M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 48 millions d'euros, tel est le montant investi par l’État pendant les dix dernières années sur la politique de la ville. Quelque 48 millions d'euros pour retrouver, même s’il y a eu des réussites qu’il ne faut pas nier, des quartiers où règne la violence au quotidien, où la désespérance est généralisée, où le chômage est endémique. Pour certains, ces quartiers ont même quitté le territoire de la République !
Ancien rapporteur de la loi ANRU, je ne veux pas remettre en cause les bonnes intentions qui animent la politique de la ville. Il n’en reste pas moins qu’il faut s’interroger, aujourd'hui, sur le bon usage de ces crédits et sur les raisons de cette sorte d’inefficacité chronique.
Je suis maire d’une ville qui comptait 73 % de logements sociaux lorsque j’ai récupéré sa gestion en 1989. Je connais donc les difficultés, le temps, la volonté qui sont nécessaires pour transformer un quartier, mettre en place la mixité et permettre à certains d’accéder à la propriété.
Les règles étaient déjà compliquées pour faire en sorte que les gens vivent bien dans leurs quartiers. Aujourd'hui, et depuis quelque temps déjà, avec toutes ces lois successives – je pense à la loi SRU, cette loi idéologique, à la terrifiante loi ALUR et, aujourd'hui, à l’attribution des droits au logement opposable, les DALO, par les services des préfectures –, on est en train de remettre en cause l’équilibre sociologique des quartiers.
Monsieur le ministre, stop à tous ces textes, à toutes ces normes, à toutes ces lois ressenties par les élus comme des actes de méfiance et qui mettent en cause leurs initiatives ! Je crois qu’il faut revoir l’usage de tous ces crédits. Il faut les concentrer, cesser le saupoudrage et ouvrir la porte à l’expérimentation.
Ma question est la suivante : êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à refaire confiance aux élus et à travailler avec eux ? Je crois en effet que la politique de la ville, ils la pratiquent au quotidien et ils connaissent ses problématiques.
Je voudrais vous interroger plus précisément sur les DALO. Pour avoir été vous-même un maire et un élu local, ne croyez-vous pas qu’il revient aux maires, plutôt qu’aux services des préfectures, de gérer ces attributions ? Ce qui se passe est complètement aberrant !
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Pemezec. Les maires connaissent la sociologie de leurs quartiers et de leur ville ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, s’il y a des normes et des lois, c’est souvent parce qu’il y a eu des élus pour les voter ! (Sourires.) J’en sais quelque chose pour y avoir largement contribué pendant neuf ans… Je ne puis donc que vous inviter à faire preuve de concision dans la rédaction législative.
Plus sérieusement, je conviens qu’il y a une grande complexité de nos procédures. Je vous entends et je souhaite – je profite de la présence en séance du directeur de l’ANRU pour l’affirmer – que l’on simplifie au maximum les choses. Vous avez rappelé les montants considérables qui ont été consacrés à cette politique. Elle a tout de même porté des fruits – il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !
Vous me demandez si nous sommes prêts à transférer vers les mairies la gestion des contingents DALO actuellement assurée par les services des préfectures.
À cette question, je réponds non et ce n’est pas une marque de défiance à l’égard des collectivités. En la matière, la solution retenue me paraît la bonne.
En revanche, la concertation entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités est de plus en plus nécessaire. Bien sûr, dans ces quartiers, il est indispensable de ne pas inventer le mouvement perpétuel : que la rénovation se traduise par une absence de mixité sociale serait la pire des choses. C’est tout l’enjeu du débat que nous devons avoir, car c’est là le vrai chemin qu’il nous faut suivre ensemble. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République en marche.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son discours sur la politique de la ville le 14 novembre dernier, le Président de la République a fait de l’émancipation par la formation professionnelle, la culture et l’école une priorité. Il a ainsi exprimé son souhait de voir rouvrir les internats d’excellence dans les zones rurales et dans les quartiers difficiles. Lancés en 2000 dans le cadre du plan de relance de l’internat scolaire public, puis promus à la suite de la dynamique Espoir banlieues de 2008, ils ont rencontré un fort succès et le bilan est très largement positif au regard de l’amélioration des résultats scolaires des adolescents internes. Toutefois, jugés trop couteux par la précédente majorité, les internats d’excellence ont été dissous dans les autres internats, plus précisément dans le dispositif des internats de la réussite.
L’annonce du Président de la République requiert quelques éclaircissements. Plusieurs types d’internat coexisteront-t-ils ? Réhabilité, le label « internat d’excellence » s’accompagnera-t-il d’un surcroît de moyens ? Les établissements qui en bénéficieront sont-ils les mêmes que ceux qui relevaient jadis du dispositif ? Plus généralement, quels seront les budgets affectés au développement des internats ? Quel sera le calendrier ?
Le Président de la République a aussi souhaité valoriser les bonnes pratiques engagées localement qui répondent à un réel besoin des quartiers, mais qui ne sont pas transposables : je pense par exemple à une initiative locale dans mon département, la Digitale Académie, à Montereau-Fault-Yonne, qui lutte efficacement contre le décrochage post-bac.
Comment ces dispositifs innovants, locaux et non transposables peuvent-ils être valorisés et promus ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La question des internats d’excellence a été posée. Dans son discours, le Président de la République a très clairement annoncé le développement de la politique de l’éducation nationale en faveur des internats d’excellence dans les territoires les plus ruraux, mais aussi dans les quartiers politique de la ville.
En effet, la question de l’éducation et de la formation est tout à fait centrale dans la politique que nous devons mener ensemble. Cela concerne l’école primaire, car c’est là que tout commence. À ce titre, la politique de dédoublement des classes engagée par le ministre de l’éducation nationale sera accélérée à la rentrée 2018. Cela concerne également les stages, car, dans les quartiers politique de la ville, il faut accoutumer les jeunes à la question de l’entreprise et de l’emploi. Par ailleurs, il faut une mobilisation du grand plan concernant la formation et promouvoir les emplois francs à destination des jeunes.
Certes, les questions budgétaires n’ont pas été totalement réglées, mais l’accélération du processus d’internat d’excellence dès 2018 dans un certain nombre de quartiers constitue l’une des priorités du Président de la République, en synergie totale avec le ministre de l’éducation nationale.
Quant aux accélérateurs d’innovation sociale, nous y sommes tout à fait favorables. D’ailleurs, d’ici à la fin du mois de février prochain, dans le cadre du plan que nous allons mettre en place, nous procéderons à un relevé des bonnes pratiques pour parvenir à les dupliquer.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville, dont nous fêtons les quarante ans cette année, s’inscrit dans une double action – action sociale auprès des habitants et action urbaine –, qui constitue les deux pieds de cette politique depuis sa création. Or, cet été, que Philippe Rio, initiateur de l’appel de Grigny, qualifie d’« été meurtrier », vous avez procédé à une triple attaque des fondements de cette politique.
Ont ainsi été remis en cause des emplois aidés pourtant essentiels dans ces territoires, car ils permettent aux associations de disposer de moyens humains pour l’aide aux devoirs et aident au bon fonctionnement des associations sportives, culturelles… Ce sont autant d’éléments concrets au service des habitants de ces quartiers. Combien d’associations n’ont pas pu assurer leur rentrée ? Avez-vous un chiffre à nous communiquer, monsieur le ministre ? Il serait intéressant d’en débattre.
Nous ne pouvons accepter cette décision d’autant plus que vous avez opéré – c’est le deuxième volet de cette attaque – une suppression de crédits, à hauteur de 46,5 millions d’euros. Là encore, combien de projets utiles ont été stoppés en raison de cette nouvelle coupe, qui se conjugue avec la baisse des dotations aux collectivités territoriales ?
Enfin, en attaquant la prétendue rente des offices d’HLM, ce gouvernement pénalise directement la construction et la réhabilitation des immeubles dans ces quartiers, puisque les bailleurs sont les principaux financeurs de la rénovation urbaine.
À ce titre, monsieur le ministre, comment croire le Président de la République quand il indique vouloir relever le nouveau plan national de rénovation urbaine à 10 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros serait financé par l’État ? Comment feront les bailleurs pour accompagner cet effort, alors que l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 ampute déjà leurs finances de 1,7 milliard d’euros ?
