M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Corbisez, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports routiers. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits consacrés aux transports routiers figurant dans le projet de loi de finances pour 2018 et dans le budget prévisionnel de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Avec les assises de la mobilité qui sont en cours, le Gouvernement veut définir une nouvelle stratégie pour les transports, qui mettra l’accent sur les transports du quotidien et la régénération des réseaux existants.
Ces travaux doivent aboutir à la présentation d’une loi de programmation des infrastructures au début de l’année 2018.
Nous souhaitons que cette loi tende avant tout à rétablir la soutenabilité du financement des infrastructures et qu’elle permette d’associer davantage le Parlement à la définition de ces dépenses, alors que notre noble assemblée a, en général, peu de visibilité sur le volet « dépenses » du budget de l’AFITF, qui n’est adopté qu’en décembre. J’appelle d’ailleurs de mes vœux la désignation rapide du président de cette agence, pour remplacer Philippe Duron, qui a dû la quitter en juin dernier.
Le budget d’intervention de l’AFITF, qui passera de 2,2 à 2,4 milliards d’euros en 2018, reste encore contraint. Il ne peut en effet être considéré comme suffisant que si l’on accepte le fait que l’agence retarde certains paiements, comme elle l’a fait par le passé.
Mais dans ce contexte budgétaire tendu, nous pouvons tout de même saluer l’augmentation annoncée de 100 millions d’euros des crédits d’entretien et de modernisation du réseau routier national non concédé. Ces crédits atteindront au total 800 millions d’euros, en comptant les crédits de l’AFITF et ceux de l’État.
C’est une vraie nécessité, mais il n’est pas certain que cette augmentation soit suffisante pour enrayer la dégradation du réseau observée depuis quelques années en raison d’une baisse des crédits, mais aussi de l’allongement des délais de rénovation des voiries. Je rappelle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donné l’alerte à ce sujet en février dernier, en organisant une table ronde avec toutes les parties concernées. Nous attendons la publication, prévue ce mois-ci, de l’audit sur l’état des voiries.
Enfin, la commission est favorable aux évolutions du compte d’affectation spéciale dédié aux aides à l’acquisition de véhicules propres : en particulier, la prime à la conversion sera étendue à tous les ménages, et doublée pour ceux qui ne sont pas imposables. Cette prime a en effet l’avantage d’agir directement sur le parc roulant ancien.
Par ailleurs, le recentrage du bonus sur les véhicules électriques a l’avantage de favoriser une filière d’avenir, en pleine émergence.
Pour l’ensemble de ces raisons, et dans l’attente de la loi d’orientation sur les mobilités annoncée pour le début de l’année 2018 qui doit permettre de résoudre un certain nombre de difficultés, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits destinés aux transports routiers pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a constaté que le budget proposé pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux est un budget de transition – une expression souvent employée par Mme la ministre –, dans l’attente de la réorientation de la politique des transports souhaitée par le Gouvernement.
Cette démarche, engagée dans le cadre des assises de la mobilité et du Conseil d’orientation des infrastructures, est positive, car nous ne pouvons plus continuer, comme par le passé, à promettre la réalisation de projets d’infrastructures sans nous assurer de leur faisabilité financière. Il faut donc redéfinir les priorités et en garantir le financement. Ce sera l’objet de la loi de programmation que le Gouvernement a annoncée.
La commission se félicite également de l’accent mis sur les transports du quotidien ainsi que sur l’entretien et la modernisation des réseaux existants, dont l’état est très préoccupant, en particulier dans le domaine ferroviaire.
En attendant ces évolutions, le budget prévu pour 2018 devrait conduire l’AFITF à retarder certains paiements, comme les années précédentes.
Malgré ce contexte budgétaire contraint, vous nous avez rassurés, madame la ministre, sur le respect des engagements de l’État concernant le financement des matériels roulants des trains d’équilibre du territoire, dans les deux régions où il était décalé, le Centre-Val de Loire et les Hauts-de-France.
Je souhaiterais néanmoins évoquer un dernier sujet d’inquiétude : la situation de Fret SNCF. La Cour des comptes vous a alertée sur ce sujet en juillet dernier, madame la ministre, dans un référé sur le fret ferroviaire.
Fret SNCF est pénalisé par le coût et le régime de travail de ses agents, et accumule les pertes. Son endettement croît dangereusement : il faut donc réagir, et vite. Quelle réponse comptez-vous y apporter ?
