M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
19 403 991 480 |
19 411 105 896 |
Inclusion sociale et protection des personnes |
6 520 605 577 |
6 520 605 577 |
Handicap et dépendance |
11 341 212 791 |
11 341 212 791 |
Égalité entre les femmes et les hommes |
29 779 727 |
29 779 727 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative |
1 512 393 385 |
1 519 507 801 |
Dont titre 2 |
732 849 005 |
732 849 005 |
M. le président. L’amendement n° II-205, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’amendement de suppression de l’article 63 rattaché à la mission, que nous examinerons dans quelques instants.
Cette suppression permettra de ne pas exclure de la prime d’activité les bénéficiaires d’une pension d’invalidité et d’une rente accident du travail-maladie professionnelle, dite « rente AT-MP ». Selon le Gouvernement, cette mesure entraînait une économie de 20 millions d’euros.
Le présent amendement vise ainsi à compenser la suppression de cette moindre dépense en diminuant les crédits relatifs aux frais de fonctionnement et d’immobilier des ministères sociaux, portés par le programme 124. En effet, des gains de productivité et d’efficience sont attendus en 2018 s’agissant de la politique d’achat, dans le cadre de la nouvelle gouvernance des achats de l’État et, surtout, de la politique immobilière.
Par ailleurs, ce programme fait l’objet d’annulations régulières par le Gouvernement en gestion. C’était le cas pour 54,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 48,5 millions d’euros en crédits de paiement en 2016 et le dernier décret d’avance de juillet 2017 a procédé à une annulation de 59,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 69,7 millions d’euros en crédits de paiement, dont 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour les dépenses de support, hors agences régionales de santé, du programme 124.
En conséquence, le présent amendement tend à majorer l’action n° 11 de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et à réduire à due concurrence les crédits du programme 124, en diminuant de 1 million d’euros l’action n° 10, Fonctionnement des services, de 1 million d’euros l’action n° 11, Système d’information, et de 18 millions d’euros l’action n° 12, Affaires immobilières.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. L’article 63 prévoit la fin de la disposition permettant un accès à la prime d’activité aux bénéficiaires de pensions d’invalidité et de rentes AT-MP. Le Gouvernement étant opposé à sa suppression, il est également opposé, par cohérence, à l’amendement que vous proposez.
De plus, la budgétisation du programme 124 est déjà très contrainte ; les dépenses de fonctionnement courant, hors immobilier, système d’information et ARS, sont ainsi en baisse de 7,4 %, et les dépenses de communication de 10 %.
Vous proposez de minorer les crédits inscrits à l’action n° 12, Affaires immobilières, alors que ces derniers couvrent des dépenses obligatoires, telles que l’ensemble des dépenses locatives des ministères sociaux. Il est donc, par nature, impossible de réduire ces crédits de 18 millions, ce qui correspond à 20 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances.
Par ailleurs, une minoration de 1 million d’euros des crédits inscrits à l’action n° 11, Systèmes d’information, serait de nature à mettre en péril l’action des ministères sociaux en matière de modernisation et de sécurisation de leurs systèmes d’information, alors même que cette action a été reconnue comme prioritaire.
Enfin, il convient de signaler que les crédits du programme 124 ont été réduits de 900 000 euros dans le cadre d’une mesure de rabot adoptée en deuxième délibération à l’Assemblée nationale pour gager des ouvertures pratiquées par ailleurs sur d’autres programmes.
Dans ces conditions, je ne puis qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Bien entendu, nous sommes favorables à l’objectif de cet amendement. J’ai dénoncé précédemment les effets des baisses de crédits et de la non-éligibilité des rentiers AT-MP.
Pour autant, on nous propose de diminuer des crédits de programmes sociaux pour en augmenter d’autres, ce qui paraît tout de même difficile à accepter !
On nous explique qu’il y a déjà eu des diminutions dans les années passées, notamment de 118 millions d’euros en crédits de paiement, mais on ne peut pas continuer comme ça jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Il faut s’arrêter à un moment, parce que les besoins sont supérieurs aux crédits affectés.
Par conséquent, si nous sommes d’accord sur l’objectif, nous ne pouvons l’être sur les moyens de transfert d’un programme social vers un autre. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le règlement fait que nous examinons cet amendement avant l’amendement de suppression de l’article 63, mais suffisamment d’arguments ont été évoqués à la tribune pour qu’il soit superflu de développer longuement la nécessité de cette suppression.
Cet article prévoit d’exclure du bénéfice de la prime d’activité les allocataires de pensions d’invalidité et les rentiers AT-MP. Chacun a pu se faire son idée sur l’aspect injuste de cette mesure, qui a convaincu les membres de la commission des finances de soutenir sa suppression.
En ce qui concerne les reprises de crédits sur l’autre programme visant à financer cette proposition, j’ai détaillé l’importance des rendus de crédits : près de 60 millions d’euros en 2016, près de 70 millions d’euros en 2017. Cette année, on peut supposer qu’ils seront du même ordre de grandeur. Il n’y a pas péril à envisager cette reprise de crédit pour financer les 20 millions d’euros que coûtera la fin de l’article 63.
M. le président. L’amendement n° II-225, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
3 924 852 |
|
3 924 852 |
|
Handicap et dépendance |
1 765 568 |
|
1 765 568 |
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
945 900 |
|
945 900 |
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
26 000 |
6 662 320 |
26 000 |
6 662 320 |
TOTAL |
+ 6 662 320 |
- 6 662 320 |
+ 6 662 320 |
- 6 662 320 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à compenser la suppression des crédits issus de la dotation d’action parlementaire, dite « réserve parlementaire », dont bénéficiait la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Ces crédits n’ont été que partiellement compensés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. En effet, en 2017, sur les 147 millions d’euros prévus au titre de la réserve parlementaire, 61 millions d’euros étaient destinés aux associations, par le biais de crédits ouverts sur la plupart des missions du budget général : « Sport, jeunesse et vie associative », « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Cohésion des territoires », etc.
L’abondement du fonds pour le développement de la vie associative, ou FDVA, à hauteur de 25 millions d’euros, par le biais d’un amendement gouvernemental à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » voté à l’Assemblée nationale, ne suffit donc pas à compenser l’intégralité de la réserve.
Par ailleurs, le Gouvernement n’a pas indiqué clairement quelles seront les associations destinataires de ces crédits supplémentaires abondant le FDVA, affirmant seulement que « ces crédits seront prioritairement destinés aux associations ne bénéficiant pas du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires ». Il s’agirait donc de petites associations, ce qui n’est pas leur faire injure naturellement.
Dans ces conditions, cet amendement vise à majorer les crédits de la mission du montant des crédits ouverts et répartis en 2017, au titre de la réserve parlementaire, soit 6 662 320 euros. Nous vous proposons une imputation de ces crédits qui est détaillée par ailleurs, mes chers collègues.
La non-compensation de ces crédits pour 2018 met, en effet, en difficulté toutes les associations qui percevaient des fonds de la réserve, notamment les Restos du cœur, qui avaient bénéficié de près de 700 000 euros en 2017, les banques alimentaires – près de 200 000 euros –, le Secours populaire, l’Association des paralysés de France, la Croix-Rouge, le mouvement du Nid, etc.
Afin de financer ces dépenses supplémentaires, le présent amendement tend également à réduire de 6 662 320 euros les crédits du programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à diminuer de 500 000 euros l’action n° 10, Fonctionnement des services, de 4 412 320 euros l’action n° 12, Affaires immobilières, de 500 000 euros l’action n° 14, Communication, de 500 000 euros l’action n° 15, Affaires internationales et européennes, et de 750 000 euros l’action n° 16, Statistique, études et recherche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. La loi sur la confiance dans la vie politique, acte fondateur du quinquennat, a mis fin à la réserve parlementaire.
Toutefois, pour répondre aux inquiétudes concernant les besoins des associations, notamment les plus fragiles, le Gouvernement a proposé d’abonder à hauteur de 25 millions d’euros supplémentaires le fonds pour le développement de la vie associative, par un amendement au projet de loi de finances pour 2018 adopté le 2 novembre dernier.
Ces crédits seront prioritairement destinés aux associations les plus fragiles, celles qui n’ont pas de salariés et ne sont donc pas bénéficiaires du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, et leur apporteront une véritable aide.
Cette réponse me semble devoir vous satisfaire, et je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-225 est-il maintenu ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne considère pas que la bonne solution est d’effectuer un transfert de crédits en piochant dans telle ou telle enveloppe au risque d’amputer des crédits dont les missions ont besoin.