Les habitants ont besoin d’engagements forts. C’est urgent, comme en témoigne l’appel de Grigny. Monsieur le ministre, quand allez-vous arrêter de nous annoncer des milliards d’euros qui n’existent pas ? Pensez-vous concrètement pouvoir aller plus loin pour l’ANRU que le simple engagement des 15 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2018 ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Xavier Iacovelli et Mme Sophie Primas applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, il est difficile de répondre à la caricature par des propositions. Pour ma part, j’ai l’habitude de sortir des postures. Votre question ne m’étonne pas : elle est formulée chaque semaine depuis un certain temps ! (M. Fabien Gay s’exclame.) Vous avez parlé d’été meurtrier. Les mots ont un sens et il vaut mieux éviter certaines expressions.
J’en viens aux emplois aidés. La loi de finances pour 2017, que votre groupe n’a pas votée,…
M. Fabien Gay. Nous sommes cohérents !
M. Jacques Mézard, ministre. … – c’était sous le précédent gouvernement –, prévoyait 290 000 emplois aidés. Nous en sommes pratiquement à 330 000. En d’autres termes, nous avons créé plus d’emplois aidés qu’annoncé. Il est bon de rappeler les véritables chiffres.
En ce qui concerne la politique menée, il est facile d’affirmer qu’il faut simplement plus de moyens financiers. Je le répète : ce dossier est particulièrement difficile d’abord pour ceux qui vivent dans ces quartiers. Vous avez parlé de Grigny, monsieur le sénateur, mais ce gouvernement n’est pas responsable du déficit chronique de la ville. J’entends les demandes du maire de Grigny et connais les difficultés qu’il rencontre sur son territoire.
M. Fabien Gay. Cela ne concerne pas que lui !
M. Jacques Mézard, ministre. Je m’y suis d’ailleurs rendu, ai discuté avec le maire et visité un quartier avec lui. Que je sache, la situation de Grigny ne date pas du mois de juin dernier. Par le plan que nous allons mettre en place, nous essayons de donner davantage de moyens et de solutions aux quartiers qui, dans les quartiers prioritaires, ont le plus de difficultés.
On peut, certes, se contenter de postures, monsieur le sénateur, mais ce ne sera jamais mon cas.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour réellement changer nos quartiers prioritaires, réaménager, détruire, reconstruire, réhabiliter sont des conditions nécessaires, mais pas suffisantes. En effet, ce sont les habitants qui y vivent qui feront de ces quartiers des quartiers comme les autres. Nous le savons tous, c’est dans la durée – j’insiste sur ce point – que l’on mesurera la réussite ou l’échec.
Il faut donc assurer dès le départ une nouvelle mixité, à travers une politique de peuplement adaptée. C’est très difficile à faire. Il faut aussi assurer à ces habitants de l’emploi, de la réussite scolaire, de la tranquillité publique et aussi la présence de services. Cependant, et je tiens à le souligner, il faut aussi que les familles qui vivent dans ces quartiers, qui ont des droits, assument leurs devoirs liés à la parentalité.
Toutes ces actions doivent être menées de façon concomitante. Dans ces quartiers, les politiques publiques d’accompagnement de proximité sont essentielles et doivent être contractualisées entre tous les acteurs concernés. Pour porter leurs fruits, elles doivent en outre être évaluées et réadaptées en fonction des résultats ; le risque est grand sinon de voir certains quartiers sombrer à nouveau.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement dans ce domaine ? Quels éléments de mesure, d’évaluation, de suivi et de corrections éventuelles entend-il mettre en œuvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je partage votre analyse et vos propos. Oui, les résultats se mesurent dans la durée : c’est une réalité, en particulier dans ce domaine. Oui, il faut une politique de peuplement adaptée, c’est même l’alpha et l’oméga. Vous avez rappelé le devoir des familles pour assurer la parentalité : c’est un enjeu majeur mais particulièrement difficile (M. Daniel Dubois opine.), compte tenu de ce que nous savons sur les renouvellements de population dans un certain nombre de ces quartiers.
Pour assurer la contractualisation, qui est absolument indispensable, et pour procéder à des évaluations – car notre pays manque souvent de véritables évaluations des politiques menées –, nous avons les préfets délégués et les délégués des préfets. Je tiens à leur rendre hommage, car ils jouent un rôle important, qui est appelé à croître. Le travail qu’ils sont amenés à accomplir avec les différents acteurs me semble tout à fait fondamental. C’est même selon moi l’instrument le plus efficace de la politique déconcentrée de l’État dans ces quartiers.
Pour les avoir presque tous rencontrés en les réunissant au ministère, je puis attester qu’il s’agit de serviteurs de l’État qui connaissent les quartiers et peuvent avoir un rôle encore plus efficace pour faciliter la contractualisation et l’évaluation qu’à juste titre vous souhaitez, monsieur le sénateur. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour la réplique.
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, je suis rassuré par vos propos, mais ce sont maintenant les faits qui parleront. Il ne faut surtout pas de politique au coup par coup. On utilise le droit commun, mettons en place une politique d’exception dans ces quartiers.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous légiférons pour les 5 millions d’habitants des quartiers populaires, nous devons avoir à l’esprit l’ampleur des inégalités qu’ils subissent : un taux de pauvreté à 42 %, un taux de chômage à 27 %, souvent des logements insalubres. Ces inégalités sociales ont un impact direct sur l’état de santé des habitants : l’espérance de vie à la naissance y est, par exemple, beaucoup plus faible.
Face à cette urgence sociale, notre responsabilité collective est engagée. Il est de notre devoir de tenir la promesse républicaine d’égalité sur notre territoire. Nous le devons aux habitants. C’est un principe de justice sociale ; c’est aussi une question de dignité.
Vous le savez, les habitants de nos quartiers populaires ne sont pas des oisillons qui attendent la béquée. Ce sont des citoyens qui souhaitent simplement qu’on leur offre les mêmes chances de réussite.
Quand, le 13 novembre dernier à Clichy-sous-Bois ou le 14 à Tourcoing, j’ai écouté le Président de la République et pris connaissance des mesures qu’il proposait pour les 5 millions d’habitants de nos quartiers, pour eux, j’ai eu envie d’y croire : envie de croire notamment au doublement de l’enveloppe prévue pour le Nouveau Programme national pour la rénovation urbaine, le NPNRU, envie de croire à un investissement massif pour l’expérimentation d’une nouvelle version des emplois francs.
Monsieur le ministre, permettez-moi toutefois d’avoir une crainte au regard de la traduction budgétaire et de la faiblesse des financements qui rendent tout engagement inatteignable ou insincère.
En ces temps où la parole politique est dévalorisée, c’est jouer avec le feu que de ne pas respecter ses engagements. Veillez à ne pas en rester au stade des incantations et des effets d’annonce. Monsieur le ministre, le 24 octobre dernier, vous avez confirmé l’engagement de l’État, décidé par le précédent gouvernement, dont Patrick Kanner faisait notamment partie, de 1 milliard d’euros pour la rénovation, indiquant ainsi votre engagement annuel de 65 millions d’euros. Comment expliquer alors que, pour 2018, nous ne soyons qu’à 15 millions d’euros ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer une estimation du nombre d’emplois francs qui seront signés en 2018 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, nous devons permettre à tous nos concitoyens vivant dans ces quartiers d’avoir les mêmes chances de réussite. Il est tout à fait normal que nous travaillions tous à cet objectif, mais il est difficile à atteindre compte tenu de la situation que nous avons constatée. Nous allons faire le maximum pour aller dans ce sens.
Vous avez une crainte sur les finances et vous avez raison d’être inquiet. Vous avez parlé d’insincérité dans les budgets ; nous en savons quelque chose après ce que nous avons constaté en arrivant aux commandes ! (M. Patrick Kanner s’exclame.)
De ce point de vue, il est nécessaire de savoir tourner la page. Nous avons indiqué très clairement la sanctuarisation des crédits du programme 147, le milliard d’euros pour l’ANRU. Vous vous étonnez que seulement 15 millions d’euros de crédits de paiement soient prévus. Regardez ce qui a été prévu en 2017 !
Les crédits ont été fixés en fonction des dossiers prêts à être lancés. Sur ce sujet, je puis vous rassurer devant le directeur général de l’ANRU ici présent : Patrick Kanner sait comment cela fonctionne, nous tiendrons les engagements que nous avons pris sans aucune difficulté.
M. Xavier Iacovelli. Et sur les emplois francs ? Allez-y, répondez, monsieur le ministre !
M. le président. C’est moi qui préside la séance, mon cher collègue, et j’allais dire que M. le ministre avait quasiment épuisé son temps. (M. le ministre se rassoit.)
La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès que l’on évoque la politique de la ville apparaît une problématique qui me tient tout particulièrement à cœur et qui concerne les enjeux de mobilité. Nous savons que Mme Élisabeth Borne organise en ce moment les Assises de la mobilité partout en France. Sans vouloir interférer dans ses travaux, il est nécessaire de réaffirmer l’impérieuse nécessité d’offrir des solutions de déplacement et de transport aux populations les plus modestes ou aux territoires les plus enclavés, pour ne pas dire no man’s land.
La réponse à ce besoin passe nécessairement par un portage politique volontariste de sortir du « tout-voiture », répondant par la même occasion à des contraintes environnementales désormais prioritaires, et par la capacité de nos différentes strates administratives compétentes de renouer le dialogue, loin des clivages politiques partisans, uniquement porté par l’intérêt général.
Monsieur le ministre, faites-vous bien de l’intermodalité une politique prioritaire à la fois dans les actions et les financements ? Considérez-vous bien que les transports en commun du quotidien, sous toutes leurs formes, font partie intégrante des solutions d’avenir pour notre planète et que l’équité territoriale doit engendrer, demain, une ville sans couture ? (Mme Valérie Létard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, la mobilité est l’un des éléments essentiels du travail que nous devons réaliser ensemble sur ces territoires. Que constatons-nous ? Y compris en Île-de-France, et peut-être là plus qu’ailleurs, d’une commune à l’autre, nos concitoyens ont du mal à trouver un emploi, car cela se traduit souvent par des déplacements d’une heure, voire d’une heure et demie, alors que le poste ne se trouve qu’à quelques kilomètres de leur domicile.
Ce constat, qui n’est nullement une découverte, est le résultat des différentes politiques qui ont été menées depuis des années. Il s’agit là véritablement d’une responsabilité collective et ce n’est pas que la faute de l’État, quoi qu’en disent ceux qui s’en tiennent à des postures. Dans le dossier du Grand Paris, la question de la mobilité me paraît essentielle.
Madame Vullien, vous me demandez si le Gouvernement veut favoriser l’intermodalité. La réponse est oui, bien évidemment ! Nous sommes dans une période de mutation considérable en matière de transport, je dis bien : considérable. Voilà quelques jours, j’étais au lancement de la première voiture autonome française ; en matière de transports, les choses vont s’accélérer dans les années qui viennent. À ce titre, les annonces du ministre des transports, dans le cadre des Assises de la mobilité, vont tout à fait dans ce sens.
Quoi qu’il en soit, cela ne se fera pas en un jour. Le concours des collectivités locales est nécessaire – il y va de l’intérêt général – et c’est tout à fait dans cette démarche que nous nous inscrivons.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour la réplique.
Mme Michèle Vullien. Monsieur le ministre, je vais vous parler lyonnais : « Il suffit pas d’y dire, faut encore y faire ! » (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de 2014 a fait rentrer dans la politique de la ville, grâce au critère unique du revenu par habitant, des quartiers situés en zones rurales. Patrick Kanner a mis en œuvre avec efficacité cette politique, je peux en témoigner à Auch.
Le Président de la République a indiqué vouloir mieux cibler l’action de la politique de la ville sur les quartiers en très grande difficulté. Si cette décision se comprend au regard des principes et valeurs de la République qui nous rassemblent, pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur le maintien dans le dispositif, de façon durable dans le temps, des quartiers politique de la ville situés en zones rurales ?
Il est en effet essentiel que l’action collectivement déjà engagée, qui a souvent déjà produit des effets positifs et qui suscite légitimement de fortes attentes des citoyens, des associations et des élus, ne soit pas déçue.
L’inscription dans le projet de loi de finances pour 2018 de 15 millions d’euros de crédits de paiement pour l’ANRU laisse comprendre que très peu de projets de renouvellement urbain seront réalisés et financés en 2018. Est-ce à dire que l’année 2018 sera consacrée au mieux à des études, au pire à rien ? S’il en est ainsi, quel message faites-vous passer aux habitants de ces quartiers ?
Comment l’État, par le truchement de l’ANRU, va-t-il compenser le désengagement ou l’affaiblissement de nombreux acteurs comme les bailleurs sociaux, les départements et les régions ? Le calcul de la participation de l’ANRU au financement va-t-il être revu à la hausse pour opérer les nécessaires compensations ?
Enfin, dans une perspective d’aménagement du territoire moderne, le temps n’est-il pas venu de penser différemment les stratégies d’accueil et de peuplement à partir d’une relation « métropole-territoires ruraux ou périphériques » reconsidérée, qui permettrait de donner un sens concret au principe d’égalité des territoires auquel nous sommes tous attachés ? (Mme Sophie Taillé-Polian et M. Patrick Kanner applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, rassurez-vous et rassurez le Gers : il n’y aura pas d’abandon par l’État de la politique de la ville dans le quartier d’Auch, auquel vous tenez particulièrement, pas davantage que dans le quartier prioritaire d’intérêt régional de ma bonne ville d’Aurillac. Le Gouvernement n’entend pas modifier la liste des quartiers qui ont été retenus dans le cadre de la politique de la ville. Il n’y a donc pas de raison d’être inquiet.
Sur la question des 15 millions d’euros, comme je l’ai dit voilà quelques instants, les dossiers qui seront prêts seront financés. Cela a été fait en total partenariat avec l’ANRU et il n’y a aucune difficulté à cela. De grâce, les difficultés sont déjà suffisamment nombreuses pour ne pas y ajouter des craintes injustifiées !
Vous parlez de la relation entre la métropole et les territoires ruraux. Je sais, pour avoir signé un contrat dans le Gers en présence de la métropole et du pays présidé par votre collègue Raymond Vall, que vous êtes très allant dans ce domaine. Nous ne pouvons qu’inciter toutes les métropoles, y compris les plus célèbres, à pratiquer une politique du ruissellement qui favorisera tous les territoires ruraux. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, je souligne que je suis un sénateur écologiste rattaché au groupe RDSE – comme quoi, monsieur le ministre, tout peut arriver ! – et je m’y trouve plutôt bien. (Sourires.)
Monsieur le ministre, mesdames les auteurs du rapport d’information à l’origine du débat qui nous réunit aujourd’hui, mes chers collègues, ma question porte plus particulièrement sur le dispositif des conseils citoyens. Dans son rapport sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine en 2014, dit projet de loi Lamy, notre ancien et regretté collègue Claude Dilain déclarait : « La participation [des habitants] ne doit pas être vue comme un obstacle et une source de délais supplémentaires, mais comme une possibilité d’améliorer le projet comme d’éviter des risques de blocages ou d’insatisfaction ultérieurs. »
Nous multiplions régulièrement les instances de consultation et de participation des citoyens. Nous en avons d’ailleurs inscrit le principe dans notre Constitution, via l’article 7 de la Charte de l’environnement. Nous l’avons confirmé en ratifiant plusieurs traités internationaux. Cette participation se pratique aujourd’hui dans des domaines diversifiés, en particulier l’environnement et l’urbanisme.
Le dispositif des conseils citoyens a été qualifié d’« instance balbutiante » par les auteurs de ce rapport d’information. Monsieur le ministre, ma question est simple : comment envisagez-vous de renforcer les conseils citoyens, de les conforter dans leur mission et d’engager une mise en cohérence des différents systèmes de participation des habitants sur les territoires ?