Pour conclure, afin de rester dans le temps qui m’a été imparti, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui suivra avec attention les travaux relatifs à la loi d’orientation sur les mobilités et à la libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs, a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Angèle Préville, en remplacement de Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports aériens. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à excuser notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ne pouvait malheureusement être présente aujourd’hui.
Nous examinons les crédits relatifs aux transports aériens dans un contexte favorable : le secteur aérien est porté par une croissance robuste sur le plan mondial comme national, dont profitent les compagnies aériennes, les exploitants d’aéroports et l’industrie aéronautique.
Après les turbulences traversées en 2016, du fait d’un contexte sécuritaire marqué par les attentats terroristes, la croissance du trafic aérien national a repris avec vigueur en 2017, puisqu’elle a atteint 5,9 % au cours du premier semestre de cette année.
Cette croissance du trafic, couplée à un prix du pétrole qui reste faible, permet aux compagnies aériennes françaises de voir leur situation économique et financière s’améliorer. Sur les neuf premiers mois de l’année 2017, le résultat d’exploitation d’Air France a ainsi progressé de 220 millions d’euros. Le lancement, cet été, de la nouvelle compagnie Joon par Air France témoigne aussi de ce dynamisme retrouvé, dont nous pouvons nous féliciter.
Cependant, ces évolutions positives ne masquent pas la fragilité persistante des compagnies aériennes, qui continuent de souffrir d’un différentiel de compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents, et tout particulièrement des compagnies du Golfe et des compagnies à bas coûts.
Ces problèmes de compétitivité, nous en connaissons la cause : il s’agit des écarts de charges salariales, du poids de la fiscalité applicable au secteur aérien, ainsi que de la complexité des normes administratives.
En cas de retournement de la conjoncture, notamment de remontée rapide des prix du pétrole, ces écarts de coûts pourraient fortement pénaliser le pavillon français. Les prochaines assises du transport aérien devront par conséquent être l’occasion de prendre de nouvelles mesures de soutien à la compétitivité de ce secteur.
Un autre sujet d’interrogation concerne la possible privatisation d’Aéroports de Paris, qui soulève des difficultés juridiques, financières et stratégiques non négligeables, et qui pourrait fragiliser le groupe aéroportuaire, alors même que ce dernier est engagé dans d’importants projets de modernisation et de développement du hub parisien.
S’agissant, pour finir, du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens », la commission se félicite de la poursuite, en 2018, du désendettement de la DGAC, la direction générale de l’aviation civile, qui conduira à ramener le niveau de la dette à un niveau inférieur à celui d’avant la crise de 2009. La hausse des recettes d’exploitation, du fait de la croissance du trafic aérien, permettra à la DGAC d’assainir sa situation financière, tout en maintenant ses efforts d’investissement pour moderniser les systèmes de gestion de la navigation aérienne.
C’est pour cette raison que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs aux transports aériens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Michel Vaspart, en remplacement de M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports maritimes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Charles Revet, rapporteur pour avis, m’a demandé de le remplacer pour émettre l’avis de notre commission.
Madame la ministre, notre avis est défavorable tant notre inquiétude est grande sur l’inadéquation des moyens proposés quand on constate le manque de performance des grands ports français, alors que nous avons le deuxième territoire maritime du monde.
Trop de structures se superposent – structures d’État, structures régionales, structures de façade, comités de toutes sortes –, ce qui n’est pas de nature à fluidifier les choses ni à faciliter les projets.
La gouvernance des ports repose souvent sur une approche trop technique et pas assez économique. Les ports sont dans une situation délicate. Ils perdent des parts de marché par rapport aux autres ports européens.
Intégrer une desserte efficace de leur hinterland est un élément essentiel de compétitivité. Mais les infrastructures ferroviaires et fluviales ne permettent pas d’acheminer d’une façon performante les marchandises vers les ports de manière fiable, rapide et régulière.
L’écluse de Méricourt dans les Yvelines menace de tomber en panne, ce qui bloquerait tout trafic sur la Seine.
Mme Sophie Primas. Exact !
M. Michel Vaspart, rapporteur pour avis. Ce trafic serait transféré sur la route, et il serait bien difficile que le transport fluvial le récupère. Car là aussi il y a besoin de stabilité et de confiance de la part des opérateurs.
Pour sauvegarder ces ouvrages, ce sont 100 millions d’euros par an sur dix ans qu’il faudrait prévoir.
