Sommaire
Présidence de Mme Catherine Troendlé
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.
vigilance des entreprises et droits humains
Question n° 119 de M. Didier Marie. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Didier Marie.
Question n° 094 de Mme Annick Billon. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Annick Billon.
aide au maintien de l’agriculture biologique
Question n° 123 de M. Guillaume Gontard. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Guillaume Gontard.
conséquences de la sécheresse sur la viticulture gardoise
Question n° 111 de Mme Pascale Bories. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Pascale Bories.
réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 et 1952
Question n° 093 de M. Dominique Watrin. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Dominique Watrin.
construction de la maison d’arrêt de lure
Question n° 106 de M. Michel Raison. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Michel Raison.
complémentaire de santé pour les retraités
Question n° 108 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Yannick Vaugrenard.
vols et attaques aux distributeurs de billets
Question n° 104 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Catherine Procaccia.
liberté syndicale et fermeture de plusieurs bourses du travail
Question n° 092 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Sophie Taillé-Polian.
traitement du « nœud » ferroviaire de la gare de marseille saint-charles
Question n° 105 de Mme Mireille Jouve. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Mireille Jouve.
ligne ferroviaire carcassonne-quillan
Question n° 057 de M. Roland Courteau. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
diminution des budgets des agences de l’eau
Question n° 098 de M. Jean-François Longeot. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-François Longeot.
situation du personnel enseignant
Question n° 100 de Mme Laure Darcos. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; Mme Laure Darcos.
réseaux d’éducation prioritaire
Question n° 114 de M. Pierre Ouzoulias. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; M. Pierre Ouzoulias.
Question n° 103 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; Mme Hélène Conway-Mouret.
politique fiscale du gouvernement en matière de logement
Question n° 095 de M. Alain Joyandet. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Alain Joyandet.
réforme territoriale de l’agglomération parisienne
Question n° 099 de M. Pascal Savoldelli. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Pascal Savoldelli.
modifications du code électoral
Question n° 121 de M. Jean Louis Masson. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Jean Louis Masson.
Question n° 118 de M. Arnaud Bazin. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Arnaud Bazin.
projet de fusion des yvelines et des hauts-de-seine
Question n° 115 de M. Philippe Pemezec. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Philippe Pemezec.
réglementation concernant les zones bleues de stationnement
Question n° 112 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Brigitte Lherbier.
Question n° 107 de Mme Agnès Canayer. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Agnès Canayer.
organisation des élections sénatoriales
Question n° 097 de M. Olivier Paccaud. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Olivier Paccaud.
délivrance de passeport à des parents séparés
Question n° 056 de M. Claude Raynal. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Claude Raynal.
droits d’auteur et musiques traditionnelles
Question n° 113 de M. Michel Canevet. – Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture ; M. Michel Canevet.
dégradations constatées à l’opéra de paris
Question n° 122 de Mme Catherine Dumas. – Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture ; Mme Catherine Dumas.
3. Candidatures à un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
5. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
État B
Amendement n° II-361 de la commission. – Retrait.
Amendement n° II-373 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° II-376 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Rejet des crédits modifiés de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.
Article 62 ter (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 62 ter
Amendement n° II-342 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Article 62 quater (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 62 quater
Amendement n° II-404 rectifié bis de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
État D
Amendement n° II-310 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-311 de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
Article 67 (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 67
Amendement n° II-312 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
Demande de priorité de l’article 52. – M. Gérard Collomb, ministre d’État. – La priorité est ordonnée.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Immigration, asile et intégration
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
État B
Amendement n° II-380 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° II-381 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° II-383 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° II-382 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° II-406 rectifié bis de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Rejet des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Amendement n° II-377 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° II-276 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-378 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° II-395 rectifié de M. Jean Bizet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Administration générale et territoriale de l’État
M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur
État B
Adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
Article 49 B (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 49 B
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
6. Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
7. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
État B
Amendement n° II-374 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° II-407 rectifié bis de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Rejet des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Article 57 ter (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 57 ter
Amendement n° II-405 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Non soutenu.
Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
vigilance des entreprises et droits humains
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 119, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais appeler votre attention ce matin sur la question du respect des droits humains par les multinationales, et de la nécessité d’une réglementation internationale et européenne contraignante en la matière.
Nous nous souvenons tous du drame du Rana Plaza, en 2013, qui avait provoqué la mort d’un millier de personnes, hommes, femmes, enfants, ouvriers de l’industrie textile travaillant pour des marques de vêtements internationales, mais aussi françaises. Chaque jour, partout dans le monde, se produisent des drames qui, sans avoir l’ampleur malheureuse et la portée médiatique du Rana Plaza, sont, pour chacun d’eux, une catastrophe humaine ou environnementale.
Du 23 au 27 octobre dernier, un groupe de travail de l’ONU s’est réuni à Genève pour la troisième fois en vue de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur les entreprises multinationales et les droits de l’homme. Les négociations ont confirmé la future rédaction d’un tel traité international.
Ce traité contribuerait à résorber l’asymétrie en droit entre l’employeur et le salarié et viserait, par le principe de responsabilité des entreprises, à lutter contre les esclavages modernes et à prévenir les écocides. À côté d’autres instruments présents et à venir, comme la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, ce traité serait une belle étape vers un nouvel âge de la mondialisation : ni fermeture ni ultralibéralisme, mais une troisième voie qui place l’humain au centre du développement.
Plus de 900 organisations de la société civile soutiennent ce processus commencé en 2014. De nombreuses entreprises, notamment européennes, déjà exemplaires, ont saisi le bénéfice d’une compétition loyale comme alternative au dumping social et environnemental. Et nous sommes 245 parlementaires français, de tous horizons politiques, à avoir appelé, le 25 octobre dernier, le Président de la République à faire « bouger l’Europe » sur ce dossier.
Alors que la loi française sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre votée par le Parlement au printemps 2017, pionnière en la matière, a eu une place importante dans les discussions à l’ONU, et alors que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé à l’Assemblée nationale, le 17 octobre dernier, que « la France sera très déterminée à faire en sorte que cette proposition de traité soit activée et puisse retenir l’attention des Nations unies », pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel est l’engagement de la France, qui doit être sans réserve au rendez-vous de ce processus historique pour la protection des droits humains fondamentaux ? Quelles initiatives ont été prises par le Gouvernement et quelles sont celles à venir pour faire enfin aboutir ces négociations ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison, et votre opinion est sans doute partagée sur l’ensemble de ces travées, nul ne peut continuer à ignorer les violations des droits de l’homme qui peuvent résulter de l’activité directe ou indirecte de certaines entreprises, particulièrement dans les domaines de l’extraction, mais aussi dans l’industrie, notamment textile, dont vous avez évoqué l’un des drames.
La France, grâce au Parlement, a pris des initiatives à l’instar de cette proposition de loi déposée par M. Dominique Potier – je le dis de mémoire – et ensuite adoptée, qui a permis de commencer à traiter ce sujet au niveau national.
En outre, des enceintes internationales, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, ont été mandatées et se sont réunies. Le groupe de travail intergouvernemental que vous avez évoqué a notamment travaillé fin octobre sur ce sujet. La France a insisté pour que, contrairement à ce qui était prévu dans le projet soumis, l’ensemble des entreprises soient prises en compte, et pas seulement les entreprises transnationales. Il est d’autant plus souhaitable d’avoir une vision plus large qu’il n’existe aucune définition juridique agréée de cette notion d’entreprises transnationales.
Malheureusement, aucun consensus n’a pu être dégagé à l’occasion de cette session : d’une part, le document préparatoire équatorien a été remis un peu tardivement sur la table et, d’autre part, son contenu était trop ambitieux pour faire converger la communauté internationale. Nous attendons impatiemment la tenue d’une quatrième session pour que les discussions se poursuivent et que l’on puisse enfin aboutir.
La France, quant à elle, dès le 26 avril dernier, a poursuivi ses travaux avec un plan national d’action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises, qui s’applique notamment aux droits des salariés.
Nous sommes également très engagés dans la mise en œuvre des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales afin qu’elles adoptent un comportement responsable et éthique.
La France, soyez-en assuré, monsieur le sénateur, est déterminée à poursuivre ses efforts sur le plan national comme sur le plan international pour porter ce sujet, d’autant que vous évoquiez une troisième voie. Il est vrai que nous sommes tous assez sensibles à la philosophie de Léon Bourgeois, qui est à la base du « solidarisme » et pose l’humain au centre de tout.
C’est un moteur de l’action de ce gouvernement. Si, pour l’instant, les choses n’ont pas encore abouti à l’échelon international, nous continuons à mettre la pression pour avancer.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse, car les efforts que notre pays porte à l’échelle internationale sont une bonne chose. Il faut aussi se battre au niveau européen pour que la loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises puisse trouver un débouché, notamment avec une directive qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des pays européens.
coût social du gel des contrats aidés des structures médico-sociales et associations relevant du secteur marchand
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, auteur de la question n° 94, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Annick Billon. Permettez-moi d’attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la perte, pour les territoires, des services rendus par les structures médico-sociales et les associations relevant du secteur marchand à la suite du gel des contrats aidés. Certes, une réforme du dispositif devenait nécessaire ; mais, depuis son annonce brutale, le manque de visibilité des mesures palliatives du Gouvernement suscite l’inquiétude.
En la matière, il est à craindre que les solutions attendues de la mission relative à l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion du marché du travail, confiée à Jean-Marc Borello, ne laissent de côté nombre d’employés précaires peu susceptibles de se former.
Si les études à l’encontre du dispositif ne sont pas à mettre en doute, il conviendrait de ne pas occulter l’observation des économistes selon laquelle rien ne permet d’imaginer les conséquences de leur disparition sur l’emploi.
Avec le gel des contrats aidés, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, déjà touchés par la diminution des crédits accordés aux établissements publics accueillant les personnes âgées, seront contraints de poursuivre la réduction de leurs effectifs, alors que le bien-être et la sécurité de nos aînés sont déjà très dégradés.
À titre d’exemple, l’EHPAD la Berthomière de Longeville-sur-mer s’est vu refuser le renouvellement d’une collaboratrice à un poste essentiel.
Sans solution alternative adaptée, les nouvelles modalités de subventions ouvrent également de sombres perspectives pour l’union générale des Pays de Loire, qui accompagne plus de 53 000 jeunes par an sur le territoire. Précisément, six jeunes sur dix sont considérés comme en sortie positive après trois ans. Plus de 1 300 contrats d’avenir ont été signés fin août 2017 entre jeunes et employeurs.
De même, les restrictions déstabilisent le fonctionnement des employeurs associatifs dont la réussite en matière d’insertion professionnelle n’est plus à démontrer. La fédération de Vendée de la Ligue de l’enseignement ne pourra plus gérer la continuité d’activités sociales et culturelles avec un déficit de dizaines d’emplois aidés.
Autre effet pervers, les responsables de certaines de ces structures se retournent vers les maires en désespoir de cause, pensant que ceux-ci vont pouvoir les secourir, alors même que les budgets de collectivités sont de plus en plus contraints. Le cas s’est également posé pour des associations d’accueil et de protection de femmes en détresse en Vendée, alors que la grande cause du quinquennat, l’égalité entre les hommes et les femmes, a été annoncée voilà peu.
Le maillage associatif participe à l’équilibre social de notre territoire, auquel le Sénat est fondamentalement attaché. Aussi, la commission de la culture a-t-elle lancé une mission d’information visant l’impact de la réduction des contrats aidés sur le secteur associatif.
Me référant à la « sacralisation » de contrats aidés du secteur non marchand sous l’impulsion du Président de la République, je vous saurais gré de nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, si un moratoire d’un an serait envisageable pour les structures médico-sociales et les associations relevant du secteur marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, votre question me rappelle quelques souvenirs avec la commission des affaires sociales, notamment cette loi Travail dont j’avais été corapporteur. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Muriel Pénicaud, malheureusement retenue ce matin, qui aurait souhaité pouvoir vous répondre elle-même et m’a chargé de la remplacer.
Nous sommes tous, sur nos territoires, très attachés à l’action, que vous avez évoquée, des associations d’aide ou de soins à domicile, sans lesquelles un certain nombre de personnes ne pourraient rester chez elles. C’est pour nous un axe prioritaire.
Le Gouvernement a effectivement fait le choix d’orienter sa politique d’insertion durable vers les publics qui sont le plus éloignés de l’emploi, et pour les insérer dans le secteur marchand. Ainsi, les contrats aidés programmés en 2018 pour un montant de 1,45 milliard d’euros seront prioritairement recentrés sur le secteur non marchand. Cela est d’autant plus important que, avec la reprise, des opportunités peuvent voir le jour.
Les contrats aidés pourront être mobilisés par des employeurs qui mèneront une véritable politique d’accompagnement ciblé et de formation, car elle donne plus d’atouts, de capacités aux bénéficiaires pour s’insérer durablement dans l’emploi.
C’est le sens du grand plan d’investissements Compétences qui prévoit un montant de 15 milliards d’euros sur ce volet « formation ». En outre, vous l’avez indiqué, une mission a été confiée à Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, qui est une entreprise exemplaire en matière d’économie sociale et solidaire, dont l’objet est justement d’apporter des solutions d’insertion innovantes. C’est à l’occasion de la présentation des conclusions de cette mission que pourront être explorées un certain nombre de mesures pour l’avenir.
Je veux d’ores et déjà rappeler que le secteur médico-social et les associations bénéficieront de l’action du Gouvernement en faveur de la baisse du coût du travail, puisque le crédit d’impôt de taxe sur les salaires s’élèvera à 600 millions d’euros en 2018 et que les baisses de charges atteindront 1,4 milliard d’euros en 2019.
Les équilibres financiers sont parfois précaires dans ce type d’associations. Il faut tout faire pour que leur activité et donc leur pérennité ne soient pas remises en cause. C’est un attachement que nous partageons avec vous, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Monsieur le secrétaire d’État, ce que je déplore le plus, c’est la méthode employée. En réalité, on nous annonce la suppression des contrats aidés au sein des associations et, aujourd’hui, celles-ci se retournent à juste titre vers les collectivités, qui n’ont pas les moyens d’assumer.
L’État a imposé une obligation au niveau de l’éducation nationale pour la mise en place des temps d’activités périscolaires, les TAP. Pour ce faire, l’intervention de nombre d’associations leur a permis d’embaucher des jeunes sous contrats aidés. Et maintenant, on leur supprime ces contrats, alors que certaines missions doivent être assurées, non par les associations, mais par le service public.
Concernant les assistants de vie scolaire, M. Blanquer et Mme Cluzel ont annoncé hier plus de formation, plus d’accompagnants. Beaucoup d’annonces… Je souhaite qu’elles se traduisent maintenant dans les faits, sur le terrain, car les associations sont dans l’attente de ces mesures. En effet, pour reprendre l’exemple de la protection des femmes qui subissent des violences, ce sont bien souvent les associations qui font le travail !
aide au maintien de l'agriculture biologique
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 123, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vous annonciez le 20 septembre dernier la fin des aides au maintien de l’agriculture biologique, précisant qu’il revenait désormais « au marché de soutenir le maintien à ce type d’agriculture. Nous aurions pu croire à une annonce du porte-parole de la FNSEA !
C’est un très mauvais signal envoyé à un secteur dynamique de notre économie, dont les bienfaits pour l’environnement ne sont pas à démontrer.
Cette annonce est contradictoire avec votre volonté de parvenir à 8 % de surface agricole utilisable exploitée en bio à l’horizon 2020. Vous me répondrez que cet argent est intégralement transféré aux aides à la conversion. Mais ces aides ne couvrent qu’une période de cinq ans, alors qu’il faut en moyenne six à sept ans pour qu’une nouvelle exploitation bio se stabilise et devienne rentable. C’était tout l’objet des aides aux maintiens que vous supprimez.
Cela est d’autant plus incompréhensible que les aides au maintien de l’agriculture conventionnelle sont conservées. Elles concentrent 96 % des aides à l’agriculture. De surcroît, ce financement de l’État permettait de débloquer l’aide européenne du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, avec un mécanisme particulièrement avantageux, puisque chaque euro dépensé par Paris correspondait à 3 euros dépensés par Bruxelles. Ainsi, ce ne sont pas 6 à 8 millions d’euros d’aides au maintien que ne verront pas les jeunes exploitations biologiques, mais potentiellement quatre fois plus.
En effet, avec ce désengagement de l’État, vous confiez aux seules régions, et aux agences de l’eau, déjà exsangues, la responsabilité d’apporter l’intégralité de la contribution publique nationale au FEADER.
Même dans les régions en pointe sur le bio, cet effort financier semble impossible. Dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est une catastrophe qui s’annonce. La région ne contribuait pas au FEADER et ne compensera certainement pas le désengagement de l’État. Ainsi, c’est une perte sèche de plusieurs millions d’euros pour la deuxième région qui compte le plus d’exploitations bio dans le pays.
Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, la mise en place d’une enveloppe de 200 millions d’euros pour financer la transition agricole. Quels en sont les objectifs ? À quelles interprofessions ces sommes seront-elles confiées ? Avec quel pluralisme syndical ? Et enfin, quelle proportion sera allouée directement à l’agriculture biologique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous laissant la responsabilité de votre propos introductif, je veux vous répondre précisément, et essentiellement sur le fond, comme il se doit.
Les aides à l’agriculture biologique sont des dispositifs du second pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui permettent d’accompagner les agriculteurs dans la transition vers des systèmes agricoles conciliant performance économique, sociale, environnementale.
L’État mobilise des moyens particulièrement importants pour le financement de ces dispositifs. Ainsi, le budget total sur 2014-2020 pour les aides au bio a été multiplié par trois par rapport à la programmation 2007-2013.
Ces soutiens à l’agriculture biologique ont été particulièrement efficaces et ont permis un fort développement, vous le savez, de ce mode de production ces dernières années, avec 1,5 million d’hectares en bio, 32 000 exploitations et 15 000 transformateurs et distributeurs recensés en 2016.
Le soutien doit maintenant porter en priorité sur la conversion à l’agriculture biologique, afin que la production française soit au rendez-vous de la forte demande des consommateurs. L’enjeu est aussi de relever le défi de proposer 50 % d’alimentation biologique ou sous signes officiels de qualité dans la restauration collective, conformément aux engagements du Président de la République.
Pour autant, l’aide au maintien n’est pas supprimée – en quelle langue dois-je le dire… – ; ce dispositif pourra continuer à être mobilisé par les régions, en fonction des enjeux spécifiques à chaque territoire.
À compter de 2018, l’État va ainsi recentrer son intervention sur l’accompagnement des conversions, afin de répondre à la forte dynamique observée ces dernières années. Au final, il y aura ainsi davantage de crédits disponibles consacrés à l’agriculture biologique.
L’État continuera bien évidemment de financer les engagements en maintien souscrits avant 2018 jusqu’à leur terme, ces aides étant attribuées pour une durée de cinq ans. Les autres financeurs, en particulier les collectivités et les agences de l’eau, pourront continuer à financer de nouveaux engagements en maintien.
En complément de ces aides, le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique est prorogé et revalorisé, afin d’assurer un soutien simple, pérenne et uniforme sur l’ensemble du territoire.
Le Fonds Avenir Bio est par ailleurs maintenu, qui permet aussi de soutenir des projets de structuration des filières bio, avec un important effet de levier.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’État restera attentif à la dynamique de développement de l’agriculture biologique dans les prochains mois et les prochaines années.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Je suis d’accord sur le constat que vous faites au début de votre intervention, monsieur le ministre. Permettez-moi en revanche d’émettre quelques doutes sur votre développement, puisque vous confirmez que les aides sont bien attribuées sur une durée de cinq ans.
M. Guillaume Gontard. Or, pour ce type d’agriculture, le soutien doit être beaucoup plus long.
Ensuite, vous fléchez les aides sur les régions, ce qui risque d’entraîner une vraie distorsion entre elles, car certaines ne souhaiteront pas ou ne pourront pas abonder les crédits et se substituer à l’État.
S’agissant de l’agriculture bio, qui est le fond du problème, c’est aujourd’hui la Journée mondiale des sols : il faut revoir notre manière de penser notre lien avec la terre. Le glyphosate et de nombreux produits néfastes dont on a parlé sont en train de tuer nos sols, juste pour les enrichir. Nous sommes dans un cercle qui ne fonctionne plus.
Il y a urgence en la matière, à la fois pour les consommateurs, mais également et surtout pour les agriculteurs, car, au bout de la chaîne, c’est eux qui subissent directement les conséquences, à la fois financièrement, car ils s’endettent, mais aussi sur le plan de la santé.
Il est temps d’agir. J’ai entendu vos propos, monsieur le ministre, mais je vous encourage vivement à aller encore plus loin. C’est la seule solution !
conséquences de la sécheresse sur la viticulture gardoise
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories, auteur de la question n° 111, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Mme Pascale Bories. Monsieur le ministre, la sécheresse que subissent de nombreux départements français, et tout particulièrement le Gard, est sans précédent. Nous ne sommes qu’au début d’un phénomène qui aura indéniablement des répercussions sociales fortes.
Avec mes collègues au Sénat et à l’Assemblée nationale, nous avons déjà pu vous présenter les dégâts en cours à ce sujet, sans avoir, hélas ! pour l’instant de réponse satisfaisante.
En effet, avec vingt-cinq jours d’avance, la récolte a été la plus faible depuis 1945. La baisse de rendement atteint de 25 % à 30 % dans le département, avec des pics à plus de 40 % pour les Côtes du Rhône gardoises, le secteur dont je suis élue locale.
Mais la sécheresse entraîne d’autres effets dont l’ampleur n’est pas encore totalement saisissable. On assiste à une mortalité sans précédent des ceps, plus particulièrement des plantiers et, dans certains secteurs proches de la mer, à des remontées de sel inquiétantes.
Aussi, les agriculteurs vont subir une baisse tendancielle, sur plusieurs annuités, de la production de vin non compensée par la hausse des prix. Les vins de pays, comme les vignobles classés en AOC, à l’instar des côtes-du-rhône, du lirac, du tavel ou encore des costières-de-nîmes, vont souffrir de cette crise.
La souffrance est grande chez ces agriculteurs.
À cela s’ajoutent l’importation illégale de vins étrangers et la concurrence déloyale de certains pays européens qui ne respectent en rien les mêmes règles que nos viticulteurs, une distorsion devenue encore plus criante avec la décision de votre gouvernement d’anticiper l’interdiction du glyphosate.
Nous ne pouvons rester sans rien faire.
Les collectivités territoriales et les partenaires sociaux doivent pouvoir aider cette agriculture, qui est au cœur de l’identité de la France.
Au-delà du fonds spécifique de 30 millions d’euros ou la mise en place de l’arrêté de catastrophe naturelle annoncé, nous demandons des décisions fortes pour pouvoir mieux travailler, comme un soutien aux caves et coopératives à partir d’un seuil de perte, une prise en charge des pertes de fond sur plantiers, ou encore un étiquetage clair et lisible de la provenance sur le vin en vrac. Trop souvent, la France va plus loin que ce qui est recommandé par les directives, ce qui alourdit les coûts de production de nos agriculteurs.
Le débat de l’irrigation doit être enfin posé.
Mon département bénéficie de l’eau du canal du Bas-Rhône. Néanmoins, tout le Gard n’a pas accès à cette irrigation, et la question se pose pour d’autres départements.
Nous devons élargir les possibilités d’irrigation et créer un schéma régional, voire national pour accroître le potentiel en eau grâce, notamment, à la création de retenues ou l’utilisation des eaux usées traitées, comme cela est autorisé dans d’autres pays européens.
Les étés seront de plus en plus chauds. Monsieur le ministre, je vous demande donc de prévoir de nouvelles mesures pour ces agriculteurs et d’entamer une réflexion sur le long terme pour prévenir ces phénomènes de sécheresse.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, je connais bien la situation que vous vivez dans le Gard, après tous ces mois sans eau de pluie pour irriguer vos vignes. J’ai rencontré une délégation de viticulteurs gardois la semaine dernière, lors du Sitevi, le salon des techniques de la vigne et du vin, à l’occasion duquel ils m’ont rappelé la détresse qui était la leur ; je l’ai parfaitement entendue.
Au cours de l’année 2017, la filière viticole a été sévèrement touchée par de nombreux phénomènes climatiques. C’est notamment le cas dans votre département. Les estimations nationales anticipent une récolte de vin pour 2017 de 36,8 millions d’hectolitres, soit un niveau inférieur de 19 % à celui de 2016. Le volume prévisionnel de la récolte 2017 s’élève à 2,67 millions d’hectolitres, soit une baisse significative de 22,7 % par rapport à la campagne précédente.
Dans ce contexte d’aléas multiples, des mesures conjoncturelles ont d’ores et déjà été déployées par les services de l’État pour accompagner les exploitations viticoles qui ont été sévèrement touchées au cours de cette campagne par les phénomènes climatiques.
Je citerai le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ; la prise en charge des cotisations sociales pour un montant de 30 millions d’euros ; la mise en place de mesures d’allégement des charges financières ouvertes jusqu’au 31 décembre 2017 et accessibles aux viticulteurs.
Par ailleurs, j’ai souhaité récemment la mise en place de cellules pour identifier les problèmes spécifiques. Ces cellules identifieront et étudieront, de manière confidentielle, les différentes situations pour orienter les exploitants vers les dispositifs les plus adaptés.
Face à la multiplication des crises qui touchent le secteur agricole, et singulièrement viticole, mes services ont engagé des travaux pour développer une approche globale de la gestion des risques. Cette approche globale devra viser à adapter les outils à la gestion des aléas, et notamment s’intéresser aux propositions formulées pour la constitution d’une épargne de précaution ou l’amélioration de la dotation pour aléas.
Enfin, l’agriculture est l’un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques. Nous avons précisé, lors d’une communication, le 9 août dernier, des orientations précises en matière de gestion durable de l’eau autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource, pour faire émerger dans l’ensemble des territoires des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.
Cela passe par la réalisation, là où c’est utile, là où c’est durable, de projets de stockage hivernal de l’eau, pour réduire les prélèvements en période sèche et éviter l’augmentation des prélèvements estivaux dans les zones qui sont menacées par les changements climatiques.
Ces orientations feront l’objet de déclinaisons opérationnelles dans les mois à venir.
Vous constaterez avec moi, madame la sénatrice, que toutes ces aides ponctuelles, les allégements de charges, l’épargne de précaution, la dotation pour aléa et la gestion de l’eau, font partie d’une stratégie complète au service de la viticulture et au service de votre département.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories.
Mme Pascale Bories. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir pris le temps d’étudier cette situation délicate à laquelle se trouvent confrontés les viticulteurs, et de mettre en place ces cellules de réflexion, démarche à laquelle, je n’en doute pas, vous saurez associer les viticulteurs.
Il est important d’avoir une vision à long terme. Je vous ai fait part de certaines pistes de réflexion, notamment s’agissant d’un schéma d’irrigation régional, voire national, avec la possibilité d’utiliser les eaux usées traitées.
Il ne faut surtout pas attendre que la souffrance des viticulteurs soit trop criante, car, vous le savez très bien, les crises viticoles s’accompagnent de conflits violents. Nous ne pouvons pas aller jusque-là.
réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 et 1952
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 93, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, dès son installation à la tête du Gouvernement, j’ai écrit au Premier ministre au sujet du dossier des mineurs grévistes de 1948 et 1952 injustement licenciés. Aujourd’hui, bien du chemin reste encore à parcourir par l’État pour une réhabilitation complète.
En effet, bien que la République ait reconnu officiellement leur préjudice depuis plusieurs années maintenant, à ce jour seuls 36 dossiers de mineurs ont pu bénéficier des nouvelles dispositions des lois de finances pour 2015 et pour 2017, tandis que 41 d’entre eux devaient pouvoir y être éligibles.
Il reste 150 cas identifiés qui se heurtent, soixante-dix ans après les événements, au caractère fermé de la loi de finances pour 2005 : les enfants d’ayants droit en cas de décès de leurs parents ne peuvent en effet avoir recours aux indemnisations prévues par la loi de finances pour 2005 ni donc aux indemnisations proposées en 2015, une fin de non-recevoir que les intéressés vivent légitimement comme une « discrimination, une ségrégation ».
Sur le plan du droit, l’ancienne garde des sceaux, Mme Taubira, a fait son possible. Mais sans mise en œuvre des moyens nécessaires, sans implication des autres ministères concernés et du fait du mépris affiché par M. Urvoas, successeur de Mme Taubira, la situation n’a plus évolué. Le dossier semble même aujourd’hui au point mort, si j’en juge par la non-réponse du Premier ministre à mon courrier du 29 mai 2017, dans lequel j’évoquais le long combat mené par ces victimes et le syndicat CGT-Mines. Norbert Gilmez, fer de lance de cette lutte, aujourd’hui âgé de 96 ans, décoré de la Légion d’honneur, n’a pas reçu de réponse non plus. Il attend lui aussi une réparation complète.
Monsieur le ministre, le temps presse : les mineurs, pour la plupart d’anciens résistants à l’occupation nazie, se sont battus pour leurs droits sociaux et ont été lourdement condamnés. Assimilés à des terroristes, ils ont subi la répression, puis ont été licenciés et chassés, avec leur famille, de leur logement, des écoles des mines, de leur ville. Leurs épouses et leurs enfants ont beaucoup souffert.
Après les attentes et les espoirs déçus, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il inscrire dans le projet de loi de finances pour 2018 ou dans un prochain budget rectificatif pour rendre justice aux mineurs et à leurs familles ? Comment comptez-vous permettre aux filles et fils de mineurs, eux-mêmes victimes, d’accéder eux aussi aux dispositifs en cours ? Avez-vous la volonté de réparer ce terrorisme d’État, par exemple en faisant bénéficier ces mineurs d’une reconstitution de carrière en application de la loi d’amnistie de 1981, comme cela a été le cas pour les fonctionnaires concernés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue la garde des sceaux, ministre de la justice, Nicole Belloubet, qui est actuellement en déplacement à Nouméa avec le Premier ministre.
Vous avez appelé l’attention du Premier ministre sur la question de l’indemnisation des mineurs grévistes de 1948 et 1952, amnistiés par la loi du 4 août 1981.
Vous l’avez rappelé, sur l’initiative personnelle de Christiane Taubira, le gouvernement précédent a été à l’origine de l’adoption d’un amendement, devenu l’article 100 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, par lequel la République reconnaît solennellement, d’une part, le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et en 1952, et, d’autre part, les atteintes portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices en résultant.
À ce titre, la loi a ouvert aux mineurs dont les dossiers avaient été antérieurement instruits par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM, en application de l’article 107 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, le bénéfice d’une allocation forfaitaire d’un montant de 30 000 euros. Étaient éligibles à ce dispositif les mineurs concernés ou leur conjoint survivant. Une allocation complémentaire spécifique de 5 000 euros a également été prévue au bénéfice direct de chaque enfant de ces mineurs.
Les demandes de bénéfice des allocations devaient être adressées avant le 31 décembre 2015 à l’ANGDM, chargée de garantir, au nom de l’État, l’application des droits sociaux et des prestations des anciens mineurs.
Cette agence a instruit l’ensemble des dossiers qui lui ont été adressés avant cette date. Au vu des informations qui lui ont été communiquées, elle a versé à sept mineurs et à quinze conjoints survivants, ainsi qu’à quatre-vingt-dix-sept enfants, les allocations prévues par ce dispositif, pour un montant total de 1,46 million d’euros.
Soucieux de voir examinés les dossiers qui n’auraient pas été adressés avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement a souhaité reporter au 1er juin 2017 la date limite de dépôt des demandes de bénéfice du dispositif d’allocation. Un amendement en ce sens a ainsi été voté lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
En outre, en vertu de la loi de finances pour 2015, les mineurs bénéficiaires des prestations de chauffage et de logement en espèces prévues par le statut minier ou leur conjoint survivant peuvent faire valoir auprès de l’ANGDM tout élément qui pourrait conduire à un calcul plus favorable de ces prestations. Il appartient aux intéressés de faire valoir ces éléments auprès de l’agence, qui relève de la double tutelle du ministère de l’environnement et de l’énergie et du ministère de l’économie et des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle me déçoit plutôt.
Je regrette qu’aucun ministre concerné par ce dossier ne soit présent au banc du Gouvernement pour répondre aux filles et fils de mineurs à qui l’on refuse toujours le bénéfice de l’indemnisation au prétexte que leurs parents sont décédés. Sur ce point, vous n’annoncez aucune avancée.
Vous n’avez pas non plus répondu sur l’application de la loi d’amnistie de 1981. Je rappelle que les généraux félons de l’Organisation armée secrète, l’OAS, ont obtenu une reconstitution de carrière et une indemnisation complète… C’est tout de même un comble que ces mineurs qui, pour beaucoup, ont contribué à libérer notre pays du joug fasciste, qui n’ont pas épargné leur sueur au lendemain de la guerre contre les nazis et ont ainsi permis de redresser notre pays, restent exclus du bénéfice de ce dispositif ! La loi d’amnistie comportait une clause d’indignité, mais elle ne peut plus valoir aujourd’hui, ces mineurs ayant été officiellement réhabilités par la République.
Pour conclure, je poserai une dernière question : qui s’occupe de ce dossier ? Trois ministères de tutelle : ceux de l’environnement et de l’énergie, de l’économie et des finances, de la justice.
À mon sens, il serait judicieux que le Premier ministre lui-même se saisisse de cette question. On éviterait ainsi que les uns et les autres ne se renvoient la balle, et une véritable volonté politique serait affichée. Il faut qu’un signal politique fort soit émis au plus haut niveau de l’État pour que ce contentieux puisse être définitivement réglé.
construction de la maison d’arrêt de lure
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 106, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Michel Raison. Ma question porte sur l’engagement présidentiel de construire 15 000 places de prison en cinq ans.
Pouvez-vous me confirmer que cette programmation comprend bien le plan de 3 200 places de prison annoncé par Mme Taubira pour la période 2015-2017, ainsi que le plan annoncé en février de cette année, comportant une première liste de trente-trois établissements et prévoyant la création de 3 900 places supplémentaires ?
Si je demande ces précisions, c’est parce que la construction du nouvel établissement de Lure, en Haute-Saône, avait été inscrite dans le programme de Mme Taubira pour 2015-2017, à la suite de la fermeture de la maison d’arrêt de Lure.
Le 14 décembre 2015, nous avons connu un grand moment en Haute-Saône : un comité ministériel délocalisé s’y est tenu en présence du président Hollande, qui a alors confirmé l’engagement de l’État.
Je souhaite savoir si les crédits nécessaires à la réalisation des travaux, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, seront bien inscrits dans la première programmation du plan de construction de 15 000 places de prison.
De plus, je souhaite être éclairé sur la capacité précise de ce nouvel établissement. À l’origine, il devait comporter 300 places ; désormais, il est question de 150 places. S’agit-il uniquement de places supplémentaires de prison, ou certaines viendront-elles compenser la fermeture d’autres établissements, au premier chef celui de Vesoul, deuxième maison d’arrêt de Haute-Saône ? Nous ne souhaitons pas voir cette maison d’arrêt disparaître, car sa fermeture risquerait fort de précéder de peu la suppression du tribunal tout proche. Je vous remercie par avance de bien vouloir m’éclairer, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, je vais m’efforcer de vous répondre le plus précisément possible au nom de ma collègue Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, que je vous prie de bien vouloir excuser.
Vous avez souhaité appeler l’attention de Mme la garde des sceaux sur la question de la construction de la maison d’arrêt de Lure.
Le Président de la République a pris l’engagement de créer 15 000 places de prison supplémentaires, notamment pour atteindre l’objectif de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt, où, aujourd’hui, la très forte surpopulation carcérale dégrade la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
Le programme 15 000 prévoit notamment la construction, sur la période 2018-2027, d’une trentaine de maisons d’arrêt et de centres pénitentiaires, ainsi que d’une quinzaine de quartiers de préparation à la sortie.
Certaines des opérations qui relevaient de programmes antérieurs, comme le programme 3 200, auquel vous avez fait référence, seront incluses dans cette programmation.
L’ensemble des opérations identifiées ces derniers mois font actuellement l’objet d’études de faisabilité partout où des terrains ont été proposés, ou de recherches foncières là où les investigations n’ont pas encore permis d’aboutir.
C’est au vu des résultats de l’ensemble de ces travaux que la liste des opérations retenues sera arrêtée, dans les tout prochains mois. Elle sera annoncée dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice que Mme la garde des sceaux présentera au Parlement à la fin du printemps 2018.
Aujourd’hui, il est donc encore trop tôt pour se prononcer sur telle ou telle opération, dans la mesure où les expertises techniques et les consultations, en particulier avec les élus locaux, se poursuivent.
Quoi qu’il en soit, le choix des implantations sera guidé par les besoins pénitentiaires, les ressources budgétaires et les conditions d’accueil des futurs établissements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Monsieur le ministre, la réponse que vous m’apportez n’est pas très précise.
En ce qui concerne Lure, les travaux préparatoires ont été accomplis et les terrains mis à disposition par les collectivités territoriales. Dès lors, j’aurais voulu savoir si l’on pouvait effectivement compter sur la construction du nouvel établissement.
Vous m’avez indiqué que certaines opérations relèvent du plan 3 200, mais je ne sais toujours pas si c’est le cas de la construction de la maison d’arrêt de Lure.
M. Michel Raison. Très bien, voilà déjà une première précision. Néanmoins, puisque les études techniques et environnementales sont terminées, puisque le terrain est mis à disposition par la commune de Lure, j’aurais souhaité que l’on puisse me confirmer aujourd’hui de façon ferme que ce dossier est bien retenu. Pour l’heure, j’ai encore une incertitude. Nous poserons donc de nouveau cette question dans peu de temps !
complémentaire de santé pour les retraités
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 108, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Yannick Vaugrenard. En octobre 2012, François Hollande annonçait « la généralisation à horizon 2017 de l’accès à une couverture complémentaire santé de qualité ».
En juin 2015, au congrès de la mutualité, à Nantes, le Président de la République indiquait ne pas avoir oublié les personnes retraitées et confirmait une « généralisation de la complémentaire santé, effective d’ici 2017 ».
Toutefois, cela n’a pas été fait. La situation a même empiré, puisque les retraités sont aujourd’hui victimes d’une triple peine : baisse de revenus, perte du cofinancement de leurs cotisations par leur employeur et perte des aides fiscales. En moyenne, ils voient le coût de leur complémentaire santé multiplié par 3,5, passant de 283 à 998 euros par an.
Pour ce qui concerne la problématique particulière des soins optiques, une étude montre que les retraités cumulent les inconvénients : ils ont les besoins les plus élevés en termes d’optique médicale et paient l’intégralité de leur cotisation. Une paire de lunettes leur revient à 400 euros, tandis que la plupart des actifs sont remboursés par l’assurance maladie et leur complémentaire santé à hauteur de 100 %.
Le gouvernement précédent s’était engagé à encadrer fortement les hausses de cotisations aux complémentaires santé pour les retraités. Le décret paru en mars 2017 limite certes l’augmentation possible des cotisations sur trois ans, mais laisse une liberté totale aux mutuelles à partir de la quatrième année de retraite.
De plus, il est courant que les retraités soient pénalisés par des augmentations brutales des tarifs de leur mutuelle passé un certain âge. Certaines mutuelles attirent les retraités âgés de 60 ans avec un tarif fixé à 50 euros, qui passe soudainement à 100 euros lorsque les intéressés atteignent 70 ans.
L’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron portait précisément sur les frais d’optique, dentaires et de prothèses auditives : il s’était engagé à ce que le reste à charge soit nul, sans que cela entraîne une augmentation du prix des mutuelles. Cette promesse sera-t-elle tenue ? Le sera-t-elle pour tous, y compris pour les retraités ?
Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler les mesures que compte prendre le Gouvernement pour aider les retraités à financer leurs dépenses de santé ? Un système de crédit d’impôt couvrant la hausse des cotisations nouvelles à partir de 70 ans pourrait-il, par exemple, être mis en place ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Vaugrenard, le Gouvernement a parfaitement conscience des difficultés que peuvent rencontrer les retraités pour accéder à une complémentaire santé abordable.
L’aide au financement de la complémentaire santé permet de tenir compte de l’augmentation des primes avec l’âge. Elle est en effet nettement plus élevée pour les personnes âgées de plus de 60 ans : son montant s’élève pour elles à 550 euros, contre 350 euros pour les personnes âgées de 50 à 59 ans.
Pour les anciens salariés du secteur privé, le décret du 21 mars 2017 renforce les garanties. Ce texte a ainsi permis de lisser les trois premières années postérieures à la fin de l’emploi dans l’entreprise, ainsi que l’augmentation tarifaire subie par les assurés lors de leur départ à la retraite.
Pour les retraités de la fonction publique, les dispositifs de référencement, de conventionnement ou de labellisation tiennent compte de critères de solidarité envers les plus âgés, notamment des transferts entre générations, ce qui permet d’assurer une véritable mutualisation.
Au-delà de ces dispositions, le Gouvernement porte une attention particulière aux personnes âgées les plus modestes. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une revalorisation exceptionnelle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA : pour une personne seule, cette allocation s’élèvera à 903 euros, soit 100 euros supplémentaires, et ce dès janvier 2020.
En outre, pour préserver l’accès des plus modestes à une complémentaire santé, j’ai souhaité prévoir un abattement sur les montants de l’ASPA et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, pris en compte pour évaluer les revenus pour l’accès à la couverture universelle maladie complémentaire, la CMU-C, et à l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS. Cette disposition permettra à plus de 50 000 personnes aux revenus très modestes de continuer à bénéficier de la CMU-C et de l’ACS.
Enfin, monsieur le sénateur, le Gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’un reste à charge nul pour l’optique, l’audioprothèse et les soins dentaires. Bien entendu, les personnes âgées seront couvertes quel que soit leur âge : c’est ainsi que l’on garantira l’accès de tous à des soins de qualité. Ces évolutions offriront notamment aux personnes âgées un meilleur accès aux soins sans reste à charge.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Toutefois, la fin de votre intervention me laisse perplexe. Vous indiquez que le Gouvernement étudie la possibilité de rembourser totalement les soins d’optique, dentaires et auditifs. Mais ces mesures sont seulement à l’étude…
M. Yannick Vaugrenard. J’espère que ce dossier va avancer le plus rapidement possible.
Par ailleurs, vous faites état de diverses mesures inscrites, notamment, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour apporter un soutien supplémentaire aux personnes âgées connaissant des difficultés importantes. Bien sûr, je vous donne acte des efforts accomplis ; c’est un élément incontestablement positif.
Pour ce qui concerne les complémentaires de santé, vous indiquez que les augmentations de tarifs ne sont pas possibles pendant les trois premières années suivant le départ à la retraite. Cependant, je le répète, très souvent les mutuelles proposent un tarif de 50 euros aux personnes âgées de 60 ans, puis doublent ce tarif lorsque leurs assurés atteignent 70 ans ! C’est là un problème extrêmement important.
La santé a un coût, mais elle n’a pas de prix et la solidarité intergénérationnelle doit jouer pleinement, d’autant que, de plus en plus souvent, les retraités aident les jeunes de leur famille en difficulté. Cela se pratiquait beaucoup moins il y a vingt ou trente ans.
Enfin, je renouvelle ma proposition de mettre en place un système de crédit d’impôt qui pourrait permettre de couvrir les hausses de cotisations aux complémentaires de santé à partir de 70 ans. Je souhaite que cette piste soit examinée attentivement par le Gouvernement, en particulier par vous-même.
Jean d’Ormesson nous a quittés cette nuit. Il n’était pas du même bord politique que moi, mais je retiens l’une de ses formules : « Ce qui éclaire l’existence, c’est l’espérance. » Madame la ministre, j’espère que vous prendrez en compte les propositions que je vous ai soumises.
vols et attaques aux distributeurs de billets
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 104, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Mme Catherine Procaccia. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la multiplication des vols et des attaques commis lors des retraits aux distributeurs automatiques de billets donnant sur la rue, selon un mode opératoire bien connu des services de police et des banques. Ces vols sont observés sur l’ensemble de notre territoire, et tout particulièrement à Paris.
Après avoir inséré sa carte bancaire, le titulaire compose son code personnel, mais avant qu’il ait eu le temps de choisir le montant de son retrait surgissent un ou plusieurs individus. Alors que le client a le réflexe de tenter de protéger sa carte bancaire, les voleurs le bousculent avec plus ou moins de violence, se placent devant le distributeur de billets et tapent une somme souvent importante sur le clavier, avant de prendre la fuite avec les espèces.
Étrangement, la carte de crédit n’est généralement pas dérobée : hélas pour le client, qui, dès lors, n’est pas assuré. Ainsi, il subit un débit important sur son compte, parfois même un découvert et des agios.
Ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il améliorer la protection des clients, qui, même prudents, sont démunis devant la recrudescence de ce type d’attaques ? Aujourd’hui, les assurances associées aux cartes bancaires ne couvrent pas ce type d’agressions. Le Gouvernement prévoit-il de faire évoluer la réglementation pour les cas où le vol est attesté par des caméras de vidéosurveillance ou par des témoins ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, je vous remercie d’attirer l’attention du Gouvernement sur ce type de vols et d’agressions. Ces situations méritent en effet d’être examinées.
Dans de tels cas, le code secret a déjà été renseigné par le client de la banque. La situation est de ce fait problématique, car elle ne semble pas pouvoir relever du régime protecteur prévu par le code monétaire et financier, suivant lequel le titulaire de la carte ne supporte qu’une franchise limitée en cas de perte ou de vol.
Cette question sera portée à l’attention de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, instance qui regroupe des parlementaires, des représentants des administrations concernées, des émetteurs de moyens de paiement, des opérateurs de systèmes de paiement, des associations de commerçants, des associations d’entreprises et des associations de consommateurs. Cet observatoire a la capacité de proposer des mesures pour lutter contre les atteintes à la sécurité des moyens de paiement.
Dans ce cadre, je serai attentive aux solutions que les acteurs pourront apporter à ce problème. Le cas échéant, j’en tirerai les conclusions sur le plan réglementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Pour résumer, le Gouvernement attend de connaître l’avis de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement avant, éventuellement, de prendre un certain nombre de décisions.
Au 18 janvier prochain, la franchise en cas de vol de carte bancaire passera de 150 à 50 euros. En cas de vol commis en ligne, le titulaire de la carte bancaire est remboursé intégralement. Il est tout de même assez illogique que ces vols soient les seuls pour lesquels le client d’une banque n’est pas couvert, même après application d’une franchise.
J’espère que cette situation anormale sera prise en compte. J’étudierai de près les conclusions rendues par l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement et, si rien n’est fait, je saisirai de nouveau le ministre de l’économie et des finances.
liberté syndicale et fermeture de plusieurs bourses du travail
Mme la présidente. La parole est Mme Sophie Taillé-Polian, auteur de la question n° 092, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question porte sur les conséquences, pour l’exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.
Évreux, Villejuif, Montigny, Aubagne, Tarbes, Bobigny, Châteauroux, Béziers, Nancy… Dans ces communes et dans d’autres, la liberté syndicale est aujourd’hui altérée par l’expulsion des hébergements syndicaux des bourses du travail.
La liberté syndicale, bien qu’elle figure au nombre des libertés fondamentales protégées par le Conseil constitutionnel, notamment en vertu de l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, est régulièrement remise en cause dans les entreprises. On constate des sanctions, des mises à pied conservatoires, ou encore des tentatives de licenciement de salariés protégés : bref, le dialogue social n’est pas toujours simple, et les syndicats dénoncent un certain nombre de provocations.
À ce mal-être syndical s’ajoute la remise en cause des hébergements syndicaux dans de nombreuses localités. C’est le cas à Villejuif, où les organisations syndicales ont été sommées par la mairie de quitter la bourse du travail.
Une telle décision prive les organisations syndicales de moyens d’exercer leurs missions. Elle prive aussi les salariés d’un accès à l’information syndicale pour défendre leurs droits lorsqu’ils sont isolés dans leur entreprise. C’est notamment le cas au sein des petites et très petites entreprises.
Le Gouvernement annonce vouloir faire du dialogue et de la démocratie sociale une priorité de l’action du ministère du travail. Malheureusement, la possibilité ouverte par les ordonnances adoptées récemment de mener des négociations directes, dans les entreprises, entre l’employeur et les salariés n’y concourt pas vraiment.
L’organisation du travail ne peut se construire et s’appliquer sans la participation active des partenaires sociaux, qui doivent jouer un rôle croissant dans sa conception et dans sa mise en œuvre. Pour ce faire, ils doivent pouvoir disposer des outils nécessaires à l’échelon local, au cœur des territoires.
L’État entend-il garantir le maintien des bourses du travail, souvent historiquement implantées dans les territoires, y compris en apportant des garanties juridiques ou en participant financièrement, aux côtés des collectivités territoriales, à leurs frais de fonctionnement, surtout lorsqu’elles rayonnent sur plusieurs communes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous attirez l’attention de la ministre du travail sur les conséquences, pour l’exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales remis en avril 2013, suivi d’une note en juillet 2015, a permis de constater que les mises à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales s’inscrivaient dans un cadre juridique fragile et peu clair, fondé sur la notion d’usage. S’y ajoutaient des questions parfois complexes d’attribution des locaux et de répartition des charges d’entretien.
C’est pourquoi un cadre juridique clair a été instauré en 2016. Ainsi, les articles L. 1311-18 et L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales précisent que les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande. Cette mise à disposition peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité et l’organisation syndicale.
Par ailleurs, il revient désormais au maire, au président du conseil départemental, au président du conseil régional, au président d’un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou au président d’un syndicat mixte de déterminer les conditions dans lesquelles l’usage de ces locaux peut être proposé aux organisations syndicales.
À cet égard, le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d’administration de l’établissement ou du syndicat mixte détermine, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
En outre, l’organisation syndicale peut bénéficier d’une indemnité spécifique lorsque la collectivité territoriale lui retire le bénéfice d’un local mis à disposition pendant au moins cinq ans sans lui proposer un autre local.
Mme la présidente. La parole est Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, vous le soulignez, les collectivités territoriales « peuvent » décider d’apporter leur concours ; mais elles peuvent aussi décider du contraire, notamment en mettant fin à une utilisation de locaux qui était pourtant importante pour les salariés et les organisations syndicales.
Effectivement, une indemnité est prévue en cas de retrait du bénéfice de l’usage de locaux mis à disposition depuis au moins cinq ans, mais la vie des organisations syndicales s’inscrit aussi dans le temps long.
Les collectivités territoriales peuvent aussi choisir de mettre un terme à leur concours parce qu’elles se trouvent dans une situation financière complexe. Elles peuvent avoir besoin de recouvrer l’usage d’un patrimoine mis à disposition il y a longtemps.
Il faut aller plus loin en aidant les organisations syndicales à garder un pied au sein des territoires. Il ne faut pas leur retirer des moyens qui sont essentiels, notamment pour permettre aux salariés qui, au sein de leur entreprise, n’ont pas la chance de pouvoir s’appuyer sur des représentants syndicaux, d’accéder à leurs droits. C’est extrêmement important pour la liberté syndicale et la défense des salariés.
traitement du « nœud » ferroviaire de la gare de marseille saint-charles
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 105, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Mireille Jouve. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la saturation préoccupante de la gare Saint-Charles de Marseille.
Pour remédier à cette situation, la construction d’une gare souterraine sous le plateau ferroviaire déjà existant et la création d’une quatrième voie dans l’est marseillais sont une impérieuse nécessité. La remise en cause de ces projets d’aménagement porterait fortement atteinte au futur développement économique et urbain de la métropole Aix-Marseille-Provence.
La montée en puissance des transports ferrés du quotidien au sein de cette aire et, plus largement, de l’ensemble des Bouches-du-Rhône répond à une attente forte des usagers et des élus locaux, eu égard à la saturation de nombreux axes routiers. Toutefois, un report modal ambitieux ne saurait s’envisager sans le traitement du « verrou » que représente la gare Saint-Charles.
Alors que le Gouvernement procède actuellement à une réévaluation de l’ensemble des grands projets d’infrastructures de transport, la mise en œuvre du projet stratégique de traitement du « nœud » ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles demeure-t-elle une priorité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à vous confirmer le souhait du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement du « nœud » ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles et d’offrir aux usagers des liaisons régionales plus régulières et plus fiables sur l’ensemble de la ligne de Marseille à Nice.
Le projet de ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur a été conçu dans cette perspective. Les études préalables à l’enquête publique ont été menées, et des approfondissements sont attendus, s’agissant notamment des conditions de passage sous tunnel dans la vallée de l’Huveaune.
Néanmoins, comme vous le savez, ce projet est très coûteux : le coût des deux sections prioritaires, autour de Marseille et de Nice, est estimé à près de 7 milliards d’euros, alors que près de 35 milliards d’euros de projets ferroviaires sont à financer dans l’ensemble de la France.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a mis en place une méthode particulière pour les grands projets d’infrastructures de transport. Avec les assises de la mobilité, menées depuis septembre et qui se clôtureront prochainement, le 13 décembre, puis la loi d’orientation sur les mobilités qui sera discutée au début de l’année prochaine, c’est une nouvelle politique de mobilité que nous souhaitons mettre en place : une politique plus à l’écoute des besoins de nos concitoyens, plus réaliste et, surtout, plus sincère au regard de nos finances publiques.
Les débats sur ce projet y auront toute leur place. Il convient toutefois de rechercher dès maintenant les optimisations possibles des réseaux existants, pour redonner rapidement de la régularité et de la capacité à nos services de transports.
En ce qui concerne le « nœud » ferroviaire marseillais, SNCF Réseau est mobilisé pour rechercher les moyens d’optimiser non seulement les conditions d’accès au plateau de Saint-Charles, mais aussi les pratiques actuelles d’exploitation et les investissements pertinents à différents horizons : 2024, d’abord, année des jeux Olympiques et Paralympiques, puis 2030 et même au-delà, en fonction des phasages possibles de la ligne nouvelle. Ces réflexions permettront d’éclairer les décisions qui seront prises dans le cadre de la future loi d’orientation sur les mobilités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces précisions.
La métropole Aix-Marseille-Provence, en pleine construction, attend beaucoup de l’État, en particulier dans le domaine des transports. En effet, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet, mais les quatre-vingt-douze communes qui constituent notre métropole n’auront pas un budget suffisant pour mener à bien ces grands projets.
Vous l’avez rappelé à juste titre, nous devons travailler aussi en vue de l’accueil des jeux Olympiques de 2024, dont certaines épreuves de voile se dérouleront à Marseille !
ligne ferroviaire carcassonne-quillan
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 057, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Roland Courteau. Soutenus par les quarante-deux conseils municipaux de la haute vallée de l’Aude et l’association pour la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan, élus et populations ont décidé de s’opposer à la fermeture du tronçon ferroviaire Limoux-Quillan.
Si nous nous réjouissons de la régénération du premier segment, Carcassonne-Limoux, la menace de fermeture du second, Limoux-Quillan, soulève la plus totale réprobation. Cette ligne doit absolument rester un véritable outil de développement du territoire et un levier économique ! Il ne sera donc pas accepté – je pèse bien mes mots – que le tronçon ferroviaire Limoux-Quillan soit remis en cause.
Madame la secrétaire d’État, sachez que le conseil régional a voté, en juillet dernier, le financement de 610 000 euros d’études préalables à la réalisation des travaux. Ces études viennent de débuter.
Les populations considèrent que cette ligne doit continuer à relever de l’échelon national, afin de maintenir un réseau garantissant l’unité et la continuité du territoire, ainsi que l’égalité d’accès aux transports. L’abrogation du décret portant sur les contrats de performance passés qui excluent de l’entretien et de la maintenance courants les lignes de catégories UIC 7 à 9, dont la ligne précitée, est donc demandée. J’insiste d’ailleurs pour que SNCF Réseau mette à niveau l’entretien de base, afin de rétablir et de garantir les performances, en termes de temps de parcours, sur l’ensemble de la ligne.
Le conseil régional s’est engagé, sans la moindre ambiguïté, pour l’inscription au prochain contrat de plan État-région des travaux de rénovation du tronçon Limoux-Quillan. Madame la secrétaire d’État, qu’en est-il des intentions du Gouvernement et, partant, de SNCF Réseau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous m’interpellez sur l’avenir de la ligne ferroviaire reliant Carcassonne, Limoux et Quillan, dans l’Aude.
Comme vous le savez, l’état dégradé de cette infrastructure a conduit à la mise en place de limitations de vitesse sur plusieurs sections de l’axe, afin de maintenir un haut niveau de sécurité. La réalisation de travaux de renouvellement était dès lors nécessaire pour rétablir les niveaux de performance.
Les études menées dans le cadre du contrat de plan État-région 2007-2013 ont permis de définir les besoins de régénération et les travaux à réaliser en priorité pour assurer la pérennité de cette ligne. L’État et la région ont ainsi validé la mobilisation d’une enveloppe de 11 millions d’euros, entérinant un engagement fort de traiter la section entre Carcassonne et Limoux, sur laquelle circulent le plus grand nombre de trains. Les travaux ont commencé au début de 2017 et se poursuivront l’année prochaine.
La section Limoux-Quillan présente, quant à elle, en plus d’un état de vieillissement avancé, une configuration géographique complexe, qui impose des mesures garantissant la sécurité de circulation.
À ce stade, dans un contexte budgétaire contraint pour l’ensemble des acteurs, la priorité donnée aux parties structurantes du réseau ne permet pas à SNCF Réseau d’investir seul dans la pérennisation du réseau secondaire, ni à l’État d’y consacrer en priorité ses moyens. L’avenir des lignes peu fréquentées, comme Carcassonne-Quillan, ne peut donc se construire qu’en partenariat avec la région, dans le cadre du contrat de plan État-région.
Les états généraux du rail et de l’intermodalité organisés par la région Occitanie sont allés dans ce sens ; ils ont permis de définir les priorités en termes de mobilité durable à l’échelle régionale. Il a été décidé de rechercher le maintien de la ligne dans tout son linéaire. Une étude préliminaire de ligne sur la section Limoux-Quillan va ainsi être lancée rapidement pour déterminer les conditions du maintien de ce service.
diminution des budgets des agences de l'eau
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 098, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-François Longeot. Ma question a trait à la baisse annoncée des budgets des agences de l’eau.
Depuis la loi de finances pour 2015, l’État ampute chaque année le fonds de roulement des agences de l’eau de près de 175 millions d’euros pour financer son propre budget, sans compter la diminution drastique et imposée des effectifs de ces agences. Ces prélèvements se font, bien entendu, au détriment des collectivités territoriales et de l’exercice par les agences de l’eau de leurs missions, pourtant sans cesse élargies et renforcées.
À l’heure où l’État demande aux collectivités territoriales de réorganiser les compétences eau et assainissement sur leur territoire et de mettre en œuvre la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, cette diminution prévue des budgets des agences de l’eau, si elle était entérinée, mettrait à mal les investissements prévus par les collectivités territoriales pour accompagner la transition écologique.
De fait, nombreux sont les maires qui se demandent comment ils pourront financer, par exemple, la mise aux normes de réseaux ou de stations d’épuration.
Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer s’il est dans les intentions du Gouvernement de préserver l’autonomie financière et administrative des agences de l’eau.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre d’État Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire ; ne pouvant malheureusement pas être au Sénat ce matin, il m’a chargée de vous répondre.
Depuis sa prise de fonction, Nicolas Hulot a rencontré à deux reprises l’ensemble des présidents de comité de bassin et des directeurs d’agence de l’eau. La conviction du ministre d’État est que la gouvernance par bassin a du sens et qu’elle doit être respectée et préservée.
Les agences de l’eau constituent un formidable outil au service des politiques de l’eau, mais également de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique. Toutefois, il nous semble que certaines évolutions sont devenues nécessaires.
Ainsi, les agences de l’eau doivent avoir un rôle de pilier dans le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité. C’est dans cet esprit qu’elles financeront désormais entièrement les opérateurs de la biodiversité : l’Agence française pour la biodiversité, les parcs nationaux et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. En effet, un lien évident unit la gestion de l’eau et celle des écosystèmes.
S’agissant des moyens des agences de l’eau, ils restent très importants. Ainsi, au titre du onzième programme des agences de l’eau, nous prévoyons plus de 12,6 milliards d’euros de recettes fiscales sur six ans. Cette somme est intermédiaire au regard des montants engagés pour les neuvième et dixième programmes, qui s’étaient vu allouer respectivement 11,4 milliards d’euros et 13,6 milliards d’euros.
Pour l’année 2018, le plafond des redevances qui pourront être collectées au profit des agences de l’eau devait être abaissé. Il a été relevé à 2,28 milliards d’euros, à la demande des députés. En contrepartie de cette hausse du plafond, le Gouvernement a reconduit un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau, à hauteur de 200 millions d’euros. Ces 200 millions d’euros doivent être rapportés au montant du fonds de roulement : 760 millions d’euros à la fin de 2016. Ils correspondent approximativement à la hausse que le fonds de roulement a connue entre 2014 et 2016, malgré les prélèvements opérés pendant cette période.
Par ailleurs, l’amélioration de l’état et de la gestion des réseaux d’eau représente un enjeu majeur. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé, à l’occasion du Congrès des maires, la tenue d’assises de l’eau.
Ces assises seront lancées par le ministre d’État Nicolas Hulot l’année prochaine. Elles permettront d’étudier dans le détail les besoins d’investissement dans ces réseaux, que nous savons importants.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Sachez en tout cas que nous veillerons à permettre à chaque agence de l’eau d’exercer pleinement ses missions dans le cadre du onzième programme. Cette priorité est partagée par les présidents de comité de bassin.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’entends bien que des évolutions sont nécessaires, et nous y participerons. Reste que, si l’on veut associer la gestion de l’eau et celle des écosystèmes, il faut mobiliser des moyens. Or nous nous heurtons aujourd’hui, au sein de nos collectivités territoriales, à un véritable manque de moyens dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Les enjeux majeurs liés aux réseaux d’eau seront donc abordés dans le cadre d’assises de l’eau, mais, dans ce domaine, il importe avant tout de faire confiance aux collectivités, qui, jusqu’à présent, ont géré l’eau d’une façon remarquable. Cela signifie aussi leur donner des moyens. Puissent les assises de l’eau à venir nous permettre d’en trouver pour les accompagner dans leur action !
Les prélèvements sur le fonds de roulement des agences de l’eau sont pratiqués depuis des années. Il n’en faut pas moins rappeler que la redevance payée par les consommateurs d’eau a vocation à servir au financement de la gestion de l’eau, et non à abonder un autre budget, quel qu’il soit…
situation du personnel enseignant
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, auteur de la question n° 100, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Mme Laure Darcos. Dans un rapport consacré à la gestion des enseignants, la Cour des comptes a déploré le caractère imprévisible et illisible de la politique de recrutement de l’État.
Les gouvernements précédents ont mis en œuvre des mesures manquant de cohérence au regard de la nécessaire stabilité à long terme de l’éducation nationale. Ainsi, les effectifs des enseignants et la démographie des élèves ont évolué différemment, en particulier dans le second degré, comme le souligne la Cour des comptes.
Pour les étudiants envisageant d’exercer ce métier, ces incohérences ont eu un effet dissuasif incontestable, le taux de candidats présents aux concours n’ayant cessé de diminuer entre 2012 et 2015.
En outre, tous les postes ouverts n’ont pas été pourvus, dans l’enseignement primaire comme dans le secondaire, ce qui a eu pour effet d’aggraver la situation dans un certain nombre d’établissements.
Le manque d’attractivité du métier d’enseignant a aussi des causes plus profondes. En effet, la faiblesse des rémunérations en début de carrière, l’insuffisance de la formation professionnelle continue et l’imparfaite procédure d’affectation des enseignants incitent fréquemment les jeunes à se tourner vers le secteur marchand, qui offre de meilleures perspectives de carrière et des rémunérations plus attrayantes.
Les conséquences de cette situation sont lourdes pour les établissements scolaires. Toutes les filières – la filière générale, la filière technologique et la voie professionnelle – sont affectées par la faible capacité de séduction de l’éducation nationale.
Dans certaines disciplines, comme les sciences et les mathématiques, on connaît de réelles difficultés de recrutement, au point qu’il est parfois nécessaire de recourir à des enseignants contractuels pour assurer la continuité des cours et pallier un absentéisme qui pénalise les élèves.
Dans mon département, l’Essonne, il manque des enseignants spécialisés dans certains établissements. J’en veux pour preuve la situation du lycée de l’Essouriau, aux Ulis, qui a recherché, jusqu’aux vacances de la Toussaint, des profils très technologiques. Cette situation est évidemment très dommageable pour des élèves préparant leur future orientation professionnelle.
Monsieur le ministre, ma question sera précise : si les premières mesures prises par le Gouvernement semblent aller dans le bon sens, comment comptez-vous relever le défi du recrutement des enseignants et donner à nos enfants les moyens de réussir leur scolarité et leur insertion professionnelle ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, le recrutement est l’enjeu crucial pour tout le système éducatif.
La crise dont vous parlez concerne surtout le second degré. Dans le premier degré, les 13 000 postes proposés au concours – le recrutement conservera cet ordre de grandeur dans les années à venir compte tenu des postes que nous créons dans le primaire – sont pourvus. On pourrait discuter de l’attractivité de la fonction de professeur des écoles, mais elle ne connaît pas de crise grave.
En revanche, dans le second degré, nous faisons face à une crise importante, qui a à la fois une dimension mondiale et une dimension française.
Sur le plan mondial, on observe que la fonction professorale manque d’attractivité dans certaines disciplines, en particulier les mathématiques et les disciplines scientifiques et technologiques. Il faut mesurer la dimension structurelle de ce phénomène pour tenter d’y remédier.
La crise a aussi une dimension proprement française, peut-être liée aux problèmes de gestion que vous avez mentionnés.
À la dimension structurelle de la crise, la réponse la plus importante est le prérecrutement. Nous devons être capables, au cours des prochaines années, d’inciter des jeunes qui ont des dons et le désir de faire carrière dans l’enseignement, notamment, des mathématiques, des sciences ou des technologies, à s’orienter vers le professorat, au travers de mesures tant matérielles qu’immatérielles.
Sur le plan immatériel, qui est peut-être le plus important, il s’agit de valoriser dans notre société la fonction de professeur. C’est ce à quoi je m’emploie tous les jours. Le professeur doit être au centre de la société française. Il doit être valorisé, dans tous les sens du terme.
D’un point de vue plus pratique, en matière de prérecrutement, nous allons développer les bourses et faire évoluer la fonction d’assistant d’éducation, afin de diriger davantage d’étudiants vers la fonction professorale.
Dans le futur, la mise en œuvre de cette politique doit se traduire par une augmentation du nombre et de la qualité des candidats aux concours. Par le passé, trop souvent, la barre d’admission a été placée bas, sans que cela permette, pour autant, de pourvoir tous les postes : 80 % le sont en moyenne, mais, dans les disciplines que j’ai mentionnées, le taux peut être inférieur.
Restaurer l’attractivité de la fonction permettra de rehausser progressivement le niveau d’exigence : ainsi s’enclenchera un cercle vertueux, ce qui permettra d’améliorer la qualité du système français d’enseignement. Nous avons commencé ce travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie, monsieur le ministre, et je suis de tout cœur avec vous. Je pense que la représentation nationale vous soutiendra dans votre action et j’espère que vous resterez ministre de l’éducation nationale pendant cinq ans : c’est, me semble-t-il, la durée minimale pour que vous puissiez mener à bien vos réformes !
réseaux d'éducation prioritaire
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 114, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, votre administration utilise de nombreux critères et indicateurs pour classer les établissements ; c’est ainsi qu’elle identifie ceux qui doivent appartenir aux réseaux d’éducation prioritaire, les REP, ou aux réseaux d’éducation prioritaire renforcée, les REP+.
Sachez que ces critères sont aussi utilisés par les collectivités territoriales, notamment les départements, pour ajuster les moyens alloués aux établissements en fonction de vos classements. Ils ont donc un double usage, ce qui, parfois, provoque des effets de levier importants.
Sur le terrain, nous avons quelquefois l’impression que l’évolution du classement des établissements ne correspond pas tout à fait à la réalité sociologique telle que nous, élus, la percevons subjectivement.
Ainsi, dans mon département, les Hauts-de-Seine, j’ai demandé à plusieurs reprises communication des critères utilisés, pour essayer de comprendre le décalage entre le classement opéré par le ministère et ma perception. On m’a répondu que ce n’était pas possible, que les critères étaient propres au ministère et que je n’avais pas à y accéder.
Sur le fond, ce n’est plus aujourd’hui une façon de faire acceptable. Je crois d’ailleurs, monsieur le ministre, que nous partageons la même opinion sur ce point : qu’il s’agisse de critères ou d’algorithmes, la seule façon de bien les protéger est de les rendre publics et d’en discuter de façon politique. Quand pourrons-nous donc obtenir communication de ces critères ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, quid de l’extension de l’application de ces critères aux établissements privés sous contrat ? En tant que politiques, nous avons besoin d’évaluer la part que ces établissements, que nous subventionnons, prennent à la lutte contre le décrochage scolaire, laquelle passe aussi par une plus grande mixité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je vous remercie de cette question. L’éducation prioritaire est, en effet, un sujet essentiel pour notre pays.
Depuis l’émergence de la notion d’éducation prioritaire, au début des années quatre-vingt, l’éducation nationale a développé un savoir-faire en matière d’élaboration de critères. Le résultat auquel nous arrivons est, dans l’ensemble, assez satisfaisant, même si je vous accorde volontiers qu’il ne l’est pas pleinement.
Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne la nécessaire transparence des critères. Nous allons l’instaurer dans peu de temps, et je partage d’autant plus votre préoccupation que nous devons viser une cohérence entre les politiques publiques de l’éducation prioritaire et les politiques publiques sociales en général. Nous devons faire de l’établissement le pivot des politiques sociales ; je pense notamment aux relations avec les familles, à l’aide aux familles et à la parentalité, qui sont intimement liées aux parcours des élèves dans le premier et le second degré dans les territoires les plus défavorisés. En liaison avec la représentation nationale, nous pouvons tout à fait progresser en la matière.
Plus largement, nous devons progresser dans notre conception de l’éducation prioritaire. Celle-ci a, certes, une dimension territoriale, mais on trouve aussi des élèves défavorisés aussi en dehors des territoires relevant de l’éducation prioritaire. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.) Nous devons donc avoir à la fois une approche sociale territoriale et une approche sociale plus individualisée. C’est le sens des évolutions que nous vous proposerons dans quelque temps. Sur ce sujet aussi, nous nous rejoignons.
Quant à l’application de la notion d’éducation prioritaire à l’enseignement privé, c’est une idée très intéressante, car l’enseignement privé sous contrat participe de manière réelle et volontariste aux enjeux de mixité sociale, sans toutefois que cette participation soit partout la même. Nous devons donc être attentifs à cette question. Je discuterai des évolutions souhaitables dans ce domaine avec les partenaires sociaux et de l’enseignement privé.
En tout cas, votre remarque me semble aller dans la bonne direction, puisqu’il y a une volonté, de la part de l’État mais aussi des acteurs concernés, d’accroître la mixité sociale et de renforcer le soutien aux élèves les plus socialement défavorisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses claires et honnêtes.
S’agissant des critères utilisés pour déterminer les caractéristiques sociales des établissements, il nous semble, à l’usage, qu’une grande place est faite au système déclaratif : on demande aux familles de déclarer leur situation sociale. Or il se trouve que c’est dans les établissements les plus défavorisés que les parents répondent le moins à ces demandes. De ce fait, c’est malheureusement dans les secteurs les plus défavorisés que l’utilisation des critères est le moins efficace, ce qui pose problème.
Par ailleurs, votre volonté, que je partage pleinement, d’essayer de restaurer un peu de mixité sociale dans certains établissements se heurte, en région parisienne, à une ségrégation territoriale dont vous n’êtes pas responsable, mais dont vous avez à gérer les effets. Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, la ségrégation territoriale a chassé une bonne partie des familles pauvres vers quatre ou cinq territoires seulement : dans ces conditions, à l’échelle d’une commune, il n’y a plus de mixité sociale possible. La situation est devenue, à cet égard, tout à fait dramatique.
modalités d'attribution de bourses et de logements universitaires aux étudiants français de l'étranger
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteur de la question n° 103, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cette question orale s’inscrit dans le prolongement d’une question écrite que j’ai posée au ministre de l’Europe et des affaires étrangères voilà quelques mois.
Je souhaite attirer l’attention de l’ensemble des administrations impliquées dans l’accueil des étudiants français venant de l’étranger sur la nécessité de moderniser et de simplifier la procédure de demande de bourses et de logements universitaires.
Un constat, tout d’abord : un certain nombre de ces étudiants viennent seulement de recevoir, au mois de novembre 2017, une notification relative à leur demande de bourse universitaire pour l’année en cours, alors qu’ils avaient adressé cette demande dans les délais. Cette situation s’explique par la lenteur de la transmission de leur dossier social étudiant entre leur pays de résidence et la France. Ils ratent, de la même façon, les tours d’attribution de logements dans le parc universitaire.
Il y a évidemment là une grande injustice pour eux et leur famille, qui doivent avancer les frais d’inscription, de sécurité sociale et trouver un logement dans le parc privé, avec les difficultés que l’on connaît.
Je ne rentrerai pas ici dans le détail du circuit de transmission de ce dossier, qui transite du demandeur au centre régional des œuvres universitaires et scolaires, en passant par le consulat, le tout en partie par voie postale dans des pays où la poste n’est pas toujours très fiable. Il est évident que la dématérialisation de cette procédure constituerait un gain de temps pour tous. J’aimerais savoir, madame la ministre, si vos services y travaillent.
Le formulaire de demande de bourse et de logement universitaires, en lui-même, est calqué sur celui des bourses scolaires. Il n’est donc pas adapté.
En l’état actuel du barème d’attribution des bourses, deux points de charge sont accordés aussi bien à un jeune Français arrivant seul d’Amérique du Sud qu’à un jeune Lyonnais quittant Lyon pour s’installer à Lille.
Le bonus accordé sous forme de points de charge aux jeunes partant faire leurs études à plus de 250 kilomètres du domicile familial devrait a minima être majoré pour les futurs étudiants qui arrivent de l’étranger. Plus largement, il conviendrait d’attribuer à nos compatriotes résidant à l’étranger un nombre de points de charge tenant compte des frais élevés de scolarité et d’assurance maladie qu’ils supportent.
Enfin, concernant les logements, j’aimerais savoir s’il serait possible d’accorder, à niveau de bourse équivalent, la même priorité aux étudiants français qui viennent de l’étranger qu’aux Ultramarins, dans la mesure où leurs contraintes sont similaires.
Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir préciser quelles améliorations vous pourrez apporter au système avant la prochaine campagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur la situation des étudiants français vivant à l’étranger au regard de leurs demandes de bourse et de logement en résidence universitaire.
Comme vous le savez, l’amélioration des conditions de vie des étudiants en vue de favoriser leur réussite tout au long de leur parcours constitue l’une des priorités de l’action gouvernementale ; j’y reviendrai.
La définition des modalités d’attribution de bourses universitaires aux étudiants français de l’étranger repose sur une circulaire rédigée par la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, qui relève de mon ministère. Il nous est donc tout à fait possible de travailler sur cette circulaire, qui prend déjà en compte le niveau de vie des parents au travers de leur situation familiale et de leurs revenus, ainsi que l’éloignement entre le domicile de la famille et le lieu d’études, même si, comme vous l’indiquiez, les choses sont probablement perfectibles, la limite étant fixée à 250 kilomètres.
Une attention particulière est de surcroît portée aux jeunes qui font le choix d’étudier loin de leur territoire d’origine. Je pense non seulement aux étudiants visés par votre question, mais aussi à nos compatriotes ultramarins, qui bénéficient en effet de conditions pouvant être différentes. Un travail d’harmonisation pourrait effectivement être engagé.
À moyen terme, plusieurs mesures mises en avant dans le cadre du plan Étudiants que j’ai présenté le 30 octobre dernier permettront de réduire le coût de la rentrée et pourront répondre, au moins partiellement, à vos préoccupations.
Ainsi, dès 2018, plus aucun étudiant ne cotisera à un régime de sécurité sociale spécifique : tous les étudiants seront rattachés au régime général de la sécurité sociale. Le chantier de la simplification du circuit de traitement des bourses a été ouvert avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, ainsi que celui de la mise en place d’une aide globale d’autonomie, qui fait actuellement l’objet d’une réflexion approfondie, impliquant non seulement les services du ministère, mais aussi les collectivités locales.
L’opportunité de créer une aide spécifique à la mobilité, appréciée au cas par cas, est également à l’étude, notamment dans le cadre de l’ouverture des quotas de mobilité interacadémique prévue dans le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants que vous aurez à examiner très bientôt.
Concernant le logement étudiant, enfin, nous espérons que la construction de 60 000 nouveaux logements réservés aux étudiants permettra de remédier à cet épineux problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me semble de nature à rassurer un grand nombre de familles.
Vous l’aurez compris, je ne cherche pas à obtenir un passe-droit ou un privilège pour ces jeunes bacheliers français qui viennent de l’étranger. Cependant, il est dommage que ces élèves qui ont souvent obtenu de très bons résultats et une mention au baccalauréat ne puissent pas continuer leurs études en France et soient forcés d’aller étudier dans un autre pays que le nôtre à cause de blocages administratifs.
Madame la ministre, je note avec satisfaction votre volonté d’instaurer un peu d’égalité dans un système qui est aujourd’hui discriminatoire dans les faits et est ressenti comme injuste par beaucoup de familles, alors que les règles pourraient être assez facilement changées et simplifiées. La dématérialisation permettrait que les demandes des futurs étudiants résidant à l’étranger parviennent dans les délais : aujourd’hui, elles arrivent malheureusement souvent trop tard, bien qu’adressées dans les temps, à cause des lenteurs de la poste locale.
Je vous remercie de tout ce que vos services pourront entreprendre pour aider toutes ces familles et tous ces jeunes.
politique fiscale du gouvernement en matière de logement
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, auteur de la question n° 095, transmise à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre présence.
Le projet de loi de finances pour 2018 est actuellement débattu au sein de la Haute Assemblée. Il comporte plusieurs mesures fiscales relatives au logement qui sont de nature à susciter de l’inquiétude, tant pour les classes moyennes et les territoires ruraux que pour l’emploi.
La première de ces mesures, figurant à l’article 40, consiste à recentrer le prêt à taux zéro pour les constructions neuves sur les secteurs les plus en tension sur le plan immobilier. Or l’exclusion des zones les moins tendues, constituées principalement de territoires ruraux, aura pour effet de priver du bénéfice de ce dispositif les populations qui y vivent, alors que ce sont celles qui en bénéficient le plus actuellement.
Parallèlement, le recentrage du prêt à taux zéro pour les logements anciens sur les secteurs les moins en tension n’est pas davantage acceptable. Conjugué au recentrage du prêt à taux zéro pour les constructions neuves, il institue une ségrégation entre les candidats à l’accès à la propriété selon le territoire où ils souhaitent s’établir.
Avec cette première mesure, aux territoires urbains, des logements neufs, et aux territoires ruraux, des logements anciens !
La deuxième mesure, inscrite à l’article 39, relève de la même philosophie que la première. Il s’agit du recentrage de la loi dite « Pinel » sur les mêmes zones tendues, ce qui aura pour effet de concentrer encore davantage les investissements immobiliers locatifs dans les territoires urbains, voire très urbains.
La prorogation des prêts à taux zéro et du dispositif Pinel jusqu’au 31 décembre 2021 prévue par le projet de loi de finances pour 2018 va dans le bon sens. Néanmoins, leur recentrage global sur les zones les plus urbanisées aura pour effet d’accentuer un peu plus encore la fracture territoriale dans notre pays et d’affaiblir encore davantage la politique d’aménagement du territoire de la République.
En centrant la politique fiscale relative aux investissements immobiliers, résidentiels ou locatifs, sur quelques grandes villes, on concentrera inévitablement dans celles-ci les populations et l’activité économique, alors qu’il faudrait plutôt orienter les politiques publiques en faveur du développement des territoires qui sont naturellement les moins dynamiques.
La troisième mesure consiste à remplacer l’actuel crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, par une prime éponyme à partir de 2019. Cette mesure, si elle n’est pas prévue en tant que telle par le projet de loi de finances pour 2018, est anticipée, notamment, par l’exclusion des chaudières à fioul et des menuiseries du champ du CITE d’ici au 30 juin 2018.
Monsieur le ministre, toutes ces mesures cumulées inquiètent terriblement nos territoires. Je suis impatient d’entendre votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vos observations, certes pertinentes, ne correspondent pas tout à fait à la réalité de ce que le Gouvernement est en train de faire.
En effet, concernant le prêt à taux zéro, nous allons aboutir à une solution qui me paraît au contraire parfaitement équilibrée. Ce dispositif est maintenu, alors qu’il devait prendre fin le 31 décembre 2017, tout comme le dispositif Pinel. Le Gouvernement a pris la décision de prolonger le dispositif Pinel pour quatre années dans les zones tendues et de reconduire celui du prêt à taux zéro, dans les zones dites « détendues », pour quatre années pour l’ancien et deux années pour le neuf. Cela permettra de donner de la visibilité aux constructeurs et à ceux qui veulent investir dans le secteur du logement.
S’agissant du CITE, nous envisageons de le remplacer en 2019 par une prime. Cela constituera pour les personnes concernées un avantage beaucoup plus simple à mobiliser.
Il ne faut pas faire au Gouvernement le procès de laisser les territoires ruraux ou les classes moyennes de côté, car ce n’est pas le cas. Au contraire, je suis en train de mettre en œuvre un plan spécifique pour les villes moyennes, ce qui n’avait pas été fait depuis les années soixante-dix. Ce dispositif permettra de rétablir un équilibre qui a été pour le moins fragilisé par la métropolisation.
J’ai récemment signé un protocole d’accord avec Action Logement, qui investira 1,5 milliard d’euros dans les villes moyennes au cours des cinq prochaines années. L’État va intervenir sur le plan de l’ingénierie et développer, en coordination avec la Caisse des dépôts et consignations, un certain nombre de dispositifs à destination de ces villes moyennes qui irriguent les territoires ruraux situés dans leur périphérie. Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement partage vos préoccupations.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Pour avoir siégé avec vous sur ces travées, je sais que vous êtes sensible à l’équilibre des territoires. Il ne doit donc pas toujours être facile pour vous de défendre les textes actuels…
J’ai bien compris que vous alliez lancer de nouveaux projets pour contrebalancer la politique suivie jusqu’ici. Toutefois, pour l’instant, en l’état du droit, nous n’en sommes qu’au stade des intentions.
Je veux vraiment insister sur l’inquiétude qui règne dans nos territoires ruraux, où les classes moyennes subissent souvent une double peine. Je tiens à vous remercier pour votre annonce relative aux villes moyennes, mais il faudra tout de même rester très attentifs à la situation du logement, car les professionnels du bâtiment ont eux aussi des raisons d’être inquiets.
Nous attendons de prendre connaissance des textes qui seront soumis au Parlement dans les mois qui viennent. Nous serons évidemment à vos côtés pour vous aider à atteindre l’objectif d’instaurer un meilleur équilibre de nos territoires, au bénéfice de ceux de nos concitoyens qui ont fait le pari d’y vivre avec leurs enfants.
réforme territoriale de l’agglomération parisienne
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 099, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Pascal Savoldelli. Le préfet de la région d’Île-de-France doit maintenant avoir remis au Premier ministre les conclusions de la consultation menée auprès des élus locaux et des différents acteurs qui font la métropole d’aujourd’hui.
Évidemment, en tirer les conclusions revient à l’exécutif national : ce n’est pas un sujet. En revanche, quelles dispositions sont prises pour que la consultation soit rendue publique, c'est-à-dire pour que ses résultats soient restitués aux élus locaux et à la population ?
Nous savons qu’il n’y a pas consensus, d’abord parce que le cadre de la consultation est flou, du fait que l’initiative vient d’en haut et n’émane ni des élus locaux ni même d’une volonté forte de l’opinion publique.
Il existe néanmoins un constat partagé : oui, la métropole n’est pas à la hauteur des problèmes que rencontrent les habitantes et les habitants d’Île-de-France dans leur vie quotidienne. Par exemple, on compte quelque 640 000 demandes de logement chaque année, pour seulement 80 000 logements attribués. En outre, 60 % des autorisations d’installation de bureaux d’entreprises sont concentrées à La Défense et dans l’ouest de la capitale, ce qui crée un profond déséquilibre économique.
Dans le même temps le triptyque commune-département-région est dynamique. Je veux m’attarder plus particulièrement sur l’échelon départemental. En petite couronne comme en grande couronne, les actions des départements, leur appui aux communes, leurs services publics de proximité et de solidarité sont très appréciés. L’action des départements permet des avancées qui profitent à toute la métropole : je pense au premier tramway, le T1, qui était un projet du département de la Seine-Saint-Denis, ou au premier métro de banlieue à banlieue, la future ligne 15 sud, qui reprend le tracé d’Orbival, lancé par le département du Val-de-Marne.
Si les habitants, les élus et les agents territoriaux sont inquiets, c’est avant tout pour l’avenir de ces politiques. Je pense notamment à la déclaration du Président de la République qui affirmait en juillet dernier vouloir supprimer « deux échelons en dessous de l’échelon régional ».
Monsieur le ministre, quand c’est flou, c’est souvent qu’il y a un loup ! Qu’en est-il aujourd’hui ? Au regard de tous ces éléments, pouvez-vous m’expliquer en quoi les départements seraient un obstacle à la construction métropolitaine ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, comment pourrais-je répondre à une question qui n’est pas encore tranchée ? En somme, vous nous dites que le système actuel ne fonctionne pas bien, en citant deux exemples pertinents à l’appui de cette affirmation, mais vous ajoutez ensuite qu’il ne faut rien changer. Cela n’est pas possible !
Si le Président de la République a pris l’initiative de s’exprimer sur la question de la métropole du Grand Paris, c’est que la situation actuelle, extrêmement compliquée, pose problème. Nous savons tous que la complexité du système actuel est telle que nos concitoyens n’y comprennent rien. Il y a un réel problème d’articulation générale.
Que fait le Gouvernement ? Il consulte, effectivement, sous la conduite du préfet de région. Pour ma part, j’ai reçu presque toutes les associations d’élus, les représentants des collectivités locales. Une chose apparaît clairement : tout le monde juge que le système actuel n’est pas bon. Cela étant, chacun affirme aussi que tout fonctionne très bien à l’échelon de sa strate territoriale et qu’il conviendrait d’étudier l’opportunité d’en supprimer d’autres… Ce résumé n’est pas une caricature : vous savez aussi bien que moi, monsieur le sénateur, que cette attitude transcende les sensibilités politiques. Il ne s’agit pas d’un affrontement classique droite contre gauche, majorité contre opposition.
Tout le monde a pu s’exprimer et continue à le faire à l’occasion des consultations que je viens d’évoquer. Le préfet de la région d’Île-de-France travaille aujourd’hui à la synthèse de ces consultations et d’un certain nombre de propositions. Bien entendu, rien n’est encore tranché, puisque la consultation est en cours. Vous affirmez que les départements vont être supprimés : rien n’est encore décidé à cet égard, car nous en sommes encore au stade de la réflexion. Nous sommes simplement tous conscients qu’il faudra améliorer le système actuel, et c’est ce à quoi nous travaillons !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. J’entends bien qu’il vous est difficulté de me répondre, monsieur le ministre !
Quelle est l’ambition démocratique, sociale et économique de cette réforme territoriale de l’agglomération parisienne ? Nous ne sommes pas des partisans du statu quo, de l’immobilisme, mais nous demandons que l’on réponde à cette simple question. Il faut bien que l’on propose un projet à nos populations ! Je perçois bien votre difficulté à apporter des réponses : comme je l’ai déjà dit, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !
Concernant les consultations menées, nous savons tous que le politique connaît une crise de légitimité, qui touche aussi les élus locaux. Quand le Gouvernement consulte ces derniers, il lui revient ensuite d’en faire la synthèse et de se tourner vers la population. Nous sommes favorables à ce que les résultats de la consultation des élus de toute sensibilité, quel que soit l’échelon territorial, commune, département, région, soient rendus publics, afin que les citoyens puissent se faire une opinion sur les évolutions à venir.
Selon un sondage IFOP, 75 % des Val-de-Marnais sont opposés à la suppression des départements et 71 % d’entre eux demandent une consultation par référendum. Il existe donc une aspiration des citoyens à être informés des évolutions qui vont affecter leur quotidien : que vont devenir les services publics ?
modifications du code électoral
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 121, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Jean Louis Masson. Le Gouvernement et le Président de la République ont annoncé un certain nombre de réformes électorales, sur lesquelles j’aimerais obtenir plusieurs précisions.
Tout d’abord, je souhaiterais obtenir des informations sur la réforme de l’élection des députés et des sénateurs : quand sera-t-elle présentée au Parlement ? Une réduction de la durée des mandats est-elle prévue.
En ce qui concerne les élections européennes, le Gouvernement a laissé entendre que la réforme interviendrait dès le début de l’année 2018. À ce sujet, je voudrais savoir si un abaissement à 3 % du seuil pour l’attribution des sièges est envisageable : actuellement, au-dessous de 5 % des voix, les listes qui obtiendraient normalement des sièges à la représentation proportionnelle n’en ont aucun. Le seuil de 3 % s’applique actuellement pour le remboursement des dépenses électorales pour les élections européennes. Un tel alignement me semblerait pertinent.
Enfin, on a beaucoup parlé d’un éventuel report des élections municipales de 2020 à 2021, afin de regrouper les scrutins locaux. De nombreuses annonces quelque peu contradictoires ont été faites par les uns et les autres. Je souhaiterais donc que l’on me dise de la manière la plus claire possible si, oui ou non, le Gouvernement a l’intention de reporter les élections municipales de 2020 à 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, votre première question porte sur l’élection des députés et des sénateurs.
Le 3 juillet dernier, devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République s’est clairement engagé à proposer une réforme, depuis longtemps annoncée et souhaitée par nos compatriotes, tendant à réduire le nombre de parlementaires. Il est également prévu d’introduire une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin pour que toutes les sensibilités politiques soient représentées. Cette réforme nécessitera évidemment une évolution des circonscriptions législatives. À ce titre, une commission indépendante, composée de magistrats et de personnalités qualifiées, rendra son avis sur le projet du Gouvernement.
Vous me questionnez en outre sur une éventuelle réduction de la durée des mandats : à ce jour, je n’ai jamais entendu parler de projets en ce sens.
Vous m’avez ensuite interrogée sur la réforme des élections européennes. Comme vous le savez, il a été constaté que le système en vigueur depuis 2003 n’a pas rapproché les députés européens de leurs électeurs et que le taux d’abstention continue à progresser. Enfin, le redécoupage des régions a entraîné une déconnexion avec la carte des circonscriptions électorales pour les élections européennes. De ce fait, on va effectivement revenir, après consultation de l’ensemble des formations politiques françaises, au système des listes nationales.
Je note votre souhait d’un abaissement de 5 % à 3 % du seuil pour l’attribution des sièges. Jusqu’à présent, je n’avais pas encore entendu évoquer un tel projet.
Enfin, concernant un éventuel report des élections municipales de 2020 à 2021, aucun projet de cette nature n’est envisagé à ce stade - je dis bien « à ce stade ».
J’ajoute qu’il n’est pas question de réduire le nombre d’élus locaux. Seule la proposition de l’Association des régions de France de diminuer le nombre d’élus régionaux pourrait être étudiée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, réduire le nombre des élus régionaux serait une très bonne idée. Ce pourrait être l’occasion de poser à nouveau le problème du découpage complètement aberrant de nos régions. En effet, depuis que l’on a créé de pseudo-grandes régions, on est en présence de structures tentaculaires qui n’ont plus aucun contact avec le terrain. Là où ont été opérées des fusions autoritaires, il serait certainement pertinent de solliciter l’avis des populations, par le biais d’un référendum, sur un éventuel retour à la situation antérieure.
Par ailleurs, quel est l’échéancier de la réforme de l’élection des députés et des sénateurs ? Quand sera-t-elle soumise au Parlement ? Vous avez indiqué que la réduction des mandats dans la durée, ou plutôt la limitation de leur renouvellement, n’était pas envisagée. Il s’agissait tout de même de l’un des thèmes de la campagne du Président de la République ! Madame la ministre, vous lisez régulièrement la presse, je suis sûr que vous savez bien qu’il s’agit d’une question récurrente. On ne peut pas dire que personne n’en parle ou qu’on n’en a jamais entendu parler !
Il aurait été intéressant de connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet. En effet, il est toujours préférable, pour un parlementaire, de savoir exactement ce qui est envisagé pour les années à venir.
construction d’une caserne de gendarmerie à beaumont-sur-oise et réhabilitation de la caserne de persan
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 118, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Arnaud Bazin. Je souhaite interroger le ministre sur le projet de construction d’une caserne de gendarmerie à Beaumont-sur-Oise sur le site du CNEFASES, le Centre national d’études et de formation pour l’adaptation scolaire et l’éducation spécialisée.
Ce terrain, propriété de l’État, est idoine, car il n’existe aucun autre foncier comparable disponible. Ce projet répond à une attente légitime des gendarmes et de la population. Or un avis émis par la direction générale des finances publiques en janvier 2017 remet en cause sa faisabilité en estimant la valeur du bien en question au-delà de ce que requiert l’équilibre économique du projet, tel que fixé au travers du loyer envisagé par le ministère.
Le précédent gouvernement avait été saisi de ce dossier. Le 3 mai dernier, le Premier ministre en exercice avait pris bonne note de la demande d’arbitrage, afin qu’une réponse soit apportée. Le 6 juin dernier, M. le ministre d’État Gérard Collomb répondait à Mme le maire de Beaumont-sur-Oise que les services concernés seraient saisis afin d’établir un point de situation sur ce projet. Depuis lors, aucune information n’a été fournie, alors que le projet est finalisé, répond à des besoins et s’avère réalisable, pour peu que l’estimation de la valeur vénale du bien tienne compte de la nécessité d’équilibrer l’opération.
Par ailleurs, la réhabilitation de la caserne de gendarmerie de Persan apparaît aujourd’hui comme essentielle pour nos territoires, les conditions de travail de nos forces de l’ordre et un accueil digne de la population étant à l’évidence des sujets d’importance.
L’état de délabrement avancé de ces locaux est inacceptable et indigne du respect que l’on doit à nos gendarmes. J’espère qu’il s’agit de la seule caserne de gendarmerie en France dans laquelle on voit les racines des arbres s’étendre à l’intérieur même des locaux, après en avoir traversé les murs !
Madame la ministre, ces deux sujets étant liés pour le département du Val-d’Oise, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’apporter des réponses concrètes, étant précisé que les émeutes urbaines de Beaumont-sur-Oise de 2016 ont laissé des traces. La population en conserve encore aujourd’hui un souvenir très fort !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Arnaud Bazin, vous m’interrogez sur deux projets immobiliers concernant la gendarmerie nationale dans le Val-d’Oise.
Le projet de construction d’une caserne à Beaumont-sur-Oise est destiné à accueillir les locaux de service technique et les logements des militaires servant au sein du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de L’Isle-Adam et de l’antenne du renseignement territorial de Beaumont-sur-Oise. Par ailleurs, parmi les 46 logements de la future caserne, une partie bénéficierait à certains personnels de la brigade territoriale autonome de Persan et aux militaires d’un peloton motorisé en cours de création.
Cette caserne sera bâtie sur le site de l’ancien Centre national d’études et de formation pour l’adaptation scolaire et l’éducation spécialisée. Le ministre de l’éducation nationale doit prononcer la déclaration d’inutilité de l’emprise, car le bail emphytéotique signé avec l’association qui occupait jusqu’à présent le centre est échu le 16 novembre dernier.
Ce projet est désormais pris en charge par un office d’HLM, en lien avec la Direction de l’immobilier de l’État. À ce stade, les parties ne sont pas encore parvenues à un accord sur les conditions de cession du site, dont la valeur vénale est estimée à 1,4 million d’euros par le service local des domaines.
L’autre projet, pour partie lié au précédent, consiste à réhabiliter les locaux de service de la brigade de Persan. Armée de 53 militaires, cette unité est installée dans un ancien commissariat de police.
Plusieurs travaux de rénovation sont d’ores et déjà terminés. En outre, la reconstruction d’un abri pour les véhicules devrait s’achever au mois de janvier, tandis que les travaux de réfection des locaux vétustes commenceront au cours du premier semestre de l’année 2018. Sous l’égide de la région de gendarmerie d’Île-de-France, d’autres travaux pourraient être envisagés afin d’améliorer de manière significative l’état de la brigade.
Enfin, une partie des militaires de la brigade de Persan occupera à partir d’avril 2018 un ensemble sécurisé de 38 logements, situé à moins de 200 mètres des locaux de la brigade et, comme je viens de l’indiquer, une autre partie devra à terme être accueillie au sein de la nouvelle caserne de Beaumont-sur-Oise.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. S’agissant des locaux de Persan, je vous donne acte des informations que vous nous transmettez, madame la ministre. Elles concordent avec ce que je sais de l’état actuel du terrain.
Il reste un sujet, celui de la réhabilitation de la cour de manœuvre, qui pose de sérieux problèmes. Mais vous avez évoqué des pistes complémentaires de travaux. J’espère que, dans ce cadre, on pensera à améliorer l’état de cette cour car les conditions de sécurité en dépendent.
S’agissant de l’affaire de Beaumont-sur-Oise, le nœud du problème est le suivant : le ministère de l’intérieur fixe un loyer et en recalculant les charges foncières qui permettent l’équilibre de l’opération, on est largement en dessous de la valeur vénale de 1,3 ou 1,4 million d'euros estimée.
Un arbitrage gouvernemental est donc impératif sur cette valeur vénale. Sans cela, l’opération ne pourra pas se faire, Val-d’Oise Habitat n’ayant pas vocation à subventionner cette opération, comme vous en conviendrez très certainement.
J’attire votre attention sur l’urgence de cet arbitrage, madame la ministre. Il faut aboutir à une valeur vénale du bien qui soit compatible avec l’équilibre de l’opération. Une fois ce point crucial résolu, toute l’opération pourra se dérouler de manière satisfaisante, tant pour les gendarmes que pour la population et la ville de Beaumont-sur-Oise.
projet de fusion des yvelines et des hauts-de-seine
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec, auteur de la question n° 115, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Philippe Pemezec. Lors de la Conférence nationale des territoires, le Président de la République a affirmé que si l’on voulait la réussite du Grand Paris, il fallait, dans le cadre de la concurrence internationale que l’on connaît, procéder à une simplification drastique des structures. Or les élus de deux départements, les Yvelines et les Hauts-de-Seine, ont décidé, par anticipation, de fusionner ces collectivités et, par là même, de réaliser des économies d’échelle significatives.
La loi, à travers l’article L. 3114-1 du code général des collectivités territoriales, permet et encourage ce type de fusions. Par conséquent, rien ne s’oppose sur le plan légal à ce que ces deux départements se regroupent, les trois cinquièmes des membres des conseils départementaux s’étant prononcés en faveur de ce projet. Depuis le mois de janvier 2015, le référendum n’est plus obligatoire ; il ne manque donc plus qu’un décret gouvernemental.
Puisque ces fusions sont encouragées par l’État, puisqu’elles permettent de dégager des économies d’échelle, puisque l’on s’oriente vers une région métropole, englobant à la fois des secteurs ruraux et des secteurs urbains, pourquoi le Gouvernement ne signe-t-il pas ce décret ? Existerait-il une résistance politique quelconque, ce qui reviendrait à mettre en cause, une nouvelle fois, la décentralisation issue des lois de 1982 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Effectivement, monsieur le sénateur Philippe Pemezec, le code général des collectivités territoriales prévoit que plusieurs départements, dans une même région, peuvent fusionner par délibérations concordantes de leurs conseils départementaux.
Cette faculté, issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, a été modifiée par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, laquelle a abrogé les dispositions relatives à la consultation des électeurs de chaque département et introduit l’exigence de majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont effectivement délibéré le 30 juin 2017.
Je veux tout d’abord souligner que le code général des collectivités territoriales précise bien que « le regroupement est décidé par décret en Conseil d’État » et que le Gouvernement n’a pas de compétence liée pour prononcer ce regroupement.
Cela étant dit, le Gouvernement examinera bien sûr ce projet en fonction de considérations d’intérêt général.
Or, comme vous l’avez fait vous-même, monsieur le sénateur, je ne peux que replacer ce projet dans le projet plus global d’évolution de la métropole du Grand Paris, qui comprend dans son périmètre actuel l’un des deux départements concernés.
La demande des départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines pourra ainsi être étudiée, dès lors que les perspectives concernant la métropole du Grand Paris auront été arrêtées.
En effet, des discussions sont encore en cours. Une conférence territoriale spécifique se tiendra prochainement pour définir le cadre de travail et les perspectives permettant d’apporter des réponses institutionnelles à la hauteur des enjeux d’attractivité de ce territoire et des attentes de cohésion, de croissance et de qualité de vie de ses habitants.
Dans cette attente, les deux départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine peuvent bien sûr continuer à travailler en commun. Je pense notamment à l’établissement public interdépartemental qu’ils ont créé, dont les domaines d’intervention sont vastes et nombreux.
Mais, à nouveau, ce projet doit s’inscrire dans le projet revu de la métropole du Grand Paris. Celui-ci faisant encore l’objet de discussions, je ne peux aller plus loin dans ma réponse.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Je vous remercie, madame la ministre, de m’avoir rassuré quant à l’absence de blocage politique : il est donc simplement question d’attendre une nouvelle définition de l’organisation territoriale de la région d’Île-de-France.
Nous souhaitons tous que cette dernière soit simplifiée, mais je rappelle qu’il sera difficile de supprimer les départements. Ces derniers étant inscrits dans la Constitution, il faudrait obtenir les trois cinquièmes des suffrages du Congrès – Assemblée nationale et Sénat réunis – pour pouvoir mettre en œuvre une telle évolution.
réglementation concernant les zones bleues de stationnement
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 112, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Brigitte Lherbier. Le domaine public est régi par deux principes : celui de l’inaliénabilité et celui de l’imprescriptibilité.
L’inaliénabilité du domaine public entraîne l’impossibilité de cession des biens du domaine public. Elle suppose également que l’autorité publique propriétaire ne puisse accorder aucun droit réel.
Voici donc une question pratique, madame le ministre.
Pour lutter contre le phénomène des « voitures tampons » stationnant toute la journée à la même place, de nombreuses communes de la métropole lilloise ont instauré ce que l’on appelle communément des zones bleues.
Ces zones bleues viennent limiter, au moyen d’un disque, le stationnement des automobilistes dans la durée. Elles permettent ainsi au domaine public de retrouver sa vocation initiale, c’est-à-dire d’être un domaine de partage entre citoyens.
Pour déroger au principe de la zone bleue, et permettre le stationnement de ses résidents ou des salariés des entreprises situées à l’intérieur de son périmètre, les mairies délivrent des cartes de résident à apposer sur les véhicules. Certaines communes ont décidé de faire payer une somme modique pour délivrer ces cartes, en raison du principe d’inaliénabilité du domaine public que j’évoquais précédemment ; d’autres ont choisi la gratuité.
Les maires m’ont demandé de clarifier la situation, madame le ministre. Ils souhaiteraient savoir s’il convient de faire payer ces cartes de résident. La gratuité s’oppose-t-elle vraiment au principe d’inaliénabilité du domaine public ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Brigitte Lherbier, la circulation sur les voies ouvertes à la circulation publique est libre, car elle participe à l’exercice d’une liberté fondamentale qui est celle d’aller et venir. La liberté de stationner sur la voirie publique est un corollaire à cette liberté. Ainsi, le stationnement est en principe libre sur la voie publique s’il n’excède pas sept jours consécutifs en un même point.
Toutefois, si elle ne peut être interdite de façon absolue et générale, la liberté de stationner peut faire l’objet d’une réglementation afin, notamment, de garantir une meilleure rotation des véhicules en stationnement, ce qui est favorable à l’environnement, aux automobilistes eux-mêmes et à l’activité économique des centres-villes, en particulier des commerces de proximité.
L’autorité investie du pouvoir de police du stationnement – maire ou président d’établissement public de coopération intercommunale – peut déterminer les lieux, les jours et les heures où le stationnement est réglementé. À cet effet, il peut être décidé de réglementer des zones à stationnement limité dans le temps, communément appelées « zones bleues », ou de mettre en place des zones de stationnement payant.
S’agissant du stationnement payant, l’autorité compétente peut également édicter des tarifs différentiels entre les usagers en raison de la particularité de leur situation. Aussi est-il possible d’instaurer une tarification préférentielle, gratuité ou modulation, pour les riverains des voies publiques classées en zone de stationnement payant, sans méconnaître le principe d’égalité, comme le rappelle la jurisprudence constante du Conseil d’État.
L’inaliénabilité du domaine public, prévue par le code général de la propriété des personnes publiques, a pour conséquence d’interdire de céder une parcelle appartenant au domaine public. Elle n’a pas pour effet d’interdire son occupation. En outre, le stationnement de véhicules sur voirie constitue une utilisation normale du domaine public routier. L’instauration de la gratuité des cartes de stationnement réservées aux riverains d’une zone bleue n’est donc pas incompatible avec l’inaliénabilité du domaine public, la collectivité en restant bien entendu propriétaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.
Mme Brigitte Lherbier. Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre, que je communiquerai aux différents maires qui m’ont sollicitée.
devenir des machines à voter
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 107, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, ma question porte sur l’utilisation des machines à voter. C’est précisément pour lutter contre la fraude que Raymond Marcellin, alors ministre de l’intérieur, introduisit le recours aux machines à voter, à travers la loi du 10 mai 1969.
Conformément au code électoral, les machines à voter peuvent toujours être utilisées dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elles doivent être d’un modèle agréé par le ministère de l’intérieur.
La machine à voter ne doit pas être confondue avec le vote numérique ou par internet, car, simple machine comptabilisant les votes, elle n’est connectée à aucun réseau.
Depuis quinze ans, plusieurs communes ont fait le choix des machines à voter : Brest, Épernay et, surtout, Le Havre. Leur usage n’a jamais posé de difficulté. Électeurs, élus, agents municipaux, tous s’accordent sur la simplicité, la fiabilité et la sécurité du dispositif.
Malgré cela, les machines à voter suscitent des oppositions souvent très doctrinales et politiques, rarement issues des utilisateurs.
Ce dispositif a d’ailleurs reçu l’assentiment à la fois du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État, qui considèrent que le secret du vote est préservé. En avril 2016, le ministre de l’intérieur confirmait que les fonctionnalités techniques des machines à voter permettaient de garantir la sincérité du scrutin.
C’est pourquoi les villes utilisatrices souhaitent pouvoir continuer à les utiliser. Or, depuis 2007, un moratoire interdit leur développement.
Les communes dotées aujourd’hui de machines à voter doivent renouveler leur parc. Les incertitudes qui pèsent sur le devenir de ces équipements inquiètent les élus. Pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer en levant le moratoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. À ce jour, madame la sénatrice Agnès Canayer, 66 communes, représentant 1 million d’électeurs, sont équipées de machines à voter. En 2007, à l’issue d’un travail approfondi associant le Conseil d’État, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, le ministère de l’intérieur et le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, un moratoire a été décidé, ayant pour effet de figer le nombre de communes autorisées à se doter de machines à voter.
Les raisons qui ont justifié la mise en œuvre de ce moratoire tenaient – ce sont les conclusions des études – à l’allongement des temps d’attente dans les bureaux équipés ; au coût pour les communes et l’État, évalué entre 4 000 et 6 000 euros, en 2007, pour l’achat d’une machine, auxquels s’ajoutent les frais d’entretien, de stockage et de formation ; à une problématique de confiance de la part des citoyens, devant l’impossibilité de procéder à un comptage physique des suffrages, comme l’avait relevé le Conseil constitutionnel dans ses observations sur les scrutins présidentiel et législatif de 2007.
Ces raisons ont été confirmées par les sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre, qui ont estimé, dans un rapport d’information sur le vote électronique remis en avril 2014, qu’il était nécessaire de proroger le moratoire, compte tenu des risques sur le secret du scrutin et sur sa sincérité associés à l’usage des machines à voter. D’après eux, ces dernières « ne peuvent garantir ni la conformité du choix de l’électeur, ni l’absence de dysfonctionnement dans l’enregistrement des suffrages. »
Enfin, le niveau élevé de risques « cyber », tels que ceux qui ont récemment caractérisé les scrutins législatif et présidentiel de 2017, doit désormais être pris en compte dans l’appréhension des opérations de vote réalisées à l’aide de machines à voter, du fait, pour une part prépondérante du parc installé, de l’obsolescence technique des dispositifs, ainsi que de l’importance du risque inhérent attaché aux opérations de paramétrage des machines à voter préalable aux opérations de vote à proprement parler.
Au regard de l’ensemble de ces éléments techniques, le Gouvernement réexaminera le cadre applicable aux machines à voter, y compris pour ce qui concerne l’homologation et l’autorisation de nouveaux modèles.
Dans le même temps, les conditions de réalisation d’un vote électronique ne reposant pas sur de tels dispositifs seront étudiées, conformément aux engagements du Président de la République.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. J’entends les doutes et les remarques d’ordre technique qui sont exprimés sur les machines à voter. Mais une utilisation régulière de ces équipements dans le cadre d’opérations électorales montre toute leur utilité en matière d’accessibilité – ils favorisent le vote des personnes handicapées – et de rapidité du comptage des votes. Aujourd’hui, les communes qui utilisent ces machines à voter en ont pleine satisfaction et aucune difficulté n’a été constatée. C’est en tout cas ce que je peux dire à partir de mon expérience havraise.
organisation des élections sénatoriales
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 097, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Olivier Paccaud. Tradition oblige, les élections sénatoriales sont tous les six ans, dans chaque département concerné par le renouvellement, l’occasion d’un vaste pèlerinage républicain : tous les grands électeurs se retrouvent ensemble en un même lieu, au cœur de la ville préfecture, pour effectuer leur devoir.
Dans l’Oise, le 24 septembre dernier, les 2 331 délégués sénatoriaux se sont ainsi rendus à Beauvais pour voter. À celles et ceux qui venaient du Noyonnais, d’au-delà, ou encore d’au-delà du Valois, il aura fallu bien plus d’une heure pour venir, et j’imagine que, dans les départements montagnards ou dans les départements beaucoup plus vastes, le déplacement vers l’urne préfectorale a pu être très long.
Que de temps passé et que d’essence dépensée !
À l’heure où l’on parle d’économies d’énergie et de sagesse écologique, madame la ministre, ne serait-il pas plus rationnel et cohérent d’utiliser nos charmantes sous-préfectures de département pour en faire des bureaux de vote d’arrondissement ? Tout le monde y gagnerait !
Si la tradition a souvent du bon, l’évolution peut parfois apporter du mieux !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur Olivier Paccaud, le code électoral désigne expressément le chef-lieu de département pour la réunion du collège électoral en vue de l’élection des sénateurs.
Trois séries d’arguments motivent la concentration de la réunion du collège électoral sur un lieu unique – pas forcément la préfecture, d’ailleurs ; dans mon département, c’est le tribunal !
Tout d’abord, une organisation du scrutin sur différents lieux serait susceptible de présenter un risque de contentieux accru.
En effet, la réunion du collège électoral dans un lieu unique a l’avantage de permettre aux préfectures chargées d’établir la liste des électeurs de s’assurer, le jour du scrutin, de l’identité de l’ensemble des électeurs et de vérifier à l’appui d’un document unique que les demandes de remplacement ont été correctement formalisées et remplissent les conditions fixées par le code électoral. Je rappelle que l’élection sénatoriale est la seule élection obligatoire en France.
En outre, une démultiplication des lieux de vote pourrait engendrer plusieurs difficultés pratiques.
Elle pourrait compliquer l’exercice, par le bureau du collège électoral, de ses missions. En effet, les attributions conférées à ce bureau, qui remplit également le rôle de bureau de la première section, rendent nécessaire une proximité physique avec les autres sections le jour du scrutin. Seul le président du bureau du collège électoral est habilité à statuer sur les difficultés et les contestations qui peuvent s’élever au cours de l’élection, toutes sections confondues.
La concentration permet également aux représentants des listes d’accomplir leur mission de contrôle des opérations de vote dans l’ensemble des sections de vote.
Elle garantit au mieux l’accessibilité à tous les électeurs des résultats proclamés par le bureau du collège électoral pour l’ensemble du scrutin, notamment compte tenu du court délai – quatre heures et demie – qui sépare les deux tours dans le cadre du scrutin majoritaire.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’intérêt politique de la réunion du collège électoral en un lieu unique, dans la mesure où cette dernière constitue une opportunité d’échanges entre élus souvent appréciée de ces derniers.
J’ai bien entendu les arguments écologiques que vous avez soulevés, monsieur le sénateur, mais pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à des modalités d’élections différentes pour les sénatoriales.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si celle-ci ne m’a pas du tout convaincu – c’est le moins que l’on puisse dire.
J’ai avancé, certes, des arguments écologiques, mais aussi des arguments économiques. Rapprocher les grands électeurs de leur bureau de vote permettrait de dégager de réelles économies. Peut-être leur niveau ne serait-il pas très élevé, mais alors que vous ne cessez d’exhorter les collectivités territoriales à faire des économies, il serait bon de montrer l’exemple.
Nous ne sommes plus sous la IIIe République ! L’égalité devant le scrutin ne me semble vraiment pas du tout mise à mal par cette proposition, sachant qu’un département comme l’Oise, par exemple, dispose de quatre sous-préfectures.
J’ai bien compris que le Gouvernement ne voulait pas bouger. Nous en sommes à la Ve République. Espérons que la VIe République saura faire preuve d’un peu plus d’intelligence !
délivrance de passeport à des parents séparés
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, auteur de la question n° 056, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer cette question par quelques chiffres : en 2016, 60 % des enfants sont nés hors mariage en France et 44 % des mariages finissent par un divorce. La parentalité ne s’exerce donc plus que minoritairement dans le cadre d’un mariage.
S’il appartient au juge civil d’encadrer les questions de garde et de résidence, d’autorité, de pension ou de logement entre les parents, il ressort que l’administration a aussi un rôle à jouer s’agissant de la délivrance de papiers d’identité aux enfants.
En effet, les services municipaux chargés de la délivrance de ces titres n’ont juridiquement pas l’obligation de rechercher si le parent demandeur est titulaire de l’autorité parentale ou si l’adresse déclarée est celle de la résidence principale de l’enfant. Aucun des documents à fournir ne contient cette information, pourtant importante au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Tout au plus, nos textes prévoient qu’il appartient au parent titulaire de l’autorité parentale d’en faire la demande. Mais l’absence de contrôle de l’effectivité de la détention de cette autorité rend bien illusoire cette protection purement formelle.
Dans l’hypothèse de parents séparés, ce défaut de contrôle des informations se double d’une absence d’information de l’autre parent, qui n’apprend alors que fortuitement, lorsque lui-même en fait la demande, l’existence des autres papiers d’identité.
Cet état de fait entraîne parfois, chez le parent de bonne foi, une situation d’anxiété, d’autant plus grande que cette pièce d’identité, bien plus que les autres, permet un éloignement non consenti d’un enfant français de son sol d’origine, sans possibilité pour l’autre parent de s’y opposer.
Il existe en outre un problème quant à la situation de l’enfant vis-à-vis de l’administration. Cette dernière ne reconnaissant que la validité de la dernière domiciliation, elle fait porter la charge de la preuve de l’existence d’une fraude non pas sur l’émetteur de la demande litigieuse, mais sur celui qui la conteste.
En outre, le parent indélicat peut aussi, lors de sa demande, déclarer le titre précédent volé, avec, à la clé, des situations juridiquement kafkaïennes pour le parent de bonne foi.
Enfin, au-delà de la difficulté de cette situation pour les parents séparés, mon interrogation vise aussi à alerter au sujet d’une possible responsabilité de l’administration, par exemple en cas de départ non consenti de l’enfant du territoire national. On sait que ces questions peuvent prendre un relief particulier dans le contexte actuel.
Ainsi, je souhaiterais connaître, madame la ministre, la position du gouvernement auquel vous appartenez face à ce problème, qui peut concerner des millions de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Vous m’interrogez, monsieur le sénateur Claude Raynal, sur la réglementation applicable en matière de délivrance de passeports pour les enfants mineurs dont les parents sont séparés, et sans expression du consentement de l’un des deux détenteurs de l’autorité parentale.
L’article 372-2 du code civil prévoit qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».
La demande de titre d’identité et de voyage pour un enfant mineur est considérée comme un acte usuel de l’autorité parentale. En outre, la séparation des parents ne modifie pas, sauf dispositions contraires du juge, le partage de l’autorité parentale.
Ainsi, la demande de titre pour un enfant peut être déposée par l’un des parents, sans qu’il soit nécessaire de demander l’accord de l’autre parent.
Le formulaire de demande de titre de voyage impose au demandeur, par l’apposition de sa signature, de certifier l’exactitude des mentions et déclarations qu’il y a portées. Toute fausse déclaration est passible d’une peine d’emprisonnement et d’amende prévue par le code pénal.
Ainsi, vous l’avez vous-même dit, il n’appartient pas aux mairies chargées du recueil des demandes de passeport de solliciter l’accord de l’autre parent, ni aux services instructeurs de rejeter une demande de passeport déposée par un seul parent, si aucune opposition en la matière n’a été préalablement manifestée.
En cas de conflit entre les parents lié au partage de l’autorité parentale ou en cas de crainte de l’un des parents de voir son enfant emmené à l’étranger sans son accord, il lui appartient de saisir le juge aux affaires familiales qui prononcera, le cas échéant, une mesure d’interdiction de sortie du territoire.
Dans l’attente de la décision du juge, le parent qui craint l’enlèvement de son enfant peut solliciter auprès de la préfecture une mesure d’opposition à la sortie du territoire de l’enfant mineur. Il s’agit d’une mesure prise à titre conservatoire, qui a pour objectif de permettre au titulaire de l’exercice de l’autorité parentale de faire opposition, sans délai, à la sortie de France de son enfant dans l’attente d’obtenir, en référé, une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire.
Tel est l’état du droit.
Cela dit, vous avez soulevé une vraie question.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Je veux remercier Mme la ministre de sa réponse, notamment de sa dernière phrase.
Effectivement, le droit est bien pauvre en la matière, compte tenu du nombre de cas concernés et du caractère parfois dramatique des situations.
Recourir préventivement au juge me paraît bien complexe et ne résout pas vraiment le problème.
Il nous semble qu’il faudrait peut-être, à l’avenir, par le truchement d’un texte de loi, d’un règlement ou un décret, voire une information des mairies, que les choses soient traitées de manière plus solide.
En tout état de cause, j’appelle à une réflexion du ministère sur ce sujet. J’aimerais savoir s’il est nécessaire qu’une proposition de loi soit déposée ou si d’autres solutions techniques permettraient de répondre aux difficultés.
droits d'auteur et musiques traditionnelles
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 113, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Michel Canevet. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le fonctionnement de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, qui est une institution importante dans notre pays, puisqu’elle défend les droits de près de 160 000 membres adhérents. Elle perçoit, pour cela, un budget tout à fait important, issu des droits de diffusion des musiques, pour un montant légèrement inférieur à 1 milliard d’euros.
Sur nos territoires, diverses manifestations sont organisées, telles que des animations, des bals ou des repas, qui impliquent le recours à des prestations de musique. Les organisateurs en sont souvent des associations.
Bien souvent, en Bretagne, où je suis élu, des ensembles pratiquent de la musique traditionnelle bretonne lors de différentes manifestations culturelles territoriales.
Les associations organisatrices sont souvent sollicitées par la SACEM pour payer des droits, ce qui pose des difficultés quand leurs recettes sont faibles. Le fait même qu’elles doivent acquitter des droits sur la diffusion de musique populaire traditionnelle régionale suscite régulièrement des doutes.
Pourriez-vous m’éclairer à ce sujet, madame la ministre ? Comment les organisateurs pourraient-ils éventuellement être dispensés de payer les droits si les morceaux diffusés sont tombés dans le patrimoine depuis déjà très longtemps ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement au sujet du versement d’une rémunération pour l’exécution de musiques traditionnelles, par exemple bretonne, tombées dans le domaine public à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM.
Comme vous le savez, le code de la propriété intellectuelle précise que la durée de protection d’une œuvre musicale est de soixante-dix ans après le décès de son compositeur.
À l’expiration de ce délai, l’œuvre peut être exploitée librement, sous réserve du droit moral de l’auteur, et gratuitement.
La SACEM n’a donc pas vocation à percevoir de rémunération pour la diffusion d’une œuvre musicale tombée dans le domaine public, sauf dans l’hypothèse où cette œuvre ferait l’objet d’arrangements ou d’adaptations.
Dans le cas de l’association que vous avez évoqué auprès de mes services, les morceaux exécutés n’ont fait l’objet d’aucune adaptation susceptible de donner naissance à des droits d’auteur. Par conséquent, en vertu de la législation en vigueur pour toute manifestation musicale et après examen du programme des œuvres interprétées par le groupe d’accordéonistes, le dossier a été clos par la SACEM et n’a donné lieu à aucune suite administrative ou facturation au titre des droits d’auteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Il était important de clarifier les choses, en particulier de bien mettre en évidence qu’il n’y a pas de droits à payer sur la diffusion de morceaux de musique traditionnelle, dès lors que celle-ci n’a pas fait l’objet d’arrangements particuliers.
dégradations constatées à l'opéra de paris
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 122, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, comme tous mes collègues sénateurs membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, j’ai été mise en copie de deux alertes qui vous ont été adressées par un représentant du personnel de l’Opéra de Paris, le 27 septembre puis le 17 octobre derniers, s’agissant de dégradations constatées dans la salle et les loges du Palais Garnier.
S’il est avéré, le reportage photo joint à ces alertes est édifiant : boiseries détériorées, tapis usés, fauteuils dégradés, murs et tapisseries délabrés, etc.
L’Opéra de Paris, classé monument historique en 1923, est l’un des édifices structurants de la capitale, mais aussi l’une des vitrines du patrimoine français.
Alors que le Président de la République a fait du patrimoine un axe prioritaire de son action culturelle, comme vous l’avez rappelé hier dans cet hémicycle, je suggère qu’une inspection soit diligentée par votre ministère afin que des explications soient apportées sur la préservation de cette salle de renommée mondiale.
Le cas échéant, je souhaite connaître, à travers un état des lieux, le plan de mesures et de travaux de réfection qui mettra à contribution les savoir-faire des artisans d’art français.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Madame la sénatrice, comme nombre de vos collègues parlementaires, vous interrogez le Gouvernement sur la situation de l’Opéra Garnier.
Alors que votre assemblée a adopté hier les crédits budgétaires de notre ministère, je tiens à rappeler que les investissements réalisés à l’Opéra national de Paris, c’est-à-dire le Palais Garnier, l’Opéra Bastille, l’école de danse et les ateliers Berthier, qui accueillent près de 1,6 million de spectateurs et visiteurs chaque année et plus de 1 500 salariés chaque jour, sont de l’ordre de 10 à 12 millions d’euros pour 2018.
La subvention d’investissement y concourt. S’y ajoutent les ressources propres de l’établissement, liées à la capacité d’autofinancement engendrée chaque année par son activité, soit 6 millions d’euros environ, la mise à contribution éventuelle, en complément, du fonds de roulement et les ressources de mécénat affectées à certaines opérations de travaux.
Concernant plus particulièrement la salle du Palais Garnier, un programme de rénovation comprenant la restauration des tissus des loges, des fauteuils d’orchestre, de l’éclairage, le déplacement des projecteurs et de la zone publique a été établi en août 2014 et mis en œuvre depuis.
Le programme de rénovation de la salle va se poursuivre, pour un coût total d’environ 2,5 millions d’euros ces quatre prochaines années. Les rénovations de la galerie et de la rotonde du Glacier pourraient, elles, faire l’objet d’un financement par voie de mécénat.
Les opérations d’investissement de l’Opéra national de Paris font l’objet d’un plan pluriannuel d’investissement examiné régulièrement par les ministères de la culture et du budget.
Soyez certaine que mes services assurent un suivi attentif et accompagnent l’établissement dans ces rénovations d’ampleur et dans l’importante transition que représente le transfert de la maîtrise d’ouvrage du bâtiment du Palais Garnier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je veux tout d'abord vous remercier de vous être déplacée personnellement au Sénat pour répondre à ma question.
Je vous remercie également de votre réponse.
En tant qu’élue de Paris, je suis évidemment très sensible au plan de rénovation que vous avez évoqué. Je serai particulièrement attentive à la suite qui y sera donnée.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
3
Candidatures à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue James Marson, qui fut sénateur de la Seine-Saint-Denis de 1975 à 1986.
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Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2018 (projet n° 107, rapport général n° 108, avis nos°109 à 114).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Sécurités
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et articles 62 ter et 62 quater) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (et article 67).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant d’aborder l’examen de cette mission, je souhaite saluer l’efficacité et le courage de nos forces de l’ordre, dont la mobilisation est particulièrement forte. Leur activité opérationnelle s’effectue dans un contexte de grande tension, comme en témoignent, par exemple, les plus de 900 perquisitions administratives menées en 2016 au titre de l’état d’urgence ou les millions de contrôles aux frontières réalisés au titre du rétablissement temporaire de ces dernières. Je veux également rappeler, avec gravité, les nombreux suicides qui ont eu lieu ces dernières semaines.
Pourtant, malgré le caractère prioritaire de cette mission, le présent projet de budget ne semble pas à la hauteur des enjeux.
Premièrement, les crédits sont en baisse dans le projet de loi de programmation triennale.
Si, en 2018, les moyens de la police et de la gendarmerie nationales sont en légère hausse, il est prévu que les crédits de la mission « Sécurités » augmentent de seulement 2,1 % sur la période 2018–2020, contre une augmentation moyenne de 3 % pour les missions du budget général. En prenant en compte les prévisions d’inflation du Gouvernement, l’évolution sera négative, puisque les crédits diminueront de 0,4 %.
Cette évolution est surprenante, alors que la sécurité nationale est toujours présentée comme une priorité.
Par ailleurs, la mise en place d’une « police de la sécurité du quotidien » ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire et devrait donc s’appuyer sur les moyens existants. Les annonces faites ne dissipent donc pas à ce stade la crainte de voir émerger un nouveau dispositif créant une charge de travail supplémentaire pour les forces de l’ordre.
Deuxièmement, la hausse des effectifs s’effectue au détriment des moyens de fonctionnement et de l’investissement, perpétuant ainsi la principale faiblesse des budgets de la fin du quinquennat précédent.
S’il est vrai que le nombre total d’emplois créés s’est élevé à 8 837 au cours des cinq dernières années, le rythme de recrutement devrait sensiblement croître sur le quinquennat actuel, puisque le Président de la République s’est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018–2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale bénéficiera de 7 500 équivalents temps plein – les ETP – et la gendarmerie nationale de 2 500 ETP. Ainsi, le nombre de policiers et de gendarmes devrait augmenter, en 2018, de 1 835 ETP, dont 459 pour les gendarmes et 1 376 pour les policiers.
Mais la conséquence de cette constante augmentation des effectifs depuis 2014 est que la part des dépenses de personnel sur l’ensemble des crédits, au sein des deux programmes, atteindra 86,78 % en 2018. Ce ratio ne permettra pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes.
Depuis 2006 – en dix ans, donc –, les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 31 %, tandis que les autres dépenses ont connu une baisse de 4,98 %.
Je rappelle, par ailleurs, que les comparaisons internationales ne témoignent pas d’une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, seule l’Italie a des effectifs supérieurs aux nôtres.
Troisièmement, le maintien de ce ratio à un niveau si élevé induit désormais une paupérisation de nos forces.
La faiblesse des dépenses d’investissement et de fonctionnement a des conséquences directes sur le vieillissement du parc immobilier. Je veux citer l’exemple de la dette des loyers de la gendarmerie, pour 114 millions d’euros en autorisations d’engagement et 92 millions d’euros en crédits de paiement, et le plan nécessaire, sur cinq ans, pour résorber cette dette.
Le budget présenté ne permettra pas d’assurer un abaissement de l’âge de la flotte de véhicules, lui aussi en constante augmentation, puisqu’il est passé de 4 ans et 10 mois en 2006 à 6 ans et 9 mois en 2016, alors même qu’il y a de moins en moins de véhicules. Depuis 2006, un véhicule de police est supprimé pour trois postes créés…
L’équipement des agents va également pâtir d’un important sous-financement. Plusieurs centres de tir ont dû fermer depuis le mois de septembre dernier, d’où un fort mécontentement des forces de police et de gendarmerie, qui ne peuvent s’entraîner que douze heures annuellement et ne tirer que 92 cartouches par an.
Quatrièmement, une meilleure organisation des forces aurait permis de gagner en capacité opérationnelle.
L’application à la gendarmerie, pour la première fois à partir de 2017, de la directive européenne de 2003 relative au temps de travail a engendré une baisse de la capacité opérationnelle des forces de 5 % des ETPT – équivalents temps plein travaillé – comme je l’avais prévu l’an dernier. Les recrutements prévus ne compenseront donc pas l’application de cette directive.
Pour la police nationale, l’entrée en vigueur de la vacation forte devrait entraîner, en 2018, une perte opérationnelle s’élevant à 433 ETPT. Mais il est possible que davantage d’effectifs soient, à terme, concernés par ce cycle, qui n’est pas appliqué, par exemple, à la préfecture de police de Paris. La perte opérationnelle pourrait s’accroître dans les années à venir, et cette réforme peut donc toujours être qualifiée de « bombe à retardement ».
Le principal levier permettant de « dégager des effectifs » est le recentrage des forces de l’ordre sur leur cœur de métier, par la suppression progressive des tâches indues, qui mobilisent l’équivalent d’environ 6 000 ETPT. Je pense notamment aux transfèrements judiciaires, à la gestion des procurations et aux tâches administratives, qui détournent les forces de l’ordre de leurs missions premières.
Mes chers collègues, je vous présenterai un amendement visant à substituer à des crédits du titre 2 des dépenses d’investissement et de fonctionnement, afin de donner aux hommes les moyens d’accomplir leur mission. Cet amendement doit être interprété comme la volonté d’aboutir à une vision constructive, dans le cadre de ce budget, sur un sujet si important pour notre pays.
Si le Gouvernement veut, pour ce premier budget du quinquennat, maintenir sa version initiale, si peu conforme aux exigences de la situation, votre rapporteur vous proposera le rejet des crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le programme « Sécurité et éducation routières ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je vais évoquer un autre fléau, particulièrement meurtrier : l’accidentalité routière.
Certes, l’augmentation du nombre de morts tend à décélérer en 2016 et 2017, mais la courbe de la mortalité routière n’est toujours pas inversée, et la France vient de connaître trois années consécutives de légère augmentation du nombre de victimes de la route. L’objectif que s’était assigné le gouvernement de Manuel Valls – descendre sous le seuil des 2 000 morts en 2020 – paraît de plus en plus hors de portée.
En effet, sur les dix premiers mois de l’année 2017, on dénombre encore 2 878 personnes tuées en France métropolitaine, soit plus de 9 par jour, tandis que le nombre d’accidents – 160 chaque jour – et de blessés – plus de 200 quotidiennement – continue d’augmenter.
Ce bilan doit cependant être resitué dans l’espace et dans le temps. Évidemment, la mortalité routière est bien moins élevée que dans les années soixante-dix, où le nombre de morts dépassait les 18 000. Réduire encore la mortalité est donc de plus en plus ardu. Néanmoins, sur le plan européen, la France ne se situe qu’au quatorzième rang dans cette lutte. De plus, lorsque l’on tient compte de la distance parcourue sur les réseaux routiers, laquelle se mesure en milliards de kilomètres parcourus, plusieurs de nos voisins, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse, font mieux que nous. Une marge de progression existe donc encore.
La politique de sécurité routière, telle qu’elle a été infléchie en 2015, n’a pas encore produit de résultats sensibles et ne saurait être centrée sur les seuls radars. Elle doit s’accompagner d’une lutte intensive contre les autres causes d’accidentalité, telles que l’alcool, les stupéfiants ou l’inattention, et d’une politique de prévention renforcée, dont l’efficacité doit être encore mieux évaluée.
J’en arrive maintenant au programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et au compte d’affectation spéciale.
Sur le programme « Sécurité et éducation routières », je note que les dépenses inscrites augmentent légèrement, de près de 3 %, passant de 38,8 millions d’euros en 2017 à 39,9 millions d’euros en 2018. Je salue également l’effort de sincérité des dépenses de communication : régulièrement sous-budgétées ces dernières années, elles ont été nettement relevées pour 2018.
J’observe également que le ralentissement de l’opération « permis à un euro par jour » semble se confirmer, malgré la création d’un prêt complémentaire de 300 euros. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre d’État, si vous envisagez de relancer ce dispositif ?
Sur le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », mes observations sont les suivantes.
Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre, en 2018, 1,83 milliard d’euros, sachant que 73 % de cette somme sont inscrits en dépenses sur le compte d’affectation spéciale « Radars », ce qui représente 1,34 milliard d’euros, soit un montant en légère baisse – de 3,6 % – par rapport à 2017.
La politique du nouveau gouvernement s’inscrit pour le moment dans celle qu’a arrêtée le comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015.
Cette stratégie, qui s’appuie sur le déploiement de nouveaux radars moins prévisibles et dotés de nouvelles fonctionnalités et sur le remplacement du point de contrôle par le « parcours sécurisé », devrait commencer à porter ses fruits.
Toutefois, l’implantation et le parcours de ces équipements – je pense notamment aux voitures radars – doivent être mieux liés à la carte de l’accidentalité. L’objectif demeure, bien entendu, la diminution du nombre d’accidents et de morts, et non l’augmentation du produit des amendes.
Les départements d’outre-mer et les réseaux routiers secondaires, où l’accidentalité est particulièrement élevée, doivent être privilégiés. Sur ce sujet, je vous renvoie au rapport d’information de notre collègue Vincent Delahaye, réalisé dans le cadre de sa mission de contrôle budgétaire.
Le développement des radars « tronçons » ou « vitesse moyenne », mieux acceptés des usagers, doit être encouragé, tandis que l’alternance des limitations de vitesse doit être rationalisée et encore mieux signalée. Trop de conducteurs dépassent la vitesse maximale autorisée parce qu’ils n’ont pas perçu un changement de limitation. Cependant, la réglementation sur les limitations de vitesse doit être définie en considération de l’état d’une route, de sa dangerosité et de l’accidentalité, et non en fonction de son statut, comme on en entend parler en ce moment pour les routes nationales.
Afin d’améliorer les résultats de la sécurité routière, ses acteurs – notamment les collectivités territoriales, les usagers, les employeurs, sans oublier les concessionnaires d’autoroutes – doivent être encore mieux associés à la définition de cette politique.
À cet égard, je propose deux amendements qui visent à réduire l’ampleur de la baisse des versements servant aux collectivités locales pour améliorer leurs infrastructures routières. En effet, à ce stade, l’impact de la décentralisation du stationnement payant est encore difficile à apprécier, y compris au niveau de ses conséquences financières à court terme. Il semblerait imprudent de trop anticiper sur les effets de cette réforme.
Par ailleurs, la dimension interministérielle de la politique de sécurité routière doit impérativement être renforcée. Le comité interministériel de la sécurité routière ne s’est réuni que deux fois depuis 2011. Pourriez-vous nous confirmer, monsieur le ministre d’État, qu’un prochain comité va bientôt être réuni et nous annoncer quelles inflexions vont être apportées à la stratégie arrêtée en 2015, afin d’améliorer ces résultats ?
S’agissant de la gestion du permis à points, il est prévu que plus de 22 millions de lettres de notification ou de retrait de points seront adressées aux conducteurs en 2018, pour une dépense estimée à 17,5 millions d’euros. Je note, pour la première fois, l’effort de dématérialisation d’une partie de ces courriers. Cependant, cet effort, qui ne couvre en 2018 que 10 % des crédits de ce poste, doit être poursuivi, dans la mesure où il permet d’engendrer des économies de traitement des documents.
Enfin, je constate, une fois encore, que le fonds de roulement de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, s’avérait, au 1er janvier 2017, plus de deux fois supérieur – à hauteur de 37 millions d’euros – au niveau préconisé. C'est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à diminuer les crédits destinés à cette agence.
En effet, les justifications apportées par les documents budgétaires, de même que les réponses aux questionnaires, me semblent, à ce jour, peu probantes sur l’évolution de ce besoin. Mais peut-être le Gouvernement aura-t-il des explications à nous apporter sur ce point ?
En conclusion, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission, dans sa partie sécurité routière, sans modification et ceux du compte spécial, ainsi modifiés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le programme « Sécurité civile ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les crédits du programme « Sécurité civile », qui ne représentent en crédits de paiement, que 54 % des dépenses de l’État consacrées à la sécurité civile au sens large, connaissent cette année une hausse importante.
Les crédits de paiement et les autorisations d’engagement demandés sont respectivement en augmentation de 5,36 % et de 82,34 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2017. Cette hausse importante s’explique toutefois par les autorisations d’engagement affectées au renouvellement de la flotte d’avions Tracker, qui représente, en 2018, quelque 404,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 61,4 millions d’euros en crédits de paiement.
Si l’on neutralise l’impact de l’acquisition des avions dans les budgets 2017 et 2018, le budget, hors titre 2, du programme « Sécurité civile » est stable en autorisations d’engagement – plus 0,3 % – et en baisse en crédits de paiement – moins 5 %.
Le renouvellement de la flotte de Tracker était devenu indispensable, en raison de son vieillissement – 60 ans ! – et de l’atteinte prochaine du potentiel de vol maximal fixé à 25 000 heures de vol. À cet effet, le marché d’acquisition d’un avion « multirôles » s’inscrivant dans le contexte de retrait du service des avions Tracker avait été lancé dès 2016. Le ministre de l’intérieur a confirmé, en juillet 2017, que ces derniers seraient remplacés par six bombardiers d’eau « multirôles » de type Dash 8, sans que ce choix soit formalisé juridiquement.
Si ces avions présentent l’inconvénient d’être particulièrement coûteux, leur caractère « multirôles » plaidait en leur faveur. Les Dash 8 ont pour principal avantage de pouvoir être convertis en avions de transport, ce qui n’était pas le cas des Tracker.
On ne peut donc que se féliciter de ce renouvellement. Il ne doit toutefois pas masquer le vieillissement du reste de la flotte, qui entraîne de nombreuses indisponibilités. Nous l’avons vu cette année, les pilotes de bombardiers d’eau se sont plaints de l’indisponibilité de la flotte, qui s’est parfois élevée à 25 % en pleine saison des feux.
À cet égard, je plaide pour qu’une rénovation des Canadair soit envisagée le plus tôt possible par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la DGSCGC, pour pallier ces indisponibilités et éviter les surcoûts liés à une prise en compte trop tardive des problèmes.
Le budget 2018 est aussi marqué par la poursuite du déploiement du système d’alerte et d’information aux populations, ou SAIP, dont les choix stratégiques, fortement contestables, ne sont toujours pas remis en cause. Je vous avais alerté, monsieur le ministre d’État, par le biais de mon rapport d’information, du fait que ce projet concentrait près de 80 % des crédits alloués au volet « sirènes », alors même que son impact apparaît beaucoup plus faible que celui de la téléphonie mobile qui ne bénéficie pourtant que de 80 % des crédits consommés ou prévus pour ce budget.
Après un an de fonctionnement, et à la suite des recommandations formulées dans mon rapport, l’application pour smartphone, dont j’avais relevé les insuffisances, fait l’objet actuellement d’une évaluation par l’Inspection générale de l’administration, laquelle doit se prononcer sur les améliorations possibles et les technologies alternatives pouvant être mises en œuvre. Si vous en avez eu connaissance, monsieur le ministre d’État, je vous serais reconnaissant de nous faire part des conclusions de l’Inspection générale.
Si cette évaluation est bienvenue, il me semble nécessaire de procéder à une réorientation stratégique plus large de ce projet avant que l’affectation des crédits de la phase 2, qui commence en 2020, ne soit effectuée.
Enfin, il me semble important d’évoquer la situation financière des SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, dont les budgets ont diminué de 1,27 % en valeur brute et de 1,47 % en volume en 2016, alors même qu’ils ont réalisé près de 4,5 millions d’interventions, en hausse de 2 %.
Cette baisse des budgets doit être compensée par la multiplication des mesures visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses des SDIS, ce qui passe notamment par une plus grande mutualisation. À cet égard, la réduction du nombre de numéros d’appel d’urgence et la recherche d’une plus grande mutualisation avec le SAMU, ainsi qu’entre les SDIS, doivent impérativement être poursuivies.
Cependant, le point le plus alarmant me semble concerner l’évolution des dépenses d’investissements des SDIS, en baisse de 4,58 % en 2015 et de 6,49 % en 2016. Ces baisses ne peuvent se poursuivre sans entraîner une perte de leur capacité opérationnelle.
Le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure du problème, puisque la dotation aux investissements structurants des SDIS est réduite de 60 % en 2018. Cette dotation sera très majoritairement consacrée au financement du projet de système d’information unifié des SDIS et de la sécurité civile – le système de gestion des appels-système de gestion opérationnelle, ou SGA-SGO –, considéré à juste titre comme stratégique par le ministère de l’intérieur.
Toutefois, de l’avis général, son montant – 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2018 – est très insuffisant. Il me paraît indispensable que cette dotation soit réévaluée dans les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage aux personnels de la gendarmerie nationale, qui ont montré la force de leur engagement tout au long de l’année 2017, particulièrement en outre-mer après le passage de l’ouragan Irma.
Si les crédits du programme 152 prévus pour 2018 me paraissent globalement satisfaisants, je souhaiterais néanmoins attirer l’attention sur le problème posé par l’obsolescence de certains matériels.
Il s’agit des « capacités pivots » décrites par le livre blanc de 2013, selon lequel la gendarmerie nationale « mettra en œuvre des capacités pivots (hélicoptères, véhicules blindés de maintien de l’ordre, réseau national durci de transmission) qui s’inscrivent en complémentarité des moyens des armées ».
La gendarmerie dispose actuellement d’une capacité d’environ 90 véhicules blindés, dont 71 véhicules blindés à roues, datant de 1974, et 20 véhicules de l’avant blindé rachetés à l’armée de terre lors de l’engagement en Afghanistan. Ces matériels sont actuellement très sollicités outre-mer et des renforts devraient être déployés en Nouvelle-Calédonie pour le référendum de 2018. Le remplacement de ces véhicules très usés par 90 nouveaux véhicules tout-terrain représenterait un coût d’environ 45 millions d’euros.
En second lieu, la gendarmerie nationale emploie 26 hélicoptères de type « Écureuil » affichant un âge moyen de 32 ans. Il serait nécessaire de remplacer les dix modèles les plus obsolètes par des EC 145. Le montant total serait d’environ 140 millions d’euros, plus 6,5 millions d’euros par an pour le maintien en condition opérationnelle.
J’ajoute, pour être complet sur les capacités pivots, qu’il faut également renouveler le système de transmissions durcies pour un coût d’environ 10 millions d’euros.
Par ailleurs, la vétusté des sept hélicoptères du groupe interarmées d’hélicoptères, le GIH, qui constituent un outil essentiel en ce qu’ils permettent au GIGN et au RAID de se projeter pour la défense des centrales nucléaires, est également préoccupante. Il s’agit en effet de vieux Puma des armées de l’air et de terre dont il est indispensable d’envisager le remplacement par des hélicoptères de transport moyen de type Caracal, soit une dépense d’environ 125 millions d’euros dans le cadre du budget des armées, si nous voulons préserver la capacité de projection de nos corps d’élite.
Au total, pour ce qui concerne le budget de la gendarmerie, il s’agirait d’une dépense d’environ 200 millions d’euros.
Monsieur le ministre d’État, candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron a clairement exprimé sa volonté de mettre en place « une véritable programmation sur quatre à cinq ans pour la modernisation des moyens de la sécurité intérieure ».
Certes, le renseignement est une composante majeure de la sécurité intérieure, mais ce n’est pas la seule. Cet effort de modernisation doit aussi porter sur les équipements que je viens d’évoquer, de manière à assurer l’avenir de cette capacité essentielle d’intervention de la gendarmerie pendant plusieurs décennies, compte tenu de la durée de vie de ces matériels.
Bien entendu, il faudrait y ajouter parallèlement le remplacement des sept Puma du GIH, ce qui relève de la ministre des armées et de la loi de programmation militaire.
Sous ces réserves, notre commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 152.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avec une hausse modérée des crédits et une progression d’environ 500 emplois, le budget de la gendarmerie nationale pour 2018 devrait permettre aux gendarmes de continuer d’exercer leurs missions de manière correcte.
Premier aspect positif, l’augmentation des personnels bénéficiera en priorité à la gendarmerie départementale – je pense que les élus y seront sensibles.
L’élargissement, en 2018, de l’expérimentation des brigades territoriales de contact, déchargées des tâches administratives et se consacrant au contact avec la population et les élus, me paraît également aller dans le bon sens.
Nous pouvons aussi saluer l’achèvement du déploiement des 65 000 équipements mobiles du plan Néogend, au profit des gendarmes des unités opérationnelles. Cette évolution devrait améliorer la productivité des gendarmes, valoriser leur travail quotidien et simplifier l’accomplissement de leurs tâches.
À côté de ces aspects positifs, je souhaiterais évoquer deux sujets de préoccupation.
Je veux tout d’abord évoquer l’application de la directive Temps de travail dans la gendarmerie nationale. Les règles relatives au repos quotidien de onze heures, depuis septembre 2016, ont globalement conduit à une perte d’activité équivalant à 6 000 emplois à temps plein.
Le fait que les gendarmes bénéficient d’un temps de repos convenable est incontestablement une bonne chose. Nous savons que cette nouvelle pratique est bien perçue. Il faut toutefois tenir compte de l’exigence de disponibilité propre à l’état militaire et de la nécessité de préserver le niveau d’activité de la gendarmerie face à tous les défis qui se présentent aujourd’hui.
C’est une question particulièrement délicate. Une remise en cause totale de cette réforme pourrait être difficile, alors que des aménagements peuvent être acceptés, à défaut de nouveaux recrutements pour compenser l’effet de la directive. Nous avons bien conscience que cette dernière hypothèse est peu probable en cette période de rigueur budgétaire. Nous suivrons ce sujet avec une vigilance tout à fait particulière.
Je voudrais ensuite évoquer la question de la dette de loyers de la gendarmerie, qui s’élève aujourd’hui à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 89 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui grève d’emblée l’exercice 2018.
Vous avez toutefois indiqué, monsieur le ministre d’État, que l’apurement de cette dette de loyers ferait l’objet d’un plan pluriannuel financé à hauteur de 13 millions d’euros, dès l’an prochain, permettant ainsi à la gendarmerie de ne pas trop rogner sur ses dépenses d’investissement en 2018 pour rembourser la dette. Pourriez-vous nous dire si vous envisagez dès à présent un financement supplémentaire pour ce plan ou s’il s’agit seulement, à crédits constants, de lisser la dépense ?
Sous réserve de ces quelques préoccupations, et eu égard à l’augmentation prévue des crédits et des personnels, notre commission a émis un avis favorable sur les crédits dédiés à la gendarmerie nationale pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la commission des lois partage pleinement et totalement le constat présenté par notre collègue, rapporteur spécial de la commission des finances : cette consolidation budgétaire, que nul ne peut nier, demeure très largement insuffisante au regard de la dégradation très avancée de la situation de nos forces de sécurité intérieure et du contexte sécuritaire.
Monsieur le ministre d’État, votre gouvernement a fait le choix, comme le précédent, de mettre l’accent sur l’augmentation des effectifs. On annonce 10 000 créations d’emplois de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat – 7 500 pour la police et 2 500 pour la gendarmerie. En 2018, quelque 1 376 emplois seront créés dans la police et 459 dans la gendarmerie. Ne nous limitons toutefois pas aux seules annonces.
Nous connaissons l’impact dramatique sur les capacités opérationnelles de nos forces de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail. Selon les informations qui m’ont été communiquées, les créations de postes annoncées permettront tout juste – j’insiste sur cette expression – de combler cette réduction des capacités opérationnelles.
Il y a là un véritable sujet de préoccupation que le Gouvernement paraît avoir écarté de ses calculs. Je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous apporter des réponses sur ce point.
La principale difficulté de ce budget réside toutefois dans l’insuffisance des dotations de fonctionnement et d’investissement allouées à la police comme à la gendarmerie nationale. Ce que relèvent à l’unanimité les forces de sécurité, sans distinction de corps, de grade, de niveau d’exécution ou d’affectation, ce n’est pas tant le manque d’effectifs, mais plutôt les conditions matérielles dans lesquelles elles travaillent, désormais difficilement acceptables et soutenables.
Les sujets de préoccupation sont multiples. Je ne citerai, faute de temps, que quelques cas.
Les équipements, tout d’abord. Une mise à niveau des armements et des équipements de protection a été engagée au cours des dernières années. En revanche, l’état des parcs automobiles est aujourd’hui très préoccupant : l’âge moyen des véhicules de la police est de 6 ans et 9 mois ; il dépasse 8 ans dans la gendarmerie, avec plus de 130 000 kilomètres au compteur en moyenne. L’effort budgétaire consenti en 2018 est loin d’être à la hauteur des besoins de renouvellement.
L’immobilier est également un sujet majeur de préoccupation. Les commissariats et les casernes ont atteint un état très avancé de délabrement. Face à ce constat, on ne peut que regretter que les crédits d’investissement prévus demeurent en deçà non seulement de l’ampleur des besoins de rénovation, mais aussi de leur urgence.
Prenons l’exemple de la gendarmerie : l’enveloppe de 100 millions d’euros permettra de rénover, en 2018, quelque 5 900 logements, en sus des 13 000 logements déjà rénovés. Cet investissement est toutefois bien en deçà de l’effort nécessaire pour réhabiliter les 76 300 logements de la gendarmerie. On ne peut que déplorer, à cet égard, l’impact dramatique des mesures de régulation budgétaire qui conduisent, chaque année, à reporter d’importants chantiers de rénovation.
Je terminerai en évoquant le problème de l’importante dette imposée sur les loyers accumulés par la gendarmerie au cours des derniers exercices et qui s’élève à plus de 100 millions d’euros, comme vous l’avez souligné lors de votre audition, monsieur le ministre d’État.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. Aucun crédit n’est prévu par le projet de loi de finances pour permettre de résorber cette dette, ce qui contraindra nécessairement la gendarmerie à réduire ses autres dépenses de fonctionnement.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. J’en ai pour deux minutes, monsieur le président… (Rires.) Deux secondes, voulais-je dire !
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le programme « Sécurité civile ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dix sapeurs-pompiers sont décédés dans l’exercice de leur mission en 2016 et 2017. Je leur rends hommage et salue, à travers eux, l’engagement, le courage et le civisme de l’ensemble des sapeurs-pompiers au service de la population.
Je suis particulièrement préoccupée par les conclusions d’un récent rapport de l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales qui souligne une augmentation de près de 18 % du nombre de sapeurs-pompiers agressés lors d’interventions en 2016. Je tiens donc à condamner avec la plus grande fermeté ces agressions inacceptables.
Les personnels de la sécurité civile ont connu, en 2017, une année d’épreuves et de réformes. Il était donc légitime de fonder certains espoirs dans le budget 2018 de la sécurité civile.
Si certaines attentes n’ont pas été vaines – je pense à l’augmentation globale des crédits alloués au renouvellement nécessaire d’une partie de la flotte d’aéronefs de la sécurité civile, ainsi qu’à la création de 31 postes de démineurs –, ce budget comporte néanmoins une déception si grande qu’elle a conduit la commission des lois, sur ma proposition, à émettre un avis défavorable sur ces crédits.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Il s’agit de la baisse de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui passe de 25 millions d’euros en 2017 à seulement 10 millions d’euros en 2018.
Cette somme de 25 millions d’euros ne constituait pas une aide nouvelle pour les acteurs de la sécurité civile, mais un simple « réaiguillage » d’une partie des économies réalisées par l’État à l’occasion de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, versée aux sapeurs-pompiers volontaires.
L’enveloppe versée par l’État aux départements, au titre de la PFR, est ainsi passée de 32 millions d’euros en 2015 à 3,4 millions d’euros en 2017.
Sur les 25 millions d’euros alloués à la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS en 2017, quelque 20 millions étaient destinés à financer, d’une part, des projets locaux d’intérêt national et, d’autre part, des projets nationaux, au premier rang desquels la préfiguration du système SGA-SGO à destination des SDIS.
Dans un contexte de baisse continue des dépenses d’investissement des SDIS, les conséquences de cette perte sèche, injustifiée et préjudiciable sont particulièrement inquiétantes. La viabilité du projet SGA-SGO pourrait tout d’abord être remise en cause. Le ministère de l’intérieur m’a répondu que les crédits restants lui demeureraient principalement affectés. Mais alors, c’est l’avenir des divers projets locaux des SDIS qui sera plus directement compromis !
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits alloués au programme « Sécurité civile ».
Pour finir, je voudrais féliciter M. Bazin et apporter tout mon soutien à son amendement qui vise à restituer ces 10 millions d’euros à la sécurité civile. J’ai la faiblesse de croire que le Sénat votera massivement cet amendement. Monsieur le ministre d’État, l’Assemblée nationale saura-t-elle faire preuve de la même sagesse ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas sûr !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il est beaucoup fait référence en cette fin d’année à Georges Clemenceau, et je ne résisterai pas à commencer mon intervention en usant de cette formule, chère à celui qui aimait se présenter comme le premier « flic » de France : « Il faut d’abord savoir ce que l’on veut. Il faut ensuite avoir le courage de le dire. Il faut ensuite l’énergie de le faire ».
Voilà bien le fil conducteur que l’on retrouve dans la proposition budgétaire qui nous est soumise aujourd’hui. Les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,3 milliards d’euros. Et nous avons, pour 2018, un budget qui correspond aux ambitions portées en matière de sécurité, laquelle, je le rappelle, est la première des libertés de nos concitoyens.
Ce budget reflète non seulement la conscience qu’ont le Président de la République, vous, monsieur le ministre d’État, et l’ensemble du Gouvernement de l’importance des missions exercées par le personnel du ministère de l’Intérieur, en particulier en matière de sécurité, mais aussi la volonté d’aller, dans les années qui viennent, vers une France apaisée. Ce sera là tout l’objet de la police de sécurité du quotidien, dont nous attendons beaucoup.
Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent donc de 1,5 % en 2018 par rapport à 2017, ce qui représente un effort considérable au regard des difficultés de cet exercice budgétaire.
Ce budget est offensif : les crédits de personnel, qui atteignent 710 millions d’euros, sont en hausse de 7,3 % par rapport à 2015. Plus encore, le budget de fonctionnement et d’investissement des services est en hausse de près de 18 % par rapport à 2015, à 440 millions d’euros.
La volonté de rompre avec des pratiques anciennes de baisse continue des budgets de sécurité est claire : les efforts faits ces dernières années sont non seulement consolidés, mais aussi accentués.
Cette évolution à la hausse est très importante. Elle signifie que les moyens supplémentaires exceptionnels obtenus depuis 2015 pour les forces de sécurité, dans le cadre de différents plans de court terme, sont désormais devenus la norme. L’effort du Gouvernement dans le domaine de la sécurité marque donc une orientation puissante pour ce quinquennat : ce qui était hier exceptionnel est aujourd’hui pérennisé et inscrit dans la durée.
Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement procédera donc, sur l’ensemble du quinquennat, à la création de 10 000 emplois, de manière à restaurer les capacités de nos forces de sécurité. Dès 2018, seront recrutés environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 membres du personnel de la DGSI et du renseignement territorial.
Cette montée en puissance en matière de personnels sera accompagnée d’un effort important pour l’équipement : 230 millions d’euros de crédits seront consacrés aux deux forces – police et gendarmerie –, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint ces deux dernières années et qui était le fruit de plans exceptionnels.
Ce budget permettra dès lors d’investir dans de nouveaux équipements technologiques – tablettes, smartphones, caméras-piétons… – qui apparaissent essentiels pour réussir la réforme de la police de sécurité du quotidien. Ils permettront à la fois d’atteindre une efficacité technique supérieure et de procéder à des contrôles dans des conditions plus sereines.
Enfin, le Gouvernement a décidé de réaliser un effort exceptionnel en matière d’immobilier. Pour que nos forces de sécurité soient pleinement opérationnelles, il faut en effet que leur quotidien s’améliore. Nous en sommes tous conscients. Nous allons donc rénover les commissariats et les casernes, parfois très dégradés, faute d’entretien régulier et suffisant par le passé. C’est une préoccupation très forte des policiers et des gendarmes, et ils ont raison.
Pour les deux forces de sécurité, les budgets immobiliers sont en forte augmentation : 196 millions d’euros pour la police nationale, soit une hausse de 5,4 %, et 100 millions d’euros pour la gendarmerie nationale, soit une hausse de 9 %.
En outre, les décisions relatives aux petits travaux seront déconcentrées pour rendre les services plus réactifs et plus à l’écoute des besoins, c’est là du pragmatisme et du bon sens. Les crédits de la mission « Sécurités » pour 2018 apportent aux policiers et aux gendarmes des moyens matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation.
Ce budget est en résonance avec l’arsenal législatif mis en place à travers la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, face auquel nous ne baisserons pas la garde, ni dans la volonté ni dans les moyens alloués.
Ce budget met également en œuvre les ambitions nouvelles du Gouvernement, notamment la lutte contre les inégalités face à la délinquance et aux incivilités qui nourrissent les sentiments d’injustice et d’abandon par la République.
Avec la police de sécurité du quotidien, les services de la sécurité publique seront dotés d’outils leur permettant de mieux identifier les besoins de sécurité pour à la fois prévenir et réprimer les délits, en s’adaptant aux réalités des territoires.
La sincérité, mes chers collègues, est aussi la marque de ce budget, contrairement à celui de 2017 qui affichait des hausses non soutenables, entraînant, entre autres, des annulations de crédits en cours d’exercice et des reports de loyers de la gendarmerie nationale. Le budget 2018 permettra d’amorcer l’apurement de cette dette liée aux loyers.
Je le répète, dès 2018, et tout au long de la législature, en matière d’effectifs, les deux forces de sécurité seront dotées de 10 000 emplois supplémentaires, conformément aux engagements du Président de la République.
Je me permets d’ailleurs de rappeler à mes collègues du groupe Les Républicains que les suppressions d’effectifs, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, avaient profondément désorganisé les services, particulièrement les forces mobiles et le renseignement intérieur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En 2012, un rattrapage timide a été engagé, avant d’être accéléré à la suite des attentats de 2015. Grâce à ce budget, les effectifs de la police nationale dépasseront enfin le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers, et ceux de la gendarmerie nationale retrouveront le niveau de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes et 30 000 réservistes.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Frédéric Marchand. Ce budget porte un coup d’arrêt à la tendance de paupérisation opérationnelle des forces de sécurité. L’effet sur le quotidien des agents et des services sera rapidement visible, notamment grâce à l’acquisition de véhicules légers en nombre suffisant, ou encore grâce aux crédits pour les petits travaux d’aménagement et d’entretien des commissariats, qui augmenteront de 10 millions d’euros et pourront être utilisés directement, au plus près des besoins.
La volonté politique que traduit ce budget consiste à créer une relation de qualité entre la population et les forces de sécurité. Nous pourrons ainsi mieux identifier les besoins de sécurité de nos concitoyens, au plus près des territoires, et garantir leur sécurité de façon déterminée et efficace.
La sécurité intérieure est une grande priorité du quinquennat. À ce titre, ce budget traduit un engagement fort pour la sécurité des Français,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Frédéric Marchand. … engagement que le groupe La République En Marche porte avec conviction et détermination.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre d’État, vous avez officiellement lancé le mois dernier, à La Rochelle, la police de sécurité du quotidien. « L’objectif [serait] de construire, avec les élus de terrain, avec la population et avec l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la prévention, des solutions pour répondre plus efficacement aux préoccupations de nos concitoyens », déclarait ainsi le Président de la République, en octobre dernier, en présentant sa principale annonce en matière de stratégie de sécurité. La grande concertation lancée le 28 octobre dernier s’achèvera dans quinze jours, et les premières expérimentations commenceront dès janvier 2018.
Or, monsieur le ministre d’État, malgré une étude attentive du budget, je n’ai trouvé aucune dotation allouée à ce nouveau dispositif : pas un euro !
Autrement dit, la création de cette police de sécurité du quotidien ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire ; celle-ci devra donc s’appuyer sur les moyens existants, ce qui engendrera une charge de travail supplémentaire pour les forces de l’ordre, à moyens constants, donc sans aucune compensation. C’est également ce que révèle le rapport de M. Dominati.
Vous vous défendez de vouloir remettre en chantier la police de proximité. Pour notre part, nous souhaitons véritablement la réhabiliter. Vous n’êtes pas sans savoir que nous défendrons en ce sens une proposition de loi dans l’ordre du jour réservé à notre groupe, le 13 décembre prochain. Mais d’ores et déjà, pour que notre proposition prenne corps, nous vous proposerons, dans le cadre de ce budget, par voie d’amendement, de « réparer » un oubli en budgétisant la police de proximité.
Pour que cette police voie réellement le jour, il faut déployer de véritables moyens, des moyens dont la sécurité de proximité n’a jamais bénéficié.
La réalisation d’une police de proximité suppose une gestion des effectifs adaptée ; il faut donc en premier lieu la doter des moyens nécessaires, mais aussi créer, sur le mode de la Direction générale de la sécurité intérieure créée le 14 avril 2014, une Direction générale de la police de proximité. Celle-ci disposerait, comme toute entité de cette importance, de services administratifs et de soutiens nécessaires à son fonctionnement et à sa gestion.
Il est vraiment temps, me semble-t-il, de cesser de s’attaquer uniquement aux conséquences sans songer aux causes, et de donner la priorité à la prévention et à la dissuasion plutôt qu’à la répression.
En outre, les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de la dégradation de leur relation avec la population. Leurs conditions de travail se trouvent extrêmement détériorées, notamment en raison du renouvellement incessant de l’état d’urgence ces deux dernières années et du stress permanent que créent des relations trop souvent conflictuelles.
Si le régime d’état d’urgence a pris fin le 1er novembre dernier, le Gouvernement reconnaît que la menace revêt désormais « un caractère durable » et a souhaité doter l’État de nouveaux moyens juridiques permanents, de droit commun. La loi du 30 octobre 2017, qui fait entrer l’état d’urgence dans notre droit commun, a cet objectif. Le surcroît opérationnel ne devrait donc aucunement se trouver diminué par la fin de l’état d’urgence, et pourrait même s’accentuer.
À ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour saluer la sage décision du Conseil constitutionnel, qui, à la suite d’une saisine de la Ligue des droits de l’homme, vient de censurer un article de la loi sur l’état d’urgence permettant aux préfets d’autoriser des contrôles d’identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.
J’avais, avec les autres membres de mon groupe, dénoncé cette disposition lors des multiples prorogations de l’état d’urgence, et le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur n’avait pas assuré une « conciliation équilibrée » entre, d’une part, « la sauvegarde de l’ordre public » et, d’autre part, « la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée » garantis par la Constitution.
Pour en revenir au budget proprement dit, dans le total des crédits de cette mission, qui doivent augmenter de 1,34 %, nous notons que les recrutements se font au détriment des dépenses d’investissement et de fonctionnement. Comme le rapporteur spécial de la commission des finances, nous n’avons de cesse de dénoncer l’insuffisance de la formation de nos forces de l’ordre.
C’est absolument déraisonnable et dangereux pour nos concitoyens et pour les fonctionnaires de police et de gendarmerie eux-mêmes ! Je ne veux pas faire de parallèle avec la multiplication des suicides de policiers, mais je ne peux pas ne pas y faire référence.
Quant à l’augmentation continue de l’âge moyen des véhicules, elle devient une constante au tableau des insuffisances constatées. Tout le monde connaît également la vétusté dramatique de nos commissariats, qui en fait à la fois des lieux de travail désagréables et peu accueillants pour nos concitoyens et cojusticiables. À l’heure où les victimes sont encouragées à parler, à déposer leurs plaintes, la question des lieux de recueil de la parole des victimes et de la formation de ceux qui la reçoivent et la retranscrivent doit être prise très au sérieux – je vous le demande solennellement, monsieur le ministre d’État.
Notre police et notre gendarmerie sont depuis trop longtemps, hélas, en voie de paupérisation ; or les budgets proposés ne sont en aucun cas à la hauteur de l’enjeu et de la crainte qu’il suscite pour l’avenir de notre pays.
Le budget présenté pour nos soldats du feu n’est guère plus reluisant, et nous suivrons l’avis défavorable de notre collègue Catherine Troendlé sur les crédits de ce programme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, en matière de défense, le maître mot est « remontée en puissance ». Il vaut aussi pour la sécurité intérieure.
Au-delà des missions classiques de sécurité civile ou de lutte contre la délinquance, la lutte contre le terrorisme est une priorité durable de notre société.
La mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018 améliore les moyens mis à disposition de notre police et de notre gendarmerie pour exercer leurs responsabilités. Outre le remplacement de tous les départs à la retraite, quelque 1 376 emplois de policiers et 450 emplois de gendarmes pourront être créés. Dans le contexte d’extrême contrainte financière que connaît notre pays, l’effort est substantiel. Soyons cohérents avec nous-mêmes : ce budget marque un infléchissement positif.
À ceux qui estimeraient que ce budget est insuffisant, je rappellerai que chacun doit mesurer ses critiques au regard des actions du passé et des perspectives budgétaires soumises à nos concitoyens lors de l’élection présidentielle.
Sans brandir, comme vous le faites régulièrement, monsieur le ministre d’État, la courbe d’évolution des effectifs,…
M. Philippe Bonnecarrère. … reconnaissons que les engagements pris par le Gouvernement, en termes de priorités, sont tenus.
Il a été observé que les créations que j’évoquais compensaient une réduction de temps de travail. De quoi parlons-nous ? De la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et de la transposition qui en a été faite par deux instructions ministérielles en date des 19 septembre 2016 et 4 mai 2017, ainsi que par un décret du 30 janvier 2017.
La question de la qualité de vie des agents doit être traitée avec efficacité et humanité. Il n’est toutefois pas interdit d’évaluer le choix des nouveaux cycles de travail, notamment celui dit « de la vacation forte », qui aurait des conséquences importantes sur la disponibilité opérationnelle.
Je souhaiterais également que soient vérifiées les conditions de la transposition, à la fin de 2016 et en 2017, de la directive de 2003 à laquelle je faisais référence il y a quelques secondes, et que puissent être explorées en particulier les possibilités d’évolution de cette directive. Il est en effet classique que les directives portent exception en matière de défense ; or, à mon sens, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont un même sujet pour notre pays.
J’entends la critique de mes collègues sur le manque de formation et le manque d’équipements.
J’ose espérer, monsieur le ministre d’État, que, sur la durée du quinquennat, il sera possible d’améliorer les moyens de fonctionnement et les équipements ; je compte également sur les évolutions procédurales susceptibles d’alléger la charge de travail des enquêteurs, sujet dont nous espérons qu’il puisse être inscrit à l’ordre du jour du prochain semestre.
Enfin, autorisez-moi à insister sur le respect de la parole de l’État. Lors de votre audition par la commission des lois, vous nous avez indiqué que le ministère de l’intérieur avait accumulé, depuis plusieurs années, des retards de loyers qui s’élèvent, à la fin de 2017, à 114 millions d’euros.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Philippe Bonnecarrère. S’il n’est pas possible de tout rattraper en une année, et si un regard sévère peut être porté sur l’absence de sincérité des dispositions budgétaires antérieures, je me permets d’insister pour que la parole de l’État soit respectée, y compris via un lissage pluriannuel de l’effort, l’enjeu étant l’amélioration de la maintenance quotidienne des commissariats et des brigades de gendarmerie. Plusieurs de mes collègues sont intervenus sur ce thème, et nous partageons cette préoccupation.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se ralliera, par son vote, à l’avis favorable formulé sur les crédits de cette mission par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Mais la commission des finances propose le rejet des crédits !
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la prégnance de la menace terroriste, l’importance de la pression migratoire à laquelle notre pays fait face depuis désormais plus de deux ans et le maintien d’un niveau élevé de délinquance ont impliqué, au cours des derniers mois, une mobilisation sans précédent des forces de sécurité intérieure sur notre territoire.
Eu égard au niveau élevé et à la diversité des menaces, les gouvernements successifs ont engagé, au cours des dernières années, des efforts budgétaires certains et élaboré des plans de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine.
Ainsi, les effectifs des forces de police et de gendarmerie ont été renforcés lors des derniers exercices budgétaires. Un effort de mise à niveau des matériels a été engagé, sans toutefois qu’il atteigne le niveau exigé par l’aggravation de la situation.
Bien que les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 215 millions d’euros, soit une hausse de 1,44 %, cet effort apparaît bien modeste au regard du contexte sécuritaire particulièrement tendu. Cet effort budgétaire demeure en effet bien en deçà des attentes et des besoins des forces de sécurité intérieure, dont les conditions matérielles, je le rappelle, continuent de se dégrader, contribuant au mal-être généralisé au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Mes chers collègues, cette mission budgétaire suscite donc de nombreuses interrogations.
Tout d’abord, en dépit des hausses de crédits, parfois faibles, deux baisses significatives apparaissent au sein du programme 176, « Police nationale » ; elles nous semblent difficilement compréhensibles. En effet, les crédits de l’action Ordre public et protection de la souveraineté diminuent de 59 millions d’euros. Quant aux crédits de l’action Sécurité et paix publiques, ils sont, eux, amputés de 62,6 millions d’euros.
Toujours au sein du programme 176, alors que la France a décidé de maintenir les contrôles aux frontières jusqu’au 30 avril 2018, les crédits de l’action Police des étrangers et sûreté des transports internationaux, qui permettent notamment d’assurer le contrôle des personnes aux frontières, la lutte contre l’immigration clandestine et le démantèlement des filières qui l’organisent, ne représentent que 8,3 % des crédits du programme.
Quant aux crédits du programme 152, « Gendarmerie nationale », ils s’élèvent à 8,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 8,66 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une quasi-stagnation par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2017. En euros constants, ce budget de la gendarmerie nationale connaîtra donc une baisse de 0,44 % en crédits de paiement.
Cette évolution, qui pèse sur les budgets de fonctionnement et d’investissement, est d’autant plus regrettable que la gendarmerie a vu le panel de ses missions s’élargir considérablement au cours des dernières années, un rôle accru lui ayant été confié en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration irrégulière.
Concernant les programmes 176 et 152, « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », l’effort budgétaire consenti sur les moyens humains masque une sous-dotation manifeste des crédits de fonctionnement et d’investissement. Cet effort ne permettra pas de remédier au vieillissement des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie, de rénover le parc immobilier, qui se trouve dans un état de délabrement avancé, ou de poursuivre la mise à niveau des équipements des forces de sécurité.
Enfin, que dire de l’importante dégradation de la situation matérielle de nos forces de sécurité, qui contribue à la croissance du mal-être au sein de la police et de la gendarmerie nationales ? Aujourd’hui, la colère légitime de nos policiers s’ajoute à celle de leurs compagnes ; elle doit être entendue.
Avant de conclure, je souhaite rendre hommage, depuis cette tribune, aux hommes et aux femmes qui, tous les jours, souvent au péril de leur vie, assurent notre sécurité. Je veux ici saluer leur engagement au service des citoyens.
Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce projet de budget n’apporte pas à la police et à la gendarmerie nationales des moyens financiers, matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation. Il ne prend pas, en outre, la pleine mesure de la dégradation du contexte sécuritaire dans notre pays.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, débattre du budget de la Nation et le voter, c’est bien plus qu’autoriser les recettes et les dépenses. C’est assurer le soutien de la France à tous ceux qui garantissent sa sécurité quotidiennement ; c’est donner à ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour remplir cette mission les moyens concrets d’assurer la protection de nos concitoyens.
Avant d’aborder les considérations d’ordre strictement budgétaire, je veux rendre un hommage solennel aux membres des forces de sécurité blessés ou disparus en service : policiers, gendarmes et pompiers sont des héros discrets, mais ils sont indispensables à la vie des Français – je crois utile de le rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Pierre Charon. Monsieur le ministre d’État, nous aurons à cœur d’entendre vos réponses aux préoccupations des rapporteurs. Le travail qu’ils ont réalisé mérite d’être salué.
Deux points retiennent mon attention.
Le premier concerne la directive européenne relative au temps de repos. Le temps de récupération est indispensable ; néanmoins, l’équation devient très difficile, puisque les recrutements sont à peine suffisants pour assurer les rotations.
Le second point concerne l’organisation du travail et la répartition des tâches au sein de la gendarmerie. Il est temps que cette dernière cesse d’effectuer des tâches indues à la place d’autres administrations. La réalité des menaces nous impose de créer les conditions d’un recentrage de ses activités sur son cœur de métier.
Son travail d’enquête est très important, à l’heure où la société se judiciarise de plus en plus et où l’opinion ne supporte plus les vices de procédure bénéficiant aux criminels.
À cet instant du débat, je voudrais revenir sur des points spécifiques concernant la gendarmerie, qui me tiennent à cœur. La gendarmerie a une image largement positive auprès de nos concitoyens. Elle représente, pour les Français, l’ordre et la proximité. Aux yeux des sénateurs représentants des territoires que nous sommes, les gendarmes ont un rôle primordial dans le maillage social et territorial.
La gendarmerie incarne la souveraineté de notre État et l’unité de notre nation. Non seulement les gendarmes contribuent à la sécurité de nos concitoyens, mais, par leur statut militaire, ils sont les garants de la résilience nationale. Alors que notre pays fait face au terrorisme depuis plusieurs années, la résilience est une notion des plus précieuses.
De fait, ce corps historique de protection de l’État et de la Nation constitue la cible de ceux qui ont la haine de la France, de ceux qui méprisent nos institutions. Tragiquement, la haine de nos forces de l’ordre s’accompagne de violences inacceptables et intolérables. Le sang-froid dont elles font preuve force le respect et démontre leur niveau de professionnalisme ; il convient de le saluer.
Récemment encore, une brigade territoriale de la gendarmerie a fait l’objet, à Meylan, d’un incendie. Ses conséquences auraient même pu être criminelles. Cinq véhicules ont été détruits, mais l’intention était de tuer des gendarmes. La multiplication de ce genre d’initiatives démontre que certains vivent non pas dans la peur du gendarme, mais bien dans la haine du gendarme ! Ces différents événements doivent entraîner, de notre part et de la part de la justice, un appui sans faille.
Rappelons la complexité des défis auxquels sont confrontés les gendarmes, notamment dans les domaines relatifs à la lutte contre le terrorisme. En la matière, je me réjouis de voir le rôle de la gendarmerie renforcé. Je veux saluer l’apparition de nouvelles unités qui protégeront certains sites sensibles.
En outre, la gendarmerie a une expérience historique, comme peut en témoigner le GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale – j’espère d’ailleurs que la mutualisation ne nuira pas à son moral. Tout ce qui contribue à préserver et à améliorer ce savoir-faire de la gendarmerie doit être encouragé.
La lutte contre le terrorisme constitue aussi un travail global, qui ne se limite pas aux seules interventions ou aux missions de protection. Ce combat se tient également en amont, dans la surveillance et dans la détection de certains comportements.
Par ailleurs, il faut souligner le rôle que joue la gendarmerie dans la prévention de la radicalisation. Dans ce domaine, l’apport de la gendarmerie est particulièrement précieux. En effet, par son ancrage territorial et historique, par sa connaissance du terrain, la gendarmerie joue un rôle indispensable dans le renseignement de proximité, qui est l’échelon de base de notre renseignement.
Par son implantation, la gendarmerie peut détecter les moindres signes de radicalisation. C’est un appui précieux dans la lutte contre le radicalisme islamiste, antichambre du terrorisme.
Nos 3 111 brigades et chacun de nos gendarmes sont autant de postes d’observation dans ce combat qui doit être mené sans faiblesse. Nous devons utiliser au maximum la connaissance du terrain que possède la gendarmerie, car cela contribue à une défense efficace de notre ordre public. Mais la reconnaissance de ce savoir-faire en matière de renseignement territorial passe aussi par la création des antennes de renseignement territorial, dont je me réjouis de voir qu’elles sont animées par nos gendarmes.
J’appuierai donc tout ce qui va dans la perspective du renforcement de ces capacités de renseignement.
La gendarmerie est la représentante de l’État auprès de la population ; il faut, à ce titre, saluer son rôle dans les territoires ultramarins, où elle couvre une zone correspondant à 68 % de la population. C’est bien l’unité de la République et de la Nation qui est assurée concrètement. Nos compatriotes d’outre-mer le savent ; ils sont « en demande de gendarmerie », d’autant plus que le facteur d’insularité rencontre aujourd’hui de plein fouet la mondialisation des trafics et de la criminalité.
S’agissant de la protection de l’ordre public et de la sécurité du quotidien, le bilan de l’action de la gendarmerie est positif – on constate ainsi une diminution des violences physiques et des cambriolages. Ces signes encourageants n’auraient évidemment pas été possibles sans son travail.
Outre les territoires ultramarins, nous devons impérativement prendre en compte la dimension européenne de la gendarmerie. Sur ce point, on peut parfois regretter le manque de volonté des Européens eux-mêmes.
Aussi, monsieur le ministre d’État, serait-il bienvenu que la France appelle ses partenaires à maintenir et à augmenter efforts et politique de coopération. Je pense par exemple à certains réseaux et mafias, et notamment aux commerces d’armes, de drogues et d’êtres humains. Leurs ramifications et implantations sont pleinement européennes, c’est-à-dire sans frontières ; elles sont libres de leurs mouvements.
N’oublions pas que la France, par sa géographie, est au cœur de trafics, à l’est, mais aussi au sud. J’en veux pour preuve le nombre d’interpellations des go fast entre l’Espagne et la Belgique. Nos concitoyens exigent de l’Europe des frontières sûres et bien gardées ; leur porosité ne peut qu’alimenter le terrorisme et tous les trafics.
Il faut donc soutenir la gendarmerie dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Cent gendarmes ont été engagés dans le cadre de FRONTEX ; c’est un début encourageant, mais il faut absolument que les dotations suivent. La gendarmerie doit être soutenue dans la défense de ces frontières que l’Europe a trop tardé à protéger !
La gendarmerie peut contribuer à rendre l’Europe plus efficace, plus proche des Français. Le mot « protection » ne doit pas être un tabou, mais devenir une réalité.
Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, d’attirer votre attention sur l’émergence d’un nouveau terrain de jeu pour le grand banditisme : le crime et la délinquance peuvent être virtuels ; le cas échéant, néanmoins, les conséquences et dommages sont bien réels, avec, hélas, de nouvelles victimes. La cybersécurité est l’un des nouveaux terrains d’action de la gendarmerie. C’est un enjeu vital pour l’ensemble de la société et de ses acteurs, tant gouvernementaux qu’économiques.
Sur internet se livre une véritable guerre. Les « e-délinquants » ont des capacités de déstabilisation sans échelle : leurs cibles sont aussi bien les particuliers, les multinationales que les institutions gouvernementales. En réalité, la criminalité numérique exige non pas une politique de cyberdéfense, mais une politique offensive. Cela passe par une politique de recherche, d’investissement et de formation de grande ampleur.
Contrôle de l’action du Gouvernement, afin que les crédits de fonctionnement cessent d’être engagés au détriment des crédits d’investissement, et soutien permanent aux forces de sécurité sont les deux valeurs de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je partage les propos de Pierre Charon, qui vient de rendre hommage aux forces de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, à ces hommes et à ces femmes qui donnent tant, jour et nuit, 365 jours par an, pour notre sécurité.
En revanche, malheureusement, je ne suis pas d’accord avec lui sur d’autres sujets qu’il a abordés.
M. Pierre Charon. C’est rare !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela arrive, mon cher collègue ! C’est le cas, notamment, s’agissant des effectifs.
Monsieur le ministre d’État, j’ai remarqué que vous alliez créer 1 629 postes de policiers et 459 postes de gendarmes. À mes collègues du groupe Les Républicains,…
M. Roger Karoutchi. Ne commencez pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Sueur. … et notamment à M. Karoutchi, je souhaite rappeler un certain nombre de faits.
Chers collègues, je sais que cela vous fait de la peine…
M. Roger Karoutchi. Cela me fait surtout de la peine pour vous !
M. Jean-Pierre Sueur. … et que c’est difficile à admettre. Toutefois, au moment où vous nous donnez des leçons – vous avez le droit de le faire –, je rappelle que, entre 2007 et 2012 – vous vous en souvenez bien, monsieur Karoutchi –, plus de 10 000 emplois ont été supprimés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Julien Bargeton applaudissent.)
M. Philippe Bas. La période est-elle comparable ? Et le terrorisme ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Et que s’est-il passé ensuite ?
M. Jean-Pierre Sueur. Plus de 10 000 emplois ont été supprimés dans la police et dans la gendarmerie : c’est une réalité !
M. Jackie Pierre. C’est terminé ! Passez à autre chose !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est du passé, certes. Mais l’histoire est bien là ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Sueur a la parole !
M. Antoine Lefèvre. Mais il ne cesse de nous interpeller !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là pour débattre, mes chers collègues. Au Parlement, on a le droit de parler ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
M. Antoine Lefèvre. Eh bien, nous allons parler aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour mémoire, je rappelle également que, au cours de la même période, les crédits d’investissement relatifs à la police ont baissé de 16 % et les crédits relatifs à la gendarmerie de 18 %. On ne peut donc pas ne pas dire qu’un redressement, depuis lors, s’est produit. D’ailleurs, monsieur le ministre d’État, vous êtes, à cet égard, dans le droit fil de vos prédécesseurs.
Mes chers collègues, comme nous détestons tous le simplisme, après avoir donné acte à M. le ministre d’État de ces augmentations d’effectifs, qui doivent être notées, je soulignerai, comme vous l’avez fait les uns et les autres, que les crédits d’équipement ne sont pas au niveau que nous aurions pu espérer.
Alors qu’un effort exceptionnel de 37 millions d’euros a été réalisé dans la loi de finances pour 2017, on constate dans ce projet de loi de finances une diminution de 7 % des crédits d’équipement, qui concernent l’armement, l’habillement, les moyens de protection et d’intervention des forces de police et de gendarmerie. C’est un vrai problème.
Par ailleurs, le rapport de M. Henri Leroy explique que, dans la pratique, l’investissement immobilier sert souvent de variable d’ajustement. Lorsque 85 % des crédits sont consacrés aux personnels, lesquels ne peuvent évidemment être ajustés, il reste 15 % pour l’immobilier et les équipements, qui, eux, peuvent donner lieu à des ajustements.
C’est pourquoi, monsieur le ministre d’État, je serai très heureux si vous preniez l’engagement de sanctuariser complètement ces crédits et de refuser la régulation. Si tel n’était pas le cas, ce serait extrêmement dommageable, puisque ces crédits ne sont déjà pas suffisants !
Puisque le temps m’est compté, je salue l’effort en faveur de la sécurité du quotidien, tout en reprenant les questions qui ont été posées par Mme Assassi, notamment, sur le financement de ce programme.
Enfin, je souligne l’importance des actions que vous menez, dans la continuité totale de vos prédécesseurs, monsieur le ministre d’État, pour lutter contre le terrorisme, sujet qui nous préoccupe tous. Je n’insisterai que sur un point : quand la DGSI, a été mise en place, et avant qu’elle ne fût mise en place, la connexion entre le renseignement de terrain et le renseignement au niveau central posait un vrai problème.
Je sais que vous vous êtes attaché, vous l’avez rappelé, à supprimer cette distance dans un objectif d’efficacité. Je salue cette action ; peut-être pourriez-vous nous en parler davantage, car une telle politique est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme, qui est une priorité absolue dans notre pays.
Monsieur le ministre d’État, nous ne suivrons pas nos collègues qui ont décidé de voter contre ce budget. Nous ne suivrons pas non plus nos homologues socialistes de l’Assemblée nationale. Nous nous abstiendrons, ce qui signifie que nous voyons à la fois les points positifs, qui concernent les effectifs, et les insuffisances. Nous espérons que notre vote constituera un encouragement pour poursuivre votre action à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, pour des raisons que personne n’ignore, ces trois dernières années ont donné lieu à d’importantes décisions politiques et à des réformes législatives en faveur du renforcement des moyens dévolus aux forces de la sécurité intérieure, qui ont été accompagnées par une augmentation parallèle des crédits de la mission « Sécurités ».
Au sein des forces de la police et de la gendarmerie nationales, des programmes de modernisation ont été engagés par ailleurs, afin de recentrer les activités des agents sur le cœur de leur métier : la protection des personnes et des biens.
L’augmentation de près de 2 % des crédits que vous proposez s’inscrit dans la continuité des exercices précédents, ce qui est une bonne chose.
Comme le rappelait le Président de la République dans son adresse aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre dernier, vous avez demandé, monsieur le ministre d’État, que tous les agents de votre ministère soient associés à la redéfinition de notre stratégie de sécurité intérieure, par voie de consultation.
C’est une excellente méthode, destinée à valoriser le travail d’agents dont le moral a été très durement éprouvé au cours des dernières années. Nous ne sous-estimons pas la pression pesant sur chacun d’entre eux. Il n’est pas difficile d’imaginer que, ces temps-ci, le poids de l’uniforme se fait un peu plus lourd… Les risques encourus sont devenus aussi grands que les attentes de nos concitoyens.
C’est pourquoi nous vous soutenons dans votre initiative : il est nécessaire de redonner à vos effectifs tous les hommages qui leur reviennent, tant leur action en faveur de l’ordre et de la paix civile est déterminante.
La valorisation des forces de l’ordre et de la sécurité publique est également une condition nécessaire pour le succès des réformes que vous proposez, qu’il s’agisse du renforcement du continuum de sécurité ou, dans le cas de la police nationale, de la création de la police de sécurité du quotidien.
L’incomparable violence des attaques terroristes ne doit pas nous faire oublier les effets de la délinquance, des cambriolages et des incivilités quotidiennes sur la propagation du sentiment d’insécurité dans l’ensemble de la population.
Sur les 3 800 postes créés dans la police nationale, 1 200 ont été affectés à la DGSI et au renseignement territorial. Cependant, le développement des moyens techniques et humains de nos services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ne doit pas compromettre la mise en œuvre d’autres réformes, aujourd’hui à l’expérimentation.
Je pense, notamment, à l’expérimentation des caméras-piétons et, au sein de la gendarmerie, au développement des « brigades territoriales de contact ». Il faut remettre le gendarme au plus près de la population, c’est comme cela que nous obtiendrons des informations et du renseignement. Je pense également à l’outil numérique Néogend, qui devrait faciliter la tâche des agents sur le terrain. Toutes ces applications utiles dans les démarches quotidiennes des forces de l’ordre devraient être maintenues.
À propos de la gendarmerie nationale, il est par ailleurs décevant que l’évolution des crédits de son programme ne suive pas le même profil que celui de la police nationale. Cet arbitrage intervient alors même que les attentes sécuritaires ont grandi sur l’ensemble du territoire, et pas simplement dans les zones protégées par la police nationale.
Dans de nombreuses communes, l’organisation de manifestations culturelles et autres est fortement menacée par les nouvelles normes de sécurité anti-attentats qui s’imposent. Il pourrait être envisagé de renforcer l’association des élus à la définition des stratégies locales de sécurité afin de maintenir l’expression de notre vie culturelle et associative. C’est ma vision de ce que pourrait être le « continuum territorial de sécurité » ; il semble que sur ce point nos visions pourraient converger, monsieur le ministre d’État.
Sans remettre en cause la politique menée dans ce domaine, je voudrais également formuler quelques remarques sur les moyens affectés à la lutte contre le terrorisme.
Près de trois ans après le déclenchement de l’opération Sentinelle, et après plusieurs décennies sous le régime de Vigipirate, il faut à présent s’interroger sur l’efficacité de telles opérations préventives, mobilisant par ailleurs des effectifs importants.
Mes dernières observations concerneront la sécurité routière. La hausse des crédits est justifiée par l’augmentation du nombre de personnes accidentées et par le ralentissement de la baisse du nombre de personnes tuées.
Depuis les années soixante-dix, le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route a baissé sensiblement, passant de plus de 16 000 par an à un peu moins de 3 500 personnes tuées cette année. Toutefois, la cible fixée à 2 000 morts par an n’est toujours pas atteinte. Parmi ces victimes, beaucoup sont des cyclistes et des piétons.
Je terminerai par un petit billet d’humeur. J’ai pris connaissance de l’éventuel projet de réduire la vitesse autorisée sur les routes à 80 kilomètres à l’heure…
M. Alain Dufaut. C’est ridicule !
M. Jean-Claude Requier. J’avoue que cette mesure ne m’enchante guère, car, dans le monde rural, les autoroutes et les routes à deux fois deux voies sont rares. (M. Jackie Pierre applaudit.) La voiture reste le seul moyen de se déplacer, surtout au cœur des territoires enclavés.
De forts lobbies urbains poussent à cette mesure. Toutefois, ayant toujours préféré la prévention à la répression, j’y suis personnellement opposé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comme le disait le président Pompidou, qui avait beaucoup de bon sens : « Arrêtez donc d’ennuyer – j’ai édulcoré le terme employé, mes chers collègues – les Français ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je salue le travail de nos rapporteurs, ainsi que celui des personnels de notre institution. Depuis 2007, j’interviens modestement sur cette mission « Sécurités » ; j’ai pu mesurer son importance et son évolution de plus en plus complexe.
Certes, les sécurités constituent, gouvernement après gouvernement, une priorité. La sécurité des personnes et des biens, cela a été beaucoup rappelé par nos collègues, est en effet l’affaire de tous.
C’est pourquoi je tiens à rendre hommage à l’ensemble des personnels qui travaillent avec professionnalisme : les gendarmes, les policiers, les sapeurs-pompiers, mais également nos militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui luttent contre le terrorisme, ainsi que celles et ceux qui œuvrent au sein de nos trois fonctions publiques. Les dangers sont présents partout, dans le secteur urbain comme dans le secteur rural, d’où l’importance dans le monde rural des brigades de gendarmerie de proximité, qu’il convient aussi de soutenir.
Élu d’un département frontalier, les Ardennes, je puis remarquer et mesurer le surcroît d’activité opérationnelle liée aux contrôles aux frontières dans le cadre de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2018, les crédits de paiement progressent très légèrement de 1,34 % pour atteindre 19,2 milliards d’euros répartis comme suit : 18,5 milliards d’euros pour le programme « Police nationale » et 8,6 milliards d’euros pour le programme « Gendarmerie nationale ».
Toutefois, je tiens surtout à mettre en valeur les moyens humains, même si une progression des effectifs est engagée. Les missions de nos policiers et gendarmes sont de plus en plus éprouvantes. Ce sont des métiers très difficiles, dangereux. Nous en prenons conscience très régulièrement, notamment lors des cérémonies annuelles d’hommage pour les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers décédés en service.
C’est pourquoi le respect et la reconnaissance, l’écoute et le dialogue, doivent être également des priorités en direction de l’ensemble des personnels. À ce titre, la tâche reste immense. Je relaierai deux témoignages, mais je sais que mes collègues dans leur département pourraient en offrir d’autres.
Premier témoignage, il y a quelques jours, dans le cadre de mes missions, j’ai participé à Charleville-Mézières au soixante-treizième anniversaire des compagnies républicaines de sécurité, à la CRS 23. J’ai pu réellement et sincèrement mesurer le rôle important de ces compagnies, dont les missions sont malheureusement souvent méconnues.
Autre modeste témoignage, j’ai participé à une réunion organisée par M. le préfet des Ardennes, avec M le procureur de la République, dans le cadre de la mise en place de la police de sécurité au quotidien. Cette réunion, fort intéressante, mobilise beaucoup de partenaires ; j’espère que les moyens seront à la hauteur des objectifs en termes d’efficacité.
Il convient de soutenir le dialogue et la concertation avec les élus locaux, les policiers municipaux, le secteur de la sécurité privée, mais aussi avec les acteurs économiques, l’éducation nationale et les travailleurs sociaux. Protéger nos concitoyens partout : tels sont les objectifs.
Il faut également lutter contre l’insécurité routière. Même si des mesures ont été prises en ce sens, il reste encore beaucoup à faire.
Je dirai un mot, pour finir, sur la lutte contre les violences conjugales et le harcèlement, qui sont malheureusement des sujets d’actualité, en lien avec mes collègues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, laquelle est présidée par Annick Billon. Là aussi, il reste beaucoup à faire. Nous devons tous nous mobiliser.
En conclusion, nous nous devons de renforcer cette mobilisation pour la sécurité. C’est pourquoi je suivrai l’avis de la commission des finances. Vive les policiers ! Vive les sapeurs-pompiers ! Vive les gendarmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mon intervention s’intéressera spécifiquement aux crédits accordés à la sécurité civile au sein de la mission « Sécurités ».
Nous le savons, les intervenants dans le domaine de la sécurité civile sont nombreux. Outre l’action essentielle des sapeurs-pompiers, en particulier des sapeurs-pompiers volontaires, sur laquelle je reviendrai plus particulièrement, on y compte également les services de déminage, les formations militaires ou encore les associations et les actions citoyennes.
L’ensemble de leurs actions s’inscrit dans un contexte composé de défis d’ampleur à relever. On pense aux traditionnels, mais spectaculaires feux de forêt survenus ces deux dernières années. On pense également aux attaques et aux menaces terroristes auxquelles notre pays doit faire face, ainsi qu’aux catastrophes naturelles, telles que celles qui ont tout récemment ravagé les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ainsi que les départements de Martinique et de Guadeloupe.
Rappelons, en outre, que si la politique publique de sécurité civile est définie à l’échelon national et conduite par le ministère de l’intérieur en vue d’assurer la protection des populations et la gestion des crises, elle est également largement financée et appliquée au niveau local. Les collectivités territoriales allouent ainsi près de 5 milliards d’euros par an aux actions et missions de sécurité civile.
Au sein du budget de l’État, il nous faut par ailleurs veiller à ce que la sécurité civile ne soit pas le parent pauvre des moyens globaux accordés à la sécurité. En examinant à première vue les chiffres contenus dans le projet de budget du Gouvernement pour 2018, on pourrait spontanément se dire que tel n’est pas le cas, les moyens de ce programme passant de 469,69 millions d’euros à 855,39 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 507,74 millions d’euros à 533,9 millions d’euros en crédits de paiement.
Néanmoins, cette hausse de près de 400 millions d’euros s’explique par la commande par l’État en 2018 de six appareils « multirôles », dont la livraison s’échelonnera entre 2019 et 2022, afin de renouveler la flotte d’avions bombardiers d’eau du fait de l’usure des matériels en fonction depuis de très nombreuses années.
Surtout, cette hausse des crédits dissimule un net recul du soutien aux acteurs de la sécurité civile, notamment une diminution de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, alors que doit s’amorcer la mise en œuvre du système unifié de gestion des alertes et des opérations des services.
Cette dotation de soutien, créée par la loi du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires, et qui s’élevait en 2017 à 25 millions d’euros, ne sera plus que de 10 millions d’euros en 2018. C’est d’autant plus préoccupant que, parmi les acteurs agissant en matière de sécurité civile et relevant de la sphère publique, les SDIS et les sapeurs-pompiers occupent une place particulière, qu’il convient de préserver.
Notre pays compte 97 services départementaux d’incendie et de secours et les statistiques témoignent de leur activité soutenue : plus de 4,5 millions d’interventions en 2016 et 122 interventions en moyenne par jour, qui peuvent aller pour certains SDIS jusqu’à 254 interventions quotidiennes !
En outre, je voudrais insister sur l’importance de la poursuite des actions engagées sous la précédente mandature en matière de valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers, qui est au cœur des dispositifs de protection de la population au quotidien.
À cet égard, nous nous félicitons, monsieur le ministre d’État, que vous ayez annoncé hier le lancement d’une mission gouvernementale destinée à augmenter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires. C’est nécessaire, car les difficultés à concilier ce statut avec sa vie professionnelle et familiale sont nombreuses, même s’il faut rappeler que, sous la présidence de François Hollande, nous sommes parvenus à enrayer la crise du volontariat qui affectait les effectifs. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Après être passé de 200 000 en 2007 à 192 000 en 2013, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires est enfin reparti à la hausse à partir de 2014. On dénombrait ainsi 193 800 sapeurs-pompiers volontaires au 31 décembre 2016.
Les sapeurs-pompiers volontaires reçoivent une formation à la hauteur de celle des professionnels Il est nécessaire qu’ils aient les mêmes équipements.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Fichet. Malgré les effets d’apparence, les crédits accordés pour 2018 ne sont pas au rendez-vous. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je m’abstiendrai sur ce programme budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux propos tenus par MM. Charon et Sueur, qui ont rendu hommage à nos forces de l’ordre, de sécurité publique et de protection civile. J’avais eu l’occasion d’apprécier ces dernières dans des fonctions précédentes. Aujourd’hui, je les vois agir comme ministre de l’intérieur. Je suis extrêmement fier de l’action qu’elles mènent, les unes et les autres, sur le terrain.
Je suis allé observer comment nos policiers travaillaient dans un certain nombre de quartiers difficiles. Je me suis rendu dans certaines communes de la périphérie avec la brigade anti-criminalité, la BAC, et j’ai pu constater combien étaient difficiles ces missions.
Je suis allé observer des gendarmeries dans des zones rurales. J’ai pu mesurer combien était grand le contact avec la population, combien était grande aussi la technicité de ces fonctionnaires. J’ai eu à gérer avec les forces de la protection civile à la fois les feux de forêt les plus importants que nous ayons connus depuis quatorze ans et les ouragans qui ont touché les Antilles. J’ai pu observer l’engagement des uns et des autres. Tous sont absolument formidables, et je voudrais aujourd’hui leur dire merci ! (Applaudissements.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne souhaite polémiquer avec personne. Chacun a ses difficultés et toutes les périodes peuvent connaître leurs problèmes. Je m’en tiens simplement aux chiffres, et c’est sur eux, me semble-t-il, que la commission des finances a débattu pour rendre un avis favorable. Je me permettrai d’ailleurs de lire l’avis de la commission en conclusion de mon intervention.
Si l’on examine le graphique que je montre toujours, et auquel certains d’entre vous ont fait allusion, relatif à l’évolution en base 100 des effectifs depuis 2007, on s’aperçoit que ceux-ci ont connu une chute extrêmement importante jusqu’en 2012, puis sont remontés par la suite. (M. le ministre d’État brandit un graphique.)
Dans le même temps, les dépenses d’équipement ont connu une chute relativement progressive, qui a duré jusqu’en 2015. Après cette date, les chiffres sont repartis à la hausse.
L’engagement que j’ai pris lors de mon arrivée au ministère de l’intérieur, conformément aux décisions du Président de la République, était de donner la priorité à la sécurité. C’est dans cette perspective que j’ai présenté devant vous la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. À l’époque, certains ont dit qu’il s’agissait d’une politique trop sécuritaire pouvant tuer les libertés…
Je me suis rendu la semaine dernière sur le marché de Noël de Strasbourg : c’est peut-être grâce à cette loi que nous pouvons encore organiser de belles manifestations, où celles et ceux qui sont présents sur le terrain peuvent jouir d’une liberté qu’ils n’auraient pas eue si nous n’avions pas adopté ce texte !
Les crédits que je vous présente aujourd’hui sont en augmentation de 1,5 % en 2018 par rapport à 2017. Certes, ce n’est pas beaucoup, sauf que la France est aujourd’hui endettée à hauteur de 2 200 milliards d’euros. La charge de la dette s’élève à 42 milliards d’euros par an, soit les budgets cumulés de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la justice, du sport et de la culture ! Cela entraînera demain, si les taux d’intérêt remontent, de grandes difficultés pour le budget de la France.
Voilà pourquoi le Gouvernement a décidé de réduire le déficit de 7 milliards d’euros. Et en cette période où nous réduisions la dépense publique, ce qui est absolument nécessaire, les crédits de la sécurité continuent à augmenter. C’est sur cela que vous pouvez juger ce budget.
Le budget augmente donc de 1,5 %, voire de 1,9 % hors dépenses de personnels. Cela signifie que les dépenses de fonctionnement et d’équipements prises globalement sont plus importantes encore que l’augmentation en personnels.
Comme vous le savez, les crédits de personnels sont en hausse de 7,3 %. Globalement, le budget de fonctionnement et d’investissement augmente de près de 18 % par rapport à 2015. Vous savez que nous avions connu deux années exceptionnelles après les attentats ; nous continuons sur cette ligne, parce que nous voulons faire de la sécurité une de nos priorités. Le message est donc clair : non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les accentuons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite créer 10 000 emplois, de manière à restaurer les capacités des forces de sécurité. En 2018, nous procéderons à ce titre au recrutement d’environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 personnels de la DGSI et du renseignement territorial. En 2019 et en 2020, nous créerons au total 2 500 postes chaque année, puis 1 500 en 2021 et en 2022. Certains peuvent dire que ce n’est pas assez, mais il s’agit tout de même d’un effort considérable.
Quelques-uns d’entre vous se sont interrogés : ces créations ne seront-elles pas totalement prises par la vacation forte ? Je puis vous assurer que nous voyons bien où est le problème.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’un moratoire pendant un an pour que l’ensemble des créations de postes ne soit pas totalement absorbé par la vacation forte. Là où il est possible de prévoir des cycles pour qu’il y ait moins de personnels sur le terrain, après avoir créé des postes, nous instaurerons la vacation forte. Dans le cas contraire, nous ne le ferons pas.
Dans le même temps, les réformes de structure que vous évoquez sont particulièrement importantes pour la sécurité. Nous engagerons une grande réforme de la procédure pénale. Nous connaissons tous des policiers et des gendarmes. Tous nous disent que la moitié de leur temps est absorbée par des tâches administratives.
Eh bien, nous ferons la police de sécurité du quotidien, tout en menant de front, avec Mme la ministre de la justice, une réforme de la procédure pénale qui libérera nos policiers et nos gendarmes d’un certain nombre de tâches administratives.
J’ai entendu les policiers et les gendarmes. Je sais ce que sont les tâches indues. Je sais à quel point ils déplorent, et les magistrats avec eux, que leur temps soit pris par le respect de procédures.
Pour la première fois, nous avons organisé à Amiens une réunion conjointe de policiers, de gendarmes et de magistrats, qui visait à les faire travailler ensemble sur la numérisation et l’oralisation des procédures, notamment. L’idée est de libérer le temps des uns et des autres et de mettre sur pied une politique de sécurité et de justice du XXIe siècle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on peut toujours dire que le budget que nous vous présentons et que les propositions que nous formulons ne sont pas satisfaisantes. Pourtant, nous avons lancé une grande consultation sur la police de sécurité du quotidien. Allez voir les maires, vous verrez qu’ils réagissent de manière extrêmement positive à cette enquête.
M. François Grosdidier. Avec des réserves, tout de même !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Ils en attendent beaucoup, car ils veulent retrouver des forces de l’ordre sur le terrain.
M. François Grosdidier. Ils attendent surtout de voir !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Que sera-t-elle, cette police de sécurité du quotidien ? Avant toutes choses, un continuum de sécurité. Nous avons voulu consulter, bien sûr, les forces de sécurité nationale, les policiers et les gendarmes, mais nous avons également interrogé les élus locaux et leur police municipale, car il y a des relations à créer entre ces deux niveaux. Nous avons aussi travaillé avec les agences de sécurité privée, de manière à renforcer leur professionnalisme.
C’est dans cette perspective que nous allons créer ce continuum, cette chaîne de sécurité, qui nous permettra de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens dans les prochaines années.
Vous avez été plusieurs à évoquer les conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes. Je les ai constatées comme vous. J’ai pu me rendre dans plusieurs commissariats et casernes de gendarmerie ; j’ai vu dans quel état ces bâtiments pouvaient être. Nous avons donc décidé de réaliser un effort important.
J’ai également remarqué l’existence d’une dette, d’un montant de 114 millions d’euros, pour loyers impayés par la gendarmerie. Nous avons commencé, dès cette année, à l’apurer. Et ce sont désormais 13 millions d’euros par an qui seront affectés au remboursement de cette somme.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas suffisant !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Cela ne nous empêche pas de consacrer des montants extrêmement importants à la rénovation des postes de police et de gendarmerie.
Dans la police, le budget immobilier de construction et de travaux lourds atteindra 196 millions d’euros, soit une hausse de 5,4 %. Des opérations importantes seront lancées en 2018. Nous avons également voulu déconcentrer une part importante de crédits. Cette année, 50 millions d’euros seront ainsi utilisés, contre 19 millions d’euros l’an dernier.
Dans la gendarmerie, le plan d’urgence logement sera non seulement « soclé », mais aussi augmenté, et les crédits de réhabilitation du parc domanial atteindront 100 millions d’euros en 2018.
Dans ces deux forces, j’ai souhaité une déconcentration des décisions. C’est à l’échelon local que l’on doit décider s’il faut mettre un coup de peinture ou procéder à une réparation. En la matière, les décisions ne peuvent être prises d’en haut ! La déconcentration est nécessaire ; elle sera efficace sur le terrain.
Le Gouvernement a également souhaité prolonger le régime juridique qui permet aux collectivités territoriales d’être maîtresses d’ouvrage, voire cofinanceurs, de travaux intéressant la sécurité intérieure. Cela répond à un souhait formulé par nombre d’entre elles.
Pour ce qui concerne l’équipement – ce point a lui aussi été abordé par certains orateurs –, nous avons également consolidé les moyens des forces de sécurité, avec 230 millions d’euros de crédits dans les deux forces, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint lors des deux dernières années, quand il s’agissait encore d’un plan présenté comme exceptionnel, puisqu’il correspondait à la période suivant les attentats.
Cela se traduira par un renouvellement du parc automobile. L’objectif est de tendre vers 3 000 acquisitions annuelles pour ne pas dégrader l’âge moyen de la flotte. Pour les deux forces, le budget prévisionnel est de 136 millions d’euros.
Nous pensons également qu’un saut technologique est nécessaire. C’est pourquoi le projet Néogend sera achevé à la fin de l’année 2017 : quelque 67 000 tablettes et smartphones ont déjà été déployés. Dans la police, à la fin de l’année, 28 500 terminaux Néopol seront en service. J’ai également demandé que 22 000 tablettes et smartphones supplémentaires soient déployés d’ici à trois ans. Et dire que j’entends qu’aucun effort ne serait fait en matière d’équipements et d’investissement…
Ce matin, j’intervenais devant le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, qui essaie de réfléchir à des questions liées à l’innovation.
J’invite tous ceux qui le veulent à se rendre à Pontoise pour constater d’eux-mêmes ce que développe la gendarmerie, en coopération avec la police. Ils verront que nous disposons sans doute de l’une des forces de sécurité qui se consacre le plus aux thématiques d’avenir en Europe, en essayant de penser ce que seront la délinquance et la criminalité de demain, les enjeux de cybersécurité, les défis nouveaux.
Je suis extrêmement heureux d’être à la tête de ce ministère, qui fait la part belle à l’innovation et où les forces de sécurité et les forces de protection civile tentent sans cesse de construire le futur.
Je reviens sur la question des équipements. Pour la gendarmerie, nous achèterons l’an prochain 20 000 gilets pare-balles individuels. Nous augmenterons le budget dédié aux munitions de 2 millions d’euros. Pour la police, les chiffres se montent à 30 000 gilets et 12 millions d’euros pour les munitions. Qui peut encore dire que les sommes consacrées à l’équipement ne sont pas à la hauteur ?
Pour ce qui est du budget relatif à la protection civile, je dois dire que j’espérais de Catherine Troendlé un peu plus de bienveillance. (Sourires.) Nous achetons six avions supplémentaires : il me semble que c’est un investissement important, même s’il se fera sur plusieurs années.
Vous avez parlé du projet SGA-SGO, pour système de gestion des appels-système de gestion opérationnelle, madame la sénatrice. En effet, 10 millions d’euros seront engagés cette année pour commencer à le développer, et permettre ensuite aux services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS, de réaliser des économies considérables. À long terme, ce sont 600 millions d’euros d’investissement en moins qu’ils auront à faire. Qui dit que, là encore, le Gouvernement ne fait pas d’effort pour penser l’avenir, notamment celui des SDIS ?
En contrepartie de ces efforts, nous engagerons un certain nombre de réformes structurelles. Il convient de mieux penser la mutualisation entre la police et la gendarmerie et d’assurer une meilleure compatibilité entre les systèmes informatiques. La réforme de la procédure pénale que j’évoquais à l’instant suppose, par exemple, que les systèmes informatiques de la police, de la gendarmerie et de la justice soient compatibles.
Ces projets mériteront des efforts considérables. Mais c’est par l’innovation que nous transformerons l’appareil de l’État en matière de sécurité et de justice. Et il faudra aussi réfléchir à la façon dont nous pouvons faire en sorte que les polices scientifiques de la police et de la gendarmerie travaillent et innovent mieux ensemble. Tout cela, nous allons le faire. Nous le devons à nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement heureux de vous présenter ce budget, qui constitue une réponse à l’engagement pris par le Président de la République de faire de la sécurité sa priorité absolue.
C’est sans doute pour cela, messieurs les rapporteurs spéciaux, que, « réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l’Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d’adopter les crédits de la mission et ceux du compte spécial, tels que modifiés par ses amendements. Elle lui a proposé d’adopter sans modification les articles 62 ter, 62 quater et 67 et d’adopter l’article additionnel après l’article 67 ».
Je connais l’objectivité du Sénat. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous fier aux chiffres et au réel, de ne pas vous livrer à une forme de subjectivité qui pourrait apparaître comme seulement politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
sécurités
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Sécurités |
20 674 424 356 |
19 811 153 674 |
Police nationale |
10 864 608 995 |
10 578 486 903 |
Dont titre 2 |
9 392 207 608 |
9 392 207 608 |
Gendarmerie nationale |
8 915 327 597 |
8 659 670 333 |
Dont titre 2 |
7 312 942 809 |
7 312 942 809 |
Sécurité et éducation routières |
39 829 233 |
39 829 233 |
Sécurité civile |
854 658 531 |
533 167 205 |
Dont titre 2 |
186 920 133 |
186 920 133 |
M. le président. L’amendement n° II-361, présenté par M. P. Dominati, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
0 0 |
0 48 309 375 |
0 0 |
0 48 309 375 |
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
0 0 |
0 30 143 625 |
0 0 |
0 30 143 625 |
Sécurité et éducation routières |
|
|
|
|
Sécurité civile dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
0 |
0 |
0 |
0 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Chacun, dans cet hémicycle, partage l’enthousiasme dont vous faites preuve quand vous évoquez les missions des forces de l’ordre, monsieur le ministre d’État.
En revanche, pour ce qui est de l’interprétation des chiffres, notre vision est différente de la vôtre. Vous vous demandez si l’on peut contester le fait que les efforts en matière d’équipement sont au rendez-vous. Or, cela a été rappelé par Jean-Pierre Sueur, mais également par les rapporteurs spéciaux, les effectifs du budget 2018 permettront seulement de retrouver les effectifs de l’année 2008. À un détail près, en 2008, il y avait 33 000 véhicules de police, pour un rythme d’acquisition de 5 000 par an. En 2017, ce sont moins de 3 000 véhicules qui ont été acquis.
Même vos chiffres, monsieur le ministre d’État, témoignent du vieillissement du parc automobile. J’y ajoute les incidents dans la formation du personnel et le sous-équipement chronique.
Ce budget est celui d’une nouvelle mandature, d’un nouvel exécutif, qui a plusieurs fois réaffirmé son engagement dans ce domaine. Il est très différent du budget des années passées, qui portaient la marque des plans d’exception décidés par le Président de la République à la suite des attaques terroristes auxquelles il avait dû faire face au milieu de son mandat.
À cause de ces attaques et de la crise migratoire, il a fallu renforcer nos forces de sécurité. Ce que nous voulons, c’est leur donner des moyens. Or la tendance prise par le Gouvernement dans ce budget revient à ce qu’une création de postes se fasse au détriment des moyens. De ce point de vue, le présent budget s’inscrit dans la continuité du budget voté l’an dernier : le ratio frais de personnel sur investissement et fonctionnement n’a pas changé.
Pour citer les chiffres de l’investissement, vous êtes malheureusement obligé, monsieur le ministre d’État, de faire référence au budget pour 2015, la comparaison avec l’année passée étant impossible… Or tant que ce ratio sera aussi déséquilibré, des crises agiteront les forces de l’ordre.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. L’ancien Président de la République avait dû réunir en urgence les différents représentants des forces de l’ordre. Un plan de 200 millions d’euros avait été décidé, dont seulement 35 millions d’euros ont été dépensés.
C’est sous réserve de votre avis favorable sur le présent amendement, monsieur le ministre d’État, que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. Si tel n’était pas votre avis, nous en prendrions acte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’amendement de la commission des finances vise à augmenter de 48 millions d’euros les crédits finançant les dépenses d’équipement et les dépenses immobilières pour la police nationale. Cet abondement serait financé par une baisse des crédits du titre 2, c’est-à-dire par les dépenses du personnel.
M. le rapporteur spécial indique également dans l’objet de son amendement que « cette baisse des crédits […] est permise par l’abandon […] des tâches indues ». Nous allons nous attaquer à ce problème, monsieur le rapporteur spécial, mais cela va nous prendre du temps, le temps que le Parlement adopte la réforme de la procédure pénale, par exemple. Je demanderai alors toute la bienveillance du Sénat pour aider le Gouvernement à aller de l’avant dans ce domaine.
Néanmoins, vous le comprenez bien, je ne peux pas accepter de réduire les dépenses de personnel, c'est-à-dire de baisser les effectifs, au moment même où des centaines, voire des milliers, de maires de France me demandent de les augmenter !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. J’avoue ne pas bien comprendre le sens de cet amendement.
M. le ministre d’État l’a souligné, cet amendement tend en réalité à s’attaquer aux parcours professionnels, aux carrières, aux rémunérations et aux mesures catégorielles et salariales du personnel de la gendarmerie et de la police.
Toutefois, comment peut-on soutenir qu’il faut compenser la hausse des investissements et du matériel à destination des forces de l’ordre par une baisse de leur rémunération ? C’est comme si vous vouliez repeindre l’ensemble des bureaux de poste grâce à la baisse des salaires des postiers. C’est comme si l’on changeait les moquettes du Sénat grâce à la diminution de l’indemnité parlementaire de Philippe Dominati ! (Sourires.)
M. Yannick Vaugrenard. Cela n’a aucun sens ! Ou alors vous souhaitez obtenir le prix de l’humour noir du quatrième trimestre 2017, monsieur le rapporteur spécial…
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’interprète cet amendement comme un amendement d’appel. Il est destiné à souligner une incohérence dans le projet de budget qui nous est présenté. En effet, les moyens en matériel, en équipement ou en véhicules ne sont pas en rapport avec les moyens humains annoncés dans ce budget.
Monsieur le ministre d’État, vous nous recommandez d’être objectifs et de regarder les chiffres. Eh bien, les chiffres nous disent que votre budget augmente approximativement du montant de l’inflation. Vous nous demandez de vous faire crédit, en alléguant le bénéfice, pour l’instant virtuel, d’une réforme de la procédure pénale.
Quant à la directive de 2003, dont chacun sait qu’elle va absorber des moyens en personnel, vous nous dites avoir décidé de manière unilatérale un moratoire, à l’issue duquel, si vous estimez qu’elle n’est pas applicable, vous ne l’appliquerez pas. J’aimerais bien savoir comment vous ferez pour que l’État français ne soit pas condamné sous astreinte à appliquer les engagements européens qu’il a pris, et qui sont respectés, d’ailleurs, dans tous les autres domaines. Les directives européennes doivent être mises en œuvre.
Quand on examine la question du logement des gendarmes, les moyens de raccompagnement des étrangers en situation irrégulière, la situation de la police de l’air et des frontières, les investissements de la sécurité civile, hors le renouvellement nécessaire et prévu depuis longtemps des avions et les dépenses supplémentaires que la police de sécurité au quotidien risque de prélever sur les moyens de la sécurité, on se dit qu’il n’y a décidément pas d’autres choix que de rejeter vos crédits comme étant insuffisants pour mettre en œuvre la politique de sécurité que le Président de la République a voulue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Le président de la commission des lois a très bien répondu à ceux qui font une interprétation caricaturale de cet amendement.
Actuellement, la police comme la gendarmerie manquent de moyens humains. Néanmoins, elles manquent aussi de moyens matériels, informatiques et immobiliers, au regard notamment des effectifs dont elles disposent. C’est sur ce point que nous voulions appeler l’attention du Gouvernement.
L’équipement informatique laisse toujours à désirer ; les véhicules sont obsolètes ; les locaux sont insalubres. Combien de policiers avez-vous équipés, monsieur le ministre d’État, de caméras individuelles, que tout le monde juge absolument indispensables, ne serait-ce que pour assainir les rapports entre police et population, mais aussi entre police et justice ? Cet équipement est absolument prioritaire ; l’effort budgétaire ici proposé n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.
M. Frédéric Marchand. À entendre certains, cet amendement serait un amendement d’appel. À mon sens, le seul appel qui vaille aujourd’hui est celui lancé par nos concitoyens et par les élus locaux : il faut donner aux services de police les moyens humains nécessaires pour renforcer le lien direct avec la population. Chacun ici sait bien, tous nos contacts avec les élus et les Français le montrent, que la demande en effectifs est prégnante.
Il importe donc qu’ils puissent augmenter, pour que nos concitoyens puissent voir dans les rues davantage de policiers.
M. François Grosdidier. Avec les équipements qui conviennent !
M. Frédéric Marchand. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je voudrais vous rappeler les chiffres que j’ai cités tout à l’heure.
À la fin de l’année prochaine, l’ensemble de la gendarmerie sera équipé de tablettes Néogend. En outre, 28 500 terminaux Néopol seront donnés cette année. L’année prochaine, ce sont 22 000 tablettes qui seront distribuées. Enfin, nous aurons 10 000 caméras-piétons.
Certes, on peut toujours dire qu’il faut faire plus. Mais prétendre que le Gouvernement ne fait aucun effort sur l’équipement me paraît tout de même quelque peu osé.
J’intervenais ce matin devant le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, où nous avons discuté de sujets d’ordre technologique. Un de mes interlocuteurs faisait alors avec raison cette remarque : on aura beau progresser en matière d’intelligence augmentée, ce qui compte vraiment, au fond, c’est l’intelligence de l’homme.
En effet, l’intelligence des hommes est irremplaçable. C’est pourquoi il faut plus de policiers et de gendarmes pour assurer la sécurité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Philippe Bas l’a souligné avec justesse, cet amendement était un amendement d’appel, qui, déposé en début de mandature, devait nous permettre de vous montrer quelle était, à notre sens, la priorité dans le domaine de la sécurité, à savoir l’équipement.
Monsieur le ministre d’État, vous évoquez le nombre des tablettes ; je vous réponds qu’il n’y a pas assez de voitures. Vous le savez très bien, le parc automobile est vieillissant ; l’âge moyen d’un véhicule a augmenté de deux ans en l’espace de six années.
Voici la réalité quotidienne : on ne renouvelle pas les voitures, et on arrête l’entraînement au tir au mois de septembre, car il n’y a pas assez de cartouches !
L’amendement déposé par la commission des finances visait à donner une chance au Gouvernement d’inverser la tendance, en donnant plus de moyens aux hommes. Quand trois postes sont créés, une voiture est supprimée. Nous voulons les trois hommes, et nous voulons la voiture.
Tel était le sens de cet amendement. Le Gouvernement n’a pas émis d’avis favorable. Pour la clarté des débats, je vais le retirer. Mais en conséquence, la commission des finances demandera au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sécurités ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-361 est retiré.
L’amendement n° II-373, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Police de proximité
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
|
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
Police de proximité |
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
|
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
|
|
|
|
Sécurité et éducation routières |
|
|
|
|
Sécurité civile dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À la fin de cet été, Patrice Bergougnoux, ancien directeur général de la police nationale, déclarait : « Le retour à la police de proximité est une bonne nouvelle. Abandonnée depuis quinze ans, alors que sa mise en place n’était pas achevée, cette police est […] indispensable au moment où on assiste dans certains quartiers à des phénomènes de radicalisation. Mais elle est surtout indispensable pour renforcer le lien de confiance entre la police et la population parce qu’il s’est atténué, estompé et dans certains quartiers, [il a] disparu ».
Il n’est pas le seul à s’en être réjoui. Selon les résultats du baromètre Fiducial réalisé par Odoxa au même moment, pas moins de 84 % des Français considéraient que remettre en place la police de proximité était efficace pour renforcer la sécurité dans les quartiers.
Alors, qu’on l’appelle « police de proximité » ou « police de sécurité du quotidien », peu importe. Ce qui compte, ce sont les missions qu’on lui assigne et les moyens qu’on lui octroie, dont elle a toujours cruellement manqué. Or nous sommes au regret de constater qu’aucune ligne budgétaire n’est dédiée à ce dispositif, fort louable, dans le présent projet de loi de finances.
C’est tout le sens du présent amendement que d’y remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Éliane Assassi souligne un point très important. Le Président de la République a pris l’initiative de réunir en octobre dernier les principaux responsables de nos forces de sécurité pour leur présenter cette orientation.
Malheureusement, vous l’avez dit, ma chère collègue, nous ne trouvons pas, dans ce budget, la concrétisation de ses propos. Pas un euro n’est prévu pour la mise en place de la police de sécurité du quotidien.
Ce qui me gêne, en revanche, c’est que le présent amendement tend à la création d’une direction nouvelle, ce à quoi je suis plutôt hostile. J’ajoute que le budget dont elle serait dotée est faible, pour ne pas dire symbolique.
Je vous suggère donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° II-373 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Je vais accepter de retirer cet amendement, monsieur le président, non parce que je partage une partie – une partie seulement – des propos de M. le rapporteur spécial, mais parce que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lorsque nous examinerons, le 13 décembre prochain, la proposition de loi que nous avons déposée, visant à réhabiliter la police de proximité.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-373 est retiré.
L’amendement n° II-376, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
|
|
|
|
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
2 500 000 2 500 000 |
|
2 500 000 2 500 000 |
|
Sécurité et éducation routières |
|
2 500 000 |
|
2 500 000 |
Sécurité civile dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Je profite à mon tour de la défense de cet amendement pour renouveler mon soutien total à nos policiers, à nos gendarmes et à nos pompiers, qui, au quotidien, assurent notre sécurité dans des conditions extrêmement difficiles, au contact de certaines populations, pas toujours autochtones d’ailleurs,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’était pas la peine d’ajouter cela !
M. Stéphane Ravier. … qui sont trop souvent très hostiles aux forces de l’ordre et à tout ce qui peut représenter l’État et la France.
Je veux dénoncer leurs conditions de travail, matérielles, financières et morales, pour le moins critiquables. Nombreux sont les policiers – j’en rencontre beaucoup à Marseille – qui me disent devoir acheter eux-mêmes une partie de leur équipement, indispensable à leur protection. Si les achats sur internet n’existaient pas, les policiers les auraient inventés.
Ce gouvernement se soucie davantage des conditions de détention des délinquants et des criminels que des conditions de travail au quotidien des forces de l’ordre. Pour vous en convaincre, mes chers collègues, je vous invite à venir à Marseille pour constater dans quelles conditions travaillent les policiers des XIIIe et XIVe arrondissements, dans quel état se trouve leur commissariat respectif. Un seul mot pour décrire cela : une honte !
Le 24 novembre dernier, un policier a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir administré une gifle à un migrant, alors que la racaille qui a tenté de tuer un policier en mettant le feu à son véhicule est sortie libre du tribunal. Comme les policiers, comme les Français, je suis révolté par ce double scandale, et ne puis dès lors que constater qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume républicain de France. (Exclamations.)
M. François Grosdidier. La République !
Mme Éliane Assassi. La haine vous anime !
M. Stéphane Ravier. Dans ces conditions, comment s’étonner que bon nombre de policiers et de gendarmes se soient suicidés cette année encore ?
Alors que la menace terroriste est toujours plus élevée, je propose au travers de cet amendement de créer 25 antennes de renseignement territorial supplémentaires.
Depuis le début de cette série infernale d’attentats qui frappe la France, l’accent a été mis sur l’exploitation du renseignement au sein des services de police et de gendarmerie, services qui avaient été démantelés sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
La police a créé la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, et le Service central du renseignement territorial, le SCRT. La gendarmerie a lancé, de son côté, un plan pour créer des antennes de renseignement territorial ; 73 antennes ont été créées depuis 2015. Je propose de permettre le développement de ces antennes.
Sur 12 000 individus fichés pour radicalisation, 1 000 sont traités par la gendarmerie. Par ailleurs, la gendarmerie contribue à hauteur de 10 % au SCRT.
M. le président. Votre temps de parole est écoulé !
M. Stéphane Ravier. Pour éradiquer les menaces qui pèsent sur l’ensemble de nos compatriotes, qu’ils résident en zone de police ou de gendarmerie (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), la multiplication de ces antennes doit être privilégiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. Monsieur Ravier, je m’en tiendrai à une réponse portant strictement sur les termes de votre amendement, qui tend à créer 25 antennes supplémentaires de renseignement territorial, une proposition qui n’est pas critiquable en soi.
Même si l’ampleur du transfert de crédits opéré est moins importante que dans d’autres propositions qui vont suivre, l’adoption du présent amendement conduirait à une diminution de 15 % de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication, alors que le Gouvernement réalise de louables efforts de sincérité dans ce domaine. Ces crédits avaient en effet été régulièrement sous-évalués au cours des années précédentes.
Pour la politique de sécurité routière, il convient de trouver un équilibre délicat entre répression et prévention. La réduction des crédits de la politique de communication ne serait pas un bon signe envoyé aux usagers de la route. En matière de sécurité routière, la sensibilisation et la prévention doivent être prioritaires par rapport à la répression.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je souhaite donner un certain nombre d’informations. Les moyens humains consacrés au renseignement sont considérables. On compte en effet 4 400 agents de la DGSI à ce jour, contre 3 300 en 2014. Sont affectés au renseignement territorial 2 630 agents, parmi lesquels les effectifs de militaires de la gendarmerie relevant des antennes de renseignement territorial, contre 1 980 agents en 2014.
Dans le cadre des 10 000 créations de postes que j’évoquais précédemment, 1 900 emplois seront créés au profit de la DGSI et du renseignement territorial, parmi lesquels des emplois de gendarmes. Nous faisons un effort important pour protéger nos concitoyens du terrorisme, car cet objectif nous semble tout à fait prioritaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-307 rectifié bis est présenté par MM. Bazin, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Brisson et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, M. de Nicolaÿ, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Gruny, M. Husson, Mme Imbert, MM. Kennel et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Lefèvre, Mmes Lopez et Morhet-Richaud, MM. Mouiller, Paccaud et Priou, Mme Puissat et MM. Revet, Vogel et Savary.
L’amendement n° II-410 est présenté par M. Capus.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
|
|
|
|
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
|
|
|
|
Sécurité et éducation routières |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Sécurité civile dont titre 2 |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° II-307 rectifié bis.
M. Arnaud Bazin. J’associe aux nombreux cosignataires de cet amendement notre vice-présidente, Catherine Troendlé, qui a exposé lors de la discussion générale tout l’intérêt de la mesure que nous vous proposons. Jean Pierre Vogel avait, quant à lui, souligné la baisse continue des investissements des SDIS au cours des deux dernières années, ce qui n’est guère surprenant quand on sait que ces services sont financés par les communes et les départements, lesquels ont été soumis à de très dures restrictions de dotations sous le précédent quinquennat.
À la suite de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, la PFR, je vous propose d’en revenir à l’engagement pris par le précédent gouvernement d’abonder a minima la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS à hauteur de 20 millions d’euros sur dix ans.
La pérennité des montants financiers alloués devait permettre de contribuer directement à la réalisation de projets nationaux, tels que le déploiement d’un système unifié de gestion des appels, des alertes et des opérations des SDIS et de la sécurité civile, le renforcement du maillage territorial des SDIS, une meilleure coordination de l’action des acteurs, l’optimisation d’une réponse cohérente et équitable sur l’ensemble du territoire. Or le projet de loi de finances pour 2018 envisage de réduire de 10 millions d’euros les sommes promises pour les investissements des SDIS.
En conséquence, cet amendement vise à respecter les engagements pris avec les élus départementaux, à l’heure des aléas climatiques se multiplient et où les demandes d’intervention des sapeurs-pompiers sont de plus en plus nombreuses et urgentes.
Nous proposons donc de rétablir les 10 millions d’euros de crédits, pour parvenir à un total de 20 millions d’euros d’aides à l’investissement dans les SDIS.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° II-410.
M. Emmanuel Capus. Il s’agit de porter à 20 millions d’euros le montant total de la dotation de soutien aux investissements des SDIS en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, afin de tenir les engagements pris par le précédent gouvernement en 2017 et de rendre possible la poursuite des dossiers structurants de long terme déjà engagés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. On peut être tout à fait d’accord avec l’intention qui sous-tend ces amendements, et je pense qu’une majorité de la commission des finances soutient cet objectif.
Si l’intention est louable, cette mesure priverait cependant le programme 207, « Sécurité et éducation routières », de plus du quart de son budget. Quant aux crédits de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication, qui regroupe notamment toutes les campagnes de sécurité routière, ils passeraient de 16,27 millions d’euros à 6,27 millions d’euros : ce n’est pas sérieux lorsque l’on veut mener des actions de prévention dans le domaine de la sécurité routière.
L’adoption de ces amendements identiques aurait pour effet d’amputer une large partie du volet préventif de la politique de sécurité routière. C’est la raison pour laquelle, tout en partageant le souhait de leurs auteurs, j’en demande le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le Gouvernement travaille, en liaison étroite avec l’Assemblée des départements de France, sur un projet de système d’information unifié des SDIS et de la sécurité civile, dit « projet SGA-SGO », qui vise à rendre compatible l’ensemble des systèmes. Ce sera une grande avancée du point de vue tant technologique que sécuritaire.
Par ailleurs, un comité interministériel de la sécurité routière, sur lequel nous avons commencé à travailler, se tiendra au début du mois de janvier prochain. Nous proposerons, à cette occasion, un certain nombre d’orientations.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le ministre d’État, vous savez que ma démarche n’est nullement politicienne. Lorsque je parle de sécurité civile, c’est une démarche de conviction.
Les crédits consacrés à la sécurité civile sont en diminution, ce qui est en inadéquation avec les missions de nos sapeurs-pompiers et les enjeux dans ce domaine.
Ces dernières années, j’ai observé une baisse des dotations aux départements. J’ai aussi constaté que celles du fonds d’aide à l’investissement, qui permettait aux SDIS d’investir dans des matériels de grande technicité, étaient entièrement consacrées à ANTARES, ou Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours ; ce fonds est aujourd’hui réduit à zéro.
Lorsque j’ai défendu, avec beaucoup de conviction, la proposition de notre collègue député Jean-Paul Bacquet relative à la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, je l’ai fait avec la conviction que les 20 millions d’euros que l’État consacrait antérieurement aux SDIS pour la PFR étaient désormais entièrement fléchés vers les investissements des SDIS.
C’était une cause entendue, et les sénateurs ont d’ailleurs voté ce texte à l’unanimité, avec la conviction que le fléchage de ces deniers publics bénéficierait à la sécurité civile. J’ai donc été heurtée d’apprendre que ce budget serait amputé de 10 millions d’euros.
Vous me dites, monsieur le ministre d’État, que cette amputation se fait au détriment des projets structurels des SDIS. Un appel d’offres a eu lieu. L’engagement pris sera donc honoré pour un an, mais pas pour les années à venir. Je ne puis entendre cet argument !
Quant au projet SGA-SGO, il sera mis en place sur le long terme. Il n’est donc pas justifié de vouloir faire des économies, même réduites, sur le budget des SDIS.
Je soutiens avec fermeté cet amendement, et j’appelle mes collègues à le voter à l’unanimité, comme ils l’ont fait pour le texte de Jean-Paul Bacquet, en décembre 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Monsieur Bazin, l’amendement n° II-307 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Arnaud Bazin. Je suis bien conscient des imperfections, en termes d’application des règles, de la mesure que nous proposons en vue de trouver ces 10 millions d’euros. D’autres propositions pourront toujours être faites le moment venu. En attendant, je souhaite que nous exprimions notre volonté unanime de préserver autant que possible les capacités d’investissement des SDIS, en prévoyant une aide de l’État considérable, et non pas réduite à la portion congrue.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° II-410 est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Vous aurez compris qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Notre but est d’attirer l’attention du Gouvernement sur le respect des engagements passés, et non pas de diminuer de 10 millions d’euros les crédits de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication.
L’attention du Gouvernement ayant été attirée sur ce point, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-410 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-307 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. J’appelle en discussion les articles 62 ter, 62 quater et les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sécurités ».
Sécurités
Article 62 ter (nouveau)
L’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Aux premier et deuxième alinéas, l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2020 » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « généraux » est remplacé par le mot : « départementaux ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission vous recommande d’adopter cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62 ter.
(L'article 62 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 62 ter
M. le président. L’amendement n° II-342, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est joint au projet de loi de finances de l’année, dans les conditions prévues au 7° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l’exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a été adopté à l’occasion d’un précédent projet de loi de finances. Il s’agit de prévoir un rapport sur les dépenses liées au financement des activités de prévention et de lutte contre le terrorisme.
Vous le savez, monsieur le ministre d’État, ces actions sont dispersées dans plusieurs programmes. Elles sont confiées, par ailleurs, à de nombreuses associations. Nous avons pu, à l’occasion de l’examen d’un texte précédent, améliorer les dispositifs permettant de contrôler ces associations. Néanmoins, les budgets nécessaires à la prévention du terrorisme sont très disparates et ne sont absolument pas contrôlés.
L’objectif de cet amendement est de permettre le contrôle des actions de prévention. En effet, vous pourrez dépenser autant d’argent que vous voulez dans des mesures répressives, si les dispositifs liés à la prévention ne suivent pas, cela ne fonctionnera pas.
J’ajoute qu’il serait intéressant, et j’en ai parlé dans le cadre de l’examen de la mission « Travail et emploi », de pouvoir confier des missions de lutte contre la radicalisation aux établissements pour l’insertion dans l’emploi, les EPIDE, qui sont extrêmement bien structurés et pourraient tout à fait jouer ce rôle. En effet, on cherche actuellement des structures capables de recevoir des jeunes en voie de radicalisation ou des jeunes suivis. Toutes ces actions de prévention sont nécessaires.
Cet amendement vise à prévoir un contrôle par le Parlement des dépenses effectuées dans ce domaine, car c’est notre travail !
La prévention est absolument essentielle, monsieur le ministre d’État, au vu du nombre de jeunes radicalisés sur le territoire, sans compter ceux qui reviennent dans notre pays et sont susceptibles de poser des problèmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Madame Goulet, vous avez souligné que le Sénat s’était déjà posé cette question et qu'il avait souhaité apporter des précisions en matière de renseignement, notamment lors du débat budgétaire.
Monsieur le ministre d’État, nous avions souligné à propos de la lutte contre le terrorisme et des services du renseignement intérieur que nous ne disposions pas, pour la mission « Sécurités », des mêmes éléments que pour la mission « Défense ».
En effet, pour ce qui concerne la mission « Défense », les services de renseignement extérieur sont très clairement fléchés, en termes de budget, sur les moyens et les personnels. Nous avions souhaité qu’un tel fléchage apparaisse dans le budget de la mission « Sécurités ». Si le ministère des armées peut le faire, il n’y a pas de raison que le ministère de l’intérieur ne le puisse pas. Mais vos prédécesseurs ne l’ont pas fait, et peut-être entendez-vous pour la première fois la demande de Mme Goulet et du Sénat…
Afin de laisser du temps pour l’amélioration des documents budgétaires, la commission des finances a émis un avis de sagesse plutôt défavorable sur cet amendement.
M. le président. « Sagesse défavorable », voilà une nouveauté ! (Sourires.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. J’ai bien entendu le « premier cri » de Mme Goulet, mais, comme le dit M. le rapporteur spécial, il faut se donner un peu de temps pour la réflexion. Je vais peut-être attendre le deuxième cri avant de me faire un avis…
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que nous avons prévu dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de réaliser sur l’ensemble de ces actions un rapport global, lequel sera publié dans deux ans. Nous aurons alors l’occasion de revoir tous ces sujets ensemble.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne veux pas m’égosiller, monsieur le ministre d’État ! (Sourires.) Je n’ai pas l’intention de crier et je ne l’ai jamais fait dans cet hémicycle. Je rappelais simplement que, dans le cadre de la loi antiterroriste, nous avons voté des mesures de contrôle des associations chargées de la déradicalisation.
J’entends tout à fait la voix de la commission des finances, qui est en général celle de la sagesse. Je retirerai donc mon amendement, mais il nous faut absolument un contrôle des budgets, car on ne peut pas exclure les effets d’aubaine.
Compte tenu de la dispersion des moyens, que l’on peut observer dans le « jaune » budgétaire, mais aussi de la disette budgétaire générale et des moyens mis à disposition de la lutte contre la déradicalisation, je vous demanderai à tout le moins, monsieur le ministre d’État, d’aller rencontrer, comme l’avait fait votre prédécesseur Bernard Cazeneuve, les responsables d’associations pour discuter avec eux de leur budget. Encore une fois, il est nécessaire de contrôler ces subventions.
Je vais retirer cet amendement, mais le projet de loi de finances rectificative n’est pas loin… Quant au prochain projet de loi de finances, il arrivera très vite.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-342 est retiré.
Article 62 quater (nouveau)
Après l’article L. 122-4-2 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-4-3. – I. – Les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération ne sont pas assujettis au péage mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 122-4.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je vous invite à adopter cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62 quater.
(L'article 62 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 62 quater
M. le président. L’amendement n° II-404 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Ghali et Grelet-Certenais, M. Iacovelli, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mmes Meunier, Monier et Taillé-Polian, M. Tissot, Mmes Rossignol et Préville, MM. Jomier, Kerrouche, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Temal et Manable, Mme Lienemann, M. Marie et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Après l’article 62 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à évaluer le coût et les conditions de mise en place d’un système d’attestations de contrôles d’identité et de leur expérimentation.
Ce rapport détermine les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre de ce système. Il en établira également les modalités d’expérimentation.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le ministre d’État, cette assemblée a rendu hommage avec vous, comme il se doit, aux forces de l’ordre qui protègent nos concitoyens depuis de nombreux mois.
Nous savons pourtant, et le Président de la République l’a dit lui-même en mars dernier, qu’il existe un problème de confiance entre les forces de l’ordre et les jeunes qui vivent dans certains quartiers. Je sais que vous êtes très soucieux de rétablir cette confiance ; vous aurez donc l’occasion de revenir sur la vertu que vous attribuez à la future police de sécurité du quotidien.
Depuis plusieurs mois, nous constatons des discriminations et des disparités lors des contrôles d’identité. Le risque pour un jeune de se faire contrôler est huit fois plus élevé que pour une autre personne. Un jeune homme noir ou maghrébin a 80 % de « chances » d’être contrôlé plus qu’un autre. Cela cause ce sentiment de tension vis-à-vis des forces de sécurité.
J’ai peu d’espoir de vous convaincre, monsieur le ministre d’État. Pour autant, il est proposé dans certaines grandes villes, parmi lesquelles Paris, que soit expérimentée l’attestation de contrôle d’identité, document qui permettrait de tracer les contrôles. Cet amendement a pour objectif de demander au Gouvernement de présenter un rapport d’ici à six mois sur la façon de mettre en place cette attestation.
Vous le savez, l’État a été condamné le 9 novembre 2016 pour faute lourde par la Cour de cassation pour des contrôles d’identité discriminatoires. Ce constat n’est donc ni une vue de l’esprit ni le fantasme de personnes qui ne seraient pas totalement ancrées dans la réalité.
Telle est bien la réalité que vivent nos concitoyens, notamment les plus jeunes d’entre eux et ceux qui vivent dans les quartiers difficiles.
Je vous demande, monsieur le ministre d’État, d’examiner de manière très sereine cet amendement. Je compte sur votre talent pour expliquer ensuite aux policiers et aux syndicats de police que nous avons tous intérêt à évoluer dans cette voie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je suis défavorable à cet amendement, car il est à contresens par rapport aux tâches indues que je dénonçais précédemment. La délivrance de cette attestation représenterait en effet un travail supplémentaire pour les forces de l’ordre.
Deuxième argument, qui me semble le plus pertinent : le ministère de l’intérieur développe le dispositif des caméras-piétons fixées sur les agents, notamment à titre expérimental dans les zones de sécurité prioritaires. Ces caméras, directement portées par les agents de la sécurité publique, sont très efficaces.
Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. M. le rapporteur spécial de la commission des finances défend avec tant de conviction les arguments du Gouvernement que je me demande s’il ne regrette pas d’avoir rejeté les crédits de la mission « Sécurités »… J’y vois un encouragement pour l’avenir !
Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Lorsque les policiers et les gendarmes consacrent les deux tiers de leur temps aux procédures et seulement un tiers à l’opérationnel, il convient de ne pas ajouter de la paperasserie à celle qui existe déjà !
Vous soulignez, ma chère collègue, un vrai problème : celui des relations entre les policiers, des contrevenants ou des contrevenants potentiels ou simplement des citoyens, dans des zones et des quartiers où existent parfois des tensions.
Le rapporteur spécial et le ministre d’État vous ont répondu en rappelant l’existence des caméras individuelles. On peut s’en satisfaire. Je regrette seulement, comme Philippe Dominati, que l’équipement des agents ne se fasse pas plus rapidement.
Je regrette également que nous en soyons seulement, et comme toujours trop timidement, au stade de l’expérimentation. Il a d’ailleurs fallu que le Sénat se batte pour que les caméras qui équipaient déjà les policiers municipaux ne soient pas retirées hors zone de sécurité publique.
Il faut avancer ! Dès lors qu’il y a des caméras, les citoyens sont garantis contre d’éventuels débordements des forces de l’ordre, celles-ci sont garanties contre les remises en cause injustifiées, la hiérarchie est garantie contre les débordements des subordonnés et les magistrats disposent d’éléments tangibles en cas d’outrage ou de rébellion. Il convient d’aller plus vite dans cette direction, mais non pas d’ajouter de la paperasserie supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je soutiens cet amendement, car il me semble extrêmement important de signifier que notre République est la même pour tous et garantit les mêmes droits à chacun.
Notre police a besoin de reprendre pied vis-à-vis d’un certain nombre de publics qui ressentent de la défiance et ont l’impression d’être perçus avec défiance. Ce type de dispositif peut donc être mis en place dans l’intérêt de tous, celui des forces de l’ordre comme celui des publics qui se sentent discriminés.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien ce que vient de dire Marie-Pierre de la Gontrie, mais allons au-delà du problème des caméras et de l’évolution de la société.
Un débat avait déjà eu lieu sur ce sujet dans notre hémicycle lorsque Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avait dit qu’il ne mettrait pas en place l’attestation de contrôle d’identité, pour la raison suivante : le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a sur la police un pouvoir de tutelle et signe des circulaires pour donner des instructions. S’il dit aux policiers qu’il faut une attestation, cela leur donnera le sentiment qu’il existe une défiance à leur égard.
Il faut tout de même dire les choses : dans la situation qui est la nôtre, où les tâches des forces de l’ordre sont telles qu’on les a décrites précédemment, où pèse la menace du terrorisme, si l’on dit, en plus, aux policiers que l’on n’a pas totalement confiance en eux et qu’ils doivent signer des attestations, le sentiment, au sein de la police, sera extraordinairement négatif. C’était déjà le cas, à l’époque que j’évoquais, parmi les syndicats de policiers.
Autre élément : si vous disiez cela aux policiers, monsieur le ministre d’État – même si je comprends l’argument de fond, le principe qui sous-tend cette proposition – nombreux seraient les policiers, d’ores et déjà débordés par la paperasse, qui décideraient de faire bien moins de contrôles d’identité, car ces derniers reviendraient à faire de la paperasse supplémentaire.
Cela devient impossible ! Tous ont dit ici que le travail des forces de l’ordre était trop lourd, que les effectifs étaient insuffisants et qu’il fallait décharger les policiers de certaines tâches. Or l’amendement vise à en ajouter d’autres, sans prévoir les effectifs correspondants.
Je pense, quant à moi, qu’il faut faire confiance à la police de la République, ainsi qu’au ministre d’État pour signer les circulaires et donner les instructions nécessaires, afin que l’ordre public ne soit pas contradictoire avec la tolérance et la générosité naturelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je ne voterai bien évidemment pas cet amendement, pour les raisons que nos collègues ont exposées, et je fais crédit à M. le ministre d’État de sa volonté de déployer des caméras personnelles sur l’ensemble des agents de nos forces de l’ordre.
Je veux toutefois lui dire que, si les gendarmes de Persan ont été équipés de ces caméras, à la suite des événements tragiques que nous avons connus dans cette commune, à Beaumont, et dans les environs en juillet 2016, c’est parce que la municipalité les a payées, l’administration centrale étant incapable, à l’époque, de le faire.
Cela nous renvoie au débat que nous avons eu, tout à l’heure, sur les moyens, et cela justifie d’autant plus le vote que nous avons exprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le Défenseur des droits, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel nous disent tous que, sur cette question, il y a une difficulté, une discrimination, une interrogation. Et cette interrogation est lourde, parce que, finalement, il s’agit d’une discrimination perçue entre les citoyens et malsaine pour la cohésion de la société.
Aussi, je ne comprends pas ces réactions. On peut considérer par principe que, compte tenu de la situation, il est inutile de surcharger le travail de la police avec ce type de démarche, mais refuser de voir le problème et de poser la question que le Défenseur des droits nous invite à traiter depuis plus de cinq ans est tout de même regrettable. Il s’agit ici non pas d’adopter le récépissé, mais de demander un rapport indiquant comment l’on peut répondre à ce problème.
En outre, s’il se trouve que ce sont les mêmes individus qui sont contrôlés cinq, six ou dix fois par mois, croyez-vous vraiment que ce soit du travail utile ?
Mme Éliane Assassi. Non, c’est inutile !
Mme Sophie Taillé-Polian. Cela ne sert à rien !
M. Jean-Yves Leconte. C’est du travail inutile ! Vous surchargez vous-mêmes la police, et vous l’empêchez de disposer des outils de maîtrise et d’orientation de ses contrôles d’identité. Vous pensez que, en mettant une espèce de voile pour ne rien voir, vous réglez le problème ; je pense, au contraire, qu’il faut se poser la question.
En l’espèce, je le répète, on ne demande pas d’établir le récépissé sur l’ensemble du territoire de la République. Lorsque l’on demande une expérimentation dans certaines communes qui sont volontaires, comme on l’a fait voilà quelques mois, on nous dit « non », et lorsque l’on demande un rapport, on nous dit « par principe, c’est impossible ».
Je suis désolé, mais je crois que, pour savoir un peu mieux comment la police fonctionne sur ce sujet et pour l’aider à être plus performante, cet amendement mériterait d’être adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis d’accord avec mes collègues sur cet amendement.
En 2011, le groupe auquel j’appartenais à l’époque et le groupe communiste républicain et citoyen avaient déposé, sur ce sujet, deux propositions de loi, qui avaient été débattues au Sénat, mais qui, hélas, n’avaient pas été adoptées.
Je veux aussi rappeler que, dès 2012, un séminaire sur le contrôle d’identité, les relations entre police et public et les pratiques de la police dans d’autres pays avait été organisé par le Défenseur des droits, qui était, à l’époque, M. Baudis. La police britannique, la police américaine et le responsable d’une expérimentation menée dans une banlieue de Madrid avaient tous tiré la même conclusion : malgré le rejet par la police, pendant longtemps, de la délivrance d’un récépissé, ils avaient observé que, une fois cette mesure mise en œuvre, la population et la police avaient retissé des liens, ce qui est positif. D’ailleurs, si ma mémoire est bonne, M. Rebsamen avait par la suite parlé d’une expérimentation du récépissé près de Dijon.
Je tiens en outre à souligner que l’on ne voit pas beaucoup les caméras proposées, et que, lorsqu’elles existent, elles sont éteintes. Par ailleurs, le numéro de matricule des policiers est souvent caché… Cela pourrait pourtant, au moins pendant une certaine période, se substituer à ce récépissé.
Je tiens à rappeler également que, après ce qui est arrivé au jeune Théo, le ministre de l’intérieur avait proposé quelques milliers de caméras. Nous les attendons encore…
Par conséquent, s’il n’y a pas de récépissé, il serait au moins opportun que ces moyens soient mis en place, afin de rétablir une certaine égalité entre nos concitoyens.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-404 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 337 160 908 |
1 337 160 908 |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
307 833 220 |
307 833 220 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
26 200 000 |
26 200 000 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
516 557 675 |
516 557 675 |
Désendettement de l’État |
486 570 013 |
486 570 013 |
M. le président. L’amendement n° II-310, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
|
|
|
|
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
|
|
|
|
Désendettement de l’État |
|
|
|
|
TOTAL |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
SOLDE |
- 20 000 000 |
- 20 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à diminuer de 20 millions d’euros la subvention versée à l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, en vue d’opérer un prélèvement à due concurrence sur le fonds de roulement de cet opérateur.
En effet, le fonds de roulement de l’ANTAI dépassait 38 millions d’euros au 1er janvier 2017, après une augmentation constante au cours des dernières années, alors qu’un niveau prudentiel de ce fonds de roulement avait été estimé, pour les années précédentes, à 14,5 millions d’euros. Nous n’avons pas pu obtenir, à ce sujet, de précision, d’information, ni d’explication probante de la part du Gouvernement.
Un fonds de roulement sert à financer un décalage de trésorerie entre des recettes et des dépenses ; il s’agit donc essentiellement de trésorerie.
Or l’ANTAI n’a pas de décalage de trésorerie sur sa propre action, dans la mesure où elle sous-traite à des opérateurs extérieurs l’ensemble des opérations d’éditique. Il n’y a donc aucune raison qu’il existe des décalages de trésorerie entre la date de paiement des opérateurs extérieurs et celle de l’éventuel recouvrement auprès des collectivités.
Si ce décalage dure plusieurs mois, cela signifie que la gestion en la matière n’est pas performante. Le fonds de roulement constaté au 1er janvier dernier représente tout de même un tiers du budget de l’agence ; c’est donc de l’argent qui n’est pas, selon nous, correctement utilisé.
Les explications que nous avons obtenues ne sont absolument pas probantes sur ce sujet, d’où cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le fonds de roulement prévisionnel doit être maintenu à 29 millions d’euros, compte tenu de l’intervention, en 2018, de deux réformes majeures.
Tout d’abord, le stationnement payant sera décentralisé. L’ANTAI sera chargée, à partir du 1er janvier 2018, de l’édition et de l’envoi des forfaits de post-stationnement au nom et pour le compte des collectivités territoriales qui choisiront de recourir à ses services.
Ensuite, la conduite des véhicules radar sera externalisée, ce qui engendrera un surcroît d’activité en matière de procès-verbaux électroniques. Nous parlions tout à l’heure de sécurité routière ; il s’agit là d’une mesure importante que nous développons en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-311, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
|
|
|
|
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
|
|
|
|
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
47 800 000 |
|
47 800 000 |
|
Désendettement de l’État |
|
47 800 000 |
|
47 800 000 |
TOTAL |
47 800 000 |
47 800 000 |
47 800 000 |
47 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet la ligne du compte d’affectation spéciale relative aux radars.
La dotation totale du programme 754, « Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières », prévue par le projet de loi de finances pour 2018 est en nette diminution – elle baisse de 22,3 % – par rapport aux crédits figurant dans la loi de finances initiale pour 2017. Au sein des crédits répartis entre l’État, l’ANTAI, et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, la part qui est destinée aux collectivités territoriales baisse donc de 148 millions d’euros, se trouvant ainsi fixée à 516,6 millions d’euros.
Dans le passé, les collectivités bénéficiaient de l’intégralité du prélèvement de 170 millions d’euros, qui est issu des amendes forfaitaires dites « radars ». Conformément au projet de budget pour 2018, elles ne percevraient plus que 75 millions d’euros, ce qui représente une réduction de 95 millions d’euros.
Cette mesure est fondée sur l’anticipation des conséquences de la décentralisation du stationnement payant, qui ne commencera qu’au 1er janvier 2018 et dont l’impact financier est, au moins dans un premier temps, relativement incertain. En effet, si les collectivités peuvent percevoir plus de recettes, elles peuvent aussi être amenées à investir, la première année, pour changer de matériel ou de système.
Aussi, nous proposons, au travers de cet amendement, de maintenir les crédits de l’État au niveau du désendettement de l’an dernier – il n’y aura donc pas de ponction sur le désendettement de l’État –, tout en réaffectant 47,8 millions d’euros au programme 754, c’est-à-dire aux collectivités. Celles-ci verraient ainsi leur dotation diminuer de 15 % et non de 22 %.
Cela revient à un amortissement du dispositif gouvernemental, dont on peut accepter le principe, mais qui anticipe trop rapidement sur les conséquences des réformes envisagées en matière de décentralisation du stationnement.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. Notre proposition permettra de rétablir le niveau de garantie des collectivités, alors que, dans le dispositif actuel, c’est l’État qui se garantit au maximum.
Nous recherchons l’équilibre, monsieur le ministre d’État ; les crédits de l’État ne baisseront pas, mais les collectivités retrouveront 47 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Il s’agit au fond de savoir quels seront les effets de la réforme qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2018.
Même si la diminution exacte des recettes liées aux amendes de police ne peut être déterminée en amont de la mise en œuvre de la réforme, puisqu’elle dépend de facteurs imprévisibles par nature, tels que le comportement des automobilistes, la perte globale de recettes pour l’État a été estimée, à partir de la répartition de 2014 du produit des amendes de police – dernière répartition disponible lors de la réalisation des simulations –, à 200 millions d’euros.
La clef de partage du produit des amendes de police sur le compte d’affectation spéciale « Circulation et stationnement routiers » – 53 % pour les collectivités territoriales et 47 % pour l’État – a été appliquée à ces 200 millions d’euros, d’où une perte de 106 millions d’euros pour le programme 754 et de 94 millions d’euros pour le programme 755.
Afin de garantir, pour le budget de l’État, la neutralité de la réforme de la décentralisation du stationnement payant, ces 94 millions d’euros, que, je vous le concède, nous avons arrondis à 95 millions d’euros, financeront le désendettement de l’État.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 67, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Article 67 (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, le nombre : « sept » est remplacé par le nombre : « huit ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 67
M. le président. L’amendement n° II-312, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 67
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase du c du 2° du B du I de l’article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour 2018, le montant de cette perte de recettes est calculé de sorte que le montant des versements au budget général soit égal à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2017. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial. Les dispositions de cet amendement découlent de l’amendement précédent. Il s’agit de rendre opérationnel le virement de 47,5 millions d’euros du désendettement de l’État vers les collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Comme pour l’amendement précédent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 67.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)
M. le président. Je suis saisi par la commission d’une demande de priorité de l’article 52, afin qu’il soit examiné avant les crédits de la mission « Cohésion des territoires » durant la séance de l’après-midi du mercredi 6 décembre.
Selon l’article 44, alinéa 6 de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. La commission a demandé cette priorité, sur proposition du rapporteur spécial Philippe Dallier, car elle a pensé qu’il serait plus pertinent pour la cohérence de nos débats de demain après-midi de commencer par l’examen de l’article 52 rattaché à la mission, avant de procéder au vote sur les crédits.
Je remercie le Gouvernement de son avis favorable.
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Immigration, asile et intégration
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2018, je voudrais formuler quelques remarques préalables.
Tout d’abord, ce budget me semble insincère. La première chose qui saute aux yeux, à sa lecture, c’est qu’il n’est pas sérieux du point de vue financier et que les chiffres sont manifestement erronés.
Nous l’avons dit à maintes reprises en commission : cette mission est globalement très sous-budgétisée, même si elle l’est moins que l’année dernière, spécialement dans le contexte de crise migratoire que nous traversons depuis quelques années.
Ces chiffres sont non seulement fantaisistes, mais incohérents. Ainsi apprend-on que les crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière vont baisser de plus de 7 %, alors même que le Gouvernement nous annonce une hausse de plus de 10 % pour l’accueil des primo-arrivants. Peut-on m’expliquer par quel miracle nous pourrions accueillir davantage d’étrangers et que, dans ce contingent, il y aurait moins d’étrangers à reconduire à la frontière ?
Parmi les incohérences, je relève aussi que les demandes d’asile au titre de la procédure Dublin ne sont pas comptabilisées, alors même que ces demandes ont augmenté de 114 % en 2016. Excusez du peu !
Un dernier exemple : alors que le financement global de la mission est notoirement insuffisant, alors que l’on diminue le budget de la lutte contre l’immigration clandestine, on augmente de 62 % – je dis bien de 62 % ! – les crédits dédiés au financement des centres provisoires d’hébergement.
Le nom même de la mission est mensonger. Cette mission s’intitule « Immigration, asile et intégration ». La réalité, c’est que bien peu de choses y sont faites pour l’intégration : à peine 14 % du budget de la mission.
Pratiquement rien non plus n’est prévu pour bâtir une politique migratoire digne de ce nom. Savez-vous quelle part du budget de cette mission est consacrée à la lutte contre l’immigration clandestine ? 6 % seulement ! Le gros de la mission, c’est l’asile, avec 71 % des crédits.
Ne faisons pas semblant de discuter d’une politique de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Nous nous contentons de gérer, assez mal d’ailleurs, la crise des demandes d’asile, sans réfléchir à ce que nous souhaitons pour notre pays et pour son avenir.
Toutefois, même la politique de l’asile, qui se taille la part du lion dans cette mission, est dans un état calamiteux : en 2017, le délai moyen affiché de traitement d’un dossier s’élevait à 449 jours, soit deux fois plus que l’objectif affiché de 209 jours ! Et cela, en particulier, parce que l’asile a été presque totalement détourné de son objet naturel, pour devenir, nous le savons, une nouvelle filière d’immigration clandestine.
Nous n’avons pas de politique d’immigration digne de ce nom, et ce n’est pas nouveau, monsieur le ministre d’État, je vous le concède. Aujourd’hui, l’immigration clandestine n’est pas une façon de venir en aide aux persécutés, contraints de fuir leur pays ; cela seul aurait dû suffire à invalider totalement les chiffres du Gouvernement.
On estime en effet que le coût de reconduite à la frontière est de l’ordre de 4 200 euros par personne. Même en estimant, en fourchette basse, que seulement 30 000 personnes sont déboutées chaque année du droit d’asile, cela devrait entraîner un budget de reconduite à la frontière d’au moins 126 millions d’euros, au lieu de quoi, on nous propose un peu moins de 83 millions d’euros.
Cette politique est dangereuse pour la France, pour les Français et pour les étrangers.
Elle est dangereuse pour la France, qui se voit ainsi priver de ce choix élémentaire des nations souveraines : choisir qui nous voulons accueillir chez nous. Notre collègue Georges Patient évoquait le 17 octobre dernier la question de l’immigration clandestine, particulièrement dramatique en Guyane, et signalait même que certains, là-bas, parlaient de « génocide de substitution ». Le terme est fort, sans doute exagéré, mais qui peut nier que, avec 11 000 demandes d’asile pour 250 000 habitants, la situation soit difficilement supportable ?
Cette absence de politique est aussi dangereuse pour les Français.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je n’ignore pas qu’il n’est pas très bien vu de lier immigration, terrorisme et insécurité.
Néanmoins, je note d’abord que ce lien a été établi par l’État islamique lui-même, qui a invité les djihadistes à se glisser parmi les réfugiés. Surtout, le coordinateur pour l’Union européenne de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, embraya avec des mises en garde particulièrement claires et nettes, que naturellement les commentateurs bien-pensants ont traitées par le mépris.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, notre absence de politique migratoire, doublée de toutes les pompes aspirantes que l’État-providence déploie pour attirer toute la misère du monde, est dangereuse pour les candidats à l’immigration eux-mêmes.
Le drame qui se joue actuellement en Méditerranée et l’esclavage qui se répand comme une traînée de poudre en Libye sont directement liés à notre laxisme migratoire, qui a donné des ailes aux passeurs et aux trafiquants de chair humaine.
« Si le Gouvernement le souhaitait réellement, l’armée pourrait mettre fin aux flux migratoires en quelques jours. », déclarait l’ex-numéro 2 de l’OTAN en Afghanistan, le général italien Santo. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Esther Benbassa. Enfin !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Cette absence de politique est aussi profondément injuste.
Je termine, mes chers collègues, en vous invitant, en cette période de Noël, à vous ressaisir d’urgence de cette question, vitale pour l’avenir de notre pays,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. En cette fin d’année, je vous invite à lire ou à relire le livre de Michel Poniatowski, publié en 1991, Que survive la France. À force de retarder les décisions douloureuses, nous les rendons plus douloureuses encore. À force de différer, nous préparons les conditions d’une déflagration catastrophique.
M. le président. Votre temps est terminé !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. C’est à nous, parlementaires, qui avons l’honneur de représenter la Nation, qu’il incombe de nous en charger. Ne nous dérobons pas devant ce devoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, j’ai trois minutes pour vous dire que le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est certes en hausse de 10 % en autorisations d’engagement. Certes, le Sénat a été entendu, ce qui n’est pas toujours le cas, concernant la construction en 2018 de 3 000 nouvelles places pour les réfugiés dans les centres provisoires d’hébergement.
Toutefois, sur ce budget, trois grandes difficultés persistent.
La première, c’est une politique d’intégration en grande souffrance. Au-delà des mots, je donnerai deux exemples concrets.
La réduction de 76 % du nombre de visites médicales de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, entre 2016 et 2017, pose incontestablement un grave problème de santé publique, notamment dans les universités. De plus, près de 40 % des étrangers qui suivent les formations linguistiques du contrat d’accueil et d’intégration n’atteignent pas le niveau de français requis.
Alors que vous proposez, au travers du projet de loi de finances, une augmentation de 12 % des crédits consacrés à l’immigration régulière, il nous faut revoir, je le crois sincèrement, toute cette politique d’intégration. Au sein de celle-ci, il conviendrait sans doute d’abroger rapidement les circulaires dites « Valls » de novembre 2012, qui ont contribué par ailleurs à augmenter de 31,5 % le nombre de régularisations d’étrangers en situation irrégulière et qui constituent, de ce fait, un véritable appel d’air pour les passeurs.
J’en viens à la deuxième difficulté, les déboutés du droit d’asile. L’année dernière, environ 53 600 déboutés sont venus « engorger » – pardonnez-moi cette expression – le système d’accueil des demandeurs d’asile, au détriment des personnes persécutées dans leur pays ou victimes de la guerre ; ils alimentent bien sûr l’immigration irrégulière.
C’est bien là la troisième grande difficulté : l’immigration irrégulière en métropole, mais également sur nos territoires ultramarins.
Sur ce point, les crédits sont en baisse de 7 % par rapport à 2017. Certes, monsieur le ministre d’État, la fin du démantèlement de la jungle de Calais peut expliquer pour partie ce chiffre. Néanmoins, cet argument ne résiste pas longtemps à l’analyse, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, les 10,5 millions d’euros du démantèlement de la jungle de Calais auraient très bien pu être utilisés pour améliorer la politique d’éloignement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Je rappelle que, pour la seule année 2016, quelque 75 587 personnes se sont maintenues sur le territoire français sans en avoir le droit. Nous ne pouvons pas, les uns et les autres, ignorer cette réalité.
Ensuite, l’enveloppe budgétaire dédiée aux éloignements forcés ne permettra, selon nos calculs, que 14 500 éloignements en 2018, c’est-à-dire nettement moins que sous le mandat précédent. Il faut, si l’on veut tenir l’engagement pris par le Président de la République, nettement augmenter les moyens de nos forces de police.
Enfin, le budget des centres de rétention administrative est légèrement inférieur à l’exécution de 2016, alors que leur taux d’occupation a augmenté de 40 %, notamment à la suite des malheureux événements de Marseille. Pour cela aussi, il faut se redonner les moyens.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Face à l’impatience de M. le président de séance, je m’en tiendrai à exprimer, sur les crédits de cette mission, l’avis de la commission des lois, qui est défavorable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce budget est essentiel, puisqu’il semble traduire la volonté du Gouvernement de mieux maîtriser les flux migratoires, optimiser le dispositif de l’asile et renforcer les moyens dédiés à l’intégration.
Nous avons tous conscience de l’importance de ces enjeux sensibles et de notre responsabilité à en débattre sereinement.
La mission « Immigration, asile et intégration » est dotée de 1,3 milliard d’euros de crédits et progresse ainsi de 285 millions d’euros. Je tiens à saluer la décision du Gouvernement d’augmenter les moyens alloués aux dispositifs pour répondre à la pression migratoire exceptionnelle que connaît la France. Compte tenu du contexte budgétaire contraint, c’est évidemment une avancée.
En commission, notre rapporteur a présenté de nombreux chiffres. Certains d’entre eux se sont révélés incomplets. En effet, notre collègue Thani Mohamed Soilihi l’a lui-même souligné : l’immigration clandestine est mesurée à travers les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Or cette aide n’est pas applicable à Mayotte. Pourtant, vous en conviendrez, monsieur le ministre d’État, le recensement des clandestins est essentiel pour apporter une réponse adaptée.
Si les pressions migratoires auxquelles font respectivement face la Guyane et Mayotte sont souvent évoquées dans nos débats, la gravité de la situation reste largement sous-estimée. J’aimerais donc prendre un instant pour illustrer avec quelques chiffres l’ampleur de ces phénomènes.
Premier chiffre : le nombre moyen de reconduites à la frontière effectuées chaque année à Mayotte depuis 2010 est de 18 000. En 2016, ce sont plus de 22 600 retours qui ont été opérés. À titre de comparaison, le ministère de l’intérieur a annoncé pour la même année près de 13 000 reconduites aux frontières de l’Hexagone. Je rappelle que Mayotte détient par ailleurs le taux de natalité le plus élevé de France et que 70 % des femmes qui y accouchent sont en situation irrégulière.
Le second chiffre concerne la Guyane : le nombre de demandes d’asile enregistrées au cours des trois dernières années est de 11 000. Notons que ces demandes concerneraient au total plus de 20 000 personnes en comptant les familles. Là encore, c’est comme si la France comptabilisait chaque année près d’un million de demandeurs d’asile sur son seul territoire hexagonal.
Mes chers collègues, demander l’asile est un droit qu’il n’est pas question de remettre en cause. Mais c’est une réalité, la Guyane est aujourd’hui trop attractive pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas en besoin manifeste de protection. En 2016, seuls 2,6 % des dossiers ont été acceptés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA.
Les reconduites à la frontière sont importantes, mais elles sont coûteuses et souvent insuffisantes. Il nous faut aller plus loin, innover et développer des mesures structurelles.
En octobre dernier, le Président de la République a annoncé en Guyane plusieurs mesures qui visent le même objectif : la réduction à deux mois du versement de l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, l’accélération des délais de traitement, le conditionnement de l’accès au revenu de solidarité active à quinze ans de résidence sur le territoire plutôt qu’à cinq ans ou encore la démonétisation du revenu de solidarité.
Récemment, un nouvel élan vient également d’être donné à la coopération avec le Surinam, voisin de la Guyane. Cela donne bon espoir que l’accord de réadmission signé en 2004 soit prochainement ratifié par notre voisin surinamais.
Par-delà ce budget, nous devons nous satisfaire de voir le chef de l’État et le Gouvernement ouverts à un dialogue franc et responsable sur la manière de mieux lutter contre l’immigration irrégulière dans ces territoires au bord de l’asphyxie.
Je souhaiterais maintenant appeler votre attention sur un autre point : la situation des mineurs non accompagnés ou isolés et l’accompagnement des départements. Le nombre croissant de ces jeunes se déclarant mineurs et isolés – passant de 4 000 en 2010 à 13 000 en 2016 pour atteindre près de 25 000 en 2017 – entraîne la saturation des dispositifs de protection de l’enfance. Les départements, qui doivent accueillir et prendre en charge ces mineurs, ne pourront faire face à cette évolution sans le soutien de l’État.
Le Premier ministre et la ministre de la santé ont confirmé un financement exceptionnel de l’État en 2018. Cependant, l’enveloppe de 132 millions d’euros annoncée semble en deçà de l’évaluation effectuée par l’Assemblée des départements de France, selon laquelle le coût total de la prise en charge des mineurs isolés s’élèverait à 1 milliard d’euros. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous éclairer sur cette situation d’urgence ?
Enfin, comment évoquer tous ces sujets sans penser aux drames humains qui se jouent en Méditerranée ? Éligibles ou non à l’asile, nous devons assistance à ces victimes de trafiquants qui, lorsqu’elles ne sont pas poussées à la mort en mer, sont vendues sur des marchés d’esclaves – c’est un véritable scandale mondial –, rappelant les heures les plus sombres de notre histoire.
C’est cette même assistance que l’aide médicale d’État, l’AME, apporte quotidiennement aux personnes étrangères sur le territoire national. Il faut le rappeler, cette aide vise un double objectif, humanitaire et sanitaire. Aussi, nous ne pouvons que regretter que la majorité sénatoriale ait décidé de diminuer ses crédits de 300 millions d’euros.
Ces situations en sont la preuve : en outre-mer comme dans l’Hexagone, les défis migratoires, d’asile et d’intégration ont profondément changé. Les réformes à venir ne peuvent donc se contenter d’être conjoncturelles.
Monsieur le ministre d’État, notre groupe soutiendra ce projet de budget, qui va dans le bon sens en prévoyant une hausse significative des crédits pour 2018. L’attention portée par le Gouvernement sur ces sujets et les efforts consentis dans cette mission marquent le point de départ de réformes ambitieuses capables de répondre, avec responsabilité et dignité, aux défis migratoires de la France et de ses outre-mer.
Nous espérons que le Gouvernement poursuivra ce travail avec le projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 14 novembre dernier, la chaîne américaine CNN révélait au monde ce que nombre d’acteurs de la solidarité internationale dénonçaient déjà : la vente d’exilés noirs sur des marchés aux esclaves en Libye.
Ce trafic, qualifié par le président Macron lui-même de crime contre l’humanité, devrait nous ouvrir les yeux sur le sort de ceux qui sont jetés sur les routes ou à la mer par la misère, la guerre ou l’oppression. Il devrait nous ouvrir les yeux, dis-je, et nous inciter à une certaine pudeur.
Tous n’en semblent pas capables, hélas ! Je cite M. le rapporteur spécial : « L’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, est de 360 euros pour une personne seule non hébergée. Sans aller chercher au bout du monde, le salaire minimal en Roumanie est de 320 euros… Nous attirons l’immigration clandestine. » Pouvons-nous un instant décemment imaginer que des gens acceptent d’être réduits en esclavage, prennent le risque de se noyer dans la Méditerranée, de mourir en traversant nos montagnes, pour ces fameux 360 euros ?
Cette mission est de fait biaisée d’avance. Mettre ensemble « immigration, asile et intégration » est un tour de passe-passe politique visant à mêler, dans l’esprit de nos concitoyens, trois problèmes différents, et permettant à certains d’évoquer à tout propos et hors de propos, comme le fait le rapporteur spécial, M. Meurant, la « menace » qui pèserait sur notre « cohésion sociale ». Habile, n’est-ce pas ?
En 2016, notre pays a enregistré 1,17 demande d’asile pour 1 000 habitants, contre un taux moyen de 2,36 dans l’Union européenne, de 1,99 en Italie, de 4,61 en Grèce et de 8,83 en Allemagne. Avec 1,17 demande pour 1 000 habitants, comment pourrions-nous dire que nous n’avons pas les moyens d’accueillir ces réfugiés décemment ?
La hausse prévue par le budget dont nous débattons aujourd’hui ne saurait suffire à garantir ni un accès effectif à leurs droits pour les demandeurs d’asile ni des conditions dignes de subsistance.
Ce budget est finalement une illustration parfaite de ce qui caractérise le nouvel exécutif : une distorsion permanente entre les mots et les actes.
Le Président s’offusque, s’indigne et assure que tout le monde sera logé dignement d’ici à la fin de l’année. Dans le même temps, les préfets prennent des décisions illégales, les forces de l’ordre attentent chaque jour dans le Calaisis, dans la Roya, à Briançon, à la sécurité et à la santé des exilés, sans compter que M. Collomb envoie une circulaire aux préfets pour augmenter la répression à l’endroit des réfugiés. C’est une contradiction supplémentaire de ceux qui nous gouvernent !
Dans le même temps, des mineurs ne sont pas protégés, ils dorment dans la rue, certains étant même renvoyés depuis Menton vers l’Italie sans autre forme de procès. Dans le même temps, les militants associatifs, les bénévoles et les simples citoyens font l’objet de poursuites et d’intimidations de plus en plus nombreuses quand ils font simplement preuve d’humanité et de solidarité.
Nous ne voterons pas ces crédits, mes chers collègues, car ils sont à nos yeux tout à fait insuffisants pour relever le défi de l’accueil des réfugiés, tandis que la majorité sénatoriale, elle, votera contre aussi, mais parce que le budget des reconduites à la frontière est en baisse : un même vote, donc, traduisant en l’occurrence deux visions radicalement opposées de notre société et des devoirs de solidarité humaine qui s’imposent à elle, hors de tout prétendu irénisme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les points de vue assez opposés des différents intervenants au cours de notre discussion démontrent le besoin de réforme en matière d’immigration et de droit d’asile.
De l’immigration à l’intégration, en passant par le droit d’asile, tout est interdépendant, et la solidité de la chaîne ne tient qu’à celle du maillon le plus faible. Et les maillons faibles sont nombreux.
Notre approche budgétaire concerne le volet franco-français. Ce n’est pourtant qu’une partie du débat tant ce qui se déroule sur le continent africain, dans la zone subsahélienne en particulier, en Afrique de l’est, en Libye ou encore au Moyen-Orient a de l’importance. À cet égard, je mets à part les questions concernant la Guyane et Mayotte, qui ont été évoquées par M. Karam avec beaucoup plus de pertinence que je ne pourrai le faire.
Nous avons à gérer des cercles concentriques, mes chers collègues. Si l’on se rapproche du territoire européen, le fonctionnement des accords de Dublin est en cause, avec l’exercice effectif des responsabilités par les pays d’arrivée. Nous savons que ces engagements ne sont pas aussi respectés que nous aurions pu le souhaiter. Cela pose aussi le problème d’une équité entre les pays européens avec, en arrière-plan, le débat sur le programme de relocalisation, qui est un peu la contrepartie à envisager si nous tenons au respect intégral des accords de Dublin.
La lutte contre l’immigration irrégulière soulève des questions budgétaires, mais son efficacité dépend aussi des accords dits « de réadmission ». Si la question du nombre effectif de mesures d’éloignement dépendait uniquement du budget alloué, la réponse aurait été trouvée depuis longtemps. Nous savons, mes chers collègues, que cette question est plus complexe qu’une simple écriture budgétaire.
Je crois profondément que, si le programme 303, « Immigration et asile », doit faire l’objet d’une discussion budgétaire classique – c’est notre mission –, les enjeux sont ailleurs, à la fois dans la vision internationale des choses, comme dans la refonte de la mise en œuvre du droit d’asile.
J’espère, monsieur le ministre d’État, que vous pourrez nous en dire plus sur les projets du Gouvernement en cette matière.
Si j’en reviens à l’approche strictement budgétaire, l’essentiel des crédits va à la garantie du droit d’asile, avec une augmentation importante en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Votre budget, monsieur le ministre d’État, doit au moins être crédité d’une recherche de réalisme et de sincérité, en mettant fin à une sous-estimation systématique des dépenses dans ce domaine.
L’inflexion me semble notable et favorable, même si j’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur pour avis, Sébastien Meurant, qui, de manière peut-être légèrement paradoxale – s’il est permis de l’exprimer avec le plus grand respect –, a mis en balance à la fois ce qu’il estimait être une forme d’insincérité et une augmentation très forte des crédits sur cette fameuse garantie.
Bien sûr, le nombre d’éloignements forcés budgétés en 2018 est un indicateur important ; comme l’indique François-Noël Buffet, il s’établit à 14 500. Toutefois, je le répète, examiner sous ce seul angle le budget dont il s’agit, c’est réellement se livrer à un constat réducteur : l’efficacité de ces dispositifs dépend d’éléments bien plus larges que les seules données budgétaires.
À mon tour, je relève l’importance, pour la crédibilité de l’action gouvernementale, d’une efficacité réelle et d’un traitement différencié entre les personnes qui peuvent bénéficier du droit d’asile et les migrants dits « économiques ».
Le délai de quinze mois, mentionné en commission, pour traiter les demandes du droit d’asile à l’heure actuelle n’est pas acceptable. Il convient de comprendre comment nos voisins allemands ont pu réformer leur système tout en respectant, d’une part, les dispositions de leur loi fondamentale, et, d’autre part, les principes énoncés par leur Cour constitutionnelle, qui n’est pas moins exigeante que la nôtre, et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH.
Enfin, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais savoir en quel sens vous analysez l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 septembre 2017, portant interprétation du règlement de l’Union européenne n° 604/2013. J’espère que vous pourrez nous éclairer : je serai attentif à votre réponse.
Doit-on comprendre que cette question peut être traitée par la voie législative française, comme le pensent nombre de nos collègues à l’Assemblée nationale ? Doit-on comprendre, à l’inverse, qu’elle nécessite une réforme du règlement européen et du dispositif de Dublin ?
L’ensemble de ces points me paraît correspondre, au moins partiellement, aux trois domaines distingués avec justesse par M. le rapporteur pour avis. Dans leur majorité, les élus du groupe Union Centriste suivront donc l’avis de ce dernier.
Néanmoins, monsieur le ministre d’État, je vous renouvelle l’approbation que m’inspirent les efforts budgétaires marqués qu’accomplit, à ce titre, le Gouvernement. Je vous appelle à un dialogue avec le Parlement, afin d’améliorer l’efficacité des mesures actuelles et afin de nous permettre d’avancer pour la réforme du droit d’asile. Dans ce cadre, il faudra apprécier ce qui relève du législateur français et du droit de l’Union européenne, au-delà des enjeux de négociation ou de renégociation de nombre d’accords bilatéraux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’asile et l’immigration représentent deux politiques distinctes,…
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Certes !
M. Jean-Yves Leconte. … qui ne devraient pas être discutées ensemble : un tel choix porte à confusion.
Bien entendu, il existe des intersections entre ces deux politiques. Dans certains cas, on peut faire usage du droit d’asile pour rester sur le territoire ; la politique de gestion des maintiens en situation irrégulière concerne, pour partie, les déboutés du droit d’asile ; enfin, il faut songer à l’intégration des personnes protégées.
Toutefois, l’asile, c’est d’abord un droit pour chacun. Pour la France, c’est un engagement. C’est une traduction de nos valeurs, un principe constitutionnel et un engagement conventionnel.
À cet égard, je salue les orientations de la politique d’asile menée par le Gouvernement et, avant tout, les initiatives déployées entre 2012 et 2017 : les délais d’étude des demandes d’asile ont ainsi été profondément réduits. Aussi, je rends hommage à l’action déployée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et par la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.
Néanmoins, il convient aujourd’hui de faire d’autres efforts.
En amont, il faut garantir un meilleur accueil des demandeurs d’asile. Les délais d’enregistrement d’une demande d’asile restent scandaleusement longs : en la matière, notre pays ne respecte pas les directives européennes.
En aval, c’est-à-dire une fois que les demandeurs d’asile sont protégés, ils doivent avoir le maximum de chances d’être intégrés, le plus vite possible, au sein de la société française.
À ce titre, je salue également le travail accompli par l’OFPRA, sans oublier le ministère de l’intérieur et nos consulats, pour la délivrance de visas pour asile. Cette action peut sembler modeste, au regard du nombre de demandeurs d’asile, mais elle est essentielle et mérite d’être développée. Il n’est pas acceptable que certains soient obligés de risquer leur vie et celle de leur famille pour faire valoir leurs droits, pour être protégés. Je salue les orientations fixées, en la matière, par le Président de la République.
Néanmoins, monsieur le ministre d’État, le paquet « Asile » en cours de négociation nous inspire quelques inquiétudes. Je pense en particulier à la notion de pays tiers sûr, à laquelle certains États de l’Union européenne se montrent attachés. Dans cet esprit, un autre pays membre de l’Union peut remplir, à notre place, nos engagements conventionnels.
Pour ce qui nous concerne, nous estimons qu’une telle pratique aboutirait à un déni de nos engagements, à un déni de nos principes constitutionnels. Sur ce point, comment interprétez-vous les orientations du paquet « Asile » et l’incapacité des Européens à converger, du moins pour le moment ?
Un autre sujet m’interpelle. En vertu du droit en vigueur, la France ne donne pas aux demandeurs d’asile dont les démarches sont engagées depuis plus de neuf mois un droit effectif au travail. Or, à mon sens, une telle garantie serait utile, non seulement pour améliorer l’intégration des intéressés, mais aussi pour réduire les coûts de la demande d’asile.
Enfin, si nous pouvons discuter des moyens, nous pouvons également débattre d’un certain nombre d’usages qui en sont faits.
Personnellement, j’ai été très choqué du témoignage, relayé par certains journalistes, de mineurs reconduits à la frontière franco-italienne, au milieu des Alpes, par des températures négatives…
Mme Esther Benbassa. Eh oui !
M. Jean-Yves Leconte. J’ajoute que ces mineurs n’ont pas bénéficié du moindre accompagnement de l’autre côté de la frontière, en Italie.
Je m’inquiète aussi des conséquences du message que vous avez émis, après l’attentat de Marseille, avec le limogeage du préfet de Lyon.
Aujourd’hui, à bord de leur véhicule de fonction, les fonctionnaires de police parcourent parfois 800 kilomètres en une journée pour transférer, d’un bout à l’autre de la France, un étranger dont on a constaté la situation irrégulière. Nombre de centres de rétention administrative, les CRA, sont surchargés, et les personnels qui y travaillent ne peuvent pas continuer à travailler dans ces conditions. En conséquence, la dignité des personnes retenues au sein des CRA est menacée.
En outre, je déplore le non-respect l’arrêt de septembre 2013 par lequel la Cour de cassation a souligné la nécessité d’éviter les placements en CRA pour les « Dublinés ».
Dans le même temps, on continue à faire usage des tests osseux, alors même qu’il s’agit de véritables escroqueries scientifiques : ces dispositifs ne permettent en rien de résoudre le problème des mineurs non accompagnés.
De plus, je m’inquiète de l’avenir d’un espace Schengen où l’on en vient à donner un nouveau mandat à l’agence FRONTEX pour protéger les frontières, sans que les pays membres parviennent à s’accorder pour une politique d’asile plus intégrée.
On ne peut pas laisser les pays de première entrée seuls face à leur situation géographique : non seulement, l’espace Schengen risque d’exploser, mais, un peu comme l’Italie l’a fait avec les migrants venus de Libye, ces États pourraient renoncer à traiter, avec la dignité que les principes imposent, les personnes tentant d’entrer sur le sol européen.
Monsieur le ministre d’État, l’immigration n’est pas une plaie. Mieux vaut être un pays qui fait envie plutôt qu’un pays que l’on fuit.
La force d’innovation d’un pays se mesure à sa capacité à maîtriser la diversité, d’échanger des savoirs, de s’adapter aux nouveaux besoins. Or les personnes immigrées sont souvent les mieux à même de nous accompagner au cours de ces transformations : elles sont souvent les catalyseurs de transitions économiques. Gardons à l’esprit que 50 % des créateurs d’entreprise réunis au sein de la Silicon Valley ne sont pas américains.
Mme Esther Benbassa. Ce ne sont tout de même pas les mêmes étrangers…
M. Jean-Yves Leconte. Ne considérons pas l’immigration sous l’angle misérabiliste ; au contraire, voyons-la comme un phénomène positif, qui accompagne la croissance économique.
Nous avons tous été choqués par les images qu’a récemment diffusées CNN : l’esclavage moderne pratiqué au sud de la Méditerranée a provoqué une indignation mondiale. Mais, au fond, le colonel Kadhafi cachait à nos consciences ce qui existait déjà. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui nous voyons tous !
Désormais, l’Europe et l’Afrique ne peuvent plus faire semblant de ne pas voir ce qui se passe au sud de la Méditerranée. Trouvons les moyens pour éviter que de telles pratiques ne se perpétuent.
Monsieur le ministre d’État, le Président de la République a pris des initiatives en la matière. Pensez-vous que, avec nos partenaires européens et africains, nous pourrons réellement avancer dans ce domaine ? Pourrons-nous détruire les mythes qui incitent tant de personnes à courir de tels risques, à migrer dans des conditions innommables et absolument indignes ?
Mes chers collègues, notre responsabilité est lourde, d’autant que, pour réussir, les politiques mises en œuvre ne doivent pas rester exclusivement françaises : elles doivent avoir une ampleur européenne.
Or, face à ces questions, l’attitude européenne met en jeu notre crédibilité, face aux valeurs que nous proclamons. Il y va de notre capacité à assumer notre trajectoire historique et nos responsabilités ; il y va de l’expression ou la négation de notre confiance dans l’avenir et dans nos voisins.
Pour toutes ces raisons, même s’ils constatent un effort de sincérité budgétaire, les élus du groupe socialiste et républicain doutent de certaines des priorités avancées par le Gouvernement. En conséquence, ils s’abstiendront pour ce qui concerne les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2018, la mission « Immigration, asile et intégration » représente 1,35 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,38 milliard d’euros en crédits de paiement. Elle affiche ainsi une hausse de 10,44 % en autorisations d’engagement et de 26 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
Toutefois, ne nous y trompons pas, cette augmentation des crédits s’explique en réalité par les mesures d’ajustement de la politique d’asile et d’immigration qui ont été actées au gré de l’évolution de la crise migratoire. En effet, entre 2010 et 2016, le nombre de demandes d’asile en France a connu une hausse de plus de 62 %.
La différence entre le discours et les actes du Gouvernement se vérifie pour chaque composante de cette mission budgétaire, qu’il s’agisse de l’immigration régulière et de l’intégration, de l’exercice du droit d’asile ou de la lutte contre l’immigration irrégulière.
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit même une baisse des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » d’ici à 2020. Aussi ce budget appelle-t-il de nombreuses remarques.
En premier lieu, pour ce qui concerne l’immigration régulière et l’intégration des étrangers à la société française, il est difficile de comprendre la stratégie de l’exécutif. Derrière la fermeté de son discours, le Gouvernement n’envisage pas l’abrogation de la circulaire Valls du 28 novembre 2012, qui, en quatre ans, a conduit à l’augmentation de plus de 30 % des régularisations d’étrangers en situation irrégulière.
En outre, dans le présent projet de loi de finances, 240 millions d’euros sont consacrés à l’immigration régulière et à l’intégration. Ces crédits sont en augmentation de 12,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Or il s’agit de financer les nouvelles missions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, dont la priorité est non plus l’intégration, mais la prise en charge des demandeurs d’asile.
La fonction historique d’intégration des étrangers primo-arrivants se trouve ainsi fragilisée, l’asile étant devenu l’axe majeur de la politique de l’OFII.
On constate également la réduction drastique du périmètre des visites médicales des étrangers primo-arrivants. Historiquement, tous les étrangers sollicitant la délivrance d’une carte de séjour temporaire étaient soumis à une visite médicale. Cette dernière est un instrument de santé publique. Mais, aujourd’hui, seule une minorité d’étrangers primo-arrivants sont examinés. Le nombre des visites médicales a connu une baisse de plus de 76 % entre 2016 et 2017.
De même, nous déplorons l’échec du contrat d’intégration républicaine : près de 40 % des étrangers qui suivent les formations linguistiques dispensées à ce titre n’atteignent pas le niveau requis en français.
En second lieu, pour ce qui concerne l’exercice du droit d’asile, la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a échoué : nous n’avons pas atteint l’objectif fixé à ce titre, à savoir réduire le délai global des demandes d’asile. Celui-ci s’établit actuellement à plus de quatorze mois. La procédure doit être revue de fond en comble, depuis l’enregistrement de la demande jusqu’aux voies de recours.
Par ailleurs, le Gouvernement ne semble assurer aucun suivi précis des déboutés du droit d’asile, dont le nombre pour la seule année 2016 s’élevait à 53 600 personnes. Or, en engorgeant les systèmes d’accueil au détriment des personnes persécutées dans leur pays, ces déboutés fragilisent la pérennité du droit d’asile.
En troisième et dernier lieu, pour ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, on peut déplorer l’échec de la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. À titre d’exemple, pour la seule année 2016, ce sont moins de 18 % des mesures d’éloignement prononcées qui ont réellement été exécutées. Ainsi, 75 000 personnes sont restées en France en toute illégalité.
Le 15 octobre dernier, le Président de la République a annoncé son intention d’expulser les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit. Malheureusement, le Gouvernement ne mobilise pas les moyens nécessaires pour que cette volonté présidentielle soit respectée, et nous le regrettons. Au titre du projet de loi de finances pour 2018, 14 500 éloignements forcés sont budgétés : c’est moins que sous le mandat présidentiel de François Hollande.
Avec la crise migratoire que connaît l’Union européenne, dans le contexte de programmes de relocalisation européens qui verront la France accueillir des demandeurs d’asile supplémentaires, il est évident que ce budget demeure très insuffisant.
Aussi, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires ne voteront pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2018. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, trois minutes : le Front national a trois minutes pour porter la voix de la majorité de nos compatriotes,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. On ne peut pas éteindre le micro ?
M. Stéphane Ravier. … qui, malgré une propagande tous azimuts, considère non seulement que l’immigration n’est pas une chance pour la France, mais qu’elle constitue une menace pour sa sécurité, son identité et sa prospérité.
Monsieur le ministre d’État, votre politique de reconduite à la frontière, qui n’existe plus, est une mauvaise plaisanterie. Vous consacrez 1,1 milliard d’euros à votre programme 303, « Immigration et asile », soit un budget en hausse de 28 %. Et dans ce budget, une part dérisoire est allouée à la lutte contre l’immigration irrégulière, soit 82 millions d’euros : ces crédits subissent une baisse de 7 % par rapport à l’année dernière.
Le budget relatif à l’allocation pour les demandeurs d’asile relève quant à lui de la provocation : il s’établit désormais à 318 millions d’euros. Au 31 juillet 2017, quelque 80 000 étrangers bénéficiaient de cette aide. Nos agriculteurs, nos artisans, nos jeunes et beaucoup de nos retraités aimeraient percevoir autant !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seuls 18 % des expulsions ordonnées sont exécutées. En 2017, ce sont ainsi 518 000 personnes expulsables qui sont restées sur le territoire, et vous en profitez pour amputer de plus de 3 millions d’euros les crédits destinés aux expulsions.
Nous devons faire face à une explosion des demandes d’asile. Vous le soulignez vous-même : elles ont bondi de 17 % entre 2016 et 2017, et les prévisions pour les années qui viennent sont alarmantes.
Aujourd’hui, la France compte 90 000 demandeurs d’asile. Leur nombre est ainsi en augmentation de 62 % entre 2010 et 2017. Parmi eux, 45 % ont déjà fait une demande dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne via la procédure de Dublin. En vertu de ces règles, les 500 000 déboutés du droit d’asile en Allemagne peuvent demander l’asile à la France : votre obsession masochiste…
Mme Esther Benbassa. C’est de la haute psychologie !
M. Stéphane Ravier. … de protéger le lointain, y compris quand il est clandestin, au détriment de son prochain prend ici toute son ampleur.
Au cours des cinq dernières années, plus d’un million de titres de séjour ont été délivrés, 150 000 clandestins ont été régularisés et 120 000 étrangers sont devenus français : l’Imprimerie nationale tourne à plein régime.
Cette mission « Immigration, asile et intégration » démontre avec quelle détermination Emmanuel Macron et son gouvernement s’emploient non seulement à déconstruire la France, mais également à déconstruire l’unité du peuple français.
Monsieur le ministre d’État, en parfaite application des consignes reçues par l’Élysée, loin d’endiguer la déferlante migratoire, vous l’amplifiez, alors que, en parfaite application du souhait de nos compatriotes, je l’affirme à cette tribune : il est urgent de sortir des accords de Schengen,…
Mme Esther Benbassa. C’est déjà fait en partie !
M. Stéphane Ravier. … de rétablir et de contrôler nos frontières et de restreindre considérablement le droit d’asile, qui n’est trop souvent que le cache-sexe d’une immigration économique.
Mme Esther Benbassa. Après le masochisme, le cache-sexe… Magnifique !
M. Stéphane Ravier. L’ampleur de l’immigration est telle qu’elle alimente le communautarisme. Elle sonne ainsi le glas de l’intégration, et vous essayez de masquer cette situation sous le voile de la sémantique du « vivre ensemble ».
Quant au coût sécuritaire, il prend effet chaque jour, sinon dans la presse, du moins dans les commissariats, et sur les écrans du monde entier, lorsque les réfugiés se révèlent être des terrorismes islamistes.
Mme Éliane Assassi. Arrêtez vos délires !
M. Stéphane Ravier. Il faut regarder la vérité en face : elle vous rendra libres, mes chers collègues !
Si l’immigration est une chance pour le grand patronat, pour les syndicats résiduels, pour les idiots utiles des partis de gauche…
M. Alain Duran. Merci !
M. Stéphane Ravier. … et pour les couards des partis de droite, elle constitue un terrible fardeau et un danger pour notre cohésion nationale.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue. Un peu d’ordre et de discipline…
M. Stéphane Ravier. Pour conclure, monsieur le ministre d’État, libérez-vous de vos lectures et de votre dogme. Écoutez le peuple français, il est si généreux,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Mais il ne vous a pas élu !
M. Stéphane Ravier. … mais il n’en peut plus de se sentir de plus en plus étranger dans son propre pays ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)
Mme Esther Benbassa. Au revoir !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
Mme Éliane Assassi. Ah, un peu de modération !
Mme Esther Benbassa. Un peu d’humanisme !
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 12 juillet dernier, le Gouvernement a rendu public son plan d’action destiné à garantir le droit d’asile et à mieux maîtriser les flux migratoires. Il est indéniable que les priorités fixées au sein de la mission « Immigration, asile et intégration » correspondent à ces engagements. Je pense notamment au deuxième objectif : redonner sa pleine portée au droit d’asile.
De fait, les efforts budgétaires en faveur de l’amélioration de l’exercice de ce droit sont importants. L’action n° 02, Garantie du droit d’asile, qui, dans l’exercice précédent, concentrait déjà 67 % des crédits de la mission, en couvre désormais 71 %.
À ces fonds s’ajoutent les crédits de l’action Accompagnement des réfugiés, au sein du second programme « Intégration et accès à la nationalité française », lesquels doublent presque par rapport à l’année dernière.
En outre, il faut prendre en compte les crédits ventilés dans tout le budget et qui concourent indirectement à la réalisation de cette mission. Je pense aux moyens des préfectures, et surtout aux budgets attribués à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, laquelle est rattachée au Conseil d’État et aux juridictions administratives, au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Ces efforts budgétaires devraient permettre de réduire les délais d’examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié ou de protection devant l’OFPRA et des recours formés devant la CNDA. Il s’agit d’une première étape dont nul ne peut contester la nécessité.
La priorité actuelle est d’agir face à une situation d’urgence découlant de la déstabilisation de pays de la rive sud de la Méditerranée qui agissaient jusqu’alors comme des régulateurs et pour la mise en œuvre du règlement Dublin III. Adopté en 2013, ce règlement énonce le principe suivant : « Le pays dans lequel a été formulée la demande d’asile est celui qui est chargé de son instruction et de la décision finale. »
Il faudra ensuite se poser la question d’un rééquilibrage entre la force reconnue au droit d’asile et celle du titre de séjour engageant un parcours d’intégration, dans la perspective d’acquérir la nationalité française.
Pour des raisons aisément compréhensibles, de nombreuses personnes en situation d’immigration illégale sont tentées de solliciter le droit d’asile ou la protection subsidiaire auprès de l’OFPRA, afin de régulariser leur présence sur le sol français, et inversement.
Les parcours juridiques tendent donc à s’entremêler. Une confusion entre immigration et asile se manifeste également de façon de plus en plus récurrente dans les médias.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Guillaume Arnell. Sur le plan administratif, ce phénomène a pour conséquence le développement d’une administration et d’une juridiction propres à l’asile, lesquelles sont animées principalement par de jeunes diplômés recrutés comme agents contractuels. La détresse des demandeurs se double donc parfois de l’inexpérience des agents qui leur font face.
À terme, un rapprochement des services examinant les demandes de titres de séjour, d’asile et de protection subsidiaire pourrait donc être envisagé. Cette solution permettrait de mieux orienter les personnes vers les procédures correspondant à leur situation réelle, tout en réduisant les coûts d’examen et de recours juridictionnel.
Il faut redonner à l’asile son sens premier, tel que défini par l’article 120 de la Constitution de 1793, en vertu duquel le peuple français « donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » et « le refuse aux tyrans. »
Une meilleure distinction entre l’asile et l’immigration passe également par la revalorisation du parcours d’intégration proposé aux personnes immigrées arrivant en France. De ce point de vue, le lancement d’une mission parlementaire sur la refonte de la politique d’intégration par le ministère de l’intérieur est une bonne nouvelle.
À l’instar des États à l’échelle européenne, les territoires français ne sont pas tous exposés de la même manière aux phénomènes migratoires : les zones frontalières, et particulièrement les îles françaises les plus éloignées, sont les premières touchées.
Mon territoire, Saint-Martin, est un cas d’école. Bien sûr, il n’est pas le seul concerné : je pense aussi à la Guyane et à Mayotte. Mais il est le seul à cumuler les deux facteurs. Cette situation justifierait que le député Aurélien Taché nous rende visite dans le cadre de sa mission sur la refonte de la politique d’intégration.
Selon une récente évaluation de la Direction générale de l’outre-mer, plus de 30 % des habitants de l’île de Saint-Martin sont nés à l’étranger. Il s’agit principalement de ressortissants de l’île d’Hispaniola.
L’absence de frontière étatique physique sur l’île tend également à favoriser l’installation de populations immigrées dont la précarité s’est accrue après les désastres causés par l’ouragan Irma. Une révision des modalités de contrôles s’impose donc.
En outre, il devient extrêmement urgent de repenser les différents parcours d’intégration républicaine. Il faut les adapter à chaque âge de la vie, afin de donner à chacun la faculté de s’insérer dans la société française, non seulement comme des agents économiques, mais aussi comme d’authentiques citoyens.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guillaume Arnell. Je conclus, monsieur le président.
Cette question n’est pas abordée de la même manière dans les territoires français qui luttent contre le dépeuplement et la désertification administrative.
En définitive, et en conclusion, l’immigration n’apparaît plus comme un phénomène épisodique, mais comme un processus durable, qui se renforcera probablement du fait des évolutions climatiques. La France, bien que n’ayant plus la capacité d’accueillir toute la détresse du monde, doit continuer à en prendre sa part, en veillant à ne pas mettre en péril les équilibres sociaux, sociétaux et territoriaux.
Conscients des efforts budgétaires consentis en cette période, les élus du groupe du RDSE porteront un regard bienveillant sur les crédits de cette mission et apporteront leur soutien au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ne disposant que de quatre minutes pour intervenir, je focaliserai mon propos sur un seul axe de la présente mission : la maîtrise des flux migratoires et, plus spécialement, la lutte contre l’immigration irrégulière.
Notre politique migratoire, notre droit d’asile et nos efforts pour favoriser une bonne intégration des personnes immigrées en situation régulière ne peuvent être pleinement efficaces que si, en même temps – passez-moi l’expression ! –, nous luttons sans ambiguïté contre l’immigration irrégulière.
Force est, hélas, de constater que la baisse notoire des fonds destinés à ce poste en crédits de paiement – les précédents orateurs ont rappelé qu’ils étaient en repli de 7,1 % –…
M. Alain Dufaut. … est en totale contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement.
Oui, monsieur le ministre d’État, cette lutte est incontestablement le parent pauvre de la présente mission, dont elle ne représente que 6 % des crédits totaux.
À présent, entrons dans le détail de ces crédits, qui atteindront 82,82 millions d’euros en 2018. Je le rappelle à mon tour, quelque 40,4 millions d’euros permettront le financement des vingt-sept centres de rétention administrative, ou CRA, dont vingt-trois en métropole et quatre outre-mer. Au total, ces centres représenteront 1 780 places. S’y ajouteront quatre locaux de rétention administrative et la zone d’attente des personnes en instance de départ à l’aéroport de Roissy. Enfin, 30 millions d’euros seront consacrés aux frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
J’insiste : tous ces montants sont manifestement insuffisants par rapport à la réalité des besoins.
Ainsi, les crédits de frais d’éloignement, que je viens d’évoquer et qui représentent 30 millions d’euros, sont en baisse de 10 % par rapport à 2017, alors que les correctifs que vous souhaitez apporter à la sous-occupation chronique des CRA vont automatiquement augmenter le nombre des candidats au retour, sans compter que les rétentions peuvent désormais durer jusqu’à quarante-cinq jours.
Une baisse des crédits à destination des CRA est, en effet, particulièrement dommageable dans un contexte de crise migratoire qui conduira inévitablement à une augmentation considérable des placements en rétention.
Comme l’écrit fort justement François-Noël Buffet dans son rapport, pour le seul premier semestre de 2017, l’augmentation du taux d’occupation était déjà de 66 %.
Actuellement, le nombre d’étrangers en situation irrégulière sur le sol français est certainement supérieur à 400 000. Il suffit de constater que le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État, l’AME, était de 311 310 à la fin de l’année 2016 : il affichait, ainsi, une augmentation de 49 % par rapport au 31 décembre 2011. Ces chiffres permettent d’imaginer le nombre réel des étrangers illégaux.
L’éloignement des étrangers en situation irrégulière doit donc être une vraie priorité si l’on veut rendre leur crédibilité à nos politiques d’immigration. Faut-il rappeler que 92 000 mesures d’éloignement ont été prononcées en 2016 et que seuls 18 % d’entre elles ont réellement été exécutées, par un éloignement forcé, aidé ou encore spontané ?
Il faut donc se donner les moyens d’agir et renégocier avec les pays d’origine, en particulier le Maroc, la Tunisie et le Pakistan, afin de multiplier ces retours. La tâche s’annonce difficile, c’est vrai, mais les laissez-passer consulaires devraient aboutir à des résultats nettement supérieurs.
Monsieur le ministre d’État, voilà ce qu’il faudrait faire. Mais les chiffres annoncés pour cette mission démontrent que votre gouvernement sera, en 2018, dans l’incapacité de tenir ses engagements en matière d’éloignement forcé.
Mes chers collègues, c’est pourquoi nous sommes, au sein du groupe Les Républicains, pleinement d’accord avec l’avis défavorable émis par la commission des lois au titre des crédits qui nous sont proposés aujourd’hui dans le projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le mot qui m’est venu à l’esprit en examinant les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » est : « partagé ».
« Partagé », parce qu’il est indéniable que les crédits de la mission augmentent fortement par rapport à 2017. Un effort est donc réalisé par le Gouvernement pour, notamment, accueillir dans de meilleures conditions les demandeurs d’asile, créer plus de places d’hébergement et mener une politique d’intégration plus volontariste.
Je suis parfaitement d’accord avec l’intention du Président de la République de réduire les délais de traitement des demandes d’asile de douze à six mois. Partagé, toutefois, car la politique d’immigration menée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre d’État, reste assez floue, et car nous ne pouvons que constater un décalage entre discours et réalité.
L’immigration regroupe énormément de facteurs dont tout le monde connaît la sensibilité dans notre pays et en Europe. Rien n’est simple dans ce domaine, et l’équilibre est souvent très fragile entre humanité et réalisme. Ainsi les réponses à apporter à ces questions, qui concernent des femmes et des hommes fuyant des situations humaines parfois extrêmement difficiles dans leurs pays d’origine, sont-elles complexes.
Nos politiques d’intégration, depuis plus de quarante ans, se sont souvent traduites par des échecs ; la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années, car la pression migratoire a été extrêmement forte, notamment en 2015. Ce problème est en outre de plus en plus aigu, car nous devons intégrer des gens venus de plus en plus loin et qui, pour certains, ne partagent aucune de nos valeurs culturelles.
Ainsi, je considère que ce budget pose de nombreuses questions auxquelles le Gouvernement ne répond pas vraiment.
François-Noël Buffet fait observer dans son rapport que, pour la seule année 2016, plus de 75 000 personnes se sont maintenues sur le territoire français malgré la mesure d’éloignement prononcée à leur encontre. De fait, seules 18 % des mesures d’éloignement sont exécutées.
Il est bien évidemment trop tôt pour juger certaines politiques du chef de l’État, mais nous regarderons avec attention ses engagements, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre d’une « vraie politique de reconduite aux frontières » sur laquelle il a beaucoup insisté.
En outre, je constate avec regret que les crédits de ce budget consacrés à l’immigration irrégulière baissent de 7 %. Je déplore aussi la suppression de l’aide aux communes.
Au-delà du territoire métropolitain, la Guyane et Mayotte sont confrontées à une explosion de l’immigration clandestine qu’il est bien difficile de juguler et qui pose d’énormes difficultés aux populations locales.
Au niveau européen, certains pays, comme l’Italie, la Grèce ou Chypre, se sentent souvent bien seuls face aux réfugiés arrivant sur leurs côtes. Alors que, d’un autre côté, le groupe de Visegrad refuse ouvertement les politiques migratoires de solidarité définies par Bruxelles.
Certains chiffres résument tout sur les difficultés d’avoir une politique efficace en matière d’immigration et d’asile. Ainsi, seuls 23 % des franchissements irréguliers d’une frontière extérieure de l’Union européenne font l’objet d’un prélèvement d’empreintes digitales… Que fera la France, que fera l’Europe, si, demain, l’accord conclu avec la Turquie en mars 2016 est remis en question, parce que M. Erdogan décide de faire pression sur les pays de l’Union ?
En conséquence, mes chers collègues, même si ce budget est en augmentation je ne puis que le trouver en décalage avec la réalité. Selon moi, nombre de faits et de chiffres sont sous-estimés ou pas du tout pris en compte. Aussi, monsieur le ministre d’État, doutant de l’efficacité de vos politiques, je voterai contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » se montent à 1,383 milliard d’euros, en hausse de 26 % par rapport à 2017.
Leur examen par le Sénat est surtout l’occasion pour moi de vous présenter notre politique en ce domaine et les moyens par lesquels nous entendons la mettre en œuvre.
Je commencerai par donner quelques chiffres, car on en donne parfois qui sont inexacts.
Comme vous le savez, l’Europe est confrontée depuis 2014 à une crise migratoire sans précédent. Cette situation est évidemment le fait de personnes fuyant le théâtre de guerre irako-syrien ou des pays dans lesquels l’insécurité est forte, mais, au-delà de ces réfugiés, on observe aussi un flux grandissant de migrants à caractère économique, venant de pays considérés comme sûrs.
Après les pics enregistrés depuis 2014, en particulier les 1,290 million de demandes d’asile déposées en 2016, 2017 a marqué une inflexion en Europe, puisque, sur les sept premiers mois de l’année, 410 000 personnes ont demandé l’asile. La tendance n’est toutefois pas la même en France : alors que, en 2016, 85 726 demandes avaient été enregistrées, nous en avons reçu 71 699 sur les six premiers mois de cette année.
Cette hausse de la demande d’asile provient de plusieurs facteurs.
D’abord, l’Italie a dû faire face à une arrivée croissante de migrants venus de Libye : 180 000 en 2016 et 91 000 depuis le début de cette année, même si une rupture a été constatée en juillet et, surtout, en août – moins 56 % et 70 % respectivement. On considère qu’il y a aujourd’hui environ 180 000 personnes dans les différents centres en Italie. Nombre des personnes arrivées dans ce pays cherchent à passer la frontière française. Ainsi, 1 000 personnes sont interceptées chaque semaine à la frontière de Vintimille, et une centaine d’autres dans les Hautes-Alpes.
Ensuite, une nouvelle route de migration est en train de s’ouvrir, passant par l’Espagne : 25 000 arrivées depuis le début de l’année, soit une hausse de 105 %.
Enfin, la hausse de la demande d’asile vient aussi de personnes déboutées dans les autres pays européens. Vous savez qu’il y a eu en Allemagne – pour ne prendre que cet exemple – 750 000 demandeurs d’asile en 2015 et 475 000 en 2016. Aujourd’hui, 300 000 personnes environ ont été déboutées, mais 80 000 seulement ont été reconduites.
Si donc nous ne prenions pas un certain nombre de mesures, nous serions confrontés à une situation qui deviendrait insupportable.
Face à ces défis, la position du Gouvernement est claire : tous ceux qui sont réfugiés des théâtres de guerre ou victimes de persécutions politiques, religieuses ou ethniques dans leur pays ont un droit imprescriptible à l’asile ; mais la dynamique migratoire que l’on observe et qui résulte de migrations à caractère économique, souvent organisées par des réseaux de passeurs internationaux, nous entendons y mettre fin, en agissant dans plusieurs directions.
Ainsi, vous savez qu’une proposition de loi relative à la procédure applicable aux transferts « Dublin » sera examinée après-demain à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, le Gouvernement présentera un projet de loi destiné à réduire le délai d’examen de la demande d’asile à six mois. Cela nous permettra de dire qui a effectivement droit à l’asile et qui n’y a pas droit et doit être éloigné.
Pour le présent, nous essayons de conclure un accord avec les pays d’arrivée considérés comme sûrs. Je me suis rendu avec le Président de la République à Abidjan, où nous avons discuté avec l’ensemble des dirigeants de ces pays, de manière à pouvoir maîtriser une immigration économique irrégulière qui, souvent, les met eux-mêmes en difficulté.
Pour mener cette action, nous visons le renforcement des capacités des forces de sécurité locales, afin de lutter contre les réseaux de passeurs et d’assurer le traitement judiciaire de cette criminalité.
Nous visons également la facilitation de la réadmission, car c’est ainsi que nous parviendrons à dissuader un certain nombre de départs. En 2016, 40 % des mesures d’éloignement prononcées concernaient des nationalités couvertes par un accord de réadmission bilatéral ou européen. Avec nos partenaires européens, je souhaite que nous renforcions encore cette politique de réadmission, en la liant, si besoin était, à notre politique de visas.
Enfin, nous développons notre soutien à l’enrichissement de l’état civil par des éléments de biométrie, qui permettra notamment de disposer de manière certaine d’informations sur la nationalité et l’âge des migrants, et donc d’obtenir des laissez-passer consulaires.
La lutte efficace contre l’immigration irrégulière repose aussi sur une politique d’éloignement crédible. À cet égard, je tiens à souligner que nous enregistrons déjà des premiers résultats : depuis le début de l’année, le total des éloignements a augmenté de 8 % pour s’établir à 15 098 à ce jour ; en particulier, les éloignements forcés ont augmenté de 13 % pour atteindre 12 357. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Cette évolution s’explique principalement par deux facteurs : l’augmentation des retours forcés vers les pays tiers, qui atteint près de 7 %, et la mise en œuvre des procédures de transfert prévues par le dispositif Dublin, qui ont augmenté de 114 % depuis le début de l’année, ce qui correspond à 2 166 transferts effectués.
Cette politique va se poursuivre en 2018, et le budget qui vous est soumis comprend tous les moyens nécessaires à sa conduite. En particulier, nous créerons les places nécessaires en centre de rétention administrative. (Mme Esther Benbassa s’exclame de nouveau.)
Ce n’est qu’optiquement que les crédits consacrés à cette politique apparaissent en baisse dans les « bleus » budgétaires qui vous ont été communiqués, la fermeture des camps de Calais et Grande-Synthe, naguère pris en charge par les crédits de cette mission, entraînant de moindres dépenses. À structure constante, les moyens de la lutte contre l’immigration irrégulière augmentent de 4 millions d’euros, soit plus de 5 %.
Enfin, parce que nous voulons une politique équilibrée, nous souhaitons renforcer notre politique d’intégration. En effet, c’est un enjeu de premier plan pour notre cohésion sociale que d’accompagner les étrangers auxquels nous accordons le droit d’asile ou de séjour dans leurs apprentissages linguistiques, leur formation civique et leur insertion professionnelle. Dans ce domaine, nous nous appuierons sur les conclusions des travaux menés par M. Aurélien Taché, député du Val-d’Oise.
Comment cette politique se traduit-elle dans le projet de loi de finances pour 2018 ? La dynamique constatée des flux migratoires, qui demeure soutenue, conduit mécaniquement à une hausse des dépenses de la mission. Par ailleurs, comme vous le savez, la philosophie du Gouvernement est de présenter un budget sincère, c’est-à-dire un budget qui comprenne des crédits à hauteur des dépenses attendues.
Nous avons donc souhaité budgétiser à leur juste niveau les dépenses qui concernent l’asile. Nous avons ainsi prévu le financement de 4 000 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile, 1 500 places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, ou CADA, et 2 500 autres en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile.
Le plan gouvernemental prévoit également, au titre de la refonte de nos politiques d’intégration, la création de 3 000 places en centre provisoire d’hébergement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons une politique équilibrée : oui à l’asile, non aux passeurs qui organisent des trafics et font mourir des dizaines de milliers de jeunes sur les routes du Sahel ou en Méditerranée !
immigration, asile et intégration
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Immigration, asile et intégration |
1 350 057 374 |
1 380 785 287 |
Immigration et asile |
1 068 332 435 |
1 099 099 803 |
Intégration et accès à la nationalité française |
281 724 939 |
281 685 484 |
M. le président. L'amendement n° II–380, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Immigration et asile |
83 000 000 |
83 000 000 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
83 000 000 |
83 000 000 |
||
TOTAL |
83 000 000 |
83 000 000 |
83 000 000 |
83 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Mme Esther Benbassa. Encore lui !
M. Stéphane Ravier. Eh oui, il va falloir me supporter encore un peu… Trois ans, au moins !
Le présent amendement vise à doubler les crédits consacrés à l’action n° 03 du programme 303, Lutte contre l’immigration irrégulière. L’indicateur 3.1 de l’objectif n° 3 de ce programme montre en effet que le taux des retours forcés exécutés stagne désespérément en dessous de 50 %.
En contrepartie, les crédits destinés à l’action n° 11 du programme 104, Accueil des étrangers primo-arrivants, seraient diminués à due concurrence. En effet, une partie importante de ces crédits est consacrée au regroupement familial, lequel a largement contribué à la déferlante migratoire et n’a plus sa raison d’être. Je me demande ce que l’on peut bien encore regrouper après trente ans de regroupements !
Le budget destiné aux expulsions pour 2018 ne permet de financer que 14 500 éloignements, soit moins que sous François Hollande – il fallait quand même le faire… –, qui en avait réalisé 15 000 en 2014.
Ce budget diminue même de 3,3 millions euros par rapport à 2017. Quelle incohérence révélatrice, alors que vous-même, monsieur le ministre d’État, vous drapez de bonnes intentions ! Il y a quelques jours, vous interpelliez les services de l’État à travers les préfets, pour leur demander des résultats rapides. Et voilà que vous leur donnez moins de moyens ! Vous n’êtes plus à une contradiction près…
Pour expliquer le faible nombre d’obligations de quitter le territoire français, ou OQTF, suivies d’effet, le rapport de notre commission avance que la réduction de cinq à deux jours du délai de rétention avant l’intervention du juge des libertés et de la détention a empêché l’administration de constituer des dossiers étayés. Résultat : 19,3 % des étrangers placés en rétention ont été libérés après quarante-huit heures, contre 6,35 % en 2016.
Par ailleurs, les pays d’origine ne délivrent pas suffisamment de laissez-passer consulaires. Seuls 46 % de ces documents ont été délivrés à temps. Quand ils ne le sont pas, le clandestin est relâché, et certains pays, comme le Maroc, la Tunisie et le Pakistan, refusent les éloignements groupés. Nous sommes donc condamnés par les pays dont sont originaires ces clandestins à une véritable double peine.
Il serait souhaitable, monsieur le ministre d’État, que la France tape un peu du poing sur la table, par exemple en conditionnant ses échanges commerciaux à l’acceptation des expulsions groupées et à la délivrance des laissez-passer consulaires en temps et en heure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Sur cet amendement, la commission a émis un avis défavorable,…
Mme Esther Benbassa. C’est heureux !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. … dans la mesure où il vise à réduire les moyens consacrés à l’intégration des étrangers en situation régulière, alors même qu’un véritable plan Marshall serait nécessaire dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je répète que nous entendons mener une politique équilibrée, qui permette aux étrangers en situation régulière de s’insérer dans notre société. Nous avons prévu pour cela des mesures nouvelles.
Accueillir ceux qui ont droit à l’asile, éloigner rapidement ceux qui n’y ont pas droit : telle est notre politique, une politique équilibrée !
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° II–381, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
17 016 700 |
17 016 700 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
17 016 700 |
17 016 700 |
||
TOTAL |
17 016 700 |
17 016 700 |
17 016 700 |
17 016 700 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. À travers cet amendement, je veux mettre en lumière le scandale des centres de rétention administrative, les CRA, dans lesquels sont placés les étrangers qui n’ont pas le droit de séjourner en France.
En 2016, 44 000 personnes y ont été placées, dont 22 900 en métropole. Plus de 50 % d’entre elles ne sont pas expulsées, car le juge annule l’obligation de quitter le territoire français ou l’administration n’a pas pu organiser l’expulsion dans les délais.
Le taux d’occupation des CRA est de 60,9 % en France, mais, depuis l’attentat de Marseille, il approche 100 %. Rappelons ce que fut cet attentat islamiste perpétré par un clandestin, un délinquant multirécidiviste pour lequel on n’avait pas su trouver une place en CRA et qui avait été relâché dans la nature : la vie de deux jeunes filles a été fauchée, sur l’autel de l’incurie des pouvoirs publics.
Comment se fait-il que, dans ce contexte, l’accent ne soit pas mis sur la construction de nouvelles places en CRA ? Imagine-t-on que moins de 1 800 places sont disponibles dans notre pays ? Par rapport aux 100 000 obligations de quitter le territoire français, c’est totalement dérisoire !
La réponse au drame de Marseille, c’est une baisse de 7 millions d’euros du budget alloué à la mission de lutte contre l’immigration clandestine, qui comprend le fonctionnement des CRA et les mesures d’éloignement des clandestins… Les familles et les Français apprécieront !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. La commission considère que le taux d’occupation des centres provisoires d’hébergement est déjà extrêmement élevé. Elle est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II–383, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le présent amendement vise à retrancher 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement à l’action n° 12 du programme 104, intitulée « Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière », pour les affecter à l’action n° 03 du programme 303, intitulée « Lutte contre l’immigration irrégulière », à due concurrence en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.
L’objectif est de revoir à la baisse les montants alloués aux programmes d’alphabétisation et d’accès aux droits, à l’insertion professionnelle et à l’emploi des migrants pour renforcer le volume de dépenses relatives à l’éloignement des migrants en situation irrégulière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Nous ne pouvons approuver une diminution des crédits destinés à l’intégration, notamment aux formations linguistiques et à l’apprentissage de nos valeurs républicaines. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II–382, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le présent amendement vise à retrancher 5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 5 millions d’euros de crédits de paiement à l’action n° 16 du programme 104, intitulée « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », pour les affecter à l’action n° 03 du programme 303, intitulée « Lutte contre l’immigration irrégulière ».
L’objectif est d’affecter 5 millions d’euros supplémentaires aux dépenses d’investissement immobilier pour l’extension des centres de rétention administrative existants et la création de nouveaux centres de rétention administrative dans le Calvados, le Pas-de-Calais et les Hautes-Alpes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Ce n’est pas en dégradant les conditions d’accueil des étrangers en situation régulière que l’on réglera le problème des étrangers en situation irrégulière. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. L’avis est défavorable. Ces foyers accueillent de vieux travailleurs immigrés : les chibanis, comme on les appelle, qui ont construit la France des Trente Glorieuses. Ne pas leur offrir aujourd’hui un accueil digne serait totalement inhumain ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L'amendement n° II–406 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mmes Ghali, G. Jourda et Grelet-Certenais, M. Lalande, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Taillé-Polian et Préville, M. Iacovelli, Mme Lepage, MM. Kanner et Antiste, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Durain et P. Joly, Mmes Monier et Meunier, MM. Tissot et Jomier, Mme Rossignol, MM. Kerrouche, Jacquin, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Manable et Temal, Mmes Lienemann et Cartron, M. Marie et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
1 500 000 |
1 500 000 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
1 500 000 |
1 500 000 |
||
TOTAL |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet de renforcer les moyens des associations avec lesquelles l’État contractualise pour qu’elles interviennent dans les lieux de rétention. Je rappelle en effet que la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France impose au Gouvernement de contractualiser avec des structures qui apportent aux personnes retenues la connaissance de leurs droits.
Vous en avez peu parlé dans votre intervention, monsieur le ministre d’État, mais je suis persuadée que, quelle que soit la fermeté dont vous faites preuve, cette question est importante à vos yeux. Pourtant, vous ne prévoyez que 20 000 euros de plus qu’en 2017 : 6,30 millions d’euros étaient inscrits au budget pour cette année, 6,32 millions d’euros le sont pour l’année prochaine.
Or vous avez adressé à l’ensemble des préfets, le 20 novembre dernier, une circulaire de quatorze pages les exhortant à la plus grande sévérité. Vous avez annoncé l’ouverture de nouvelles places en centre de rétention administrative, ainsi que votre volonté de doubler la durée maximale de rétention pour un étranger. Dès lors, comment voulez-vous permettre aux personnes qui seront retenues d’avoir accès à leurs droits et à l’information avec seulement 20 000 euros de plus que cette année ?
J’apprécierais que la commission des finances et M. le rapporteur spécial émettent un avis sur le fond de cet amendement, et pas seulement sur son gage ; dans le cas contraire, je me permettrai de répondre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Si, sur le fond, l’amendement peut en effet être positif,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Très bien !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. … il reste que son adoption diminuerait les crédits destinés à la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants. Parce que nous considérons que cette formation est absolument nécessaire, nous émettons un avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sur le gage, donc…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je vous signale que 150 emplois seront créés dans les préfectures, au sein des services chargés des étrangers et de l’asile, et 15 équivalents temps plein créés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont les moyens seront renforcés de 5 millions d’euros. En outre, les moyens de fonctionnement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration seront accrus de 18 millions d’euros et ses effectifs de 35 équivalents temps plein. Nous nous donnons donc les moyens de mener la politique que nous souhaitons. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II–406 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 56, 57 et 57 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Immigration, asile et intégration
Article 56
Le IV de l’article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France est ainsi modifié :
1° La référence : « 1er, » et la référence : « et le deuxième alinéa du 6° du II de l’article 61 » sont supprimées ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article 1er et le deuxième alinéa du 6° du II de l’article 61 entrent en vigueur à Mayotte le 1er janvier 2020. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II–377, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer l’année :
2020
par l’année :
2022
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre d’État, vous ne réglerez rien à Mayotte tant que les règles en matière migratoire ne changeront pas radicalement.
Pour rappel, le contrat d’intégration républicaine, qui constitue le socle du dispositif d’intégration des étrangers primo-arrivants, comprend notamment l’obligation pour tous les signataires de suivre une formation civique et, pour ceux dont le niveau de langue est inférieur à A1, une formation en langue française. La belle affaire !
À travers cet amendement, nous ne signifions pas que les étrangers viendraient à Mayotte pour prendre des cours de français… Nous voulons dire « non ! » à toutes ces dépenses endémiques que nous sacrifions à une immigration incontrôlée qui, par sa proportion démesurée, empêche et condamne même tout espoir d’intégration.
Bien évidemment, nous sommes favorables à l’intégration (Mme Éliane Assassi s’exclame.) ; mais, pour que l’intégration ait un avenir, il faut stopper net cette politique de submersion migratoire dont Mayotte est l’emblème ! (Mme Éliane Assassi s’exclame de nouveau.)
Nous devons totalement refondre notre code de la nationalité et rétablir le droit du sang pour en finir avec l’acquisition automatique de la nationalité française, qui permet à certaines personnes de devenir françaises, parce qu’elles sont nées en France, et aux parents étrangers, voire clandestins, de demeurer sur notre sol !
Monsieur le ministre d’État, je me permets de rappeler la lucidité qui avait frappé en 2005 le ministre français de l’outre-mer de l’époque, un certain François Baroin. Revenant de Mayotte, il avait appelé de ses vœux des mesures radicales, nécessaires selon lui pour lutter contre l’immigration illégale dans les îles françaises. Pour y parvenir, il se déclarait prêt – lui, François Baroin ! – à remettre en cause le droit du sol !
Depuis, rien n’a changé, si ce n’est en pire ! Nous devons renvoyer les primo-arrivants chez eux, organiser leur retour dans leur pays d’origine, organiser le retour des bateaux qui transportent ces clandestins tout en les interceptant, bien sûr. Tous nos efforts doivent porter sur les filières des passeurs qui exploitent ces migrants.
M. le président. L'amendement n° II–276, présenté par M. Meurant, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer l'année :
2020
par l'année :
2019
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II–377.
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Les deux amendements en discussion commune sont totalement contradictoires.
L’amendement que notre collègue Stéphane Ravier vient de présenter vise à décaler l’entrée en vigueur du contrat d’intégration républicaine à 2022 pour les primo-arrivants, ce qui n’aura aucun effet sur leur nombre, alors que mon amendement vise à soigner leur intégration en laissant le temps au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la concrétiser et donner des formations civiques aux migrants.
La commission vous invite donc, mes chers collègues, à voter contre l’amendement n° II–377 de M. Ravier et en faveur du sien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
Au départ, une mise en œuvre progressive du contrat d’intégration républicaine était prévue à Mayotte à compter du 1er janvier 2018. Le Gouvernement a souhaité reporter cette entrée en vigueur au 1er janvier 2020 compte tenu des caractéristiques et des contraintes propres à l’île. Nous avons en effet un certain nombre de difficultés à ouvrir ces centres d’intégration.
M. le président. Je mets aux voix l’article 56, modifié.
(L’article 56 est adopté.)
Article 57
Le deuxième alinéa de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « mois », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « au cours duquel est expiré le délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, a été notifiée la décision de rejet de la Cour nationale du droit d’asile ou a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l’article L. 743-2. » ;
2° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les personnes qui obtiennent la qualité de réfugié prévue à l’article L. 711-1 ou le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l’article L. 712-1, le bénéfice de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision. »
M. le président. L'amendement n° II–378, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 744–9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Le versement de l’allocation prend fin à l’expiration de trois jours francs suivant la notification de la décision définitive concernant cette demande ou si cette condition n’est pas satisfaite, à la date à laquelle a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l’article L. 743-2. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le budget relatif à l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, est extravagant. Dans ce projet de loi de finances, il s’élève désormais à 318 millions d’euros ! Cette aide dont bénéficient les demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leurs demandes varie autour de 350 euros par mois lorsqu’ils ne bénéficient pas d’une solution d’hébergement provisoire. Ce montant est égal, voire supérieur, à ce que gagnent nombre de nos agriculteurs ou éleveurs, pour ne citer qu’eux !
Comme je l’ai déjà rappelé, 80 000 ménages bénéficiaient de l’ADA au 31 juillet 2017. Notre politique d’asile coûte près de 2 milliards d’euros au budget de l’État. Une somme aussi faramineuse démontre que l’asile a été complètement dévoyé et qu’il constitue désormais une filière de l’immigration clandestine.
Or, pour rappel, le rapport de la Cour des comptes de 2015 indiquait que 75 % des demandeurs d’asile étaient déboutés et que, parmi ceux-ci, seuls 1 % étaient expulsés. Je rappelle que l’instruction des demandes d’asile dure en moyenne entre douze et quatorze mois durant lesquels les 75 % de déboutés du droit d’asile vont toucher leur allocation mensuelle. Au total, le coût de l’asile atteint 13 724 euros par demandeur. Les crédits du budget de l’asile doivent être réduits. Un tel dérapage n’est pas tolérable !
Parmi toute cette cohorte de migrants, en pleine forme physique (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.),…
Mme Éliane Assassi. Il faut arrêter votre délire !
M. Stéphane Ravier. … jeunes, seuls, sans enfant et manifestement non accompagnés de leurs épouses, combien fuient véritablement la guerre ? Combien y a-t-il en réalité de migrants économiques qui souhaitent rejoindre l’eldorado français,…
Mme Esther Benbassa. Quel eldorado, alors !
M. Stéphane Ravier. … un eldorado qui n’existe plus, si tant est qu’il ait existé un jour ?
Disons les vérités, toutes les vérités ! Les attentats dramatiques de ces dernières années ont prouvé que des terroristes s’étaient infiltrés parmi ces réfugiés. Cela veut-il dire pour autant que nous créons l’amalgame entre les terroristes et toutes ces populations qui quittent leur pays ? Bien évidemment que non !
Mme Éliane Assassi. C’est pourtant ce que vous faites !
M. Stéphane Ravier. Seulement, pour nous, la sécurité des Français reste la priorité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. L’amendement vise à raccourcir le délai de versement de l’ADA, et rien d’autre de ce qui vient d’être évoqué !
Les mesures proposées doivent être réalistes…
M. Stéphane Ravier. Mais nous sommes réalistes !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. … et la performance globale du système doit demeurer prioritaire. Cesser le versement de l’allocation au bout de trois jours francs ne paraît pas réaliste. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 57.
(L’article 57 est adopté.)
Article 57 bis (nouveau)
L’article L. 213–6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 213–6. – Lorsqu’un refus d’entrée a été prononcé, et à compter de cette décision jusqu’à la sortie de la zone d’attente, les frais de prise en charge de l’étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ainsi que les frais de réacheminement incombent à l’entreprise de transport qui l’a débarqué en France. Il en est de même à compter de la décision de maintien en zone d’attente prise dans les cas prévus au cinquième alinéa de l’article L. 221-1. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite attirer votre attention sur deux points.
Tout d’abord, je me permets d’intervenir, parce que j’avais demandé la parole pour explication de vote sur l’article 57, monsieur le président.
M. le président. Non !
M. Jean-Yves Leconte. Je m’interroge en effet sur la raison pour laquelle la commission des finances a jugé qu’un certain nombre des amendements déposés sur cet article étaient irrecevables.
J’ai moi-même déposé des amendements qui visaient à rendre effectif le droit au travail pour les demandeurs d’asile dont la demande était encore au stade de l’examen après neuf mois d’instruction, ce qui est parfaitement conforme à la directive européenne en la matière. La France est aujourd’hui hors des clous dans ce domaine. Faire bénéficier du droit au travail des demandeurs d’asile, c’est aussi faire en sorte qu’ils ne perçoivent pas les aides auxquelles ils ont droit lorsqu’ils sont sans emploi. Cet accès au travail a donc des conséquences budgétaires.
Et pourtant, la commission des finances a considéré que mes amendements n’étaient pas recevables, en contradiction avec la lettre de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui prévoit que les parlementaires peuvent proposer des amendements qui comportent « des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année. »
Je regrette cette interprétation excessive de la LOLF, qui ne nous a pas permis de débattre de mes amendements.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte. S’agissant, ensuite, de l’article 57 bis, je tiens à dire que je suis un peu inquiet. C'est pourquoi je souhaite vous demander un certain nombre de précisions, monsieur le ministre d’État. Je sais que le dispositif de l’article 57 bis figure déjà, plus ou moins écrit de la même manière, dans différents articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les articles L. 213–1 et suivants.
Monsieur le ministre d’État, compte tenu de la manière dont est rédigé l’article 57 bis, je m’interroge sur la capacité des compagnies aériennes, en particulier, de bien évaluer le risque qu’entraîneraient pour elles ce type de dispositions législatives. Il ne faudrait pas qu’à titre préventif ces compagnies se transforment en deuxième police aux frontières, agissant avant la vraie police aux frontières, qu’elles refusent l’embarquement à un certain nombre de voyageurs parce qu’elles supposeraient que ceux-ci pourraient ne pas être acceptés sur le territoire.
J’ai moi-même vécu plusieurs fois cette situation lorsque je me suis rendu aux États-Unis…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Leconte. Aussi, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais que vous nous précisiez si l’article 57 bis fait effectivement peser le risque de voir les compagnies aériennes se transformer en police aux frontières et se comporter de façon quelque peu discrétionnaire.
M. le président. L'amendement n° II–395 rectifié, présenté par MM. Bizet, Mouiller et Allizard, Mme L. Darcos, MM. Paul, Sol, Bonhomme, Courtial, Bouchet, de Nicolaÿ, B. Fournier et Paccaud, Mme Gruny, MM. Bazin et Revet et Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement vise à supprimer l’article 57 bis, introduit par l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement.
Cet article instaure une nouvelle redevance à la charge des compagnies aériennes, qui vise à financer les frais de prise en charge des étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne auxquels l’accès en France a été refusé, ainsi que les frais de leur réacheminement. L’ensemble de ces frais est estimé par l’État à 7 millions d’euros par an.
La création d’une redevance pour l’entrée et le séjour des étrangers et pour le droit d’asile, telle qu’elle a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale, est une transposition du droit européen. Je ne la remettrai donc pas en cause. Cependant, avant la mise en place de toute redevance, il serait souhaitable d’examiner les deux propositions suivantes.
Premièrement, il faudrait lancer une concertation avec les acteurs du transport aérien. Il convient de faire du transporteur un partenaire plutôt qu’autre chose – vous devinez de quoi je veux parler –, tout simplement parce que les frais de transport vers les juridictions, les frais d'interprétariat, l’entretien des bâtiments administratifs, voire les frais d’hébergement de demandeurs d'asile non présentés à l’avion du fait du manque de diligence et de l’administration, font partie des charges qui seraient imputées au pavillon national.
Deuxièmement, il faudrait mettre en place des modalités de calcul de ces frais plus transparentes. Je sais que ce sujet relève d’une convention internationale, la convention de Chicago, à laquelle la France est partie depuis un certain nombre d’années, mais je trouve qu’au travers de l’article 57 bis la France s’est éloignée, voire affranchie, de certaines règles de cette convention.
C'est la raison pour laquelle j’estime qu’il sera temps de revenir sur la participation du transporteur national à ces opérations dans le cadre du futur projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Cet amendement vise à responsabiliser les acteurs des transports, essentiellement les transporteurs aériens, en l’occurrence.
Or on ne peut pas être contre l’immigration irrégulière et dédouaner de leur responsabilité, y compris pécuniaire, ceux qui y contribueraient. Cette position vaut pour les transporteurs aériens mais vaut aussi, de manière générale, pour l’ensemble de la chaîne qui faciliterait l’immigration irrégulière. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Défavorable.
L’état du droit prévoit déjà, à l’article L. 213–6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les entreprises de transport sont tenues d’assumer les frais de séjour des personnes étrangères qu’elles ont acheminées et qui font l'objet d’une décision de non-admission sur le territoire français.
Toutefois, en raison d’une difficulté rédactionnelle, nous ne pouvons pas faire appliquer aujourd'hui la nécessaire prise en charge de ces frais par les compagnies aériennes. Ainsi, à Roissy, c’est l’État qui est aujourd'hui propriétaire des locaux, qui héberge, soigne, nourrit et assure la sécurité à ses frais des étrangers non admis pour un coût total de 6,7 millions d’euros. Nous voulons mettre fin à cette situation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voterai cet amendement, compte tenu des explications que vient de fournir le ministre d’État.
Disposer d’un visa ne vous donne même pas l’assurance de pouvoir entrer sur le territoire français. Lorsque vous êtes ressortissant d’un pays qui est dispensé de cette obligation de visa, cela ne vous donne pas non plus l’assurance de pouvoir entrer sur le territoire. Je crains tout simplement qu’un certain nombre de compagnies aériennes ne refusent arbitrairement d’embarquer certaines personnes si on leur confie une nouvelle responsabilité, celle d’utiliser un pouvoir d’appréciation qui est effectivement très large, puisque le risque est énorme pour elles. Selon moi, elles ne souhaiteront pas prendre le risque de transporter certains voyageurs.
M. Jean Bizet. Évidemment !
M. Jean-Yves Leconte. Ce type de procédé existe déjà aux États-Unis.
M. le ministre d’État a précisé que la disposition figurait déjà dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il fallait simplement la rendre applicable, parce qu’elle n’est pas applicable aujourd'hui. En l’état actuel des choses, et compte tenu de l’absence de réponse concrète de sa part, je pense que l’on prendrait un risque trop important à déléguer aux compagnies aériennes la capacité d’évaluer au faciès, finalement, si tel ou tel voyageur représente un risque ou non pour elles. Cette mesure me semble abusive.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je rappelle que cette disposition est prévue dans la convention de Chicago qui date de 1944. Il ne s’agit donc pas d’une mesure nouvelle, même si celle-ci n’était pas appliquée ces dernières années.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Administration générale et territoriale de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (et article 49 B).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter le budget pour 2018 de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui s’élève à 2,757 milliards d’euros.
Une fois passés les rendez-vous électoraux, nous revenons à une situation correspondant au rythme de croisière d’une mission qui, c’est une évidence revendiquée comme telle, n’est pas prioritaire. Le projet de loi de programmation des finances publiques le confirme en retenant un simple maintien des dotations en valeur à l’horizon 2020.
Le fait que la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui porte les moyens de l’administration générale de l’État dans les territoires, subisse une sourde relégation budgétaire ne peut nous satisfaire, d’autant qu’elle subit des sous-budgétisations récurrentes.
Le programme 307, « Administration territoriale », dont les crédits sont au niveau de 2015, illustre le manque d’attention porté à la mission. Est-ce à dire que rien ne s’est passé depuis ? Certes non ! En application du plan Préfectures nouvelle génération qui, avec la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et des sous-préfectures, a incarné les orientations de la gestion du ministère ces dernières années, les guichets du réseau préfectoral ont été fermés aux usagers.
Dans la dernière décennie, le réseau des préfectures et des sous-préfectures a perdu plus de 11 % de ses moyens et la réforme des régions n’est pour presque rien dans ce processus. Ce sont les préfectures départementales et, plus encore, les sous-préfectures qui ont été touchées. La fin de l’accessibilité du réseau pour nos compatriotes, en particulier pour l’obtention des titres d’identité, a pu être partiellement compensée par l’effort important des mairies sélectionnées pour être les points d’entrée du système.
Cependant, dans le processus de dématérialisation qui est presque achevé, 33 000 points d’entrée en mairie ont dû être supprimés. Inutile de trop insister sur le fait que les emplois supprimés n’ont jusqu’à présent pas été réaffectés aux priorités fixées au réseau et que, en particulier, les moyens annoncés à la fois pour donner une nouvelle dynamique aux relations entre l’État et les collectivités territoriales et pour améliorer l’animation des politiques publiques sur le terrain ne sont pas au rendez-vous. Les missions ont été soit abandonnées, soit réduites dans leurs ambitions. Monsieur le ministre d’État, il serait utile que vous nous fassiez part de vos orientations stratégiques pour le réseau.
Sans doute faut-il prendre en compte les événements. Les nécessités liées à l’accueil des étrangers ont mobilisé des moyens nouveaux, au demeurant très insuffisants, compte tenu de l’augmentation des demandes adressées à l’administration préfectorale et de la complexité de certaines situations. On peut en dire autant des besoins liés à la sécurité des Français. Je relève que le projet de budget ne compte que 30 créations d’emplois sur ces thématiques, alors qu’il supprime 415 emplois équivalents temps plein travaillé dans le réseau des préfectures. Les créations d’emplois devraient être concentrées dans les services d’éloignement des préfectures, dont le tragique attentat de Marseille a pu illustrer certaines des incapacités.
Progressivement privé de ses moyens, comme sont privés des leurs les services de l’État dans les territoires de province, en particulier les territoires ruraux, le réseau d’administration générale de l’État a jusqu’à présent échappé à la fermeture souvent redoutée de trop de sous-préfectures. Néanmoins, que 60 sous-préfectures soient dotées de moins de 10 fonctionnaires, en comprenant les contractuels temporaires de plus en plus nombreux, constitue une évolution préoccupante.
M. Charles Revet. Oui, c’est vrai !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Quant au budget prévu pour informatiser le ministère et pour pourvoir à l’entretien des bâtiments, il accuse une baisse importante. L’état des 1 500 implantations du réseau est pourtant souvent mauvais et les collectivités territoriales qui en délèguent l’utilisation mais aussi l’entretien à l’État ont bien des motifs de s’inquiéter de son lent délabrement.
Bref, le projet de budget pour 2018, loin de dissiper le sentiment que l’État s’éloigne résolument du local, tant des usagers que des collectivités locales, dans une ignorance totale des besoins, mais aussi de l’intérêt que pourrait revêtir une politique d’aménagement du territoire abandonnée au nom des prétendues plus-values ajoutées par les grandes concentrations, confirme des arbitrages allant vers une métropolisation du pays.
La circonstance majeure pour le budget 2018, c’est la fin du cycle électoral de l’année en cours. Elle entraîne la réduction des crédits du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui finance la vie politique. Le financement de la vie politique ne mobilisera qu’un peu moins de 100 millions d’euros l’an prochain. Sur cette somme 68,7 millions d’euros iront aux formations politiques. En effet, 26,3 millions d’euros serviront à combler le manque de crédits de 2017.
Cette enveloppe n’a pas été revalorisée depuis 2014. Elle perd progressivement de sa consistance. C’est bien sûr particulièrement vrai pour certains partis politiques du fait des résultats des scrutins de 2017. Par ailleurs, j’observe que l’extension de responsabilités conférées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par la loi pour la confiance dans la vie politique ne trouve aucune traduction budgétaire appréciable dans le projet de loi de finances.
Enfin, je dirai un dernier mot du budget en évoquant les frais élevés qu’il supporte au titre de l’administration centrale du ministère. Il s’agit du programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». J’observe qu’il va être lesté par la création de la commission du contentieux du stationnement payant mais que, dans le même temps, le fonds interministériel de prévention de la délinquance perd le quart de ses crédits. Le Gouvernement explique qu’il va mettre en œuvre une nouvelle stratégie dans ce domaine mais, pour le moment, elle consiste surtout à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation.
Les dépenses de contentieux atteignent un sommet en 2017 à plus de 140 millions d’euros. Seuls 55 millions d’euros avaient été budgétés en 2017.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. J’en termine, monsieur le président.
Par ailleurs, je m’inquiète que pour traiter l’un des problèmes, celui du refus du concours de la force publique, le ministère puisse évoquer un tri fondé sur des enjeux financiers. Cela me paraît tout à fait contraire au principe d’égalité devant la loi et la justice.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé depuis plus d’une minute !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Malgré ces réserves, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Administration territoriale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rappelle que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » rassemble les crédits de trois programmes, tout juste énumérés par mon collègue rapporteur.
Le programme « Administration territoriale » regroupe les moyens des préfectures et sous-préfectures. Ses crédits sont pratiquement stables en 2018, avec 1 694 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 0,7 %.
Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Comme cela a été dit, la période électorale étant close, sans élection annoncée pour 2018, ses crédits baissent assez logiquement.
Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » concerne le pilotage des fonctions dites support, c’est-à-dire tout ce que le ministère dépense pour son fonctionnement.
Faute de temps, je me limiterai à l’examen du programme le plus important, le programme « Administration territoriale ».
Si les crédits sont relativement stables par rapport à 2017, ils expriment la stabilisation d’une tendance longue à la restriction et, surtout, la poursuite de la politique de réduction des effectifs de l’administration territoriale que tous les gouvernements successifs ont inlassablement conduite – 1 300 postes supprimés au cours des trois dernières années ; 4 000 depuis dix ans.
Pour ne pas perdre cette mauvaise habitude, le ministre de l’intérieur ici présent nous a annoncé un train de nouvelles réductions des effectifs : la baisse sera de 350 emplois par an au cours des prochaines années ! Il ne faut pas perdre de temps…
Dans la version « bibliothèque rose » du ministère de l’intérieur, les réformes de l’administration territoriale qui suivent ces réductions d’effectifs depuis dix ans permettront de faire face, et au-delà, aux effets des hémorragies.
La dernière réforme en date, le plan Préfectures nouvelle génération – PPNG –, n’est pas arrivée à son terme que le Premier ministre annonce la prochaine, plus globale, dénommée programme Action publique 2022, dans laquelle restent encore à définir les dispositions concernant l’administration territoriale.
J’avoue que la stoïque capacité d’adaptation des fonctionnaires, indépendamment de leur statut, fait mon admiration. Reste à savoir jusqu’à quand cette situation pourra durer.
Comme on le sait, les leviers du plan Préfectures nouvelle génération sont la réorganisation complète de la délivrance des titres – cartes d’identité, passeports, permis de conduire et cartes grises –, ainsi que la dématérialisation des procédures et des échanges entre les usagers et les services, entre les services, et entre les services préfectoraux et les collectivités territoriales.
Les « gains de productivité » ainsi dégagés sont donc censés compenser la baisse des effectifs.
Moderniser les procédures, les sécuriser, faire en sorte que notre administration territoriale s’approprie l’outil informatique ne peut qu’être encouragé – il serait stupide de se priver d’un tel instrument –, si c’est un moyen de renforcer la qualité de la présence de l’État Républicain sur la totalité de notre territoire. Il n’en va pas de même si c’est un cache-misère, si cela conduit à marginaliser un peu plus la population ne disposant pas d’un accès correct aux réseaux ou ne maîtrisant pas suffisamment l’outil informatique. Constatons que malgré les efforts, c’est encore trop souvent le cas !
La présence de l’État, c’est d’abord celle de ses représentants, et non la diffusion de leur image. Là, on est toujours loin du compte !
Telles sont les raisons de fond pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hervé Marseille. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec 2,76 milliards d’euros de budget pour 2018, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » reculent de 11 % par rapport à l’an passé.
Cette diminution, cela a déjà été dit, est principalement imputable à l’évolution du programme 232, dont les dépenses sont liées à un cycle électoral qui, contrairement à 2017, sera a priori dépourvu d’échéances majeures en 2018.
Toutefois, monsieur le ministre d’État, la stabilité relative des crédits alloués à cette mission nous invite à la plus grande vigilance.
Si mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même sommes bien sûr favorables à des mesures de redressement de nos finances publiques, nous demeurons attentifs au fait que cela ne se fasse pas trop au détriment du déploiement territorial de l’État, au détriment de la complète information des Français en matière électorale, au détriment de l’accueil des usagers dans nos préfectures et sous-préfectures, au détriment – en définitive – de nos collectivités et de nos élus.
Le programme 307, « Administration territoriale », est à cet égard révélateur, avec, comme l’a fait remarquer M. le rapporteur spécial, des crédits restant au niveau de 2015.
L’annonce du plan Préfectures nouvelle génération et de la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et sous-préfectures aura eu pour conséquence de supprimer 1 300 emplois, soit 5 % des effectifs de 2015. En dix ans, ce sont au total plus de 11 % des emplois du réseau d’administration générale de l’État qui auront été amputés !
La réduction des effectifs a laissé près de 60 sous-préfectures dotées de moins de 10 fonctionnaires.
Prenons l’exemple de l’accueil des étrangers. Les dossiers afférents sont toujours plus nombreux et plus complexes. Dès lors, la baisse des effectifs et des moyens ne contribue pas à garantir l’efficacité d’une mission pourtant étroitement liée à la sécurité du pays.
Autre exemple : celui de la lutte contre la fraude documentaire, érigée en priorité par le ministère de l’intérieur. Je ne peux que rejoindre les préoccupations de mes collègues de la commission des lois et m’interroger sur les failles existant dans la prévention de la fraude et la gestion parfois hasardeuse de fichiers qui se sont, par ailleurs, multipliés.
Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », voit ses crédits réduits de 344,5 millions d’euros en raison de la fin du cycle électoral. Depuis 2014, l’enveloppe consacrée au financement des partis politiques est restée constante, avec 68,7 millions d’euros de crédits.
Mes chers collègues, nous avons tous pu constater la longueur des délais tenant au traitement des comptes et au remboursement des frais de campagne. Il conviendrait à l’avenir d’octroyer des crédits suffisants à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, afin d’organiser une formation approfondie des personnels qui la rejoignent en année électorale. L’extension des responsabilités conférées à cette commission par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ne s’est malheureusement pas traduite par une augmentation des moyens.
J’aimerais enfin, monsieur le ministre d’État, prendre quelques instants pour parler de la propagande électorale. Sa dématérialisation n’est pas prévue dans le présent projet de loi de finances, mais on sait que la mesure réapparaîtra très prochainement dans l’ordre du jour.
Vous connaissez l’attachement, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, comme de l’Assemblée nationale, à la propagande électorale sous format papier. Nous saluons les avancées apportées par la modernité. Mais encore faut-il respecter le principe d’égalité : il existe trop de zones blanches sur notre territoire, trop de populations non reliées à internet pour que la démocratie fasse l’économie de cette propagande papier. Il y a certes un monde hyper connecté, mais n’oublions pas une partie de nos concitoyens dans les zones rurales !
Alors que les dernières élections ont donné lieu à une abstention record, faudrait-il accélérer le mouvement, en cessant d’adresser aux électeurs les listes et professions de foi des candidats ?
C’est par souci démocratique, monsieur le ministre d’État, que nous saisissons cet instant pour vous demander d’être vigilant sur ce point et vous faire part de notre opposition à cette démarche.
Enfin, le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », appelle trois remarques.
Premièrement, et malgré les rapports successifs, nous constatons que les dépenses contentieuses restent sous-budgétisées, ce qui provoque de nombreux dommages. Il faut parfois attendre plusieurs mois pour qu’une décision de justice soit exécutée, ce qui n’est pas acceptable.
Deuxièmement, la Cour des comptes a sévèrement critiqué l’action sociale au sein du ministère de l’intérieur, en mettant en avant des situations inégalitaires préoccupantes.
Troisièmement, je voudrais manifester notre inquiétude face à la révision à la baisse des crédits prévus au titre du fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, au moment même où le Gouvernement entend développer une nouvelle stratégie ambitieuse de prévention de la radicalisation et de la délinquance.
Comme il a coutume de le faire, le groupe Union Centriste votera encore le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » cette année. Toutefois, nous souhaitons être entendus et attendons de connaître les arguments du Gouvernement sur l’essentiel des observations que je viens de formuler. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à travers la mission « Administration générale et territoriale de l’État », le ministère de l’intérieur « met en œuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en œuvre au plan local les politiques publiques nationales ».
C’est en ces termes que l’annexe budgétaire introduit la présentation stratégique de la mission dont nous débattons à l’instant.
Au-delà des trois programmes qui la constituent, et sur lesquels je reviendrai, l’énonciation de ces trois responsabilités amène à questionner les missions exercées par la puissance publique dans nos territoires et, donc, la place de l’État sur ces territoires, ainsi que l’articulation de son action avec celle des acteurs locaux.
Certes, cette réflexion est censée être engagée dans le cadre d’un nouveau programme Action publique 2022, tout juste lancé par le Premier ministre. Mais si une telle réflexion est loin d’être nouvelle, elle n’a jusqu’à présent trouvé, comme réponse principale, qu’une succession de réformes, sans réelle interrogation sur les missions et l’implantation de l’État dans les territoires et, par conséquent, sur le rôle du réseau des préfectures et des sous-préfectures.
Or ce sont bien les missions qui doivent déterminer les moyens, et non l’inverse, avec un objectif d’égal accès à un service public de qualité, notamment au profit des territoires les plus éloignés.
Permettez donc que je développe trois points.
Premier point, un État de proximité dématérialisé et métropolisé.
S’agissant des moyens, des efforts importants ont été consentis en matière de rationalisation et de mutualisation, d’une part, et en matière d’adaptation des préfectures et de leur personnel à la nouvelle carte régionale, d’autre part. Au-delà des effets économiques de la reconfiguration géographique du réseau, il en ressort souvent un sentiment d’éloignement, voire d’abandon des territoires, éprouvé par les usagers et les élus locaux, qui voient dans cette évolution une forme de démantèlement de l’État de proximité.
À ce titre, si le plan Préfectures nouvelle génération a permis, ou devrait permettre, de moderniser l’administration et de simplifier l’accomplissement de démarches administratives pour les usagers, avec le concours non négligeable des mairies pour les cartes d’identité, il y a lieu de s’interroger sur l’accès équitable de tous les usagers aux services désormais dématérialisés.
Je rappelle que la fracture numérique continue d’être une réalité pour plus de 3 millions de personnes et que tous nos concitoyens ne maîtrisent pas de manière uniforme les nouvelles technologies.
Cette fracture numérique nécessite des moyens en matière d’accompagnement des démarches de téléprocédures. Or cet accompagnement est difficile à envisager dans le cadre de la réduction des missions de guichet.
Ainsi, la simplification et le progrès pour les uns deviennent l’exclusion pour les autres, que ce soit pour des raisons géographiques, socioéconomiques ou générationnelles.
Dans cette perspective, il apparaît essentiel de déployer des moyens pour renforcer le dispositif des points numériques permettant à tous les usagers d’effectuer des téléprocédures.
En outre, l’objectif de 100 % de services dématérialisés d’ici à 2022 fixé par le Président de la République appelle une action budgétaire plus volontariste, à la fois pour développer les services dématérialisés existants et pour pouvoir investiguer de nouveaux champs pour cette dématérialisation.
Or, étonnamment, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », dans son programme 307, ne fait pas apparaître un tel volontarisme. On constate même plutôt une curieuse contradiction, puisque le programme tend à réduire les crédits alloués au fonctionnement et à la maintenance des matériels informatiques et des systèmes d’information.
Nous serons donc plus qu’attentifs aux moyens alloués pour qu’aucun usager ne soit exclu du service public, auquel l’État a l’obligation de garantir un égal accès à chacun d’entre nous.
Deuxième point, des moyens limités pour exercer les missions des préfectures auprès des collectivités locales.
Sur un autre plan, le PPNG devait également permettre à l’État de se recentrer sur ses missions prioritaires – parmi lesquelles l’expertise juridique, le contrôle de légalité et la coordination territoriale des politiques publiques – et de les renforcer.
Cela nous conduit à nous interroger sur le rapport de l’État aux collectivités territoriales et à sa mission de conseil, inhérente à celle du contrôle de légalité, et ce afin que l’État soit ce qu’il est censé être : un coconstructeur et un facilitateur du développement des territoires.
Cette réflexion apparaît d’autant plus importante à la suite de l’annonce, par le Président de la République, du renforcement de l’ingénierie territoriale, mais aussi du dialogue de gestion entre les préfectures et les collectivités locales, dans le cadre des fameux contrats d’objectifs.
En matière de contrôle de légalité, le PPNG a permis la montée en puissance du pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité et le renforcement de la capacité d’expertise juridique par la création de quatre pôles juridiques et deux à venir.
Toutefois, on constate parallèlement un resserrement du nombre d’actes à transmettre au contrôle de légalité et une priorisation des actes à contrôler inégale entre les préfectures. D’après un rapport de la Cour des comptes de 2016, le facteur explicatif serait le manque de temps, de capacité d’expertise des agents et d’efficience de la procédure de transmission des actes.
Dans cette perspective, la soutenabilité des missions du réseau des préfectures pose question, tout comme la place des sous-préfectures dans l’architecture du réseau. Malgré une augmentation des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de 2,24 %, les moyens octroyés nous semblent sous-estimés.
Troisième point, une limitation des moyens du fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Mon dernier point porte sur la réduction sensible de ce fonds – de l’ordre de 27 millions d'euros – dans le cadre du programme 216. Cette baisse s’explique par la réduction du format des centres de réinsertion et de prévention de la délinquance, dans le contexte de la mise en place d’une nouvelle stratégie.
Pour autant, ce fonds étant destiné à l’accompagnement des jeunes en voie de radicalisation et à leur insertion sociale, l’actualisation de la stratégie interministérielle ne devrait pas se limiter à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation, compte tenu de la situation que nous connaissons.
Ainsi, pour les raisons évoquées précédemment, qui relèvent principalement de la présence de l’État et de la perception de cette présence dans les territoires, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dotée de 2,757 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » comprend trois programmes, poursuivant des objectifs diversifiés et d’ampleur inégale.
Le programme 307, « Administration territoriale », concerne principalement les moyens du réseau préfectoral, pour un montant de 1,690 milliard d’euros.
Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », finance essentiellement certaines expressions de la vie politique du pays, pour un montant de 125,6 millions d’euros.
Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », est un programme réservoir, qui finance les moyens généraux du ministère de l’intérieur et certaines interventions de ce dernier, pour un montant de 941 millions d’euros.
Les dotations de la mission s’inscrivent en nette diminution : la baisse représente 349,6 millions d’euros, cette évolution traduisant essentiellement la fin du cycle électoral chargé de l’année en cours.
Le projet de budget pour 2018 présente ainsi une très forte réduction des crédits, qui reculent de plus de 11 %. Cette évolution est due au programme 232, dont les dotations diminuent de 344 millions d’euros, soit une baisse de 73 %.
Ainsi, les économies de la mission sont attribuables au programme 232, dont les dépenses sont déterminées par le cycle électoral, lourd d’événements en 2017 et dénué de rendez-vous significatifs d’un point de vue budgétaire en 2018.
Je souhaiterais m’attacher au programme 307, qui rassemble les moyens des préfectures, hauts commissariats et sous-préfectures de métropole et d’outre-mer.
Ce programme, avec le PPNG, voit ses crédits diminuer de 607 309 euros en 2018.
Il s’agit d’un véritable recul des services publics. En 2018, 415 emplois seront encore supprimés, portant à 1 300 le nombre de suppressions en trois ans, liées au plan Préfectures nouvelle génération.
Les citoyens perçoivent une nette perte de qualité et de proximité du service rendu en préfecture et sous-préfecture.
Certains territoires très ruraux ne sont pas équipés d’infrastructures ni d’internet. Ils sont toujours pénalisés car éloignés des sous-préfectures et dénués de réseaux de connexion de qualité pour permettre des démarches en ligne.
Les téléprocédures en milieu rural, c’est généralement l’exclusion totale !
L’État n’est plus un partenaire des collectivités locales et des prestations sont souvent déléguées à des services extérieurs. Heureusement que les collectivités sont là !
Malgré les promesses, l’État se désengage.
Pour preuve, dans le budget de cette mission, après une réduction de 551 emplois en deux ans, les effectifs repartent à la baisse en 2018 : la réduction est de 287 emplois.
Dans ce contexte budgétaire, les préfectures et sous-préfectures peuvent-elles maintenir des équipes polyvalentes et capables d’assister les petites collectivités territoriales en matière d’ingénierie ?
Aussi, même si ce budget reste stable, je regrette que l’État ne fasse pas preuve d’une véritable volonté d’aller jusqu’aux confins de ces territoires oubliés.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra lors du vote sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2018. (MM. Daniel Chasseing et Guillaume Arnell ainsi que Mme Josiane Costes applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les principaux chiffres relatifs à cette mission sont connus et ont été rappelés. Il est prévu, pour celle-ci, près de 2,8 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une baisse de plus de 11 %.
Tout d’abord, le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui traite notamment de l’organisation des élections et du financement des partis, retranscrit le creux d’une année post-électorale sans scrutin.
Je relève d’ailleurs, à cet égard, l’insuffisance de la subvention versée par l’État aux communes pour compenser les frais engendrés par l’organisation des élections.
À cette occasion, je tiens également à rappeler l’opposition des membres du RDSE au projet, maintes fois repoussé, de dématérialisation de la propagande électorale.
Une nouvelle tentative devrait être intégrée au projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. Si nous mesurons l’intérêt d’une telle mesure en matière de maîtrise des coûts et d’impact environnemental, celle-ci ne permet pas un égal accès de tous à une information capitale.
Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », connaît, quant à lui, un léger fléchissement de ses crédits, à 941,1 millions d’euros.
Parmi les mesures notables, je peux relever la création de 119 équivalents temps plein travaillé pour traiter l’important contentieux du stationnement au sein d’une nouvelle commission dédiée, induite par la décentralisation du stationnement payant prévue par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM.
M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis ont surtout relevé quelques étrangetés dans ce programme, notamment des diminutions de crédits dans le cadre du plan de lutte antiterroriste et du plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, ou encore une réduction des crédits affectés au fonds interministériel de prévention de la délinquance.
J’en viens aux crédits du programme « Administration territoriale », le plus important. Globalement stables, à 1,7 milliard d’euros, ils cachent cependant d’importantes mutations à l’œuvre depuis plusieurs années, sur lesquelles je reviendrai.
L’actualité récente vient nous rappeler les implications dans le quotidien de nos concitoyens de cette mission. En effet, depuis le 1er décembre, dans les préfectures et sous-préfectures, des guichets pour la délivrance des cartes grises et des permis de conduire ont définitivement baissé le rideau. Ils sont désormais remplacés par des procédures en ligne.
Cet événement est une des dernières étapes de la mise en œuvre du plan Préfectures nouvelle génération, lancé en 2015. Ce dernier vise à recentrer les missions des préfectures autour de quatre priorités : la sécurité et l’ordre public, le contrôle de légalité des collectivités locales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale des politiques publiques.
Une telle évolution rompt également le lien qui unissait les citoyens à leur préfecture ou leur sous-préfecture. On peut se réjouir de la généralisation des téléprocédures, car elles constituent des outils privilégiés de simplification des démarches pour la majorité des usagers et d’optimisation des moyens publics. Mais on peut également s’inquiéter de l’accès équitable des citoyens aux services du réseau préfectoral, même si le Gouvernement pourra objecter que des points de contact numérique sont prévus dans chaque préfecture et sous-préfecture.
En tant qu’élus de proximité, comme vous l’êtes d’ailleurs, monsieur le ministre d’État, nous sommes sensibles à ces problématiques, d’autant que nous assistons, sur le terrain, aux conséquences des différents plans dit « de modernisation » de la préfectorale, s’agissant tant des implantations que de la qualité de l’action de l’État.
Aujourd'hui, on parle du PPNG, actualisé par la directive nationale d’orientation ; hier, on nommait ces plans révision générale des politiques publiques, RGPP, ou réforme de l’administration territoriale de l’État, RéATE.
Demain leur succédera le programme Action publique 2022, lancé par le Premier ministre, le 13 octobre dernier, et qui devrait, selon toute vraisemblance, poursuivre ce mouvement.
Dans le présent projet de loi de finances, 415 ETP sont supprimés au titre du PPNG, principalement dans l’échelon départemental et infradépartemental. Ainsi, nous nous retrouvons avec un nombre croissant de sous-préfectures dans lesquelles travaillent une dizaine d’agents, tout au plus, même si la situation est contrastée selon les territoires. Si jusqu’à présent, il n’y a eu que peu de fermetures, cette évolution s’apparente à une lente dévitalisation.
À l’issue de ce plan, 1 300 ETP auront été supprimés et dans le même temps, les crédits de personnels du programme 307 auront connu une légère augmentation.
Comme le souligne M. le rapporteur spécial, cette hausse ne peut être seulement expliquée par le protocole « Parcours professionnels, carrières et formations », dont l’application a été reportée d’un an, ni totalement par la revalorisation du point d’indice.
À ce stade, alors que le PPNG s’achève, on peut s’interroger sur l’atteinte des objectifs qui lui étaient assignés.
Si la diminution des effectifs qu’il prévoyait semble avoir été accomplie, il n’est pas certain que l’amélioration du service rendu, aux particuliers et aux collectivités, soit au rendez-vous.
Je pourrais par exemple évoquer les missions de contrôle de légalité et le conseil aux collectivités locales. Le présent projet de loi de finances prévoit une enveloppe en hausse de 2,3 %, succédant à plusieurs exercices de baisse tendancielle. Or, et même si les périmètres du contrôle de légalité ont été réduits, les moyens aujourd’hui affectés apparaissent clairement insuffisants pour l’accomplissement de ces missions.
Je pourrais tout aussi bien mentionner la délivrance des titres sécurisés. Leur gestion de plus en plus dématérialisée a-t-elle permis de diminuer la fraude documentaire, de réduire les délais et les coûts de fabrication ? À ce stade, la réalité semble bien plus contrastée qu’attendue. Et j’en profite pour relever que le montant de la dotation pour les titres sécurisés, bien que réévalué à l’article 62 du présent texte, demeure loin de compenser les dépenses engagées par les communes.
Toutefois, et malgré les réserves que je viens d’exprimer, les membres du RDSE voteront les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, m’étant focalisé voilà quelques instants, par nécessité, sur le côté strictement budgétaire de la mission et la poursuite des réductions d’effectifs qu’elle implique, je vais maintenant revenir sur quelques-uns des aspects qualitatifs de cette évolution.
Je commencerai par évoquer la réorganisation de la délivrance des titres.
J’aborderai, comme premier point, la mise en place des centres d’expertise et de ressources titres, les CERT.
Les demandes de titres formulées par les administrés d’un département ne sont désormais plus traitées par les services de la préfecture de ce département.
Selon le titre concerné, la demande est transmise à un CERT, chaque centre étant spécialisé sur un type de titres, chaque département dépendant de plusieurs CERT. Désormais, 58 CERT délivrent les cartes d’identité, les passeports, les permis de conduire et les cartes grises. Les compétences, les objectifs de production, les départements servis, les moyens dont dispose chaque CERT dépendent largement de l’importance des sureffectifs à réaffecter, concurremment à d’autres options : promotions internes, départs à la retraite, mise en place de pôles départementaux spécialisés dans les sous-préfectures importantes… Félicitons-nous que le volontariat des éventuelles mutations géographiques ait heureusement prévalu.
Pour donner un exemple de cette organisation, le CERT que nous avons visité à Châlons-en-Champagne traite, avec un effectif de 20 équivalents temps plein, ou ETP, les demandes de permis de conduire de cinq départements : la Meurthe-et-Moselle, les Deux-Sèvres, la Haute-Marne, le Lot et les Hautes-Alpes.
Mon deuxième point sera consacré aux problèmes liés à la dématérialisation obligatoire des demandes.
Cette modernisation de la délivrance des titres, par ailleurs souhaitable, représente en même temps un nouvel éloignement des services de l’État. C’est aussi une nouvelle charge pour les collectivités territoriales, s’agissant des nouvelles modalités de demande de la carte nationale d’identité.
Ce sont désormais 2 300 communes qui assument la réception des demandes, au lieu de 35 000, ce qui ne satisfait ni les usagers des zones éloignées de ces points de contact ni les maires qui doivent assumer la tâche. L’augmentation de la compensation de 3 500 euros par dispositif, avec un supplément pour les plus actifs, soit un impact budgétaire de 17 millions d’euros, devrait répondre en partie à leur attente.
J’ai déjà évoqué les problèmes techniques – une qualité insuffisante du réseau – et psychologique – une maîtrise minimale de l’outil informatique –, mais force est de constater que, même là où les réseaux sont suffisants, où les points d’accès supplémentaires sont accompagnés, où le personnel est ouvert à la nouvelle approche, des problèmes embarrassants continuent de se poser.
Ainsi, il nous a été rapporté que, à la préfecture de la Marne, où, par ailleurs, les choses se sont globalement bien passées, une partie non négligeable des usagers vivait comme une discrimination à leur endroit le fait qu’ils ne puissent bénéficier d’un accueil par un agent, alors que ce n’est pas le cas pour les titres de séjour des étrangers ! Cette réaction est évidemment non fondée, mais, en l’occurrence, elle en dit long sur le sentiment d’abandon par l’État des administrés. Comme quoi les réformes apparemment les plus rationnelles peuvent avoir des coûts politiques insoupçonnés…
Mon troisième point concernera le fichier des titres électroniques sécurisés, ou « fichier TES ».
Cette réforme a aussi justifié la création du fichier TES, qui a entraîné de nombreuses réactions. L’audit de ce fichier, que le ministre de l’intérieur avait demandé à la suite des réactions des parlementaires – on se rappelle son audition par la commission des lois du Sénat –, a conclu que la sécurité du système n’était pas parfaite et que celui-ci pouvait être détourné à des fins d’identification. Le ministère nous a informés avoir pris en compte, depuis, les recommandations du rapport. Si nous n’avons aucune raison de ne pas le croire, il n’en demeure pas moins que ce fichier n’est pas le plus sûr possible en l’état des technologies.
Je vais maintenant évoquer les sous-préfectures.
Attendue depuis longtemps, la réforme des sous-préfectures, de leur implantation, a en définitive été très limitée.
Finalement, le plus important est de faire coïncider les limites des arrondissements avec les intercommunalités, qui, comme vous le savez, ont beaucoup bougé. C’est ce qui a été fait.
Au-delà de la carte, il conviendrait de redéfinir et d’adapter les moyens des sous-préfectures, pour leur permettre de remplir concrètement leur rôle de proximité.
Je terminerai par la « vie politique, cultuelle et associative ».
Sur ce plan, le principal chantier est la réforme des modalités d’inscription sur les listes électorales et la mise en place prochaine du répertoire électoral unique. Les deux opérations sont en bonne voie, même s’il ne serait pas inutile de rappeler aux communes qu’une réforme va prochainement modifier la procédure d’inscription sur les listes électorales.
S’agissant de la dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement, qui semblait décidé à contourner le Parlement une quatrième fois, par le biais d’une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance dans le futur projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, y a finalement renoncé. Reste à savoir pour combien de temps…
Comme je l’ai dit il y a quelques instants, ne pensant pas que l’on puisse se satisfaire de cette politique récurrente de retrait de l’État des territoires, suivant l’avis de la commission des lois, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je veux saluer le travail de nos rapporteurs partagé avec l’ensemble du personnel de notre institution, et en particulier des commissions.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui regroupe trois programmes, s’élèvent à 2,7 milliards d’euros.
Le programme 307, « Administration territoriale », doté de 1,69 milliard d’euros, connaît une stabilité de ses crédits.
Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui regroupe principalement les crédits liés à l’organisation des élections, voit logiquement ses crédits baisser en 2018 – il faut dire que quatre dimanches étaient concernés par les élections en 2017 –, pour s’établir à 125 millions d’euros, soit une diminution de 73 %.
Ce programme permet aussi de concrétiser différents engagements pour la vie politique. Il comporte, en particulier, les crédits alloués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Le programme 216, doté de 941 millions d’euros, connaît aussi une certaine stabilité. Il bénéficie principalement à l’administration centrale, sous votre autorité, monsieur le ministre d’État, à l’état-major et aux services centraux, à hauteur de 373 millions d’euros.
Globalement, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est surtout une mission d’effectifs, d’où le rôle important des moyens humains. Je veux naturellement souligner le dévouement de l’ensemble des personnels.
S'agissant du projet de budget de l’administration territoriale, les crédits de paiement sont inégalement répartis.
Pour ce qui concerne la réglementation générale, la garantie de l’identité et de la nationalité et le sujet important de la numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés, le montant s’élève quand même à 688 millions d’euros.
Le pilotage des politiques gouvernementales bénéficie quant à lui de 514 millions d’euros, quand la coordination de la sécurité des personnes et des biens se voit allouer 172 millions d’euros et le contrôle de la légalité, 153 millions d’euros, sans oublier l’animation et le soutien des réseaux.
Nous assistons depuis plusieurs années à une baisse des effectifs. De 2007 à 2017, la réduction a concerné 3 357 équivalents temps plein, soit une diminution de 11 % des effectifs, qui s’élèvent aujourd'hui à environ 26 000 emplois. Pour 2018, on assiste malheureusement à une nouvelle baisse des effectifs. Cette réduction touche principalement l’échelon départemental.
Nous restons très attachés à l’administration préfectorale. Les préfets, les sous-préfets et leurs services jouent un rôle important dans nos territoires. Ces représentants de l’État sont les interlocuteurs des élus locaux, du monde économique et social, de l’éducation nationale, mais aussi de la santé, en liaison avec les agences régionales de santé. Ils assurent un service public de proximité et jouent aussi un rôle important pour nos trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière.
La carte des sous-préfectures a évolué, comme la carte des intercommunalités, dans beaucoup de nos départements. La situation n’est pas simple.
Dans le département des Ardennes, que je représente, restent, aux côtés de la préfecture qu’est Charleville-Mézières, trois sous-préfectures : Sedan, Rethel et Vouziers, avec des moyens humains très variables d’une sous-préfecture à l’autre.
Nous sommes attachés aux points de contact de proximité. Je pense à l’évolution que constitue la mise en place des maisons de l’État et des maisons de services au public.
Les réductions d’effectifs nous inquiètent beaucoup, en particulier au niveau des secrétariats régionaux pour les affaires régionales, les SGAR, avec le regroupement des régions.
Le contrôle de la légalité et le conseil aux collectivités territoriales, qui, historiquement, constituent véritablement le cœur de métier des préfectures, ont malheureusement eux aussi souffert d’une très forte baisse des moyens humains jusqu’en 2016.
La semaine dernière, lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dotée de 3,6 milliards d’euros, nous avons largement évoqué les liens de confiance entre les élus locaux avec les représentants de l’État.
En ma qualité d’ancien maire d’une petite commune de 170 habitants, jusqu’au mois de juin dernier, je peux modestement témoigner.
Je pense au rôle des services de la préfecture et des sous-préfectures pour l’établissement des déclarations FCTVA et le soutien à l’investissement, au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, qui a succédé à la dotation globale d’équipement, la DGE, et du FSIL.
Les représentants de l’État suivaient également la gestion de la réserve parlementaire, dont nous sommes nombreux ici à regretter la disparition, puisque la dotation d’action parlementaire était parfaitement encadrée. Vous nous avez communiqué les dernières notifications de la réserve parlementaire, et nous vous en remercions, monsieur le ministre d’État. Localement, ces dossiers étaient suivis par les services des préfectures et des sous-préfectures.
M. Charles Revet. Obligatoirement !
M. Marc Laménie. Comme cela a été rappelé lors de l’examen, précédemment, de la mission « Sécurités », nous restons très attachés au rôle, déterminant, de l’État en matière de sécurité, qu’il exerce au moyen de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des sapeurs-pompiers. La mise en place de la police de sécurité du quotidien est aussi un enjeu important pour les représentants de l’État.
Je n’oublie pas non plus le rôle important des représentants de l’État dans les actions liées au devoir de mémoire : cérémonies patriotiques nationales et locales, soutien aux associations patriotiques et de mémoire…
Je partage les observations de mes collègues qui se sont exprimés sur cette mission, réellement importante pour la présence de l’État sur nos territoires respectifs.
Notre groupe suivra l’avis de notre commission des finances et votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Requier et Guillaume Arnell applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je remplace au pied levé Alain Richard, qui vous prie de l’excuser de ne pouvoir être présent parmi nous.
Je vais essayer de faire passer les messages qu’il aurait sans doute voulu vous délivrer.
Premièrement, derrière un intitulé technique, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » cache trois missions extrêmement importantes : l’exercice des droits des citoyens, la continuité de l’État sur le territoire et la déclinaison sur le plan local des politiques publiques.
Elle est marquée notamment par le plan Préfectures nouvelle génération, qui en est l’élément le plus important. Cette réforme répond aux enjeux d’accessibilité et de modernisation attendues par les usagers et s’appuie sur deux piliers essentiels : dématérialiser et mettre en place un réseau de centres d’expertise et de ressources titres, qui permettra d’accélérer la délivrance d’un certain nombre de titres.
Le plan Préfectures nouvelle génération est traduit dans le programme 307, dont certaines des actions progressent.
Certains orateurs ont souligné les économies réalisées. Il est vrai que ce plan est inspiré par la volonté de réaliser des économies sur les fonctions support du pilotage territorial, par la mutualisation. C’est le principe d’une modernisation, et c’est plutôt souhaitable.
Cependant, les actions nos 01 et 03, la seconde étant extrêmement importante, puisqu’elle correspond au contrôle de légalité, sont en progression.
Deuxièmement, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » porte évidemment les fonctions d’état-major, c’est-à-dire les fonctions centrales, là aussi avec une volonté d’en renforcer la cohérence, notamment en mettant en œuvre un certain nombre de projets, comme en matière de prévention de la délinquance ou encore en vue de l’amélioration de l’efficience des fonctions support.
Enfin, le programme 216 est aussi celui qui porte la stratégie immobilière de l’État. On a vu déjà que l’immeuble Garance, dans le XXe arrondissement, a permis d’accueillir un certain nombre de services. Cette stratégie immobilière se poursuit sur plusieurs îlots, dont l’îlot Beauvau. Elle se traduit par un schéma pluriannuel de travaux sur la période 2016–2018 et permettra de compléter les efforts de mutualisation. Il faut la soutenir.
Pour ces trois raisons que sont la modernisation, la stratégie immobilière et le renforcement d’un certain nombre de mesures, les membres du groupe La République En Marche voteront les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui comprend en particulier le budget des préfectures et celui de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, présente, pour 2018, des crédits consolidés et préservés.
Si l’on met à part le budget consacré à l’organisation des élections, qui ont évidemment été nombreuses en 2017, avec 2,1 milliards d’euros de crédits, le budget de la mission que je présente aujourd’hui devant vous est stable. Cela n’a évidemment pas toujours été le cas dans le passé. Un certain nombre d’entre vous ont fait allusion à la réorganisation de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, et aux suppressions de postes qui ont été réalisées – il est vrai que ces suppressions ont été extrêmement nombreuses entre 2010 et 2017.
Nous avons voulu stabiliser les choses, car les missions accomplies par le réseau préfectoral sont, à mes yeux, extrêmement importantes. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le budget des préfectures soit préservé, avec 1,22 milliard d’euros de crédits.
Si ce budget prévoit certaines réductions d’emplois, ces dernières sont largement permises par la mise en place du plan Préfectures nouvelle génération, décidé en décembre 2015. Cette réforme repose, comme vous le savez, sur la numérisation et sur la simplification des procédures de délivrance de titres. Elle a permis de réinjecter 1 000 agents sur les missions prioritaires des préfectures.
La mise en œuvre de cette réforme est d’une grande actualité, puisque de nouvelles téléprocédures concernant les demandes de cartes grises et de permis de conduire viennent d’être déployées.
Je dois dire que je me suis interrogé sur la façon dont les choses allaient se passer, les réformes de ce type étant toujours un peu délicates à mettre en œuvre. Or le nouveau système, même s’il y a pu y avoir ici ou là quelques grippages, semble fonctionner. En novembre 2017, 885 198 cartes grises ont été éditées et 286 255 nouvelles immatriculations ont été comptabilisées, soit 3 % de plus qu’en novembre 2016.
Nous venons de régler un certain nombre de problèmes que nous avions rencontré avec les importateurs de voitures étrangères et certains professionnels de l’automobile. Cet après-midi même, nous avons signé avec eux un protocole d’accord.
En vertu du plan Préfectures nouvelle génération, la nouvelle organisation de l’instruction des demandes de titres passerait par les centres d’expertise et de ressources titres, qui compteront 1 500 emplois. Il y aura 27 CERT pour les CNI – cartes nationales d’identité – et passeports, 21 pour les permis de conduire, dont 2 spécialisés dans l’échange de permis étrangers, 6 pour les cartes grises et, enfin, 3 CRT polyvalents outre-mer.
Je rappelle, à ce sujet, que, en ce qui concerne les cartes nationales d’identité, 22 millions d’euros ont été dégagés dans le PLF pour accompagner les communes dans la mise en place de la réforme, au travers de la « dotation pour les titres sécurisés ».
Concernant les moyens technologiques, nous avons été interrogés sur l’existence d’une sécurisation véritable. Comme vous le savez, les demandes sont maintenant traitées au moyen du fichier TES, ce qui a pu susciter des inquiétudes. Mais nous avons répondu à toutes ces inquiétudes, en particulier à toutes les observations qui avaient été faites par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, en renforçant, par exemple, la cryptographie et la protection contre les risques d’intrusion.
Dans le cadre du nouveau plan Action publique 2022, que souhaite le Premier ministre, nous voulons lancer une réflexion plus globale sur l’administration territoriale de l’État. Il s’agit pour nous de mutualiser un certain nombre de fonctions support et de nous poser la question de la fusion de certains programmes budgétaires, voire de la réforme de l’échelon départemental de l’administration territoriale de l’État, de manière que les préfets disposent de leviers plus efficaces pour assurer la gestion de l’administration.
J’ai reçu, hier, les préfets et les sous-préfets. Nous leur avons indiqué ce que devait être le cœur de leur mission : animer effectivement, avec les collectivités locales, l’ensemble des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Effectivement, monsieur le rapporteur, cela a toute son importance.
Par ailleurs, au-delà des missions prioritaires du plan Préfectures nouvelle génération, ce budget permettra de renforcer les services des étrangers et de l’asile, comme je l’ai indiqué précédemment, avec 150 recrutements de personnels titulaires.
Pour ce qui concerne les crédits de l’administration centrale, 795 millions d’euros sont prévus. Autrement dit, le budget est stable, avec une réduction de 35 emplois par rapport à 2017, car l’administration centrale doit évidemment participer elle aussi aux efforts d’économies.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Quatre faits sont cependant à signaler.
Tout d'abord, des crédits sont inscrits pour l’installation et la sécurisation d’un troisième site pour la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, à Neuilly-sur-Seine, en attendant la réalisation d’un site unique, sur lequel nous sommes en train de réfléchir.
Ensuite, le budget comprend une forte augmentation des crédits de contentieux. En effet, ces crédits se sont trouvés notablement insuffisants par le passé, ce qui a conduit les parlementaires à qualifier les budgets d’insincères. Ces crédits passent donc de 55 millions d’euros en 2017 à 80 millions d’euros en 2018, ce qui reflète davantage la réalité des besoins. Vous savez que c’est le souhait du Gouvernement que d’avoir, dans tous les domaines, une plus grande sincérité budgétaire.
En outre, pour ce qui concerne la stratégie de prévention de la radicalisation, la baisse des crédits est due à la fermeture du centre de Pontourny, qui, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, avait été un échec, parce que nous n’avions pas pu y réaliser ce qui avait été initialement prévu. Nous réfléchissons également en ce moment à la répartition des crédits, un certain nombre de crédits ayant été alloués par le passé à des associations autoproclamées leaders dans le domaine de la déradicalisation. Nous souhaitons travailler davantage sur le terrain. Nous aurons donc l’occasion de vous faire de nouvelles propositions.
Enfin, les crédits de la mission permettront de financer la mise en place de la juridiction spéciale chargée du contentieux des forfaits du stationnement payant, qui accompagnera l’entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, de la réforme de la décentralisation du stationnement payant. Ainsi, 119 ETP et 8 millions d’euros de budget sont prévus pour armer cette juridiction, qui sera établie, comme vous le savez, à Limoges. Cet acte de décentralisation avait été voulu par le précédent gouvernement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Administration générale et territoriale de l’État |
2 702 036 940 |
2 761 507 605 |
Administration territoriale |
1 699 148 925 |
1 694 818 759 |
Dont titre 2 |
1 516 868 363 |
1 516 868 363 |
Vie politique, cultuelle et associative |
122 499 509 |
125 819 509 |
Dont titre 2 |
5 911 443 |
5 911 443 |
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur |
880 388 506 |
940 869 337 |
Dont titre 2 |
502 591 482 |
502 591 482 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 49 B, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 49 B, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Administration générale et territoriale de l’État
Article 49 B (nouveau)
L’article L. 375 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle sont à la charge de l’État. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 49 B
M. le président. L'amendement n° II–393, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 49 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le huitième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également n’indiquer aucun parti ou groupement politique, l’aide correspondante venant alors en déduction du total de la seconde fraction. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. J’ai déjà présenté cet amendement voilà déjà quelques années, et j’ai eu l’occasion de le défendre à nouveau lors de l’examen du projet de loi de moralisation de la vie politique.
Il concerne la liberté des parlementaires.
La France a choisi le système du financement public de la vie publique. Comme vous le savez, mes chers collègues, c’est essentiellement grâce à la manne de l’État que nos partis politiques peuvent développer leurs idées, leurs actions, leur programme, leurs projets.
Pour leur permettre d’en bénéficier, tous les parlementaires doivent, vers le mois de novembre – nous l’avons fait voilà quelques jours –, choisir l’un des onze partis politiques ayant présenté des candidats dans un certain nombre de départements en France.
Il existe une sorte de monopole des grands partis, qui se partagent cette dotation financière.
L’année 2017 a été paradoxale à cet égard : d’une part, un candidat non issu des partis politiques est devenu Président de la République et, d’autre part, les partis traditionnels de gouvernement, malgré le financement public, n’ont pas remporté les élections législatives, alors que le parti devenu majoritaire a surgi sans aucune aide publique.
Cet amendement tend à laisser leur liberté de choix aux parlementaires. S’ils sont, par exemple, indépendants, divers droite ou divers gauche, ils peuvent ne pas vouloir choisir. Or, aujourd’hui, quand un parlementaire ne choisit pas, sa dotation est partagée entre les onze formations retenues.
Il est tout à fait naturel, à mes yeux, qu’un parlementaire puisse décider de reverser sa dotation au budget général de l’État, ce qui contribuera à amoindrir le déficit public.
Tel est l’objet, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, de cet amendement, particulièrement technique, dont j’espère l’adoption après un long cheminement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Je tiens tout d’abord à remercier Hervé Marseille, l’ancien rapporteur de la commission des finances, dont le travail m’a été très utile.
S’agissant de l’amendement de M. Dominati, qui a déjà été voté par le Sénat, la commission des finances a émis un avis de sagesse très favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.) À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. M. Dominati semblait avoir du mal à déceler des évolutions positives depuis l’arrivée de ce nouveau gouvernement. Je vais lui démontrer qu’il y en a, en émettant un avis favorable sur son amendement (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), cet amendement qu’il a déjà déposé à trois reprises par le passé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-393.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 49 B.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Je l’informe également que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
7
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Justice
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et article 57 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget du ministère de la justice bénéficiera, en 2018, d’une hausse de 3,9 % de ses crédits de paiement, à périmètre constant.
Certains considèrent que cette augmentation est insuffisante. Il est vrai que l’on peut regretter que notre pays consacre seulement 72 euros par habitant à la justice, contre 95 euros en Italie ou même 146 euros en Allemagne.
Néanmoins, replacée dans le cadre du budget général de l’État, la mission « Justice » apparaît bien considérée comme une priorité. Si l’on compare avec d’autres politiques publiques prioritaires – je pense en particulier à l’armée et aux forces de sécurité –, la justice bénéficie d’un traitement plutôt favorable : contrairement aux missions « Défense » et « Sécurités », les efforts budgétaires en faveur de la mission « Justice » devraient être à la fois durables sur la période triennale 2018–2020 et renforcés en fin de période.
Bien sûr, les réformes paraissent toujours trop lentes et leurs résultats tardent à se traduire dans les chiffres et dans les faits. La surpopulation carcérale n’a ainsi jamais été aussi élevée dans notre pays. Le traitement des détenus est indigne dans certaines maisons d’arrêt et la France pourrait bien finir par se faire sérieusement rattraper par la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, les délais de jugement s’allongent devant certaines juridictions, ce qui n’est satisfaisant pour personne : quel est le sens d’une peine prononcée à l’encontre d’un mineur désormais majeur, installé dans la délinquance profonde, et condamné depuis pour d’autres faits autrement plus graves ? Qu’en est-il pour un majeur, désormais installé dans une vie tranquille et responsable, qui n’a plus eu affaire à la justice depuis lors ? Quelle efficacité ? Aucune ! Mais quelle perte de temps !
S’agissant de l’emprisonnement, je soulignais l’année dernière, dans un rapport présenté à la commission des finances sur l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, que dans bien des domaines – trafic de drogues ou criminalité organisée, par exemple –, la saisie et la confiscation des biens étaient nettement plus efficaces qu’un séjour d’emprisonnement, d’ailleurs considéré comme un « risque du métier » par les auteurs de ces infractions.
Par ailleurs, en étudiant les modalités de financement des dépenses de santé des personnes détenues prises en charge par le ministère de la justice jusqu’à cette année, je me suis interrogé sur la fin de vie en détention, mais aussi sur la prise en charge de certaines maladies mentales.
Est-il vraiment efficace et digne d’enfermer des personnes grabataires ou relevant de maladies psychiatriques lourdes dans des établissements pénitentiaires inadaptés à leur pathologie et nécessitant une prise en charge par des personnels pénitentiaires parfois démunis ?
La réponse à ces questions ne passe pas d’abord par l’octroi de moyens supplémentaires, mais bien par une réflexion plus large sur la place de la justice dans la cité et le sens de la peine dans notre société.
À ce titre, si je suis favorable à la construction rapide de 15 000 nouvelles places de prison, il me semble indispensable d’adapter la taille comme la localisation des établissements à la diversité des profils qui s’y côtoient. Il faut bien admettre que tout cela va prendre du temps.
Nous le savons tous, les défis sont colossaux pour améliorer le fonctionnement de la justice. Mais à quoi bon voter la création de centaines de postes supplémentaires s’ils ne sont pas pourvus parce que les agents renoncent à leur concours en raison de conditions de travail trop difficiles ?
Mme la garde des sceaux a prévu plus de 1 000 postes supplémentaires en 2018 au sein du ministère de la justice, ce qui devrait contribuer à améliorer la situation des juridictions et des établissements pénitentiaires. Mais comment favoriser l’attractivité des métiers du ministère de la justice, en particulier celui de surveillants pénitentiaires ? Cette question me semble prioritaire.
Je sais que les questions indemnitaires sont au cœur du débat, mais, en visitant dernièrement le tribunal de grande instance de Bobigny, il m’a semblé que l’amélioration des conditions de travail, au sens large, devrait faire l’objet d’une attention particulière.
Les créations de postes de surveillants pénitentiaires prévues en 2018 permettront d’ouvrir de nouveaux établissements, mais pas de résorber les vacances de postes. Or cette vacance, dans un contexte de surpopulation carcérale, tend à dégrader encore davantage les conditions de travail des agents et contribue, comme dans un cercle vicieux, à réduire l’attractivité de ces métiers.
Par ailleurs, ce projet de loi de finances devrait ne constituer qu’une première étape dans un programme plus profond de transformation du fonctionnement de la justice. Certes, vous inscrivez 328 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 65 millions d’euros de crédits de paiement en faveur d’un plan numérique, mais ce chantier ne saurait, à lui seul, assurer le désengorgement des juridictions et la modernisation de la justice.
Nous attendons donc impatiemment la présentation de votre projet de loi de programmation de la justice pour évaluer la stratégie et mesurer le volontarisme du Gouvernement pour que l’augmentation continue des moyens ne constitue pas l’unique réponse aux dysfonctionnements et au malaise de la justice.
C’est donc un budget en demi-teinte que Mme la garde des sceaux nous présente pour 2018 : d’un côté, l’augmentation des moyens est indéniable, la priorité donnée à la transformation numérique et au recrutement de personnels me semble pertinente au vu de la situation actuelle et des défis à venir ; d’un autre côté, je m’interroge sur la capacité réelle du ministère à se transformer, à se moderniser et même à recruter. Peut-être votre projet de loi de programmation saura-t-il définitivement nous convaincre ?
Certaines économies prévues, notamment sur les frais de justice, me laissent dubitatif. J’espère sincèrement que la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, permettra de réaliser les économies ambitieuses prévues.
S’agissant justement des économies, peut-être pourriez-vous nous préciser les projets ou les actions qui seront concernés par le « coup de rabot » de 9,4 millions d’euros voté en seconde délibération par l’Assemblée nationale ?
Malgré des réserves et des doutes sur les points que j’ai évoqués précédemment, et bien consciente des lourdes contraintes qui pèsent sur le budget de la mission « Justice », la commission des finances est favorable à l’adoption de ces crédits.
Toutefois, ayant participé à l’audition de Mme la garde des sceaux par la commission des lois, le 29 novembre dernier, c’est-à-dire après le vote de l’avis de la commission des finances, je veux préciser que je regrette, à titre personnel, que la garde des sceaux ait annoncé revenir sur l’engagement du Président de la République de construire 15 000 places de prison avant la fin du quinquennat, alors que l’immobilier pénitentiaire a tant besoin d’être soutenu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Administration pénitentiaire ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au 1er novembre 2017, 69 307 personnes étaient détenues, en augmentation de 1,1 % par rapport au 1er novembre 2016, dont 19 889 prévenus et 48 685 condamnés. La « densité carcérale » atteignait donc 117 %.
Aujourd’hui, notre parc immobilier pénitentiaire est inadapté à la croissance de la population carcérale.
Dans ce contexte, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 pour l’administration pénitentiaire apparaissent largement insuffisants au regard des besoins.
Les crédits hors masse salariale, qui s’élèvent à 1 112,4 millions d’euros, diminuent de 1,3 %.
Plus alarmant, les dépenses d’investissement, qui s’établissent à 236,6 millions d’euros, diminuent de 18,2 % en crédits de paiement et de 77,26 % en autorisations d’engagement.
Le programme de 15 000 places annoncé par le Président de la République n’est pas crédible. Seuls 21 millions d’euros de crédits sont inscrits au budget 2018 pour réaliser une partie des acquisitions foncières du programme « 15 000 places », soit 1,9 % du budget du programme « Administration pénitentiaire » hors dépenses de personnel. Le programme « 15 000 places » ne sera donc jamais achevé à la fin du quinquennat, comme nous l’a avoué Mme la ministre de la justice, lors de son audition en commission des lois.
Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas souhaité soutenir la démarche du Sénat qui, sur l’initiative du président de notre commission des lois, Philippe Bas, a adopté, en octobre dernier, une proposition de loi très ambitieuse.
Pour créer 15 000 places supplémentaires, il faut construire au moins 20 000 places nouvelles, dans la mesure où 3 000 à 4 000 places disparaîtront avec la fermeture d’établissements vétustes.
J’évoquerai deux autres points très inquiétants : d’une part, la diminution des crédits consacrés aux aménagements de peine et à la lutte contre la récidive ; d’autre part, la diminution des crédits de paiement consacrés à la maintenance du parc immobilier carcéral.
Depuis dix ans, la maintenance du parc immobilier carcéral souffre d’un sous-investissement chronique et notoire. Il faudrait 140 millions d’euros chaque année pour simplement maintenir le parc existant. Or le projet de loi de finances pour 2018 ne consacre que 80,7 millions d’euros à la maintenance des établissements, contre 114 millions en 2017.
J’en viens à l’insuffisance des créations d’emplois.
La création de 732 emplois supplémentaires est prévue, alors qu’il faudrait, selon l’administration pénitentiaire, entre 1 600 et 1 800 postes supplémentaires.
Dans ce contexte, l’absence de hausse significative du plafond des autorisations d’emplois des surveillants pénitentiaires est injustifiable et place durablement les surveillants dans une situation dangereuse.
Je passerai sur la part substantielle des mesures catégorielles annulées pour 2018, notamment le passage en catégorie A des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Il est pourtant indispensable de renforcer l’attractivité des métiers de l’administration pénitentiaire.
Pour ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits. (M. Philippe Bas et Mme Sophie Joissains applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous partageons tous ici le constat selon lequel notre justice a d’abord besoin de moyens.
Le Gouvernement a tenté d’y répondre dans son projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 en prévoyant une trajectoire d’augmentation des crédits de la mission « Justice » de 19 % sur cette période.
Or je ne peux que constater que cette trajectoire est bien moins ambitieuse que celle de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que vous avez adoptée, mes chers collègues, le 24 octobre dernier, sur l’initiative de notre collègue, président de la commission des lois, Philippe Bas. Cette proposition de loi prévoit en effet une progression des moyens de 28,9 %, sur la base d’un diagnostic qui n’a pas été contesté, et d’importantes réformes de structure dont notre justice a besoin pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.
La trajectoire que propose le Gouvernement, inférieure de près de dix points à celle qui a été prévue par le Sénat, ne me semble donc pas à la hauteur des difficultés rencontrées aujourd’hui par la justice.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2018, première étape de cette trajectoire quinquennale, je prends acte de l’augmentation des crédits de paiement alloués aux programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de 5,4 % globalement, dont 4,1 % pour le seul programme « Justice judiciaire ».
C’est la raison pour laquelle je comprends que nos collègues de la commission des finances aient proposé d’adopter les crédits de la mission « Justice ». Toutefois, malgré cette progression, les moyens demeurent nettement insuffisants. L’effort consenti est en recul par rapport à celui qui avait été accompli en loi de finances initiale pour 2017.
S’agissant plus particulièrement des moyens dévolus aux juridictions judiciaires en 2018, seules 148 créations nettes d’emplois sont prévues – contre 600 en 2017 –, dont aucune création nette d’emploi de greffier.
Les délais de traitement des affaires s’allongent, tant en matière civile qu’en matière pénale. Le sous-effectif lié aux vacances de postes demeure, ainsi que la sous-dotation manifeste des frais de justice, avec près de 122,65 millions d’euros de dettes et charges à payer non budgétés.
Quant à la progression des crédits de fonctionnement et d’investissement des juridictions, elle sera absorbée, pour l’essentiel, par l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris, alors que le piètre état de l’immobilier de certaines juridictions dans l’ensemble de l’Hexagone tout comme l’insuffisance de leurs moyens de fonctionnement sont régulièrement dénoncés.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toute augmentation de crédits sera vaine si elle se termine par une annulation de crédits en gestion.
À cet égard, le Gouvernement s’est engagé à revenir à une pratique plus conforme à l’autorisation parlementaire. Je constate toutefois qu’un décret d’avance, daté du 30 novembre dernier, a encore annulé 78 millions d’euros de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement sur le budget de la mission « Justice », dont 23 millions d’euros pour le seul budget consacré à la « Justice judiciaire ».
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Philippe Bas applaudit également.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », qui représentent à peu près 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Dans le projet de budget pour 2018, le montant accordé à la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ, s’élève à 857 millions d’euros, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances pour 2017.
Le plafond d’emplois de la PJJ augmente également de 16 équivalents temps plein travaillé supplémentaires, notamment du fait de la création de quarante postes d’éducateur, affectés au milieu ouvert, en 2018.
Les crédits de la PJJ sont donc en hausse, dans le prolongement de la consolidation entamée au cours du précédent quinquennat, après plusieurs années de forte baisse. Je souhaite saluer cette évolution positive.
Il m’apparaît cependant important de relever plusieurs éléments de ce budget qui méritent notre attention.
Tout d’abord, le patrimoine immobilier me semble faire l’objet d’une attention insuffisante. Je salue l’effort apporté à cette question, mais je souhaite souligner que seule une hausse plus sensible des crédits permettra d’enrayer la dégradation et de rattraper le retard accumulé.
Ensuite, les crédits du secteur associatif habilité, partenaire historique de la PJJ, poursuivent leur redressement en 2018, avec une hausse de 0,7 %. Il s’agit pourtant, là aussi, d’une revalorisation trop faible, qui n’apportera pas au secteur associatif les marges de manœuvre dont il a besoin pour l’accompagnement et la prise en charge des mineurs sous mandat judiciaire.
Au début de l’année, Mme la ministre de la justice a annoncé, dans le prolongement d’une promesse de campagne du Président Macron, la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Les crédits consacrés à ces centres seraient ouverts en 2019.
Dans cette perspective, je souhaite rappeler que l’ouverture de ces centres ne doit pas se faire au détriment des autres modalités de prise en charge qu’offre la PJJ, et en particulier du milieu ouvert.
J’aimerais à présent évoquer brièvement la situation des jeunes filles prises en charge par la PJJ. Si la mixité est un principe fondateur de la PJJ, ce public ne représente qu’une part très minoritaire des interventions de la PJJ, estimée autour de 10 %.
Cette situation soulève des interrogations sur leur intégration dans les structures collectives, majoritairement masculines, et peut faire obstacle aux principes d’individualisation et de continuité de la prise en charge. La question est d’autant plus préoccupante que la délinquance des jeunes filles est en hausse au cours des dernières années.
Il est donc nécessaire de développer une réflexion sur l’amélioration des conditions d’accueil dans les structures de la PJJ et sur la formation des personnels aux enjeux de la mixité.
À ce titre, je crois que la mise en place de structures non mixtes, comme il en existe déjà plusieurs, doit être envisagée.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la PJJ pour 2018.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de 20 minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la justice est souvent le parent pauvre des budgets ministériels.
En effet, le budget de la défense fait plus facilement consensus et le budget de l’éducation nationale, par exemple, est en débat naturel. La justice, dont nombre de nos concitoyens attendent beaucoup, n’a pas les mêmes atouts.
C’est dans cet esprit, et en allant sur le terrain, dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice, initiée par le président de la commission des lois, que nous avons pu constater à quel point la justice avait besoin de moyens et d’une programmation pluriannuelle.
Une telle programmation pourrait faire l’objet, comme nous l’avons déjà dit à Mme la garde des sceaux, d’un large consensus, un rassemblement, qui est celui qui est souhaité par le Président de la République dans sa gestion politique, et vous êtes vous-même, semble-t-il, un symbole de ce rassemblement, monsieur le secrétaire d’État.
Mme Éliane Assassi. Mais quel rassemblement ?
M. Jacques Bigot. Rassemblement sur la justice, cela suppose effectivement une programmation pluriannuelle qui aurait pu déjà être proposée tout de suite. Elle ne l’est pas parce qu’il faut, paraît-il, mener à bien rapidement cinq chantiers, alors même qu’il y a eu, sous le gouvernement précédent, des états généraux, des réflexions, liés à toute une série de rapports, qui démontrent clairement ce qu’il faut faire. Et pourtant, on nous renvoie encore à une discussion ultérieure.
Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur spécial de la commission des finances, on nous propose un budget en demi-teinte, qui peut sembler bon à ceux qui ne regardent que les finances et très insuffisant à ceux qui connaissent le fonctionnement de la justice et de l’ensemble de ses institutions.
Mme la garde des sceaux aura besoin de notre soutien pour parvenir à convaincre, à l’instar du précédent garde des sceaux qui s’est battu sur ce point, de la nécessité d’allouer davantage de moyens à la justice. Ce n’est pas simple.
Il faut également engager certaines réformes, notamment dans l’organisation de la justice. Nous sommes conscients que la réforme numérique doit aider à un meilleur fonctionnement de la justice. Cinquante emplois sont prévus à cet égard, pour améliorer l’approche du numérique par le monde judiciaire.
On parle aussi de la réorganisation territoriale, qui inquiète beaucoup. Les économies que l’on pense y trouver ne seront pas forcément au rendez-vous. Il ne faudrait pas, au final, éloigner les justiciables de la justice, alors qu’ils ont besoin de davantage de proximité.
Nous ne sentons donc pas encore, dans ce budget, la marque exacte de ce que Mme la garde des sceaux souhaite faire. Elle n’est pas là aujourd’hui pour nous l’expliquer ; elle nous l’a expliqué en commission des lois, et j’espère que nous aurons rapidement l’occasion d’en débattre, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle qui ne devrait pas attendre la fin de l’année 2018.
M. Philippe Bas. Très juste !
M. Jacques Bigot. Mais globalement, malgré les efforts, nous constatons que le budget baisse, en matière notamment de recrutement de personnels. On nous annonce, pour 2018, 319 départs et 419 recrutements de magistrats. Le solde serait donc positif de 100 personnels magistrats ; pour les greffiers, le solde positif serait de 108 personnels, alors que des manques criants et importants existent, auxquels il faut pourvoir.
Manifestement, on n’est pas dans la même logique que celle du gouvernement précédent. Il est vrai que M. Urvoas s’était beaucoup battu afin de faire mieux pour la justice.
S’agissant de l’administration pénitentiaire, dont Jean-Pierre Sueur dira quelques mots, ou plutôt parlera cinq minutes, tout à l’heure, pour notre groupe, on constate là aussi que les dépenses de personnel augmentent à peine de 4 %, alors que l’on sait qu’on a du mal à recruter, et que si l’on ne transforme pas les moyens donnés aux personnels, il sera difficile de faire fonctionner des prisons que l’on veut encore plus nombreuses, d’après ce que l’on entend.
Enfin, madame la rapporteur pour avis de la commission des lois sur la protection judiciaire de la jeunesse, vous émettez un avis favorable sur les crédits de ce programme, mais vous ne mesurez pas que l’effort, là encore, n’est pas au rendez-vous.
Vous parlez des centres éducatifs fermés. On veut, dit-on, en créer vingt dans le cadre du budget pour 2019 ; mais rien n’est prévu, dans le budget pour 2018, pour préparer leur réalisation, ce qui veut dire qu’ils ne seront construits, au mieux, qu’en 2020, sachant qu’une telle création exigera des personnels supplémentaires. Bien sûr, faire fonctionner des centres éducatifs fermés revient cher, mais il s’agit d’une nécessité. En même temps, vous avez raison, il ne faut pas déshabiller le reste des services.
Nous considérons que ce qui est fait pour la protection de la jeunesse est fondamental pour éviter l’augmentation future de la délinquance. Sur les crédits de la mission consacrés à cette question, donc, nous voterons contre.
Nous voterons également contre les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire, parce qu’ils ne sont pas au rendez-vous.
En même temps, nous attendons avec impatience un vrai débat sur le sens de la peine, l’utilité de l’enfermement et la nécessité de dépenser cet argent en faveur de l’administration pénitentiaire.
Enfin, s’agissant du budget de la justice, nous pourrions voter contre.
M. Philippe Bas. Vous devriez !
Mme Sophie Joissains. Ce serait une bonne chose !
M. Jacques Bigot. Mais nous pensons, à ce stade des discussions, qu’il est utile que nous nous contentions de nous abstenir, rejoignant en quelque sorte la proposition de la commission des finances, qui n’est pas tout à fait l’avis de la commission des lois. Nous espérons ainsi encourager Mme la garde des sceaux, dans l’attente de la programmation pluriannuelle qui, elle, devra être au rendez-vous du consensus dont la Nation a besoin pour que sa justice fonctionne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Loïc Hervé. Le « nouveau monde » va s’exprimer !
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, étonnamment, nous voterons pour !
M. Loïc Hervé. Quelle surprise !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Quel humour !
M. Arnaud de Belenet. Dans un contexte de nécessaire redressement des comptes publics, nous ne pouvons que nous réjouir d’une hausse de près de 4 % du budget de la justice et de la création de 1 000 emplois.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Arnaud de Belenet. Toutefois, la France demeure mal classée parmi les pays européens, pour ce qui concerne notamment les moyens alloués à son système judiciaire : cela a été dit, avec 72 euros par habitant, elle se classe à la quatorzième place sur vingt-huit. Quant aux délais de procédure, ils sont très longs : un Français devra attendre 304 jours pour voir son cas jugé, contre 19 jours au Danemark ou 91 aux Pays-Bas, avantageant ainsi la partie qui a intérêt à retarder l’instruction ou le jugement.
C’est pourquoi la politique en matière de justice ne peut se résumer à une augmentation, certes nécessaire, des crédits qui lui sont consacrés, mais doit s’inscrire dans une transformation en profondeur de notre système.
M. Philippe Bas. Vous avez raison !
M. Arnaud de Belenet. Telle est la volonté du Gouvernement : Mme la garde des sceaux a lancé, les 5 et 6 octobre derniers, les chantiers de la justice, avec une feuille de route claire. Il s’agit à la fois de simplifier et d’améliorer les procédures civiles et pénales, mesures particulièrement attendues par les professionnels de la justice, mais aussi par les justiciables eux-mêmes, d’impulser une transformation numérique de nos juridictions, d’amorcer une véritable réflexion sur le sens et l’efficacité de la peine, et de réfléchir à l’adaptation de l’organisation judiciaire.
Entendu par notre rapporteur pour avis Yves Détraigne, le secrétaire général de la Chancellerie a annoncé le lancement prochain d’un sixième chantier relatif aux ressources humaines.
Ces travaux, dont les conclusions seront présentées en début d’année, trouveront une traduction, au printemps, dans un projet de loi quinquennale de programmation pour la justice, accompagné de projets de loi de simplification de la procédure pénale et de la procédure civile. Cette démarche s’inscrit dans la modernisation de la justice du XXIe siècle portée par le précédent garde des sceaux.
À cet égard, la forte baisse que subit le programme « Administration pénitentiaire », baisse de près de 39 % par rapport à 2017, s’explique par le montant élevé des autorisations d’engagement prévues dans la loi de finances pour 2017 correspondant au programme de construction de 15 000 places de prison annoncé par Jean-Jacques Urvoas.
Toutefois, cet effort a connu des difficultés d’application : les terrains, nous le savons tous, ne sont pas immédiatement disponibles, et les délais entre l’acquisition du foncier et le démarrage des travaux peuvent être particulièrement longs.
Comme l’a rappelé le Président de la République dans son allocution devant la Cour européenne des droits de l’homme, « la France ne peut être fière des conditions dans lesquelles certains sont détenus sur son territoire. » En effet, au 1er octobre 2017, la France comptait plus de 68 000 détenus pour seulement 59 000 places. Le chef de l’État a donc annoncé la création d’une agence chargée de développer et d’encadrer les travaux d’intérêt général, dont l’objectif est de désengorger les prisons en promouvant des peines alternatives.
Mme la garde des sceaux mérite d’être alertée, en tout cas sollicitée pour quelques précisions sur cette agence, afin d’écarter les critiques déjà formulées, comme celle de l’Observatoire international des prisons.
Au-delà de la création de cette agence, je souhaite aborder deux points concernant l’administration pénitentiaire : la nécessité de réfléchir aux peines et aux conditions de travail du personnel pénitentiaire.
S’agissant des peines, à titre d’exemple, comme l’indique Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, des délinquants routiers récidivistes se retrouvent en prison, ainsi que des personnes relevant de la psychiatrie. D’aucuns estiment à 30 % la part des détenus qui présentent des troubles psychiatriques graves – nous savons l’hostilité des médecins psychiatres à l’internement, et peut-être cette préoccupation mérite-t-elle d’être relayée.
S’agissant des conditions de travail du personnel pénitentiaire, comme l’a indiqué notre rapporteur pour avis Alain Marc, il existe une forte crise de recrutement qui s’explique notamment par la difficulté du travail, renforcée, précisément, par le contexte de surpopulation carcérale, ainsi que par la faiblesse des rémunérations.
Concernant les autres programmes de cette mission, ils connaissent tous une augmentation plus ou moins sensible. L’effort budgétaire consacré à la transformation numérique de la justice est en définitive assez remarquable, puisque le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » augmente de 113 % en autorisations d’engagement et de 15,3 % en crédits de paiement.
Cette transformation profonde va enfin permettre une mise à niveau des moyens de la justice qui la fera entrer dans l’ère numérique, dont nous savons la révolution qu’elle représente. C’est un enjeu fort pour nos concitoyens, qui éprouvent une forme d’inquiétude, voire de défiance, à l’égard de notre justice, la jugeant, à raison, souvent trop lente et trop complexe. Il est de notre responsabilité de regagner la confiance de nos concitoyens. Le budget qui nous est présenté par Mme la garde des sceaux prend la pleine mesure de ce défi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Sophie Joissains ainsi que MM. Loïc Hervé et Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans ce projet de loi de finances pour 2018, le budget alloué à la justice augmentera de 2,9 %. Si cette hausse est supérieure à l’augmentation moyenne de 2,6 % constatée depuis 2012, elle est en revanche inférieure à celle de l’année dernière, laquelle, certes, devait être imputée aux moyens exceptionnels consacrés aux plans de lutte contre le terrorisme.
Mais tout de même, comme le révèle l’Union syndicale des magistrats, nous pouvons regretter un « ralentissement de la croissance », signe d’un « manque d’ambition pour la future loi de programmation » promise par le Président Macron et le Premier ministre.
Par ailleurs, sur le fond, si nous partageons, pour la justice, l’objectif de redressement budgétaire, nous sommes au regret de constater que l’augmentation des crédits proposée s’inscrit dans la même orientation que celle de ces dernières années : l’impact de la progression des crédits est largement réduit pour les services judiciaires, puisque le programme « Administration pénitentiaire » absorbe en grande partie cette progression.
Dès lors, une fois encore, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d’État : augmenter les moyens de la justice, oui, mais pour quoi faire ?
En outre, l’augmentation porte sur un budget si appauvri que le « retard structurel » de la justice n’est pas rattrapé. Les comparaisons européennes donnent la véritable mesure de la paupérisation de la justice française. Et pour cause, la France pointe à la quatorzième place sur vingt-huit, avec 72 euros par habitant et par an consacrés à la justice.
Les effectifs constituent un autre point faible du système judiciaire français. Concernant le nombre de juges, en 2014, la France est vingt-quatrième sur vingt-huit, avec dix juges professionnels pour 100 000 habitants.
Parallèlement, les procédures, en France, sont très longues : en première instance, un Français devra attendre en moyenne 304 jours pour voir son cas jugé, contre 19 jours au Danemark !
La situation est donc critique sur le plan judiciaire ; elle l’est tout autant s’agissant de l’administration pénitentiaire.
Vingt-sept associations et syndicats d’avocats, de magistrats, de personnels de l’administration pénitentiaire ont interpellé l’ensemble des parlementaires sur le présent projet de budget – c’était le 25 octobre dernier, il n’y a donc pas si longtemps. Ils dénoncent une augmentation constante du parc carcéral au détriment de la logique de réinsertion et des alternatives à l’emprisonnement, toujours négligées. Nous partageons ce constat et souhaitons nous aussi mettre un terme à l’inflation carcérale, en privilégiant la décroissance pénale déjà engagée dans nombre d’autres pays européens.
Rappelons que si près de 30 000 places de prison ont été construites ces 25 dernières années, entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire, les conditions de détention n’ont cessé de se détériorer.
Nous pensons donc qu’il serait plus opportun de rénover massivement certaines prisons, de remplacer les établissements vétustes voire, pour certains, dans un état d’insalubrité maximale, comme à Fresnes, et, parallèlement, de favoriser le milieu ouvert et les alternatives à l’emprisonnement.
Les services de la protection judiciaire de la jeunesse, pour leur part, voient leurs crédits progresser de 3,4 % par rapport à l’année dernière, et leurs effectifs renforcés par 40 nouveaux emplois d’éducateurs.
Au regard de la situation de fragilité dans laquelle se trouve la protection judiciaire de la jeunesse, notamment par l’application indiscriminée de la révision générale des politiques publiques entre 2007 et 2012, le budget pour 2018 n’est pas satisfaisant.
Dans son programme, Emmanuel Macron avait pourtant affirmé : « La justice des mineurs est une de nos grandes priorités, car c’est là que se joue l’avenir des enfants en difficulté. »
Aussi peut-on s’étonner que la justice des mineurs ne bénéficie pas d’une forte augmentation de crédits et ne fasse pas l’objet de l’un des grands chantiers de la justice annoncés.
S’agissant de l’aide juridictionnelle, le budget doit augmenter de 8,7 % – encore une fois, c’est moins que l’année précédente – en attendant le lancement de plusieurs missions destinées à trouver une solution de financement pérenne.
Le budget alloué à ce programme est largement insuffisant ; c’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, par voie d’amendement, de l’abonder. Il s’agit là du seul outil permettant d’assurer une assistance aux justiciables les plus démunis.
À cet égard, nous souhaitons souligner que l’augmentation des ressources attribuées à cette politique publique ne doit pas conduire à éluder la question fondamentale de la rétribution des professionnels du droit intervenant dans l’aide juridictionnelle.
En effet, les avocats qui prennent en charge ces dossiers ne sont pas rémunérés, mais « indemnisés » via la perception d’une rétribution dérisoire à la toute fin de la procédure. Ces avocats assument seuls, sur leur activité économique, le poids d’une mission de service public dont la rétribution est bien souvent inférieure au coût.
Si le budget de la justice est donc présenté, cette année encore, comme prioritaire, il n’échappe pas aux logiques d’austérité.
Or les moyens affectés et les orientations définies ne permettront pas de restaurer la crédibilité et l’efficacité de la justice ; c’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs de mon groupe voteront contre les crédits de cette mission.
Selon nous, mes chers collègues, il y a urgence à prôner et à ériger une justice plus sociale et humaine. Nous formons le vœu, de nouveau, que les chantiers lancés par Mme la garde des sceaux, qui sont en cours, aboutissent à un texte en faveur de cette logique. (M. Philippe Bas applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Philippe Bas applaudit également.)
Mme Sophie Joissains. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « Dans un État de droit, rien n’est possible sans une justice forte. Si elle est lente, ou lointaine, ou inégalitaire, ou même seulement trop complexe, la confiance se trouve fragilisée. » Ces mots ne sont pas de moi, mais du Premier ministre, lors de son discours de politique générale, en juillet dernier.
La justice est donc, pour le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, une priorité affichée. C’est une excellente chose.
Mais nous sommes nombreux, ici, à avoir entendu de belles promesses, notamment en début de mandature, et à avoir été souvent déçus.
Notre assemblée a toujours été très attentive aux moyens alloués à l’autorité judiciaire, et notre commission des lois tire la sonnette d’alarme depuis des années. Je rappelle que, depuis longtemps, la France occupe une place peu flatteuse dans le classement réalisé par le Conseil de l’Europe – les collègues qui m’ont précédé ont largement abordé ce sujet.
J’espère que notre pays, qui est un symbole démocratique dans le monde entier, donnera prochainement une autre image et, de fait, vivra une autre réalité.
Nous espérons sincèrement que l’effort budgétaire consacré par le Gouvernement à la mission « Justice » en 2018 permettra d’améliorer les choses.
Mais, pour ma part, je suis très sceptique sur les améliorations réelles, concrètes, que pourraient ressentir magistrats, greffiers, surveillants pénitentiaires et justiciables.
M. Philippe Bas. Bien entendu !
Mme Sophie Joissains. Cela a été rappelé : on ne peut accuser le Sénat d’être simplement dans la critique ; nous avons fait des propositions conséquentes, particulièrement au cours de l’année qui vient de s’écouler, dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Ces travaux ont été rendus publics en avril 2017, et ont donné lieu au dépôt de deux propositions de loi, toutes deux adoptées par le Sénat le 24 octobre dernier.
À l’occasion du débat sur ces textes, Mme la garde des sceaux nous a informé que le Gouvernement présenterait son projet de loi quinquennale de programmation de la justice au premier semestre 2018. Dont acte.
Cette loi de programmation sera donc bien présentée après le vote de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, et l’on voit mal comment les plafonds de crédits par mission ainsi votés pourraient demain être remis en question.
La suite de mon propos sera consacrée à quelques aspects des plus sensibles de la mission.
L’aide juridictionnelle, tout d’abord : sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur, nous avions rédigé, avec Jacques Mézard, un rapport d’information, et, oserai-je dire, de propositions, en 2014.
Les moyens de l’aide juridictionnelle augmenteront de 8,7 % en 2018.
C’est une bonne chose, mais l’aide juridictionnelle continuera de constituer un serpent de mer tant qu’une solution de financement pérenne n’aura pas été trouvée – beaucoup d’entre vous, je crois, mes chers collègues, se retrouvent dans cette conclusion.
Je rappelle que le Sénat a adopté, en octobre dernier, le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique, supprimée par la loi de finances pour 2014.
Cette contribution apporte une réponse simple au besoin de financement de l’aide juridictionnelle et pourrait engendrer plus de 50 millions d’euros chaque année.
Néanmoins, est-ce là le moyen le plus juste de la financer ?
Des interrogations demeurent, notamment sur la possibilité de taxer la protection juridique, qui figure, telle une clause de style, sur tous les contrats d’assurance, et est payée par des consommateurs qui n’ont pas été mis en situation de choix et n’ont souvent pas même conscience d’y avoir droit.
Le Gouvernement a confié une mission conjointe à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de la justice sur ce sujet.
J’espère que nous parviendrons enfin à clore ce dossier, car cette réforme est restée bien trop longtemps en suspens, alors qu’elle est essentielle pour l’accès à la justice des plus démunis, et fondamentale au regard du principe d’égalité.
Quelques mots sur le problème lui aussi récurrent des vacances de postes, et notamment des postes de magistrats.
Pour ce qui concerne les magistrats affectés en juridiction, en 2017, plus de 450 postes étaient vacants.
S’agissant des greffiers, le taux de vacance au 1er janvier 2017 s’élevait à 7,44 %.
Certes, la création de 100 postes de magistrats et de 108 postes de greffiers devrait pouvoir réduire d’autant le solde de vacances de postes de ces deux corps, mais sûrement pas en 2018 : il faudra 18 mois pour les greffiers et 31 mois pour les magistrats – cela correspond à la durée de leur formation.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
Mme Sophie Joissains. Il nous faut aussi trouver une réponse à la question : pourquoi de tels taux de vacance ? L’attractivité de certaines juridictions est-elle en cause ? C’est certain, et cela pose des problèmes de nature bien plus profonde, s’agissant tant de l’organisation territoriale que des inégalités qui en découlent.
Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau lors de l’examen de la loi de programmation.
Autre problématique récurrente de la discussion budgétaire : les frais de justice.
Force est de constater que près de 122,65 millions d’euros de dettes et charges à payer ne sont pas budgétés, alors que certaines juridictions sont en cessation de paiement depuis le mois d’août et ne peuvent payer des auxiliaires de justice.
Cette problématique n’est absolument pas résolue par le présent projet de budget.
Un mot, enfin – nous en avons déjà beaucoup parlé –, sur la création de places de prison.
Nous avons tous en mémoire un principe simple, que nous avons voté en 2009, dans la loi pénitentiaire : l’encellulement individuel. Il s’agit d’un objectif indispensable, mais difficile à atteindre, tant et si bien que depuis 2009 nous ne faisons que prolonger le moratoire à ce sujet – il court jusqu’au 31 décembre 2019.
La réalité, à ce jour, est que le taux d’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires est inférieur à 40 %. Nous devons mettre en parallèle ce chiffre avec le taux de densité carcérale qui, lui, avoisine 120 %.
On voit bien l’ampleur du défi carcéral qui est devant nous.
Notre collègue Alain Marc relève que les autorisations d’engagement relatives à l’immobilier pénitentiaire diminuent de 77,26 % par rapport à 2017.
Nous sommes inquiets, et, me semble-t-il, légitimement inquiets, d’autant plus que l’administration pénitentiaire ne doit pas seulement affronter le contexte de surpopulation carcérale et tous les maux qui s’y rattachent – parmi ces derniers, les maux sanitaires et psychiatriques ne sont pas les moindres, et je n’évoquerai même pas les objectifs de réinsertion –, mais est aujourd’hui confrontée au problème de la radicalisation.
Dans ces conditions, le fait que le Gouvernement acte, dès le début du quinquennat, qu’il sera impossible de construire les 15 000 places de prison, alors que le Président de la République s’y était engagé, est plus que regrettable : extrêmement préjudiciable.
Nous espérons sincèrement que le Gouvernement fera tout, dans les années à venir, pour tenir ses engagements, car il s’agit là d’une urgence humaine et sociétale.
Au regard de l’ensemble de ces observations, monsieur le secrétaire d’État, les sénateurs centristes ne peuvent apporter leur soutien au projet de budget dédié à la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nathalie Delattre et Maryse Carrère applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Justice » progressera de 3,9 % en 2018, pour s’établir à 6,98 milliards d’euros.
Toutefois, cette augmentation paraît bien modeste au regard des efforts nécessaires au redressement de la justice, qui se trouve aujourd’hui dans une situation critique, s’agissant tant de ses délais que de ses moyens.
Je souhaite tout d’abord souligner que la trajectoire d’augmentation des crédits de la mission « Justice » engagée par le Gouvernement pour la période 2018–2022, soit une hausse de 19 %, est bien moins ambitieuse que celle prévue par la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 – l’augmentation prévue y était de 28,9 %.
Pour 2018, en dépit de l’augmentation des crédits de paiement alloués par le projet de loi de finances aux programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » – l’augmentation est de 5,4 %, dont 4,1 % pour le programme « Justice judiciaire » –, de nombreux points appellent un certain nombre de commentaires.
S’agissant tout d’abord des moyens dévolus aux juridictions judiciaires, seules 148 créations nettes d’emplois sont prévues en 2018, contre 600 en 2017, dont aucune création nette d’emploi de greffier.
La sous-dotation persistante des frais de justice est également à déplorer, avec près de 122,65 millions d’euros de dettes et charges à payer non budgétés.
Enfin, la situation demeure préoccupante dans les juridictions, avec des délais de traitement qui s’allongent et une situation chronique de sous-effectif liée aux vacances de postes.
C’est également une augmentation en trompe-l’œil que celle des crédits de fonctionnement et d’investissement des juridictions, essentiellement consacrée à l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris, alors que l’immobilier de certaines juridictions se trouve dans un piteux état et que l’insuffisance de leurs moyens de fonctionnement est régulièrement constatée.
Concernant le programme « Administration pénitentiaire », je déplore l’insuffisance des crédits qui lui sont consacrés. En effet, à périmètre constant et hors dépenses de personnel, les crédits de paiement diminuent de plus de 1,3 % et les autorisations d’engagement relatives à l’immobilier pénitentiaire, de 77,26 % par rapport à 2017.
En raison de la faiblesse de l’effort budgétaire en faveur de l’immobilier pénitentiaire, du retard constaté pour acquérir les terrains et de l’absence de loi de programmation permettant de sécuriser les financements, il ne sera pas possible de construire 15 000 places de prison avant la fin du quinquennat, contrairement à l’engagement présidentiel. C’est bien ce que nous a confirmé Mme la ministre lors de son audition par la commission des lois, mardi dernier.
Je regrette également la forte baisse des crédits consacrés à la maintenance des établissements, baisse de plus de 29,3 % par rapport à 2017, alors même que plus d’un tiers des cellules du parc immobilier carcéral sont considérées comme vétustes.
Le sous-investissement dans l’entretien du parc immobilier de l’administration pénitentiaire entraîne une dégradation précoce des établissements existants et conduit soit à une augmentation des coûts des rénovations futures, soit à une fermeture forcée et non anticipée de places d’établissements pénitentiaires.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de budget présente de trop nombreuses lacunes, comme la faiblesse des créations d’emplois dans les juridictions et la persistance de la sous-dotation des frais de justice.
Il ne prend pas non plus la pleine mesure de la situation dramatique que vivent les personnels dans les établissements pénitentiaires ou dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation, face à la hausse du nombre de personnes placées sous main de justice.
Le groupe Les Indépendants ne votera donc pas les crédits de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2018. (Mmes Sophie Joissains, Nathalie Delattre et Maryse Carrère applaudissent.)
Mme Sophie Joissains. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (M. Éric Gold applaudit.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans l’attente des résultats de la réflexion que Mme la ministre a engagée en faveur de la refondation de la justice, le budget qui nous est présenté ne peut qu’être un budget de transition – enfin, nous l’espérons !
Je m’attacherai donc à donner mon avis sur quelques sujets prioritaires d’une mission qui n’en manque pas.
Pour voir plus clair dans la répartition des crédits de la mission, nous avons proposé au Gouvernement, lors de l’examen de la proposition de loi de mon collègue Philippe Bas, une solution qui nous semble pertinente : elle consiste à isoler organiquement le programme « Administration pénitentiaire », qui absorbe près de 41 % des crédits de la mission, du programme relatif aux services judiciaires, afin de rendre les équilibres budgétaires plus lisibles pour nos concitoyens et de remettre en perspective nos priorités.
Une fois ce principe acté, notre philosophie en matière judiciaire doit être simple : faire respecter la loi et ne pas laisser s’installer dans notre pays un quelconque sentiment d’injustice ou d’impunité. Car, comme le disait le très radical Georges Clemenceau, « toute tolérance devient à la longue un droit acquis ».
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Belle référence !
Mme Nathalie Delattre. Ce principe partagé, entrons dans le détail de ce que vous nous proposez.
Tout d’abord, s’agissant de la question de l’accès au droit et du fonctionnement de notre système judiciaire, malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, votre budget ne suffit pas à répondre à la situation catastrophique dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos juridictions : situation d’engorgement des tribunaux, situation de manque de moyens matériels, situation chronique de fonctionnement ou, devrais-je dire plus exactement, de dysfonctionnement en sous-effectif.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes prêts à laisser au Gouvernement le temps nécessaire, mais l’expérience de Mme la ministre a déjà dû la convaincre de l’urgence.
Concernant la question de l’administration pénitentiaire, à comparer vos engagements de campagne avec leur traduction opérationnelle dans ce projet de loi de finances, on ne peut que constater l’abandon de l’objectif affiché de la construction de 15 000 places de prison.
Certes, j’ai bien noté le lancement des travaux de la prison de Bordeaux-Gradignan – je vous en remercie vivement. Il n’en demeure pas moins que l’horizon où l’on verrait se profiler la construction de ces places supplémentaires est bien incertain, d’autant plus depuis le discours du chef de l’État devant la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme, le 31 octobre dernier, annonçant la création d’une agence des travaux d’intérêt général.
Il est plus qu’incertain, également, car aucune loi de programmation ne vient graver ces investissements dans le marbre. Dans les faits, l’objectif n’est pas atteint.
Faut-il s’en alarmer ? Je ne le pense pas. À court terme, la construction de places de prison s’avère indispensable, car il est inhumain et indigne d’un pays comme la France d’atteindre un taux de densité carcérale de 117 % au 1er novembre 2017. À tel point que le Conseil d’État a reconnu que la situation dans les prisons françaises était si catastrophique que, pour certaines d’entre elles, on pouvait connaître des situations d’« atteinte à la vie privée des détenus » et des conditions « de nature à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant ».
Mais, à long terme, est-ce que la construction de nouvelles places de prison résoudra tous les problèmes ? Évidemment non ! Il nous faut donc nous attaquer aux causes de cette surpopulation carcérale. C’est sur la raison même de l’emprisonnement qu’il nous faut nous interroger.
Pourquoi la prison ? Quelle finalité dans l’enfermement d’un individu, si ce n’est celle de suspendre sa liberté de circulation, afin de l’empêcher de nuire de nouveau ? C’est aussi lui infliger une peine pour lui donner à réfléchir et au final protéger la société.
Pourtant, dans la réalité des différents profils composant la population carcérale, certains individus ont surtout besoin d’être protégés d’eux-mêmes et de bénéficier de soins adaptés. Je fais référence aux cas psychiatriques, aux cas véritablement pathologiques. Est-ce que la place de ces personnes est en prison, ou bien dans des unités spécialisées adaptées à leur pathologie ?
Le problème est ancien, mais il est toujours, tragiquement, d’actualité. Dans un rapport remis en mai 2010, l’ancien président du groupe du RDSE, Gilbert Barbier, avec un certain nombre de ses collègues de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, avait pointé du doigt la confusion qui règne en la matière. Il relevait que 10 % de la population carcérale n’avait strictement rien à faire en prison puisqu’il s’agissait d’individus souffrant des troubles mentaux les plus graves : schizophrénie, psychoses. C’est au total jusqu’à 30 % de la population carcérale qui pourrait faire l’objet d’une prise en charge psychiatrique spécifique. En cause : la division par deux depuis trente ans de la capacité d’hospitalisation en psychiatrie générale dans notre pays.
Dès lors, la tendance naturelle des experts a été de refuser d’accorder l’irresponsabilité pénale, afin d’éviter au maximum de mobiliser une place qui n’existait pas dans un hôpital ou un centre spécialisé. C’est ainsi que des milliers de personnes se sont retrouvées incarcérées, au mépris du bon sens et de la situation objective de leur état de santé.
Ma conviction sur le sujet est profonde : la prison n’est définitivement pas un lieu de soins. Ce n’est donc pas par les ajustements que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, que nous sortirons de cette situation absolument intolérable.
Quand je lis votre bleu budgétaire, je vois que vous souhaitez la « création, en partenariat avec le ministère de la santé, de locaux destinés aux services de psychiatrie au sein des unités sanitaires pour une meilleure prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux. » C’est un bon début, et je le salue volontiers. Mais le combat sera véritablement gagné lorsque nous disposerons d’une palette complète de solutions à proposer au juge pour placer les individus qui le nécessitent dans les structures adaptées en dehors du milieu carcéral traditionnel.
En définitive, et compte tenu des réserves que j’ai pu exprimer, le groupe du RDSE s’abstiendra lors du vote de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le secrétaire d'État, ce budget semble être placé au rang des priorités gouvernementales en bénéficiant d’une augmentation de crédits de l’ordre de 260 millions par rapport à 2017, pour atteindre 7 milliards d’euros.
Nous constatons depuis plusieurs années, désormais, ce mouvement de hausse des moyens alloués à la justice ; et pourtant, la justice est en souffrance. Oui, la justice souffre de nombreux maux !
Les délais de traitement des affaires ne cessent de s’allonger. En dix ans, ils sont passés, en matière civile, de sept mois et demi à près d’un an pour les tribunaux de grande instance. Dans les cours d’appel, ce délai est passé de douze mois et demi à plus de quatorze mois. Quant aux procédures pénales en matière criminelle, elles sont passées de trente-sept mois à quarante mois.
Le stock d’affaires en attente a augmenté de plus d’un quart.
Le nombre de magistrats et de greffiers a diminué et les vacances de postes s’accroissent : l’annonce de 100 magistrats et de 48 assistants de justice ne suffira pas à combler la vacance de 400 postes de magistrat et de 850 postes de greffier.
L’administration pénitentiaire n’a plus les moyens d’assurer la surveillance et donc la protection des détenus comme elle le devrait : 1 600 à 1 800 postes seraient nécessaires pour combler toutes les vacances.
La chaîne pénale est saturée, les décisions restent bien souvent en attente d’exécution. En 2016, parmi les peines devenues exécutoires deux ans auparavant, 16 % n’avaient pas encore pu être exécutées.
Voilà la réalité de la situation, mes chers collègues !
Le système judiciaire français demeure d’ailleurs le moins bien classé parmi ses homologues européens, selon la Commission européenne pour l’efficacité de la justice.
Alors, monsieur le secrétaire d'État, vous l’aurez compris, nous dénonçons, depuis des mois, un incontestable problème de méthode, et nos échanges, lors de la discussion de la proposition de loi du président Philippe Bas, dont mon collègue Bigot et moi-même étions rapporteurs, furent un avant-goût de mon propos de ce jour.
Nous réclamons une loi de programmation, comme celle que le Parlement avait votée en 2002. Cette loi de programmation, véritable boussole pour la Chancellerie, avait permis d’augmenter, en cinq ans, de 37 % le budget destiné à la justice, et surtout de prioriser les dépenses.
L’« ancien monde », comme vous l’appelez, ne peut être balayé d’un revers de manche, sans tirer des leçons, d’autant plus quand celles-ci sont salvatrices.
Comment voulez-vous que nous adoptions aujourd’hui les crédits d’un budget alors que nous n’en connaissons pas les lignes d’exécution, dont nous serons amenés à discuter au premier semestre 2018, à en croire Mme la garde des sceaux ?
Sur des sujets aussi importants pour des millions de Français, qu’ils soient justiciables, magistrats, personnels pénitentiaires, nous devons connaître le cap.
À vrai dire, nous ne savons pas vraiment où vous souhaitez parvenir.
Nous avons proposé une trajectoire budgétaire, sur cinq ans, de plus de 29 % de crédits pour transformer en profondeur la justice : le Gouvernement nous offre aujourd’hui une trajectoire deux fois moins ambitieuse et une loi de programmation probablement quadriennale. L’ambition affichée par le Président de la République lors de sa campagne et celle du Premier ministre dans son discours de politique générale sont revues largement à la baisse, et le compte n’y est pas.
Nous avons proposé de maîtriser les délais, en renforçant les moyens humains dans les juridictions – augmentation des crédits de 5 % par an – et en encourageant des modes alternatifs de règlement des litiges, notamment l’incitation à la conciliation. Mme la garde des sceaux nous répond qu’elle n’est « pas certaine de pouvoir résoudre cette difficulté en 2018 ». La seule réponse budgétaire apportée est la création de cinquante postes en administration centrale pour la numérisation des procédures, alors que ce sont les juridictions qui ont besoin de renforts.
Quant à la simplification des procédures, nous attendrons encore !
Nous avons proposé de diminuer le risque de récidive, notamment en revoyant les modalités d’exécution des peines et en réduisant de moitié le seuil d’aménagement des peines. Mme la garde des sceaux nous a répondu avec beaucoup de prudence qu’il fallait réfléchir. Quant au budget destiné aux aménagements de peine, les crédits de fonctionnement diminuent de 46 %. Comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d'État, apporter des réponses aux problèmes récurrents sans y mettre les moyens ?
Le présent budget ne permettra pas non plus d’assurer l’exécution effective des peines prononcées : 5 000 places de prison manqueront pour répondre à la promesse du candidat Macron, comme Mme la garde des sceaux nous l’a avoué lors de son audition.
Les moyens ne sont même pas suffisants pour assurer la maintenance du parc immobilier pénitentiaire existant.
Il s’agit non pas d’une litanie incantatoire, mais de constats partagés sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe Les Républicains ne peut donner une caution aveuglée à cette mission.
Les prédécesseurs de Mme la garde des sceaux ont échoué à répondre aux besoins de l’institution judiciaire dans leur réforme de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ne traitant les problèmes que de manière partielle et partiale, leur seul objectif était de désencombrer les prisons, de sortir du « tout carcéral ». Résultat, cela ne fonctionne pas !
Des rustines ont été posées sur un système qui est aujourd’hui en danger. Les effets d’annonce ne suffisent plus à rassurer les professionnels de l’institution judiciaire ni même les Français, qui trouvent celle-ci complexe et trop lente.
Une mission du Sénat présidée par Philippe Bas a fait un travail considérable pendant plusieurs mois.
M. Bruno Retailleau. Encore lui ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Il n’était pas seul, mes chers collègues, puisque la pluralité politique était représentée !
Le constat qui a été fait est affligeant. Nous avons proposé, en dehors de toute polémique de quelque nature que ce soit, des solutions. Elles ont été récemment balayées par Mme la garde des sceaux, même s’il convient de reconnaître qu’elle l’a fait élégamment, d’un revers de manche, considérant qu’elle devait elle-même conduire ses propres auditions, alors que nous sommes tous d’accord sur le constat !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Hélas !
M. Jean-François Husson. Philippe Bas méritait mieux !
M. François-Noël Buffet. Par ailleurs, nous n’avons pas d’engagement de la part du Gouvernement quant à la réorganisation administrative du ministère lui-même. La Cour des comptes, à l’occasion de son audition, a relevé que le premier problème de ce ministère était son archaïsme dans son organisation et son incapacité à pouvoir traiter du quotidien. Il a du mal, par exemple, à anticiper le remplacement de photocopieurs. Nous en sommes là !
Tant que l’État ne se comportera pas en investisseur pour assumer cette mission ô combien régalienne, la loi pénale perdra sa vocation répressive et sociale, et derrière l’institution judiciaire, dans toutes ses composantes et dans toutes ses missions, c’est l’État qui perdra son autorité.
Monsieur le secrétaire d'État, je soumets à votre réflexion cette citation de Sénèque : « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, vous savez tellement ce que je vais dire que je le dirai quand même ! (Sourires.) Je veux compléter l’intervention très juste de M. Bigot en m’attardant sur les questions immobilières et pénitentiaires.
Sur les questions immobilières, Hugues Portelli et moi-même avons rédigé, au nom de la commission des lois du Sénat, un rapport intitulé Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ? Or je me demande chaque jour s’il ne faut pas retirer le point d’interrogation figurant dans ce titre…
Car la construction du nouveau palais de justice de Paris par le biais de la méthode des partenariats public-privé, ou PPP, coûtera dans vingt-sept ans 2,3 milliards d’euros. Je ne suis pas sûr qu’avec un autre système de financement la facture aurait été aussi élevée. Je signale que, pour cette année seulement, les modifications qui ont été faites sur le projet initial se traduiront budgétairement par une enveloppe de 25 millions d’euros. Par ailleurs, la dépense s’élèvera à 73 millions d’euros en 2018, sans compter tous les frais qui interviendront par la suite.
Je pourrais aussi évoquer des travaux effectués à la prison de la Santé, toujours par la méthode des partenariats public-privé, qui font peser une contrainte extrêmement lourde, et pour longtemps, sur le budget du ministère de la justice.
J’en viens maintenant aux questions pénitentiaires. Alain Marc a bien expliqué dans son rapport que les crédits sont en baisse de 1,3 % hors masse salariale, que les dépenses d’investissement diminuent de 18 %, que la maintenance du parc immobilier carcéral voit ses crédits baisser de 29,3 % et que les crédits pour aménagement de peine diminuent de 27 %. Il nous sera donc difficile de voter ce budget.
J’ajoute, mes chers collègues, qu’il ne s’agit pas seulement d’une question liée à la construction. Certes, il faut construire des places de prison, mais il faut le faire afin d’ « humaniser » les locaux existants. Vous savez que trop souvent encore, dans de nombreuses prisons, malheureusement trois personnes cohabitent dans une même cellule de neuf mètres carrés.
Nous avons voté il y a quelque temps une loi pénitentiaire préconisant l’encellulement individuel : nous en sommes loin ! Il s’agit pourtant d’une nécessité. Comment ne pas citer Robert Badinter, qui a tellement souligné combien la condition pénitentiaire était la première des causes de récidive ?
Monsieur le secrétaire d'État, il faut absolument développer les alternatives à la prison et les aménagements de peine. Il faut impérieusement développer les préparations à la sortie. Je sais que six ou sept établissements sont destinés à cela : c’est une bonne chose. Il faut préparer la réinsertion et il faut être très prudent quant aux courtes peines, qui, en général, permettent à la jeune personne à laquelle elles sont infligées de prendre connaissance du milieu de la délinquance et de s’y insérer.
Pour finir, je citerai le cas de la prison de Saran, dans le Loiret, qui a été inondée. Dans une lettre, M. Jean-Jacques Urvoas m’indiquait que les travaux seraient finis à la fin de cette année. Malheureusement, ils n’ont pas encore commencé ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.) Dans un courrier, Mme Nicole Belloubet m’indiquait, elle, que les travaux seraient achevés à la fin du premier trimestre 2018. Néanmoins, j’ai appris récemment qu’ils se termineraient plutôt à la fin de l’année 2018. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous appuyer ma demande ? J’aimerais beaucoup que cette prison connaisse enfin les travaux qui sont attendus et nécessaires.
En tout état de cause, vous l’aurez compris, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Justice » pour les raisons que j’ai invoquées. Nous appelons véritablement de nos vœux une politique pénitentiaire qui donne toute sa place aux alternatives et à la préparation de la sortie. C’est tellement nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme la garde des sceaux, Nicole Belloubet, qui ne peut être présente aujourd’hui. Comme elle l’a indiqué lors de son audition en commission, elle se trouve actuellement en déplacement en Nouvelle-Calédonie avec le Premier ministre. Il me revient donc de répondre à vos interventions sur les crédits de la mission « Justice » pour l’année 2018.
J’articulerai mon propos autour de quatre points en essayant d’apporter des réponses à l’ensemble des oratrices et des orateurs qui sont intervenus à cette tribune.
Comme l’a rappelé M. Lefèvre, ce budget traduit la priorité que le Gouvernement souhaite donner à la justice. Le budget du ministère augmentera de 3,9 % en 2018. Sur ce point, je souhaite répondre, monsieur le rapporteur spécial, à votre question sur les ajustements de crédits à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Ils porteront à hauteur de 0,14 million d’euros sur l’aide juridique, de 3,6 millions d’euros sur les crédits de fonctionnement de l’administration pénitentiaire, de 3,6 millions d’euros sur les crédits de fonctionnement courant des services judiciaires, de 1,1 million d’euros sur la protection judiciaire de la jeunesse, somme qui sera répartie entre le secteur associatif habilité et le secteur public, et de 0,8 million d’euros sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».
Cette taxation est beaucoup plus légère que les années précédentes et préservera notamment les crédits d’investissement.
Par ailleurs, je souligne que 1 000 emplois seront créés en 2018 et que les crédits de fonctionnement, d’investissement et d’intervention progresseront de 4,9 %. Ces progressions sont supérieures à celles que l’on a connues ces dernières années.
Le Gouvernement a constaté que la commission des lois du Sénat s’est inquiétée de la poursuite de cet effort budgétaire tout au long du quinquennat. Mais, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux lors de son audition en commission, les crédits progresseront de 4,3 % en 2019, puis de 5,1 % en 2020 et de 23 % entre 2017 et 2022. Le projet de loi de programmation pour la justice que la garde des sceaux présentera au Parlement au printemps prochain sécurisera cette trajectoire, ce qui sera de nature à rassurer un grand nombre des intervenants ce soir, notamment Mme Joissains.
Monsieur Détraigne, je tiens à vous dire que cette progression des crédits sera plus rapide – l’horizon 2020 est retenu – que ce que prévoit la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice que vous avez adoptée, laquelle vise l’horizon 2022. Certes, vous prévoyez davantage de créations d’emplois – plus de 13 000 contre 6 500 prévus par le Gouvernement –, mais l’écart est avant tout dû à des perspectives plus réalistes, quoique déjà ambitieuses, d’accroissement des recrutements de surveillants de la part du Gouvernement.
Plus fondamentalement, ces moyens nouveaux doivent également s’accompagner d’une transformation en profondeur de notre justice. Comme l’a rappelé M. de Belenet, c’est l’objectif des chantiers lancés par la garde des sceaux.
Monsieur Bigot, nous estimons que cette démarche doit permettre de trouver des solutions nouvelles pour déverrouiller le fonctionnement de la justice. La loi de programmation permettra aussi de traduire les conclusions de ces chantiers. Comme vous, le Gouvernement espère qu’elle se fera dans un esprit consensuel, car la justice le mérite.
Enfin, je souhaite rassurer M. Buffet sur l’une de ses interrogations : le Gouvernement s’inspirera également des réflexions développées dans le cadre de la mission sénatoriale sur le redressement de la justice.
Le budget 2018 s’inscrit dans le cadre de ces chantiers et traduit des objectifs clairs : l’amélioration du fonctionnement quotidien de la justice ; le renforcement de l’efficacité des peines ; la volonté de porter une attention particulière aux plus démunis.
Le deuxième point de mon intervention consiste à souligner que ce budget contribuera à l’amélioration du fonctionnement quotidien de la justice : 148 emplois seront créés en 2018, dont 100 emplois de magistrat pour renforcer nos juridictions et 48 emplois de juriste assistant pour poursuivre la constitution d’équipes autour du magistrat.
Monsieur Marc, je tiens à vous préciser que, grâce aux réformes engagées dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et à la dématérialisation, 183 emplois pourront être affectés à de nouvelles missions. Cela permettra de répondre en partie aux besoins des juridictions en matière de greffiers.
Les crédits de fonctionnement augmenteront de 9,9 % et les crédits immobiliers des services judiciaires de 30,8 %. Ces augmentations ne correspondent pas uniquement à la mise en service du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles qui fournira à la juridiction parisienne les moyens de fonctionner correctement. En dehors de cette opération des Batignolles, les crédits de fonctionnement seront en hausse de 3 % et hors loyer du PPP, les crédits d’investissement de près de 12 %.
Je précise, en réponse à certaines interventions, que le Gouvernement a fait part de son intention de ne plus avoir recours au système des PPP pour les prochaines opérations.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est temps !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Par ailleurs, monsieur Sueur, les travaux prévus à la prison de Saran devraient commencer au mois de janvier prochain. Les services du ministère espèrent que leur fin pourra intervenir au mois de juin de la même année.
M. Jean-Pierre Sueur. On verra ! Je l’espère !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Le plan de transformation numérique trouvera également sa traduction dans le budget 2018 avec la création de 50 emplois et des crédits en augmentation de 20 %.
Madame Assassi, vous avez raison : la question des délais de jugement est essentielle. Les chantiers lancés par la garde des sceaux sur la transformation numérique et la simplification des procédures doivent permettre d’améliorer la situation. C’est un vœu que nous pouvons former collectivement.
Un mot, enfin, sur les frais de justice. Plus de 478 millions d’euros sont ouverts en 2018, soit 10 millions de plus qu’en loi de finances initiale pour 2017. C’est moins que ce qui a été dépensé en 2016 – 550 millions d’euros –, mais 2016 a été une année d’apurement de dettes, d’où une dépense particulièrement élevée qui rend peu significatif le renvoi à cette référence. Les crédits pour 2018 s’expliquent aussi par les efforts de maîtrise de dépense que le ministère poursuit, comme toutes les administrations.
La plateforme nationale des interceptions judiciaires, souvent décriée à tort, est aussi à l’origine d’économies importantes : près de 50 millions d’euros par an sont économisés avec la mise en œuvre de l’obligation de recours à la plateforme numérique.
J’en viens au troisième point de mon intervention. Ce budget permettra également de renforcer l’efficacité des peines. La construction de 15 000 nouvelles places de prison est bien une priorité du Gouvernement et du Président de la République.
Tout d’abord, 470 emplois seront créés en 2018 ; ils permettront les ouvertures des établissements d’Aix II, de Draguignan et de Paris la Santé. À cet égard, je puis vous dire que la garde des sceaux est consciente de la nécessité de renforcer l’attractivité des métiers pénitentiaires et de fidéliser ainsi les agents.
De plus, 26 millions de crédits sont prévus pour lancer une première vague de projets. Les équipes de l’administration pénitentiaire s’attachent à hâter les projets qui peuvent l’être. Néanmoins, comme vous l’avez souligné, monsieur Marc, il faut être réaliste : on ne construit pas 15 000 places en cinq ans.
M. Philippe Bas. Pourquoi les avoir promises en ce cas ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Aucun des programmes précédents n’a abouti à un tel résultat en cinq ans. Comme l’a d’ailleurs relevé la commission des finances, c’est un objectif que l’on doit se fixer sur dix ans. M. de Belenet a précisé, à juste titre, qu’il faut du temps pour trouver des terrains, avant de construire les prisons.
C’est la raison pour laquelle nous devons renforcer l’efficacité des peines, dans l’attente de la construction de 15 000 places de prison. Sur ce point, monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement rejoint vos préoccupations. Un des chantiers lancés par Mme la garde des sceaux porte précisément sur le sens et l’efficacité des peines.
C’est dans cette logique, madame Delattre, que le Gouvernement souhaite développer les travaux d’intérêt général, ou TIG, et réfléchir à la création d’une agence nationale des TIG.
Par ailleurs, 150 emplois seront créés en 2018 pour renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice.
J’ajoute que 10 millions d’euros de crédits sont prévus pour renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires et développer le renseignement pénitentiaire, qui bénéficiera également de 35 emplois supplémentaires.
Cet objectif d’efficacité des peines concerne également la protection judiciaire de la jeunesse. Nous avons un objectif de création de 20 centres éducatifs fermés. Mais, comme l’a souligné Josiane Costes, nous souhaitons que ces mineurs bénéficient d’une prise en charge cohérente et ad hoc. C’est pourquoi 40 emplois d’éducateur seront créés pour renforcer le suivi en milieu ouvert. Par ailleurs, les crédits de fonctionnement et d’investissement progresseront de 6 millions d’euros sur ces sujets.
Ce budget porte aussi une attention particulière aux plus faibles de nos concitoyens.
Les moyens de l’aide juridictionnelle progressent de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d’euros – vous avez été plusieurs à vous en réjouir, mesdames, messieurs les sénateurs –, auxquels s’ajoutent 83 millions d’euros de ressources affectées. C’est donc plus d’un demi-milliard d’euros, 521 millions d’euros précisément, qui sont consacrés à l’accès au droit de chaque citoyen, notamment des personnes les plus vulnérables.
Cette progression permet de tenir les engagements pris par le précédent gouvernement concernant la fixation de l’unité de valeur qui sert de base au calcul de la rétribution des avocats.
Mais, comme l’a indiqué Mme Joissains, nous devons réfléchir à des organisations nouvelles, aux modes de financement de l’aide juridictionnelle et à la question de l’articulation entre aide juridictionnelle et assurance de protection juridique. C’est l’objet d’une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de la justice lancée par Gérald Darmanin et Nicole Belloubet, dont nous attendons beaucoup des préconisations.
Je terminerai en vous remerciant, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos interventions. Au-delà des appréciations que l’on peut qualifier de nuancées sur les crédits de cette mission, elles permettent de nourrir le débat. Elles montrent surtout que, au-delà de ces nuances, nous pourrons certainement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation pour la justice qui sera présenté par Mme la garde des sceaux au printemps, agir tous ensemble pour une justice plus efficace et plus humaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Justice |
9 026 976 117 |
8 737 751 573 |
Justice judiciaire |
3 453 336 439 |
3 449 816 439 |
Dont titre 2 |
2 352 744 168 |
2 352 744 168 |
Administration pénitentiaire |
3 487 148 561 |
3 556 740 704 |
Dont titre 2 |
2 448 006 649 |
2 448 006 649 |
Protection judiciaire de la jeunesse |
872 187 000 |
854 072 276 |
Dont titre 2 |
520 118 546 |
520 118 546 |
Accès au droit et à la justice |
438 043 257 |
438 043 257 |
Conduite et pilotage de la politique de la justice |
771 757 134 |
434 318 671 |
Dont titre 2 |
177 481 904 |
177 481 904 |
Conseil supérieur de la magistrature |
4 503 726 |
4 760 226 |
Dont titre 2 |
2 703 649 |
2 703 649 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-374, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
100 000 000 |
|
100 000 000 |
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
|
|
|
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je l’ai dit dans mon intervention liminaire, les quelques efforts réalisés relatifs à l’accueil des justiciables ne suffiront pas à masquer une politique budgétaire catastrophique en matière d’aide juridictionnelle, pourtant seule capable d’assurer une assistance aux justiciables les plus démunis.
Le présent amendement est un amendement d’appel, qui vise à renforcer les crédits de l’aide juridictionnelle. Nous proposons d’abonder le programme « Accès au droit et à la justice » par une partie des crédits du programme « Administration pénitentiaire », à raison de 50 millions d’euros sur l’action n° 02, et de 50 autres millions d’euros sur l’action n° 04.
M. le président. L’amendement n° II-407 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Rossignol, MM. Jomier et Tissot, Mmes Meunier et Monier, MM. P. Joly et Durain, Mmes S. Robert et Harribey, MM. Antiste et Kanner, Mme Lepage, M. Iacovelli, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Féraud, Mmes G. Jourda et Conconne, M. Lalande, Mme Grelet-Certenais, M. Cabanel, Mme Ghali, M. Assouline, Mme Tocqueville, MM. Temal et Manable, Mmes Lienemann et Cartron, M. Marie et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
19 065 848 |
|
19 065 848 |
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
19 065 848 |
|
19 065 848 |
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
19 065 848 |
19 065 848 |
19 065 848 |
19 065 848 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Dans la lignée de l’amendement qui vient d’être présenté, le présent amendement vise à renforcer les moyens alloués à l’aide juridictionnelle.
Je vous le rappelle, mes chers collègues, pour bénéficier de l’aide juridictionnelle totale, il faut gagner moins de 1 007 euros par mois. Ce seuil, on le voit bien, est très en dessous de celui qui devrait permettre à des personnes aux très bas revenus de bénéficier d’une assistance juridique.
Vous avez évoqué différentes pistes d’avenir pour l’aide juridictionnelle, monsieur le secrétaire d’État. Ces pistes, chacun les connaît bien ; certaines, comme celle qui consiste à avoir recours aux assurances, existent déjà ou ont déjà été empruntées.
Ce chantier doit être engagé. Nous y sommes prêts.
Un problème se pose néanmoins, l’année 2018 doit être couverte. Or rien ne permet, à la lecture du budget, d’affirmer que le Gouvernement fait preuve d’une ambition sérieuse sur ce sujet. Le nombre de justiciables ne pouvant avoir accès au droit et à la justice du fait du montant des plafonds actuels est considérable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. La commission est sensible à l’appel lancé par Éliane Assassi dans la défense de l’amendement n° II-374.
Cet amendement vise à augmenter de 100 millions d’euros les crédits destinés à l’aide juridictionnelle, somme qui serait financée par une réduction des moyens octroyés à l’administration pénitentiaire.
L’aide juridictionnelle a déjà fait l’objet, en 2016, d’une importante réforme, permettant d’élargir le nombre de bénéficiaires. Le plafond d’admission est ainsi passé, pour une personne seule, de 941 euros à 1 000 euros.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sur dix ans !
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Du fait du relèvement du plafond, le nombre d’admissions à l’aide juridictionnelle est passé de 902 025 en 2015 à 971 043 en 2016. En outre, le plafond est désormais indexé sur l’inflation.
Les crédits budgétaires ainsi que les ressources extrabudgétaires affectés au financement de l’aide juridictionnelle paraissent en adéquation avec les besoins constatés. Toutes les personnes éligibles à cette aide en bénéficient selon les modalités actuellement prévues par la loi.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission comprend bien, également, le message envoyé par Marie-Pierre de la Gontrie dans la défense de l’amendement n° II-407 rectifié bis, qui vise à augmenter de 19 millions d’euros les crédits destinés à l’aide juridictionnelle, afin de les porter à 415 millions d’euros. Cette augmentation du budget serait financée par une réduction des crédits de l’administration centrale.
Cet amendement est satisfait, puisque le montant total de l’aide juridictionnelle prévue en 2018 s’élève à 479 millions d’euros : 396 millions d’euros de crédits budgétaires, auxquels il faut ajouter 83 millions d’euros de ressources extrabudgétaires.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les crédits du programme 101, « Accès au droit et à la justice », progressent de 35 millions d’euros en 2018, soit une hausse de 8,7 %, ce qui témoigne d’une réelle ambition. En leur sein, les crédits de l’aide juridictionnelle augmentent de 8,7 % en 2018, les crédits destinés aux conseils départementaux de l’accès au droit de 11 %, et ceux qui sont consacrés à la médiation familiale et aux espaces de rencontre de 43 %.
De la même manière, tous les engagements pris auparavant seront tenus, notamment en matière d’aide juridictionnelle. En l’espace de quatre ans, la progression des ressources publiques consacrées à cette dernière a atteint 134 millions d’euros, soit une augmentation de 39 %. Cela a permis de relever le plafond de ressources de 941 euros en 2014 à 1 007 euros en 2017, et de revaloriser assez fortement la rétribution des avocats, en la portant à 42 %, grâce à une progression de l’unité de valeur servant à la calculer.
L’amendement n° II-374 est présenté comme un amendement d’appel. Il vise à imposer une taxation de 100 millions d’euros sur les crédits de l’administration pénitentiaire. Cette taxation compromettrait le bon fonctionnement de cette dernière.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement n° II-407 rectifié bis tend à imposer une taxation de 19 millions d’euros sur les moyens de l’administration centrale. Cela ne semble pas réaliste au ministère de la justice, compte tenu du caractère très rigide des dépenses considérées, constituées principalement de loyers.
À titre d’information, je rappelle que les dépenses du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », sur lesquelles est imputée la taxation de 19 millions d’euros, s’élèvent à un total de 72,5 millions d’euros, dont 41 millions d’euros de loyers, 14,3 millions d’euros de fonctionnement hors loyers, 12,4 millions d’euros de subventions à des opérateurs, 4,6 millions d’euros d’investissement et d’intervention, soit des dépenses avec une forte rigidité. Cela rend insoutenable l’économie proposée de 19 millions d’euros.
Quelques mots, enfin, pour rassurer Marie-Pierre de la Gontrie et tenter de nous projeter vers l’avenir. En l’état des critères d’accès à l’aide juridictionnelle, les crédits prévus au budget pour 2018 permettent de couvrir l’intégralité des besoins recensés. Si nous devions aller plus loin, notamment par un relèvement du montant de revenus en dessous duquel l’aide juridictionnelle est ouverte, il faudrait certainement abonder le programme. Ces réflexions sont au cœur du rapport de l’Inspection générale de la justice et de l’Inspection générale des finances que j’ai évoqué tout à l’heure.
Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° II-374 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame de la Gontrie, l’amendement n° II-407 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Les ressources extrabudgétaires évoquées par M. le rapporteur spécial sont d’un montant absolument semblable à celui de l’année dernière. On ne peut donc pas prétendre que cet amendement est satisfait.
Tout de même, mes chers collègues, 1 007 euros : personne ici n’est choqué que cette somme représente le plafond de ressources pour avoir droit à une aide juridictionnelle totale ? Pour le Gouvernement et le rapporteur spécial, les conditions prévues par la loi sont remplies : circulez, y a rien à voir ! Je le regrette.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-407 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 57 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Justice ».
Justice
Article 57 ter (nouveau)
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de commerce est ainsi modifiée :
1° L’article L. 821-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 821-5. – I. – Dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, le Haut Conseil du commissariat aux comptes perçoit le produit des cotisations mentionnées à l’article L. 821-6-1 pour assurer le financement des missions définies à l’article L. 821-1.
« II. – Les personnes qui sollicitent leur inscription sur la liste mentionnée au II de l’article L. 822-1 sont assujetties à une contribution forfaitaire dont le montant, fixé par décret, n’excède pas 5 000 €. Cette contribution est recouvrée par le Haut Conseil, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe le régime comptable du Haut Conseil, ainsi que le régime indemnitaire de ses membres, de son président, de son directeur général et du rapporteur général. » ;
2° L’article L. 821-6-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 821-6-1. – I. – Les commissaires aux comptes inscrits sur la liste mentionnée au I de l’article L. 822-1 sont assujettis à une cotisation assise sur le montant total des honoraires qu’ils ont facturés au cours de l’année civile précédente aux personnes ou entités dont ils certifient les comptes. Le taux de cette cotisation, déterminé par décret, est compris entre 0,5 % et 0,7 %.
« II. – Les commissaires aux comptes inscrits sur la liste mentionnée au I de l’article L. 822-1 sont également assujettis à une cotisation assise sur le montant total des honoraires qu’ils ont facturés au cours de l’année civile précédente aux entités d’intérêt public dont ils certifient les comptes. Le taux de cette cotisation, déterminé par décret, est compris entre 0,2 % et 0,3 %.
« III. – Les cotisations mentionnées aux I et II sont exigibles le 31 mars de chaque année. Elles sont acquittées auprès de l’agent comptable du Haut Conseil du commissariat aux comptes.
« IV. – Le Haut Conseil peut déléguer par convention homologuée par arrêté du ministre de la justice à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes le recouvrement des cotisations prévues au présent article. Dans ce cas, les recettes collectées par la Compagnie nationale pour le compte du Haut Conseil font l’objet d’une comptabilité distincte retraçant l’ensemble des opérations liées à cette convention. Elles sont versées sur un compte spécifique et ne peuvent donner lieu à aucun placement par la Compagnie nationale. La Compagnie nationale met à la disposition du Haut Conseil les informations lui permettant de contrôler l’exactitude des sommes qui lui sont reversées. Le Haut Conseil demeure seul compétent pour engager les actions en recouvrement forcé des cotisations impayées. » ;
3° Il est ajouté un article L. 821-7 ainsi rétabli :
« Art. L. 821-7. – La contribution mentionnée à l’article L. 821-5 et les cotisations mentionnées à l’article L. 821-6-1 sont liquidées, ordonnancées et recouvrées selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État. Les contestations relatives à ces contributions et cotisations sont portées devant le tribunal administratif.
« Elles sont acquittées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le délai de paiement est de trente jours à compter de la date d’exigibilité des cotisations. Le montant est majoré du taux d’intérêt légal mensualisé par mois de retard à compter du trente et unième jour suivant la date d’exigibilité, tout mois entamé étant compté en entier.
« Lorsqu’un redevable ne donne pas les renseignements demandés nécessaires à la détermination de l’assiette des cotisations et de leur mise en recouvrement, le montant des cotisations est majoré de 10 %.
« La majoration peut être portée à 40 % lorsque le document contenant les renseignements n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d’avoir à le produire dans ce délai, et à 80 % lorsque ce document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première.
« Les majorations prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent article ne peuvent être prononcées avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification du document indiquant au redevable la majoration qu’il est envisagé de lui appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l’intéressé de présenter dans ce délai ses observations.
« Les agents désignés à cet effet par le président du Haut Conseil du commissariat aux comptes contrôlent les cotisations. À cette fin, ils peuvent demander aux redevables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites.
« Le droit de reprise des cotisations par le Haut Conseil s’exerce jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle les cotisations sont dues. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 57 ter
M. le président. L’amendement n° II-405 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret et Bignon, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et A. Marc, n’est pas soutenu.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 6 décembre 2017, à dix heures trente, quatorze heures et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV ;
- Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ articles 50 et 51) ;
- Cohésion des territoires (+ articles 52, 52 bis, 52 ter, 52 quater, 52 quinquies et 52 sexies) ;
- Gestion des finances publiques et des ressources humaines (+article 55 ter), Crédits non répartis et Action et transformation publiques ;
- Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État ;
- Régimes sociaux et de retraite ;
- Compte d’affectation spéciale : Pensions ;
- Engagements financiers de l’État (+ articles 55 et 55 bis) ;
- Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce ;
- Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État (+ articles 68 et 69) ;
- Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux ;
- Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ;
- Investissements d’avenir et Remboursements et dégrèvements.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)
nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
La commission des finances a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées : MM. Jacques Genest et Claude Raynal sont membres titulaires de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD