28
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Kerrouche, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 28,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. - Après le chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire
« Section 1
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire et des conditions de sa mise en place
« Art. 712-1 A. – Aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire au-delà du nombre de places disponibles.
« Pour permettre l’incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en œuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu au premier alinéa. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en œuvre de ce mécanisme.
« Section 2
« De la mise en œuvre du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire par l’administration pénitentiaire et par le juge de l’application des peines
« Art. 712-1 B. – Lorsque l’admission d’un détenu oblige à utiliser l’une de ces places réservées, la direction doit :
« – soit mettre en œuvre une procédure d’aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans. Cet aménagement de peine peut prendre la forme d’un placement extérieur, d’une semi-liberté, d’une suspension de peine, d’un fractionnement de peine, d’un placement sous surveillance électronique, ou d’une libération conditionnelle ;
« – soit mettre en œuvre la libération sous contrainte prévue à l’article 720 lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir.
« Le service d’insertion et de probation prépare sans délai cette mesure.
« Art. 712-1 C. – La décision d’aménagement de peine ou de libération sous contrainte doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la date d’écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en œuvre sans délai.
« Art. 712-1 D. – À défaut de décision dans le délai de deux mois, le détenu le plus proche de la fin de peine dans l’établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans bénéficie d’un crédit de réduction de peine égal à la durée de l’incarcération qu’il lui reste à subir.
« Art. 712-1 E. – En cas d’égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine prévu à l’article 712-1 D est octroyé, en prenant en compte les critères et l’ordre des critères suivants, à :
« – la personne détenue qui n’a pas fait l’objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;
« – la personne détenue qui a été condamnée à la peine la plus courte.
« Art. 712-1 F. – La décision d’octroi du crédit de peine doit intervenir dans les huit jours à l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 712-1 D. »
II. - Le I entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous déplorons tous la surpopulation carcérale, au regard tant des droits humains que de la prévention de la récidive. Pour autant, les réponses à ce problème ne peuvent pas être univoques. Le Président de la République s’est engagé à construire 10 000 places de prison. Le précédent gouvernement, par la voix de Jean-Jacques Urvoas, avait annoncé une mesure analogue. Mais, nous le savons, il faudra dix ans environ avant que de nouvelles prisons ouvrent leurs portes. De plus, augmenter le nombre de places de prison ne suffira pas : il faut aussi développer les peines alternatives à la détention et le recours au régime de semi-liberté.
Au travers de cet amendement, nous proposons une autre solution complémentaire, dont la paternité revient à notre ancien collègue député et président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Dominique Raimbourg. Il s’agit d’un dispositif de prévention de la surpopulation carcérale assez simple, consistant à identifier les détenus en fin de peine en vue de les accompagner lors de leur sortie de détention via des mesures de suivi, voire de coercition en milieu ouvert.
Mes chers collègues, plusieurs d’entre nous ont regretté l’absence d’adéquation entre les condamnations à une peine d’emprisonnement et le nombre de places de prison disponibles. La mise en œuvre d’un tel dispositif permettra d’assurer cette adéquation. Au mois de mars dernier, la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte écrivait aux magistrats de son ressort pour les informer qu’elle n’accepterait plus de nouveaux détenus, le taux d’occupation de son établissement atteignant 200 %. Il faut donc mettre en œuvre des mécanismes d’adéquation entre les condamnations à une peine d’emprisonnement et les capacités de détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La problématique soulevée est bien réelle. La surpopulation carcérale se manifeste davantage dans les maisons d’arrêt, où sont exécutées les courtes peines, que dans les centres de détention. Les juges de l’application des peines y sont fréquemment confrontés, de même que les directeurs ou directrices d’établissement pénitentiaire. Certains trouvent d’ailleurs des solutions de compromis analogues au dispositif présenté, sans en faire expressément état.
Ma chère collègue, la commission, après en avoir débattu ce matin, juge votre proposition tout à fait intéressante. Elle mérite incontestablement d’être examinée, mais nous ne pouvons lui consacrer un long débat à cette heure avancée et nous ne disposons pas d’une étude d’impact. Je vous suggère donc de considérer cet amendement comme un amendement d’appel.
Il s’agit là, madame la garde des sceaux, d’un des chantiers que vous devriez engager assez rapidement : il faut trouver une solution, et la proposition de notre collègue constitue effectivement une piste. Cependant, un tel dispositif pose des problèmes juridiques : s’agit-il d’une compétence administrative ou judiciaire ? À titre personnel, je pense que cette formule est sans doute l’une de celles qu’il faudra envisager, après avoir procédé à une étude juridique plus approfondie. C’est aussi dans cette perspective que nous avons prévu par amendement la remise d’un rapport du président et du procureur de chaque juridiction sur la situation dans les maisons d’arrêt de leur ressort. En effet, nous avons constaté que très peu de magistrats se rendent dans celles-ci.
La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cette proposition intéressante. En l’état, elle ne s’estime pas en mesure d’émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je suis très attentive à votre proposition. Toutefois, je ne crois pas que l’on puisse la retenir en l’état. Juridiquement, un problème d’individualisation de la peine au regard de la situation précise du détenu se pose. En outre, j’observe un risque de rupture d’égalité de traitement : il semble assez difficilement envisageable que la situation d’une personne en détention évolue différemment selon que l’établissement où elle est incarcérée est ou non surpeuplé.