J’ai en tête, par exemple, la mission « Égalité entre les femmes et les hommes », grande cause nationale. Doit-on lui retirer des crédits pour essayer de compenser une perte pour les associations ?
Le Gouvernement a fait un mauvais choix, il faut qu’il l’assume, ce n’est pas au Sénat d’essayer de le pallier à moyens constants en déshabillant Paul pour habiller Jacques ou Paulette pour habiller Jacqueline ! (Sourires.)
Nous sommes donc opposés à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je partage ce qui vient d’être dit ; c’est d'ailleurs l’argument que j’ai moi-même développé il y a quelques instants. Enlever à certaines actions sociales des crédits pour les accorder à d’autres, cela n’a pas de sens. Cela revient à exprimer des différences de sensibilité, alors que nous n’en avons pas, dans cette assemblée.
Il n’en reste pas moins que l’objectif est pertinent, considérant que, la réserve parlementaire n’étant plus distribuée, cela pénalise certaines associations caritatives qui en étaient attributaires pour des sommes parfois très importantes, cela a été dit.
J’ajoute que ces associations vont voir disparaître les emplois aidés, peut-être pas cette année en raison de mesures transitoires, mais dans les années qui viennent, et seront doublement pénalisées, alors qu’elles remplissent une fonction essentielle dans notre pays pour lutter contre la pauvreté et aider tous ceux qui sont marginalisés et vulnérables.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement, mais je demande au Gouvernement de rétablir, d’une façon ou d’une autre, les crédits qui étaient affectés au titre de la réserve parlementaire et de porter une attention bienveillante et compréhensive à la situation des associations qui se vont se voir privées des emplois aidés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends les arguments de mes collègues et j’approuve le raisonnement du rapporteur spécial, mais le rabotage continu sur les mêmes postes, non pas d’intervention, mais de support, est une mesure qui a ses limites.
On en arrive à une situation peu logique : rétablir des fonds à un endroit, c’est bien, mais examine-t-on bien comment on les enlève ailleurs ? Cela risque de devenir gênant pour le fonctionnement même du ministère.
Madame la secrétaire d’État, la bonne solution serait que vous plaidiez pour un effort supplémentaire sur les crédits du FDVA. On s’aperçoit aujourd’hui, tout de même, que la réserve parlementaire, ce n’était pas de l’argent qui partait dans la nature, et on constate les manques que sa suppression entraîne pour les collectivités locales comme pour le milieu associatif…
Essayons d’être conciliants et de trouver une solution. Je ne suivrai pas la commission dans sa tentative de rabotage un peu aveugle. On reproche parfois cette attitude au Gouvernement, donc ne nous y prêtons pas. Il faudrait toutefois que le Gouvernement fasse un geste en direction des associations, qui jouent un rôle très important dans le maintien du lien social.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. J’entends parfaitement le reproche qui peut être fait à cette proposition consistant à aller chercher des crédits ailleurs. Nous sommes obligés de la faire parce que c’est la règle, mais je vous fais observer que l’essentiel des reprises de crédits pèse sur les affaires immobilières, pour plus de 4,4 millions d’euros, alors que l’on assiste sur ces lignes à des rendus de crédits de 60 millions d'euros à 70 millions d’euros, selon les années.
La critique, en l’occurrence, est certes fondée en principe, mais elle ne l’est pas dans les faits, au vu des rendus des années précédentes. Nous pouvons donc voter sans problème cet amendement, ainsi que je vous engage à le faire, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. La suppression de la réserve parlementaire est quelque chose que je n’arrive pas à expliquer.
Au Sénat, tout le travail avait été fait pour que son engagement se fasse parfaitement dans les règles. À titre personnel, je l’ai toujours consacrée, par le biais du ministère des outre-mer, au bénéfice exclusif des associations, pour l’organisation d’événements. Les dossiers étaient contrôlés par le ministère avant et après utilisation. Je ne vois donc pas ce que l’on reprochait à la réserve parlementaire.
Aujourd’hui, nous nous battons pour trouver des solutions de remplacement en créant des dotations qui seraient confiées à des préfets, afin qu’ils en attribuent le bénéfice à notre place. Mais de quel droit un préfet est-il plus compétent que les élus locaux pour attribuer des fonds de la réserve parlementaire au milieu associatif ?