De même, le développement de l’intermodalité nécessite de gérer le surcoût engendré par les manœuvres de manutention pour le ferroviaire et le fluvial. Le port de Dunkerque a mutualisé ses coûts ; le résultat semble intéressant.
Madame la ministre, dans le cadre de la discussion de la loi pour l’économie bleue, le Sénat et l’Assemblée nationale ont voté l’exonération des charges patronales. Le budget pour 2018 avait acté sa suppression. Vous l’avez rétablie avec l’appui du Premier ministre, par la suppression de l’article 53. Mais enfin, de quel droit une administration, fût-elle de Bercy, se permet-elle en catimini de revenir sur une décision très majoritaire du Parlement ?
L’intervention de M. le Premier ministre au Havre, il y a quelques jours, dans le cadre des assises de l’économie de la mer, a donné espoir à tous ceux qui attendent une véritable politique de développement de l’économie de la mer. Nous serons vigilants à ce que les espoirs ne soient pas déçus. Mais pour le moment et dans l’attente, nous nous prononcerons sur ce qui est factuel, le budget pour 2018.
Le budget présenté aujourd’hui dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 ne permet pas de répondre au risque de décrochage pérenne des ports français ni de mettre en place une politique maritime ambitieuse.
Notre commission a donc émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports maritimes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour la prévention des risques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte de changement climatique, de vieillissement des installations industrielles et de mutations technologiques rapides, la politique de prévention des risques revêt une importance croissante. Les moyens qui lui sont dédiés sont donc indispensables, sans qu’il soit possible de transiger avec des missions d’une telle importance pour la sécurité des personnes et la protection de l’environnement.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a relevé que les crédits dédiés à la prévention des risques technologiques, miniers, naturels et sanitaires seront globalement préservés en 2018. Toutefois, ce budget témoigne davantage d’un effort de priorisation des actions à moyens contraints que d’un véritable souffle nouveau en faveur de la prévention des risques.
L’augmentation des ressources consacrées à la recherche en matière de santé-environnement nous semble opportune, car il s’agit bien d’améliorer la connaissance et la maîtrise des risques sanitaires d’origine environnementale, comme les perturbateurs endocriniens.
Dans ce même domaine, le renforcement annoncé des moyens de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, en faveur de l’évaluation des produits phytosanitaires nous semble essentiel, compte tenu de l’importance prise par ces sujets dans le débat public, comme l’actualité des derniers jours nous l’a encore rappelé.
Quant à l’ADEME, le montant élevé des crédits de paiement permettra d’abord, comme l’a rappelé notre collègue Jean-François Husson, de couvrir d’importants restes à payer accumulés les années précédentes, tandis que la capacité d’engagement de l’agence va diminuer à partir de 2018.
À ce titre, la commission a regretté l’absence de revalorisation du Fonds chaleur, dont les ressources sont notoirement insuffisantes pour atteindre les objectifs de la transition énergétique.
Deux points de vigilance ont été relevés par la commission.
Premièrement, les ressources attribuées à la sûreté nucléaire demeurent sous tension. Or il s’agit d’une mission hautement prioritaire, presque régalienne, de l’État, compte tenu du prolongement du parc existant et de la multiplication des tâches. Il faut également évoquer la découverte, en 2016, d’irrégularités dans la fabrication de certaines pièces de réacteur. Face à la multiplication des enjeux à venir, il faut établir une trajectoire de financement crédible et pérenne pour la sûreté nucléaire de notre pays. Je l’ai déjà dit l’année dernière, il faut repenser totalement le système de financement de la sécurité nucléaire.
Deuxièmement, le changement climatique va multiplier les risques naturels de grande ampleur. À cet égard, plusieurs membres de la commission se sont inquiétés du plafonnement des ressources affectées au fonds Barnier par le projet de loi de finances. Le Sénat a adopté en première partie un amendement visant à revenir sur cette décision. Le niveau d’intervention de ce fonds devrait être réévalué pour soutenir les collectivités dans leurs études et travaux, en particulier pour la prévention des inondations.
Avec l’indulgence que l’on peut accorder à un premier budget et sous ces différentes réserves, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits dédiés à la prévention des risques. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour la biodiversité et la transition énergétique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être rapporteur pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable des crédits des politiques de biodiversité, d’expertise en matière de transition écologique et enfin de transition énergétique. Ils concernent trois des huit programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : les programmes 113, 159 et 174.