Enfin et surtout, il est exact que les magistrats ne connaissent pas tous très bien la situation des établissements pénitentiaires dans lesquels les condamnés vont effectuer leur peine. Pour autant, je ne pense pas qu’instaurer une sorte de numerus clausus à l’envers soit pertinent. Selon moi, la solution réside davantage dans une amélioration de la connaissance par les magistrats de la situation des lieux de détention et, surtout, dans la création de conditions de prise de décision les mettant mieux à même de prononcer des peines adaptées aux personnes jugées. Il s’agit là, à mes yeux, d’une dimension essentielle. Cela nous ramène à la discussion que nous avons eue sur l’amendement précédent.
En conclusion, je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Madame de la Gontrie, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 370 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à supprimer l’article 370 de la loi du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, afin de mettre un terme à une discrimination légale qui subsiste depuis plus de vingt-cinq ans.
L’article en question a maintenu l’interdiction des droits civiques résultant d’une condamnation pénale prononcée en dernier ressort avant le 1er mars 1994. Il en découle que les effets des incapacités de plein droit antérieures au 1er mars 1994 peuvent se poursuivre encore aujourd’hui.
Permettez-moi, mes chers collègues, de prendre un exemple concret pour illustrer mon propos.
Quelque temps avant l’élection présidentielle de 2012, M. Delvigne sollicite son inscription sur les listes électorales de sa commune. Cela lui est refusé au motif qu’il a été condamné en 1988 à douze années de réclusion. Plus de vingt ans après les faits, alors qu’il a purgé sa peine et retrouvé une vie paisible, M. Delvigne est toujours privé de ses droits civiques. La loi a été assouplie depuis, mais, n’étant pas rétroactive, elle ne profite pas aux personnes condamnées avant 1994.
Au-delà de ce cas particulier, ce sont des milliers de nos concitoyens qui sont aujourd’hui soumis à une déchéance civique à vie.
La Cour de cassation préconisait dès 2008 l’abrogation de l’article 370 de la loi du 16 décembre 1992. J’invite donc le Sénat à voter cet amendement et, ainsi, à mettre fin à une inégalité de traitement entre personnes condamnées, fondée uniquement sur la date de leur condamnation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Ma chère collègue, dans le cas particulier que vous venez de présenter, il faut admettre que la personne considérée pouvait demander sa réhabilitation judiciaire ou légale ou encore solliciter une décision de relèvement ou de dispense d’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Cette possibilité est toujours ouverte pour les personnes ayant été condamnées définitivement par un tribunal avant 1994.
La difficulté tient au fait que, depuis 2010, le Conseil constitutionnel a une position constante en la matière : l’automaticité des peines prononcées après 1994 étant supprimée, on ne peut pas rester dans une telle situation.
La commission des lois souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ce point : il s’agit là d’une véritable difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Benbassa, il est vrai qu’il existe une différence de traitement, donc une inégalité, entre les personnes condamnées avant l’entrée en vigueur de la réforme du code pénal, intervenue le 1er mars 1994, et celles qui ont été condamnées après celle-ci.
Les premières ont été automatiquement privées de leurs droits civiques lorsqu’elles étaient condamnées pour des crimes ou, pour les délits, à des peines d’un certain montant ; les secondes n’ont pu l’être que si la juridiction l’a expressément décidé.
Le nouveau code pénal était, sur cette question comme sur un certain nombre d’autres, moins sévère que l’ancien et plus respectueux du principe d’individualisation des peines ; c’était sa caractéristique principale.
Pour autant, il n’existait aucune autre solution que de prévoir que les interdictions des droits civiques résultant de plein droit des condamnations prononcées avant 1994 demeuraient applicables, comme l’a prévu l’article 370 de la loi du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal.
Si cela n’avait pas été le cas, en effet, toutes ces personnes auraient immédiatement, en 1994, retrouvé tous leurs droits, même celles qui avaient été condamnées pour les faits les plus graves, à l’encontre desquelles, sous l’empire du nouveau code, les juges auraient certainement prononcé la peine complémentaire d’interdiction de droits civiques.
Il y aurait également eu une inégalité de traitement au bénéfice des personnes déjà condamnées, puisque celles-ci ne pouvaient évidemment pas être jugées une nouvelle fois, afin que soit ou non décidé de compléter leur peine par une interdiction expresse de leurs droits civiques.
La question se pose toujours aujourd’hui. Si vous supprimez l’article 370, tous ces individus retrouvent immédiatement leurs droits civiques. Une personne condamnée, par exemple, pour viol et assassinat à la réclusion criminelle à perpétuité en 1993 et qui, bénéficiant d’une libération conditionnelle, serait élargie demain, pourrait donc être inscrite sur les listes électorales, voter et se présenter à une élection.
En revanche, une autre, qui aurait été condamnée à la même peine pour des faits exactement similaires à la fin de l’année 1994, donc sous l’empire du nouveau code, avec, comme c’est vraisemblable, une condamnation de la cour d’assises à la peine complémentaire de privation de ses droits civiques, ne bénéficierait pas d’une telle clémence.
Bien évidemment, comme le précise l’article 370 et comme vient de le dire à l’instant M. le rapporteur, le maintien de ces interdictions n’est prévu que sous réserve de la possibilité, pour le condamné, de demander leur relèvement, en application de l’article 702–1 du code de procédure pénale, devant le tribunal correctionnel, ou la cour d’appel, qui a prononcé la condamnation initiale, ou bien devant la chambre de l’instruction si la condamnation émane de la cour d’assises.
Si les faits sont anciens et considérés comme peu graves, cette demande de relèvement sera sans doute acceptée sans difficulté. Depuis 2009, ces demandes sont examinées à juge unique, par la juridiction composée de son seul président, afin d’être traitées plus rapidement. Le juge saisi déterminera si, sous l’empire du nouveau code pénal, il aurait ou non prononcé une peine d’interdiction des droits. S’il estime que tel n’aurait pas été le cas, il accordera évidemment le relèvement.