Je ne trouve pas plus satisfaisantes les solutions qui nous sont proposées aujourd’hui. Je suis très gêné par cet amendement, mais je considère que la démarche unilatérale du Gouvernement n’est pas acceptable. C’est pour moi un signe d’amateurisme ; agir ainsi, ce n’est pas sérieux ! Cela revient à plomber l’activité des parlementaires, et c’est inacceptable. Nous avons une fonction, nous sommes respectables, nous l’accomplissons normalement. Je ne comprendrai donc jamais cette démarche.
Je tenais à le dire sincèrement : cette politique n’est pas bonne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-92 est présenté par M. Mouiller, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° II-172 rectifié ter est présenté par Mmes Meunier, Rossignol, Monier et Blondin, M. Vaugrenard, Mmes Lepage, de la Gontrie, Harribey et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Féret, Guillemot et Ghali, MM. Féraud et Todeschini, Mme Lubin, MM. Fichet et Lalande, Mmes Van Heghe, Taillé-Polian et Grelet-Certenais, MM. Duran, Kerrouche, Tourenne, Tissot, Sueur, Manable, Jomier, Kanner, Durain, Lozach, Assouline, Antiste et M. Bourquin, Mme Préville, M. Courteau et Mme Tocqueville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Inclusion sociale et protection des personnes |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Égalité entre les femmes et les hommes |
1 800 000 |
|
1 800 000 |
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2 |
|
1 800 000 |
|
1 800 000 |
TOTAL |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-92.
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis. Cet amendement a déjà été largement commenté durant la discussion générale. Il vise à abonder de 1,8 million d’euros l’action n° 15 du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », qui concerne la lutte contre la prostitution.
Ainsi que cela a été dit, la loi du 13 avril 2016 vient d’entrer en application et les différents outils et moyens qui en sont issus se répandent sur le territoire national. Naturellement, nous en percevons les premiers effets.
Il me semble malvenu d’envoyer le signe que les crédits diminuent, alors même que nous plaçons nos espoirs dans les conséquences bénéfiques de la loi, afin que les personnes aujourd’hui en situation difficile reçoivent de l’aide pour leur réinsertion. C’est pourquoi nous proposons de revenir au niveau des crédits de 2017.
La provenance de ces crédits met de nouveau en jeu des transferts entre programmes. Je ne reprendrai pas l’argumentaire par lequel notre rapporteur spécial, M. Bazin, nous a exposé les disponibilités et les possibilités qu’offre le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », notamment au titre du volet immobilier.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l'amendement n° II-172 rectifié ter.
Mme Michelle Meunier. Mes chers collègues, le même état d’esprit sous-tend cet amendement, qui vise à soutenir trois formes d’intervention : premièrement, l’aide aux associations, qui sont de véritables partenaires de l’État en matière de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ; deuxièmement, le versement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle, l’AFIS, dont nous avons largement débattu dans cet hémicycle lors de l’examen de la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ; troisièmement, les crédits grâce auxquels les services déconcentrés de l’État peuvent apporter un soutien aux associations agréées.
On l’a dit, les baisses cumulées subies par ces crédits représentent un total de 1,8 million d’euros. Elles plongent les acteurs du secteur associatif dans l’incompréhension. D’ailleurs, comment les justifier, alors que 2018 sera, pour la mise en œuvre de cette loi, la première année pleine ?
Comme nous l’avons indiqué dès la discussion générale, nous soutenons le maintien de ces crédits au niveau annoncé en 2017.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur pour avis, madame la sénatrice, bien sûr, je comprends votre volonté d’augmenter les crédits consacrés aux droits des femmes et à l’égalité.
Néanmoins, j’ai déjà dit pourquoi j’étais défavorable au fait d’accroître ces fonds en prélevant des crédits sur le programme 124.
Je vous rappelle que les crédits inscrits à l’action n° 15 ont été calculés sur la base d’une progression graduelle du nombre annuel de bénéficiaires de l’AFIS entre 2018 et 2022 ; le mode de calcul retenu correspond à la montée en charge de ce nouveau dispositif, en fonction d’une évaluation plus conforme au nombre réel de dossiers présentés à ce jour.
La mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes en situation de prostitution a été progressive au cours de l’année 2017, du fait des délais induits par la publication des textes réglementaires, de la nécessité d’identifier l’ensemble des acteurs locaux pour installer les commissions départementales et d’agréer les associations chargées du parcours de sortie de la prostitution.
Au 30 novembre 2017, vingt-quatre demandes d’entrée dans le parcours ont reçu un avis favorable de commissions départementales et plus d’une vingtaine de dossiers devraient être examinés avant la fin de l’année.
La dynamique qui s’est enclenchée va désormais se traduire dans la montée en charge du dispositif. La programmation budgétaire tient compte de cette trajectoire. Avec 2,4 millions d’euros, c’est 600 parcours qui pourront être financés sur une année complète.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Les auteurs de ces deux amendements viennent de le faire remarquer justement : les crédits alloués à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, et aux actions de prévention menées en la matière, qui s’élèvent aujourd’hui à 5 millions d’euros, sont en forte baisse par rapport à 2017 : ils affichent un recul de 26,7 %.
Or cet argent est notamment destiné à financer le parcours de sortie de la prostitution. Mis en avant lors de l’examen, par le Parlement, de la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, ce dispositif devait contrebalancer l’inéluctable mise en danger des personnes prostituées induite par la pénalisation des clients, que je me suis attachée à combattre sur ces travées.
On nous annonçait la fin des problèmes de violences envers les personnes prostituées, la fin des problèmes sanitaires dus à l’isolement et à la précarisation. Les personnes concernées, nous assurait-on, se verraient proposer des aides financières à la réinsertion sociale et professionnelle. Elles pourraient enfin trouver un véritable emploi.
La pénalisation des clients a déjà montré ses effets pervers : les observations de la mission France de Médecins du monde sont, de ce point de vue, édifiantes. En revanche, le « parcours de sortie » n’a été mis en place qu’en avril 2017, et Mme Schiappa a elle-même indiqué que, au 1er novembre dernier, seules cinq personnes en avaient bénéficié.
La baisse de ces crédits pour 2018 aura donc une conséquence très concrète : les personnes prostituées, qui voient leurs conditions de travail et de santé considérablement aggravées, seront abandonnées un peu plus encore.
L’ironie de cette situation, quand on prétend ériger en priorité la lutte contre les violences faites aux femmes, pourrait prêter à sourire. Malheureusement, la situation de précarité et de grand danger dans laquelle se trouvent ces personnes nous oblige, au contraire, à faire preuve de la plus grande gravité.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos explications. J’ai également suivi de près les débats que l’Assemblée nationale a consacrés à cette question.
Vous l’avez dit, le « parcours de sortie » de la prostitution et l’accompagnement qu’il implique sont en train de monter en puissance. Aussi, avec cette réduction de crédits, on envoie réellement un signal très regrettable.
Lors de l’examen de ce texte de loi, le dispositif en question était présenté comme l’un des piliers de la lutte contre le système prostitutionnel, contre les réseaux. Il s’agissait non seulement de pénaliser les clients, mais aussi d’accompagner les personnes prostituées vers la sortie de la prostitution. Cette diminution de crédits risque fort d’empêcher la loi d’exister ; or cette dernière mérite d’être pleinement soutenue.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’observe comme un paradoxe dans l’attitude du Gouvernement. Samedi dernier, le 25 novembre, lors de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, on nous a annoncé une prise de conscience au plus haut niveau de l’État. Et alors même que la prostitution est une violence extrême exercée à l’encontre des femmes, le Gouvernement diminue les crédits destinés à l’accompagnement des personnes qui souhaitent sortir du système prostitutionnel.
Au sein du groupe CRCE, nous nous sommes battus pour l’adoption de ce texte de loi dont le Gouvernement va aujourd’hui empêcher l’application pleine et entière. À nos yeux, cette attitude est incompréhensible.
Les dispositifs dont il s’agit sont également essentiels en matière de prévention ; comme plusieurs de mes collègues, j’appelle le Gouvernement, notamment Mme Schiappa, mais aussi le Président de la République, à réfléchir aux conséquences d’une telle décision. Bien sûr, les discours ont leur importance, mais, au-delà, il faut des moyens pour mettre en application la lutte contre les violences faites aux femmes, qui constituent un véritable fléau.
Cela étant, il n’est pas satisfaisant de compenser les manques de crédits imputables au Gouvernement en prélevant sur des fonds qui correspondent, peu ou prou, à des enveloppes fermées : en procédant ainsi, on ne règle pas le problème.
Voilà pourquoi nous nous abstiendrons sur ces amendements identiques.