Par rapport à l’année dernière, les moyens de ces politiques sont globalement préservés, ce dont nous pouvons nous féliciter. Mais, dans le temps très court qui m’est imparti, je souhaiterais relayer auprès de notre Haute Assemblée trois inquiétudes de la commission concernant ces programmes qui expliquent en grande partie son avis d’abstention sur le vote de ces crédits.
Le premier point concerne les agences de l’eau. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre lundi lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, et je me félicite d’ailleurs de l’adoption de l’amendement du rapporteur spécial de la commission des finances qui a supprimé la baisse du plafonnement des redevances perçues par les agences de l’eau prévue pour 2019.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable était allée un peu plus loin, en considérant que la reconduction surprise de la ponction sur le fonds de roulement des agences, augmentée cette année à 200 millions d’euros, mettait en péril le budget des agences pour 2018. À trop leur demander d’efforts, les agences ne pourront pas accomplir l’intégralité de leurs missions ô combien importantes, et ce sont les collectivités territoriales qui en seront les premières victimes.
Néanmoins, sur la question essentielle de l’eau, je salue l’initiative d’organiser des assises de l’eau en 2018, et je souhaite vivement que le Sénat y soit pleinement associé.
Le deuxième point d’inquiétude porte sur la création des premières agences régionales de la biodiversité au début de 2018. Nous devrons prendre garde à ne pas créer de système à deux vitesses en la matière, avec des territoires beaucoup plus avancés que d’autres pour la mise en œuvre de cette politique de protection de la biodiversité sur nos territoires de métropole et d’outre-mer.
Le troisième point concerne le financement des projets des collectivités lauréates de l’appel à projets « territoires à énergie positive pour la croissance verte ». La circulaire du ministre pointe une « impasse de financement de 350 millions d’euros » ; le précédent Gouvernement rétorque que des crédits auraient dû être prévus cette année ; et le Gouvernement actuel tente de s’en sortir en débloquant 75 millions d’euros dans le projet de loi de finances rectificative. C’est bien, mais ce n’est pas assez. Les territoires qui ont été les plus vertueux en matière de transition énergétique – nous en connaissons tous – ne doivent pas être les victimes de ce cafouillage.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. Il y va également de la crédibilité des engagements de l’État.
Je vous remercie par avance, madame la ministre, pour vos précisions et les engagements que vous pourrez prendre sur ces sujets importants. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si j’interviens en tant que membre du groupe Union Centriste sur le temps imparti à mon groupe, je le fais avant tout en tant que président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en regrettant une fois encore qu’un temps spécifique ne soit pas accordé dans la discussion générale aux présidents de commission.
Je voudrais rappeler que la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe des crédits aux destinations variées. Nous venons d’entendre pas moins de six rapporteurs qui se sont exprimés sur cette mission.
Quatre rapporteurs ont exprimé un avis favorable aux crédits examinés, un rapporteur un avis défavorable, et un a suggéré l’abstention. Cela témoigne de l’approche pragmatique du Sénat et d’un jugement plutôt positif de notre assemblée sur les crédits proposés.
Les rapporteurs nous ont éclairés avec beaucoup de précision sur les priorités du Gouvernement en matière d’environnement et de mobilité. Mme Vullien interviendra au nom de notre groupe sur les aspects relatifs aux mobilités et aux transports.
Pour ma part, je voudrais faire quelques remarques sur la partie environnement et transition écologique de ce budget, qui sera une synthèse des principaux points soulevés par la commission.
Première observation : ce budget s’inscrit dans le cadre du plan en faveur du climat adopté par le Gouvernement au mois de juillet dernier, lui-même destiné à permettre le respect des engagements pris par notre pays dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat.
Ce plan est ambitieux puisqu’il vise la neutralité carbone en 2050, la fin de la vente de voitures émettant des gaz à effet de serre, la disparition des passoires thermiques, le développement de l’économie circulaire et l’essor des énergies renouvelables.
Si nous partageons ces objectifs, leur concrétisation n’apparaît pas encore parfaitement dans ce budget.
Certes, nous nous réjouissons que les crédits de la mission soient globalement en hausse, puisqu’ils augmentent d’un peu plus de 6 %, mais cela est dû en grande partie à la rebudgétisation des crédits de l’ADEME.
Par ailleurs, il faut également souligner la baisse d’environ 1,5 % des effectifs affectés à la mission.