Il me semble donc que l’article 370 ne porte en rien atteinte aux exigences d’équité que doit respecter notre droit pénal et qu’il doit être conservé.
C’est la raison pour laquelle, malgré tout l’intérêt de la question que vous avez posée, madame la sénatrice, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre VII
DISPOSITIONS FINALES
Article 29
Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi. Nous n’avons pas obtenu satisfaction sur la totalité des amendements que nous avons présentés, même si j’ai bien noté que Mme la garde des sceaux était intéressée par les propositions de notre groupe, ce dont je la remercie.
Je constate que, entre l’ancien et le nouveau monde, il y a un monde qui avance, et c’est celui du Sénat, madame la garde des sceaux ! Manifestement, nous vous offrons là un matériau utile pour vos futures réflexions, et je m’en félicite. Nous pouvons saluer le travail de nos deux rapporteurs, sous l’autorité de M. Philippe Bas. Nous allons adopter des dispositions qui vont dans le bon sens, pour permettre à notre justice d’être à la hauteur des enjeux de service public qui sont les siens, au bénéfice de nos concitoyens.
Le groupe socialiste et républicain votera donc ce texte. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, « La justice va mal. La réforme de l’institution judiciaire et la mise à niveau de ses moyens sont une urgence pour notre État de droit. » Ces mots ouvraient l’exposé des motifs de la proposition de loi qui nous a réunis aujourd’hui. Je les partage tous.
Je suis en revanche convaincue, comme l’ensemble des membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, que certaines des dispositions de ce texte, loin de participer au redressement de la justice, constituent une sérieuse remise en cause du fonctionnement de l’institution judiciaire et des principes fondateurs de notre droit.
Nous considérons la question des moyens alloués à la justice comme un indispensable corollaire à son indépendance. Ceux-ci doivent être renforcés, mais certainement pas, comme vous nous le proposez, par une approche managériale et comptable de la justice.
Consolider l’état de droit est, pour nous aussi, une priorité – nous avons d’ailleurs été bien seuls à le défendre lorsqu’il s’est agi de faire entrer les mesures de l’état d’urgence dans notre droit commun –, mais la réponse ne peut être uniquement répressive. Monsieur le président de la commission des lois, elle doit être pensée en termes de réhabilitation et de réinsertion. C’est bien l’humain qui doit être au cœur de notre politique pénale.
Je dis cela non pas par angélisme, mais par pragmatisme. Nous le savons, le tout-carcéral, le tout-répressif, cela ne marche pas ! Cela ne fait pas diminuer le taux de récidive, cela ne porte pas ses fruits en matière de réinsertion !
De surcroît, nous ne cesserons de le rappeler, l’exigence de respect de la dignité doit être aussi considérée derrière les barreaux des prisons. L’incarcération ne doit pas valoir exclusion ; le détenu reste membre de la cité et doit donc conserver ses droits fondamentaux.
Parce que ce sont ces valeurs et ces principes qui guident notre action politique, nous voterons contre ces propositions de loi. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, de la proposition de loi organique.
proposition de loi organique pour le redressement de la justice
Chapitre IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SANCTUARISATION DES CRÉDITS DE L’AUTORITÉ JUDICIAIRE
Article 1er
I. – Le I de l’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Deux programmes spécifiques regroupent les crédits de l’autorité judiciaire, l’un comprenant les crédits des juridictions judiciaires, l’autre ceux du Conseil supérieur de la magistrature. Les crédits de l’autorité judiciaire sont exonérés de la procédure de mise en réserve prévue pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et sur les autres titres des programmes dotés de crédits limitatifs. Ces crédits ne peuvent faire l’objet des annulations de crédits liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13. »
II. – L’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dans sa rédaction résultant du I du présent article, entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi organique.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, Costes et M. Carrère et MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini, Labbé, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les crédits affectés à l’administration pénitentiaire sont rassemblés au sein d’une mission propre.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. L’article 1er de la proposition de loi organique prévoit déjà, à juste titre, de mettre fin à la procédure de gel budgétaire pour les programmes des juridictions judiciaires et du Conseil supérieur de la magistrature, afin de sanctuariser les crédits consacrés au fonctionnement de l’autorité judiciaire.
Nous souhaiterions aller plus loin, en ouvrant le débat sur l’opportunité de créer une nouvelle mission budgétaire, à côté de la mission « Justice », rassemblant les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire.
Le premier avantage de cette solution serait d’améliorer la lisibilité du budget, en rendant plus explicite la distinction entre la part des crédits destinée au fonctionnement des prisons et celle qui est affectée à l’autorité judiciaire. Cela permettrait également de mettre fin au dilemme contraignant à choisir entre Pierre et Paul, qui hante peut-être les ministres de la justice lorsqu’ils arbitrent entre la rénovation du parc carcéral et l’augmentation des moyens dans les juridictions. Les parlementaires connaissent bien la difficulté de ce choix, en raison des règles d’amendements budgétaires qui s’imposent à eux !
Nous ne minimisons pas les obstacles, tant ces deux objectifs sont prioritaires, et nous n’ignorons pas qu’ils ont des ramifications communes. Cependant, il nous semble important de nous assurer que l’ambition de régulation de la population carcérale n’influence pas la décision des juges chargés de prononcer ou de faire appliquer des sanctions. De ce point de vue, une plus stricte séparation budgétaire nous semblerait salutaire.
Cette séparation pourrait ainsi distinguer les deux fonctions qui cohabitent actuellement au sein de la mission « Justice » : juger et punir.
Enfin, nous souhaiterions insister sur le fait que des marges de manœuvre existent. Certains observateurs avisés ont fait remarquer que, dans la période courant de 2002 à 2016, les crédits accordés aux juridictions judiciaires ont augmenté de 60 %, contre 109 % pour les juridictions administratives.
Il est grand temps de traduire ces constats en engagements réels et de prendre des mesures budgétaires à la hauteur des difficultés de fonctionnement que rencontre l’autorité judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement. Si celui-ci a pour objet de rendre plus visibles les crédits de la mission « Justice » et ceux de l’administration pénitentiaire, les programmes budgétaires respectifs y pourvoient déjà, et il est possible d’en prendre connaissance.
Cette tendance, toutefois, pourrait aller dans un sens qui n’est pas souhaitable, celui d’une distinction, voire d’une sortie de l’administration pénitentiaire du champ de compétence du ministre de la justice, comme certains l’ont proposé. Compte tenu de tout ce que nous avons dit aujourd’hui, cette évolution ne nous semble pas souhaitable. Il convient donc de maintenir le lien existant. De ce point de vue, conserver tout le budget dans la même mission nous paraît aujourd’hui plus sage.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Josiane Costes. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE
Article 2
I. – L’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « de tribunal de grande instance ou » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des articles 3-1, 28, 28-2, 28-3, 37, 38-1, 38-2, 40-2, 41-5, 41-12 et 41-27, nul magistrat ne peut être affecté moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction. Il peut être dérogé à ces règles sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. »
II. – L’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
Par dérogation, les magistrats ayant exercé leurs fonctions depuis au moins dix années dans la même juridiction au 1er septembre 2018, se mettent en conformité avec les obligations résultant du dernier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant du I du présent article, dans les trois années suivant le 1er septembre 2018.
La procédure prévue à l’article 2-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant du I de l’article 3 de la présente loi organique, s’applique à ces magistrats.
Par exception au premier alinéa du présent II, le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer l’article 2, aux termes duquel les magistrats ne pourraient être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction.
Comme le relèvent l’ensemble des magistrats, il ne convient pas d’inscrire ce principe dans la loi, car cela interdirait toute exception due à des circonstances particulières, comme une maladie, par exemple.
En outre, cette solution autoritaire aurait pour effet, ainsi que le soulignent les magistrats, de renforcer encore la désaffection pour les juridictions dites « fragiles » et peu attractives, les magistrats craignant de devoir y rester trois ou quatre ans. La conséquence serait la multiplication des demandes de disponibilité, lesquelles apparaissent bien souvent comme la seule solution pour quitter une affectation devenue insupportable.
S’il est vrai que certaines fonctions ou juridictions sont en difficulté, car elles sont délaissées, le problème ne sera résolu que par une gestion plus adaptée des ressources humaines par le ministère de la justice. C’est ainsi qu’une plus grande stabilité des magistrats dans leur poste sera possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement : il est essentiel que des magistrats puissent rester en poste.
Néanmoins, nous avons été sensibles à ce que nous ont dit les personnes que nous avons auditionnées, et nous avons proposé à la Commission d’ajouter la possibilité, pour le Conseil supérieur de la magistrature, de déroger à cette obligation et de tenir compte de l’éventualité d’un avancement sur place.
S’agissant de la difficulté, pour certaines juridictions, d’accueillir du monde, il est vrai que, aujourd’hui, la vacance des postes est telle que des magistrats sont tentés de partir très vite vers des emplois qui leur conviennent mieux que ce qu’ils acceptent en première affectation. Lorsque l’effectif sera complet, cela sera un peu différent.
En revanche, nous l’avons écrit dans le rapport, il nous semble utile, comme dans d’autres administrations, de proposer aux magistrats des incitations, qu’il s’agisse de moyens financiers ou de possibilités d’avancement plus rapide, pour les conduire à postuler sur des postes peu demandés. Ces solutions dépendent entièrement du pouvoir réglementaire, et non du législateur.
En l’état, notre proposition est bien accueillie par nombre des magistrats que nous avons auditionnés,…
M. Pierre Ouzoulias. Nous n’avons pas entendu les mêmes !
M. Jacques Bigot, corapporteur. … et elle nous semble bonne.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est indéniable que certaines juridictions connaissent un turn-over extrêmement important, lequel est de nature à poser de véritables difficultés de fonctionnement, je peux le constater à chacun de mes déplacements.
Cette situation a principalement pour origine les vacances de postes, qui accentuent ce taux de roulement. Or celles-ci ont vocation à se résorber progressivement – c’est en tout cas l’objectif que nous nous fixons.
Aujourd’hui, en gestion, un délai minimum de deux ans d’exercice est déjà mis en œuvre par notre ministère et par le Conseil supérieur de la magistrature, sauf circonstances particulières. Ce délai est porté à trois ans pour les emplois de chefs de juridiction et de cour.
Il nous semble donc que la fixation, dans l’ordonnance statutaire, d’une durée minimale d’exercice des fonctions n’est pas nécessaire et pourrait, au contraire, emporter des conséquences néfastes pour le corps des magistrats sur l’ensemble du territoire.
En effet, le défaut d’attractivité de certaines juridictions et de certaines fonctions risquerait d’être accru si les magistrats y sont nommés pour une durée incompressible de trois ou quatre ans. Nous ne le souhaitons pas, parce que cela aboutirait à la suppression d’une indispensable souplesse dans la gestion des ressources humaines, dont nous avons besoin aujourd’hui pour assurer le service de la justice sur l’ensemble du territoire.