Je me dois aussi d’évoquer dans le temps qui m’est imparti plusieurs regrets exprimés au sein de la commission.
Je commencerai par les territoires à énergie positive pour la croissance verte. Nous le savons tous ici, c’est sur les territoires que la transition se fait aujourd’hui. De nombreuses initiatives ont été prises en matière d’efficacité énergétique, d’économie circulaire et de mobilité.
Des promesses ont été faites aux élus pour les encourager dans ces initiatives ; elles ne peuvent être remises en cause par des arbitrages administratifs. Madame la ministre, les engagements pris doivent être tenus. Le Gouvernement a promis l’inscription de 75 millions d’euros dans le collectif de fin d’année. C’est une première ouverture, mais il faudra aller au-delà. J’espère que vous pourrez nous donner quelques éléments en ce sens.
Un autre sujet important est le Fonds chaleur. La promesse présidentielle d’un doublement de ce fonds n’a pas été tenue, alors qu’il s’agit d’un formidable levier pour la production de chaleur à partir de ressources renouvelables ou de récupération. Je souligne le caractère particulièrement efficient de ce fonds, qui génère des investissements trois fois supérieurs aux aides apportées.
Sur la politique de l’eau, au moment où l’on accroît les missions des agences de l’eau, l’État augmente à un niveau sans précédent les prélèvements sur leurs ressources. Cela n’est pas cohérent et surtout ne peut être durable. Il faudra prévoir de mettre à l’avenir un peu d’ordre dans les ressources des agences de l’eau et les divers prélèvements qu’elles subissent depuis plusieurs années.
Enfin, dernier point, je veux signaler nos inquiétudes sur le financement de la sûreté nucléaire dans notre pays. Dans ce budget, les moyens sont là, mais ils sont aux limites de l’indispensable.
Or, nous le savons tous, la sûreté nucléaire est une mission hautement prioritaire de l’État et les dépenses qui lui sont liées vont s’accroître de manière inéluctable au cours des prochaines années. Il paraît donc impératif d’établir rapidement une trajectoire de financement pérenne et crédible, car il s’agit d’un dossier sensible pour nombre de nos concitoyens et pour notre pays.
Madame la ministre, mes chers collègues, voilà les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Excellent !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai cette intervention par quelques mots sur la méthode. Alors que le changement climatique nous appelle à un changement de paradigme, la représentation nationale dispose d’une petite heure de débat pour examiner les crédits d’une mission fondamentale qui regroupe à elle seule huit programmes, un budget annexe et trois comptes d’affectation spéciale.
Comment aborder des sujets aussi vastes que la prévention des risques, les transports maritimes, aériens, fluviaux et ferroviaires, la transition énergétique, le climat, la biodiversité en six minutes ? C’est impossible !
Je le regrette d’autant plus que, bien qu’en hausse, cette mission est en trompe-l’œil. Alors qu’elle est censée traduire les engagements du plan Climat, nous n’y retrouvons que très peu de choses nouvelles : il s’agit principalement de revoir les questions du bonus-malus et de la fiscalité sur le diesel.
Pour le reste, ce budget se situe dans la continuité des précédents, à une exception notable. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique a été largement réduit à l’Assemblée nationale. Si nous ne sommes pas friands des niches fiscales – c’est peu dire ! –, ce n’était pas à nos yeux la niche la plus urgente à supprimer, car les ménages se trouvent ainsi privés de plus de 115 millions d’euros. Ainsi, d’après Réseau action climat, l’ensemble des niches fiscales destinées aux énergies fossiles dans les transports représente 7 milliards d’euros annuels. Pourquoi ne pas réorienter cette dépense d’argent public vers une dépense utile pour le climat, nous plaçant ainsi dans un cercle vertueux ?
Les personnels du ministère participent à l’effort de réduction de la dépense publique : 828 équivalents temps plein seront supprimés. Or nous estimons, au regard de l’importance de cette mission, que l’emploi public devrait plutôt y être sanctuarisé.
N’ayant que peu de temps, et comme nous reviendrons dans nos amendements sur la question spécifique de l’eau et de la biodiversité, je concentrerai mon propos sur la question ferroviaire, qui représente la dépense principale de cette mission.
Le rail constitue un levier puissant pour limiter l’émission des gaz à effet de serre. L’état des lieux n’est pas satisfaisant. La part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises régresse chaque année faute de soutien des pouvoirs publics, loin des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement. Cette part n’a eu de cesse de baisser, passant de 24 % en 1990 à 9,6 % en 2017.
Or le rail souffre d’une concurrence déloyale de la route, qui bénéficie d’un régime fiscal et social favorable. La dépense fiscale est incontrôlée puisque, pour le remboursement d’une fraction de la TIPP aux routiers, nous passons d’un coût de 400 millions en 2016 à un coût estimé de 1,137 milliard d’euros pour 2018. Cela représente donc 600 millions d’euros supplémentaires pour le transport routier, qui ne participe toujours pas au financement des infrastructures. Pour nous, la question d’une écotaxe reste donc d’une brûlante actualité, au moment même où une révision de la directive Eurovignette est annoncée.
À l’inverse, les trop rares crédits affectés au fret ferroviaire, notamment dans la loi de finances pour 2017, ont fait partie des crédits annulés. Seuls 90 millions d’euros ont été exécutés pour 2017 sur les 226 millions d’euros prévus.
Comment comprendre cette politique alors que l’exigence du report modal est incontournable pour respecter nos engagements internationaux sur le climat, et notamment l’accord de Paris ? Au lieu de rendre attractif le rail, ce gouvernement continue de mener une politique de sous-financement qui condamne ce mode de transport face aux autres, plus polluants.
Concernant le transport de voyageurs, un projet de loi d’orientation sur les mobilités est attendu au premier semestre de 2018, de même que des scénarios sont à l’étude concernant l’ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs. Nous sommes extrêmement inquiets de ces annonces qui sont le prélude d’un nouveau recul du rail.
Cette modification de l’organisation des transports fait peser des risques sur la sécurité et la fiabilité des transports, sur un aménagement du territoire qui garantisse le droit de tous à la mobilité. Les lignes non rentables risquent ainsi d’être abandonnées par les nouveaux opérateurs, tandis que SNCF Mobilités s’enferrera dans des difficultés plus grandes encore.
Madame la ministre, dans une interview donnée au journal Le Monde, vous avez déclaré que « les compagnies aériennes low cost, le covoiturage, les cars Macron modifient le champ de pertinence du rail ». De notre point de vue, ces déclarations ne sont pas acceptables quand on évalue ces modes de transport sous le prisme de leur bilan carbone.
Je rappelle d’ailleurs que nous avions dénoncé à l’époque l’arrivée des bus dits « Macron », comme élément déstabilisant pour les TER et les trains d’équilibre du territoire, dont l’État se débarrasse aujourd’hui sur les régions. Nous avions donc raison.
Nous estimons, à l’inverse, que l’État doit prendre ses responsabilités pour favoriser le développement du transport ferroviaire. Quand il y a une volonté, le Gouvernement trouve l’argent. Ainsi, le budget prévoit 1,7 milliard d’euros pour le CDG Express, au moment même où vous annoncez une pause dans le financement. Quelle est la logique, alors que ce projet est très contesté et que la contestation s’élargit considérablement ?
Nous sommes donc satisfaits que ces crédits aient été supprimés lors de l’examen, par le Sénat, de la première partie du projet de loi de finances.
Sur le fond, nous considérons que, au lieu de déplorer le fait que 10 milliards d’euros de projets d’infrastructure ne sont pas financés, l’État devrait se lancer dans la recherche de nouvelles recettes. Vous vous félicitez de la hausse des crédits de l’AFITF ; pourtant, ce ne sont pas 2,4 milliards d’euros, mais 3,2 milliards d’euros qu’il lui faudrait pour honorer les investissements déjà annoncés.
Nous avons des idées de recettes à vous proposer : l’écotaxe, dont nous avons déjà parlé et qu’il conviendrait de rétablir, ou encore les autoroutes, qu’il faudrait renationaliser, car les péages rapportent chaque année 10 milliards d’euros.
La reprise de la dette de SNCF Réseau nous semble également incontournable. Dans le projet de loi de finances, d’un côté, 2,42 milliards d’euros de crédits sont affectés à cet établissement et, de l’autre, un montant de 1 milliard d’euros sert uniquement à payer les intérêts de la dette ; c’est un puits sans fond…
En fin de compte, nous regrettons un budget au rabais, qui ne répond pas aux défis écologiques et d’aménagement du territoire. Nous voterons donc, vous l’aurez compris, contre les crédits de cette mission.