S’agissant de la fixation d’une durée maximale d’exercice de fonction à dix ans dans la même juridiction, je rappelle que le dispositif actuel prévoit déjà une durée maximale de dix ans pour les fonctions spécialisées, ainsi que pour les conseillers ou avocats généraux référendaires à la Cour de cassation, et de sept ans pour les chefs de cour et de juridiction.
Ce dispositif apparaît suffisant et adapté pour assurer la mobilité des magistrats et amoindrir les effets négatifs d’un exercice professionnel trop long dans une même juridiction. Cette mesure risque de créer des difficultés de gestion en cas d’élargissement à toutes les fonctions de magistrats.
C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement proposé.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, Costes et M. Carrère et MM. Collin, Gabouty, Labbé, Menonville, Requier, Vall et Gold, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
dans la même
insérer les mots :
fonction au sein de la même
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à compléter les dispositions de l’article 4 de la proposition de loi organique, lequel prévoit que les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction, sauf exception prévue par ailleurs.
Dans une perspective d’efficience, nous considérons que des gains de productivité pourraient être effectués en étendant cette obligation à la fonction, afin de permettre une plus grande spécialisation de nos magistrats. Il n’est pas rare, en effet, d’observer d’importantes rotations susceptibles de nuire à la continuité du service.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. La proposition de loi prévoit déjà, pour les fonctions spécialisées, une durée minimum de quatre années.
S’agissant des fonctions non spécialisées, le magistrat est nommé dans le tribunal de grande instance, à charge pour le président, dans le cadre de l’ordonnance de roulement et après avis de l’assemblée générale des magistrats, de l’affecter ensuite dans des fonctions conformes aux besoins du moment dans la juridiction. Rigidifier ce processus dans la loi organique nous paraît contraire à toute cette organisation.
Ma chère collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme Josiane Costes. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Après le mot :
magistrats
insérer les mots :
dont la nomination est intervenue avant le 1er septembre 2018 et
2° Remplacer les mots :
au 1er septembre 2018,
par les mots :
à compter de cette même date
3° Compléter cet alinéa par les mots :
ou suivant l’expiration de leur dixième année d’affectation dans la même juridiction
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mme la garde des sceaux n’est pas favorable à la cohérence ! (Sourires.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai fait part de mon opposition à l’ensemble de ce dispositif : la cohérence me commande donc de rejeter sa cohérence ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Après l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – Neuf mois au plus tard avant la fin de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, les magistrats soumis aux obligations résultant du dernier alinéa de l’article 2 font connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, l’affectation qu’ils désireraient recevoir, à niveau hiérarchique égal, dans trois juridictions au moins appartenant à des ressorts de cour d’appel différents. Les demandes d’affectation de ces magistrats ne peuvent porter exclusivement sur des emplois de chefs de juridiction, ni sur des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un huitième échelon.
« Six mois au plus tard avant la fin de la dixième année d’exercice des fonctions de ces mêmes magistrats, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut inviter ceux-ci à présenter trois demandes supplémentaires d’affectation dans trois autres juridictions appartenant à des ressorts de cour d’appel différents.
« À l’expiration de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, ces magistrats sont nommés dans l’une des fonctions qui ont fait l’objet de leurs demandes dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article.
« Si ces mêmes magistrats n’ont pas exprimé de demande d’affectation dans les conditions prévues au premier alinéa et, le cas échéant, au deuxième alinéa, le garde des sceaux, ministre de la justice, leur propose une affectation, à égalité de niveau hiérarchique, à des fonctions du siège pour les magistrats du siège et du parquet pour les magistrats du parquet, dans trois juridictions. À défaut d’acceptation dans le délai d’un mois, ils sont, à l’expiration de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, nommés dans l’une de ces juridictions aux fonctions qui leur ont été offertes.
« Les nominations prévues au présent article sont prononcées, le cas échéant, en surnombre de l’effectif budgétaire du grade auquel appartiennent les magistrats soumis aux obligations résultant du dernier alinéa de l’article 2 et, s’il y a lieu, en surnombre de l’effectif organique de la juridiction.
« Les magistrats intéressés sont nommés au premier poste, correspondant aux fonctions exercées, dont la vacance vient à s’ouvrir dans la juridiction où ils ont été nommés en surnombre. »
II. – L’article 2-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018. – (Adopté.)
Article 4
Après l’article 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :
« Art. 3-2. – Lorsque la nature particulière d’une affaire le justifie, à la demande du président de la juridiction à laquelle ils appartiennent ou sont rattachés, les magistrats du siège qui ont prêté serment depuis moins de trois ans peuvent apporter au magistrat en charge de l’affaire leur concours à la préparation de la décision. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – L’article 12-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° Après le mot : « apprécie », la fin de la seconde phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « spécialement les critères pris en compte lors de la nomination de ces magistrats, et mentionnés aux articles 15 et 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ».
II. – L’article 12-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, s’applique aux nominations intervenant à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 6
I. – Après le deuxième alinéa de l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats nommés à des fonctions de premier président d’une cour d’appel, de président d’un tribunal de grande instance, de première instance ou d’un tribunal supérieur d’appel, ainsi que les magistrats nommés à des fonctions de procureur général près une cour d’appel, de procureur de la République près un tribunal de grande instance, de première instance ou un tribunal supérieur d’appel suivent, au plus tard dans les six mois de leur installation, une formation spécifique à l’exercice de leurs fonctions, qui a pour objet le développement des compétences d’encadrement, d’animation et de gestion au sein d’une juridiction. Cette formation est organisée par l’École nationale de la magistrature, dans les conditions et selon un programme fixés par décret. »
II. – À la première phrase du troisième alinéa de l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, les deux occurrences des mots : « de grande instance, » sont supprimées.
Le présent II entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 7
Après l’article 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 21-2 ainsi rédigé :
« Art. 21-2. – Les auditeurs de justice jugés aptes, à la sortie de l’école, à exercer les fonctions judiciaires peuvent être nommés en premier poste magistrats du siège auprès d’un magistrat exerçant ses fonctions au sein d’une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d’une juridiction spécialisée.
« La liste des juridictions mentionnées au présent article est fixée par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 8
I. – L’article 28 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un tribunal de grande instance ou » sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « durée », il est inséré le mot : « minimale » ;
b) Après les mots : « est de », sont insérés les mots et une phrase ainsi rédigée : « trois années. Il peut être dérogé à cette règle sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. La durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions est de ».
II. – L’article 28 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 9
I. – Au premier alinéa de l’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « de grande instance ou » sont supprimés.
II. – Au deuxième alinéa de l’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
III. – L’avant-dernier alinéa de l’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « d’un tribunal de grande instance, » sont supprimés ;
b) La seconde occurrence du mot : « grande » est remplacée par le mot : « première » ;
2° À la deuxième phrase, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
IV. – Le dernier alinéa de l’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « exercer », sont insérés les mots : « moins de trois années et » ;
b) Les mots : « la fonction » sont remplacés par les mots : « les fonctions » ;
c) Les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
1° bis (nouveau) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut être dérogé à la règle de durée minimale d’exercice des fonctions sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. » ;
2° La deuxième phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « cette période » sont remplacés par les mots : « la septième année d’exercice de ces fonctions » ;
b) Après le mot : « magistrat », il est inséré le mot : « en » ;
c) Les mots : « de cette fonction » sont supprimés ;
d) Le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
3° À la dernière phrase, les mots : « cette fonction » sont remplacés par les mots : « ces fonctions ».
V. – L’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent V, les I, II, III, ainsi que le c du 1° et le d du 2° du IV du présent article entrent en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 10
I. – L’article 28-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Les deux occurrences des mots : « de grande instance ou » sont supprimées ;
b) Les mots : « et celles de juge d’un tribunal de grande instance chargé du service d’un tribunal d’instance » sont supprimés ;
2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « enfants », le signe : « , » est remplacé par le mot : « ou » ;
b) Les mots : « ou de juge chargé du service d’un tribunal d’instance » sont supprimés ;
c) Les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
3° La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « exercer », sont insérés les mots : « moins de quatre années et » ;
b) Les mots : « la fonction » sont remplacés par les mots : « les fonctions » ;
c) Après le mot : « enfants », le signe : « , » est remplacé par le mot : « ou » ;
d) Les mots : « ou de juge chargé du service d’un tribunal d’instance » sont supprimés ;
e) Les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
3° bis (nouveau) Après la première phrase du dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut être dérogé à la règle de durée minimale d’exercice des fonctions sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. » ;
4° La deuxième phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « cette période » sont remplacés par les mots : « la dixième année d’exercice de ces fonctions » ;
b) Après le mot : « magistrat », il est inséré le mot : « en » ;
c) Les mots : « de cette fonction » sont supprimés ;
d) Les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
5° À la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « cette fonction » sont remplacés par les mots : « ces fonctions ».
II. – L’article 28-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, les 1°, 2°, ainsi que les c, d, e du 3° et d du 4° du I du présent article entrent en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Joissains, n'est pas soutenu.
Article 11
I. – L’article 37 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « La fonction » sont remplacés par les mots : « Les fonctions » ;
b) Les mots : « est exercée » sont remplacés par les mots : « sont exercées » ;
2° L’antépénultième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « exercer », sont insérés les mots : « moins de trois années et » ;
b) Les mots : « la fonction » sont remplacés par les mots : « les fonctions » ;
2° bis (nouveau) Après l’antépénultième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être dérogé à la règle de durée minimale d’exercice des fonctions sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. » ;
3° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « cette période » sont remplacés par les mots : « la septième année d’exercice de ses fonctions » ;
b) Après le mot : « général », la fin est ainsi rédigée : « de la justice » ;
4° Après le mot : « terme », la fin de la seconde phrase du même avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « de cette période » ;
5° Aux première et seconde phrases du dernier alinéa, les mots : « cette fonction » sont remplacés par les mots : « ces fonctions » ;
II. – L’article 37 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, à l’exception du b du 3° du même I qui entre en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi organique, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018. – (Adopté.)
Article 12
I. – L’article 38-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « La fonction » sont remplacés par les mots : « Les fonctions » ;
b) Les mots : « est exercée » sont remplacés par les mots : « sont exercées » ;
2° L’antépénultième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « exercer », sont insérés les mots : « moins de trois années et » ;
b) Les mots : « la fonction » sont remplacés par les mots : « les fonctions » ;
2° bis (nouveau) Après l’antépénultième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être dérogé à la règle de durée minimale d’exercice des fonctions sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. » ;
3° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « cette période » sont remplacés par les mots : « la septième année d’exercice de ces fonctions » ;
b) Après le mot : « général », la fin est ainsi rédigée : « de la justice » ;
4° Après le mot : « terme », la fin de la seconde phrase du même avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « de cette période » ;
5° Aux première et seconde phrases du dernier alinéa, les mots : « cette fonction » sont remplacés par les mots : « ces fonctions ».
II. – L’article 38-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, à l’exception du b du 3° du même I qui entre en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi organique, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
le
par les mots :
la seconde occurrence du
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
I. – L’article 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « exercer », sont insérés les mots : « moins de trois années et » ;
b) Les mots : « la fonction » sont remplacés par les mots : « les fonctions » ;
c) Les mots : « de grande instance ou » sont supprimés ;
3° bis (nouveau) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être dérogé à la règle de durée minimale d’exercice des fonctions sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. » ;
4° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « cette période » sont remplacés par les mots : « la septième année d’exercice de ces fonctions » ;
b) Après le mot : « magistrat », il est inséré le mot : « en » ;
c) Les mots : « de cette fonction » sont supprimés ;
5° À la seconde phrase du même avant-dernier alinéa, les mots : « cette fonction » sont remplacés par les mots : « ces fonctions » ;
6° Au dernier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
II. – L’article 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux magistrats dont la nomination intervient à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, les 1°, 2°, c du 3° et 6° du I du présent article entrent en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Chapitre III
DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Article 14 A (nouveau)
I. – L’article 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 10-1-2. – I. – S’ils ne sont pas soumis à cette obligation à un autre titre, les membres du Conseil supérieur de la magistrature adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale, dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions.
« II. – La déclaration de situation patrimoniale de chaque membre du Conseil supérieur concerne la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
« La déclaration porte sur les éléments suivants :
« 1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;
« 2° Les valeurs mobilières ;
« 3° Les assurances-vie ;
« 4° Les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
« 5° Les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;
« 6° Les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions ;
« 7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
« 8° Les biens mobiliers et immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
« 9° Les autres biens ;
« 10° Le passif.
« Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s’il s’agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.
« La déclaration de situation patrimoniale adressée à l’issue des fonctions comporte, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration, ainsi qu’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le membre du Conseil supérieur et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions.
« III. – Toute modification substantielle de la situation patrimoniale fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Aucune nouvelle déclaration n’est exigée du membre du Conseil supérieur qui a établi depuis moins d’un an une déclaration en application du présent article, des articles 4 ou 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de l’article L.O. 135-1 du code électoral, des articles L. 131-10 ou L. 231-4-4 du code de justice administrative ou des articles L. 120-12 ou L. 220-9 du code des juridictions financières, et la déclaration mentionnée au dernier alinéa du II du présent article est limitée à la présentation et à la récapitulation prévues au même dernier alinéa.
« La déclaration de situation patrimoniale ne peut pas être communiquée aux tiers.
« IV. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil supérieur soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.
« V. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil supérieur soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.
« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations mentionnées au premier alinéa du présent V souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout membre du Conseil supérieur soumis au I.
« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans un délai de trente jours.
« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans un délai de soixante jours à compter de sa demande.
« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.
« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.
« VI. – La Haute Autorité apprécie, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration, l’évolution de la situation patrimoniale du membre du Conseil supérieur telle qu’elle résulte de ses déclarations, des éventuelles observations et explications qu’il a pu formuler ou des autres éléments dont elle dispose.
« Lorsque les évolutions de la situation patrimoniale n’appellent pas d’observations ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe le membre du Conseil supérieur.
« Lorsqu’elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, après que le membre du Conseil supérieur a été mis en mesure de produire ses observations, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet.
« Lorsqu’elle constate un manquement à l’obligation de déclaration de situation patrimoniale ou un défaut de réponse à une injonction prévue au IV du présent article, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique saisit le garde des sceaux, ministre de la justice.
« VII. – Le fait, pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déposer la déclaration de situation patrimoniale, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait, pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal.
« VIII. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale. »
II. – L’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est abrogé. – (Adopté.)
Article 14
I. – L’article 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° Après le même deuxième alinéa, sont insérés vingt et un alinéas ainsi rédigés :
« Pour arrêter chaque proposition de nomination de premier président de cour d’appel, la formation compétente du Conseil supérieur apprécie spécialement :
« 1° Les qualités juridictionnelles ;
« 2° L’expérience antérieure d’une ou plusieurs fonctions d’animation et de gestion ;
« 3° L’aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets ;
« 4° L’aptitude à conduire et mettre en œuvre les politiques publiques judiciaires relevant du ressort de la cour d’appel, en collaboration avec les juridictions de ce ressort ;
« 5° L’aptitude à diriger et gérer l’activité de la cour d’appel et de son ressort ;
« 6° L’aptitude à conduire et animer le dialogue social ;
« 7° L’aptitude à assurer le rôle d’inspection, de contrôle et d’évaluation des juridictions du ressort de la cour d’appel ;
« 8° L’aptitude à collaborer avec le procureur général près la même cour d’appel ;
« 9° L’aptitude à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la cour d’appel, ainsi qu’avec les services de l’État ;
« 10° L’aptitude à représenter l’institution judiciaire.
« Pour arrêter chaque proposition de nomination de président de tribunal de grande instance, la formation compétente du Conseil supérieur apprécie spécialement :
« a) Les qualités juridictionnelles ;
« b) L’aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets ;
« c) L’aptitude à participer aux politiques publiques judiciaires conduites dans le ressort de la cour d’appel ;
« d) L’aptitude à diriger et gérer l’activité de la juridiction, et à en rendre compte au premier président de la cour d’appel du ressort ;
« e) L’aptitude à animer le ressort de la juridiction et à coordonner l’arrondissement judiciaire ;
« f) L’aptitude à conduire et animer le dialogue social ;
« g) L’aptitude à collaborer avec le procureur de la République près la même juridiction ;
« h) L’aptitude à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction, ainsi qu’avec les services de l’État ;
« i) L’aptitude à représenter l’institution judiciaire. » ;
3° Au quatorzième alinéa, dans sa rédaction résultant du 2° du présent I, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
II. – L’article 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, s’applique aux nominations intervenant à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, les 1° et 3° du I du présent article entrent en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 15
I. – L’article 16 de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifié :
1° Sont ajoutés vingt et un alinéas ainsi rédigés :
« Pour donner son avis sur les propositions de nomination du ministre de la justice aux fonctions de procureur général près une cour d’appel, la formation compétente du Conseil supérieur apprécie spécialement :
« 1° Les qualités juridictionnelles ;
« 2° L’expérience antérieure d’une ou plusieurs fonctions d’animation et de gestion ;
« 3° L’aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets ;
« 4° L’aptitude à conduire et mettre en œuvre des priorités de politique pénale définies par le ministre de la justice, dans le ressort de la cour d’appel, et à coordonner à cet effet l’action des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance de ce ressort ;
« 5° L’aptitude à diriger et gérer l’activité de la cour d’appel et de son ressort ;
« 6° L’aptitude à conduire et animer le dialogue social ;
« 7° L’aptitude à assurer le rôle d’inspection, de contrôle et d’évaluation des juridictions du ressort de la cour d’appel ;
« 8° L’aptitude à collaborer avec le premier président de la même cour d’appel ;
« 9° L’aptitude à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la cour d’appel, ainsi qu’avec les services de l’État ;
« 10° L’aptitude à représenter l’institution judiciaire.
« Pour donner son avis sur les propositions de nomination du ministre de la justice aux fonctions de procureur de la République près un tribunal de grande instance, la formation compétente du Conseil supérieur apprécie spécialement :
« a) Les qualités juridictionnelles ;
« b) L’aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets ;
« c) L’aptitude à mettre en œuvre les priorités de politique pénale définies par le ministre de la justice, sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel du ressort ;
« d) L’aptitude à diriger et gérer l’activité de la juridiction, et à en rendre compte au procureur général près la cour d’appel du ressort ;
« e) L’aptitude à animer le ressort de la juridiction et à coordonner l’arrondissement judiciaire ;
« f) L’aptitude à conduire et animer le dialogue social ;
« g) L’aptitude à collaborer avec le président affecté de la même juridiction ;
« h) L’aptitude à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction, ainsi qu’avec les services de l’État ;
« i) L’aptitude à représenter l’institution judiciaire. » ;
2° Aux sixième et treizième alinéas, dans leur rédaction résultant du 1° du présent I, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
II. – L’article 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa rédaction résultant du I du présent article, s’applique aux nominations intervenant à compter du 1er septembre 2018.
Par exception au premier alinéa du présent II, le 2° du I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Chapitre IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 16
I. – L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa de l’article 3 est ainsi modifié :
a) Le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) Les mots : « de premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance, » sont supprimés ;
2° L’article 3-1 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, les deux occurrences du mot : « grande » sont remplacées par le mot : « première » ;
b) À la première phrase du neuvième alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
c) La seconde phrase du neuvième alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance, » sont supprimés ;
– les deux occurrences du mot : « grande » sont remplacées par le mot : « première » ;
d) Aux deuxième et troisième phrases de l’avant-dernier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
3° Au premier alinéa de l’article 13, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
4° À la première phrase de l’article 32, les mots : « d’un tribunal de grande instance ou » sont supprimés ;
5° Le premier alinéa de l’article 41-10 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de juge d’instance, » sont supprimés ;
b) Le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
6° L’article 41-11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’instance » sont remplacés par les mots : « de première instance » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
7° Au dernier alinéa de l’article 41-13, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
8° L’article 41-14 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) La deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :
– le mot : « grande » est remplacé par le mot « première » ;
– les mots : « ou le juge chargé de l’administration du tribunal d’instance » sont supprimés ;
9° L’article 41-25 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les deux occurrences du mot : « grande » sont remplacées par le mot : « première » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
10° Aux première et dernière phrases de l’article 41-26, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
11° Au dernier alinéa de l’article 41-28, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
12° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 41-29, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
13° À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 72-3, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
14° À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 76-1-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Article 17
I. – La loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Le 3° de l’article 1er est ainsi modifié :
a) La première occurrence du mot : « grande » est remplacée par le mot : « première » ;
b) Après les mots : « présidents de tribunal », les mots : « de grande instance, » sont supprimés ;
2° Au 3° de l’article 2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
3° Aux 3° et 4° de l’article 4-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l’article 10 de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 308 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Pour l’adoption | 272 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
10
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont adoptées.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 octobre 2017 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe République et Territoires / Les Indépendants)
Débat : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux ».
Débat : « Participation dans l’entreprise, outil de croissance et perspectives ».
À dix-huit heures trente-cinq :
Débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité ».
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, avant de lever la séance, je tenais à vous remercier d’être restés aussi tardivement. Par ailleurs, j’ai une pensée particulière pour Mme Sophie Joissains, dont c’est aujourd’hui l’anniversaire ! (Applaudissements. – Mme Sophie Joissains sourit.)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 octobre 2017, à une heure trente.)
nomination d’un membre d’une commission et d’un membre d’une délégation parlementaire
Commission des affaires européennes
Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Anne-Catherine Loisier est proclamée membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de Mme Catherine Fournier, démissionnaire.
Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature a été ratifiée : M. Max Brisson est proclamé membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de M. Bernard Bonne, démissionnaire.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD