Sommaire
Présidence de M. Philippe Dallier
Secrétaire :
M. Dominique de Legge.
Mme Nathalie Goulet ; M. le président.
3. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Amendement n° II-418 rectifié nonies de Mme Angèle Préville. – Adoption.
Amendement n° II-490 de M. Franck Montaugé. – Adoption.
Amendement n° II-524 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Retrait.
Rejet des crédits modifiés de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-546 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 49 ter
Amendement n° II-522 rectifié de M. Franck Menonville. – Retrait.
compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural
M. Alain Houpert, rapporteur spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
4. Candidatures à une commission mixte paritaire et à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme Éliane Assassi ; Mme la présidente.
6. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
Amendement n° II-185 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Retrait.
Amendement n° II-229 de la commission. – Rectification.
Amendement n° II-229 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-444 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° II-519 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° II-562 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Article 54 quinquies (nouveau)
Amendement n° II-227 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Article additionnel après l’article 54 quinquies
Amendement n° II-718 du Gouvernement. – Rejet.
Article s 54 sexies et 54 septies (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° II-228 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Amendement n° II-415 de M. Arnaud Bazin. – Adoption.
Amendement n° II-394 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption des crédits modifiés du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
Suspension et reprise de la séance
7. Demande de modification de l’ordre du jour
8. Candidatures à des organismes extraparlementaires
9. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Seconde partie (suite)
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Amendement n° II-556 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° II-188 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Retrait.
Amendement n° II-513 rectifié de M. Gérard Poadja. – Retrait.
Adoption des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Adoption de l’article.
Articles 57 quinquies, 57 sexies, 57 septies (nouveaux) – Adoption.
Article additionnel après l’article 57 septies
Amendement n° II-557 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Recherche et enseignement supérieur
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’enseignement supérieur
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche
M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la recherche
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Amendement n° II-183 rectifié de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° II-184 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° II-427 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-573 rectifié quinquies de Mme Angèle Préville. – Retrait.
Amendement n° II-558 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Non soutenu.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
Articles 57 octies et 57 nonies (nouveaux) – Adoption.
10. Ordre du jour
Nomination de membres d’organismes extraparlementaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaire :
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, je suis contente de faire ce rappel au règlement devant le président du groupe d’amitié France-Israël du Sénat.
La décision du président Trump de déménager l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem constitue une violation du droit international.
La France, par la voix du Président de la République, ainsi que huit autres pays ont demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies.
Sur la base de l’article 29 de notre règlement, j’aimerais que le Sénat inscrive à l’ordre du jour un débat sur la sécurité.
Cette décision unilatérale peut en effet provoquer des réactions en chaîne et nuire au camp de la paix. Or vous savez comme moi que la situation dans cette zone est extrêmement fragile.
Ce rappel au règlement vise donc à solliciter de notre Haute Assemblée un débat sur cette question. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
3
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général no 108, avis nos 109 à 114).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (et articles 49, 49 bis et 49 ter) et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le ministre, j’aimerais commencer en rappelant quelques chiffres dont vous avez connaissance.
L’année 2016 a été catastrophique pour l’agriculture française, avec un recul de la valeur ajoutée de près de 15 % en volume.
Depuis 2010, notre pays a perdu plus de 11 % de ses exploitations. Qu’on ne dise pas que le phénomène est inévitable : dans l’Europe des Vingt-Huit, si onze pays ont connu un recul du revenu supérieur à 10 %, dans dix-sept pays, en revanche, on constate une hausse, parfois très marquée, du revenu agricole. La France se retrouve donc du mauvais côté de la ligne, alors qu’elle avait encore, il y a peu, l’agriculture la plus puissante d’Europe.
Enfin, et là c’est un drame pour le pays, le nombre de suicides chez les agriculteurs a été multiplié par trois l’année dernière.
Le budget agricole pour 2018 était donc plus qu’attendu par la profession, qui ne cesse de lancer des cris d’alarme.
Or nous constatons que le premier budget agricole de la nouvelle mandature ne traduit en aucun cas la nécessaire prise de conscience de la très grande fragilité actuelle de notre agriculture. Nous sommes ici bien loin des grandes ambitions affichées par le nouveau Président de la République dans le cadre des États généraux de l’alimentation !
Ce qui nous est présenté n’est pas un budget, non, c’est un virtuel budgétaire !
Les crédits de paiement ouverts par la loi de finances pour 2017 s’élevaient à 3,4 milliards d’euros. Ajoutez-y une bonne partie des 688 millions d’euros du collectif budgétaire de fin d’année 2016, et encore 1 milliard d’euros au titre du collectif que nous allons prochainement examiner, pour prendre la mesure de ce virtuel budgétaire – un virtuel que la majorité de la commission des finances avait posé dans une équation simple : le budget agricole relève de l’insincérité budgétaire.
Que dire d’autre d’un budget où coexistent systématiquement des dotations non dépensées et des dépenses non dotées ?
Le collectif de fin d’année parle de lui-même. Comme c’est désormais régulier, il présente, avec plus de 1 milliard d’euros, tous les caractères d’un budget agricole bis.
L’hypothèque qui grevait le budget de 2018 s’en trouvera quelque peu allégée. Mais nous ne croyons plus que cette nouvelle péripétie budgétaire suffise à purger l’ensemble des déficits de financement accumulés au fil du temps. La lancinante question de la sincérité budgétaire continue de se poser au regard des risques financiers nouveaux qui devraient se matérialiser en 2018.
Le Gouvernement fait valoir que, en inscrivant 300 millions d’euros au titre d’une réserve pour dépenses imprévisibles, le principe de sincérité budgétaire se trouve enfin respecté.
Assiste-t-on, pour autant, à une révolution de la sincérité ? Comment l’affirmer quand il semble, d’ores et déjà, que cette provision pour dépenses imprévisibles sera absorbée par des dépenses, hélas, tout à fait prévisibles, à commencer par les risques de refus d’apurement européen - un montant de 1 milliard d’euros a été évoqué ?
Plusieurs lignes sont déjà sous-dotées, nous pouvons le prédire sans trop nous avancer. Je veux vous parler ici des suites des contentieux avec les vétérinaires sanitaires, des concours à l’agriculture biologique, de l’impasse totale sur les conséquences budgétaires de situations difficiles, comme celles que connaissent certains laboratoires publics d’analyses…
En bref, les 300 millions d’euros de réserves pour dépenses imprévisibles risquent de se réduire à une simple ligne de comblement, au demeurant très insuffisante, des sous-dotations habituelles que nous réserve le budget agricole – des sous-dotations dont l’ampleur tend à s’élargir à mesure que la programmation de l’enveloppe du second pilier européen apparaît plus impossible à tenir.
Monsieur le ministre, est-il réellement acceptable de sortir de cette dernière impasse par un tour de passe-passe entre le premier et le deuxième pilier de la politique agricole commune, la PAC ?
Dans des conditions budgétaires à ce point délabrées, les véritables risques – ceux de l’exploitation agricole d’aujourd’hui, les risques économiques, les risques environnementaux – demeurent sans provision dans le projet de budget. C’est une raison de plus pour avancer vers une fiscalité plus propice à des mécanismes d’auto-assurance.
Nous avons appris, au détour de la discussion budgétaire à l’Assemblée nationale, que vous pilotiez un groupe de travail sur ce dernier sujet, et nous avons entendu le ministre de l’économie se déclarer prêt à y associer les parlementaires intéressés. Il est regrettable que notre Haute Assemblée, qui a tant travaillé sur ces sujets, n’ait pas été sollicitée. Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir réparer cet oubli.
Après les incertitudes, j’en viens au certain.
Ce qui est certain avec ce budget, c’est qu’il traduit un sérieux défaut d’ambition agricole.
Nous voulons souligner que les crédits de paiement sont en repli, alors même qu’ils sont gonflés par des factures héritées d’un passé parfois lointain, que la baisse est encore plus accusée en volume dans un budget qui néglige l’inflation, que le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, le PCAE, subit une réduction drastique de ses crédits et n’a pas de remplaçant à ce jour.
Quant aux provisions destinées à la nécessaire modernisation des bâtiments d’élevage touchés par les crises aviaires à répétition, leur faiblesse est choquante. Et que dire des 5 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus pour protéger les élevages contre les grands prédateurs ?
La question de la crédibilité de la parole publique sur les ambitions agricoles du pays se pose avec d’autant plus d’acuité que le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques annonce une baisse de plus de 10 % des crédits à l’horizon 2020.
Enfin, pour conclure, nous devons améliorer les performances de notre administration agricole. J’en donnerai deux exemples.
Le premier concerne le domaine de la sécurité sanitaire de l’alimentation. La superposition des intervenants, la complexité des financements, la confusion des missions doivent être surmontées afin que nous disposions d’une meilleure intégration des forces et d’infrastructures tout à fait irréprochables.
Le second exemple concerne les paiements. Du fait des refus d’apurement, nous ne profitons pas de la totalité des enveloppes européennes. Nous devons, en revanche, mettre en place des systèmes extrêmement lourds à gérer pour les agriculteurs, avec les apports de trésorerie remboursables qui s’accompagnent de coûts financiers pour l’État, mais également de retards de paiement aux exploitants, eux dont les trésoreries sont déjà souvent sous très grande tension.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Pour cet ensemble de raisons, la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission.
En revanche, nous proposons l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale pour le développement rural. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en guise de transition avec les propos d’Alain Houpert, je souhaite d’abord souligner la continuité certaine avec le précédent quinquennat des concours publics au bénéfice de notre agriculture, et ce dans un contexte difficile pour la plupart des productions.
En 2013, ces crédits s’élevaient à 18,6 milliards d’euros et ont ensuite sensiblement progressé pour atteindre 20,6 milliards d’euros en 2017. Ces 2 milliards d’euros supplémentaires en quatre ans méritent d’être rappelés.
Je crois que l’on peut mettre ce chiffre en parallèle avec la perspective, ouverte par le projet de loi de programmation, d’une économie de 350 millions d’euros sur le budget de la mission à l’horizon de 2020.
Mais, en l’état, notre débat a pour objet le budget pour 2018.
En premier lieu, je dois relever une tendance qui justifierait d’ouvrir un débat : la part des dépenses budgétaires sur crédits, qu’elle soit européenne ou nationale, a nettement reculé au profit de celle des allégements fiscaux. De l’ordre de 22 % des concours publics à l’agriculture en 2013, ceux-ci sont passé à près de 29 % aujourd’hui. C’est l’équivalent de 2,7 milliards d’euros qui se sont trouvés ainsi repositionnés en quatre ans. Or ces deux modalités de soutien sont de nature différente, et n’ont pas les mêmes propriétés économiques ni le même impact sur l’économie des exploitations.
Il nous faudrait mieux évaluer ce changement. À ce sujet, je ne suis pas sûr qu’en modifiant les équilibres du financement de la protection sociale des agriculteurs, comme il le propose ex abrupto avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s’inscrive réellement dans une démarche évaluative.
Si la suppression de l’allégement de cotisations d’assurance maladie permet au budget pour 2018 de gagner plus de 400 millions d’euros, il est douteux que cette mesure soit neutre pour les exploitations agricoles et sans effet sur le revenu d’un grand nombre d’agriculteurs.
À cela s’ajoutent d’autres éléments d’incertitude, d’ampleur potentiellement risquée. On ne peut faire abstraction de l’existence possible, sinon probable, de risques latents de toutes sortes, économiques bien entendu, mais aussi sanitaires, voire climatiques.
Ce point particulier du budget de l’agriculture ouvre le débat de la sincérité budgétaire. D’emblée, je serais tenté d’atténuer moi-même la portée de mon analyse en ne contredisant pas mes arguments de l’an passé.
Je persiste en effet à estimer qu’il est difficile de fonder une incrimination d’insincérité budgétaire sur la non-prise en compte de risques aléatoires que d’aucuns, suivant leur nature, considéreront comme évitables ou inéluctables.
Toutefois, je note que la dotation de 300 millions d’euros inscrite au budget et présentée comme constituant un progrès de sincérité décisif, semble d’ores et déjà quelque peu en retrait par rapport à des risques dont il est presque certain qu’ils auront une traduction financière en 2018. Je pense nettement au contentieux portant sur l’apurement des aides européennes, susceptible à lui seul d’absorber la totalité de cette ligne budgétaire.
Si donc insincérité il y avait dans la loi de finances pour 2017, le contexte n’ayant pas changé, elle demeure dans ce projet de loi de finances pour 2018, cela me semble très clair.
Mais ce débat ne doit pas nous accaparer. Car, selon moi, l’important est bien que, d’une part, le soutien de l’action publique s’exerce pleinement quand un secteur économique et une profession sont confrontés à des difficultés ponctuelles et imprévisibles et que, d’autre part, le budget consacré à l’agriculture soit à la hauteur des enjeux globaux.
Je regrette que le budget agricole pour 2018 vienne infirmer l’élan donné à certaines priorités : la modernisation des exploitations au travers du PCAE, l’affirmation du soutien au développement de l’agriculture biologique, globalement le maintien d’une agriculture diversifiée, en bref l’ambition d’un modèle agricole prenant en compte la diversité des territoires ainsi que des attentes sociétales.
La politique forestière me paraît ne pas relever d’une autre appréciation. Les crédits sont en repli et le Gouvernement explique que cela est dû à l’achèvement du plan mis en œuvre à la suite de la tempête Klaus.
Compte tenu du reste des dossiers à traiter, et alors même que les objectifs de ce plan auraient sans doute pu être réévalués, des crédits complémentaires devraient être nécessaires.
Dans ce contexte, la budgétisation de la politique forestière pourrait être assez virtuelle, d’autant qu’elle repose sur des anticipations plutôt favorables du prix du bois. Tout cela conduit à une construction fragile.
Enfin, j’ajouterai un mot sur la politique de sécurité sanitaire de l’alimentation pour laquelle, avec mon collègue Alain Houpert, nous avons dans un rapport parlementaire formulé 61 recommandations afin de la refonder.
Nos capacités de surveillance des risques sanitaires restent dépendantes d’une mise à niveau des effectifs. Le précédent gouvernement y avait pourvu, avec la création en trois ans de 180 postes de techniciens destinés à renforcer la surveillance sanitaire dans les abattoirs de volailles, surveillance qui était en déshérence, du fait de l’application sans nuance de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Le budget pour 2018 ne confirme pas cet effort, qui aurait dû être prolongé. Je le regrette d’autant plus que nous sommes confrontés régulièrement à des crises sanitaires particulièrement graves, dont le risque est accru par l’extension de déserts vétérinaires. Il apparaît en effet qu’un certain nombre de territoires sont désormais en carence de vétérinaires praticiens libéraux.
En définitive, le budget de l’agriculture pour 2018 proposé par le Gouvernement ne me convainc pas pleinement.
L’orientation générale m’amène à m’interroger sur plusieurs points.
La fin des allégements de cotisations obligatoires, sans évaluation d’impact, est selon moi hasardeuse. Pour autant, il n’y a pas modification fondamentale avec la politique conduite précédemment par Stéphane Le Foll, ce qui me conduit à ne pas préconiser, pour ce premier budget de l’agriculture du nouveau quinquennat, un vote négatif.
La structuration proposée pour les crédits de cette mission n’est pas, je l’ai dit, en rupture ou en opposition avec ce qui a été fait dans le passé. Néanmoins, monsieur le ministre, je lui trouve une part d’improvisation et d’insuffisance ponctuelle.
En ce sens, et à défaut donc d’être convaincu, je vous propose, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons avoir conscience que le monde agricole est de plus en plus déboussolé, désabusé face aux demandes contradictoires qui lui sont faites : d’un côté, nos agriculteurs doivent être encore plus performants dans une économie mondialisée, et avec toujours plus de contraintes ; de l’autre côté, on ouvre nos marchés à des concurrents qui n’ont absolument pas les mêmes conditions de production.
Crise économique, crise morale profonde, voilà ce que vit notre monde agricole.
Dans ce contexte, le budget pour 2018 de l’agriculture nage en plein paradoxe. Il « vit de ses charmes aux dépens de la vérité ».
Avec 3,4 milliards d’euros, il est stable par rapport à 2017. Mais cette stabilité cache un premier paradoxe : des mouvements internes importants.
La fin de la prise en charge de la réduction de cotisations maladie des agriculteurs est remplacée par des crédits de paiement de 82 millions d’euros pour éponger les retards concernant les aides MAEC – mesures agroenvironnementales et climatiques – et aides au bio.
Elle est aussi remplacée par une « réserve pour dépenses imprévues » de 300 millions d’euros, qui peut se révéler être un véritable piège.
La stabilité du budget n’est donc pas une stabilité rassurante !
Deuxième paradoxe : alors que la situation économique des agriculteurs est catastrophique, le premier budget du quinquennat met un coup fatal à l’objectif d’amélioration de la compétitivité.
La réduction du taux de l’assurance maladie des exploitants agricoles, l’AMEXA, avait apporté une bouffée d’oxygène. Elle est malheureusement remplacée par une cotisation progressive, qui coûtera la bagatelle de 120 millions d’euros aux agriculteurs !
Par ailleurs, si la compétitivité passe par l’investissement, pourtant, là aussi, les crédits diminuent de 84 à 56 millions d’euros.
Troisième paradoxe : alors que les aléas climatiques et économiques s’intensifient, il serait judicieux de mettre en place une gestion efficace des risques. Or, dans le budget pour 2018, il n’y a aucune proposition pour moderniser la déduction pour aléas, alors qu’il suffirait d’encourager fiscalement l’épargne de précaution. Il n’y a aucune politique favorisant les projets de développement des retenues d’eau. Enfin, il faudrait des crédits européens à la hauteur sur l’assurance multirisque climatique.
Quatrième paradoxe : le nombre d’agriculteurs baisse, et ceux-ci doivent de plus en plus rendre des comptes en contrepartie des aides versées au titre de la PAC. Dans le même temps, notre administration, qui compte 17 000 fonctionnaires, est sanctionnée par des refus d’apurement communautaires de 2 milliards d’euros en cinq ans, et des retards de paiement jamais égalés.
Comment sortir de ces paradoxes ? Le Gouvernement a lancé les États généraux de l’alimentation. Cela peut susciter des espoirs, mais nous doutons du résultat. Les contrats de filière seront des vœux pieux s’ils ne changent rien au déséquilibre du rapport de force entre 500 000 agriculteurs, 3 000 entreprises de l’agroalimentaire et – seulement ! – 4 centrales d’achat.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Oui, mes chers collègues, 4 centrales d’achat …
Monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter un tel paradoxe, qui voit notre agriculture, l’une des meilleures du monde, avoir pour seule bénéficiaire la grande distribution.
Aussi, la commission des affaires économiques du Sénat a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du budget pour 2018 de l’agriculture m’amène à évoquer trois points.
Le premier concerne la PAC, soit près de 9 milliards d’euros par an, dont 1,4 milliard d’euros au titre du deuxième pilier.
Or cet été, nous avons appris que les moyens étaient insuffisants pour ce deuxième pilier jusqu’en 2020. Le Gouvernement a donc décidé de transférer 4,2 % des fonds du premier pilier pour payer la part européenne de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, des mesures agroenvironnementales, des aides au bio, de l’installation, des aides à l’investissement et de tout ce qui est pris en charge par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER.
Cette mesure sera-t-elle suffisante ? Certains besoins auront tendance à augmenter : l’ICHN, si l’on revoit la carte des zones défavorisées, les assurances, si elles se diffusent davantage, les aides au bio, ou encore les aides à l’investissement.
Le risque de surchauffe du deuxième pilier de la PAC va conduire à des choix difficiles : soit revoir à la baisse les dispositifs, soit chercher des cofinancements nationaux supplémentaires, ce qui n’est clairement pas prévu dans ce projet de loi de finances. Quelle sera l’option du Gouvernement ?
Au passage, je note que la problématique sur le FEADER est totalement inverse à celle du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, pour lequel nous avons 588 millions d’euros qu’il faut maintenant rapidement mobiliser afin d’éviter des dégagements d’office à partir de la fin de l’année 2018.
Deuxième point : l’installation des jeunes agriculteurs doit rester une priorité budgétaire. Le budget 2018 réduit légèrement la ligne pour la dotation jeunes agriculteurs, la DJA, qui passe de 40 à 38,4 millions d’euros. Avec le cofinancement européen de 80 %, c’est plus de 6 millions en moins pour l’installation. C’est un mauvais signal.
Par ailleurs, les moyens de l’accompagnement à l’installation restent faibles : 2 millions d’euros dans le budget, et l’affectation de la taxe sur la cession des terrains nus rendus constructibles plafonnée à 12 millions d’euros par an, alors qu’elle avait rapporté 18 millions en 2016, le surplus allant alors au budget de l’État.
Le Gouvernement ambitionne toujours d’atteindre le nombre de 6 000 installations aidées par an ; il n’y a eu que 4 130 dossiers en 2016. Or l’installation de jeunes est stratégique ; ceux-ci sont d’ailleurs souvent très bien formés, grâce à l’enseignement agricole, qui est de haut niveau en France. Je demande donc à ne pas relâcher notre soutien.
Troisième point, la sécurité sanitaire fait l’objet de moyens supplémentaires dans le budget 2018, à hauteur de 550 millions d’euros, soit environ 10 % de plus qu’en 2017. Cet effort s’explique par le coût des mesures de protection contre la bactérie xylella fastidiosa, contre la grippe aviaire des palmipèdes gras et contre la tuberculose bovine.
Le haut niveau de sécurité sanitaire que nous assurons aux consommateurs a un coût. Il convient de ne pas relâcher notre vigilance, car, au-delà de conséquences sanitaires, cela aurait des conséquences économiques désastreuses – fermeture des marchés à l’export et disparition d’exploitations, voire de filières entières.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. J’appelle donc à maintenir un niveau élevé d’exigence de performance de notre dispositif de sécurité sanitaire touchant aux produits agricoles et alimentaires, et à conserver une expertise de pointe à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.
Enfin, je partage les remarques et l’avis défavorable de mon collègue Laurent Duplomb sur les crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget de l’agriculture pour 2018 s’inscrit dans la continuité du budget de 2017, avec la reconduction de la plupart des lignes budgétaires ; toutefois, sur certaines d’entre elles, nous sommes en désaccord.
Ce budget intègre aussi la dotation de 45 millions d’euros en faveur de la pêche et de l’aquaculture, qui relevait jusqu’à l’année dernière du budget de l’écologie. La pêche se retrouve donc un peu noyée du point de vue budgétaire ; nous y resterons néanmoins attentifs, car, si le secteur va aujourd’hui un peu mieux économiquement, le Brexit est lourd de menaces pour nos pêcheurs de la façade nord-est, qui pêchent beaucoup dans les eaux territoriales britanniques.
Je ne reprendrai pas, au cours du bref temps de parole qui m’est imparti, chaque point du budget ; je l’ai déjà fait en détail dans mon rapport. Je veux néanmoins vous faire part de deux courtes réflexions que m’inspire ce budget.
Première réflexion, les crédits des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, sont rétablis à 3,7 millions d’euros ; c’est positif, mais cela reste très insuffisant. Ces sociétés remplissent leur fonction essentielle de financement sur leurs ressources propres. Elles ont été créées pour faciliter l’installation et conforter les exploitations. Or elles ne peuvent remplir ces missions qu’avec un stock foncier important, que beaucoup d’entre elles n’ont plus.
Mme Nathalie Goulet. Exact !
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. Il faut donc trouver une autre source de financement. J’ai suggéré qu’on leur attribue une petite fraction de la taxe spéciale d’équipement perçue par les établissements publics fonciers. Cette taxe rapporte plus de 450 millions d’euros, soit 120 fois les crédits budgétaires alloués aux SAFER. Ma proposition s’est heurtée à l’article 40 de la Constitution, mais cette piste reste à creuser, et je souhaite, monsieur le ministre, que nous puissions y travailler.
Ma seconde réflexion concerne la nécessité de perfectionner les dispositifs de gestion des risques ; il n’y a quasiment aucun crédit budgétaire sur cette ligne. Les subventions à l’assurance multirisque climatique proviennent exclusivement des fonds européens, et la dotation budgétaire du fonds des calamités agricoles, qui complète les 60 millions d’euros de la taxe additionnelle sur les contrats d’assurance, n’est attribuée qu’en cours d’année, en fonction des besoins.
Nous devons sortir du bricolage en matière de gestion des risques. La PAC ne joue plus correctement son rôle de filet de sécurité des revenus agricoles, et je crains que, lors des discussions futures la concernant, les choses évoluent peu. Mon collègue Franck Montaugé et moi-même avions fait voter, ici même, une proposition de loi permettant d’expérimenter le mécanisme de stabilisation des revenus. Nous avons souhaité vous la présenter, monsieur le ministre, mais nous n’avons jamais obtenu de rendez-vous.
Il faut aussi imaginer des dispositifs fiscaux adaptés encourageant l’épargne de précaution, pour faire face aux risques. D’une manière générale, c’est toute la fiscalité agricole qu’il faut remettre à plat, pour favoriser la résilience des exploitations dans une situation économique d’incertitude permanente ; vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre.
La réflexion sur le lien entre assiettes fiscales et assiettes sociales pour les agriculteurs est également urgente. En effet, les cotisations sociales sont calculées sur le compte de résultat, qui n’est pas le revenu de l’agriculteur. Les cotisations sociales étant calculées sur une base erronée, cela pénalise l’exploitant.
Ce budget ne s’aventure pas dans la voie de l’innovation, il n’y a rien de révolutionnaire.
Si la commission des affaires économiques du Sénat a émis un avis défavorable sur les crédits, je vais, pour ma part, vous accorder le bénéfice du doute.
M. le président. Il faut conclure !
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. En effet, j’attends les propositions concrètes qui découleront des États généraux de l’alimentation et de la volonté que vous avez exprimée de changer la fiscalité agricole.
Le groupe socialiste, vous le comprendrez, s’abstiendra donc sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions agricoles suscitent souvent des débats animés et passionnés, car, au-delà du poids économique de l’agriculture en France et de son importance pour notre balance commerciale, les surfaces agricoles représentent plus de la moitié de notre territoire, la production agricole demeure le socle de l’aménagement des territoires ruraux et elle fait partie, depuis Sully, de notre identité nationale. Oui, la France reste passionnée par son agriculture, et, pourtant, jamais les agriculteurs ne se sont sentis aussi déboussolés ; c’est un véritable sujet, monsieur le ministre.
Vous nous présentez aujourd’hui le premier budget agricole du quinquennat ; ce budget suscite beaucoup d’interrogations et de réserves, que les rapporteurs vous ont adressées. Le contexte dans lequel il s’inscrit est marqué par une conjoncture toujours incertaine, même si la situation semble s’améliorer en 2017 par rapport à l’horrible année 2016.
La conjoncture, personne, ni vous ni d’autres, n’en a une maîtrise réelle. Vous avez, en revanche, la maîtrise de la politique de soutien, de transformation et d’accompagnement de notre agriculture, et, sur ce point, nous avons quelques interrogations.
Premier champ d’interrogations : quelles sont les priorités de la France pour la PAC ? La Commission européenne vient de produire une communication très prudente, voire très timide, mais qui pourrait ouvrir la voie à la renationalisation de la PAC au-delà de 2020 ; quelle est votre réaction à ces propos ? Avez-vous la volonté de faire évoluer la PAC dans une voie plus protectrice des agriculteurs ? Quel est le niveau de budget sur lequel vous allez vous battre ? Ce budget de 9 milliards d’euros par an aujourd’hui est le premier filet de sécurité et d’assurance pour les agriculteurs.
Deuxième champ d’interrogations : comment sont traités l’agriculture et l’agroalimentaire dans le Grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros annoncé en septembre dernier ? Un montant de 5 milliards d’euros doit être fléché vers l’agriculture et l’agroalimentaire ; on n’en trouve aucune trace dans le budget 2018. Les investissements sont indispensables pour moderniser notre agriculture et nos entreprises, pour permettre l’innovation que chacun appelle de ses vœux, mais encore faut-il avoir des clarifications, monsieur le ministre, sur la forme que prendront ces soutiens annoncés. Nous vous écouterons avec intérêt.
Troisième champ d’interrogations, les États généraux de l’alimentation, lancés en juillet dernier, qui ont permis de faire discuter l’ensemble des parties prenantes des filières agricoles et alimentaires, autour, notamment, de l’épineux sujet de la répartition de la valeur. Des contrats de filières sont en cours de négociation et une loi a été annoncée par le Président de la République pour tirer les conséquences de ces états généraux. Cela est très bien, mais on ne voit pas encore aujourd’hui où vous souhaitez placer le curseur.
Outre la signature d’une charte de bonne conduite, dont je ne mésestime pas l’importance, envisagez-vous d’imposer une contractualisation au-delà du seul secteur du lait ? Envisagez-vous d’imposer des contrats tripartites ? Comptez-vous renforcer les contrôles pour sanctionner les mauvaises pratiques ? Ne faut-il pas appliquer la loi Sapin II et lui donner le temps de s’installer pour en tirer les conséquences ? Bref, quelles seront les suites concrètes des états généraux ?
Autre interrogation, qui ne vous étonnera pas de ma part : quelle est la place que l’on accordera à la science dans les prises de décisions concernant l’agriculture ? Nous disposons en France, avec l’ANSES, d’une instance d’expertise de très haut niveau. Je me réjouis d’ailleurs que le budget pour 2018 lui octroie des moyens supplémentaires pour fonctionner et que son plafond d’emplois soit relevé.
Je souligne par ailleurs que l’ANSES fait preuve d’une grande transparence dans ses travaux et qu’elle a un haut niveau d’exigence déontologique. Ses avis sont publics et elle met en place de nombreuses procédures de consultation du public avant de prendre ses décisions. Ses experts font des déclarations d’intérêts, qui sont publiées, et un déontologue contrôle les éventuels conflits d’intérêts. J’affirme donc ici que nous pouvons avoir une grande confiance en l’ANSES.
Or les tergiversations, les approximations, les déclarations contradictoires des uns et des autres fragilisent, aux yeux de nos concitoyens, cette agence. Elles mettent en cause le professionnalisme de nos experts scientifiques et peuvent même, monsieur le ministre, les décourager. Ainsi, la question des produits phytosanitaires doit faire l’objet d’un débat apaisé. Le précédent gouvernement avait déporté l’autorisation de mise sur le marché du champ politique vers l’ANSES ; c’est exactement l’inverse qui se passe. Nous devons suivre la voie tracée notamment par les travaux du Sénat il y a six ans.
Je terminerai simplement par un mot sur l’enseignement agricole, qui ne relève pas entièrement de votre budget, mais qui joue un rôle fondamental dans la formation des agriculteurs de demain et de toute une série de métiers évoluant autour de l’agriculture et de la nature. Les crédits alloués à l’enseignement privé agricole me préoccupent particulièrement.
Cet enseignement participe pleinement à la mission de service public de l’enseignement à tous les niveaux, il contribue aussi à l’animation et à la dynamique des territoires ruraux.
M. François Bonhomme. Absolument !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. Or, depuis quinze ans, la participation de l’État à son financement se dégrade. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de mettre fin à cette dégradation – j’espère que vous vous battrez –, tant les établissements privés agricoles sont des établissements d’excellence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà participé à de nombreux débats budgétaires sur l’agriculture, tant à l’Assemblée nationale qu’ici même, et je sais qu’il est de bon ton de dramatiser, parfois à l’extrême, la situation. Pourtant, je considère que ce n’est pas rendre service à l’agriculture ni à nos agriculteurs que d’emprunter ce ton. Il convient plutôt de remarquer combien notre agriculture a progressé au cours de ces décennies, combien elle est aujourd’hui innovante et performante.
C’est donc davantage vers ce discours que je veux me tourner, même si je sais, mes chers collègues, que les agriculteurs rencontrent des difficultés,…
M. Antoine Lefèvre. Ils en ont beaucoup !
M. François Patriat. … qu’ils font face à des crises structurelles ou conjoncturelles. Je les connais bien, du fait de ma profession, de mon implantation territoriale et de mon expérience ministérielle. Je sais qu’il y a un manque de convergence des normes européennes, et je sais aussi que les Français, même s’ils aiment leurs agriculteurs, sont de plus en plus défiants à l’égard de nos modes de production.
Toutefois, je sais également que l’agriculture est extrêmement diversifiée, et qu’elle est le socle d’une industrie agroalimentaire qui compte 17 000 entreprises et emploie 400 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 170 milliards d’euros. Essayons donc de parler de manière juste de l’agriculture.
Les agriculteurs ont le sentiment d’être pris en étau entre la nécessité de renforcer la compétitivité de leurs exploitations, pour faire face aux exigences d’un marché mondialisé, et les exigences sociétales qui leur sont parfois imposées.
Le monde agricole doit relever quatre défis : la compétitivité des exploitations, la sécurité alimentaire, le renouvellement des générations et la transition écologique. Il est donc nécessaire de transformer en profondeur notre modèle agricole ; il est important que nous apportions collectivement des réponses à ces questions et à ces enjeux.
Nos agriculteurs font face à des choix qui peuvent leur offrir de belles occasions ; le Gouvernement doit leur permettre de les saisir, au travers de la mise en place des leviers nécessaires, et c’est à ces défis que répond ce premier budget du quinquennat – je n’ai pas la même lecture que vous, bien entendu, mes chers collègues.
D’abord, les crédits de cette mission passent de 2,8 milliards à 3,2 milliards d’euros marquant ainsi une hausse globale de 1,2 % par rapport à 2017. Néanmoins, le ministère de l’agriculture participe, lui aussi, à l’effort budgétaire collectif voulu par le Président de la République. Cet effort se traduit principalement par une réduction de ses effectifs, à hauteur de 249 équivalents temps plein, au sein du programme 215. Cela permet ainsi de préserver le programme relatif à la sécurité et à la qualité sanitaires, qui voit ses dépenses de personnel augmenter.
En outre, pour avoir une plus grande réactivité en cas de crise sanitaire, économique ou climatique, le Gouvernement vient de créer une réserve d’un montant de 300 millions d’euros – c’est une priorité très marquée – pour faire face aux aléas que nous avons connus.
Pour entrer dans le détail, je dirai que ce budget traduit les ambitions du Gouvernement et les engagements pris par le Président de la République durant sa campagne et lors de son discours de Rungis, le 11 octobre dernier.
En premier lieu, la formation aux métiers de l’agriculture est renforcée ; le budget consacré à l’enseignement et la recherche est en hausse de près de 3 %, afin de proposer des programmes adaptés aux besoins de diversité des filières agricoles. En deuxième lieu, la dotation de l’ANSES augmente, pour assurer la sécurité sanitaire. En troisième lieu, le renouvellement générationnel est favorisé, au travers d’une dotation de 38 millions d’euros destinée à soutenir l’installation des jeunes agriculteurs – vous y tenez tous, je le sais.
Vous le savez comme moi, la transformation profonde de notre modèle agricole ne se fera pas uniquement par des mesures budgétaires ; le budget ne changera en rien le revenu des agriculteurs, bien au contraire. C’est pourquoi il faut inscrire cette mission dans une feuille de route plus large en faveur de nos agriculteurs et de nos territoires.
Le Gouvernement a mis en place d’autres leviers pour permettre cette transformation. Ainsi, au travers des États généraux de l’alimentation, qui ont été mentionnés, le Gouvernement engage une réforme sans précédent de l’agriculture, qui mobilise l’ensemble des parties prenantes. Le Président de la République a souhaité que les agriculteurs vivent de leur revenu et non des aides, et c’est à cette tâche que le Gouvernement s’est attelé.
La première phase des états généraux a abouti à la conclusion qu’il est urgent de redistribuer de la valeur ajoutée aux producteurs, afin de redonner de la compétitivité. C’est pourquoi il est essentiel que toutes les filières prennent leurs responsabilités et établissent de réels contrats de filière, adaptés à leurs enjeux.
La deuxième phase doit déboucher sur l’évolution du modèle agricole, auquel vous travaillez activement, monsieur le ministre – je connais tout votre entrain en ce domaine –, une évolution qui tienne compte de la demande des consommateurs, ou des « consommacteurs », comme on le dit parfois, et des attentes sociétales. Les conclusions se traduiront, l’année prochaine, par des mesures législatives et réglementaires.
Près de 10 % du Grand plan d’investissement seront alloués au secteur agricole, soit 5 milliards d’euros. Cela nous permettra de protéger nos agriculteurs des crises structurelles et d’accompagner les mesures de transformation et d’investissement visant à moderniser l’outil de production.
Par ailleurs, dans le cadre des futures négociations de la PAC, la France devra faire preuve, c’est vrai, de fermeté, pour rendre les aides plus efficaces, plus transparentes et plus agiles.
Enfin, les contraintes administratives doivent être levées, pour faciliter la vie des agriculteurs. Les mesures de simplification annoncées dans le projet de loi sur le droit à l’erreur, présenté par M. Darmanin, vont dans ce sens.
C’est vrai, je n’ai pas abordé la question des produits phytosanitaires, qui inquiètent nos agriculteurs, mais la réponse du Gouvernement en la matière est lucide et efficace. Il ne s’agit pas essentiellement d’interdire, mais d’accompagner toute la filière agricole dans sa transition.
Dans ce contexte tendu, les choix budgétaires du Gouvernement en matière agricole sont courageux, ils sont à la hauteur des ambitions de notre projet. C’est pourquoi le groupe La République En Marche soutiendra et votera les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce budget s’inscrit dans un contexte toujours plus difficile pour les agriculteurs, qui subissent la course aux prix bas et la multiplication de crises climatiques, sanitaires ou de marché. L’extrême fragilité des exploitations agricoles, quelle que soit la filière, perdure.
Les rapporteurs de la commission des finances parlent de « désagriculturalisation », en parallèle de la désindustrialisation de notre pays. C’est une expression dans laquelle nous nous reconnaissons, puisque nous n’avons cessé de dénoncer la disparition, au profit de véritables entreprises agricoles, des petites exploitations. Ainsi, l’INSEE soulignait, en mars 2017, « une décroissance très rapide du nombre d’exploitations avec une division de moitié [de leur] nombre ».
Dès lors, si les crédits de la mission sont en légère hausse, ce budget en trompe-l’œil ne répond pas aux menaces qui planent sur l’avenir des agriculteurs et qui nécessitent des mesures fortes en matière d’intervention publique, en premier lieu sur les prix, mais aussi en matière d’accompagnement vers des modèles de production plus durables et créateurs de plus de valeur ajoutée.
À l’heure où les aides européennes diminuent, et même si l’on fait abstraction des nombreux retards de paiement dont celles-ci souffrent, le compte n’y est pas, tant les moyens ne permettent pas de mettre en place une véritable politique alimentaire et une orientation réelle vers l’agroécologie.
Sans moyens adaptés, comment assurer une production de qualité sur tous les territoires, et comment assurer un revenu digne aux agriculteurs, objectifs prioritaires de la politique agricole ? Comment répondre aux défis que nous n’avons cessé de pointer – la préservation de l’environnement, la sécurité alimentaire, le renouvellement des générations, la préservation d’un modèle agricole familiale et la lutte contre ce fléau qu’est la spéculation foncière ?
Aujourd’hui, l’appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles est en baisse de près de 14 %, en autorisations d’engagement. De même, les lignes budgétaires consacrées à l’installation des jeunes agriculteurs baissent, tout comme celles du soutien aux coopératives d’utilisation de matériel agricole, pour ne prendre que quelques exemples.
Ainsi, à la lecture du bleu budgétaire et des différents rapports, il y a lieu de remettre en cause le modèle de soutien au secteur agricole qui se dessine, un modèle non de soutien budgétaire clair, orienté et volontariste, mais de soutien passant par le biais des prélèvements obligatoires. Comme le souligne le rapport de la commission des finances, « le poids des allégements de cotisations sociales dans les concours publics à l’agriculture n’a cessé d’augmenter au cours de la période [2013-2018] au point que, comptant pour un peu plus de 10 % des concours publics à l’agriculture il y a cinq ans, ils en représentent désormais près de 25 % ».
Or ce ne sont pas les bas salaires et les exonérations de plus en plus importantes qui permettront le sursaut et la transformation de notre modèle agricole. Nous devons travailler à un changement fondamental d’orientation permettant de mener, dans chaque filière, de nouvelles politiques, avec comme objectif la satisfaction des besoins et revendications des salariés et des petits et moyens agriculteurs.
Nous en sommes loin, car ce mouvement de retrait se dessine dans toute la politique de soutien direct de l’État en matière économique. Dès lors, cela a été maintes fois souligné, il est difficile d’entrevoir les lignes directrices du Gouvernement en matière agricole, et ce malgré les différentes annonces.
De plus, la structure même de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est de moins en moins lisible, comme le constatent des différents rapporteurs. Outre la modification permanente du périmètre de la mission, la suppression de certains programmes, tel le programme 149 relatif à la forêt, le budget dont nous discutons aujourd’hui connaîtra certainement, comme tous les ans, de véritables modifications entre la phase de programmation et la phase d’exécution.
En ce qui concerne le service public de la sécurité alimentaire, le projet de loi poursuit la politique destructrice des gouvernements précédents, sur fond d’austérité renforcée. La restructuration tant des services du ministère de l’agriculture que de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, n’est pas remise en cause. Pourtant, l’alimentation, la sécurité alimentaire et la traçabilité devraient être des axes essentiels de notre politique ; cela est indispensable et c’est attendu des consommateurs comme des agriculteurs eux-mêmes.
Enfin, si nous apprécions les efforts budgétaires en matière de formation, nous ne pensons pas qu’il faille transformer les agriculteurs en manageurs, comme cela s’est entendu lors des débats à l’Assemblée nationale. La situation de l’agriculture française ne trouve pas son origine dans un manque de compétences, mais plutôt dans un coût de production qui n’est plus couvert par les prix de vente, et dans un rapport plus qu’inégalitaire entre agriculteurs et grande distribution.
Vous le comprendrez, mes chers collègues, nous partageons les conclusions de la commission des affaires économiques. Ce budget n’est pas à la hauteur des attentes et des annonces qui ont été faites lors de l’ouverture des États généraux de l’alimentation ; il n’est pas plus à la hauteur des défis que représentent les négociations commerciales en cours à l’échelon européen ; il n’est pas davantage à la hauteur des attentes d’un monde agricole dévasté par les crises successives et par le choix du libéralisme en matière agricole.
Nous voterons contre les crédits, en l’état, de la mission, et nous serons attentifs aux différents amendements soutenus, car ceux-ci, même s’ils se confronteront au problème des gages, pointent de vraies questions. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique agricole française, comme la politique agricole commune, est à la croisée des chemins. Nous avons trop longtemps repoussé les réformes qui doivent nous permettre de remplir les objectifs d’une agriculture durable, équitable et performante.
Il s’agit, premièrement, de défendre un revenu décent pour les agriculteurs; dont les efforts sont sans commune mesure avec les maigres rémunérations du secteur. Pour rappel, le revenu moyen d’un agriculteur français ne dépasse pas 1 250 euros par mois, avec parfois des chiffres proprement indécents. La concertation que vous avez encouragée sur ce sujet, monsieur le ministre, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, est une bonne initiative. Elle était attendue et nécessaire. Nous souhaitons ardemment qu’elle aboutisse à des efforts accrus de la part des industriels et des distributeurs.
Il s’agit, deuxièmement, de la revitalisation des territoires. Les agriculteurs sont les premiers gestionnaires des ressources naturelles du pays ; ils contribuent au dynamisme économique de nos campagnes, à leur aménagement et à leur vie sociale. Les réflexions sur l’avenir de notre agriculture devront prendre en compte cette dimension de développement rural, vitale pour la cohésion du territoire national.
Il s’agit, troisièmement, de la protection de l’environnement et de la qualité alimentaire. Les agriculteurs français doivent être soutenus dans leur transition vers un modèle de production plus respectueux de l’environnement et de la santé des consommateurs. Nous approuvons le maintien des mesures agroenvironnementales et climatiques, ainsi que les aides à l’agriculture biologique, à hauteur de 81 millions d’euros en autorisations d’engagement. Nous estimons néanmoins que la décision de ne plus financer, au travers du budget de l’État, que les aides à la conversion biologique, à l’exclusion des aides au maintien, est brutale, et qu’elle aurait dû faire l’objet de plus de concertation ou, au minimum, d’un lissage dans le temps.
Enfin, l’agriculture française contribue à l’indépendance alimentaire de notre pays et de l’Europe tout entière. Cette indépendance alimentaire est vitale, dans un contexte de volatilité des prix agricoles et de menace croissante de crises alimentaires aiguës. Celles-ci ont été particulièrement dévastatrices ces dernières années. En Europe même, des événements climatiques extrêmes ont conduit de nombreuses exploitations à souffrir de la sécheresse ou encore des inondations de 2016. Des crises sanitaires ont également frappé l’agriculture française de plein fouet et menacé la viabilité de plusieurs élevages.
L’augmentation des crédits du programme 206, visant à renforcer le contrôle sanitaire, est en ce sens encourageante, de même que la constitution d’une réserve de 300 millions d’euros dédiée à la gestion de crise. Néanmoins, cette hausse est largement insuffisante pour faire face aux risques qui menacent la profession.
La gestion des risques est également une priorité à l’échelon européen : le 5 septembre 2017, à Tallin, les ministres européens de l’agriculture et le commissaire Phil Hogan se sont mis d’accord pour renforcer le mécanisme communautaire, dont le manque d’efficacité est avéré.
Cet exemple récent me conduit à évoquer l’échelon européen, qui est fondamental pour l’avenir de notre agriculture. Les résultats de la consultation publique menée en 2017 par la Commission, sur la PAC au-delà de 2020, dont les résultats ont été présentés le 7 juillet 2017, sont évocateurs. Toutes les parties prenantes s’accordent à dire que la PAC devrait se concentrer davantage sur l’investissement, la croissance et l’emploi, l’adaptation au changement climatique et le renforcement du marché unique.
Au milieu des incertitudes liées au Brexit et à une diminution annoncée des crédits consacrés à la PAC, nous espérons, monsieur le ministre, que vous porterez auprès de nos partenaires la vision d’une PAC simplifiée, verdie, plus efficace et plus flexible, au service des agriculteurs français et européens.
Voilà quelques jours, j’ai appelé votre attention, monsieur le ministre, sur la question de l’interdiction de la pêche électrique : c’est un exemple de décision courageuse que la France devra défendre à l’échelon européen.
Pour continuer de mentionner cet échelon, nous nous inquiétons de la distorsion de concurrence que causera la suppression du régime social des indépendants, le RSI ; les hausses de cotisations qui en découleront pour les agriculteurs français, bien qu’elles ne soient pas l’objet du présent texte, sont un mauvais signal de plus envers la profession et, surtout, envers les jeunes agriculteurs.
Je conclus en indiquant que le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas ces crédits, pour marquer l’incertitude sur les défis qui nous attendent, et afin de manifester notre désaccord avec la frilosité de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur certaines travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’agriculture française est difficile, on le sait, mais, paradoxalement, elle reste très productive. Seulement, elle ne rémunère plus les agriculteurs à la hauteur de leur travail et de leurs responsabilités. Nous devons prendre conscience des limites de notre système actuel, tourné vers les volumes et vers l’exportation, et de l’exigence de compétitivité dans un monde où tout est globalisé.
Tôt ou tard, il faudra bien que les produits alimentaires sortent du grand marché mondial ; c’est l’un des objectifs de la relocalisation de l’agriculture.
L’agriculture est dans l’impasse, mais la soutenir nous coûte cher. Dès lors, la transition que nous appelons de nos vœux doit être accélérée.
N’oublions pas que, dans notre économie mondialisée, notre modèle agricole a des conséquences sur des pays tiers, notamment en Amérique du Sud, en raison des hectares de soja, à 80 % transgéniques, que nous importons pour nourrir nos élevages, et en Afrique de l’Ouest, dont le nécessaire développement est quelque peu freiné par la concurrence qu’y exercent nos produits.
Notre agriculture va également faire face à de grands défis liés aux bouleversements climatiques, qui vont contraindre notre système à évoluer.
Face à ces enjeux que sont cette crise structurelle de notre système agricole et la nécessaire adaptation au changement climatique, nous possédons déjà un certain nombre de solutions et les outils permettant de soutenir une transition de notre système agricole.
De nombreuses structures de recherche de grande qualité existent. Je pense évidemment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, mais aussi aux instituts techniques tels que l’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, les établissements situés dans nos territoires, comme SupAgro, à Florac, en Lozère, sur les questions agroenvironnementales, sans compter évidemment l’ensemble des laboratoires du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui mènent également des recherches liées à l’agriculture et aux changements climatiques.
La profession viticole elle-même fait de gros efforts dans la recherche de substituts aux pesticides et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, le CIVB, a pris l’engagement fort de sortir des pesticides en Gironde, département le plus touché par l’utilisation de ces produits. Cet exemple est très parlant, mais il faut que l’État soutienne ceux qui veulent avancer vite sur le sujet.
C’est en nous appuyant sur des outils de recherche, notamment de recherche collaborative, mais également sur un certain nombre de réseaux, comme celui des fermes Dephy et les réseaux associatifs, que nous devons mettre en place un plan ambitieux de transformation de notre agriculture.
Il convient de favoriser les cultures de qualité et de proximité, en dynamisant les projets alimentaires territoriaux – c’est l’une des belles avancées de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt –, qui se mettent en place un peu partout sur le territoire.
Nous devons aller plus vite ; nous devons aller plus loin. Pour cela, nous devons appliquer rapidement l’une des promesses de campagne de notre Président de la République, celle qui consiste à forcer à introduire 50 % de produits bio ou locaux dans l’ensemble de la restauration collective publique ou concédée.
En effet, l’agriculture biologique, qui était considérée comme un marché de niche voilà encore peu de temps, a fait, depuis, la démonstration de son efficacité à rémunérer correctement les agriculteurs qui se lancent dans cette démarche de préservation de l’environnement, tout en accroissant la biodiversité, à augmenter le stockage naturel du carbone dans les sols et à protéger, notamment, la ressource en eau.
Lors des états généraux de l’agriculture, le Président de la République a aussi souhaité que les organisations de producteurs se transforment, afin d’assurer une meilleure répartition entre la production et la consommation. Pour ce faire, il a proposé la mise en place d’indicateurs de marché sur les coûts de production et de contrats types par filière, afin que tous les agriculteurs aient facilement accès à ces informations. Il a aussi fustigé les prix anormalement bas. Nous tenons à saluer cette initiative.
Nous ne sommes pas seuls dans ce grand projet de transformation. La politique agricole commune doit également massivement accroître la part consacrée aux mesures agroécologiques, dans le cadre du verdissement, pour aboutir à une véritable rémunération des services écosystémiques rendus par nos agriculteurs qui font le choix de techniques ou de pratiques vertueuses.
Nous souhaitons également obtenir des précisions concernant les 200 millions d’euros annoncés par le chef de l’État dans son discours de Rungis afin de rémunérer les services environnementaux, et non de les subventionner – il est important que les agriculteurs, les consommateurs et les contribuables se le mettent bien en tête. Les mêmes questions se posent concernant le Grand plan d’investissement pour l’agriculture, doté de 5 milliards d’euros : dans quel sens ces aides seront-elles ciblées ?
Au sujet des circuits courts, j’ai été interpellé par les éleveurs de volaille fermière du Morbihan. Ces petits producteurs de volaille de plein air sont soumis aux normes sanitaires conçues pour les élevages industriels. L’application stricte de ces normes remet en cause la pérennité de leur élevage, dont les produits sont vendus à la ferme ou dans les magasins de producteurs. La législation sanitaire mise en place pour lutter contre la salmonellose et les contraintes administratives pour éviter la propagation de la grippe aviaire ne sont pas du tout adaptées à ce type de productions.
Dupliquer dans les petites exploitations les normes conçues pour les producteurs intégrés…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … ne convient pas au monde agricole.
Les coûts générés par ces mesures inadaptées, que ce soit la mise en place de sas, les contrôles onéreux sur les fumiers, les filets de protection…
M. le président. Il faut vraiment conclure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Joël Labbé. Afin de préserver ces élevages, une législation cohérente et adaptée est nécessaire.
Les éleveurs de volaille fermière comptent sur vous, monsieur le ministre, pour les entendre et leur apporter des réponses appropriées.
M. le président. Je vais maintenant donner la parole à l’orateur suivant. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Joël Labbé. Aussi, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Il y a deux poids, deux mesures…
M. le président. Non, ma chère collègue, notre collègue a seulement bénéficié de quarante secondes supplémentaires. Mais je vous pardonne votre remarque ! (Sourires.)
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, normalement, un budget traduit des choix politiques. Alors que les États généraux de l’alimentation ont été lancés au mois de juillet dernier, on pouvait imaginer que le budget 2008 traduirait déjà une partie des choix politiques du Gouvernement pour notre agriculture et la filière agroalimentaire et, surtout, qu’il trace des perspectives pour le futur.
Contrairement à ce qu’a affirmé tout à l’heure l’un de nos collègues, il ne s’agit pas de dramatiser. Il s’agit de parler simplement de la réalité des faits.
Voilà deux ans, pour que l’agriculture française soit aussi compétitive que l’agriculture européenne, une baisse significative des charges sociales avait été mise en œuvre.
Selon le communiqué de presse publié à l’époque, cette baisse de charges allait « alléger les trésoreries des exploitations de manière durable dans le temps » – il semble que nous n’ayons pas la même définition de la durabilité – et permettre « un alignement du taux de cotisations applicable aux agriculteurs français sur le taux moyen de cotisations de leurs voisins européens. » Autrement dit, il s’agissait de permettre à la « ferme France » d’accéder au même niveau de compétitivité.
Dans le budget 2018, on supprime cet avantage et on remet l’agriculture française en situation de handicap sur le plan des charges sociales. Ce n’est pas dramatiser que de le dire. C’est tout simplement parler vrai.
De même, l’an passé, le Sénat a considéré, toutes sensibilités confondues, qu’il était urgent de mettre en œuvre, au-delà des mesures d’accompagnement de la gestion des risques et des crises, des mesures fiscales, au travers, notamment, de la création d’une épargne de précaution.
Là encore, on ne voit, dans ce budget 2018, aucune traduction de ce souhait, aucune volonté politique d’accompagner la gestion des crises par des mesures fiscales. On s’en remet à l’Europe.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de garanties sur les 300 millions d’euros. Sur ce point, je vais encore plus loin que nos rapporteurs, dont je salue la qualité du travail : j’ai l’impression que nous sommes en train de rompre le pacte du « 1 pour 1 » sur les calamités agricoles – l’État versait un euro pour tout euro dépensé par le paysan. De fait, c’est la première fois que l’on voit apparaître une ligne budgétaire figée.
La France veut être exemplaire. Elle veut même donner des leçons à l’Europe. Sans rouvrir le débat sur le glyphosate, j’estime que l’on aurait pu imaginer une traduction budgétaire des choix politiques opérés pour accompagner l’agriculture, tant au niveau de la recherche de solutions qu’à celui des investissements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Nathalie Goulet. Ça se tient !
M. Daniel Gremillet. Aujourd’hui, en matière d’investissements, la proposition du budget pour l’année 2018 consiste en une baisse.
Là encore, ce n’est pas dramatiser que de le dire. C’est tout simplement parler vrai.
L’affaire est sérieuse : c’est l’avenir alimentaire de la France, de l’Europe et du monde qui est en train de se jouer. Que voulons-nous pour notre agriculture, pour les emplois dans nos territoires, pour notre filière agroalimentaire ? Quelle place la France veut-elle occuper dans le contexte européen ?
Le budget de la Nation est une traduction de cette volonté politique.
Je veux évoquer brièvement la forêt.
L’espace forestier est, pour la France, une chance formidable. Or aucune ambition forestière n’est traduite dans le budget 2018.
Qui plus est, monsieur le ministre, avec l’amendement que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale, vous remettez en cause un fondement majeur du développement agricole : l’équité des territoires. En effet, cet amendement vise à remonter les fonds prélevés par les chambres d’agriculture, qui pratiquent des taux très différents. Cela va pénaliser nos territoires. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements.
En conclusion, monsieur le ministre, le Gouvernement a voulu faire naître de l’espoir avec la mise en œuvre des États généraux de l’alimentation. Nous sommes ici un certain nombre à avoir vécu des états généraux de l’agriculture, des assises du développement agricole,…
M. le président. Il faut vraiment conclure.
M. Daniel Gremillet. Pour terminer, je dirai tout simplement que le budget 2018 est une occasion ratée…
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Daniel Gremillet. … et, surtout, qu’il ne traduit aucune ambition pour notre agriculture et notre filière agroalimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mes propos sur la forêt et l’élevage.
La forêt constitue un capital exceptionnel pour la France; en termes de réponse aux enjeux climatiques, avec la séquestration de carbone, économiques, avec plus de 450 000 emplois, 60 000 entreprises et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et sociétaux, avec plus de 200 millions de visiteurs chaque année dans nos forêts.
La forêt française est la quatrième d’Europe. Cette ressource n’est pas pour autant immuable. Elle est le fruit du travail des générations précédentes.
Actuellement, nous coupons ce que nos parents et grands-parents ont planté, mais nous ne replantons pas suffisamment. On parle d’ores et déjà de tensions sur la ressource en chêne et l’on s’interroge sur les peuplements de résineux, très convoités par nos voisins européens et au-delà.
Nous connaissons un déficit de la balance commerciale de 6 milliards d’euros, dû à notre incapacité à transformer notre matière première sur le territoire français.
Ces défis à relever ont été mis en exergue dans le cadre du programme national de la forêt et du bois et se traduisent par des objectifs de mobilisation supplémentaire de 12 millions de mètres cubes. Ils se déclinent dans le cadre de plans régionaux.
Pourtant, monsieur le ministre, à la lecture des crédits de cette mission, je m’interroge sur notre capacité à atteindre ces objectifs.
Symptôme d’une déconsidération, le programme 149, « Forêt », a été supprimé.
Le fonds « stratégique » est raboté, passant de 25 millions à 18 millions d’euros. Je rappelle que l’ambition initiale était de l’alimenter à hauteur de 150 millions d’euros…
Comment faire si nous ne finançons pas de nouvelles infrastructures de dessertes des massifs, l’innovation dans la construction, l’investissement dans la mécanisation, le reboisement des parcelles, l’adaptation des essences pour lutter contre les changements climatiques ou encore la défense contre le risque croissant d’incendies ?
Les recettes de la taxe de défrichement ne reviennent plus en totalité à la forêt. Elles sont écrêtées. Ainsi, 1 million d’euros sont réorientés vers le budget général.
Au final, le budget consacré à la forêt se résume à financer l’Office national des forêts, pour 70 % de l’enveloppe, soit 175 millions d’euros. Est-ce bien sérieux quand on sait que la mobilisation supplémentaire visée par le plan national est, pour l’essentiel, stockée dans les forêts privées ?
Au contraire de mes collègues, je considère comme un point positif l’article 49 bis, qui vise enfin à affecter la totalité des « centimes forestiers », la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, au Fonds national de solidarité et de péréquation du réseau des chambres d’agriculture, afin de financer exclusivement les actions consacrées à la forêt et à la filière bois.
Monsieur le ministre, l’argent de la forêt doit être fléché sur les politiques forestières publiques, pour régénérer ce capital essentiel. Sans cela, nous préempterons l’avenir des générations qui suivent.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Anne-Catherine Loisier. En matière d’agriculture, la France a choisi une politique d’une rare complexité et coûteuse, avec, pour conséquences, une perte de compétitivité des filières françaises et des professionnels qui désespèrent.
Nos éleveurs doivent pouvoir valoriser le modèle français de production de viande, fondé sur des exploitations majoritairement familiales et des vaches nourries à 80 % d’herbe. Or, dans nos restaurants collectifs, 70 % des viandes bovines et 90 % des viandes ovines sont encore issues de l’importation… Il est donc essentiel de s’assurer de la cohérence de nos politiques publiques, en refusant l’importation de viandes qui ne répondent pas aux mêmes normes de production.
Ouvrir le marché intérieur, aujourd’hui autosuffisant, à des flux supplémentaires serait préjudiciable. Ainsi, avec l’accord économique et commercial global, le CETA, 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, issue d’animaux engraissés aux farines animales et autres activateurs de croissance, viendront concurrencer nos viandes françaises. Avec le Mercosur, 100 000 à 130 000 tonnes supplémentaires pourraient être concernées, à droits de douane quasi nuls.
Monsieur le ministre, toute politique agricole sera vouée à l’échec si, dans le même temps, nos professionnels subissent la concurrence déloyale de produits issus de systèmes peu ou pas réglementés.
Faute de viabilité, confronté à une mondialisation croissante, le modèle français auquel nous tenons tant risque bel et bien de disparaître plus vite que nous ne l’imaginons.
En conséquence, le groupe Union Centriste se prononcera défavorablement sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques points près, que j’aborderai, deux mots caractérisent le budget agricole général et celui de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui nous sont présentés : continuité et attente.
Continuité, parce que les orientations majeures de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – je pense à l’objectif de transition agroécologique et à la conciliation des enjeux de performance économique, sociale et environnementale – sont confirmées.
Attente, parce qu’aucune mesure répondant fondamentalement aux besoins des agriculteurs, qu’il s’agisse du niveau des revenus, de la gestion prévisionnelle des risques de marché, du juste retour de la valeur ajoutée aux producteurs ou même de la compétitivité de la « ferme France », n’apparaît dans ce budget, en tout cas de manière distinctive par rapport au précédent budget. C’est un constat plus qu’un jugement de valeur.
Je souhaite que les orientations retenues à l’issue des États généraux de l’alimentation permettent de répondre aux attentes aussi urgentes que légitimes de nos agriculteurs.
Cette démarche a suscité beaucoup d’attentes chez tous les acteurs. Il ne faudra pas les décevoir.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Franck Montaugé. Faut-il comprendre, parce que rien, absolument rien n’y fait référence dans les programmes et les actions de ce budget, que c’est le budget 2019 qui prendra en compte les mesures retenues à l’issue des états généraux ? Comment les soutiens spécifiques nécessaires, pour la partie de leur financement concernant l’État, doivent-ils être identifiés sur des lignes budgétaires peu ou prou semblables à celles du budget précédent ? Pour notre compréhension du chemin que vous voulez faire prendre à notre agriculture, à la filière agroalimentaire et à la distribution, il sera intéressant que nous vous entendions sur ces points, monsieur le ministre.
L’autre grand sujet qui surplombe ce budget est celui de la prochaine politique agricole commune. Voilà quelques jours, nous avons eu connaissance des orientations que la Commission européenne voudrait donner à la prochaine PAC.
Indépendamment de la question, majeure, du niveau du budget de cette politique, la révision qui se profile, si elle devait aboutir, n’est ni une adaptation ni une évolution. Elle peut être comprise comme une révolution, une révolution fondée sur la reprise en main par les États membres de leur politique agricole.
Cependant, cette reprise en main serait très encadrée, par le biais d’objectifs fixés aux États par la Commission européenne, de plans stratégiques définis par les États et présentés à celle-ci, qui les validerait ou les ferait amender, et d’une évaluation périodique par la Commission des résultats atteints par les États.
La simplification et la prise en compte de la diversité des agricultures nationales ont été, semble-t-il, au fondement de ce projet de nouvelle PAC.
Le principe de subsidiarité pourrait donc, à l’avenir, être au cœur de son fonctionnement. Nous ne serions alors pas loin d’une renationalisation de la PAC…
Je n’ouvre pas le débat de fond sur les avantages et les inconvénients de la formule, mais j’espère que nous y reviendrons rapidement. Le groupe de suivi de la PAC de notre Haute Assemblée apportera son expertise sur cette nouvelle situation.
Si le budget 2018 ne peut traduire les premières conséquences de ce qui pourrait être une évolution managériale de la PAC, l’anticipation de ce nouveau modèle et de ses conséquences prévisibles est cruciale pour la performance de notre État.
Partagez-vous cette approche, monsieur le ministre ? Le cas échéant, comment cette anticipation se traduit-elle dans le budget dont nous discutons aujourd’hui ?
Vous parlez, à propos de ce budget, de « première étape d’une transformation sans précédent de l’agriculture française ». Pour ma part, je n’ai pas su y trouver de nouveauté et j’y vois plutôt un budget de reconduction, la hausse de 400 millions d’euros étant en grande partie la conséquence de la création d’une provision pour aléas de 300 millions d’euros et de l’intégration, pour 45 millions d’euros, du budget consacré à la pêche, qui figurait auparavant dans la mission « Écologie ».
Je regrette, au moment où la question du revenu est si problématique pour beaucoup trop d’agriculteurs, la suppression de la réduction de 7 points de la « cotisation personnelle maladie ». Les mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, sont en baisse de près de 4 millions d’euros. Plus incompréhensible encore est la baisse de 13 millions d’euros des aides destinées à la modernisation des exploitations.
Enfin, le Président de la République avait annoncé vouloir mettre en place une « épargne de précaution individuelle » pour les agriculteurs. Rien n’est prévu en ce sens dans le budget 2018. C’est regrettable quand on sait la nécessité de se doter d’outils divers de gestion des risques agricoles – Henri Cabanel a rappelé le travail que nous avons réalisé en ce sens.
En définitive, ce que pourrait être la politique agricole et agroalimentaire du Gouvernement est renvoyé à la loi ou aux ordonnances issues des États généraux de l’alimentation, d’une part, et à la prise en compte des nouvelles orientations de la PAC, d’autre part.
L’essentiel étant à venir, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Mme Anne-Marie Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont expliqué les rapporteurs, les crédits de la mission « Agriculture » ont été rejetés par les commissions des finances et des affaires économiques.
Impasse budgétaire, difficultés pour le paiement des MAEC et des aides à l’agriculture biologique, manque de provisions pour les risques économiques, climatiques et sanitaires qui pourraient survenir en 2018, diminution des crédits du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, etc. : les motifs d’inquiétudes sont nombreux, monsieur le ministre.
Comme tous les autres entrepreneurs, nos agriculteurs ont besoin de visibilité.
En septembre dernier, vous annonciez la fin des aides au maintien de l’agriculture biologique, alors que, pour un grand nombre d’exploitations, ces aides étaient intégrées à leur modèle économique.
Monsieur le ministre, ces agriculteurs ne sont pas des nantis ! Ils veulent simplement vivre de leur travail.
L’augmentation prévue du crédit d’impôt destiné aux entreprises d’agriculture biologique ne compensera pas cette perte nette de 3 000 à 7 000 euros.
Vous nous direz sans doute, et vous aurez raison, qu’il faut bien faire des économies. C’est oublier que l’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres : elle a un impact certain sur notre environnement, nos nappes phréatiques, notre santé… Nos agriculteurs produisent la matière première de notre si réputée culture gastronomique, mais ils sont aussi et surtout gages de notre souveraineté et de notre sécurité alimentaires.
Une exploitation bio emploie 77 % de main d’œuvre de plus qu’une exploitation conventionnelle, notamment parce qu’elle n’utilise pas de pesticides. Ces aides ne relèvent donc pas de la gabegie.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région française pour l’agriculture biologique, l’attribution des aides au maintien est, depuis 2015, restreinte aux zones de captage. Nous constatons déjà que certains exploitants repassent en agriculture conventionnelle.
Certes, vous allez encourager à la conversion, monsieur le ministre, mais combien vont déchanter ?
Vous avez déclaré que les régions qui souhaitent continuer à financer ces aides au maintien le pourront. Cette déclaration me laisse perplexe : soit vous considérez que ces aides ne sont pas utiles, auquel cas il ne semble pas opportun d’encourager à leur versement, soit vous assumez pleinement votre désengagement.
Dans mon département des Bouches-du-Rhône, vous le savez, les terres agricoles sont rares et onéreuses pour les jeunes qui souhaitent les acquérir.
À ces difficultés, il faut désormais ajouter le remplacement de l’impôt sur la fortune, l’ISF, par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui réserve un traitement particulier aux terres agricoles, puisque celles-ci vont être traitées comme des biens immobiliers, et non comme des actifs économiques – à ce titre, elles seront soumises à l’IFI.
Ajoutons-y également l’alignement du régime de cotisation des salariés non agricoles sur celui des travailleurs indépendants. Ajoutons-y encore la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de cotisations patronales à compter de 2019. Pour l’heure, la perte de ce dernier n’est pas compensée pour les employeurs éligibles au dispositif en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi.
Enfin, je veux évoquer la suppression du fonds d’accompagnement de la réforme du microbénéfice agricole. Monsieur le ministre, il faut maintenir ce fonds. En effet, pour certains agriculteurs, sa suppression représente pas moins de 25 millions d’euros de cotisations sociales en plus sur la période 2018-2021.
Par ailleurs, nos agriculteurs doivent faire face à une concurrence toujours plus difficile. Rappelons que, chez nos voisins espagnols ou italiens, le coût du travail est inférieur de 30 % à 35 % à ce qu’il est en France ! Des normes toujours plus contraignantes pèsent sur nos agriculteurs, présumés coupables – contrôles récurrents et usants, obligations, paperasse, etc. –, alors même que leurs concurrents en sont exempts.
Monsieur le ministre, une étude de la Mutualité sociale agricole, datant du mois d’octobre dernier, montre que 30 % des exploitants agricoles ont gagné moins de 350 euros par mois en 2016 et que 20 % étaient en déficit.
Dans ces conditions, vous comprendrez que je m’interroge : le Gouvernement a-t-il pris la mesure de la situation ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Anne-Marie Bertrand. Monsieur le ministre, notre agriculture est un atout majeur pour notre économie. Ne l’oublions pas.
Je ne voterai pas les crédits de cette mission, qui manque véritablement d’ambition pour l’avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intensification du réchauffement climatique et ses conséquences sur les activités agricoles nous incitent à préparer des solutions pérennes.
Les tensions sur la ressource en eau s’accentueront, avec une diminution importante des débits moyens des cours d’eau, en particulier dans les zones vulnérables. Mon département, le Lot-et-Garonne, sur le bassin Adour-Garonne, en fait partie.
En ce qui concerne l’hydrologie souterraine, le sud-ouest de la France subira une baisse de la recharge des nappes comprise entre 30 % et 50 %, voire plus. La question de la disponibilité de l’eau pour permettre une irrigation correcte des plantations et un abreuvement satisfaisant des animaux se posera de façon de plus en plus aiguë. Dans le même temps, il ne faudra pas altérer les nappes phréatiques ni le débit et la qualité des cours d’eau.
Dans ce contexte, la création de réserves d’eau, notamment collinaires, est primordiale pour les exploitants agricoles. Celles-ci recueillent et stockent les eaux de ruissellement dans des réserves de proximité. Elles sont remplies en hiver, en période d’abondance, pour être utilisées pour l’irrigation pendant l’été.
Un ajustement de la législation existante est nécessaire dans le domaine de l’utilisation et du stockage de l’eau. La réglementation en vigueur est trop contraignante pour être incitative, surtout pour les petits projets individuels, portés par les agriculteurs eux-mêmes.
Il convient donc de veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au respect des directives européennes, sans zèle et sans « surtransposition » de notre part, d’alléger les contraintes d’autorisation et de raccourcir les délais d’instruction pour les dossiers de création de réserves en eau.
Une gestion pragmatique consiste à privilégier la recherche de solutions locales, en associant à la concertation les acteurs locaux, notamment les agriculteurs.
Le Gouvernement doit mettre en œuvre les moyens nécessaires, y compris financiers, pour permettre au secteur agricole de développer ce type de rétention d’eau.
J’aimerais également évoquer la question de la recherche sur les molécules de remplacement des néonicotinoïdes, une classe d’insecticides utilisés dans les filières grandes cultures, fruits et légumes, vignes, etc.
La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a instauré une interdiction d’utilisation de cette classe d’insecticides dans les cultures agricoles, à compter du 1er septembre 2018.
Des dérogations pourront être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 s’il n’existe pas d’alternative.
Dans le cadre de cette interdiction, le Gouvernement a demandé à l’ANSES d’identifier les substituts possibles aux néonicotinoïdes et de vérifier leur efficacité, ainsi que leur éventuel impact sur l’environnement et sur la santé publique. Mais l’ANSES sera-t-elle en mesure de trouver, dans les délais fixés par la loi, des produits de substitution ?
Ces délais sont courts et un très grand nombre de produits sont à examiner. Monsieur le ministre, je ne vois pas de moyens, dans votre budget, pour atteindre cet objectif.
Par ailleurs, l’interdiction des néonicotinoïdes risque de favoriser le recours à d’autres substances d’ancienne génération, présentant d’autres inconvénients, parfois pires, pour l’environnement.
Il faut concilier le niveau élevé d’exigence sanitaire pour l’utilisation de ces produits avec les contraintes économiques des agriculteurs. Leur interdiction ne doit intervenir qu’à la condition que soit mise sur le marché une nouvelle molécule aussi efficace et dans des conditions économiques équivalentes.
L’ANSES et l’INRA, mènent des études pour développer des molécules alternatives. Les fabricants doivent aussi consacrer une partie de leur budget à cette recherche.
Dans un monde agricole en pleine mutation, la multiplication des normes et la baisse des revenus des agriculteurs rendent la situation difficile.
Monsieur le ministre, nous souhaitons, comme vous, que notre agriculture soit dans l’excellence et dans la compétitivité. Une pause normative est donc vitale pour ce secteur, qui représente un enjeu très important de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous avez présenté ce budget, monsieur le ministre, comme étant la première étape d’une « transformation sans précédent de l’agriculture française ».
Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, car une telle transformation est une nécessité. Mais une question se pose : les moyens mis en œuvre permettront-ils d’en faire une réalité ?
Il est en effet urgent de revoir aujourd’hui en profondeur le modèle agricole mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce schéma essentiellement productiviste devait en effet répondre à une seule exigence : nourrir une population en plein développement.
Désormais, nous ne pouvons plus aborder la question agricole de manière isolée. L’agriculture ne peut plus être séparée de trois enjeux majeurs de notre époque et de notre société : l’alimentation, la santé et l’environnement.
En matière d’alimentation, ce n’est plus la seule quantité qui est en question, mais bien la qualité.
À cet égard, la suppression des aides au maintien pour les exploitations bio n’est pas un bon signal. S’il faut bien évidemment « mettre le paquet » sur l’aide à la conversion pour accroître la proportion du bio, les aides au maintien restent encore nécessaires pour conforter les exploitations déjà dans cette démarche. Le marché est encore loin d’être solide et les habitudes de consommation ne sont pas encore installées.
Les aides au maintien ont été intégrées dans les modèles économiques. Les retirer de cette manière risque de déstabiliser les exploitations ou d’avoir un impact important sur les prix de vente des produits. Or, si l’on veut que toutes les familles, et pas seulement les plus aisées, puissent faire le choix de manger bio, il faut absolument éviter l’augmentation des prix.
La question de la quantité est bien sûr importante. La réponse doit d’abord passer par la sanctuarisation des terres agricoles. Nous savons tous que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans. Pourtant, les outils existent – je pense notamment aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, dont les crédits, malheureusement, reculent à leur niveau de 2016.
En matière de santé, pour les producteurs comme pour les consommateurs, il est urgent de poser les bases d’un système cultural pouvant se passer de produits chimiques à tous les niveaux.
La synthèse que vient de publier très récemment l’INRA, intitulée Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française, est particulièrement intéressante. Elle présente les alternatives qui existent d’ores et déjà : rotation des cultures, travail du sol, herbicides naturels, etc.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Jean-Claude Tissot. Leur généralisation aura un coût économique, car elle nécessitera de recourir non seulement à plus de main-d’œuvre, mais aussi à des produits plus chers que ceux de l’industrie chimique. Il faudra donc faire preuve d’un vrai volontarisme pour tourner le dos au modèle agroindustriel actuel.
Il nous faudra également convaincre nos partenaires européens, car une législation purement française ne nous permettra pas d’acquérir une réelle indépendance aux produits chimiques.
L’enseignement agricole aura à jouer un rôle de premier plan pour que ce bouleversement des pratiques puisse se faire à grande échelle. Ce sont tous les paradigmes, tous les « logiciels » transmis aux agriculteurs de demain qui seront à revoir. Il faudra bien évidemment se donner les moyens d’une telle ambition, et notamment à l’enseignement public agricole.
Nul n’ignore plus que les agriculteurs sont en première ligne pour la préservation de l’environnement.
Les mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui développent des pratiques combinant performance économique et performance environnementale. Diminuer ce soutien de 3,6 millions d’euros ne va évidemment pas dans le bon sens.
Notre responsabilité est donc de réinventer le modèle agricole français. Pour cela, l’ensemble des acteurs publics doit être impliqué, bien au-delà du seul ministère de l’agriculture. Je pense notamment aux collectivités locales, qui ont, par exemple, un rôle important à jouer dans la constitution de réserves foncières ou dans l’organisation de circuits courts.
Il y a de bonnes intentions dans ce budget, qui poursuit largement ce qui avait été engagé par votre prédécesseur, mais aussi des ajustements importants à y apporter. Nous vous proposerons des amendements en ce sens.
Quoi qu’il en soit, la « transformation sans précédent de l’agriculture française » reste à engager. Notre groupe soutient complètement cette ambition et vous fera des propositions dans les prochains mois pour faire en sorte de la concrétiser au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture française doit aujourd’hui se transformer en profondeur. Cette transformation est indispensable pour relever trois défis majeurs : la transition écologique, la réponse aux exigences renforcées des consommateurs – sécurité sanitaire, qualité alimentaire – et des citoyens – bien-être animal, empreinte écologique –, la résilience dans un monde d’instabilité croissante, d’aléas et de crises multiples – économiques, sanitaires, climatiques.
Le Président de la République a fixé le cap dans son discours de Rungis, le 11 octobre dernier, à l’occasion du point d’étape sur les États généraux de l’alimentation, les EGA. Il a rappelé qu’une agriculture forte et performante est un atout décisif pour assurer l’une des clefs de notre souveraineté, la souveraineté alimentaire.
Il a également souligné que les quatre objectifs de la performance – performance économique, sociale, environnementale et sanitaire – sont indissociables dans la construction des systèmes agricoles de demain et doivent constituer les quatre points cardinaux de l’action des acteurs économiques et de l’action publique, dans cette grande démarche de transformation que nous vous proposons.
M. François Patriat. Très bien !
M. Stéphane Travert, ministre. Pour créer les conditions de cette transformation, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons actionner des leviers complémentaires. Et chacun d’eux, au bon moment.
Je pense d’abord aux États généraux de l’alimentation, dont le pilotage associe une douzaine de ministères, tant les enjeux et les interactions avec d’autres politiques publiques sont forts. Après une première phase centrée sur les questions de création et de répartition de la valeur, la seconde phase – elle est en voie d’achèvement – approfondit les attentes sociétales et la manière d’y répondre.
Je pense ensuite à la mise en œuvre opérationnelle des propositions retenues qui prendra le relais de EGA, fin 2017.
Je pense encore à la future PAC, qui devra être protectrice, facilitatrice, beaucoup plus agile et beaucoup plus lisible et enfin, bien évidemment, au budget national.
Je ne crois pas que ce budget, mesdames, messieurs les sénateurs, « soit composé de dépenses non dotées », ni « qu’il constitue un premier pas vers un repli des soutiens aux exploitations » ou encore qu’il « comporte des orientations économiques préoccupantes pour l’avenir », comme j’ai pu le lire dans vos rapports.
Je ne crois pas non plus que ce budget – et je cite encore les rapporteurs – soit « un budget qui sert insuffisamment les politiques publiques, qui ajoute du stress budgétaire au stress économique et climatique ».
Je ne crois pas non plus que ce budget soit un budget « sous pression », « d’apparences », « sans tonus », « peu offensif », « aux abois », « mal évalué », « l’arme aux pieds », avec « des charges subies et sous-provisionnées », « de reconduction » ou « sous l’impact des remontrances européennes».
J’arrête là l’inventaire de ce que j’ai lu avec attention et qui me semble bien éloigné de la vérité comme de la sagesse habituelle dont fait preuve cette Haute Assemblée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Le ministre a raison !
M. Stéphane Travert, ministre. Et si vous me permettez de faire un lien avec la triste actualité d’hier, qui endeuille le rock n’roll français, « Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » semblent penser un certain nombre d’entre vous. (Exclamations – M. François Patriat applaudit.)
M. Antoine Lefèvre. Vous allez « allumer le feu », monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Stéphane Travert, ministre. Je veux vous inviter à avoir « l’envie d’avoir envie » d’une agriculture performante, « l’envie d’avoir envie » d’une agriculture dont nous soyons fiers collectivement, « l’envie d’avoir envie » d’une agriculture qui porte fermement et fièrement un certain nombre de principes sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir, d’une agriculture dont les Français doivent être fiers et qui rende les agriculteurs fiers de leur travail. (M. François Patriat applaudit.)
Je vais, avec l’humilité qui convient à ce genre d’exercice, tenter de vous démontrer en quoi ce budget porte les fondamentaux d’une agriculture que nous voulons transformer, étape par étape, en prenant le temps nécessaire.
M. André Reichardt. On écoute !
M. Stéphane Travert, ministre. Nous nous sommes déjà inscrits dans ce travail de transformation à travers les EGA et les plans de filière.
Ce projet de budget est doté de 5,2 milliards de crédits de paiement, en augmentation de 1,5 % par rapport à 2017, et de 5,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement.
Ces crédits vont permettre de conforter, et même souvent de renforcer sensiblement, l’ensemble des politiques publiques portées par le ministère dont j’ai la charge.
Ce projet de budget traduit et illustre, en premier lieu, les trois priorités stratégiques que nous avons formulées : la formation et l’innovation, la PAC et la sécurité sanitaire.
Je veux aussi évoquer les programmes de l’enseignement technique et supérieur et de la recherche. Même si leurs crédits ne relèvent pas de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », les moyens prévus pour les programmes 142 et 143 portent 60 % des 30 000 agents du ministère et un tiers des crédits budgétaires. Ils sont l’un des vecteurs de la préparation de l’avenir, via la formation des jeunes et l’innovation.
Les effectifs de ces deux programmes, c’est-à-dire les 18 000 agents qui concourent à l’enseignement technique et supérieur agricole, seront maintenus, en 2018, au même niveau qu’en 2017.
Les crédits, hors dépenses de personnel, s’établiront à 627 millions d’euros, soit près de 3 % de plus qu’en 2017. Ces crédits supplémentaires permettront de mieux doter nos établissements, de poursuivre la modernisation des campus et de faire face à la hausse de la démographie étudiante dans l’enseignement supérieur, d’améliorer la situation financière des établissements, notamment grâce à une meilleure prise en charge du financement des assistants d’éducation – en hausse de 13 % –, à la compensation des emplois gagés dans les centres de formation continue, qui augmente de 1 million d’euros, et au financement d’investissements nécessaires outre-mer.
Ce budget permettra aussi d’accompagner financièrement la renégociation des protocoles avec les trois fédérations de l’enseignement technique privé – les discussions sont en cours, et nous ne désespérons pas d’aboutir –, de moderniser nos dispositifs d’appui, et en particulier nos systèmes d’information, dotés de deux millions d’euros supplémentaires, et d’améliorer l’accompagnement de la scolarisation en milieu ordinaire de nos jeunes en situation de handicap et d’embaucher les auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, dont ces jeunes ont besoin pour recevoir la même éducation et la même formation que celles des autres élèves.
Enfin, parce que l’agriculture et l’alimentation nécessitent un effort de recherche important, les crédits destinés à l’action des organismes de recherche, comme l’INRA et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, et des instituts techniques agricoles et agroindustriels, seront maintenus, voire augmentés.
Le programme 149 porte les politiques agricoles. Mon objectif prioritaire a été de conforter les contreparties nationales des mesures relevant du deuxième pilier de la politique agricole commune.
À cet égard, et avec 455 millions d’euros d’autorisations d’engagement, nous serons en mesure de mobiliser au mieux, en 2018, les crédits européens pour quatre dispositifs : l’indemnité compensatoire de handicap naturel, ou ICHN ; les mesures agroenvironnementales et climatiques et les aides à l’agriculture biologique ; la dotation aux jeunes agriculteurs, ou DJA ; et enfin, les mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles.
En crédits de paiement, les quatre dispositifs PAC que je viens de mentionner sont dotés de 534 millions d’euros, soit 110 millions d’euros de plus qu’en 2017. Ces crédits ouverts en 2018 permettront d’achever le rattrapage des retards de paiement PAC dus aux agriculteurs, notamment pour les MAEC. Le calendrier sur lequel nous nous étions engagés en juin dernier est en passe d’être tenu pour 2018.
Au-delà des dispositifs de la PAC, les crédits ouverts sur le programme 149 permettent de stabiliser, voire de renforcer, le soutien public aux filières et au fonctionnement des marchés.
Le soutien aux productions ultramarines est réaffirmé, qu’il s’agisse de la filière canne à sucre dans les départements d’outre-mer, qui bénéficiera de 10 millions d’euros de plus qu’en 2017, ou du doublement des crédits d’intervention de l’ODEADOM, l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer.
S’agissant de la filière bois et forêt, l’État respecte ses engagements financiers vis-à-vis à la fois de l’ONF, dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, avec 175,5 millions d’euros, et du Centre national de la propriété forestière, le CNPF, auquel nous maintenons notre soutien à travers une subvention de 14,9 millions d’euros.
Ce projet de loi de finances marque également, comme je l’ai déjà indiqué, l’intégration dans le programme 149 de la gestion durable des pêches et de l’aquaculture.
Les crédits correspondants, en augmentation de 1 %, s’établissent à 45,3 millions d’euros. Ils permettront de renforcer les connaissances des ressources halieutiques et le contrôle des pêches dans le cadre des obligations européennes issues de la politique commune de la pêche, la PCP, ainsi que de soutenir les projets de la filière pêche et aquaculture dans le cadre du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP.
S’agissant de la pêche électrique, que vous avez évoquée, sachez que la tenue, lundi et mardi prochains, du Conseil des TAC – totaux admissibles de captures – et quotas, sera pour nous l’occasion pour réaffirmer l’opposition du Gouvernement, de la France, à cette pratique dans l’ensemble de nos eaux territoriales.
Dans un souci de meilleure réactivité en cas de crise, mais également de renforcement de la sincérité de la budgétisation initiale, une provision pour aléas, dotée de 300 millions d’euros, est créée pour la première fois dans le budget du ministère.
Cette provision permettra tout à la fois de financer des besoins imprévus, car imprévisibles, en cas de crises sanitaires, climatiques et économiques, et des refus d’apurement communautaire.
Même si nous ne connaissons pas aujourd’hui le montant exact des refus d’apurement qu’il faudra couvrir en 2018, je veux être clair sur l’utilisation de la provision : elle est faite pour faire face, de façon rapide, à des aléas qui exigeraient de mobiliser des financements.
Par ailleurs, en cas de crise majeure, l’État sera toujours là pour accompagner les agriculteurs, comme il vient de le faire pour les éleveurs du sud-ouest, touchés par les suites de la grippe aviaire H5N8. Nous avons décidé de prendre en charge, sur le budget du ministère, les pertes indirectes d’exploitation dues au manque de palmipèdes dans les élevages.
Nous avons pris nos responsabilités pour aider une filière en laquelle nous croyons, une filière qui marque l’identité de notre territoire, une filière qui exporte. Le Japon vient d’ailleurs de rouvrir les portes de son marché à nos exportateurs de foie gras, ce qui est plutôt de bon augure, à la veille des fêtes de fin d’année, pour la compétitivité de l’ensemble de cette filière.
Dans le même temps, le programme 149 ne porte plus de compensation budgétaire relative à la cotisation maladie des exploitants agricoles.
En effet, dans le cadre d’une réforme structurelle portée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le Gouvernement a décidé d’harmoniser le barème des cotisations maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants.
Ce régime harmonisé de cotisations est légitime et équitable, puisque les prestations maladie servies à l’ensemble des indépendants, agricoles et non agricoles, sont identiques.
Par ailleurs, cette harmonisation pérennise, en l’adaptant dans une démarche plus sociale, la réduction décidée en février 2016, au plus fort de la crise agricole, pour alléger rapidement les charges et soutenir ainsi le revenu de l’ensemble des agriculteurs.
Le nouveau barème de cotisations maladie est désormais progressif, donc plus social, et présente un double avantage.
Premièrement, il permettra à 60 % des agriculteurs de bénéficier d’un allégement de prélèvements sociaux en 2018 par rapport à 2017. L’engagement du Gouvernement de dégager un gain de pouvoir d’achat pour les actifs les plus modestes à l’occasion de la compensation de l’augmentation de la CSG, y compris pour les travailleurs indépendants, est ainsi respecté pour les exploitants agricoles.
Deuxièmement, en substituant un barème progressif de cotisation à un taux unique, le Gouvernement met en place un dispositif qui permettra de mieux amortir, pour chaque agriculteur, toute baisse de revenus constatée une année donnée par une réduction plus que proportionnelle des cotisations sociales dues.
Les 120 millions d’euros que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, seront totalement compensés par la prise en charge des cotisations maladie de 2,15 % et par le régime du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, sur lequel nous travaillons.
S’agissant du programme 206, qui porte la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation, les crédits, en forte augmentation, illustrent ma troisième priorité, celle d’une meilleure sécurité sanitaire de l’alimentation par un financement accru d’actions renforcées de surveillance et de prévention qui tiendront compte des crises passées.
Hors dépenses de personnel, le budget associé à ce programme s’établit à 235 millions d’euros, soit une hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
Cette augmentation nette des crédits s’accompagne d’une stabilisation des effectifs dédiés à la mise en œuvre de cette politique.
Les moyens supplémentaires permettront de poursuivre et de renforcer les contrôles sanitaires et la surveillance des dangers sanitaires.
À titre d’illustration, et sans être exhaustif, je signalerai, dans le domaine de la santé végétale, une augmentation de 5,8 millions d’euros pour faire face aux dépenses de surveillance et de gestion des foyers de xylella fastidiosa, par exemple. De même, 1 million d’euros supplémentaire seront consacrés à la lutte contre le capricorne asiatique.
Dans le domaine de la santé animale, les budgets augmentent de 5,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5 millions d’euros en crédits de paiement.
Je signalerai aussi, dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, la prise en compte, sur le programme 206, des missions de surveillance sanitaire des coquillages des zones conchylicoles pour 1 million d’euros, à la suite du recentrage de l’IFREMER sur ses missions de recherche.
Je me permets encore d’évoquer le soutien des politiques incitatives à travers un abondement du plan Écoantibio, que nous prolongeons, à hauteur de 500 000 euros.
Un mot, enfin, des crédits nécessaires pour clore le dispositif de règlement amiable des vétérinaires sanitaires : j’ai veillé à ce que l’année 2017 permette de régulariser la situation de l’ensemble des vétérinaires concernés.
Les états généraux, les plans de filières vont nous permettre de préparer l’avenir de notre agriculture. Je voudrais terminer mon propos en répondant plus précisément à quelques-unes de vos interventions pour tenter d’en finir avec ce discours du déclin.
Nous sommes armés de notre foi du combattant, de l’optimisme de la volonté qui nous caractérise. L’année 2017 est meilleure que 2015 et 2016, il faut s’en réjouir collectivement.
Les États généraux de l’alimentation produisent déjà des effets : les gens se reparlent. Nous avons signé une charte d’engagement (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) avec des distributeurs, des transformateurs, des producteurs, ce qui n’était plus arrivé depuis des années.
Nous avons réuni autour d’une table des gens qui ne se parlaient plus, qui n’avaient plus l’habitude de travailler ensemble, qui n’avaient plus l’habitude de contractualiser ensemble. Cet engagement moral et politique, qu’ils ont pris devant l’État, va nous conduire, demain, à organiser ces plans de filière pour le devenir de notre agriculture.
Des gens se reparlent, des accords sont conclus. Ainsi, hier, un groupe laitier bien connu, le groupe Bel, a signé un contrat avec certains de ses producteurs à 350 euros la tonne de lait, plus 21 euros pour l’amélioration des signes de qualité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà un exemple de ce que nous devons faire, et de ce que les EGA permettent de faire en mettant en avant la volonté de négocier, la volonté de se reparler et la volonté d’avancer pour la compétitivité de nos filières.
Les plans de filière sont ambitieux et s’inscrivent dans une véritable stratégie de montée en gamme. Ils ont aussi vocation à prendre en compte les attentes sociales.
Tout cela doit prendre forme dans le cadre des négociations de la PAC que nous avons déjà engagées. Nous ne souhaitons pas une PAC renationalisée, mais simplifiée et privilégiant l’investissement au fonctionnement. Nous voulons améliorer la gestion des risques.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été dit, les terres agricoles ne sont pas visées par le nouvel impôt sur la fortune immobilière, ou IFI.
M. André Reichardt. C’est une nouveauté !
M. Stéphane Travert, ministre. Je veux aussi saluer les fonctionnaires concernés par ce budget : 18 000 personnels pour l’enseignement, 7 000 pour l’agriculture et 5 000 pour le sanitaire. Je veux rendre hommage à l’ensemble de ces fonctionnaires qui font vivre le service public, qui font vivre ce service au public que nous apprécions tant et auquel nous sommes attachés.
Pour conclure, je rappellerai que les crédits du ministère de l’agriculture et de l’alimentation seront abondés par les financements européens de la PAC pour un total 8,9 milliards d’euros.
Nous voulons que, demain, les agriculteurs soient fiers de leur métier…
M. Pierre Cuypers. Il faut leur donner les moyens !
M. Stéphane Travert, ministre. … et les Français fiers de leur agriculture.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à partir de ce budget, nous cherchons à mettre en place des politiques stratégiques résolument ambitieuses pour les années à venir. C’est à cela que je vous invite à travailler, de concert avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste vingt minutes. Avec l’accord de M. le président de la commission des finances et de M. le ministre, nous pouvons envisager d’aller au-delà, à la condition expresse que nous suspendions la séance à treize heures trente, au plus tard. À mon sens, il est possible d’achever l’examen des crédits de cette mission et du compte d’affectation spéciale ce matin.
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
3 320 210 721 |
3 432 556 270 |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
2 113 228 903 |
2 221 528 903 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation |
555 118 997 |
553 118 997 |
Dont titre 2 |
318 464 920 |
318 464 920 |
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture |
651 862 821 |
657 908 370 |
Dont titre 2 |
571 351 677 |
571 351 677 |
M. le président. L’amendement n° II-418 rectifié nonies, présenté par Mme Préville, MM. Cabanel, Montaugé, Botrel, Guillaume et Jeansannetas, Mme Ghali, M. Durain, Mme Espagnac, MM. Duran et Bérit-Débat, Mme Guillemot, MM. Roux et Kerrouche, Mmes G. Jourda et Lienemann, MM. Tourenne, Magner et Manable, Mmes Conconne et Monier, MM. Kanner, Marie, P. Joly et Daudigny, Mme Féret, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Lancé sous le quinquennat précédent en remplacement d’anciens dispositifs, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, ou PCAE, a acté des besoins importants en matière d’investissement pour la modernisation des exploitations agricoles et l’installation de nouveaux agriculteurs.
De 2012 à 2017, un soutien sans précédent à l’investissement, à l’innovation et à l’emploi du secteur agricole a été opéré. Les aides à la modernisation ont augmenté de 77 % en cinq ans.
Le bilan 2015 et 2016 du PCAE, vous le soulignez vous-même dans les documents budgétaires, révèle une forte augmentation des crédits publics mobilisés pour un nombre de bénéficiaires presque équivalent aux années antérieures.
Le secteur agricole est un pilier de création de richesse, d’emploi et d’équilibre du commerce extérieur. La poursuite des efforts engagés sur une aide visant à la modernisation de l’appareil productif et à une meilleure performance économique, environnementale, sanitaire et sociale est nécessaire. Il s’agit là d’un véritable levier pour le dynamisme du secteur et d’un signe fort envoyé à nos agriculteurs.
N’oublions pas la réalité du secteur agricole : trois années de crises touchant les différentes filières, et ce dans un contexte d’aléas climatiques et de revenus très bas.
Le budget actuel acte une diminution de 13,5 millions d’euros des crédits du PCAE, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles. Ils s’établissent à 71 millions d’euros, contre 84,5 millions d’euros l’année dernière.
Ce désengagement est préjudiciable. Sans moyens importants, les objectifs de compétitivité des filières agricoles, notamment ceux qui s’inscrivent dans une démarche agroécologique, seront difficilement atteignables.
En conséquence, par cet amendement, le groupe socialiste et républicain souhaite augmenter de 10 millions d’euros les crédits consacrés au PCAE, en les prélevant sur les moyens généraux consacrés à l’administration centrale du ministère de l’agriculture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Monsieur le président, mes chers collègues, vous avez entendu les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, ainsi que les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques. Tous demandent le rejet des crédits.
Par cohérence, la commission des finances demande le retrait de cet amendement et des deux suivants, dans la mesure où les crédits de la mission seront rejetés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Je le précise d’emblée, je ne m’exprime pas ici au nom de la commission des finances, mais en mon nom personnel.
Je suis favorable à cet amendement, que j’ai cosigné. Je considère en effet qu’il accroît opportunément de 2 millions d’euros les fonds consacrés au plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles.
Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement constituerait un signal fort adressé au monde agricole. Ce serait l’affirmation que l’adaptation des outils de production est toujours une priorité et qu’elle reçoit le soutien des pouvoirs publics.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, si vous m’aviez dit que vous souhaitiez intervenir à titre personnel, j’aurais d’abord donné la parole à M. le ministre, pour entendre l’avis du Gouvernement.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Par cet amendement, il s’agit de diminuer – pour une fois ! – les crédits de l’administration centrale.
Les pénalités fixées par l’Europe sont payées sur le dos des agriculteurs, alors que c’est l’administration qui n’a pas su gérer les fonds européens !
M. Daniel Gremillet. C’est vrai !
M. Pierre Louault. Pourtant, dans le cadre de ce budget, il est proposé d’augmenter encore les crédits de l’administration centrale, aux dépens de l’administration des territoires.
L’agriculture va mal. Monsieur le ministre, « noir, c’est noir » ! Chaque jour, un agriculteur se suicide. Un tiers des agriculteurs ne gagnent pas la moitié du SMIC. Pouvons-nous avoir le moral ? Croyez-vous que ce budget soit à la hauteur de la situation ?
Par conséquent, le fait de prendre un peu à l’administration centrale au bénéfice des agriculteurs me semble constituer un progrès. Nous voterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Si le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles mérite d’être soutenu et son financement pérennisé – tel est l’objet de cet amendement –, le budget de la mission « Agriculture » n’est pas à la hauteur des enjeux.
Il faut bien sûr maintenir les crédits du PCAE pour favoriser l’investissement des agriculteurs, tout comme ceux de l’aide à l’installation ou le soutien aux CUMA. Toutefois, cela ne peut être mené au détriment des moyens accordés à l’administration centrale, chargée de la conduite et du pilotage des politiques de l’agriculture. À titre d’exemple, rappelons que les agriculteurs en bio ou en zone défavorisée connaissent des retards de paiement des aides PAC depuis près de deux ans.
Depuis près d’une décennie, les gouvernements successifs ont mené une politique de destruction de l’emploi public. Le manque de moyens humains dans les services départementaux a ainsi entraîné un retard de paiement aux régions des fonds européens, lesquels permettent d’aider les jeunes agriculteurs à démarrer leur activité, à adopter des techniques respectueuses de l’environnement, mais aussi à les accompagner dans la création de microentreprises en territoire rural.
Certes, nous voterons cet amendement et les deux suivants. Toutefois, nous souhaitons lancer l’alerte : il faut renforcer et sécuriser le recrutement de personnels supplémentaires dans les services déconcentrés de l’État et non baisser encore la dotation de la conduite et du pilotage de la politique de l’agriculture. La nécessaire transition agricole passe aussi par là.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-418 rectifié nonies.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L’amendement n° II-490, présenté par MM. Montaugé, Cabanel, Botrel et Guillaume, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
7 600 000 |
|
7 600 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
7 600 000 |
|
7 600 000 |
TOTAL |
7 600 000 |
7 600 000 |
7 600 000 |
7 600 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à rétablir les crédits alloués au Fonds stratégique de la forêt et du bois, tels qu’ils avaient été votés dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Ce fonds, créé par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en 2014, a en effet un rôle majeur pour notre politique forestière.
Par cet amendement, il s’agit de modifier la répartition des crédits entre les différents programmes, pour ce qui concerne tant les autorisations d’engagement que les crédits de paiement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission des finances demande le retrait de cet amendement, puisqu’elle s’est prononcée pour le rejet des crédits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le budget alloué aujourd’hui au Fonds stratégique de la forêt et du bois, le FSFB, est en diminution en 2018 par rapport à 2017. Toutefois, cela fait suite à une très forte augmentation en 2017. Le budget 2018 du FSFB, c’est 20,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui est deux fois supérieur aux dépenses de 2016 et des années précédentes.
Il importe bien évidemment de préserver les moyens de fonctionnement du ministère de l’agriculture dans le cadre du programme 215. Ces moyens permettent de financer les services déconcentrés, les DRAF, les directions régionales de l’agriculture et de la forêt, et les DDT, les directions départementales des territoires, qui participent de manière importante à la mise en œuvre de la politique forestière.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous venez de retracer l’historique de court terme ; or il faut remonter plus loin. En effet, le Fonds stratégique de la forêt et du bois a été créé voilà à peine quelques années. C’est l’ancien sénateur de la Moselle Philippe Leroy qui avait mis sur pied, après bien des années de combat – celles et ceux qui font partie du groupe d’études Forêt et filière bois le savent bien –, ce fonds, tout à fait déterminant pour l’évolution de la forêt française.
On le sait, les forêts, qui sont sous-exploitées, possèdent un certain nombre de réserves. Sans ce fonds stratégique, elles ne se renouvelleront pas.
Or les débouchés sont de plus en plus intéressants, pour ce qui concerne non seulement le bois d’œuvre, mais aussi tous les déchets de bois, qui alimentent une filière énergie, ainsi qu’une filière transformation, à l’origine d’un certain nombre de produits comme le lignite.
Monsieur le ministre, vous avez visité un pôle de compétitivité à Bazancourt, où vous avez pu voir la transformation du bois, au lieu de celle des produits alimentaires. Il s’agit d’un domaine de bioéconomie circulaire.
C’est la raison pour laquelle il convient de donner un signal important, au moins en maintenant ce fonds, sinon en l’augmentant pour favoriser la prise de conscience de toutes celles et de tous ceux qui ont un rôle à jouer dans la filière bois. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, ce fonds stratégique est au service de votre politique, et notamment du programme national de la forêt et du bois, lequel prévoit une montée en puissance des engagements et des investissements.
Il était donc prévu que le fonds stratégique augmente régulièrement d’une année sur l’autre, pour atteindre le chiffre idéal de 150 millions d’euros. Cela peut paraître important, mais c’est la seule manière de réellement permettre la reconstitution de notre capital forestier, que nous sommes en train d’effriter, puisque nous ne replantons pas. Nous rencontrons ainsi des problèmes de pénurie s’agissant de la ressource en chênes.
Il est donc essentiel de réagir et de faire en sorte que ce fonds stratégique serve la propriété forestière privée, laquelle est tout de même la grande perdante de ce budget.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. J’ai été, avec Alain Houpert, corapporteur d’un rapport sur la forêt voilà à peu près deux ans. Un certain nombre de choses avaient alors été mises en évidence, notamment dans le cadre des auditions qui avaient été menées. Vous le savez comme moi, le déficit de la balance commerciale est substantiel pour ce qui concerne la filière bois. Il atteint en effet 5,9 milliards d’euros par an, selon les derniers chiffres parus voilà quelques mois.
Parallèlement, il faut adapter la forêt française aux besoins du marché, y compris du marché intérieur. Selon moi, cet amendement, qui vise à abonder de 7,6 millions d’euros le fonds stratégique, va dans le sens attendu par tous en matière de valorisation de notre ressource forestière, laquelle est extrêmement importante, mais ne correspond pas forcément aux besoins du marché.
Il convient aujourd’hui de préserver l’avenir. Nous le savons, nous risquons de connaître une pénurie de peupliers d’ici à une quinzaine d’années. Or ce bois sert énormément à la production légumière, qui utilise des caisses fabriquées à partir de cette essence. Nous devons donc mener une réflexion sur tous ces sujets.
Ainsi la baisse des crédits du fonds stratégique est-elle un mauvais signal, monsieur le ministre. Personnellement, je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Si l’on regarde les choses avec lucidité, on s’aperçoit qu’on coupe aujourd’hui plus d’arbres que les propriétaires forestiers ne sont capables d’en replanter.
Nous sommes donc en train d’hypothéquer l’avenir. Or la forêt s’inscrit dans un temps long. On se fait souvent plaisir en constatant la croissance de la surface forestière, ce qui ne veut absolument rien dire, car il ne s’agit pas d’une surface de production.
Il est donc nécessaire d’encourager le reboisement. Chaque fois qu’un propriétaire exploite une forêt, cela doit être supportable économiquement. Pourquoi la forêt française a-t-elle connu une telle dynamique ? Pourquoi avons-nous la chance de l’exploiter ? Parce que, voilà très longtemps, un fonds forestier a été constitué pour aider au reboisement.
C’est donc dans cet esprit que nous soutiendrons majoritairement cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-524 rectifié, présenté par M. Tissot, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot et MM. Iacovelli et Montaugé, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
400 000 |
|
400 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
400 000 |
|
400 000 |
TOTAL |
400 000 |
400 000 |
400 000 |
400 000 |
SOLDE |
0 |
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La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. L’aide aux CUMA est en recul par rapport à la loi de finances pour 2017, puisqu’elle s’élève à 1,6 million d’euros au lieu de 2,5 millions d’euros.
Interrogé sur ce point lors de votre audition sur le projet de loi de finances pour 2018, vous avez, monsieur le ministre, justifié cette baisse par un alignement sur la réalité de l’exécution budgétaire.
Après avoir pris contact avec la Fédération nationale des CUMA, nous avons appris que celle-ci avait en effet, depuis 2016, modifié son dispositif d’aide, passant d’une aide à l’investissement à une aide au conseil.
La mise en place de ce nouveau dispositif a nécessairement rencontré des aléas, ce qui explique la moindre mobilisation des crédits disponibles. Néanmoins, sa montée en puissance est bien réelle et le niveau de satisfaction des utilisateurs de ce nouveau dispositif est, de ce point de vue, des plus encourageants.
Il s’agit donc d’un amendement d’appel, pour prendre date et s’assurer que ces crédits ne seront pas durablement indexés sur l’exécution de 2017, mais permettront d’accompagner une montée en puissance dans les prochaines années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Certes, il est nourrissant pour le débat que chacun s’exprime. Toutefois, je rappelle que la commission des finances et la commission des affaires économiques ont demandé le rejet des crédits de la mission. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Pour autant, j’ai bien entendu votre appel, monsieur le sénateur. Je m’engage donc à retravailler avec la FNCUMA – et avec celles et ceux qui sont intéressés – sur certaines dispositions, à la suite des transformations qu’elle a apportées dans les choix stratégiques qu’elle met aujourd’hui en œuvre.
Je le rappelle, les CUMA sont nombreuses, notamment dans les territoires de l’Ouest, dont un certain nombre d’entre nous sont originaires.
M. le président. L’amendement n° II-524 rectifié est-il maintenu, monsieur Tissot ?
M. Jean-Claude Tissot. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-524 rectifié est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
Il ne peut y avoir d’explication de vote, les temps de parole ayant été épuisés au cours de la discussion.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 49, 49 bis, 49 ter et l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 49 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Article 49
La première phrase du dernier alinéa du IV de l’article 33 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 est ainsi modifiée :
1° Les mots : « des années 2017 à 2021 » sont remplacés par les mots : « de l’année 2017 » ;
2° Les mots : « sur une durée de cinq ans de 2017 à 2021 » sont supprimés ;
3° À la fin, les mots : « pour les années 2017 à 2019, de 6 millions d’euros pour l’année 2020 et de 3 millions d’euros pour l’année 2021 » sont remplacés par les mots : « pour l’année 2017 ».
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, par cet article, veut supprimer le fonds d’accompagnement social exceptionnel et transitoire établi par la loi de finances rectificative pour 2015.
Son objet était d’apporter une compensation financière aux agriculteurs concernés par une augmentation des cotisations sociales, dans la suite du remplacement du régime fiscal du bénéfice forfaitaire agricole par celui du microbénéfice agricole pour la période 2017 à 2021.
Nous souhaitons maintenir ce soutien financier, dont l’enjeu restant porte sur 25 millions d’euros. C’est une nécessité et un engagement de l’État, qu’il faut respecter.
Pour mon département, fortement rural, où certains agriculteurs réalisent de petits chiffres d’affaires, notamment en Thiérache, la suppression de ce fonds est un très mauvais signal.
Ces dernières années ont été très difficiles pour l’agriculture, plusieurs orateurs l’ont rappelé tout à l’heure à la tribune, et les augmentations de cotisations seront particulièrement inopportunes.
Je le rappelle, les États généraux de l’alimentation se poursuivent parallèlement. À leur issue, une réforme fiscale globale concernant l’agriculture devrait être proposée. Pourquoi n’attendez-vous pas, monsieur le ministre, les conclusions de cette instance, plutôt que de changer les règles en cours de route ?
C’est la même méthode que pour les maisons de l’emploi, les contrats aidés ou les APL ! De nouveau, le Gouvernement agit à l’envers, ce qui est bien dommage et explique la volonté de nos deux commissions de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.
M. Michel Raison. Je profite de l’examen de cet article pour m’adresser à vous, monsieur le ministre, avec tout le respect que j’ai pour vous et que je vous dois.
J’ai écouté tout à l’heure votre intervention. Ainsi, grâce à l’arrivée de votre gouvernement, nous passerions, dans le domaine agricole, de l’ombre à la lumière. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. C’est le nouveau monde !
M. Michel Raison. Pour tenter de le démontrer, vous n’avez trouvé d’autre système que les assises de l’alimentation. Ainsi, vous reportez à une date inconnue les progrès que vous pourriez nous aider à réaliser dans le domaine agricole.
Toutefois, lorsqu’on examine le budget de l’agriculture – vous serez forcément d’accord avec nous –, on ne relève aucune innovation, que ce soit dans la recherche ou dans d’autres domaines. Cet article 49 est même un mauvais signe envoyé aux petits agriculteurs.
Vous nous avez dit que, grâce aux assises de l’alimentation, le dialogue était renoué et que les gens se parlaient de nouveau. Monsieur le ministre, les gens se parlent depuis toujours !
Cela fait une quinzaine d’années que je suis parlementaire. J’ai rapporté quelques textes, et notamment la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui a mis en place la contractualisation. Elle en était alors à ses balbutiements, et avait besoin de progresser. Chaque gouvernement s’y est employé, ainsi que tous les organismes de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la distribution. Nous n’avons pas attendu un gouvernement miracle pour continuer à nous parler !
J’ai vu des présidents de la République, des ministres et des Premiers ministres réunir tous les intervenants pour qu’ils puissent se parler, au cours de discussions effectivement très difficiles. Croyez-vous que le miracle Macron puisse un jour trouver une solution à l’immoralité existant dans les relations entre les fournisseurs et les distributeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.) Nous avons fait au moins quinze modifications de la loi Galland ! La question relève non plus du domaine législatif, mais du domaine moral.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Raison. Monsieur le ministre, je vous lance le pari : si vous arrivez, avec le Premier ministre et le Président de la République, à réintroduire, sans nouvelle loi, de la morale dans les relations entre les distributeurs et les fournisseurs, je reviendrai ici vous féliciter. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Permettez-moi d’ajouter une chose. Vous voulez, avez-vous affirmé, redonner de la fierté aux agriculteurs. Je tiens à vous rassurer : ils sont très fiers de leur métier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-145 est présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-195 est présenté par MM. Houpert et Botrel, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-521 rectifié est présenté par MM. Menonville, A. Bertrand, Castelli, Labbé et Collin, Mmes Costes, N. Delattre, Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-145.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer l’article 49 du projet de loi de finances.
Lorsqu’on a remplacé le régime du forfait agricole par le régime du microbénéfice agricole, on a créé un fonds d’accompagnement sur cinq ans, de 2017 à 2021.
Ce fonds, géré par la MSA, devait servir à prendre en charge les hausses de cotisations sociales dues par les exploitants pénalisés par la réforme. Il a donc permis de faire passer, une fois de plus, la pilule.
Il devait être alimenté par l’État de manière dégressive : de 8 millions d’euros en 2017 à 3 millions d’euros en 2021, car l’État, avec la fin du forfait, faisait d’importantes économies de fonctionnement – il faut le rappeler – au sein des services fiscaux.
Or l’article 49 supprime ce fonds à compter de 2018, le Gouvernement estimant que les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 devraient davantage alléger les cotisations sociales des agriculteurs et arguant du fait que l’enveloppe de 8 millions d’euros n’a pas été consommée.
La commission des affaires économiques a considéré que le fait de revenir sur les engagements de l’État n’était pas correct vis-à-vis des agriculteurs. Elle propose donc que le fonds continue à fonctionner jusqu’en 2021, comme prévu initialement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-195.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° II-521 rectifié.
M. Franck Menonville. Cet amendement est identique aux deux précédents. Le groupe du RDSE souhaite maintenir le dispositif en question, afin de respecter les engagements pris.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-145, II-195 et II-521 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 49 est supprimé.
Article 49 bis (nouveau)
L’article 1604 du code général des impôts est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Le produit de la taxe perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêts, déduction faite des cotisations prévues aux articles L. 251-1 et L. 321-13 du code forestier et de la contribution prévue au V de l’article 47 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, est versé par les chambres départementales d’agriculture au fonds national de solidarité et de péréquation. Les sommes ainsi versées sont affectées aux actions des programmes régionaux “Valorisation du bois et territoire” des services communs “Valorisation du bois et territoire” des chambres régionales d’agriculture. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-146 est présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-523 rectifié est présenté par MM. Menonville, A. Bertrand, Castelli et Labbé, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Costes, Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
Le
par les mots :
Cinquante pour cent du
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-146.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. L’article 49 bis a été ajouté par l’Assemblée nationale, sans aucun débat, en séance, sur l’initiative du Gouvernement.
Or il n’est pas sans poser problème. En effet, il vise à faire remonter l’intégralité des « centimes forestiers » perçus par les chambres départementales d’agriculture au Fonds national de solidarité et de péréquation piloté par l’APCA, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.
Ces centimes reviendront ensuite – soi-disant – au niveau régional, pour financer l’ensemble des actions forestières des chambres régionales d’agriculture prévues dans le cadre des programmes régionaux de la forêt et du bois.
Sur le papier, l’idée, à savoir le fléchage des recettes issues du bois vers l’action forestière des chambres d’agriculture, peut paraître bonne.
Mais les chambres d’agriculture des départements forestiers se trouvent privées de recettes pour assurer leur fonctionnement quotidien. Ainsi, d’après l’APCA, trente chambres départementales seraient impactées et une dizaine d’entre elles, très fortement impactées.
Par cet amendement, nous proposons de ne remonter que la moitié des centimes forestiers au fonds national géré par l’APCA.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° II-523 rectifié.
M. Franck Menonville. Nous souhaitons que 50 % des centimes forestiers soient fléchés en direction des chambres départementales, afin de maintenir leur action, reconnue comme importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Dans l’objet des amendements qui viennent d’être présentés, une formule est de nature à surprendre.
Il est en effet écrit que la réduction proposée vise « à ne pas pénaliser les chambres départementales » d’agriculture, qui utilisent cette ressource pour financer des missions consulaires généralistes.
Pour ma part, je pense que les prélèvements fiscaux sur la forêt n’ont pas vocation à financer les frais de fonctionnement des chambres d’agriculture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce point de vue, me semble-t-il, tient l’analyse. Ces fonds devraient abonder spécifiquement des actions forestières.
Sur ce sujet, la commission sollicite donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Mon point de vue diffère de celui de mes collègues. Nous l’avons dit et redit, l’argent de la forêt doit revenir à la forêt. Nous le savons très bien, une grande partie des fonds dont disposent les chambres d’agriculture ne sont pas attribués à la forêt. Dans mon département de la Côte-d’Or, aucun centime forestier dévolu à la chambre départementale ne revient à la forêt.
Le dispositif proposé a été validé par l’APCA, qui s’est engagée à poursuivre et à renforcer ses actions en faveur du développement forestier. La Cour des comptes a elle-même insisté sur la nécessité d’organiser davantage la répartition des tâches sur les territoires, entre les chambres régionales d’agriculture, qui seront destinataires de ces fonds, et le Centre national de la propriété forestière. On voit qu’on a besoin, entre forestiers, de s’organiser sur le terrain, pour que ces fonds forestiers, je le répète, reviennent à la forêt.
Mes chers collègues, vous avez conclu dans votre rapport que le potentiel de la forêt privée est énorme. On le sait, le potentiel de la forêt réside plus dans la forêt privée que dans la forêt publique. Or la forêt privée a besoin de cet argent. Elle doit le gérer en partenariat avec les chambres d’agriculture, pour un bon retour des centimes forestiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Ce sujet est bien plus complexe que ce qui vient d’être dit – je suis désolé, ma chère collègue –, pour deux raisons.
Le principe selon lequel l’argent doit revenir à la forêt, personne ne le conteste… à une seule condition : que chacun supporte sa part du fonctionnement !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que contrairement à ce qui a été dit, le prélèvement de l’impôt n’est pas décidé au niveau régional, mais au niveau des départements.
Je prends l’exemple d’une région, le Grand Est, que je connais bien, en vous donnant des chiffres – vous verrez où est le véritable problème. Dans les départements qui cotisent le moins, la cotisation est de 3 euros par hectare – c’est un choix départemental, c’est respectable. Dans la même région, d’autres départements sont à 9 euros, un autre encore, que je connais bien, le département des Vosges, est à 16 euros. Et l’Alsace est à 26 euros !
M. André Reichardt. Ah !
M. Daniel Gremillet. C’est la politique de développement qui est en train d’être remise en cause, par l’iniquité en matière d’impôt !
Faire remonter ces sommes, sur de telles bases de contribution, vers un fonds régional ou national, alors que la politique qui est conduite est une politique départementale, ce n’est pas possible ! C’est inéquitable !
C’est pourquoi j’ai soutenu sans réserve le travail accompli en commission des affaires économiques par notre rapporteur Laurent Duplomb sur l’idée du « 50-50 » et l’élaboration d’un compromis. Je dis bien un compromis : l’idéal aurait été de revenir aux réalités !
Il est normal, par ailleurs, que la contribution de la forêt participe au financement des actions relatives à l’eau et aux territoires en général. Lorsque la chambre d’agriculture intervient sur un territoire, elle intervient sur le territoire agricole, mais aussi sur les territoires forestiers, sur la politique de l’eau, sur les remembrements, sur l’organisation forestière, sur les chemins, sur la relation avec les collectivités, ou encore sur le dossier de la biomasse, sujet très important aujourd’hui, qui relève à la fois de l’activité agricole et de l’activité forestière.
L’adoption de ces amendements constituerait un compromis – j’en remercie vraiment nos rapporteurs. À titre personnel, j’aurais souhaité qu’on aille encore plus loin, afin d’en finir avec l’iniquité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. J’ai discuté ce week-end de cet amendement avec les représentants de mon département et de ma région chargés de la forêt. Ils sont d’accord !
Faire remonter la totalité des centimes forestiers posera des problèmes, ils en sont conscients et le disent très clairement. Trouver un accord ou un compromis sur 50 % de ces fonds leur convient.
Est-ce alors le Gouvernement qui souhaite faire remonter les centimes forestiers, pour, peut-être, un jour ou l’autre, en faire autre chose ? Pourquoi ne pas financer l’ONF, l’Office national des forêts, avec les centimes forestiers ? Cela pourrait se défendre, ou, du moins, c’est imaginable. Prenons-y garde !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-146 et II-523 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 49 bis, modifié.
(L’article 49 bis est adopté.)
Article 49 ter (nouveau)
Au plus tard le 1er juin 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les modalités de financement des indemnités compensatoires de handicaps naturels, des mesures agroenvironnementales et climatiques et des aides à la conversion en agriculture biologique pour les années 2019 et 2020.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Nous avons beaucoup parlé d’agriculture ce matin ; en complément des propos tenus par notre collègue Henri Cabanel, je souhaitais évoquer les questions de pêche et de culture marine, dimensions importantes de l’action que vous devez conduire, monsieur le ministre.
Je veux en premier lieu vous faire part de mes inquiétudes quant à l’état de consommation des crédits du FEAMP.
J’espère que le retard de mise en œuvre de ce fonds ne conduira pas à des procédures de dégagement d’office, qui seraient particulièrement préjudiciables à l’ensemble de la filière pêche et porteraient atteinte aux moyens d’action dont dispose le ministère en la matière.
Le secteur de la pêche est un secteur important ; la France, on le sait bien, est une puissance maritime de premier rang au niveau international. De ce point de vue, je veux aussi rappeler que notre niveau d’activité halieutique n’est pas à la hauteur des espoirs qu’il serait légitime de former : notre balance commerciale, comme dans la filière bois, est déficitaire.
Deux enjeux me semblent essentiels. D’abord, il est nécessaire de renouveler la flottille : la moyenne d’âge des navires est très élevée – elle se situe autour de trente ans.
Surtout, je dois vous faire part, monsieur le ministre, des difficultés relatives au recrutement des hommes. Les entreprises du secteur de la pêche ont de plus en plus de difficultés à recruter des marins ; nous devons être attentifs à ce problème, et des campagnes de promotion de ces métiers doivent pouvoir être conduites, de façon que le renouvellement des générations qui partent à la retraite puisse être assuré.
À défaut, c’est notre capacité de pêche qui s’en trouvera affectée, à un degré qui deviendrait particulièrement préoccupant. Je rappelle simplement que depuis 2008, là où le nombre de navires a diminué de 10 %, le nombre de marins a diminué, lui, de plus de 15 %. C’est dire l’enjeu ! C’est dire le chemin à parcourir !
Il est nécessaire, enfin, de dédier un certain nombre de moyens à la recherche : en particulier, les secteurs des cultures marines, chers à notre ami Henri Cabanel, souffrent régulièrement d’épizooties ou de problèmes de pollution. En la matière, seule la recherche serait en mesure d’accompagner les professionnels, leur permettant de faire face à ces difficultés sanitaires.
M. le président. L’amendement n° II-546, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après le mot :
climatiques
insérer les mots :
, des aides au maintien et
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 49 ter prévoit la remise d’un rapport sur le financement futur des indemnités compensatoires de handicaps naturels, des mesures agroenvironnementales et climatiques et des aides à la conversion en agriculture biologique, mais exclut de son champ les aides au maintien.
L’État a décidé de se désengager de ces dernières en matière d’agriculture biologique, arguant de la nécessité de laisser ce secteur être porté par le marché, et renvoie aux régions le cofinancement de ces aides.
Or nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur ces collectivités. À nos yeux, cette décision gouvernementale est un non-sens. En Auvergne-Rhône-Alpes, la perte de l’aide de l’État au maintien en agriculture biologique représente ainsi, jusqu’en 2020, un manque à gagner de 6 millions d’euros.
Pourtant, l’agriculture biologique est un système de production agricole qui répond aux enjeux de protection de l’environnement : protection de la ressource en eau, qualité des sols, réchauffement climatique, enjeux de santé publique, protection contre les pollutions et contaminations engendrées par l’usage de produits issus de la chimie de synthèse en agriculture conventionnelle.
Ce type d’agriculture répond également aux attentes sociétales relatives à la qualité de l’alimentation et aux attentes économiques d’une agriculture équitable permettant aux producteurs de vivre de leur travail.
Les aides directes aux producteurs bios que sont l’aide à la conversion et l’aide au maintien sont toutes deux reconnues comme des paiements pour services environnementaux dans les travaux préliminaires du ministère de l’agriculture. Elles doivent donc, selon nous, être préservées tant qu’aucun autre dispositif de soutien public n’existe pour prendre le relais et pour accompagner la transition agricole vers des pratiques plus vertueuses.
Certes, lors des débats à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez affirmé que « l’État respectera ses engagements sur l’aide au maintien, comme tous les engagements antérieurs pris sur ce sujet », tout en vous interrogeant, simultanément, sur « la pertinence d’offrir encore des aides au maintien dans certains secteurs de la filière bio, qui ont pris leur vitesse de croisière ou connaissent une croissance exponentielle ».
Le présent amendement vise à demander la remise d’un rapport qui devra inclure la question de l’aide au maintien en agriculture biologique. Nous souhaitons qu’ainsi les interrogations soient levées, que le débat politique, riche des informations demandées sur les différents domaines que j’ai évoqués, puisse avoir lieu, et que les meilleures mesures, in fine, soient votées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à compléter l’objet du rapport prescrit par l’article 49 ter du projet de loi de finances sur les modalités de financement de certaines aides pour les années 2019 et 2020, en ajoutant les aides au maintien en agriculture biologique à celles qui visent la conversion à ce mode d’exploitation.
L’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Avis favorable.
Ce rapport permettra de démontrer que le Gouvernement et l’État continuent à soutenir le développement de l’agriculture biologique, via notamment l’aide à la conversion, mais aussi l’aide au maintien, laquelle, je veux le rappeler, continue d’exister et vaut pour l’ensemble des dossiers d’exploitations qui ont fait l’objet d’une conversion jusqu’au début de l’année 2018.
Ce rapport, donc, démontrera la volonté qui est la nôtre de nous engager fermement dans le soutien à ces politiques.
M. le président. Je mets aux voix l’article 49 ter, modifié.
(L’article 49 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 49 ter
M. le président. L’amendement n° II-522 rectifié, présenté par MM. Menonville et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes N. Delattre, Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 49 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er avril 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les modalités de création d’un fonds interministériel pour la réalisation de retenues de soutien d’étiage.
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Il s’agit avant tout d’un amendement d’appel, que je porte avec Alain Bertrand notamment.
Cette année encore, de nombreux départements ont été touchés par la sécheresse.
Pour cette raison, le législateur doit envisager la mobilisation de tous les instruments utiles à la gestion de la ressource en eau.
Compte tenu de l’urgence climatique, nous devons engager rapidement la réflexion sur un maillage de notre territoire par des ouvrages de microretenues permettant des soutiens d’étiage sur des périodes allant d’une dizaine de jours à plusieurs semaines.
Ces retenues doivent être inférieures à 5 millions de mètres cubes et adaptées à chaque bassin et sous-bassin versant.
Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement d’étudier les modalités de mise en œuvre d’un fonds et d’un plan national stratégique pour répondre au défi du déficit en eau et de la régulation de cette ressource.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à ce qu’un rapport soit établi sur les modalités d’instauration d’un fonds interministériel pour la réalisation de retenues de soutiens d’étiage.
Je rappelle tout d’abord la réserve générale qui est celle de la commission des finances sur les demandes de rapport. Je note que dans les questionnaires budgétaires qui nous ont été remis, il a été constaté le nombre considérable, et pour tout dire irréaliste, de rapports demandés au Gouvernement dans le cadre de cette mission, comme, d’ailleurs, de la plupart des missions.
La commission est donc réservée ; elle demande l’avis du Gouvernement. Sauf à ce que ce dernier émette un avis favorable sur cet amendement, la commission demandera à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Monsieur le sénateur, nous partageons évidemment votre intérêt – nous l’avons déjà dit – pour le développement du stockage de l’eau comme réponse à un ensemble d’enjeux économiques, environnementaux et sociaux.
Lorsqu’il s’agit – c’est nécessaire – d’accompagner les porteurs de projets répondant à des critères de durabilité, les aspects financiers doivent être examinés.
Comme vous le savez, l’agriculture, comme les autres secteurs, se trouve face au défi majeur des changements climatiques. La question de l’adaptation de nos agricultures au changement climatique est incontournable ; nous devons aujourd’hui, en la matière, prendre un virage.
Je vous renvoie au rapport du CGAER, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, publié en juin 2017, qui est d’une excellente qualité. Ce rapport présente ce que pourraient devenir nos territoires et notre agriculture si nous ne relevons pas le défi de la mobilisation de la ressource en eau et d’une agriculture moins consommatrice en eau.
Dans ce contexte, nous avons engagé différents travaux sur la question de l’eau, avec notamment une communication réalisée conjointement par le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l’agriculture, en date du 9 août 2017, et la préparation en cours du plan national d’adaptation au changement climatique.
La cellule interministérielle qui a été créée doit examiner les différents projets agricoles – ils sont une cinquantaine, en tout, sur le territoire national. Elle est en place et rendra ses conclusions au printemps prochain. Il est donc prématuré, à ce stade, de s’engager sur les outils financiers, et par conséquent sur la remise, dès le 1er avril 2018, d’un rapport relatif aux modalités de création d’un fonds interministériel, qui reste aujourd’hui hypothétique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Menonville, l’amendement n° II-522 rectifié est-il maintenu ?
M. Franck Menonville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-522 rectifié est retiré.
compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Développement agricole et rural |
136 000 000 |
136 000 000 |
Développement et transfert en agriculture |
65 000 000 |
65 000 000 |
Recherche appliquée et innovation en agriculture |
71 000 000 |
71 000 000 |
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, la commission des finances a pris acte d’une forme de rationalisation des équilibres financiers, qui pourrait être un pas – nous l’espérons – vers une réduction de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles.
Je voudrais rappeler à tous mes collègues que le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » est réservé à la recherche et à l’innovation. Ce compte est nécessaire parce qu’il est nécessaire de progresser vers de bonnes pratiques – M. Gremillet a parlé tout à l’heure du glyphosate et de la nécessité d’agir politiquement en faveur de son remplacement.
Contrairement à la commission des affaires économiques, qui a émis un avis défavorable, la commission des finances est pour l’adoption des crédits du CASDAR. Mes chers collègues, je vous demande, pour l’agriculture, pour l’innovation, pour la recherche, d’adopter ces crédits.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Candidatures à une commission mixte paritaire et à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein, d’une part, de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et, d’autre part, de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances pour 2018, en cours d’examen.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Ce rappel au règlement s’inscrit dans la droite ligne de celui qu’a fait ce matin notre collègue Nathalie Goulet.
Donald Trump, hier, a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Il a ainsi mis fin à une pratique engagée par Bill Clinton, consistant à maintenir Tel-Aviv comme capitale reconnue et siège de l’ambassade américaine en Israël, malgré le Jerusalem Embassy Act de 1995.
Cette décision constitue une véritable faute politique, heureusement très largement condamnée dans le monde et en France. Après une première réaction timide hier soir, notre diplomatie a pris la mesure de la provocation du locataire de la Maison-Blanche : la France fait ainsi partie des huit pays demandant en urgence la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.
Cette annonce et cette décision du président américain constituent une véritable provocation, et mettent le feu aux poudres dans une région qui, clairement, n’a pas besoin de cela : provocation vis-à-vis des Palestiniens tout d’abord, qui, depuis des décennies, luttent pour leur intégrité territoriale, reconnue par l’ONU, et pour leurs droits ; provocation, ensuite, vis-à-vis des Israéliens désireux d’arriver à un accord de paix et qui, chaque jour, luttent contre les groupes violents et haineux de tous bords et de toutes nationalités ; provocation, enfin, vis-à-vis de l’ensemble de la communauté internationale, dont les décisions et prises de position s’accumulent, de la reconnaissance de Jérusalem comme ville internationalisée, en 1949, à l’initiative de Paris, en 2017, sur la nécessité de conclure un accord instituant deux États indépendants et libres, en passant par la reconnaissance de Jérusalem-Est comme occupée en 1967.
Reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël, c’est réitérer l’échec de Camp David II, en 2000-2001, et éloigner encore toute perspective d’une paix durable et solide entre les Israéliens et les Palestiniens, perspective qui ne se concrétisera que par l’instauration de deux États indépendants dans les frontières issues de la résolution onusienne de 1967.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Donald Trump a agi en va-t’en-guerre patenté en prenant cette décision ; cet acte insensé ne peut avoir pour conséquence qu’une nouvelle flambée de violence, dont personne ne sortirait vainqueur.
Au vu de la gravité de la situation, madame la présidente, le Sénat, dont l’expertise en politique internationale n’est plus à démontrer, s’honorerait à provoquer rapidement une réunion de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, afin que la voix de notre chambre résonne fortement dans le débat public. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Mme Nathalie Goulet, ainsi que MM. Roland Courteau et Xavier Iacovelli applaudissent également.)
Mme la présidente. Madame Assassi, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
6
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Économie
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 54 quinquies, 54 sexies, 54 septies et 54 octies) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie », qui est créditée à hauteur de 1,9 milliard d’euros, est une mission très éclatée, sur laquelle il est difficile de porter une appréciation d’ensemble. Elle porte en effet une multitude de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME, dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie, mais comprend aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces diverses politiques.
C’est d’ailleurs cet éclatement qui explique, très largement, la stabilité de l’ensemble des crédits d’une année sur l’autre.
Je me limiterai donc à quelques remarques ciblées sur les points qui ont retenu notre attention, et celle de la commission des finances dans son ensemble.
Tout d’abord, les instruments de soutien aux TPE-PME, regroupés au sein du programme 134, prennent la forme d’aides directes ou indirectes, de prêts, de garanties, de contributions à des actions collectives de formation, de promotion ou de mutualisation des moyens à l’échelle d’une filière. Ils portent sur des secteurs très divers, allant de la petite industrie aux métiers d’arts, en passant par les commerces de centre-ville, les services à la personne ou encore les jeunes PME innovantes.
Le plus souvent, il s’agit d’aides indirectes versées à des intermédiaires, qui sont tout aussi nombreux : opérateurs de l’État, chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat, centres techniques industriels, organismes de formation professionnelle, etc.
Dans ces conditions, les arbitrages budgétaires de ces dernières années ont surtout consisté à réduire progressivement le format de ces multiples dispositifs, selon une logique de rabot. Les crédits afférents sont ainsi passés de 113 millions d’euros en 2015 à 81 millions d’euros en 2018, soit une baisse de 28 % en trois ans. L’année prochaine, la baisse devrait être de 12 %.
L’exemple le plus significatif est celui du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, plus connu sous le nom de FISAC, dont la dotation a tellement baissé, ces dernières années, que l’on en vient à se demander si ce n’est pas comme si ce fonds n’existait plus. Nous vous proposerons donc tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, un amendement à ce sujet.
Ceci dit, cette logique de rabot finira bien par trouver ses limites : au lieu de réduire chaque année un peu plus le budget de tel ou tel instrument sans trancher sur sa pertinence, il serait préférable d’engager une réflexion d’ensemble, et de faire des choix politiques clairs et volontaristes. À force ne pas choisir entre les outils, on finit par ne plus pouvoir mener une politique ambitieuse.
Pourriez-vous donc nous dire, madame la secrétaire d’État, quels sont les choix du Gouvernement en la matière ? Quels sont les dispositifs que vous entendez maintenir, et ceux que vous entendez supprimer ? Allez-vous engager une rationalisation des moyens ?
Tous ces dispositifs d’intervention, toutefois, ne comptent que pour un tiers des crédits de la mission « Économie ». Celle-ci est également constituée, pour moitié, de crédits de personnel, par nature assez rigides, en dépit d’efforts réels, et, pour un cinquième, de crédits de fonctionnement.
Les économies de fonctionnement sont elles aussi entravées par la multiplicité des structures. Dans le détail, toutefois, la situation varie. Je voudrais en particulier souligner que les crédits alloués à l’INSEE – programme 220 – baissent assez peu cette année, mais que cela s’explique par des surcoûts ponctuels, liés au déménagement d’une partie des services de l’institut au centre statistique de Metz, en voie d’achèvement après bien des difficultés, et au déménagement du siège à Montrouge en 2018.
Quant à la légère hausse des crédits des services économiques de la Direction générale du Trésor – programme 305 –, elle est en grande partie exogène, liée au taux de change de l’euro, qui fait mécaniquement augmenter le montant de l’indemnité versée aux fonctionnaires en poste à l’étranger.
Un mot, pour conclure, sur le plan France Très haut débit, porté par le programme 343. En juillet dernier, ici même au Sénat, lors de la conférence des territoires, le Président de la République a réaffirmé l’objectif d’une couverture à 100 % du territoire en 2022, mais sans annoncer de financements supplémentaires.
La participation de l’État reste fixée à 3,3 milliards d’euros, sur les 20 milliards d’euros prévus à l’horizon 2022, dont 208 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus pour 2018.
Pourtant, madame la secrétaire d’État, le plan France Très haut débit prend du retard. Je ne parle évidemment pas des « zones denses » – comprenez : « zones rentables » –, où les opérateurs investissent et où 66,2 % des locaux sont d’ores et déjà couverts. Je parle des « réseaux d’initiative publique », les RIP, dans les zones non denses : à ce jour, seuls 31,2 % des locaux ont accès au très haut débit, dont seulement 5,5 % à la fibre optique.
Dans ce contexte, et compte tenu de l’absence de nouveaux moyens financiers, pourriez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, ce qu’entend faire le Gouvernement ?
En particulier, comptez-vous utiliser la possibilité, prévue par les textes depuis 2016, d’obtenir des engagements contraignants de la part des opérateurs, assortis, le cas échéant, de sanctions financières ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un mot, pour commencer, sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » : dans le projet de loi de finances initiale, il correspondait presque exclusivement au Fonds de développement économique et social, dit FDES. Bien que doté de 100 millions d’euros pour 2018, celui-ci n’est plus guère utilisé, et son taux de consommation est de l’ordre de 0,3 %.
Est-ce à dire que les crédits alloués à ce fonds n’ont pas trouvé preneur ? Pas du tout : une grande partie de ce fonds a été, d’une part, affectée au financement par l’État de la liaison CDG Express et, d’autre part, allouée à Bpifrance, à hauteur de 100 millions d’euros. Nous y reviendrons tout à l’heure dans le cadre de l’examen du financement d’une opération actuellement menée sur l’Iran.
Pour en revenir à la mission « Économie », je souhaite, madame la secrétaire d’État, insister sur deux sujets particuliers.
Premièrement, la politique de soutien à l’internationalisation des entreprises, et notamment des TPE-PME : celles-ci sont trop peu nombreuses à se lancer à l’export. La France compte 125 000 entreprises exportatrices, contre 360 000 en Allemagne et 200 000 en Italie. La création par le précédent gouvernement de Business France et de Bpifrance a constitué un progrès important pour toutes ces entreprises.
Néanmoins, le dispositif public de soutien à l’exportation demeure dans l’ensemble défaillant – il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de regarder les résultats de notre commerce extérieur. On constate, phénomène bien connu dans notre pays, une superposition des compétences et des talents ; mais jamais une superposition n’a fait une addition. En additionnant les talents et les compétences, on pourrait peut-être trouver une issue à ce déficit, qui devient structurel.
À cette fin, la commission des finances a mené une réflexion et formulé des propositions.
Il y a quelques jours, le directeur général de Business France a remis au Gouvernement ses propositions visant à mettre l’agence au cœur d’une « équipe France » capable de faire travailler ensemble tous les acteurs, à l’étranger comme dans les territoires où se trouvent nos potentiels exportateurs. L’idée serait en particulier de s’appuyer sur un outil digital innovant, une plateforme en ligne unique constituant un véritable système de gestion de la relation avec les usagers. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner une première idée des suites que le Gouvernement entend donner à ces propositions ?
Une question particulière, et cruciale, a retenu notre attention : comment organiser un tel dispositif dans les territoires ?
Si Business France a su s’imposer, à l’international, comme un acteur incontournable, il existe une défaillance dans le système : ce sont les chambres de commerce qui connaissent les territoires, donc les entreprises exportatrices, notamment les TPE-PME, qui y sont installées.
En fin de compte, 400 conseillers de chambres de commerce et d’industrie, les CCI, travaillent sous l’autorité d’un organisme ayant vocation à être en relation avec Business France. C’est ce qu’on appelle une superposition ou si l’on préfère un filtre. Or, lorsque l’on filtre les compétences ou les talents, on obtient certes une synthèse, mais cela nous amène aussi à considérer que le déficit du commerce extérieur de la France doit être structurellement à regarder d’un œil nouveau.
C’est là que les complémentarités entre Business France et les agents des CCI devraient permettre de définir une autorité nouvelle. Nous vous ferons une proposition en ce sens et nous attendons votre avis sur cette initiative.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Le second sujet, madame la secrétaire d’État, sur lequel je souhaitais attirer votre attention est le French Tech Central. J’ai eu l’occasion, avec mon collègue Thierry Carcenac, de visiter dans le XIIIe arrondissement de Paris la Station F. Cet espace offre un avantage extraordinaire : il permet de réunir en un même lieu non seulement des entreprises innovantes, des start-up, mais également une somme de services publics qui sont à la disposition de ces entreprises. Cela crée une légèreté, une fiabilité de l’information, en direct. Quelques éléments sont encore à parfaire, néanmoins les utilisateurs, qu’il s’agisse des entreprises ou des acteurs, c’est-à-dire les services publics, sont plutôt satisfaits du mode opérationnel entre les services publics et les TPE-PME.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur l’agilité de ce dispositif. Peut-il émerger de ce type d’initiative une disposition d’ordre général ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous invite à adopter une mission dont les crédits sont stables, avec une légère baisse de 1 % des crédits de paiement.
De fait, elle ne comporte pas de bouleversements profonds pour les entreprises, les mesures qui les affecteront l’an prochain relevant essentiellement soit de la première partie du présent projet de loi, soit du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si bien que la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.
Elle a également procédé à l’examen des moyens mis en œuvre par l’État pour garantir la conduite des politiques en faveur des entreprises, dans le cadre des financements assurés par la mission.
À ce titre, la commission a considéré que le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, était un instrument qui avait fait ses preuves, et qui devrait constituer un élément majeur de la stratégie de revitalisation commerciale des centres-bourgs et des centres-villes. Elle a regretté le caractère particulièrement modique de la dotation prévue pour 2018 et s’apprêtait à l’abonder sur ma proposition avant que les députés ne se saisissent du sujet et votent une augmentation de 2 millions d’euros. Malgré cela, je rappelle que le FISAC est le dernier instrument de soutien opérationnel du budget de l’État en la matière : il mérite qu’on lui accorde bien davantage.
C’est pourquoi je suis totalement favorable à l’amendement de la commission des finances qui vise à aller encore plus loin dans cette voie. Je précise que la commission des affaires économiques souhaite ardemment que ces fonds soient majoritairement orientés vers la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.
La commission des affaires économiques du Sénat s’était également inquiétée de la diminution drastique des crédits d’intervention accordés aux instituts de consommation et aux associations de consommateurs. Cette baisse, de l’ordre de 40 %, aurait conduit le monde de la consommation dans une impasse financière immédiate. L’Assemblée nationale a finalement limité la diminution des crédits à 5 %. Pour autant, il est nécessaire d’engager très rapidement une réflexion de fond sur le rôle des différents acteurs de la consommation et sur les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics doivent leur apporter un soutien.
Enfin, malgré une augmentation des crédits budgétaires pour financer l’activité de garantie de Bpifrance, cette dernière devra malheureusement revoir son offre à la baisse. Cela pose la question préoccupante de la pérennité d’une politique favorisant l’accès au crédit des entreprises, notamment les plus concernées d’entre elles, c’est-à-dire les PME et TPE.
L’existence d’un mécanisme de garantie « de masse » sur fonds publics reste essentielle. Il conviendra donc d’être vigilant sur les choix du Gouvernement à l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’analyse du volet « numérique et poste » de la mission « Économie » conclut à un avis favorable. Elle fait émerger quatre points qu’il convient de souligner.
Le premier point concerne le transport de la presse par La Poste, qui apparaît toujours problématique. Cette activité de service public est structurellement déficitaire pour La Poste et les tarifs postaux pratiqués faussent visiblement la concurrence entre les différents types de presse. La méthode unilatérale et sans concertation choisie par l’État pour prendre la suite des accords dits « Schwartz » n’est pas satisfaisante.
Le deuxième point concerne le fonds d’accompagnement de la réception télévisuelle, qui sera mis en place en janvier prochain. Géré par l’Agence nationale des fréquences, il prendra en charge les coûts de la lutte contre les brouillages de la télévision diffusée par voie hertzienne terrestre de plus en plus fréquents du fait, notamment, du déploiement de la 4G. Il conviendra donc, madame la secrétaire d’État, de doter ce fonds de façon suffisante afin de répondre aux nombreuses déficiences constatées.
Le troisième point concerne la subvention de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Cette subvention est également satisfaisante. Mais l’Autorité s’est vu notifier un schéma d’emplois à moins trois. Cette situation m’apparaît peu compatible avec le fait de confier régulièrement de nouvelles missions à l’Autorité.
Le quatrième point concerne le Plan France Très haut débit, qui devrait faire l’objet de certains ajustements dans les semaines à venir. À cette occasion, il serait souhaitable que le Gouvernement établisse une trajectoire de financement au-delà de 2022 et revoie la question de la fiscalité des opérateurs télécoms, à ce jour contre-incitative.
J’en viens au point approfondi : la place du satellite dans la couverture numérique.
Le déploiement des technologies filaires fait aujourd’hui face à des difficultés physiques et financières, qui ne permettent pas d’atteindre les territoires peu denses et les habitats isolés. Afin de remplir les objectifs de bon haut débit en 2020 et de très haut débit en 2022, il convient de s’appuyer sur un bouquet technologique comprenant l’ensemble des technologies hertziennes. Le satellite est une de ces solutions. Il présente plusieurs avantages : il ne nécessite pas de recourir aux fonds publics pour financer l’infrastructure ; il peut être déployé rapidement en France, mais aussi dans les territoires ultramarins ; il est repositionnable en fonction de l’avancée de la fibre.
Un travail préalable d’identification des besoins de chaque territoire est, bien sûr, nécessaire et devra être conduit afin de bien choisir les options technologiques les plus rationnelles d’un point de vue économique.
Alors que certains industriels envisagent de développer l’offre avec un satellite américain, il est absolument nécessaire, madame la secrétaire d’État, de privilégier le recours à un satellite de fabrication franco-européenne. L’ensemble des acteurs – constructeurs, opérateurs, fournisseurs d’accès à internet – doivent rechercher un accord sur ce sujet stratégique pour l’indépendance technologique de la France et de l’Union européenne.
En ce sens, le Plan France Très haut débit doit positionner la solution satellitaire dans des conditions optimisées. Il s’agit d’améliorer la commercialisation du satellite, sachant qu’un seul des quatre grands opérateurs propose aujourd’hui des offres, et de favoriser l’information des collectivités locales comme des utilisateurs pour expliquer les progrès de l’internet par satellite et les enjeux autour de cette industrie en devenir.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon rapport pour avis porte cette année sur un axe émergent et à mon sens essentiel des politiques de soutien à l’industrie, à savoir le projet « Industrie du futur ».
Ce projet, issu des trente-quatre plans de la nouvelle France industrielle, est l’équivalent français du plan Industrie 4.0 de l’Allemagne. Il vise à accompagner l’industrie française dans son virage vers le numérique, avec des enjeux forts en termes de gains de productivité, de montée en gamme et certainement de relocalisation de nombreuses activités industrielles.
Ce projet comprend principalement deux volets. Le premier volet vise à favoriser l’émergence d’une offre française de solutions « 4.0 » pour l’industrie, par exemple dans le domaine de la cobotique ou de la fabrication additive. C’est le volet des start-up et de la French Tech et, plus largement, des politiques de soutien à l’innovation. Je n’y insiste pas.
Le second volet, moins médiatique, mais tout aussi important, vise à accompagner le déploiement des solutions techniques de l’industrie du futur dans l’ensemble du tissu industriel, toutes branches confondues. Or, si les grands groupes ont déjà pris le virage de l’industrie du futur, les entreprises de plus petite taille sont beaucoup moins mobilisées, surtout pour des raisons financières, sur cet enjeu.
Je tiens donc à saluer le travail de conseil et d’accompagnement réalisé, avec peu de moyens, par les régions et l’alliance « Industrie du futur » pour aider les entreprises à s’engager sur cette voie : 5 000 PME et ETI ont déjà bénéficié d’un accompagnement personnalisé. Il faut, madame la secrétaire d’État, amplifier cet effort.
Concernant l’aspect financier, tout en saluant l’intérêt des prêts « Industrie du futur » distribués par Bpifrance, je souhaite attirer votre attention sur l’intérêt de créer un dispositif de suramortissement. Ce dispositif a été voté au Sénat ; à l’Assemblée nationale et au Gouvernement maintenant de l’étudier. S’il faut le recentrer sur l’industrie du futur et le réserver aux PME et aux ETI, discutons-en. Une mesure générale de suramortissement pourrait sembler coûteuse. Mais il me paraît nécessaire d’aider l’industrie du futur et de donner une chance à ces entreprises de s’équiper, qu’il s’agisse de la digitalisation, de la robotique ou de la cobotique.
La France achète toujours sept fois moins de robots que l’Allemagne et deux fois moins que l’Italie. Un mécanisme de suramortissement ciblé pourrait permettre à notre industrie de s’équiper réellement avec les technologies du futur.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Il y va de la localisation de nos entreprises !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Il y va, à côté de nos grands groupes, de tous les équipementiers qui ont beaucoup de mal à prendre le virage extraordinaire que représente cette nouvelle révolution industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Développement des entreprises et régulations », au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises et de la consommation.
Je ne reviens pas sur la baisse, cette année encore, des crédits de paiement, car cela a déjà été souligné. Ce programme reste fortement mis à contribution par l’effort budgétaire, mais en 2018 cette baisse affectera lourdement certaines administrations en charge de ce programme.
Elle affectera aussi les crédits destinés à soutenir nos entreprises à l’export, alors qu’il s’agit d’une priorité. Une telle évolution ne peut, bien entendu, que susciter des interrogations.
Premièrement, nous nous interrogeons sur l’Autorité de la concurrence. En dépit d’une hausse optique du plafond d’emploi, ses crédits de fonctionnement vont diminuer de près de 1 million d’euros, empêchant en réalité d’atteindre ce plafond. Madame la secrétaire d’État, comment justifier cette situation contradictoire avec l’accroissement des missions confiées à l’Autorité, en particulier depuis deux ans, à l’égard des professions réglementées du droit ? Nous voyons bien que la mise en œuvre de la réforme de ces professions, à commencer par les notaires, est assez éloignée des objectifs affichés, qu’il s’agisse du renouvellement de la profession ou de la viabilité économique des nouveaux offices.
Deuxièmement, nous nous interrogeons sur la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Celle-ci va connaître en 2018 une forte baisse de 45 emplois et de 4,3 % de ses crédits de paiement. Aujourd’hui, déjà, les agents dans les services déconcentrés ne sont plus assez nombreux pour assurer une vraie protection des consommateurs. Année après année, en observant les indicateurs d’activité de cette direction, nous faisons le constat que son organisation administrative accentue les effets négatifs de la fonte des effectifs. Le ministre, dans le cadre du plan Action publique 2022 , a proposé une réorganisation de ces services afin de rétablir la chaîne hiérarchique sur le terrain. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous en dire plus ?
Troisièmement, nous nous interrogeons sur la Direction générale des entreprises. Là encore, nous constatons une nouvelle baisse des crédits et des effectifs. Les services déconcentrés, dans les pôles 3E, entreprises, emploi et économie, des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui n’ont déjà plus de crédits d’intervention, vont en pâtir.
On ne peut pas avoir durablement, d’un côté, des services déconcentrés de l’État en voie de nécrose, par l’attrition de leurs effectifs et de leurs crédits, et, de l’autre, des acteurs dynamiques, qui se coordonnent mieux et qui prennent des initiatives. Je pense, par exemple, à Business France et aux chambres de commerce et d’industrie sur l’internationalisation. Je pense aussi aux régions et aux compagnies consulaires pour l’élaboration et la mise en œuvre des fameux schémas régionaux de développement économique d’innovation et d’internationalisation…
En matière d’accompagnement des entreprises, à la faveur de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », une clarification des responsabilités est nécessaire entre l’État et les régions. L’État doit rester responsable des priorités nationales et des politiques de soutien des filières, mais le rôle d’impulsion et de coordination des régions est reconnu par tous les acteurs au niveau local : il faut désormais en tirer toutes les conséquences.
Quatrièmement, nous nous interrogeons sur Business France. Le niveau des subventions de l’État va aussi nettement baisser, restreignant les capacités d’accompagnement des entreprises.
Dans ce contexte de baisses de crédits plus marquées en 2018, la prise de conscience est faite de la nécessité de revoir singulièrement l’organisation territoriale des services de l’État.
En outre, le dynamisme des autres acteurs redonne confiance dans une amélioration à venir de l’accompagnement de nos entreprises, dans les territoires comme à l’étranger.
Au vu de ces perspectives et dans l’attente de leur concrétisation – nous posons là, madame la secrétaire d’État, un acte de foi et c’est la foi qui sauve ! –, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons là une mission qui est centrale. Centrale parce qu’il s’agit de l’autorisation parlementaire d’une stratégie économique concrète, efficace, capable de répondre aux défis contemporains.
À travers quatre programmes, cette mission a pour ambition de favoriser l’emploi, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations ainsi que d’assurer la protection des citoyens consommateurs. Dit autrement, il s’agit de l’une des pierres à l’édifice de transformation de l’environnement économique français que porte le Gouvernement.
Nous avons des champions nationaux, qui signent des contrats en milliards d’euros. Mais nous avons aussi un vivier d’entreprises dans nos territoires, qui les font vivre. Dans l’Yonne, l’entreprise RB3D, qui fabrique des exosquelettes, n’a rien à envier technologiquement aux pépites américaines ou chinoises.
Parce qu’elles dépendent moins de gros contrats, les petites et moyennes entreprises ont une activité plus stable, ce qui est important pour les territoires qui ont souffert de fermetures de grosses unités.
Mes chers collègues, beaucoup a déjà été fait pour les petites et moyennes entreprises depuis l’été, comme la création d’un code du travail numérique, la primauté donnée au fond sur la forme en cas de prise de décision, l’ouverture du dialogue social dans les petites entreprises.
Le projet de loi de finances complète ces mesures. Citons, par exemple, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de charges pérennes ou encore la baisse de l’impôt sur les sociétés, qui concerne en tout premier lieu les PME puisque le taux normal d’impôt sur les sociétés passe de 33 % à 28 % dès 2018 pour les 500 000 premiers euros de bénéfice des entreprises.
Par ailleurs, un volet important à destination des entreprises et des territoires concerne un aspect central pour l’attractivité de ces derniers et pour leur développement économique : la question du très haut débit.
Lors de la conférence des territoires, en juillet dernier, notre Président de la République a annoncé que la couverture de notre pays en très haut débit serait une priorité.
Le but est donc de poursuivre le plan France Très haut débit initié dès 2010, en ayant pour objectif de couvrir la totalité du territoire à l’horizon 2022.
Rappelons que, selon l’Agence du numérique, ce qui a été souligné par le récent rapport des députés Laure de La Raudière et Éric Bothorel, 13 millions de Français n’auraient pas accès à un débit internet fixe de qualité. Dans certaines zones, les connections internet restent aléatoires, voire impossibles, et il n’est parfois même pas possible de téléphoner d’un portable.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Noëlle Rauscent. Seulement 50 % de la population bénéficie du service de très haut débit essentiel aux entreprises.
Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !
Mme Noëlle Rauscent. La fracture numérique entre les territoires existe bel et bien. Au XXIe siècle, nous ne pouvons laisser les utilisateurs dans cette situation d’inégalité, que cela concerne la sphère privée ou la sphère professionnelle.
À l’heure où la numérisation des services se généralise et devient même obligatoire, nous ne pouvons pas abandonner une partie de nos territoires au bord de la route.
La couverture numérique est essentielle à la survie des territoires ruraux et à leur développement.
Un document, publié il y a quelques jours par l’Association des maires de France, l’AMF, diffuse une carte de France éditée par l’ARCEP. Elle permet de visualiser très clairement le déploiement de la fibre optique dans notre pays. La prédominance des zones non couvertes saute aux yeux. La carte par commune est essentiellement blanche, car 95 % des communes ne sont pas concernées par la fibre. À de rares exceptions, seules les villes, grandes et moyennes, sont fibrées et le monde rural reste presque totalement déserté.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Noëlle Rauscent. N’oublions pas l’outre-mer, où seule La Réunion est assez bien pourvue alors que les autres territoires sont presque totalement privés de fibre.
On ne peut envisager que des professionnels souhaitant poursuivre leur activité ou s’implanter dans des zones rurales ne puissent bénéficier de réseau internet et de téléphonie mobile. Nous savons tous que le numérique est un enjeu de croissance et de compétitivité, particulièrement dans nos territoires ruraux qui se dépeuplent.
Nous connaissons par ailleurs les faiblesses actuelles au niveau local : plans d’affaires trop optimistes des réseaux d’initiative publique, manque de moyens des collectivités pour contrôler l’action des entreprises auxquelles elles délèguent la construction ou l’exploitation de leurs réseaux.
Est-il réaliste de penser que la fibre optique pourra être amenée vers les zones blanches et les zones grises d’ici à 2022, soit dans quatre ans ?
Mme Nathalie Goulet. Non !
Mme Noëlle Rauscent. Les crédits seront-ils suffisants ?
Mme Nathalie Goulet. Non plus !
Mme Noëlle Rauscent. La Cour des comptes a estimé récemment que le coût du plan s’élèverait à 35 milliards d’euros au lieu des 20 milliards prévus, avec un objectif tenu autour de 2030 plutôt que de 2022.
À certains endroits, les travaux de mise en place de la fibre ont été entamés, mais stoppés par manque de financement.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Noëlle Rauscent. Afin de garantir la compétitivité des entreprises installées dans des zones mal couvertes, comme cela peut être le cas dans mon département de l’Yonne où la couverture est parfois aléatoire, voire inexistante, il est indispensable de s’appuyer sur un mix technologique, c’est-à-dire sur un schéma intégrant des techniques de transition.
La couverture numérique doit véritablement toucher tous les territoires. Il est donc nécessaire d’engager des négociations avec les opérateurs pour que ceux-ci assurent à tous un accès égal au numérique.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Noëlle Rauscent. Notre pays doit avoir une position claire au sujet d’autres technologies de pointe (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Noëlle Rauscent. … telles que le satellite, pour répondre à la situation de chaque territoire. Il faut aller plus loin, et ce quinquennat doit nous permettre la réussite de ce défi.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, lors de la présentation de la première partie du budget, M. le ministre de l’économie nous avait donné sa vision de l’économie et le fil rouge de ce budget : « Il faut libérer le capital ! »
Je citerai deux chiffres pour illustrer mon propos. Premièrement, 56 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires en 2016, soit 13 milliards d’euros de plus qu’en 2015. Deuxièmement, le pay out ratio est de 57 %, c’est-à-dire que 57 % des bénéfices des entreprises sont absorbés par les dividendes, et l’autofinancement recule. On est donc loin, comme le démontrent ces chiffres, de l’emprisonnement du capital !
Mais puisqu’il faut le libérer ou plutôt le débrider, vous y allez franchement. Au moins, je dois vous reconnaître de la cohérence et de la ténacité : économie fondée entre autres sur la cession d’actifs de l’État, suppression de l’ISF, réduction de l’impôt sur les sociétés, cotisations sociales considérées comme des charges, remise en cause du droit du travail.
Je dois vous avouer une chose : je ne suis pas un grand spécialiste de l’alpinisme – cela se voit (Sourires.) –, alors peut-être pourrez-vous me réexpliquer cette théorie du premier de cordée ? (Nouveaux sourires.) Pour ma part, j’ai toujours préféré les sports collectifs, notamment le rugby, où chacun donne en fonction de ses moyens et récolte en fonction de ses besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Nous considérons que ce projet de loi de finances favorise les rentiers et les spéculateurs, et non l’économie réelle !
L’État renonce à plus de 5 milliards d’euros de recettes annuelles en espérant que cet argent sera réinvesti par les ménages pour développer des entreprises françaises. Mais cet espoir est bien léger lorsque l’on sait que rien n’oblige à investir dans notre tissu de PME ni en France.
Ainsi, ce budget, loin de soutenir massivement nos entreprises, est le prolongement des politiques austéritaires du précédent quinquennat.
Pourtant, nos entreprises ont besoin d’un accès massif au crédit, d’interlocuteurs étatiques fiables, d’un encadrement de la sous-traitance, d’investissements pérennes. Or l’État ne se donne pas la capacité d’intervenir en soutien, y compris si l’enjeu est de préserver des savoir-faire et des emplois à moyen et long terme, ou encore en renforcement, voire en créant de nouvelles filières industrielles.
Les crédits de cette mission illustrent le désengagement de l’État. Celui-ci ne passe plus par des mesures volontaristes et ciblées, mais se sert du levier fiscal. Or ce dernier ne peut remplacer le soutien direct aux entreprises par la dépense publique.
Ainsi, comme cela a été souligné en commission, « le principal levier d’aide aux entreprises reste de nature fiscale, et non budgétaire ».
Ce budget, c’est moins de mesures directes en faveur des entreprises – moins de 2 milliards d’euros – et près 90 milliards d’euros de mesures fiscales indiscriminées, c’est-à-dire aveugles et à l’efficacité plus que douteuse. Ces avantages bénéficieront encore une fois aux grandes entreprises sans que l’impact en termes de création d’emplois soit évalué, et ce même si ce sont les TPE et les PME qui font la force de notre appareil productif. Ce sont elles qu’il convient d’aider à se développer.
Dans le détail, nous déplorons depuis maintenant de nombreuses années la baisse de plusieurs dépenses essentielles pour nos entreprises.
Ainsi, le FISAC est encore en baisse en 2018, passant à 11 millions d’euros de crédits de paiement. Ce fonds joue pourtant un rôle essentiel dans la préservation et la modernisation du tissu commercial en zone rurale, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les centres-bourgs. En moins de dix ans, ses moyens ont baissé de 83 % ! Nous saluons donc l’amendement adopté en commission portant les crédits du FISAC à 30 millions d’euros.
De même, on fait la promotion de la protection et de la sécurité des consommateurs. Comment, dès lors, expliquer la baisse continue des dotations à la DGCCRF ? Comment justifier la diminution de 40 % initialement prévue des crédits d’intervention pour les associations de consommateurs agréées ? Un amendement a été voté à l’Assemblée nationale pour réduire la baisse annoncée à 5 %, mais cela reste encore insuffisant.
Enfin, alors que notre industrie est toujours en crise, les crédits destinés au soutien à la politique industrielle reculent de 12 %. Loin de préserver notre patrimoine industriel, il semble au contraire que le Gouvernement ait fait le choix de s’en désintéresser, que ce soit en termes budgétaires ou patrimoniaux.
Nous regrettons aussi qu’il n’y ait pas de ministère de l’industrie dans ce gouvernement.
Enfin, la vente de fleurons industriels à des groupes étrangers semble s’accélérer, l’État prévoyant un plan de cessions d’actifs de 10 milliards d’euros, à rebours de la nécessité de trouver des moyens pour assurer la stabilité capitalistique de nos industries.
Aujourd’hui, il n’est plus à démontrer que les entreprises individuelles et les PME font la richesse de nos territoires, et permettent de lutter contre la désertification.
Il est illusoire de croire que nous pourrons faire de la France une start-up nation, en ne soutenant que l’innovation et en négligeant les savoir-faire qui ont fait la richesse de nos territoires. Cela étant, malgré les discours, ce budget ne soutient ni l’innovation, ni les savoir-faire, ni l’industrie. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » rassemble les programmes qui ont pour objet d’encourager l’emploi, la compétitivité, les exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Ils sont au nombre de quatre, dont le récent programme « Plan “France très haut débit” », qui devrait financer la couverture intégrale du territoire en internet fixe à très haut débit d’ici à 2022.
Cette mission doit être l’un des vecteurs, l’un des bras armés d’une nouvelle façon, pour l’État, d’intervenir dans l’économie. L’État français, traditionnellement « État stratège », doit en effet repenser son rôle dans une économie mondialisée. Il doit savoir associer volontarisme politique et libération des énergies. Il doit rompre avec la logique de l’« État pompier », qui réagit avec éclat aux crises ponctuelles, sans être capable de dessiner une vision industrielle de long terme. Il doit, enfin, accompagner les mutations du monde du travail, sans laisser un seul travailleur au bord du chemin, sans se résigner à la chute vertigineuse de l’emploi industriel que nous connaissons depuis quelques années.
La France sans ses usines : le titre du livre de Patrick Artus et de Marie-Paule Virard n’est pas seulement le signe d’un déclin industriel inexorable ; il met en évidence un risque pour notre cohésion sociale et notre modèle de société.
Cet effort industriel n’est d’ailleurs pas l’apanage de l’État ; il est également le fait des régions, dont la compétence en matière de développement économique doit être mieux articulée avec celle des administrations centrales. Je voudrais saluer ici l’action de Xavier Bertrand à la tête de la région Hauts-de-France : ses efforts constants en faveur de la reconversion des anciens territoires industriels portent leurs fruits et constituent un modèle de pragmatisme et d’efficacité.
Sans tissu industriel robuste, il n’est pas de puissance exportatrice. Par exemple, les excédents commerciaux titanesques de l’Allemagne sont le fruit de politiques de long terme pour renforcer le Mittelstand, le puissant réseau de PME et d’ETI allemandes.
Si la France est encore le sixième exportateur mondial de biens et services, ses exportations représentant près de 30 % de son produit intérieur brut, les chiffres du commerce extérieur, depuis quelques années, ne sont pas à la hauteur des attentes. Le solde des échanges de biens a baissé de près de 30 % en quatre ans. Le déficit commercial de la France s’est creusé en septembre 2017 de 500 millions d’euros, pour atteindre 4,7 milliards d’euros, selon les chiffres des services des douanes. Sur douze mois, le déficit cumulé de la France atteint 60,8 milliards d’euros, contre 48,1 milliards d’euros en 2016, soit une aggravation abyssale et extrêmement inquiétante.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que regretter la diminution des crédits alloués au commerce extérieur. Par exemple, vous n’avez pas augmenté, madame la secrétaire d’État, les crédits affectés à la COFACE et à Business France,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Decool. … dont les programmes d’aide à l’export sont nécessaires à l’accompagnement de nos PME à l’international.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Decool. La France ne compte que 125 000 entreprises exportatrices, contre 350 000 en Allemagne. Votre projet de budget ne pas prend pas en compte ce retard criant, dont le comblement devrait être une priorité politique.
Pour terminer, je m’attarderai sur le plan France Très haut débit. Lors de la conférence des territoires du 17 juillet 2017, le Président de la République s’est engagé sur l’objectif d’une couverture du territoire en haut débit d’ici à 2020 et en très haut débit d’ici à 2022. Cela s’est traduit, dans le projet de loi de finances pour 2018, par l’allocation de 208 millions d’euros de crédits au programme 343. Nous estimons néanmoins que ce montant est insuffisant pour que les engagements du Président de la République puissent être tenus.
La couverture numérique est essentielle à la survie de nos territoires, à leur dynamisme et à leur développement. Nous souhaitons que ce budget traduise sincèrement les dépenses afférentes et que soit précisées les modalités de mise en œuvre opérationnelle du plan France Très haut débit.
Pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, déçu par le manque d’ambition de cette mission, ne votera pas ses crédits en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, reconduit cette année encore, représente à lui seul 20,8 milliards d’euros de crédits, soit plus de 72 % du montant total de la dépense fiscale rattachée à la mission.
Encore aujourd’hui, de l’aveu même du comité de suivi du CICE, il reste difficile d’évaluer les effets réels du dispositif. Ce comité s’accorde toutefois pour estimer à 100 000 le nombre d’emplois préservés grâce à celui-ci entre 2013 et 2015. La fourchette allant de 10 000 à 200 000, cela manque tout de même de précision… Si l’on retient le chiffre de 100 000 emplois préservés, le coût de la mesure s’établit à 20 000 euros par emploi, ce qui, somme toute, est bien plus cher que les emplois aidés !
L’emploi n’est pas le seul bénéfice du CICE, heureusement ! Le CICE a permis à un certain nombre d’entreprises de reconstituer leurs marges, et parfois d’investir, ce qui est une bonne chose. Cependant, quand on y regarde de plus près, il a surtout permis à un grand nombre de grandes entreprises d’augmenter les dividendes pour leurs actionnaires, sans aucun bénéfice pour l’emploi et pour l’investissement. Je pense notamment à la grande distribution, premier secteur bénéficiaire du CICE, dont certains acteurs ont même profité de l’aubaine pour supprimer des emplois, ce qui est un comble !
Alors, mes chers collègues, plutôt que de financer le versement de dividendes, ne serait-il pas temps de recentrer le CICE sur un certain nombre d’objectifs et de secteurs dont on sait qu’il leur manque un petit coup de pouce pour pouvoir embaucher, investir, innover ? Nous espérons que cette proposition sera prise en compte dans les réflexions sur les mesures à venir.
Concernant les autres crédits de la mission, on peut souligner la pertinence, reconnue par tous, de certains mécanismes, comme le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dont le recentrage en 2015 a permis une plus grande efficacité des dépenses, en particulier en faveur du commerce local de centre-ville ou de centre-bourg, notamment dans nos espaces ruraux. C’est pourquoi nous soutiendrons nous aussi l’amendement qui tend à porter les crédits alloués au FISAC à 30 millions d’euros.
En ce qui concerne la fibre, nous voulons croire à l’annonce faite par le Président de la République d’une couverture numérique en très haut débit de l’ensemble du territoire d’ici à 2022. Nous espérons vraiment que le Gouvernement tiendra ses engagements. Dans le Morbihan, beaucoup de doutes ont été exprimés. Il faudra que la puissance publique s’impose pour faire en sorte que les travaux soient accélérés.
Par ailleurs, l’inquiétude est grande au sein des associations de protection des consommateurs agréées. En effet, le programme 134 se voit amputé de 40 % de ses crédits, ce qui pose un certain nombre de questions, s’agissant aussi bien des subventions directes que reçoivent ces associations que des crédits alloués à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, eux aussi en diminution. On peut se demander comment, dans ces conditions, nous allons pouvoir maintenir le même niveau de protection des consommateurs. Je pense par exemple à l’application de la loi relative à la consommation et de son volet consacré à l’interdiction de l’obsolescence programmée, ou au respect des normes alimentaires en matière de résidus de pesticides.
Avant de conclure, je voudrais évoquer brièvement le projet « Industrie du futur ». En effet, nous disposons d’un vivier de start-up technologiques dans l’ensemble des domaines prometteurs que recouvre aujourd’hui l’appellation « French Tech ». Soutenir la structuration et le développement de ces filières est une nécessité, si l’on veut éviter de se retrouver dans la situation de domination écrasante des géants américains de l’internet que nous vivons actuellement. C’est pourquoi nous saluons ce projet, en insistant sur les efforts que nous devons poursuivre en matière de formation professionnelle, afin d’accompagner les évolutions du marché du travail vers les nouveaux métiers qui vont rapidement émerger dans ces domaines. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission budgétaire me fait penser à cette chanson de Barbara : « À chaque fois, à chaque fois, […] on refait le même chemin. » Chaque année, c’est la même chose, et on ne voit guère de progrès…
Le constat qui a été dressé est accablant : superposition des structures, cacophonie, doublons, inconséquences. Business France, petite lueur dans la nuit, n’est pas assez doté. Nous proposera des amendements visant à y remédier.
Madame la secrétaire d’État, je voudrais plaider pour la diplomatie parlementaire économique et la coopération décentralisée.
Nous sommes nombreux ici à bien connaître qui la Chine, qui les pays du Golfe, qui le Caucase ou l’Iran, et à avoir noué au cours des années des liens avec les secteurs économiques, à avoir créé des synergies. Nous connaissons nos territoires et ses acteurs, nous savons les mettre en relation avec des partenaires étrangers.
Le service de coopération décentralisée doit donc être au cœur des dynamiques du commerce extérieur. Il y a quelques années, notre ancien collègue Jean-Claude Peyronnet, dressant un inventaire, avait relevé que huit régions entretenaient, chacune dans la plus parfaite ignorance de l’action des autres, une coopération avec la Chine…
En matière de coopération décentralisée, je voudrais citer l’exemple de la coopération entre Lyon et Dubaï, qu’Élisabeth Lamure connaît bien pour y avoir beaucoup œuvré. Elle a permis, outre l’établissement d’une ligne aérienne directe entre Lyon et Dubaï, un développement très significatif des affaires. Cette réussite tout à fait remarquable n’est due qu’au territoire, à la chambre de commerce et aux élus.
Il y a quelques années, Mme Bricq, alors ministre du commerce extérieur, avait tenté d’étendre à l’ensemble des régions le modèle de l’agence d’attractivité de l’Alsace, qui fonctionne très bien.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Malheureusement, elle n’a pas pu mener ce projet à son terme. Il est tout de même dommage que l’on ne puisse pas dupliquer les opérations qui marchent, au lieu de toujours réinventer l’eau chaude.
Je me suis amusée à dresser un état des lieux des outils à disposition des collectivités territoriales pour les aider à asseoir leur coopération.
Parmi les autorités étatiques, on trouve la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui a notamment pour mission de collecter les informations et de les centraliser – alors qu’il faudrait plutôt, au contraire, les diffuser ! –, le délégué pour l’action extérieure des collectivités territoriales, flanqué bien sûr d’une délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales, ainsi que d’une mission opérationnelle transfrontalière chargée de conduire trois missions, dans un dialogue avec les autorités nationales et européennes – je ne sais pas de quelles autorités il s’agit, mais en tout cas pour notre part nous n’avons pas de rapports avec elle : veiller aux intérêts des territoires transfrontaliers, aider les porteurs de projet, mettre en réseau les acteurs et les expériences. Son dernier rapport date de 2008 ; il serait intéressant de savoir ce qu’elle a fait ces dix dernières années !
On trouve également des instances de concertation des politiques de coopération régionale pour l’outre-mer – je laisserai à nos collègues ultramarins le soin de nous en dire plus à ce sujet –, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, le Conseil des communes et des régions d’Europe.
Ont bien sûr disponible été mis en place des moyens financiers, des cofinancements multiples et variés, un programme formidable appelé « NUTS », dont j’ignore s’il est très opérationnel, des programmes de coopération territoriale France-Espagne-Andorre, France-Belgique, Deux Mers, Rhin supérieur, France-Angleterre, Grande Région, Espace alpin, Espace atlantique, Espace méditerranéen, etc., ainsi qu’un fonds d’urgence humanitaire, des politiques de développement, des instruments de cohésion territoriale… Je m’arrêterai là ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Madame la secrétaire d’État, pour en finir, il faudrait que vous confiiez à des parlementaires une mission visant à dresser un état des lieux et à évaluer tous ces outils, en vue d’instaurer un guichet unique.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. En l’état de notre économie, diviser nos forces n’est absolument plus acceptable. Le dispositif actuel est d’une totale inefficacité. Le Sénat est l’endroit idéal pour organiser la coopération décentralisée : nous connaissons nos territoires, nous connaissons les acteurs, nous sommes parties à l’équipe « France ». Nous avons la France et son rayonnement en partage : il serait grand temps de mettre de l’ordre dans la maison ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le budget pour 2018 de la mission « Économie » s’inscrit dans une trajectoire qui conjugue notamment deux objectifs étroitement liés : le redressement économique et productif de la France ; la contribution à la restauration progressive des comptes publics de la nation. À cet égard, il s’inscrit dans la continuité du précédent.
Je ne reviendrai pas sur le niveau des crédits des quatre programmes, pour lesquels on constate une certaine stabilité. Mon propos sera plutôt centré sur la question de la place et du rôle de l’État dans la politique industrielle dont notre pays a besoin pour retrouver le rang et les emplois qu’il n’aurait jamais dû perdre.
Sur la question majeure de la place de l’industrie dans notre production, nous partons de loin. La régression de la production industrielle au cours des décennies passées a été considérable, se traduisant par la perte de plus de 3 millions d’emplois depuis 1980.
Après avoir cru, pendant plus de trente ans, que les pays industrialisés s’acheminaient tous vers une société postindustrielle, dans laquelle les activités de services supplanteraient les activités de production, on constate aujourd’hui l’émergence d’un modèle hyperindustriel, fondé sur la convergence de la productique, du numérique et des services, les coûts très bas du transport maritime engendrant la spécialisation des productions et la reconfiguration des chaînes de valeur à l’échelle du monde.
Dans ce contexte de mondialisation, et donc de concurrence exacerbée, la question de fond est celle de la définition de la stratégie industrielle que le Gouvernement entend mener pour relever les grands défis de la compétitivité et de l’emploi.
C’est l’objet du programme 305, « Stratégie économique et fiscale », et du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », dédié au soutien aux entreprises qui s’adaptent aux modes collaboratifs, lesquels prévalent désormais pour rester dans la course.
Sur la question de la transformation des filières, en quoi, madame la secrétaire d’État, votre action se distingue-t-elle de la politique mise en œuvre depuis la sortie du rapport Gallois, qui avait dressé le constat d’un décrochage industriel de la France ? Cette politique s’était traduite par la démarche dite de « nouvelle France industrielle », déclinée initialement sous la forme de trente-quatre plans regroupés en neuf « solutions industrielles » et un projet « Usine du futur ». Je n’oublie pas non plus l’instance de partage que permet l’alliance « industrie du futur ». Quelle appréciation portez-vous sur l’écosystème qui a été mis en place dans notre pays avec les industriels eux-mêmes ? Ces industriels nous disent, quand nous les rencontrons, qu’ils ont besoin de stabilité et de visibilité s’agissant des mesures qui leur sont appliquées. Quelle valeur ajoutée le Gouvernement entend-il apporter par rapport à ce qui existe aujourd’hui et qui produit des résultats encourageants ? Quelle place, forcément nouvelle, l’État doit-il prendre dans ce contexte ? Doit-il se limiter au développement de politiques fiscales et d’allégement des charges, comme le donne à penser le projet de budget pour 2018, ou doit-il aller plus loin ?
Personnellement, je crois qu’il faut aller plus loin dans le soutien à l’organisation industrielle du futur et à la montée en gamme de l’offre. L’État ne peut se borner à agir sur la compétitivité-coût, qui n’est qu’un aspect de la problématique de la compétitivité.
Par ailleurs, on peut se demander quelle politique de soutien l’État entend mener à l’endroit de l’économie industrielle de nos territoires, souvent ruraux, souvent structurés en pôles de compétitivité, étant donné le très faible niveau des crédits qu’il est prévu de lui consacrer dans ce projet de budget. Cette ligne budgétaire connaît même une baisse de 1 million d’euros…
Le ministre de l’économie et des finances, auditionné par notre commission, a évoqué le concept d’« État stratège ». Qu’entendez-vous concrètement par cette notion ?
À cet égard, nous avons besoin d’une clarification de la doctrine du Gouvernement en matière de participation de l’État au capital des entreprises œuvrant dans des domaines relevant de l’intérêt général et de la souveraineté nationale. L’audition récente de M. le ministre de l’économie et des finances par la commission des affaires économiques, à propos notamment d’Alstom et de STX, ne nous a pas permis de comprendre où l’État veut aller en la matière. Il ne faudrait pas que, à terme, l’État qui se veut « stratège » se transforme en spectateur ou en commentateur de décisions prises par d’autres, au détriment de notre souveraineté et de nos emplois.
À partir de 2012, l’État s’est doté d’une doctrine en matière d’actionnariat, qui vise, pour les « entreprises jouant un rôle stratégique pour l’intérêt national, […] à protéger les intérêts économiques et patrimoniaux du pays en veillant à la mise en œuvre d’une stratégie économique, industrielle et sociale exemplaire, garante de la préservation sur le territoire national des emplois et des compétences ».
Cette doctrine a été confortée par l’instauration du droit de vote double, qui permet de renforcer le rôle de l’État au sein des entreprises. Une nouvelle gouvernance des entreprises à participation publique a aussi vu le jour, permettant de doter l’État de plus grandes capacités d’influence dans les sociétés dont il détient une majorité du capital.
Aujourd’hui, la vente de 10 milliards d’euros de titres va diminuer drastiquement les actifs de l’État. Au bénéfice de qui interviendra cette cession massive de titres ? Quelle recette financière procurera-t-elle au budget de l’État, sachant qu’actuellement le rendement de ces actifs est supérieur à celui des marchés ?
Quant au fonds de soutien à l’innovation, qu’une partie de ces recettes de cession est censée alimenter, comme le souligne le rapport pour avis d’Alain Chatillon sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », il devrait financer l’innovation à hauteur de 200 millions à 300 millions d’euros. L’État dépense par ailleurs 8,5 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros hors dépenses fiscales. L’ordre de grandeur n’est pas du tout le même. On ne comprend pas quelle nécessité il y aurait de céder ces 10 milliards d’euros d’actifs.
On voit, par cet exemple, qu’il y a un grand besoin de clarification de la doctrine de l’État en matière de participation au capital, dans le cadre de la stratégie de développement économique qu’entend mettre en œuvre le Gouvernement.
D’autres points mériteraient d’être abordés, mais je conclurai en disant que, compte tenu des incertitudes qui pèsent pour l’instant sur la stratégie que le Gouvernement compte développer en matière économique, nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail réalisé par les différents rapporteurs des crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2018. C’est un thème auquel je suis très sensible, en tant que membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure, sénateur du Rhône.
Si les crédits de la mission « Économie » affichent une certaine stabilité, il existe néanmoins une grande disparité selon les programmes : baisse de 7 % des autorisations d’engagement pour le plan France Très haut débit, augmentation de 17,5 % des autorisations d’engagement pour le programme 134, « Développement des entreprises et régulations ».
Au-delà des écritures comptables et du savant équilibre entre autorisations d’engagement et crédits de paiement, les crédits de la mission « Économie » représentent aussi un signal envoyé au monde de l’entreprise.
Je souhaite évoquer deux sujets qui me préoccupent, relatifs au programme « Développement des entreprises et régulations ».
Le premier tient à l’action n° 21, Développement du tourisme, qui pâtit d’une baisse de 67 % de ses autorisations d’engagement et de 56 % de ses crédits de paiement. En effet, le Gouvernement a décidé de supprimer tous les crédits d’intervention jusqu’alors affectés à cette action. Les actions en faveur du tourisme se limiteront donc, pour la mission, à des dépenses fiscales liées à l’application d’un taux réduit de TVA et aux chèques-vacances.
La mobilisation complète du Gouvernement, annoncée par le Premier ministre lors du conseil interministériel du tourisme du 26 juillet, a entériné l’absence d’un ministère dédié. C’est désormais le ministère de l’Europe et des affaires étrangères qui a la responsabilité de ce secteur, pesant 8 % de notre PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects.
La France est la première destination touristique mondiale, et nous ne pouvons que nous en féliciter, mais les actions doivent largement dépasser la promotion de la destination France à l’étranger. Élue d’un territoire de montagne, où le tourisme est un vecteur économique important, voire essentiel, je ne pense pas que rattacher le secteur du tourisme au ministère des affaires étrangères soit un bon signal. Je rappelle que le tourisme en montagne représente 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires et que 30 % de la clientèle est d’origine étrangère. Nous devons mettre en œuvre des logiques économiques qui nous permettent de rendre nos territoires attractifs et nos entreprises compétitives. C’est un gisement de croissance et d’emplois non délocalisables précieux pour notre pays ; il mérite toute notre attention.
Mon second sujet de préoccupation concerne le FISAC. Alors que ce dispositif destiné à financer des opérations de création, de maintien, de modernisation, d’adaptation ou de transmission des entreprises du commerce, de l’artisanat et des services a été réformé en 2015, les crédits prévus pour 2018 sont largement insuffisants. Comment 1 million d’euros pourraient-ils permettre de préserver ou de développer le tissu d’entreprises de proximité et de répondre aux appels à projets pour conduire des opérations collectives, individuelles ou spécifiques au plan national ?
Le Sénat s’est penché sur ce sujet, en particulier nos collègues membres du groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. En effet, la France voit nombre de ses centres-villes et centres-bourgs se vider et mourir lentement. Si le phénomène est continu et unanimement constaté, il n’est pas inéluctable. Des moyens financiers appropriés doivent être consacrés à cette problématique.
En conclusion, je voterai ces crédits sous réserve que des améliorations puissent y être apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » regroupe un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, notamment des PME des secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie, ainsi que les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de leur mise en œuvre.
Je n’insisterai pas sur les dispositifs de soutien à l’économie concernés, sur lesquels les précédents orateurs sont déjà largement intervenus. Je rejoins les propos de Mme Goulet : certains dispositifs sont redondants et peu lisibles pour les entreprises, spécialement les petites et moyennes, qui n’ont pas de services dédiés à la compréhension des méandres et subtilités parfois tatillonnes de l’administration. En ce domaine comme ailleurs, il y a un grand besoin de clarté et de simplification.
Je préfère évoquer un sujet qui me tient à cœur : la transmission d’entreprise, essentielle pour l’économie de notre pays. Au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises, créée en 2014 et excellemment présidée par Élisabeth Lamure,…
M. Dominique de Legge. C’est vrai !
M. Michel Vaspart. … je travaille avec Claude Nougein, depuis maintenant un an, à améliorer sensiblement le cadre législatif des transmissions et cessions d’entreprise, pour tout type d’entreprise et tout secteur.
C’est un réel besoin, dont j’ai pu mesurer l’importance, et même l’urgence, ce mardi au salon Transfair de la transmission d’entreprise, qui se tenait au palais Brongniart, où je suis intervenu en séance plénière. J’y ai entendu, de la part des professionnels de la transmission – avocats, notaires, experts-comptables –, un éloge de la délégation sénatoriale aux entreprises et de la qualité du travail sénatorial qui m’a réjoui et que je tenais à partager avec tous mes collègues.
Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’évoquer le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, le PACTE, en cours d’élaboration à Bercy.
Je dirai d’abord un mot sur la méthode, puisque l’association des parlementaires était évoquée, au travers du recours au concept inédit et intéressant de binôme chef d’entreprise-parlementaire. Il semble que les parlementaires n’aient en réalité guère été sollicités, ou alors seulement ceux siégeant sur certaines travées. J’étais moi-même demandeur, car, voilà près d’un an maintenant, nous avons produit, dans le cadre de la délégation sénatoriale aux entreprises, un rapport contenant vingt-sept propositions d’ordre financier, fiscal, social, ou portant sur la communication, l’animation de réseaux…
Faute d’avoir été consulté pour la rédaction de ce projet de loi, j’attire l’attention sur le contenu de la proposition de loi que nous allons déposer, dont nous débattrons dans cet hémicycle pour alimenter le texte du Gouvernement.
Les besoins sont simples. Il faut mieux connaître les réalités statistiques et économiques, en dotant l’INSEE de pouvoirs complémentaires. Il faut simplifier le cadre juridique de la transmission, supprimer certaines obligations déclaratives. Il faut encore, s’agissant de transmission intrafamiliale, modifier le pacte Dutreil, instaurer un taux unique pour les droits d’enregistrement, faciliter la reprise par les salariés – mais en supprimant les articles 18 et 19 de la loi Hamon –, expérimenter certains dispositifs, notamment pour les entreprises agricoles et artisanales, redonner confiance aux chefs d’entreprise en leur administration, à commencer par Bercy. Il y a là un très gros travail à effectuer !
Nos entreprises ont besoin de reprendre confiance ; les paroles et les grandes déclarations ne suffiront pas, elles attendent des actes. Elles ont besoin d’être placées dans des conditions comparables à celles de leurs concurrentes européennes. Elles ont besoin de stabilité, de confiance envers leur administration.
J’espère vous avoir convaincue, madame la secrétaire d’État, que la transmission et la cession d’entreprise constituent un enjeu majeur pour l’économie de notre pays. Nous espérons être largement associés aux travaux en cours. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui les crédits de la mission « Économie », ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Je remercie l’ensemble des rapporteurs pour la qualité de leurs observations.
La mission « Économie » regroupe un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, notamment des PME dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie, ainsi que le budget des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces diverses politiques.
Les crédits de la mission sont stables par rapport à 2017. Les services de l’État qu’ils financent participent à la définition et à la mise en œuvre de la politique économique du Gouvernement, dont l’objectif pour le quinquennat, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français, est de conduire la transformation en profondeur du modèle économique de notre pays.
La dépense fiscale constitue un levier essentiel. Elle est en forte augmentation en 2018, s’agissant notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui sera transformé en un allégement de charges à compter du 1er janvier 2019.
Plus largement, c’est aussi le sens de la réorientation de l’épargne des Français vers l’investissement et l’économie productive et de l’incitation à entreprendre et à réussir donnée aux acteurs économiques et à nos concitoyens, au travers de la mise en place de l’impôt sur la fortune immobilière, du prélèvement forfaitaire unique et de l’engagement à réduire sur la durée du quinquennat le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % aujourd’hui à 25 % en 2022.
Ces mesures pérennes, favorables à l’investissement productif, ont été préférées aux mesures ponctuelles de suramortissement.
La réorientation de l’épargne doit, in fine, soutenir l’investissement dans les entreprises pour leur permettre de faire face aux enjeux de modernisation et de développement. C’est par exemple le cas en matière industrielle, pour préparer l’industrie du futur.
Le Gouvernement entend accompagner la vitalité de l’écosystème des start-up en France. L’incubateur Station F, le plus grand incubateur au monde, avec 1 000 start-up, bénéficie, comme cela a été mentionné, d’un pôle où les administrations sont représentées et que Gérald Darmanin inaugurera ce soir.
De transformation en profondeur, il est également question au sein même de la mission « Économie », dont plusieurs des mécanismes d’intervention en faveur des entreprises, notamment les PME-TPE, sont améliorés.
En réponse aux observations de vos rapporteurs spéciaux, je voudrais revenir sur quelques modifications importantes opérées par le PLF pour 2018. Ces modifications visent non pas à supprimer brutalement tel ou tel dispositif, mais à rationaliser leur action et à les mettre au service de la politique de libération des énergies qu’entend mener le Gouvernement.
La rebudgétisation en 2018 des garanties bancaires accordées aux PME par BPI France Financement est une première modification importante. Pour 2018, la dotation budgétaire, complétée de la mobilisation des ressources internes de BPI France, permettra d’assurer un niveau d’activité comparable à celui des années 2016-2017.
Comme l’a indiqué le ministre Bruno Le Maire devant la commission des affaires économiques du Sénat, l’amélioration sensible des conditions de financement des entreprises et de leur santé, s’agissant notamment des PME-TPE, doit conduire à revoir globalement le positionnement de l’activité garantie, qui a fortement progressé durant la crise. Il convient désormais de construire un format répondant aux besoins nés de la reprise économique.
Une deuxième modification tient à la poursuite de la rationalisation des dispositifs d’accompagnement des entreprises qui existent au sein des réseaux consulaires.
Le Gouvernement s’est engagé en faveur de la baisse des prélèvements obligatoires, parmi lesquels la taxe affectée pour le financement des missions de service public réalisées par les chambres de commerce et d’industrie.
La Haute Assemblée a décidé de revenir, lors de la discussion de la première partie du PLF, sur la diminution de 150 millions d’euros du plafond de prélèvement, qui aurait permis de réduire à due concurrence le taux de la taxe additionnelle assise sur le montant de la cotisation sur la valeur ajoutée.
Le Gouvernement reste convaincu que les réseaux consulaires peuvent continuer à se moderniser et à réduire leur appel aux financements publics. Il continuera donc à promouvoir cette mesure.
Dans cette optique, ont été engagés, comme vous le savez, des travaux visant à déterminer le périmètre des missions de service public effectuées par les réseaux consulaires. Ils contribueront à l’identification des pistes en vue d’améliorer l’efficacité du réseau des chambres de commerce et d’industrie.
Je rappelle à cet égard que la dotation des fonds de péréquation et de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière au sein du réseau des CCI a été significativement majorée à l’Assemblée nationale. Cela amortira la diminution des ressources affectées pour les chambres les plus fragiles financièrement.
Une troisième modification consiste en l’internationalisation de l’économie française. Vos rapporteurs spéciaux se félicitent des progrès qu’a permis la création de Business France. Il convient d’aller encore plus loin dans la simplification et l’efficacité du dispositif pour les entreprises.
Une réflexion en ce sens a été confiée au nouveau directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, qui vient de remettre ses conclusions au ministre de tutelle.
Cette réforme sera guidée par la nécessité de rendre le dispositif d’accompagnement des entreprises plus lisible, plus efficace, plus simple et générateur d’économies pour l’État, en France et à l’étranger.
Le sujet de l’articulation avec le rôle des chambres de commerce et d’industrie sera, bien sûr, central dans cette évolution.
Bref, le PLF pour 2018 constitue une première étape essentielle dans une démarche globale et cohérente pour renforcer le tissu des entreprises françaises.
Cet effort se poursuivra au travers du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, pour lequel Bruno Le Maire vient de lancer la consultation, organisée selon six thématiques. Les parlementaires ainsi que les chefs d’entreprise y sont étroitement associés. Je remercie en particulier le sénateur Richard Yung, qui est chargé, avec Éric Kayser, d’animer la réflexion sur le thème du développement international de nos entreprises. Les préoccupations de Mme Nathalie Goulet quant à la coopération économique décentralisée pourraient utilement être portées à l’attention de ce binôme. J’ai bien noté que certains d’entre vous, de même que la délégation sénatoriale aux entreprises, souhaitaient apporter leur contribution. Bien évidemment, c’est encore possible, puisque les consultations se poursuivront jusqu’au début de l’année prochaine.
Vos rapporteurs ont fait part de leur attachement au FISAC. Le Gouvernement en a tenu compte lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, en majorant de 2 millions d’euros les crédits de ce fonds, ce qui permet de stabiliser à leur niveau de 2017 les autorisations d’engagement et de majorer de près de 35 % les crédits de paiement.
Ce sont ainsi 200 projets qui pourront être soutenus. Les stations-service dites de « maillage », c’est-à-dire sans concurrent à moins de dix kilomètres, constituent pour leur part une priorité du règlement d’appels à projets depuis 2015.
Vous avez mentionné les actions de revitalisation des centres-villes. Le FISAC a vocation à être un outil opérationnel à l’appui de notre politique en la matière.
S’agissant des associations consuméristes, je voudrais rappeler l’attachement du Gouvernement à la protection des consommateurs. Elle est assurée par l’action conjointe et complémentaire de la DGCCRF et d’autres instances, dont les associations de consommateurs. Pour autant, la fragmentation du monde consumériste nuit à sa lisibilité à son efficacité. À la suite de la discussion à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté de se donner un temps de réflexion en majorant les crédits de la DGCCRF alloués à ces associations de 3,1 millions d’euros.
Enfin, la mission « Économie » comporte en son sein le programme du plan France Très haut débit.
Le Gouvernement a souhaité accélérer la mise en œuvre de ce plan essentiel pour la compétitivité mondiale de nos territoires en réaffirmant l’objectif d’un bon accès au haut débit pour tous à l’horizon 2020 et du très haut débit pour tous à l’échéance de 2022. Le Gouvernement a lancé les travaux dès cet été pour s’en assurer.
Des engagements devront être pris par les opérateurs. Ils seront contraignants et des sanctions frapperont les opérateurs qui ne joueront pas le jeu. Le Gouvernement a décidé de mobiliser l’ensemble des technologies disponibles, afin de ne laisser aucune habitation, aucune entreprise sans solution d’internet fixe offrant au moins un bon accès au haut débit dès 2020 : il s’agit des réseaux de fibre optique, mais également des solutions satellitaires nouvelles, des réseaux mobiles 4G et des réseaux radio.
Le cas du satellite a été évoqué par vos rapporteurs pour avis. Il constitue une solution pour les zones du territoire national difficiles d’accès, comme les zones de montagne. Les technologies spatiales viendront donc en appui au déploiement de la fibre optique.
Je terminerai en évoquant le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
S’agissant du Fonds de développement économique et social, qui finance les prêts de l’État en faveur d’entreprises en difficulté ayant des perspectives réelles de redressement, sa doctrine d’emploi prévoit que les prêts FDES doivent permettre de compléter un tour de table après des négociations financières avec l’ensemble des partenaires privés exposés.
En 2017, ce programme a disposé de 100 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Les montants unitaires des prêts FDES accordés par le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, peuvent être potentiellement très élevés. Ces prêts sont souvent décidés dans des situations d’urgence liées à des crises industrielles et sociales majeures. Par exemple, un prêt FDES a dû être mis en place fin décembre 2016, pour un montant initial de 70 millions d’euros, au profit du groupe Financière Turenne Lafayette, sans qu’un tel décaissement ait pu être anticipé. Pour ces raisons, la consommation de crédits reste volatile. Pour 2018, le montant des crédits proposé s’élève à 100 millions d’euros, ce qui garantit un maintien des capacités d’intervention au niveau de 2017.
La ligne nouvelle « crédit-export vers l’Iran » permettra aux entreprises françaises de tirer pleinement parti de l’ouverture des marchés iraniens,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. … alors même que les sanctions internationales résiduelles à l’encontre de ce pays dissuadent la plupart des opérateurs financiers privés d’y intervenir. Les 100 millions d’euros mobilisés par l’État à ce titre permettront d’amorcer un dispositif de crédit-export, BPI France se mettant par ailleurs en situation de lever des financements privés dans des conditions vérifiées de sécurité juridique.
Enfin, le projet CDG Express vise à réaliser une liaison ferroviaire rapide directe et à haut niveau de service entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Essentiel pour améliorer la desserte de la plateforme aéroportuaire de Roissy à l’horizon 2024, ce projet contribuera au développement de l’image de la France à l’étranger et à l’attractivité économique de notre territoire.
Je rappelle que l’engagement de la France à mettre en service cette liaison a été l’un des critères ayant conduit au succès de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques. La Haute Assemblée a souhaité supprimer cette nouvelle dotation, contre l’avis du Gouvernement, pour qui ce projet, compte tenu de son caractère hors norme, doit faire l’objet, à titre très exceptionnel, d’un prêt de l’État à la société de projet.
économie
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Économie |
2 130 260 025 |
1 868 146 565 |
Développement des entreprises et régulations |
1 027 966 154 |
983 436 142 |
Dont titre 2 |
401 341 298 |
401 341 298 |
Plan “France Très haut débit” |
208 000 000 |
0 |
Statistiques et études économiques |
464 785 285 |
455 341 837 |
Dont titre 2 |
375 856 082 |
375 856 082 |
Stratégie économique et fiscale |
429 508 586 |
429 368 586 |
Dont titre 2 |
156 090 986 |
156 090 986 |
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-185 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Bas, J.M. Boyer, Grosdidier, Duplomb, Reichardt, Vaspart, Leroux, B. Fournier, Chatillon, D. Laurent, de Nicolaÿ, Savin et Cardoux, Mmes Gruny, Morhet-Richaud, de Cidrac et Imbert, MM. Bazin et Danesi, Mmes Deromedi et Canayer, MM. Paul, Perrin, Raison, Leleux et Karoutchi, Mme Bories, MM. Milon, Genest, Cuypers, Chevrollier, Husson, Longuet, Bonhomme et Pierre, Mme Lopez, MM. Babary, Brisson, Mayet, Magras, Calvet, del Picchia, Priou et Darnaud, Mme F. Gerbaud, MM. Poniatowski et Paccaud, Mmes M. Mercier et L. Darcos, M. Rapin, Mme Garriaud-Maylam, M. Dufaut, Mme Chauvin, MM. Gremillet, H. Leroy, Morisset et Revet, Mme Keller et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement a été déposé par notre collègue Rémy Pointereau et cosigné par un grand nombre de membres du groupe Les Républicains.
Tous les orateurs, tous les experts, tous les analystes le disent : le FISAC, c’est formidable ! Contrairement à bien d’autres fonds ou organismes dont l’efficacité est mise en doute, voilà un dispositif qui fonctionne bien et qui est absolument nécessaire pour la revitalisation du commerce de proximité dans les centres-villes et les centres-bourgs. Comme il fonctionne bien, on décide, selon une logique implacable, de réduire ses crédits… (Sourires.)
Rémy Pointereau a eu, quant à lui, l’idée tout à fait extravagante de proposer, au travers de cet amendement, d’attribuer pour une fois quelques crédits à un dispositif qui marche plutôt qu’à des organismes qui ne servent à rien ! Il s’agit de porter les crédits du FISAC à 20 millions d’euros, c’est-à-dire de les doubler. Il n’est pas forcément insensé que la Haute Assemblée, qui représente si bien les collectivités territoriales, se préoccupe de la revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-229, présenté par Mme Espagnac et M. Lalande, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
17 000 000 |
17 000 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
||||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
17 000 000 |
17 000 000 |
||
TOTAL |
17 000 000 |
17 000 000 |
17 000 000 |
17 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Cet amendement, adopté par la commission des finances, vise à abonder de 17 millions d’euros les crédits du FISAC, ce qui permettrait de doubler l’enveloppe actuelle.
Entre 2010 et 2018, la dotation du FISAC est passée de 64 millions d’euros à 11 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 83 %. C’est énorme !
Il n’est tout simplement pas possible de mener une politique ambitieuse de lutte contre la désertification des territoires et la dévitalisation des centres-villes sur l’ensemble du territoire français avec seulement 11 millions d’euros.
La majoration de 2 millions d’euros adoptée par l’Assemblée nationale n’apparaît pas, à cet égard, suffisante. Le présent amendement prévoit donc de porter les crédits du FISAC à 30 millions d’euros en 2018, pour donner à cette politique les moyens de ses ambitions et permettre à la réforme de 2014, qui repose sur une procédure d’appel à projets, de faire ses preuves, ce qui n’est pas le cas à ce jour.
Cet amendement répond aussi à une exigence de sincérité budgétaire. Chaque année, en effet, les dépenses effectivement engagées par le FISAC excèdent largement les crédits prévus en loi de finances initiale. Ainsi, en 2016, 37,1 millions d’euros ont été engagés, contre 27,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale.
Sur ces 17 millions d’euros, 5 millions d’euros seraient réservés à un fonds spécifique d’aide aux stations-service de proximité. Alors que celles-ci représentent un enjeu crucial pour la cohésion de nos territoires, leur nombre continue de diminuer, au profit notamment des stations adossées aux grandes et moyennes surfaces. La France, qui comptait 33 000 stations-service traditionnelles en 1985, n’en compte plus que 5 347 aujourd’hui. Quelque 320 stations-service ont donc fermé durant la seule année 2016. Or, depuis la suppression du Comité professionnel de distribution des carburants en 2015, les aides aux stations-service de proximité ne font plus l’objet d’un dispositif dédié, à l’exception des 2 200 dossiers en souffrance au moment de la fermeture du CPDC, repris par le FISAC, le dernier ayant été clôturé en juillet 2017.
Afin d’assurer l’avenir des stations-service de proximité, il importe donc de maintenir un dispositif spécifique, géré par le FISAC, dédié à la mise aux normes environnementales –remplacement des cuves –, aux énergies renouvelables – bornes électriques, stations hydrogène, etc. –, à la diversification – relais colis, dépôt de pain, etc. – ou à la dépollution des stations ne trouvant pas de repreneur.
Les crédits seraient transférés du programme 305, « Stratégie économique et fiscale », auquel est rattachée, au titre de l’action n° 01, la subvention à la Banque de France, qui est cette année en hausse alors que des gisements d’économies sont identifiés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-185 rectifié ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Je demande à M. Karoutchi de bien vouloir retirer cet amendement au profit de l’amendement n° II-229, que je viens de présenter et qui vise également à doubler les crédits du FISAC, mais en tenant compte de la petite hausse de 2 millions d’euros déjà votée par les députés. Devant l’inertie actuelle du Gouvernement, cela permettrait de constituer un front commun entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement, lors du débat à l’Assemblée nationale, a en effet tenu compte d’un certain nombre d’avis et remis les crédits du FISAC à leur niveau de 2017, soit 16 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette augmentation s’accompagne d’une forte hausse des crédits de paiement. Les crédits sont désormais calibrés pour soutenir les 200 projets engagés. C’est une bonne enveloppe, nous semble-t-il, pour l’année 2018. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, les stations-service de maillage constituent toujours une priorité.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos II-185 rectifié et II-229.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je soutiens l’amendement n° II-185 rectifié, pour plusieurs raisons.
D’abord, s’agissant des stations-service, le bon sens aurait voulu qu’avant d’en venir à utiliser des fonds publics pour rouvrir des stations-service, on envisage la mise en place de normes moins drastiques, afin d’éviter qu’elles ferment toutes, notamment en milieu rural ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.) Aujourd’hui, ce sont souvent les communes qui sont obligées d’intervenir pour préserver ou rouvrir des stations-service de proximité.
Ensuite, nous avons fait remonter, entre 2014 et 2017, près de 17 millions d’euros de crédits du programme LEADER non consommés. Or un cofinancement, qui peut être apporté par le FISAC, permet une meilleure consommation de ces crédits.
Il me semble donc qu’il faut massivement voter en faveur de l’adoption de cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Bien entendu, je soutiens totalement l’amendement de M. Pointereau et je suis tout à fait d’accord avec M. Karoutchi : quand un dispositif fonctionne, il faut le conserver !
En tant qu’élu du milieu rural, j’ai pu constater que le FISAC était très intéressant pour maintenir les quelques commerces qui nous restent.
S’agissant des stations-service, on est en train de prescrire de l’aspirine pour soigner une maladie grave, causée par les normes trop contraignantes et, surtout, les prix libres. Le carburant constitue un produit d’appel pour les supermarchés, et les petites stations ne peuvent pas vivre !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Le Sénat a mis en place une commission de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, dont les conclusions seront présentées dans peu de temps. Le constat est patent : tous nos centres-villes et nos centres-bourgs se dévitalisent dangereusement.
Des millions de mètres carrés de surfaces commerciales supplémentaires sont sur le point d’ouvrir. Ne faudrait-il pas instaurer un moratoire lorsqu’un nombre trop important de grandes surfaces sont déjà implantées dans un secteur donné, avec pour conséquence une dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs ?
Il y a aussi des actions à mener avec les municipalités, les communautés de communes et les communautés d’agglomération, afin de lancer des opérations de revitalisation en matière de bâti, de logement, de services et d’équipements structurants dans les centres-villes et centres-bourgs. Le FISAC est un levier indispensable pour conduire ces politiques ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je propose de fusionner les deux amendements, sachant que, de toute façon, 20 millions d’euros, cela ne suffira pas !
M. Laurent Duplomb. C’est clair !
M. Martial Bourquin. Si le Sénat se rassemblait autour d’un même amendement, ce serait néanmoins un bon début, un commencement d’inversion de tendance.
Certains disent que le commerce de proximité dans les centres-villes et les centres-bourgs, c’est fini ! Pour notre part, nous pensons au contraire qu’il ne faut pas baisser les bras. Le FISAC est un outil indispensable dans cette perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je soutiendrai également l’amendement de Rémy Pointereau.
Dans le monde rural, quand il n’y a plus de commerces, les collectivités se vident, même s’il reste un peu d’activité économique ou industrielle.
M. Karoutchi a raison : il y a tellement de choses qui ne marchent pas et dont on devrait revoir le fonctionnement ! Arrêtons de jeter à la poubelle ce qui marche et occupons-nous de ce qui ne va pas ! Le FISAC est un instrument fantastique.
En adoptant cet amendement, nous montrerons aussi aux collectivités tout l’intérêt que nous portons au monde rural, à nos petites villes, mais aussi à nos anciens, qui ne peuvent pas se déplacer facilement pour aller faire leurs courses ailleurs.
Madame la secrétaire d’État, en prenant en compte cet amendement important, vous montrerez la volonté du Gouvernement d’accompagner les politiques que mènent les maires et les conseils municipaux dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais à mon tour, en ma qualité de sénateur, représentant des territoires, de la ruralité, des collectivités locales, militer pour l’adoption de l’amendement n° II-185 rectifié.
L’une des compétences des collectivités territoriales est précisément de mettre en œuvre des programmes de revitalisation des bourgs-centres, des centres-villes, mais aussi de la ruralité, qui en a tant besoin. À l’origine des projets financés par le FISAC se trouve souvent une collectivité locale, une petite commune qui a envie de garder ses commerces et qui profite de ce levier pour relancer des opérations non seulement de revitalisation de l’artisanat, du commerce et des services, mais aussi d’urbanisme.
Je milite également en faveur de l’adoption de cet amendement en qualité d’ancien président du conseil régional d’Alsace et d’ancien vice-président chargé de l’économie et des fonds européens. À cet égard, le FISAC joue un rôle de détonateur pour l’utilisation des crédits du programme LEADER et de levier pour obtenir des aides du conseil régional et, parfois, du conseil départemental. C’est par l’addition de ces forces que l’on peut entreprendre un vrai projet.
Enfin, dans une vie antérieure, j’étais directeur général de la chambre de métiers d’Alsace. Je puis vous certifier, à ce titre, que le FISAC est un instrument absolument fondamental pour aider au développement de l’artisanat. On ne s’en rend peut-être pas suffisamment compte en haut lieu, mais il permet véritablement de mettre les mains dans le cambouis.
Porter l’enveloppe à 20 millions d’euros, ce n’est donc vraiment pas exorbitant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, vous avez entendu les plaidoyers de l’ensemble de mes collègues, ils vont dans le même sens : nous vous demandons une petite rallonge pour le FISAC, afin de sauver le commerce de centre-ville.
Pour ma part, je voudrais vous proposer une mesure qui ne coûte rien. Dans le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, une disposition introduite par voie d’amendement impose à l’ensemble des stations-service de France la double distribution de carburant et de biocarburant. Je peux vous dire que sa mise en œuvre va entraîner la fermeture des stations-service en zones rurales.
Je regrette que les sénateurs du groupe La République En Marche ne soient pas là… (Exclamations et applaudissements sur différentes travées. – M. Thani Mohamed Soilihi signale sa présence dans l’hémicycle.)
M. Fabien Gay. Ils ne sont jamais là !
Mme Nathalie Goulet. M. Mohamed Soilihi est là !
Mme Sophie Primas. En effet, je vous prie de m’excuser, mon cher collègue ! (Rires et applaudissements sur de nombreuses travées.) Je vous fais donc porte-parole de mes observations auprès des députés de votre groupe : demandez-leur de ne pas voter cette obligation de double distribution ! Sinon, que se passera-t-il, une fois que l’on aura fait mourir ces stations-service ? On demandera de l’argent au FISAC pour les ressusciter… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Dans mon département, extrêmement rural, la petite commune de Lonlay-L’Abbaye, située dans le sud du Domfrontais, a créé une pompe municipale, grâce à la volonté de son maire. Ce type d’opération a un effet d’entraînement évident : les automobilistes qui viennent se servir en carburant en profitent pour faire des courses dans les autres commerces de proximité. Une station-service joue donc un rôle de point d’attraction, outre sa fonction de distribution de carburant, indispensable dans nos territoires où il n’y a ni transports en commun, ni internet à haut débit pour commander des marchandises en ligne, ni téléphonie mobile…
Il est donc extrêmement important pour l’attractivité des territoires de pouvoir flécher des crédits au bénéfice des stations-service de proximité. C’est pourquoi je voterai l’amendement n° II-85 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRCE votera les amendements, eu égard à l’importance du FISAC en tant que levier pour accéder à d’autres aides. C’est l’un des outils, de moins en moins nombreux, dont disposent encore les élus locaux pour redynamiser les centres-villes ou les centres-bourgs. Cela étant, cette redynamisation exige aussi que l’on mette en place, dans le même temps, d’autres actions, en particulier en ce qui concerne l’habitat et l’accueil de nouvelles populations.
En tout cas, on ne saurait fragiliser le FISAC. D’ailleurs, nous sommes nombreux ici à être sollicités par les élus qui attendent une réponse à leurs demandes d’aide.
Il semble qu’un grand œcuménisme se manifeste sur ce sujet précis dans notre assemblée, mais nous devrons mener une réflexion plus globale sur la problématique du développement des centres commerciaux. À cet égard, je constate que les commissions départementales, où siègent de nombreux élus locaux, donnent systématiquement des avis favorables à l’installation ou à l’agrandissement de grandes surfaces commerciales en périphérie de nos villes.
M. André Reichardt. Tout à fait juste !
Mme Cécile Cukierman. Cela ne contribue pas à redynamiser le commerce de proximité dans les centres-villes, auquel nous affirmons, toutes et tous, être attachés.
Quoi qu’il en soit, nous voterons en faveur de l’augmentation des crédits du FISAC, tout en regrettant que, là encore, la contrainte de l’exercice budgétaire nous oblige à prélever des crédits sur d’autres programmes de la mission. Les règles de la LOLF nous condamnent à raisonner à budget constant, mission par mission ; il faudrait que nous puissions disposer d’un peu plus de liberté bien plus grande dans l’exercice de notre droit d’amendement lors des débats budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. J’apporte mon soutien à l’amendement n° II-185 rectifié, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, pratiquant le dispositif du FISAC depuis plusieurs décennies, je puis dire qu’il a fait ses preuves dans nos zones rurales. Je trouverais vraiment dommage de le fragiliser par une diminution de ses crédits.
Ensuite, nos territoires ont été bousculés ces dernières années, en raison notamment des regroupements de communautés de communes. Dans beaucoup d’intercommunalités, une réflexion sur l’avenir du territoire a été menée, qui a très souvent conduit à ériger en priorité la redynamisation des commerces dans les centres-bourgs.
Madame la secrétaire d’État, 20 millions d’euros, cela ne fait guère que 200 000 euros par département, ou 100 000 euros par projet, puisque vous nous avez dit avoir 200 projets sous le coude ! On peut donc penser qu’une enveloppe de 20 millions d’euros n’est même pas suffisante… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Pour aller dans le sens de Cécile Cukierman et de Martial Bourquin, je vais faire une proposition que j’espère œcuménique. Il est tout à l’honneur de cette assemblée de savoir se rassembler sur ce genre de sujet.
Nous avons tous connu, dans nos petits villages, la fin du dernier commerce. Quand on réussit à en rouvrir un, souvent grâce au FISAC, tout change, y compris le lien intergénérationnel. Comme l’a dit Mme Goulet, une station-essence peut ainsi devenir un point de convergence, un facteur de vie. Or l’objet de l’amendement n° II-185 rectifié ne fait pas mention des stations-service, qu’il est pourtant nécessaire de pouvoir aider. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je propose de rectifier l’amendement n° II-229 de la commission des finances afin qu’il vise, lui aussi, à porter les crédits du FISAC à 20 millions d’euros, comme l’amendement n° II-185 rectifié, tout en prévoyant, dans son objet, le fléchage d’une partie des crédits vers les stations-service. Si M. Karoutchi est d’accord, il pourrait alors retirer son amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. J’ai l’impression que l’œcuménisme a des limites…
M. Roger Karoutchi. En effet, l’œcuménisme a des limites !
La loi, ce n’est pas le commentaire, si intéressant soit-il, et l’objet ne fait pas partie du dispositif de l’amendement.
Par ailleurs, ce qui me gêne un peu, ce n’est pas que l’on veuille aider les stations-service, mais qu’une enveloppe d’un montant prédéterminé leur soit affectée. Nous préférerions que l’on laisse les collectivités locales décider selon leurs besoins, sans allouer d’office 5 millions d’euros aux stations-service ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Peut-être cette enveloppe ne serait-elle pas entièrement consommée, tandis que d’autres projets se trouveraient bloqués faute de financement. Restons-en à notre amendement, qui vise à porter les crédits du FISAC à 20 millions d’euros sans en flécher une partie !
Au-delà de la satisfaction que peut nous procurer l’œcuménisme qui règne dans l’hémicycle sur cette question, il convient de faire en sorte que le Gouvernement ne soit pas tenté de susciter à l’Assemblée nationale un œcuménisme contre la position du Sénat… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Xavier Iacovelli. C’est pas gagné !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d’État, on ne peut pas philosopher sur la ruralité, prôner un développement équilibré de nos territoires, et en même temps raisonner en silos sur chaque politique afin de rogner les crédits, comme cela a été le cas hier pour le logement, avec la question du prêt à taux zéro.
L’aménagement du territoire comporte de multiples dimensions. On sait combien la vitalité du commerce de centre-ville est un élément structurant du territoire, non seulement pour la ville elle-même, mais aussi pour la ruralité qui l’entoure.
Le Président de la République, au Congrès des maires, a dit avoir compris les territoires ruraux, les a invités à faire des rêves fous, à oser, mais, chaque jour, nous constatons que les crédits qui permettent de conserver du dynamisme à ces mêmes territoires sont sabrés !
En matière de maintien des commerces de proximité, il est essentiel de faire de la prévention. Le FISAC permet, en sauvant le dernier commerce, d’empêcher la dévitalisation des centres-villes, du moins quand il n’est pas déjà trop tard…
De grâce, madame la secrétaire d’État, arrêtons d’être hors-sol et dogmatiques ! Si vous aimez nos territoires et si vous croyez à l’équité, écoutez-nous ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Mes chers collègues, je crois qu’il n’y a pas de difficulté entre nous sur le fond, mais quel amendement retenir ? Je ne comprends d’ailleurs pas bien que M. Karoutchi soutienne un autre amendement que celui de la commission des finances, dont il est pourtant membre…
M. Roger Karoutchi. Et alors ? Je soutiens celui que j’ai cosigné !
M. Claude Raynal. Nous nous sommes déjà plus d’une fois mis d’accord pour soutenir ensemble le même amendement, heureusement ! L’amendement n° II-229 a été voté sur toutes les travées en commission des finances. Il rassemble donc l’ensemble de notre assemblée. Je trouverais élégant que les signataires de l’amendement n° II-185 rectifié le retirent au profit de celui de la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Le règlement intérieur d’attribution des subventions du FISAC ne permet plus, depuis juillet dernier, d’aider les stations-service. Par conséquent, cela restera ainsi, monsieur Karoutchi, si nous ne visons pas explicitement les stations-service pour ouvrir à nouveau la possibilité de les financer. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° II-185 rectifié est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, je veux bien le retirer au profit de l’amendement de la commission des finances rectifié pour porter les crédits du FISAC à 20 millions d’euros, à condition que l’on n’affecte pas a priori une somme déterminée au financement des stations-service. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Nous sommes d’accord pour que l’on ouvre la possibilité de financer les stations-service, mais sans fléchage d’une enveloppe spécifique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Il n’y a aucun problème, monsieur Karoutchi ! Notre seul souhait est de rendre de nouveau les stations-service éligibles aux crédits du FISAC, et non pas de flécher vers elles telle ou telle somme prédéterminée.
Nous modifions donc également l’objet de notre amendement afin de mentionner simplement que les stations-service seront éligibles aux crédits du FISAC, sans aucun fléchage d’aucune somme.
Cette précision me semble de nature à nous permettre de sortir de ce débat par le haut, dans l’intérêt de nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. Soit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-185 rectifié est retiré.
Je suis saisie d’un amendement n° II-229 rectifié, présenté par Mme Espagnac et M. Lalande, au nom de la commission des finances, qui est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’amendement n° II-444, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
||||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° II-519.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-519, présenté par Mme N. Goulet, qui est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
4 000 000 4 000 000 |
4 000 000 4 000 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
||||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
4 000 000 4 000 000 |
4 000 000 4 000 000 |
||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Ces deux amendements concernent Business France, dont j’ai déjà évoqué brièvement, tout à l’heure, l’efficacité, mais aussi le manque de moyens.
L’amendement n° II-444 vise à accroître les moyens financiers, l’amendement n° II-519 tend à augmenter les moyens humains.
Les besoins et les demandes en matière de promotion de nos entreprises à l’étranger sont aujourd’hui multiples. Or quand le bureau de Moscou de Business France doit couvrir l’ensemble de l’Asie centrale, voire le Caucase, son personnel, n’ayant pas le don d’ubiquité, ne peut évidemment pas rendre tous les services attendus, alors que les opportunités économiques sont nombreuses.
L’amendement n° II-444 prévoit d’abonder les crédits de Business France de 20 millions d’euros. L’amendement n° II-519 tend à renforcer ses moyens humains, en diminuant les crédits de personnel de la direction générale du Trésor. On ne mesure pas bien l’efficacité des agents de celle-ci en poste à l’étranger, qui touchent des primes d’expatriation et représentent 664 équivalents temps plein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Si nous partageons l’analyse de notre collègue, je relève que le directeur général de Business France vient de remettre au Gouvernement un rapport sur l’internationalisation de l’économie française. Nous pensons préférable d’attendre d’en connaître la teneur, s’agissant notamment des équilibres financiers proposés – Mme la secrétaire d’État nous donnera peut-être quelques indications à ce sujet –, avant le cas échéant de décider d’accorder des crédits supplémentaires.
Pour autant, la commission des finances est extrêmement vigilante sur cette question. C’est pourquoi elle a déposé un amendement visant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport beaucoup plus global sur la situation de Business France.
Je vous propose donc, madame Goulet, de retirer vos amendements au profit de celui de la commission des finances, qui sera examiné tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. En ce qui concerne l’amendement n° II-444, qui prévoit d’augmenter les crédits de Business France, je rappelle que l’agence est engagée dans une évolution profonde de son modèle d’affaires et de financement. Ainsi, elle va augmenter la part de ses ressources propres. Des progrès importants ont déjà été réalisés en la matière, puisque la part de celles-ci est passée, en trois ans, de 45 % à 49 % du total des ressources.
Ces réformes ont pour objectif de toujours mieux répondre aux demandes des entreprises exportatrices. Tel est aussi l’objet de la mission confiée à Christophe Lecourtier, le nouveau directeur général.
Les propositions de réforme du dispositif de soutien à l’export que M. Lecourtier a remises à ses tutelles impliquent notamment la création de nouveaux outils digitaux pour mieux servir les entreprises, ce qui supposera des investissements à court terme. Elles impliquent aussi une rationalisation des dispositifs et une meilleure articulation entre les différents intervenants.
Une évaluation du coût des investissements doit encore être menée avec l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels Business France, en tenant compte des marges d’efficience collective qui seront dégagées grâce à une meilleure organisation de l’ensemble du dispositif.
Les financements que cette réforme rendrait nécessaires seront identifiés au terme de cette réflexion. L’ouverture de crédits que propose aujourd’hui l’auteur de cet amendement apparaît donc prématurée.
En outre, cet amendement est gagé sur les dépenses hors personnel de l’INSEE. La mise en œuvre de ce gage serait extrêmement douloureuse, et même clairement insoutenable, pour l’INSEE, puisqu’elle amputerait d’un tiers ses autorisations d’engagement, qui s’élèvent à 61 millions d’euros, et de 40 % ses crédits de paiement, qui sont de 52 millions d’euros.
En ce qui concerne la masse salariale du programme 305, c’est-à-dire celle de la direction générale du Trésor, elle augmente de 4 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2018. Cette augmentation se fonde sur des prévisions d’exécution pour 2017 et résulte, pour l’essentiel, de facteurs exogènes, notamment la variation de l’indemnité de résidence à l’étranger des agents expatriés, celle-ci étant indexée sur le cours de l’euro, lequel a connu une baisse en 2017, et de mesures de transfert de services.
Il convient de rappeler que le programme 305 supportera vingt-quatre suppressions de postes en 2018, soit 1,5 % du plafond d’emploi de 2017, dont vingt et un à la direction générale du Trésor et trois à la direction de la législation fiscale.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Madame Goulet, les amendements nos II-444 et II-519 sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Goulet. Je comprends bien les arguments que l’on m’oppose, mais ce n’est jamais le bon moment, jamais le bon texte !
Si nous ne saisissons pas l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances, Business France, qui est aujourd’hui complètement débordée, devra attendre une année encore pour obtenir des moyens supplémentaires. Pendant ce temps-là, les entreprises françaises qui essayent de s’implanter ou de se développer à l’étranger sont livrées à elles-mêmes ! Que faisons-nous pour répondre concrètement aux besoins de ces entreprises et de Business France ?
Il ne faudra pas s’étonner si, l’année prochaine, nous constatons les mêmes difficultés qu’aujourd’hui ! Ne pas augmenter les crédits de Business France est franchement un très mauvais signal.
Cela étant dit, je retire les amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos II-444 et II-519 sont retirés.
L’amendement n° II-562 rectifié, présenté par M. Tissot, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et P. Joly, Mme Lienemann et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises et régulation dont titre 2 |
300 000 |
300 000 |
||
Plan “France Très haut débit” |
||||
Statistiques et études économiques dont titre 2 |
||||
Stratégie économique et fiscale dont titre 2 |
300 000 |
300 000 |
||
TOTAL |
300 000 |
300 000 |
300 000 |
300 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. M. Tissot, qui ne pouvait être présent, m’a demandé de présenter cet amendement.
La protection économique du consommateur est l’objet de l’action n° 17 du programme 134, qui comporte des dépenses d’intervention en faveur de l’Institut national de la consommation, de quinze associations de consommateurs, du Centre européen des consommateurs français et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC.
Les quinze associations nationales agréées qui siègent au Conseil national de la consommation travaillent au quotidien auprès des consommateurs pour l’accès au droit et à l’information juridique en droit de la consommation, ainsi que pour le règlement amiable des litiges.
Ces associations jouent également un rôle crucial dans l’éducation et l’accompagnement des consommateurs au travers des études et des analyses qu’elles produisent. Dans de nombreux cas, elles ont joué un rôle de lanceur d’alerte : on peut évoquer leur combat contre l’obsolescence programmée ou les révélations sur des médicaments comme le Levothyrox ou la Dépakine.
Le monde de la consommation est actuellement en pleine mutation et les consommateurs ont besoin d’information, de conseil et d’orientation pour faire des choix éclairés et indépendants pour aujourd’hui et pour demain. Sans ces associations, ce sont des missions de service public qui ne sont plus assurées sur l’ensemble du territoire national.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait initialement une diminution des crédits d’intervention de 40 %, soit d’environ 2,2 millions d’euros. L’examen du texte à l’Assemblée nationale a permis de majorer ces crédits de 1,9 million d’euros, ce qui a ramené leur baisse à 5 %, au lieu de 40 %.
Pour autant, ces associations ont déjà produit de nombreux efforts ces dernières années pour maintenir leur activité au service des consommateurs, malgré des diminutions successives de leurs subventions. Toute nouvelle baisse du financement aurait des effets irréversibles sur l’organisation de leur implantation, leur maillage territorial et les missions qu’elles assurent au quotidien. Pour que ces structures demeurent en mesure d’accompagner les consommateurs pour relever les défis résultant des différentes transitions économiques, énergétiques, numériques, environnementales et sociales, il est proposé de maintenir leurs subventions au niveau actuel, soit 5,4 millions d’euros.
Cet amendement tend donc à majorer de 300 000 euros les crédits d’intervention dédiés à la protection économique du consommateur qui sont inscrits à l’action n° 17 du programme 134.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Comme cela a été dit, les subventions aux mouvements de défense des consommateurs affichaient une baisse de 40 % dans le projet de loi de finances initiale. L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à majorer les crédits de 3,1 millions d’euros, ce qui a permis de ramener la baisse à seulement 5 % et de préserver les moyens, et donc l’indépendance, de ces organismes, sans pour autant remettre en cause la nécessité de réaliser des économies de fonctionnement.
Le Gouvernement avait donné un avis favorable à l’atténuation de l’effort initialement demandé. Il semble donc que nous partagions tous la même préoccupation à cet égard. Toutefois, compte tenu de la majoration déjà adoptée par les députés, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement, attaché à la protection des consommateurs, indispensable à la préservation de leur confiance et au bon fonctionnement des marchés, a en effet soutenu la décision de l’Assemblée nationale d’abonder les subventions aux associations consuméristes à hauteur de 3,1 millions d’euros. .
Toutefois, nous considérons qu’il n’est pas opportun d’aller au-delà de cette remise à niveau, qui limite à 5 % seulement la baisse des subventions et permet d’envoyer un signal pour une amélioration de l’efficacité de cet écosystème.
Nous suggérons le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Même avis.
Mme la présidente. Monsieur Joly, l’amendement n° II-562 rectifié est-il maintenu ?
M. Patrice Joly. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-562 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 54 quinquies à 54 octies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Économie ».
Économie
Article 54 quinquies (nouveau)
La section 3 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifiée :
1° Au d du 3° du II de l’article L. 621-5-3, les mots : « un taux fixé » sont remplacés par les mots : « des taux fixés » et le mot : « peut » est remplacé par le mot « peuvent » ;
2° Il est ajouté un article L. 621-5-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 621-5-5. – L’Autorité des marchés financiers peut recevoir des contributions versées à titre volontaire par des associations professionnelles représentant les personnes soumises à son contrôle, en vue du financement de projets d’intérêt commun.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise l’affectation de ces contributions et les associations mentionnées au premier alinéa. »
Mme la présidente. L’amendement n° II-227, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances propose de supprime l’article 54 quinquies, qui constitue le comble de l’horreur budgétaire ! En effet, il vise tout simplement à contourner un plafond en créant – l’imagination est au pouvoir ! – une contribution volontaire obligatoire des entreprises.
L’Autorité des marchés financiers, l’AMF, a des besoins d’argent, sans doute légitimes. Cela aurait normalement dû conduire à relever son plafond de ressources. Au lieu de cela, on supprime une taxe pour la remplacer par une contribution volontaire obligatoire…
Il vaut mieux revenir à l’essentiel et considérer que si l’AMF a des besoins financiers, il suffit de relever le plafond des ressources affectées, fixé à 94 millions d’euros pour 2016.
Si nous ne supprimons pas cet article, il n’y aura plus de limite aux artifices budgétaires ! Peut-être pourrait-on demain supprimer les impôts et les remplacer par des contributions publiques volontaires obligatoires ! Je pense préférable de mettre fin à cette plaisanterie et inviter le Gouvernement à donner à l’AMF les moyens dont elle a besoin en relevant son plafond de ressources. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité, pour l’AMF, de prélever des contributions volontaires non obligatoires, la priverait de ressources pour financer des investissements exceptionnels qui contribuent à l’attractivité de la place de Paris et que les acteurs concernés sont prêts à financer, au moment où, à la suite du Brexit, la concurrence entre les places financières bat son plein. On rendrait ainsi un mauvais service à l’attractivité de notre pays !
Je le rappelle, ces contributions serviront à financer des projets informatiques ponctuels et d’intérêt commun, qui ne touchent absolument pas aux missions régaliennes de l’AMF, dont l’autonomie financière dans l’exercice de ces missions n’est pas remise en cause.
Ce panachage entre contributions obligatoires ajustées et contributions volontaires nous paraît constituer la solution la plus équilibrée, qui, sans remettre en cause le niveau structurel des ressources de l’AMF, permettra de lui ménager les marges de manœuvre budgétaires dont elle a ponctuellement besoin.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si l’AMF a des besoins dans le contexte du Brexit, ce que nous pouvons comprendre, il suffit de relever son plafond de ressources. Le Gouvernement propose de supprimer une taxe obligatoire et de la remplacer par une contribution volontaire. Que se passera-t-il si les entreprises décident de ne pas verser leur contribution ? Les ressources de l’AMF s’en trouveront diminuées d’autant.
Il s’agit en fait, avec cet article, du contournement d’un arbitrage budgétaire qui a été perdu. Faute d’avoir eu gain de cause, on a choisi d’inventer ce mécanisme quelque peu tordu de remplacement d’un impôt par une contribution volontaire… Pourquoi ne pas généraliser ce procédé en supprimant les impôts acquittés par nos compatriotes et en les remplaçant par des contributions volontaires ? Je ne suis pas certain que cela puisse marcher !
Que le Gouvernement prenne ses responsabilités et donne à l’AMF les moyens dont elle a besoin en toute transparence, en relevant son plafond de ressources affectées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance, nous voterons évidemment l’amendement du rapporteur général !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Je veux préciser que le plafond de ressources de l’AMF n’est pas abaissé, mais simplement modulé. Il y a 94 millions d’euros de crédits par taxe affectée, contre un besoin de 6 millions d’euros par contribution volontaire. Je pose les chiffres sur la table. Nous avons besoin de ces deux modalités de financement de l’AMF, de manière à respecter la contrainte budgétaire tout en répondant aux besoins ponctuels que j’évoquais.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis béotien en la matière, mais je suis admiratif devant une contribution volontaire dont on sait déjà qu’elle rapportera 6 millions d’euros ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Je salue la beauté de la chose : une contribution volontaire dont le montant est fixé à l’avance…
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est la jurisprudence Balladur !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 54 quinquies est supprimé.
Article additionnel après l’article 54 quinquies
Mme la présidente. L’amendement n° II-718, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 54 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 23 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. – I. – Les organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application de l’article L. 2152-6 du code du travail sont habilitées à conclure un accord pour mettre en œuvre des actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales définies à l’article 19.
« Les actions collectives de communication et de promotion ont pour objet :
« 1° De maintenir et développer le potentiel économique du secteur de l’artisanat et concourir à la valorisation de ses savoir-faire auprès du public ;
« 2° De promouvoir les métiers de l’artisanat auprès des jeunes, de leurs parents, des professionnels de l’éducation, de l’orientation et de l’emploi.
« II. – L’accord mentionné au I :
« 1° Détermine les actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales ;
« 2° Désigne l’entité de droit privé, mentionnée au V, chargée de mettre en œuvre les actions collectives de communication et de promotion ;
« 3° Peut instituer une contribution obligatoire due par les entreprises artisanales adhérentes aux organisations professionnelles signataires destinée à financer les dépenses des actions collectives de communication et de promotion et les dépenses de fonctionnement de l’entité de droit privé mentionnée au V, chargée de mettre en œuvre ces actions. L’accord détermine l’assiette, le montant et les modalités de perception de cette contribution. Le montant de la contribution ne peut être supérieur à 10 % du montant de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts, dans la limite d’un montant, par entreprise artisanale, fixé par arrêté du ministre chargé de l’artisanat.
« L’accord précise la durée pour laquelle il est conclu. Après chaque arrêté fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel et en l’absence de conclusion d’un nouvel accord, l’accord en vigueur cesse de produire ses effets le 1er janvier de l’année suivant celle de la publication de l’arrêté prévu à l’article L. 2152-6 du code du travail.
« III. – L’accord, ses avenants ou annexes peuvent, à la demande unanime des organisations professionnelles d’employeurs signataires, être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par arrêté du ministre chargé de l’artisanat aux entreprises artisanales assujetties aux a et b de l’article 1601 du code général des impôts. La contribution perçue, nonobstant son caractère obligatoire, demeure une créance de droit privé.
« Pour pouvoir être étendus, l’accord, ses avenants ou annexes ne doivent pas avoir fait l’objet dans un délai d’un mois à compter de la publication par arrêté du ministre chargé de l’artisanat d’un avis d’extension au Journal officiel de la République française, de l’opposition écrite et motivée d’une ou de plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, non signataires de l’accord, ses avenants ou annexes.
« Les conditions d’extension des accords, avenants ou annexes ainsi que le droit d’opposition sont précisées par décret.
« IV. – L’accord peut être dénoncé par une des organisations professionnelles d’employeurs signataires. La dénonciation est portée à la connaissance du ministre chargé de l’artisanat qui procède à l’abrogation de l’arrêté d’extension.
« V. – Les actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales et la gestion de la contribution due par les entreprises artisanales sont confiées à une association, administrée par un conseil d’administration composé de représentants des organisations professionnelles d’employeurs signataires. Au sein du conseil d’administration, chaque organisation professionnelle d’employeurs dispose d’un nombre de voix proportionnel à son audience au niveau national et interprofessionnel. Pour l’appréciation de cette audience, est pris en compte le nombre des entreprises adhérentes à l’organisation professionnelle d’employeurs représentative au niveau national et interprofessionnel tel qu’il résulte de la dernière mesure d’audience prévue à l’article L. 2152-4 du code du travail. Ces représentants sont renouvelés au plus tard le 1er janvier de l’année suivant celle de la publication de l’arrêté prévu à l’article L. 2152-6 du code du travail.
« Les statuts de l’association peuvent prévoir que des représentants de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat ou des personnalités qualifiées participent avec voix consultative au conseil d’administration.
« Le ministre chargé de l’artisanat désigne un commissaire du Gouvernement auprès de l’association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toute délibération du conseil d’administration. Il a communication de tous les documents relatifs à la gestion de l’association.
« Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance ou autorité interne de l’association n’est pas conforme aux dispositions du présent article, à des stipulations de l’accord mentionné au I ou à des dispositions légales ou réglementaires, il saisit le président du conseil d’administration, qui lui adresse une réponse motivée.
« VI. – Les organisations professionnelles d’employeurs signataires de l’accord fournissent chaque année aux autorités administratives compétentes :
« 1° Un bilan d’application de l’accord étendu ;
« 2° Le compte financier, un rapport d’activité et le compte rendu des assemblées générales de l’association chargée de la mise en œuvre des actions collectives de communication et de promotion et de la gestion de la contribution due par les entreprises artisanales.
« Elles communiquent aux autorités administratives compétentes tous documents dont la communication est demandée par celles-ci pour l’exercice de leurs pouvoirs de contrôle. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Cet amendement tire les conséquences de la suppression par le projet de loi de finances pour 2018, à compter du 1er janvier 2018, de la taxe fiscale affectée qui alimente le Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat, le FNPCA. Cette taxe représente une contribution de 11 euros par an pour chaque entreprise artisanale. La suppression de cette taxe emportera de facto la suppression du FNPCA.
Or, depuis sa création en 1997, le FNPCA a contribué à installer durablement, dans l’esprit du public, une image positive de l’artisanat. Nous souhaitons permettre une continuation des actions de communication menées. Pour ce faire, un mécanisme de substitution, compatible avec les règles du droit européen, a été élaboré. Il reposera sur une contribution privée, gérée par un organisme privé.
L’adoption de cet amendement habilitera les organisations professionnelles d’employeurs à conclure un accord qui leur permettra de mener des actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est absolument génial ! On a enfin trouvé le moyen de faire baisser le taux de prélèvements obligatoires en France, l’un des plus élevés au monde ! On va supprimer les impôts, les taxes affectées, et on va les remplacer par des contributions volontaires obligatoires ! (M. Roger Karoutchi rit.) C’est merveilleux ! Annonçons aux Français qu’ils ne vont plus payer d’impôts, mais seulement des contributions volontaires obligatoires !
Je vais émettre un avis de sagesse sur cet amendement, parce que son adoption ne changera strictement rien sur le fond. Le dispositif de l’article que nous venons de supprimer était encore plus tordu en ce sens qu’il ne garantissait pas le niveau de ressources attendu, l’entreprise n’étant absolument pas obligée de payer. Là, elle y sera contrainte puisqu’il s’agit d’une contribution volontaire obligatoire. L’imagination est au pouvoir ! Le seul effet de l’adoption de cet amendement sera de diminuer artificiellement le taux de prélèvements obligatoires en France. Cela me donne des idées en vue de la discussion du projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Il s’agit de transférer aux acteurs du secteur de l’artisanat, qui sont demandeurs, la gouvernance de cet outil. Ils seront ainsi en mesure de décider eux-mêmes des actions de promotion de leurs métiers. Cette mission peut, me semble-t-il, relever de l’initiative privée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Tout à l’heure, notre collègue Nathalie Goulet a dénoncé la complexité de l’organisation de la promotion de l’artisanat et des entreprises, et le Gouvernement propose ici de créer encore un outil supplémentaire… Il y a déjà les chambres de métiers et quantité d’autres structures qui agissent pour promouvoir l’artisanat ! Pourquoi rajouter à la complexité ? Tout cela mériterait peut-être un examen plus approfondi en termes de choix budgétaires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les contributions volontaires obligatoires, d’habitude, c’est la Mafia qui les exige ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Don Montgolfier !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-718.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 54 sexies (nouveau)
L’article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 est ainsi modifié :
1° Après le İ, il est inséré un İ bis ainsi rédigé :
« İ bis. – Il est institué une taxe pour le développement des industries de fabrication du papier, du carton et de la pâte de cellulose.
« I. – Le produit de cette taxe est affecté, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 précitée, au Centre technique de l’industrie des papiers, cartons, et celluloses, dénommé Centre technique du papier, pour financer les missions de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologies qui lui sont dévolues en application de l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code.
« Les opérations financées au moyen du produit de cette taxe font l’objet d’une comptabilité distincte tenue par le centre technique industriel.
« II. – Cette taxe est due :
« 1° Par les fabricants établis en France du papier, du carton et de la pâte de cellulose ;
« 2° À l’occasion de l’importation du papier, du carton et des pâtes chimiques de bois à dissoudre, par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration en douane ou, solidairement, par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, défini à l’article 5 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.
« Les produits des industries de la fabrication du papier, du carton et de la pâte de cellulose soumis à cette taxe sont recensés par arrêté du ministre chargé de l’industrie, en référence à la nomenclature de produits française en vigueur.
« III. – Constituent des fabricants les entreprises qui :
« 1° Vendent les produits mentionnés au II :
« a) Après les avoir fabriqués ou assemblés ;
« b) Après les avoir conçus et fait fabriquer ou assembler par un ou plusieurs tiers, quel que soit le lieu de fabrication ou d’assemblage, soit en leur fournissant les matières premières, soit, s’agissant des produits dont l’assemblage est confié à un ou plusieurs tiers, en leur imposant des techniques faisant l’objet de brevets, de procédés, de formules ou de plans, dessins ou modèles, quel qu’en soit le support, dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité, soit en leur imposant des dimensionnements, des spécifications ou des technologies ;
« c) Après y avoir apposé ou fait apposer des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité ;
« 2° Travaillent à façon ou réalisent des prestations portant sur les produits mentionnés au II.
« IV. – La taxe est assise sur le chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé ou, à défaut, sur la valorisation, déterminée à partir de la comptabilité de l’entreprise, au titre des ventes, exportations ou autres prestations de services et des opérations à façon portant sur les produits mentionnés au II.
Elle est déterminée dans les conditions suivantes :
« 1° Pour les produits que l’entreprise fabrique ou fait fabriquer et livre à des tiers, la taxe est assise sur le chiffre d’affaires, hors taxes, généré par la vente de ces produits ;
« 2° Pour les papiers et cartons que l’entreprise fabrique et incorpore dans des ensembles non soumis à la présente taxe et destinés à la vente, la taxe est assise sur la valeur de ces papiers et cartons. Il appartient au fabricant de déterminer la valeur vénale des produits incorporés en la justifiant par tous documents probants ;
« 3° Pour la pâte de cellulose, n’entrent pas dans l’assiette les pâtes de cellulose transformées au sein de la même entreprise, ainsi que les ventes effectuées auprès d’entreprises françaises contrôlées à 100 % par l’entreprise assujettie ou contrôlant à 100 % l’entreprise assujettie. Sont également exclues de l’assiette les ventes effectuées entre deux filiales françaises contrôlées à 100 % par la même entreprise.
« Pour les importations, la taxe est assise sur la valeur en douane appréciée au moment de l’importation sur le territoire national.
« V. – Le taux de la taxe est fixé à 0,4 ‰.
« Il peut être révisé chaque année par décret à l’intérieur d’un intervalle compris entre 0,4 ‰ et 0,6 ‰.
« VI. – Les importations en provenance d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen sont exonérées de ladite taxe.
« VII. – Le fait générateur de la taxe est constitué par :
« 1° La livraison des produits, pour les ventes et livraisons à soi-même ;
« 2° L’importation sur le territoire national, pour les importations ;
« 3° L’exécution des services pour les prestations de services et les opérations à façon.
« VIII. – La taxe est exigible :
« 1° À la date du fait générateur pour les ventes et à la date de l’expédition pour les exportations ;
« 2° Lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération pour les prestations de services ou les opérations à façon.
« La circonstance qu’un produit ou une prestation qui est pris en compte pour le calcul du chiffre d’affaires d’une entreprise a donné lieu, à un stade antérieur, au versement de cette taxe n’ouvre aucun droit à déduction.
« Les redevables adressent au Centre technique du papier, au plus tard le 25 du mois suivant l’expiration de chaque semestre, la déclaration du chiffre d’affaires imposable qu’ils ont réalisé au titre du semestre écoulé. Le présent alinéa s’applique aux opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2018.
« Cette déclaration est conforme à un modèle établi par arrêté du ministre chargé de l’industrie.
« Lorsqu’elle est due sur les produits importés, la taxe est recouvrée par l’administration des douanes et droits indirects, selon les règles, garanties et sanctions applicables en matière de droits de douanes. Le produit de la taxe est versé mensuellement au centre technique mentionné au I. » ;
2° Le J est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « İ » est remplacée par la référence : « İ bis » ;
b) Le I est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « et le Centre technique industriel de la plasturgie et des composites » sont remplacés par les mots : « , le Centre technique industriel de la plasturgie et des composites et le Centre technique de l’industrie des papiers, cartons et celluloses » ;
– à la première phrase du troisième alinéa, les mots : « et du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites » sont remplacés par les mots : « , du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites et du Centre technique de l’industrie des papiers, cartons et celluloses » ;
– au neuvième alinéa, la référence : « et İ » est remplacée par les références : « İ et İ bis » ;
c) À la fin du premier alinéa et au troisième alinéa du II, la référence : « du İ », est remplacée par les références : « des İ et İ bis ». – (Adopté.)
Article 54 septies (nouveau)
I. – Au premier alinéa du I de l’article 120 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, les mots : « en tout ou partie » sont supprimés.
II. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi modifiée :
1° L’article L. 221-5 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est supprimé.
b) Le sixième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
– à la même première phrase, les mots : « et qui n’ont pas choisi d’opter, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, pour la centralisation intégrale des ressources qu’ils collectent, » sont supprimés ;
– les deux dernières phrases sont supprimées ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, précise les conditions de mise en œuvre du présent article. » ;
2° Au V de l’article L. 221-7, les mots : « en tout ou partie » sont supprimés.
III. – À titre de mesure transitoire et à compter du 1er avril 2018, le fonds prévu à l’article L. 221-7 du code monétaire et financier reverse, sur une période de dix ans, aux établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire les sommes centralisées au-delà de la quote-part mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-5 du même code. Pour les établissements qui en feraient la demande auprès de la Caisse des dépôts et consignations entre le 1er janvier 2018 et le 28 février 2018, cette période peut être réduite entre le 1er avril 2018 et le 1er avril 2020. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, précise les conditions de mise en œuvre du présent III.
IV. – Lorsque les établissements distribuant le livret A et le livret de développement durable et solidaire optent pour la centralisation intégrale des ressources qu’ils collectent après la date du 13 octobre 2017, le montant des dépôts qu’ils ont choisi de ne pas conserver leur est restitué en totalité, à compter du 1er avril 2018. – (Adopté.)
Article 54 octies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2018, un rapport sur le financement public dont bénéficie Business France. Ce rapport évalue la pertinence des choix opérés en termes d’équilibre entre le financement budgétaire et les ressources propres de l’opérateur. À cette fin, il précise les modalités de gratuité et de facturation, selon les cas, des prestations proposées par Business France au regard de l’objectif d’un plus grand accès des petites et moyennes entreprises à ces prestations. Il présente également des éléments permettant d’apprécier la situation de concurrence dans laquelle ces prestations peuvent se trouver avec celles proposées par des opérateurs privés ou consulaires. Il fournit des éléments de comparaison internationale à l’appui de ces constats et comporte, le cas échéant, des recommandations quant à l’évolution souhaitable des différentes ressources et tarifs de l’opérateur.
Mme la présidente. L’amendement n° II-228, présenté par M. Lalande, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Enfin, il évalue les modalités, notamment financières, d’une mise à disposition de Business France des conseillers en développement international relevant du réseau des chambres de commerce et d’industrie, dans le cadre de la modernisation du dispositif public de soutien à l’internationalisation des entreprises.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Madame la secrétaire d’État, sur toutes les travées, nous nous accordons sur un constat qui relève de l’évidence : le commerce extérieur de notre pays connaît un déficit structurel.
Il a été créé, avec Business France, une force de frappe à l’extérieur du pays. Or, à l’intérieur de nos frontières, comme l’a excellemment dit notre collègue Goulet, on trouve, à différents échelons territoriaux, des dizaines et des dizaines d’organismes, de spécialistes, de services d’aide à l’export, chacun essayant, dans son secteur et son territoire, d’être le meilleur. Autant dire qu’il y a une grande dispersion des efforts et des structures ! Il en va exactement de même en matière de crédits. Le résultat de cette situation est un déficit structurel extraordinaire !
Peut-être est-il temps d’étudier, au travers d’un rapport ou d’une mission, s’il existe une relation directe entre un premier de cordée à l’extérieur et une multitude de premiers de cordée à l’intérieur. Comment coordonner tous ces acteurs ? Il convient de déterminer quelles sont les synergies ou les inerties. Tous ne sont pas responsables de notre situation de déficit structurel. Il y a, dans notre pays, une hypocrisie qui, elle aussi, est structurelle.
Mme Nathalie Goulet. Tout à fait.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. L’AFEP, l’Association française des entreprises privées, qui regroupe plus de cent entreprises parmi les plus importantes de France, annonce avec condescendance qu’elle va aider les PME et les ETI à exporter. Signalons tout de même qu’une grande majorité des ETI et des PME sont des sous-traitants des entreprises membres de l’AFEP. En fin de compte, celle-ci demande donc à des sous-traitants de dépendre de l’entreprise donneuse d’ordres en matière d’exportation !
De notre côté, nous qui nous préoccupons en permanence des PME, nous avons multiplié les intervenants en matière de conseil à l’export sur nos territoires. Les PME et les ETI sont ainsi prises entre un foisonnement de conseillers, d’une part, et l’AFEP, d’autre part. Il en résulte que nous n’avons pas de véritable politique de l’exportation pour nos PME et nos ETI. Business France et la Banque publique d’investissement, la BPI, ont été créées dans cette perspective. Il faut aller jusqu’au bout de la réforme !
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Il paraît que nous sommes dans un nouveau monde. Eh bien formons un commando réellement doté des moyens de porter les couleurs de la France à l’export. Les PME et les ETI dépendront alors non plus de l’AFEP ou d’une multitude d’organismes décentralisés, mais bien d’une organisation centralisée au service de l’exportation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Comme je l’ai déjà indiqué, M. Lecourtier a fait des propositions. Les évolutions envisageables porteront, notamment, sur une meilleure articulation de Business France avec les chambres de commerce et d’industrie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens cet amendement, mais si ce rapport ne fait pas une autopsie de la chaîne d’intervenants qui conduit à l’exportation ou à l’établissement de relations économiques, il ne servira à rien ! Pour très bien connaître plusieurs secteurs, je peux vous dire que le nombre d’intervenants est inversement proportionnel à leur efficacité ! Je ne parle même pas des consultants qui ne parlent pas la langue du pays, ni de ceux qui, tels des ouvriers de la vingt-cinquième heure, se greffent sur une opération seulement quand elle est déjà bien lancée, sans compter ceux qui interviennent pour contrecarrer un projet parce que l’idée ne vient pas d’eux !
Cela fait neuf ans que je plaide pour que ce rapport soit complet et, surtout, qu’il soit suivi d’effet. Je suis désormais membre de la commission des finances, et c’est mon dernier mandat : vous allez m’entendre sur ce sujet ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Pas de promesses !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 54 octies, modifié.
(L’article 54 octies est adopté.)
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
1 900 250 000 |
200 250 000 |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
250 000 |
250 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
100 000 000 |
100 000 000 |
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (ligne nouvelle) |
1 700 000 000 |
0 |
Prêts à Bpifrance pour le développement du crédit-export vers l’Iran (ligne nouvelle) |
100 000 000 |
100 000 000 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-415, présenté par M. Bazin, est ainsi libellé :
I. – Supprimer le programme :
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
||||
Prêts pour le développement économique et social |
||||
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
1 700 000 000 |
|||
Prêts à Bpifrance pour le développement du crédit-export vers l’Iran |
||||
TOTAL |
1 700 000 000 |
|||
SOLDE |
- 1 700 000 000 |
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Il s’agit d’une mise en cohérence avec le rejet par le Sénat, il y a une semaine, d’un amendement du Gouvernement qui prévoyait de prêter 1,7 milliard d’euros à la société qui va conduire le projet du Charles-de-Gaulle Express. Je rappelle que le Charles-de-Gaulle Express assurera une liaison directe entre la gare de l’Est et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le prix du billet étant évalué aujourd’hui à environ 27 euros pour un aller simple. Il s’adressera uniquement aux voyageurs internationaux.
Il s’agissait pour nous, en rejetant cet amendement, non de remettre en cause l’intérêt de ce projet défendu par Aéroports de Paris, mais de souligner une incohérence et d’exprimer une grande inquiétude. En effet, depuis plusieurs semaines, le Gouvernement laisse filtrer des informations semblant remettre en question la réalisation de l’ensemble du métro du Grand Paris Express, qui avait fait l’objet d’un accord entre toutes les parties en 2011, accord confirmé en 2013 et assorti d’un engagement sur le calendrier. Est notamment remise en cause la réalisation des lignes 17 et 18 dans les délais prévus, au prétexte qu’elle aggraverait les ratios d’endettement de notre pays.
Dans le même temps, on nous propose de prêter 1,7 milliard d’euros à la société du projet du Charles-de-Gaulle Express, ce qui dégraderait également ces mêmes ratios. Cette société a pourtant indiqué avoir bouclé son plan de financement bancaire. On peut d’autant plus facilement la croire que les taux d’intérêt sont aujourd’hui encore particulièrement favorables pour la réalisation de cette opération.
Il s’agissait donc, d’une part, d’exprimer notre incompréhension quant au prêt de 1,7 milliard d’euros à ladite société – nous n’avons reçu aucune explication à ce sujet –, et, d’autre part, d’appeler très fortement le Gouvernement à nous rassurer dans les plus brefs délais sur la réalisation de la totalité du projet du métro du Grand Paris Express. Cette confirmation est repoussée de mois en mois depuis octobre ; nous l’attendons toujours.
Il me paraît utile de poser avec force, au travers d’un vote de confirmation de notre décision de la semaine dernière, ces deux questions au Gouvernement : pourquoi prêter 1,7 milliard d’euros si ce n’est pas nécessaire ? Pourquoi envisager un tel financement alors que nous n’avons pas encore obtenu la garantie que l’ensemble du métro automatique du Grand Paris Express sera réalisé ? (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis de sagesse, mais uniquement dans un souci de cohérence, la Haute Assemblée ayant supprimé le programme permettant à l’État d’octroyer un prêt à la société du Charles-de-Gaulle Express. Nous étions évidemment défavorables à cette suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je soutiens cet amendement.
On interdit à tous les banlieusards, à tous les provinciaux de venir à Paris en laissant bloquer la circulation sans prévoir d’autres modalités de transport. Notre collègue Bazin, au travers de cet amendement, appelle en fait au développement des transports en commun. Il souligne, à juste titre, que l’on ne voit rien venir, sinon des pauses pour tous les investissements. Il y a là une incohérence ! Les assises de la mobilité se sont transformées en assassinat de la mobilité ! Il s’agit donc d’un amendement d’appel. Nous voulons tous que Roissy Charles-de-Gaulle soit desservi par ce moyen de transport, mais faites aussi un effort pour les autres ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je comprends bien ce qui motive l’amendement de M. Bazin, mais je ne le voterai pas.
Je souligne, pour la énième fois, que le Grand Paris Express est payé non par l’État, mais par l’Île-de-France et par les Franciliens. Le précédent gouvernement nous a imposé de créer des taxes supplémentaires, acquittées par les entreprises et les particuliers, et l’État s’est totalement désengagé du financement des transports publics en Île-de-France. La réalité, c’est que le Grand Paris Express est financé par la région, par les collectivités, par les entreprises et par l’ensemble des Franciliens, qui paient des taxes supplémentaires.
Cela signifie, mon cher collègue Bazin, qu’on ne peut pas soutenir que le financement du Grand Paris Express aggrave l’endettement de l’État, puisque celui-ci ne paye rien !
Je l’ai dit à moult reprises depuis dix ans, le coût du Grand Paris Express a été sous-évalué et le projet a été assorti d’un calendrier irréaliste. Mais tout le monde fait comme si de rien n’était, car entreprises, collectivités, élus, citoyens espèrent obtenir qui un marché, qui une gare, qui une desserte. Je suis pour une réalisation complète du tracé, mais je souhaite surtout que personne ne mente et que tout le monde – le Gouvernement, la région, les départements… – se retrouve autour d’une table pour tout remettre à plat et répondre aux vraies questions : que peut-on faire, dans quels délais et avec quel financement ? Aujourd’hui règne une hypocrisie générale, et je ne sais pas comment tout cela va finir.
Cela fait vingt-cinq ans que l’on parle du Charles-de-Gaulle Express. Je n’étais pour ma part pas très favorable à sa réalisation, mais, dès lors que le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement y sont favorables, il faut trouver une solution pour la financer. Ce qui me gêne beaucoup, madame la secrétaire d’État, c’est que quand la décision a été prise, y compris par le Sénat, on nous a clairement affirmé qu’il n’y aurait pas un centime de fonds publics d’engagé ! Or il est maintenant question d’un prêt de l’État de 1,7 milliard d’euros…
Mme Éliane Assassi. C’est une vraie question !
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je voterai l’amendement de M. Bazin, dont l’intérêt est d’attirer l’attention sur le sujet. Il ne s’agit pas d’opposer un projet à un autre. L’utilité du Charles-de-Gaulle Express est avérée, de même que celle du Grand Paris Express.
Nous sommes dans une situation un peu complexe parce que nous ne connaissons pas, pour l’heure, la réponse de l’État sur la réalisation du Grand Paris Express. Son report commence à pénaliser un projet qui est une priorité pour l’ensemble des élus franciliens. En effet, nous nous sommes engagés dans nos collectivités sur sa mise en œuvre et mobilisé de l’argent public, au travers notamment de la taxe spéciale d’équipement.
Il ne s’agit donc pas d’opposer un projet à l’autre, mais nous voulons mettre l’accent sur la nécessité qui incombe désormais à l’État de lever les incertitudes qui pèsent sur la réalisation du Grand Paris Express depuis que des surcoûts budgétaires ont été identifiés et quantifiés pendant l’été. C’est dans cet esprit que, pour ma part, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je voudrais apporter quelques compléments à ma présentation de cet amendement.
Premièrement, il faut savoir que le projet de métro automatique du Grand Paris Express ne vise pas uniquement à améliorer la desserte et les conditions de transport en commun du quotidien, ce qui est pourtant bien nécessaire. Ce projet traduit surtout une vision du développement de la région capitale, tout à fait indispensable pour nous maintenir dans la compétition des grandes villes-mondes. En Europe occidentale, cette compétition oppose Londres et Paris. Si l’on croit que le Brexit suffira à nous faire l’emporter, on se trompe lourdement ! Nous avons absolument besoin de développer notre région capitale, au bénéfice d’ailleurs de l’ensemble du territoire français. Ce développement doit s’appuyer sur un réseau de transport complet : c’est pourquoi celui-ci doit être réalisé en totalité. Ce point est extrêmement important.
Deuxièmement, monsieur Karoutchi, il n’y a évidemment pas de recours à des fonds de l’État, puisque l’on a créé des taxes spéciales affectées et que ce sont les habitants et les entreprises de l’Île-de-France qui paient. Ce modèle est robuste ; il produit 550 millions d’euros de ressources annuelles et permet à la Société du Grand Paris, la SGP, d’emprunter les fonds nécessaires, même si certaines dépenses pourraient être revues à la baisse pour faciliter la réalisation globale du projet.
L’État nous oppose des critères d’endettement maastrichtiens globaux : à l’en croire, aux yeux de l’Europe, la dette de la SGP serait agglomérée à celle de l’État. Je ne sais pas si c’est techniquement exact.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
M. Arnaud Bazin. En tout cas, c’est ce qu’on nous dit.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas soutenir cet argument et, dans le même temps, endetter le pays à hauteur de 1,7 milliard d’euros pour faciliter la réalisation d’un autre projet, qui a toujours été vu comme non concurrent et différent de celui du Grand Paris Express.
Enfin, le marché bancaire permet de financer le Charles-de-Gaulle Express sans difficulté. C’est pourquoi nous ne comprenons toujours pas pourquoi l’État devrait accorder un prêt à la société qui mène ce projet.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je voterai l’amendement de M. Bazin, mais je partage certaines des objections formulées par M. Karoutchi. De fait, leurs positions ne me semblent pas du tout antagonistes ; au contraire, elles se complètent.
Je partage aussi le sentiment de M. Karoutchi quant à l’hypocrisie du Gouvernement. Celui-ci nous explique que l’organisation des jeux Olympiques est un enjeu essentiel pour la France et que ce projet engage toute la Nation, et non pas seulement les Parisiens et les Franciliens. De même, à la suite du Brexit, le Gouvernement affirme vouloir donner à la place de Paris un rayonnement mondial ; là encore, cette ambition engage toute la Nation. Or il est illusoire de croire que l’on pourra à la fois accueillir les jeux Olympiques et développer la place de Paris sans renforcer de façon considérable tous les transports du quotidien ! Il faut aujourd’hui que l’État prenne ses responsabilités et engage de lourds investissements, par l’emprunt, afin de remettre à niveau la totalité des transports du quotidien.
À ce propos, 1,7 milliard d’euros, c’est exactement le montant nécessaire pour remettre à niveau la ligne B du RER, c’est-à-dire pour créer un tunnel dédié entre Châtelet et Gare du Nord…
Mme Nathalie Goulet. Et le Paris-Granville ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Je suis d’accord avec Roger Karoutchi, d’autant que, élu de la Seine-Saint-Denis, j’avais demandé, dès l’annonce du projet Charles-de-Gaulle Express, que cette ligne marque au moins deux arrêts dans ce département. Or il n’y en aura aucun : les habitants de la Seine-Saint-Denis n’auront pas de desserte pour aller prendre l’avion ou travailler sur la plateforme aéroportuaire, ils n’auront que les nuisances liées aux travaux.
Pour le reste, je suis d’accord : c’est l’Île-de-France qui paie, y compris la Seine-Saint-Denis, laquelle n’accueillera cependant pas une seule station… C’est aberrant !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-415.
(L’amendement est adopté.) (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-394, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
||||
Prêts pour le développement économique et social |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
||||
Prêts à Bpifrance pour le développement du crédit-export vers l’Iran |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Avec cet amendement, nous passons de la théorie à la pratique, puisqu’il a pour objet d’augmenter les fonds de la Banque publique d’investissement, la BPI, destinés au développement du crédit-export vers l’Iran. Un effort considérable est déjà fait, puisqu’il est prévu, très légitimement, de porter ces crédits à 100 millions d’euros ; je propose de les abonder de 20 millions d’euros supplémentaires, car le volume d’affaires est extrêmement important.
J’ai organisé la première exportation de bovins vivants depuis mon département à destination de l’Iran. Je l’ai fait toute seule, grâce à des contacts en Iran, sans l’aide de l’ambassade, de l’administration du commerce extérieur ou du ministère de l’agriculture, au sein duquel on ne sait jamais si des lobbyistes défendant tels ou tels intérêts n’intrigueront pas pour empêcher que les choses se fassent.
Aujourd’hui, le problème majeur qui se pose pour nos entreprises qui veulent commercer avec l’Iran tient à la faiblesse de l’engagement du secteur bancaire. En effet, seules deux banques françaises travaillent aujourd’hui avec l’Iran, les autres étant tétanisées par la crainte des sanctions américaines. D’un point de vue technique, les sanctions sont levées, mais elles ne le sont manifestement pas encore complètement en termes diplomatiques et économiques.
De toute façon, la France a intérêt, d’un point de vue politique et stratégique, à développer les relations commerciales avec l’Iran, de façon à équilibrer les choses entre les deux rives du Golfe persique. Il faut donc aider nos entreprises dans leurs démarches.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Favoriser le développement des relations commerciales avec l’Iran est une excellente chose. Il est important que, dans le cadre de la diplomatie financière, on permette aux entreprises françaises de pénétrer les marchés de ce pays de 80 millions d’habitants.
Néanmoins, une enveloppe de 100 millions d’euros permet déjà un effet de levier intéressant. La commission des finances considère que cette somme est aujourd’hui suffisante. Regardons quels résultats elle permettra d’obtenir avant d’envisager d’abonder l’enveloppe de 20 millions supplémentaires.
Je vous suggère donc, ma chère collègue, de retirer cet amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le programme 869 a bien pour objectif d’aider la BPI à amorcer une activité de crédit-export vers l’Iran, afin de pallier l’absence de financeurs privés pour nos entreprises exportatrices vers ce pays. Nous pensons que, à terme, des financeurs privés vont prendre le relais, mais il faut que la BPI amorce la pompe, en quelque sorte. Cette première enveloppe de 100 millions d’euros permettra à la BPI de démontrer que cette activité est praticable dans de bonnes conditions et dans le respect des sanctions internationales.
À cet égard, 100 millions d’euros nous semblent suffisants pour assurer cet amorçage et encourager les investisseurs internationaux à prendre le relais. Le nombre et le volume des prêts que la BPI sera en capacité de consentir dans les années qui viennent sont assez incertains à ce stade, mais il est peu probable que plus de 100 millions d’euros soient nécessaires en 2018.
C’est pourquoi, madame la sénatrice, nous vous suggérons également de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° II-394 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je veux attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité absolue, pour la BPI, de mieux communiquer. Le président de la région Normandie s’est rendu en Iran avec des chefs d’entreprise, le MEDEF y organise régulièrement des déplacements, de même que les organisations agricoles. Il faut que les entreprises agricoles et les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires, lesquels n’ont jamais été sous embargo, puissent aussi recourir aux services de la BPI.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, puisque l’on veut être cohérent et que, pour la première fois, des crédits de la BPI sont fléchés vers ce pays, mettons-y tout de suite de la méthode, en ciblant les entreprises qui pourront en bénéficier et en incitant la BPI à mener une communication plurisectorielle, de façon à informer et à rassurer les entreprises qui sont encore un peu frileuses à l’égard de l’Iran, par peur des sanctions, quand bien même celles-ci ont été levées. Ce sera probablement un test de la capacité de la BPI à mettre un peu d’ordre et de méthode dans un dossier que vous prenez, madame la secrétaire d’État, ab initio. C’est vraiment le moment de montrer comment on peut travailler de façon organisée. Pour ma part, je suivrai ce dossier avec beaucoup d’intérêt, puisque beaucoup d’entreprises de Normandie sont exportatrices vers l’Iran, notamment des entreprises agroalimentaires.
Cela étant dit, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-394 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Demande de modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, M. François Patriat, président du groupe La République en Marche, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 13 décembre 2017 du débat sur le thème : « La politique en faveur des étudiants » et son remplacement par un débat sur le thème : « Le retour des djihadistes en France ».
Acte est donné de cette demande.
8
Candidatures à des organismes extraparlementaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
9
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Outre-mer
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 57 quater, 57 quinquies, 57 sexies et 57 septies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’effort budgétaire et financier global de l’État en faveur des outre-mer s’élèvera, en 2018, à 21,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 20,5 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort correspond à 3,9 % du budget général, alors que les populations ultramarines représentent 4,3 % de la population française. Cela m’autorise à dire que les outre-mer ne sont pas aussi « budgétivores » que certains peuvent le penser.
Les crédits de la mission « Outre-mer », dont les deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » regroupent 13 % des crédits de l’État consacrés aux outre-mer, sont, à bien des égards, indispensables pour ces territoires qui souffrent d’importants handicaps structurels liés à leur éloignement de l’Hexagone, à la faiblesse de leurs marchés locaux et au fait que leur tissu économique reste composé, pour l’essentiel, de très petites entreprises.
L’année 2017 est, à mon sens, particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, qui n’est qu’un symptôme des difficultés de ces territoires, mais également à l’ouragan Irma, qui nous rappelle la prégnance des risques naturels auxquels sont confrontées ces collectivités.
Il faut souligner d’emblée que les crédits de cette mission sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d’euros, puisqu’ils s’élèveront à 2,104 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,068 milliards d’euros en crédits de paiement. À périmètre constant, ce budget est en hausse de 3,6 % en autorisations d’engagement et de 4,3 % en crédits de paiement par rapport à 2017. On ne peut que s’en réjouir.
En tout état de cause, il convient d’insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un budget de transition, qui ne présage qu’en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s’est en effet engagé à s’appuyer sur le Livre bleu outre-mer. Ce dernier résultera des Assises des outre-mer que le Gouvernement a lancées, le 4 octobre 2017, afin d’ouvrir un temps d’échange et de réflexion avec l’ensemble des Ultramarins.
La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer est le principal exemple du caractère transitoire de ce budget. Selon le Gouvernement, ce dispositif devrait faire l’objet d’un réexamen à l’automne de 2019. Nous serons particulièrement vigilants à ce que cette réforme soit favorable à l’emploi outre-mer. En effet, le taux de chômage s’élève, aujourd’hui encore, à 20 % en moyenne dans ces territoires.
Ce budget présente quelques motifs de satisfaction.
Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l’État et les collectivités d’outre-mer sont en hausse de 12 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l’objet d’un important sous-financement les années passées.
Les crédits du fonds exceptionnel d’investissement en outre-mer sont en augmentation de 3 % en autorisations d’engagement et stables en crédits de paiement. Surtout, le Gouvernement s’est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l’ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d’information que nous lui avons dédié l’an dernier, l’utilité de cet instrument. Nous serons donc là aussi particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.
Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l’objectif fixé, à savoir former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Les crédits alloués à ce dispositif sont en augmentation de plus de 4 % et le ratio d’encadrement a été amélioré.
Enfin, si les crédits affectés au logement sont en légère baisse, les crédits de paiement dédiés à la construction neuve seront en augmentation.
C’est donc bien conscients de l’ampleur des besoins des outre-mer, mais également du fait qu’il s’agit d’un budget de transition, que mon collègue Nuihau Laurey, qui ne peut être présent aujourd’hui, et moi-même vous proposons d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
Je joue ainsi le jeu, madame la ministre, comme l’a suggéré à son époque un grand Guyanais, Félix Éboué. Je joue le jeu, parce que le Président de la République, lors de son passage en Guyane en octobre dernier – vous y étiez aussi –, évoquant « les engagements budgétaires dont plus personne ne comprend même la logique » et « les milliards accumulés sans qu’on n’explique jamais les délais », affirmait qu’il voulait « en finir avec une relation asymétrique faite de promesses non tenues ».
Pour ce faire, il déclarait qu’il était « prêt à rouvrir des sujets constitutionnels s’il apparaît pertinent de le faire et que c’est utile » et à les traiter via « un véhicule législatif unique qui fasse la synthèse de tous ces besoins, de toutes ces adaptations », et ce par des « décisions fortes dès l’été prochain ».
Je veux croire en ces mots présidentiels, concernant tout particulièrement la Guyane, mon territoire. La crise de mars dernier a en effet révélé les limites institutionnelles de notre système de gouvernance et remis l’accent sur la question de l’évolution statutaire. Celle-ci figure d’ailleurs dans les accords de Guyane, signés par le précédent gouvernement, et fait l’objet d’ateliers sur la gouvernance au sein des États généraux de Guyane et des Assises des outre-mer.
J’espère, madame la ministre, que ces mots présidentiels, qui expriment une volonté affichée de coller aux réalités des outre-mer, seront suivis d’effets pour tous les Ultramarins, puisque ce discours présidentiel de lancement des assises était diffusé en direct à l’intention de tous les outre-mer. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour dire quelques mots de ce budget, que je qualifierai pour ma part de budget d’amorçage ou d’attente, et formuler quelques propositions opérationnelles, dont le but est d’activer la mobilisation des crédits dans nos outre-mer, après qu’ils auront été adoptés.
Tout d’abord, l’affichage d’une hausse de 4 % des crédits ne nous a pas totalement convaincus : ce chiffre traduit non pas une augmentation pour 2018, mais plutôt un dégonflement rétroactif des crédits pour 2017, qui avaient été un peu « boostés » juste avant la dernière élection présidentielle.
Madame la ministre, nous approuvons la sincérité budgétaire que vous évoquez, car il faut rompre avec ces pratiques. Nous estimons que cette sincérité doit également conduire à reconnaître que, avec des crédits stabilisés à 2 milliards d’euros depuis sept ans, les Ultramarins participent à l’effort de rigueur.
En totalisant toutes les missions et tous les ministères, les crédits dont bénéficient les outre-mer s’élèvent à 17,3 milliards d’euros : ce chiffre est certes en augmentation, mais son niveau dément le préjugé, évoqué également par Georges Patient, selon lequel nous serions « budgétivores ».
Le budget proposé pour 2018 a un peu déçu, car il n’est pas à la hauteur des défis. Le taux de chômage ultramarin est un révélateur : quand on atteint le double de la moyenne nationale, tous les équilibres économiques, sociaux et politiques vacillent. Le Gouvernement en est conscient et a assorti ce budget de plusieurs engagements complémentaires : reconstruction, financement des projets sélectionnés par les Assises des outre-mer et Grand plan d’investissement. La commission des affaires économiques a donc choisi de faire confiance à cet élan positif.
Notre principale inquiétude porte sur le logement, qui est une base fondamentale de la citoyenneté réelle. Un objectif raisonnable a été fixé dans la loi relative à l’égalité réelle outre-mer : la construction ou la réhabilitation de 150 000 logements en dix ans. Pour atteindre concrètement cet objectif, il faut une stratégie globale et articulée, s’appuyant sur des subventions, des aides fiscales, des procédures d’agrément efficaces, mais aussi du foncier, des normes de construction adaptées et une programmation astucieuse afin de choisir les bonnes cibles.
Une fois n’est pas coutume, j’insisterai sur l’efficacité démontrée du moteur fiscal pour favoriser le logement social et la réhabilitation ; je présenterai des amendements en ce sens, mais pas dans le cadre de l’examen des crédits de cette mission.
Pour optimiser les financements publics, il faut absolument clarifier et pacifier les procédures d’agrément, sans quoi la construction stagne et, dans tous les autres secteurs économiques, le formalisme excessif engendre du découragement, surtout parmi des jeunes talents ultramarins qui vont créer des richesses dans d’autres pays.
Je terminerai par quelques mots sur la compétitivité ultramarine. Son renforcement nécessiterait tout d’abord le maintien du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, car l’impératif de stabilité prime les autres considérations. À défaut, il faudra résoudre l’équation des compensations : notre proposition est de les cibler, de préférence, sur des projets précis et à long terme. Plus généralement, optimiser la dépense publique, c’est aider les territoires à financer des activités dans un environnement normatif adapté.
Madame la ministre, vous pourrez compter sur le Sénat pour identifier et combattre les incohérences qui entravent, encore beaucoup plus qu’on ne l’imagine, le développement de nos outre-mer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (M. Jean-François Longeot et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)
Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé aujourd’hui ne comporte pas de mesures particulièrement marquantes dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales et ne peut constituer, pour elle, qu’un budget de transition.
Notre commission a donc émis un avis favorable, eu égard à la stabilité des crédits de la mission « Outre-mer », tout en alertant sur des effets de périmètre que l’on peut qualifier de combinaisons de tuyauterie.
En clair, nous ne souhaitons pas que, par décret, des sommes affichées aujourd’hui puissent être, en cours d’année, retirées du budget ou affectées à un autre programme, fût-ce celui de l’enseignement scolaire, comme cela a été le cas l’an dernier.
Le Gouvernement diminue de 54 millions d’euros les dotations aux collectivités territoriales et leur demande de faire des efforts ; elles en font, mais elles attendent davantage de l’État.
En ce qui concerne le logement, mes collègues l’ont dit avant moi, nous regrettons que l’effort public soit interrompu alors même que les populations des outre-mer subissent des conditions de logement particulièrement dégradées. Ma collègue Viviane Malet expliquera plus en détail les effets à craindre de la baisse de la ligne budgétaire unique et des aides personnalisées au logement.
Je profite de ce moment solennel pour réitérer mes demandes concernant la politique foncière dans les départements d’outre-mer.
Au ministre de la cohésion des territoires, j’ai demandé l’extension aux départements d’outre-mer de la zone tendue, afin qu’ils puissent bénéficier de l’abattement de 100 % sur la plus-value de la vente d’un terrain à bâtir en vue de la construction de logements sociaux.
S’agissant toujours de la problématique foncière, le statut départemento-domanial qui persiste à La Réunion et en Guyane freine des vrais projets de développement environnemental et social. Ainsi, à La Réunion, des familles ne peuvent bénéficier des aides publiques à l’amélioration de l’habitat, alors même que leurs conditions de logement sont reconnues comme totalement dégradées. Ce n’est pas normal !
Madame la ministre, loger n’est pas habiter, et habiter n’est pas seulement loger. Je m’explique : les gens peuvent mener une vie très simple en gardant leur lien à la nature et à la terre, en maintenant les conditions de leur enracinement. C’est pour cela que, souvent, ils déplorent les contraintes normatives en vigueur dans nos régions, qui ne s’ancrent pas dans les réalités locales.
Madame la ministre, je ne doute pas un seul instant de votre détermination, de votre engagement. Vous connaissez mieux que moi les outre-mer. Je vous le dis : oui, les assises peuvent être une occasion de construire une politique publique cohérente et efficace afin de promouvoir l’avenir de ces territoires.
Je conclurai en exposant les préconisations de la commission des affaires sociales. En matière d’offre de soins dans les outre-mer, elle constate des performances contrastées. Quelques défis sanitaires importants restent à relever, qu’il s’agisse de maladies chroniques, d’addictions ou de mortalité périnatale. À Mayotte et en Guyane, les enjeux dépassent le seul cadre sanitaire.
Nous souhaitons donc que la nouvelle stratégie de santé outre-mer qui sera définie pour les prochaines années puisse faire l’objet d’une grande concertation et d’une mobilisation forte de l’État et des différents partenaires concernés, collectivités territoriales, régions, départements, communes.
Nous souhaitons également que des expérimentations puissent être menées dans le secteur de la santé, du sanitaire et du social, car nous sommes convaincus que les outre-mer peuvent aussi être considérées comme le laboratoire du monde qui vient. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, il me revient de vous présenter l’avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Prenant acte du maintien de l’effort budgétaire en faveur des territoires d’outre-mer, celle-ci a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
Les résultats des Assises des outre-mer que vous avez lancées au mois d’octobre dernier, madame la ministre, viendront nécessairement faire évoluer ce premier budget. Dans cette attente, j’ai souhaité m’intéresser aux problématiques institutionnelles de chaque territoire ultramarin et réaliser ce travail d’état des lieux, car, au cours des dernières années, le Parlement a débattu de nombreux projets ou propositions de loi tendant à clarifier le statut institutionnel de telle ou telle collectivité ultramarine. Le Gouvernement annonce par ailleurs d’autres textes en la matière.
Au vu de l’actualité, je concentrerai mon propos sur deux collectivités ultramarines.
Je commencerai bien évidemment par la Nouvelle-Calédonie et les questions soulevées par l’organisation du référendum d’autodétermination, prévu au mois de novembre 2018, notamment celle de la composition du corps électoral. Le seizième comité des signataires de l’Accord de Nouméa, qui s’est réuni le 2 novembre dernier, a trouvé un consensus en entérinant à titre exceptionnel l’inscription d’office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la liste électorale générale, préalable indispensable à leur inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation relative à l’autodétermination.
Cet accord implique de modifier la loi organique de 1999. Un avant-projet de loi organique destiné à modifier la procédure de révision des listes électorales et traduisant cet accord politique a reçu, le 23 novembre dernier, un avis favorable du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, sous réserve de certaines précisions.
Cet avant-projet de loi organique ayant en principe été délibéré en conseil des ministres, nous serons saisis prochainement de cette question très sensible, d’autant que la conclusion de cet accord n’a pas mis fin aux tensions politiques qui secouent la Nouvelle-Calédonie, entre indépendantistes et non-indépendantistes et au sein de chaque mouvement.
J’en viens maintenant à Mayotte. Bien que dénommé « département », ce territoire n’est, sur le plan juridique, ni un département ni une région d’outre-mer, bien qu’il relève des collectivités visées par l’article 73 de la Constitution. Il constitue, depuis 2011, une forme de collectivité unique dont l’assemblée délibérante – le conseil départemental – exerce les compétences d’un département et certaines compétences d’une région, les autres étant plus ou moins assumées par l’État.
Cette situation a des incidences non négligeables en matière budgétaire, puisque Mayotte ne bénéficie quasiment pas de la dotation globale de fonctionnement régionale, ce que la commission des lois avait déjà dénoncé en 2015. Pourquoi ne pas envisager une prise en compte a minima de la double compétence de Mayotte, sur le modèle de ce qui s’applique aujourd’hui en Guyane et en Martinique ?
À l’approche des fêtes de fin d’année, je forme le vœu que cette question soit réglée à l’occasion d’un prochain toilettage institutionnel du statut de Mayotte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les montants des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Outre-mer » sont, sans nul doute, d’importance capitale, il est d’autres chiffres qu’il me paraît fondamental de rappeler en préambule.
Les outre-mer ne sont pas que des « petits bouts » de France baignés par des mers chaudes : ce sont plus de 2,7 millions d’habitants, soit un peu plus de 4 % de la population française, dont beaucoup vivent dans une situation d’inégalité intolérable par rapport à la métropole.
Comme le rappelait l’exposé des motifs du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique examiné l’année dernière par le Parlement, « en dépit des politiques publiques volontaristes menées par l’État et les collectivités territoriales des outre-mer, les écarts de niveaux de vie constatés entre les outre-mer et la France hexagonale restent considérables et affectent l’égalité des droits économiques et sociaux et des opportunités économiques que la République, par la solidarité nationale, doit garantir à tous les citoyens français ».
Permettez-moi de vous donner une illustration concrète de cette situation.
L’ensemble des territoires ultramarins affichent une surmortalité néonatale marquée. Alors que le taux de mortalité infantile s’établit à 3,5 % en France métropolitaine, il atteint 6 % en Martinique, 6,6 % à La Réunion, 7,9 % à Mayotte, 8,3 % en Guadeloupe et 8,8 % en Guyane. De tels écarts sur le territoire de la République ne sont pas acceptables !
S’agissant du travail, selon l’enquête Emploi pour l’année 2016, les taux de chômage constatés dans les départements d’outre-mer sont plus de deux fois plus élevés que celui relevé dans l’Hexagone. Ils atteignent ainsi 23,8 % en Guadeloupe, 17,6 % en Martinique, 23,3 % en Guyane, 22,4 % à La Réunion et 27,1 % à Mayotte, contre 10,1 % en métropole. Là encore, nous ne pouvons nous résigner à de telles différences.
L’année qui vient de s’écouler a d’ailleurs permis de rappeler à ceux qui ne se souviendraient des territoires ultramarins qu’en période de campagne électorale que nos concitoyens d’outre-mer ne se sont pas résignés, eux, aux inégalités et à la pauvreté.
Chacun se souvient du mouvement social sans précédent qui a mobilisé les Guyanaises et les Guyanais au printemps dernier et qui a trouvé un terme provisoire avec la signature d’un plan d’urgence chiffré à 1,86 milliard d’euros, dont 250 millions d’euros pour construire cinq lycées et dix collèges en cinq ans.
Dans un tout autre domaine, les ouragans Irma et Maria, qui ont provoqué le déplacement de près de 7 000 personnes, devraient nous faire prendre conscience de l’urgence qu’il y a à agir tant pour réduire les risques que pour anticiper les migrations liées au dérèglement climatique.
Permettez-moi également, mes chers collègues, de vous conseiller la lecture des avis récemment publiés par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans le cadre d’une étude sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer.
Dans l’avis relatif à la pauvreté et à l’exclusion sociale du 2 septembre 2017, cette commission rappelle à juste titre que les droits de l’homme sont indivisibles et que l’extrême pauvreté constitue, en elle-même, une violation des droits fondamentaux. Droit à un logement salubre et sûr, droit à une éducation de qualité, droit à une bonne alimentation, droit à vivre dans un environnement sain ou encore accès à la justice et à la santé : ces droits ne sont, bien entendu, pas tous effectifs en métropole – il reste beaucoup à faire –, mais, dans les territoires ultramarins, la situation est tout à fait alarmante et des mesures spécifiques doivent être prises immédiatement !
Au regard de ce que je viens d’évoquer, la question qui se pose est de savoir si les crédits qui nous sont soumis aujourd’hui sont à la hauteur des enjeux. La réponse est évidemment et malheureusement négative. C’est pourquoi le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre.
Notre collègue Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, parle à juste titre de « budget de transition », le Gouvernement s’étant engagé à s’appuyer, pour la détermination des priorités des prochains projets de loi de finances, comme pour un éventuel nouveau cycle de réformes, sur les constats et propositions qui ressortiront du Livre bleu outre-mer qui sera produit à l’issue des Assises des outre-mer ouvertes le 4 octobre dernier. Malheureusement, la situation est telle, s’agissant des outre-mer, que le statu quo budgétaire, dans l’attente de nouvelles orientations et de nouvelles réformes, n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, chère Annick Girardin, sachez que j’ai beaucoup pensé à vous en étudiant les crédits de votre mission.
Comme vous avez dû être déçue, madame la ministre, devant un tel budget ! Comme vous avez dû être déçue, vous, la femme à la détermination palpable, au courage affiché que j’apprécie – ce courage et cette détermination de la femme des îles habituée, comme tous les habitants de l’outre-mer, à la résistance et à l’audace salvatrices !
Comme nous, madame la ministre, vous avez dû être déçue de voir autant de crédits regroupés sous le programme « Conditions de vie outre-mer » revus à la baisse dans des proportions extraordinaires. Voilà un sacré signal, un message on ne peut plus clair adressé sous l’intitulé « conditions de vie outre-mer » ! Oui, madame la ministre, vous réduisez les crédits des lignes les plus significatives dédiées aux conditions de vie outre-mer…
J’en veux pour preuve la baisse de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 millions d’euros en crédits de paiement des crédits destinés au logement, ce qui représente un volume de logements mis en chantier pour réhabilitation d’à peine 200, en lieu et place des quelque 900 de 2017.
Quand on connaît la nature des difficultés dans ce domaine, liées à l’histoire si jeune et si tourmentée de nos territoires, comment, à l’issue de cette séance, annoncer à nos compatriotes : « madame, monsieur, pas cette année pour votre logement dont le toit fuit, dont l’électricité est affreusement hors normes » ?
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
Mme Catherine Conconne. Comment expliquer aux nombreuses entreprises de deux, trois, quatre ou cinq salariés totalement dépendantes des signaux adressés dans ce domaine que, cette année, les carnets de commandes resteront désespérément maigres, voire vides ? Je vous laisse imaginer les dégâts collatéraux, les charrettes de chômeurs en prévision dans des économies qui affichent déjà des taux de chômage dépassant partout les 20 %.
Comment comprendre aussi la baisse des crédits des lignes dédiées au sport, à la jeunesse, au sanitaire, au social, à la culture ? Mon collègue Patrick Kanner s’était personnellement investi en mouillant le maillot dans nos territoires pour annoncer des investissements importants liés à la réhabilitation des infrastructures sportives dans des pays fournisseurs de champions à la France : l’emblématique Teddy Riner, Jean-Marc Mormeck, Dimitri Payet, Laura Flessel, aujourd’hui ministre de la République, Raphaël Varane, Christian Karembeu, et j’en passe… Où est passé le financement de ces infrastructures ?
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Catherine Conconne. Les crédits d’un dispositif incontournable lié la formation professionnelle, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, diminuent également, de 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 7 millions d’euros en crédits de paiement. Vous connaissez la difficulté, compte tenu de l’étroitesse de nos marchés, à pouvoir assurer la promotion par la formation. Le Président de la République annonce que la formation professionnelle sera le bras armé du Gouvernement pour lutter contre la pandémie du chômage. C’est grâce à cet organisme que nos populations peuvent y accéder. L’équation finale est simple, hélas : les paroles ne correspondent pas aux actes. Comment en effet accomplir cette volonté sans y mettre les moyens ?
Le Gouvernement a annoncé vouloir faire du tourisme et du développement touristique dans nos pays une priorité. Très bonne intention ! Le Premier ministre a même symboliquement ouvert en personne les Assises des outre-mer par l’atelier Tourisme, le mois dernier, en votre présence, madame la ministre, et en la nôtre. Il a déclaré à cette occasion que des efforts devaient être déployés pour « améliorer le produit », pour le rendre plus performant. Mais comment faire, quand, ne serait-ce que pour la formation professionnelle de niveau supérieur, qui nécessite des déplacements, les crédits sont en baisse ? Qu’affiche ce budget pour lutter contre les disparités cruelles entre haute et basse saisons, attirer des investisseurs qui avaient quitté certains de nos territoires avec fracas, mais aussi avec pertes, augmenter le niveau moyen de dépenses du touriste ? Rien !
Je suis moi-même convaincue que ce secteur économique peut et doit être un formidable levier. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à exonérer de charges patronales les employeurs du secteur du tourisme acceptant d’embaucher des artistes pour animer valablement leurs structures, qui, aujourd’hui, sont aussi froides qu’un matin de décembre parisien. (Sourires.)
Édouard Philippe l’a fortement souhaité : « Améliorez le produit ! », nous a-t-il dit avec fougue. J’espère donc que, sur cette seule petite niche, madame la ministre, vous accepterez de soutenir mon initiative en faveur des nombreux artistes de nos terres fécondes dans le domaine culturel, dont trop d’acteurs sont aujourd’hui condamnés, faute de contrats, à émarger au RSA. Oui, au RSA, dans le domaine culturel, sur les terres de Césaire, du lauréat du prix Goncourt Chamoiseau, de Damas, de Maryse Condé ! Permettez-leur de travailler, de se remettre à produire, de participer à des festivals aujourd’hui morts qui pourraient être recréés. Savez-vous que, pour un cachet de 100 euros, la dépense réelle pour l’employeur est de 187 euros ? Comment vivre de son art quand ce formidable employeur que pourrait être le tourisme ne peut, à ce tarif, « améliorer le produit » ?
Rien de significatif n’est prévu dans le domaine du tourisme, les appels lancés dans l’autre assemblée du Parlement ont été vains. Madame la ministre, je compte sur votre solidarité pour faire au moins ce geste, ce double geste, à double destination. Cette mesure très attendue ne ruinerait pas la République, mais permettrait de lutter contre la précarité des acteurs, ainsi que d’améliorer la qualité de notre produit.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Catherine Conconne. Je conclus, madame la présidente !
Madame la ministre, je sais que vous me répondrez en invoquant les Assises des outre-mer ! Mais j’ai du mal à croire qu’il ne s’agit pas là d’un petit cachet de Doliprane, un autre, un énième, face aux douleurs qui nous rongent et qui, il faut l’avouer, sont loin d’avoir été symboliquement prises en compte dans cette édition 2018 du budget de votre mission.
Pour conclure (Sourires.), je partage votre inavouable déception, celle aussi de nos compatriotes. Ils ne comprendraient pas l’inacceptable, c’est pourquoi nous ne voterons pas ce projet de budget. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’aime les outre-mer et je suis honoré d’avoir été désigné pour présenter les observations de mon groupe sur les crédits de cette mission. Ceux qui me connaissent savent l’intérêt que je porte à ces territoires ; j’y suis allé souvent, toujours avec un plaisir immense, toujours avec des inquiétudes fortes. Mes chers collègues ultramarins, je tiens tout particulièrement à vous saluer, car vous relayez avec toujours beaucoup de dignité, de constance et de responsabilité les préoccupations des populations que vous représentez.
Les défis auxquels sont confrontés nos territoires ultramarins sont immenses. Il suffit de penser, pour s’en convaincre, aux paysages apocalyptiques de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma, aux mouvements populaires en Guyane, qui ne peuvent pas ne pas nous inquiéter. Nous constatons partout une forme de fatigue, de la consternation, un sentiment d’abandon. Il faut réagir !
Nos territoires ultramarins sont en effet plongés dans une situation économique et sociale sérieuse. Dans certains d’entre eux, le taux de chômage est extrêmement élevé. Les jeunes, incarnation du futur de ces territoires, sont le plus durement touchés par le chômage, sont désœuvrés. Le PIB par habitant est parfois scandaleusement bas, notamment en Guadeloupe et à Mayotte ; il est trois ou quatre fois plus élevé en métropole.
L’État fait pourtant des efforts importants, ce n’est pas discutable, pour aider ces territoires. Outre les crédits de la mission « Outre-mer », quatre-vingt-huit programmes de vingt-neuf autres missions contribuent au financement de l’accompagnement des territoires ultramarins, pour un effort total de 21 milliards d’euros en 2018. À l’instar de la rapporteur pour avis, notre groupe regrette cet éclatement des crédits et appelle à une unification de la structure budgétaire de ces engagements.
Depuis le mois de mai dernier, le Gouvernement a engagé une politique de rationalisation de ses dépenses ultramarines en matière d’exonérations de cotisations sociales. Elles représentent plus de la moitié des dépenses de la mission, ce qui nous conduit à saluer cette entreprise.
Les territoires ultramarins peuvent être de formidables acteurs dans la conduite des expérimentations publiques : îles alimentées à 100 % par des énergies renouvelables, laboratoire de prise en charge des personnes âgées, réforme de la politique portuaire et de la surveillance des pêches, etc. Les deux passionnantes tables rondes sur la biodiversité dans les outre-mer, menées par Michel Magras au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en attestent : quantité d’expérimentations ont lieu en outre-mer, et il faut les prendre en compte.
D’ailleurs, madame la ministre, les prochaines assises des outre-mer devront définir avec précision une feuille de route pour avancer sur ces projets. Elles devront incarner l’espérance et amorcer un renouveau.
Plusieurs situations appellent malheureusement une réaction rapide des pouvoirs publics et me conduisent à interpeller le Gouvernement, comme l’a fait avec beaucoup de détermination Mme Assassi. Je pense à la situation sanitaire – le taux de mortalité infantile est un véritable scandale, comparé à celui de la métropole –, à l’essoufflement du système hospitalier sous la pression de problèmes migratoires à Mayotte, à la situation immobilière, avec une insalubrité critique et une situation préoccupante pour près de 150 000 personnes.
Le constat est souvent terrible. Les engagements financiers sont insuffisants pour résoudre ces problèmes. Que permettront de faire quelque 3,9 millions d’euros destinés au financement du domaine sanitaire et social, quand les territoires ultramarins sont au bord du gouffre ? Comment justifier la diminution des crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, alors que le Gouvernement promet d’insuffler une nouvelle dynamique aux déplacements dans ces territoires et de lutter contre les inégalités territoriales ?
Enfin, comment s’attaquer au problème du logement tout en diminuant les crédits de la ligne budgétaire unique ? En commission des affaires sociales, Viviane Malet a rappelé que les crédits consacrés au logement ultramarin baisseront de 10 % en 2018, alors même que les populations ultramarines attendent un accompagnement renforcé en matière d’habitat. Il faut donc envisager le recours à d’autres outils, par exemple à la défiscalisation comme incitation à la construction de nouveaux logements.
Une mesure, cependant, nous donne espoir. Nous nous félicitons que les objectifs du service militaire adapté pour 2017 aient été atteints et que ce budget soit sanctuarisé jusqu’en 2025. C’est un outil fondamental pour assurer le suivi et l’accompagnement des jeunes ultramarins en situation d’échec scolaire ou en grande difficulté. La poursuite de ce programme est essentielle pour l’avenir de ces territoires.
Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits de cette mission et accordera une attention toute particulière aux Assises des outre-mer, auxquelles nous aimerions pouvoir participer pour dire notre détermination. Elles seront déterminantes pour l’avenir de notre relation avec ces territoires ultramarins. Certains ont parlé d’un budget de transition ; nous espérons que ces assises permettront d’assurer dans de bonnes conditions une transition intelligente, qui redonne de l’espoir à ces territoires.
« Ma puissance d’espérance est mon seul capital », écrivait Baudelaire à sa mère. Cette formule vaut aujourd’hui pour les outre-mer. C’est leur puissance d’espérance dans la République qui leur permet de croire en un avenir meilleur. Notre abstention est tout à la fois bienveillante et vigilante. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un budget traduit une vision politique. Il exprime une certaine philosophie de l’action publique qui guide ceux que les Français ont choisis pour présider à leurs destinées.
Je n’ai pas l’intention de rentrer dans le détail de la mission « Outre-mer » ; beaucoup l’ont déjà fait, d’autres le feront après moi et nous disposons de rapports très complets sur le sujet. Je préfère mettre l’accent sur la méthode, qui, pour le groupe du RDSE, reste l’une des clefs de l’action politique.
Ce premier projet de budget de la mission « Outre-mer », défendu par vous, madame la ministre, préserve l’essentiel, mais ne va pas au-delà. En tant qu’ancien président de collectivité, je sais aussi que rien ne se fait du jour au lendemain. Comme l’a affirmé Michel Magras en commission, c’est « l’amorçage budgétaire du quinquennat ». Je fais mien le commentaire formulé par nombre de mes collègues : la hausse annoncée de 4 % n’est en fait qu’un dégonflement « sincère » des crédits pour 2017. En effet, madame la ministre, vous avez consenti un effort de sincérité budgétaire, qui devra être durable : êtes-vous prête à en prendre l’engagement devant nous ?
J’en viens au cœur de mon propos, en partant du constat que le budget 2018 est un budget de transition. Qu’en est-il pour demain ? À cette heure, c’est encore assez flou.
La question centrale qui se pose aujourd’hui est celle de la vision de l’État pour l’outre-mer. Souhaite-t-il, souhaitons-nous, nous qui siégeons dans cette assemblée, transformer les outre-mer ? En effet, il s’agit d’une œuvre collective. Une action politique résolue en outre-mer passe par une vision claire de notre avenir.
Je note, avec une constance qui me gêne, que, si les réalités ultramarines sont complexes, nous faisons toujours l’objet d’un traitement différencié par rapport à l’Hexagone. A-t-on vu des états généraux organisés dans l’Hexagone, comme cela a été le cas partout en outre-mer en 2009 ? Non.
Le Président de la République nous annonce aujourd’hui la tenue d’assises. Leur contour précis a été assez long à se dessiner, mais les choses sont désormais lancées, il faut s’en féliciter.
En posant comme postulat que l’outre-mer doit travailler à définir son avenir, le Président de la République ne propose pas une vision de l’outre-mer ; il nous demande, à nous ultramarins, de regarder vers la métropole et d’exprimer nos souhaits. Finalement, l’État, n’ayant pas de vision propre, ne demande-t-il pas à ses outre-mer de lui en livrer une sur un plateau ? C’est ce regard totalement inversé qui me gêne profondément. La France a pourtant tant à apprendre de ses outre-mer !
Cette absence de vision, voire de regard, sur le sens de l’action de l’État en outre-mer est encore plus flagrante en matière de culture. Nous avons tous pris note de votre volonté, madame la ministre, de faire de la Cité des outre-mer une œuvre collective. Elle ne l’a peut-être pas été suffisamment jusqu’à présent, et la suppression des crédits donne aujourd’hui à penser que les engagements de François Hollande seront difficiles à tenir.
Par ailleurs, comment comprendre qu’aujourd’hui la disparition de la chaîne France Ô puisse être une hypothèse de travail pour France Télévisions ? Alors même que, sur le plan culturel, des ponts doivent être créés entre l’outre-mer et l’Hexagone, force est de constater que l’avenir incertain de la Cité des outre-mer et la disparition possible de France Ô transforment le regard que l’Hexagone porte sur l’outre-mer, et risquent même de l’éteindre.
Je crois sincèrement que la politique ultramarine doit reposer sur un socle commun défini par le Gouvernement, dans le nécessaire respect des réalités de territoires dont les problématiques sont extrêmement diversifiées.
Or la méthode de nouveau employée par l’État, c’est de laisser croire que la colonne vertébrale du développement en outre-mer passe par de grandes consultations seulement menées dans nos territoires. Seront-elles inutiles ? Non, je ne le souhaite pas, mais ma crainte profonde est que l’on suscite un espoir qui, s’il ne se traduit pas budgétairement dans les années qui viennent, débouchera, à l’inverse de l’effet recherché, sur une démotivation des territoires et des populations. Les élus auront alors à s’expliquer devant celles-ci sur le résultat de ces consultations.
Lors de la présentation de son rapport, mon collègue Michel Magras déclarait, après avoir auditionné le rapporteur national des Assises des outre-mer, que « le but fondamental de ces assises n’est pas tant de réitérer des préconisations déjà largement connues que de faire émerger et soutenir une nouvelle génération d’entrepreneurs ultramarins ». Je suis d’accord à 100 % avec cet objectif.
Cependant, nous aurions souhaité avoir des discussions en amont pour bien comprendre ce processus. Les présidents de collectivité que vous avez reçus, madame la ministre, vous l’ont également dit. Nous cherchons avant tout à nourrir le débat public et à faire avancer les choses.
Dans ce processus où manque une certaine vision, il faut aussi tenir compte de ce que les collectivités ont déjà fait en matière de réflexion sur leurs territoires. Cette absence de vision claire de la part de l’État donne aussi parfois le sentiment que toutes les actions menées constituent un empilement sans cohérence ni colonne vertébrale.
Alors que nos territoires engagent un processus de programmation pluriannuelle pour conforter leur développement économique, j’espère sincèrement que ces ambitions se traduiront budgétairement en 2019, que ce soit pour l’adaptation au changement climatique ou le développement portuaire outre-mer ; je sais que ce thème vous tient à cœur, madame la ministre.
Le groupe du RDSE votera les crédits de la mission « Outre-mer », car nous savons dans quelles conditions vous les avez défendus, madame la ministre. Ce budget de transition vous engage pour l’avenir. Les conclusions des assises devront trouver une traduction budgétaire cohérente dans les années à venir au travers des plans de convergence et des prochains contrats de développement.
Pour autant, si ce vote se veut bienveillant, nous demandons à l’État d’élaborer une vision claire de ce qu’il souhaite pour les outre-mer. Il doit s’agir de regards croisés, et non pas seulement d’un regard de l’outre-mer vers la métropole. Vous pouvez bien évidemment vous appuyer sur cette assemblée, dont les membres sont issus des territoires, mais également sur une instance comme le Conseil économique, social et environnemental pour définir des méthodes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d’examiner les crédits dévolus pour 2018 à la mission « Outre-mer », je tiens à remercier MM. les rapporteurs spéciaux de leur excellent rapport, ainsi que Mme le rapporteur pour avis, qui a produit, au nom de la commission des affaires sociales, une analyse tout aussi approfondie des crédits de cette mission budgétaire.
Pour 2018, le budget de la mission « Outre-mer » se maintient au-dessus du seuil de 2 milliards d’euros. Il est même en hausse de 85,1 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, ce qui représente une progression louable de 3,72 %.
Cette hausse des crédits est un premier pas d’autant plus encourageant que la projection pluriannuelle table sur une hausse globale des crédits d’environ 10 % d’ici à la fin du quinquennat.
Il restera donc, madame la ministre, à transformer l’essai lors des prochains exercices budgétaires, afin que les ambitions affichées en début d’année à l’occasion de l’élaboration de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite « loi EROM », se concrétisent véritablement au bénéfice de nos compatriotes ultramarins.
Mais, disons-le tout de go, la suppression par le Gouvernement des 22 millions d’euros de crédits affectés à l’« équivalent fonds vert » fut véritablement une erreur.
Alors que la COP23 vient de s’achever et que nous sommes à quelques jours seulement du sommet sur le climat organisé par le Président de la République, comment pourrions-nous, madame la ministre, qualifier autrement cette décision ?
Créé l’an dernier, ce mécanisme dédié aux territoires du Pacifique commence tout juste à produire ses effets. Consolidation de berges fragilisées par la répétition des catastrophes naturelles, école bioclimatique, centrale hybride, lampadaires photovoltaïques, réseaux d’eau et d’assainissement, équipements solaires : ces investissements environnementaux, engagés sur la seule année 2017, à hauteur de 12,5 millions d’euros, plaident à coup sûr pour le maintien du mécanisme.
Nous saluons donc l’initiative transpartisane de nos collègues députés, grâce à laquelle l’Assemblée nationale est parvenue à rétablir le fonds vert. Cette décision devrait permettre d’assurer le financement de projets déjà engagés pour l’année 2018, dont le coût avoisine 20 millions d’euros. Je pense notamment à la gestion des déchets dans les îles Australes, à la centrale hydro-électrique de Fatu Hiva ou encore aux différentes centrales hybrides des îles Tuamotu.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même veillerons attentivement au maintien de ce fonds. Nous le jugeons indispensable aux collectivités françaises du Pacifique.
Nous regrettons par ailleurs que les crédits alloués au Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS, soient simplement reconduits et non rehaussés, alors que votre ministère s’était engagé à doubler, dès l’année prochaine, le nombre de billets délivrés au titre de ce fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs des habitants des territoires ultramarins avec la métropole ou les pays situés dans leur environnement régional. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Gérard Poadja visant à relever de 100 000 euros les crédits alloués au FEBECS, afin que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française puissent également en bénéficier.
Nous en avons conscience, les territoires ultramarins ne sauraient être exemptés de l’effort commun de redressement de nos finances publiques. Mais ne perdons pas, madame la ministre, le pari que nous avons pris de faire converger ces territoires avec ceux de la métropole !
Des motifs de satisfaction existent par ailleurs, et ils méritent d’être soulignés.
Les crédits de paiement du programme 138, « Emploi outre-mer », s’élèveront ainsi en 2018 à plus de 1,33 milliard d’euros, soit une hausse de 4,25 % par rapport à 2017. L’effort porte principalement sur l’action Soutien aux entreprises, qui représente plus de 80 % des crédits du programme.
Au-delà, plus de 50 % des crédits de la mission « Outre-mer » seront opportunément affectés à des mécanismes d’exonération de cotisations sociales à destination des entreprises ultramarines. Conjuguées au maintien à 9 % du taux majoré du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les outre-mer, ces aides devraient favoriser la production et le développement économique de nos territoires ultramarins.
Toutefois, si la fiscalité incitative est un outil souvent efficace, elle peut aussi devenir rapidement inextricable. La question de son éventuelle remise à plat devra à cet égard être abordée dans le cadre des Assises des outre-mer. Il y va de la lisibilité et de l’efficacité de notre politique économique et fiscale.
Toujours au titre du programme 138, nous saluons la concrétisation des engagements pris concernant le SMA, le service militaire adapté, qui joue un rôle précieux pour l’insertion de nombreux jeunes.
Quant au programme 123, « Conditions de vie outre-mer », il connaît lui aussi une augmentation de ses crédits de paiement, à hauteur de 4,5 %. La progression des crédits est néanmoins inégale et varie suivant les actions du programme concerné.
Les crédits de la ligne budgétaire unique, dont la finalité, rappelons-le, est de répondre aux besoins en logement social, reculent ainsi de 1,57 %. Cette baisse nous inquiète d’autant plus que l’augmentation des coûts de construction se poursuit et que la LBU supporte des restes à payer et des restes à charge toujours substantiels.
Le logement social est un enjeu particulièrement sensible dans les outre-mer. Nous aimerions donc obtenir quelques précisions sur la stratégie du Gouvernement en la matière. Pourquoi avoir réduit de 20 millions d’euros les crédits alloués à l’action Logement ? La stratégie du Gouvernement à l’égard des territoires d’outre-mer doit reposer sur ces deux jambes que sont l’efficacité économique, d’une part, et la justice sociale, d’autre part.
Ces quelques questions ou observations sont autant de pistes de réflexion. Nous vous invitons, madame la ministre, à les prendre en considération.
Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », auxquels il est dans l’ensemble favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Viviane Malet. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2018 est l’occasion, pour les élus ultramarins, d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires. Dans cet esprit, je mettrai l’accent sur plusieurs points qui me tiennent à cœur.
Si d’autres orateurs avant moi ont rappelé les singularités de nos outre-mer, j’insisterai naturellement, quant à moi, sur le cas de La Réunion, où le chômage est un fléau chez les jeunes, mais frappe aussi les seniors. Or ces derniers sont les grands oubliés de ce projet de budget ! Pourtant, la situation de ce public peu ou pas qualifié, peu mobile et très éloigné du marché du travail va encore se dégrader du fait de la baisse drastique du nombre de contrats aidés, alors même qu’un récent arrêté préfectoral plaçait les seniors au cœur des publics éligibles aux contrats uniques d’insertion et leur accordait le bénéfice de mesures dérogatoires s’agissant de la durée maximale de l’aide à l’insertion professionnelle.
Madame la ministre, nous nous devons d’apporter à tous les solutions qu’ils attendent pour faire tomber les obstacles qui les tiennent éloignés de l’emploi. Les moyens mobilisés dans cette mission devraient permettre de répondre à cet enjeu.
J’évoquerai maintenant le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », et plus particulièrement le logement.
Je déplore que les crédits affectés au logement soient en diminution. Les autorisations d’engagement de l’action n° 1 baissent de 8 %, soit 20 millions d’euros, alors même que la demande est importante, du fait notamment de la pression démographique, de la forte proportion de familles monoparentales et des disponibilités foncières contraintes.
Au-delà des chiffres, il faut penser aux familles. Être propriétaire de son logement est au cœur du projet d’une vie. L’accession à la propriété est un enjeu primordial de la politique du logement, et il nous appartient d’aider les ménages qui le souhaitent à devenir propriétaires.
Ce parcours prend une forme singulière dans nos territoires. Ainsi, à La Réunion, il est fréquent que les parents cèdent une partie de leur bien à leurs enfants ou petits-enfants, qui doivent continuer à être aidés à la fois par la solidarité intergénérationnelle et par les opérateurs sociaux pour faire construire un logement de type LES. Je ne peux donc que m’inquiéter de la baisse de 13 millions d’euros des crédits destinés à l’accession à la propriété, lesquels ne s’élèvent plus qu’à 7 millions d’euros, contre 20 millions d’euros en 2017. Cela pénalisera fortement les plus modestes.
Dans les outre-mer, il faut l’avoir à l’esprit, cette mesure va anéantir des projets de vie, en excluant de nombreux emprunteurs. En outre, elle fragilisera encore plus le secteur du bâtiment en affectant les programmes de construction, alors que seule une politique de construction soutenue améliorera les conditions de logement et d’existence des Ultramarins.
De même, je déplore la chute du budget des aides à l’amélioration de l’habitat privé, ainsi que la baisse des aides pour la résorption de l’habitat insalubre, alors que les populations des outre-mer sont confrontées à des conditions de logement parfois très dégradées. Le budget baisse de 80 % ! Un tel choix est extrêmement regrettable…
J’en viens aux enjeux en termes de développement durable et de préservation de l’environnement dans nos territoires.
Y faire face passe par le développement de méthodes d’économie circulaire sur des territoires, souvent insulaires, dont les différences doivent être prises en compte dans la définition des orientations nationales. Or les hausses programmées de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, vont grever lourdement les budgets des collectivités ultramarines, déjà mis à mal par les différentes réformes fiscales et la baisse des dotations de l’État.
Par ricochet, le développement des méthodes vertueuses de gestion des déchets se trouvera entravé. Or les territoires d’outre-mer doivent pouvoir réaliser les équipements indispensables au traitement des déchets, des équipements adaptés au contexte insulaire et à l’éloignement géographique de l’Hexagone et de l’Europe. Il s’agit de créer des outils de valorisation efficaces et de contribuer à l’émergence de filières de recyclage vecteurs d’emplois.
Actuellement, 75 % des déchets ménagers produits sur le territoire réunionnais sont enfouis, alors que l’enfouissement est le mode de traitement le plus critique, et 90 % des déchets triés sont exportés pour être recyclés en Asie ou en Afrique.
Il est donc important, madame la ministre, de s’attacher à préserver d’une fiscalité pénalisante des territoires comme La Réunion, afin de leur donner le temps de rattraper leur retard dans la mise en œuvre des outils multifilières indispensables. Tel était le sens de l’amendement que j’avais déposé sur la première partie du projet de loi de finances pour 2018 et qui a été adopté par le Sénat le 25 novembre dernier. Je demande donc que le volet « écologie et transition énergétique » des Assises de l’outre-mer permette la poursuite des travaux sur ce sujet.
En ce qui concerne nos jeunes, enfin, la hausse du budget du SMA doit être soulignée, car cette structure est utile à plus de 6 000 d’entre eux chaque année et permet une insertion de 80 % des volontaires. Mais pourquoi réduire, dans le même temps, les financements de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité ? Il faut avoir présentes à l’esprit les difficultés des jeunes ultramarins pour se former et s’insérer professionnellement hors de leur département d’origine. C’est l’ouverture vers l’extérieur de nos jeunes qui se trouvera affectée.
Pour conclure, je soulignerai la disparition des lignes budgétaires dédiées au financement du plan Kanner pour le développement des équipements sportifs en outre-mer. Il s’agit pourtant d’un enjeu important pour la jeunesse ultramarine.
Madame la ministre, les orientations budgétaires doivent intégrer les spécificités de nos territoires, qui font face à des défis de grande ampleur.
À mon sens, ce projet de budget ne répond pas aux attentes des habitants, qui souhaitent une meilleure prise en compte de leurs modes de vie et de leurs aspirations à plus d’égalité et de justice. Aussi ne pourrai-je pas voter les crédits de cette mission, marqués par une baisse de la ligne budgétaire unique et des crédits de la continuité territoriale.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2018 s’élèvent à un peu plus de 2 milliards d’euros, soit un volume sensiblement égal à celui de 2017. D’emblée, on peut dire que ce budget n’a pas significativement évolué ces six dernières années.
Le budget des outre-mer s’inscrit dans le contexte de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, la croissance en volume des crédits de la mission prévue pour 2019 et 2020 est inférieure aux objectifs de croissance de l’ensemble des crédits ministériels.
Cette perspective contraste avec les espoirs suscités, d’un côté, par le discours de responsabilité prononcé par le Président de la République en Guyane, et, de l’autre, par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et ses objectifs de convergence.
Il est important de rappeler que les crédits budgétaires ne sont pas le seul levier pour soutenir nos territoires et les politiques publiques en outre-mer. Le budget de la mission « Outre-mer » ne représente en fait que 12,25 % de l’effort global de l’État en direction de nos collectivités.
Il faut ainsi signaler que le montant cumulé des autorisations d’engagement destinées aux territoires ultramarins, toutes missions confondues, est en progression de 1,26 % par rapport à 2017, pour atteindre 17 milliards d’euros.
À cet égard, je constate avec satisfaction, à la lecture du document de politique transversale, que les engagements budgétaires de l’État sont en hausse. Je retiendrai notamment, pour 2018, une augmentation de 13,2 % des crédits destinés à la santé, de 23,2 % des crédits en faveur de la transition énergétique, de 8,5 % des crédits pour l’écologie et l’aménagement durable, et enfin de 3,6 % des crédits de l’enseignement scolaire.
Nous sommes également satisfaits de l’augmentation de 10 millions d’euros des autorisations d’engagement au sein du programme « Police nationale ».
Aux citoyens français des outre-mer, je voudrais dire que l’État ne se désengage pas de nos territoires sous cette mandature. Ce projet de loi de finances représente un soutien à l’exercice des missions régaliennes de l’État en outre-mer. Il nous faut maintenant investir dans une mutation tournée vers un développement économique s’appuyant sur nos atouts territoriaux.
Les crédits de paiement dédiés au programme 138, « Emploi outre-mer », augmentent de 4,5 %, ce qui représente 54 millions d’euros de plus. Cet effort porte essentiellement sur l’action Soutien aux entreprises, garantissant ainsi la pérennité des dispositifs d’allégement et d’exonération de cotisations dont bénéficient nos entreprises. Ce programme permet également le financement d’une aide au fret dont le champ d’intervention est élargi. Autre élément positif, les moyens dédiés au service militaire adapté sont renforcés, ce qui est important pour notre jeunesse.
Globalement, ce projet de budget va donc dans la bonne direction. Cependant, permettez-moi, madame la ministre, d’attirer votre attention sur certains points.
D’abord, nous constatons une stabilisation à la baisse des crédits alloués à la continuité territoriale. Plus généralement, la baisse de près de 10 millions d’euros du budget de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité est inquiétante, alors que la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a élargi les missions de cet opérateur. Je pense notamment au déploiement de la mobilité retour, qui est un impératif pour un territoire comme le mien, dont la démographie est vieillissante. En outre, le Président de la République a promis de porter à 200 000 le nombre de billets d’avion aidés chaque année.
J’évoquerai ensuite la faiblesse de l’enveloppe destinée au développement du sport dans nos territoires. Les outre-mer, terres de champions, méritent bien plus ! C’est là une évidence. Il est donc nécessaire de revoir en profondeur l’aide apportée aux actions sportives dans nos territoires. Madame la ministre, un effort particulier me semble indispensable à cet égard. Je sais aussi pouvoir compter sur la détermination de notre ministre des sports, Laura Flessel, pour inverser la tendance et faire en sorte que l’outre-mer soit à l’image de la « Guêpe ».
En fait, ce premier budget de l’actuelle majorité peut être considéré comme une étape vers un nouveau partenariat entre l’État et les collectivités d’outre-mer. Le Gouvernement pourra trouver une source d’inspiration dans les conclusions des Assises des outre-mer, si chères au chef de l’État.
En conséquence, nous espérons que ces assises ne seront pas une fois encore l’occasion pour l’État de reporter à plus tard le respect de ses obligations envers ces territoires qui font la richesse de la France et contribuent à son rayonnement à travers le monde.
Les récents événements survenus en Guyane témoignent de la nécessité de conduire une véritable réflexion sur la mise à niveau de nos départements. La situation économique de Mayotte est emblématique d’une France à deux vitesses ; il faut absolument la corriger.
J’ai ici même appelé à la bienveillance du Gouvernement s’agissant de la problématique de l’eau en Guadeloupe et des investissements à réaliser pour en finir avec ce scandale. À Saint-Martin et dans le sud Basse-Terre, les cyclones Irma et Maria ont montré qu’il convient désormais d’appréhender autrement la question des matériaux, du type d’habitat et du plan d’aménagement du littoral.
En outre, la situation du CHU de Martinique, placé sous administration provisoire, et l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre sont un grand coup porté au système de prise en charge sanitaire, déjà fragilisé dans nos régions.
Vous l’aurez compris, les besoins sont immenses et multiples, les volontés sont présentes et affichées. Les politiques publiques doivent donc être plus efficientes. Dans la nouvelle logique de copartenariat avec les collectivités locales prônée par le chef de l’État, il nous faut faire mieux avec moins.
Madame la ministre, soyez assurée de notre soutien politique. Nous voterons ce projet de budget pour 2018, qui constitue un premier signal encourageant. Il faut maintenant que se concrétisent les ambitions formalisées dans la loi relative à l’égalité réelle outre-mer et que les perspectives ouvertes par les Assises des outre-mer prennent véritablement corps. Nos territoires ont besoin de concret, et notre jeunesse de perspectives. (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comment parler de cette mission lorsque l’on a été soi-même ministre des outre-mer ? L’exercice est difficile !
Les premiers exercices budgétaires d’un quinquennat sont toujours des symboles, on le sait. Ils concrétisent des engagements de campagne, traduisent une volonté et dessinent une vision.
Aujourd’hui, le budget des outre-mer est à mon sens le symbole d’une résignation, le symbole d’un désengagement, celui du Gouvernement et de l’État.
Madame la ministre, je ne me présente à cette tribune ni en nostalgique, ni en cynique, ni en aigri, parce que je connais la difficulté de l’exercice, parce que je me refuse à verser dans la critique systématique, et donc stérile, mais surtout parce que je souhaite sincèrement la réussite de ce quinquennat pour les outre-mer.
Je fais partie des rares parlementaires qui ont gardé le silence jusqu’ici sur l’action gouvernementale, sauf à propos de l’organisation des secours à Saint-Martin. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de m’exprimer.
Depuis plusieurs mois, j’observe, comme sœur Anne, sans jamais rien voir venir. Loin d’être en marche, nous sommes à l’arrêt, dans l’attente des assises. Votre premier acte concret et tangible pour nos territoires, c’est donc ce projet de budget.
J’ai pour habitude d’être direct, franc et responsable, même si je suis trop souvent tenu par les liens de l’amitié. Je ne me présente pas en juge de l’action d’un gouvernement dont je partage par ailleurs certains choix politiques. Je me dois cependant d’être honnête en affirmant que ce budget est décevant. J’y reviendrai.
En préambule, je tiens cependant à faire part d’un ressenti, madame la ministre. Je dois vous dire que les mots sont une arme, et que les mots blessent.
Au-delà de l’inaction manifeste, la rhétorique de l’État est progressivement devenue offensante. Je vous ai écoutée avec attention, et je sais que vous prônez désormais la frugalité comme philosophie de l’action publique outre-mer. Oserez-vous donc dire que les outre-mer n’en feraient pas assez avec trop ? Que nous gérerions l’abondance ? Que nous vivrions au-dessus de nos moyens ?
Vous qui connaissez parfaitement les outre-mer, comment pouvez-vous nier la nécessité d’un État interventionniste outre-mer ? Comment faire semblant d’ignorer que, au vu des enjeux et des besoins, la politique de l’État outre-mer est largement sous-dimensionnée ?
Oui, j’ai le sentiment tenace que le langage évolue et que cette évolution n’est pas anodine ; elle est signifiante. J’ai le sentiment que les mots « vie chère », « lutte contre la rente » ont disparu du vocabulaire gouvernemental, que, au lieu de parler de convergence, et donc de vision de long terme et de trajectoire concertée, stabilisée et sécurisée, on renvoie le traitement de tous les problèmes à des assises qui prennent de plus en plus la forme d’appels à projets pour les premiers de cordée ultramarins…
Connaissant votre engagement et mesurant votre poids politique, j’ai donc la triste impression que des arbitrages ont été perdus, qu’une logique exclusivement comptable de redressement de la prétendue hubris budgétaire outre-mer a présidé à l’élaboration d’un budget atrophié, à l’ambition minimaliste : en somme, la frugalité comme ligne directrice d’une politique !
Nous ne sommes pas dupes des chiffres qui nous sont présentés. Nous demandons simplement de la transparence et de la sincérité sur les grands équilibres financiers de ce budget.
Votre ministère prétend bénéficier d’une hausse de crédits de 4,4 %. Nous affirmons que ce budget accuse une baisse de 0,51 % en crédits de paiement et de 1,5 % en autorisations d’engagement. Une fois n’est pas coutume, les affichages budgétaires nominalistes abusent d’artifices de périmètre.
Prétendant vous inscrire dans une démarche de sincérité budgétaire, vous fondez la hausse de votre budget sur une exécution budgétaire ayant entériné le transfert de crédits à d’autres ministères, pour un montant de 90,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 82 millions d’euros en crédits de paiement.
Pour être tout à fait sincère, vous auriez dû aller au bout de cette logique en transférant les quelque 87 millions d’euros qui figurent dans la mission « Outre-mer » au budget de l’éducation nationale. Au lieu de cela, vous créez une ligne budgétaire pour la construction d’écoles, de collèges et de lycées à Mayotte, en Guyane et en Polynésie, dotée de plus de 50 millions d’euros !
Je dis cela pour faire comprendre que, encore une fois, nous allons voter un budget qui sera certainement amputé par décrets d’annulation de plusieurs millions d’euros d’ici à quelques mois.
Au-delà de cette baisse, ce budget est l’illustration d’une philosophie budgétaire globale promue par le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, une philosophie du rabot, du court terme, par laquelle on tend à demander à tous les mêmes efforts. On demande notamment aux ménages, pour mieux financer les entreprises. Or, vous le savez, traiter à l’identique des situations différentes constitue une discrimination.
Pis, à la lecture du rapport de notre collègue Georges Patient, j’apprends que « sur le triennal 2018-2020, les crédits augmenteraient de 0,5 % en valeur, contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général. En volume, les crédits devraient connaître une baisse de 2 %. » Ce budget frugal, le premier du nouveau monde, n’est donc que la première étape d’un désengagement programmé de l’État dans nos territoires.
Cette trajectoire mortifère est d’autant plus inacceptable que l’État, je le rappelle, s’est engagé à hauteur de plus de 1 milliard d’euros en faveur de la Guyane, qu’une loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a été votée à l’unanimité par le Parlement et en accord avec tous les membres du gouvernement de l’époque, dont vous faisiez partie, madame la ministre, et que le Président de la République s’est lui-même engagé sur plusieurs milliards d’euros.
Dès lors, madame la ministre, comment puis-je voter un budget qui consacre la baisse des crédits destinés à la mobilité ? Comment puis-je voter un budget qui réduit de plus de 300 000 euros les crédits du plan Séisme ? Sur ce point, je demande de la clarté : on nous dit que cette baisse doit être relativisée, puisque les crédits du fonds national augmenteraient.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles lignes budgétaires confirmeraient ces arguments ?
Comment puis-je voter un budget qui sacrifie la Cité des outre-mer ? Comment puis-je voter un budget qui réduit de moitié les crédits destinés aux actions dans les domaines sanitaire, social, culturel, de la jeunesse et des sports ? Comment, enfin, voter un budget qui met à bas la politique du logement outre-mer ? La LBU perd 21 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 8,5 % !
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !
M. Victorin Lurel. Sur ces 21 millions d’euros, 16 millions d’euros étaient destinés à la rénovation de l’habitat privé. Nous y reviendrons certainement lors du débat.
Madame la ministre, nous ne pouvons pas attendre les conclusions des assises pour répondre à l’urgence économique et sociale qui affecte les outre-mer. Tous les outils existent, la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a même prévu la signature de contrats et de plans de convergence.
Ne nous condamnons pas à l’échec, appuyez-vous sur les élus que nous sommes, madame la ministre. Nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens à saluer l’effort de solidarité nationale à l’égard des outre-mer, surtout dans le contexte actuel de contrainte budgétaire. Beaucoup a été fait pour aider à combler le retard structurel de ces collectivités du bout du monde ! Mais, reconnaissons-le aussi, nous partions de loin, et beaucoup reste encore à faire !
Le projet de budget qui nous est présenté montre combien notre ministre sait défendre sa mission. Qu’elle en soit remerciée.
Étant le dernier orateur à m’exprimer, je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit mieux que je ne saurais le faire par les différents intervenants, et en particulier par les rapporteurs, dont je salue avec gratitude l’excellent travail de présentation et d’analyse.
Permettez-moi de concentrer mon propos sur Wallis-et-Futuna. Je soulignerai des points éminemment positifs, ce qui ne m’empêchera pas d’exprimer quelques inquiétudes.
Un effort notable a été fait en faveur de Wallis-et-Futuna ces dernières années, à commencer par un rattrapage important en matière de santé. Je me souviens que notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, en visite sur notre territoire voilà quelques années, avait indiqué que notre hôpital n’était même pas au niveau d’un dispensaire de brousse. Aujourd’hui, nous avons un scanner, et bientôt un centre d’hémodialyse sera installé à Futuna. Quel progrès !
Je tiens aussi à remercier chaleureusement Mme la ministre pour la reconduction des crédits du pacte social au bénéfice des personnes âgées et handicapées, pacte social dont le père, Victorin Lurel, siège désormais dans cet hémicycle.
Les ateliers des Assises des outre-mer se tiennent avec succès, ce qui n’était pas évident à Wallis-et-Futuna. Un atelier « Institutions » mène un travail approfondi et prometteur. Je suis donc, cher Thani Mohamed Soilihi, très optimiste. Malheureusement, les grandes vacances de l’hémisphère sud, en janvier et février, raccourcissent le temps précieux de réflexion commune des assises.
Les stratégies sectorielles de notre stratégie globale peuvent être complétées par les ateliers qui, dans notre esprit, viennent appuyer la préparation de notre futur contrat de développement 2019-2023, l’actuel contrat ayant été prorogé par avenants successifs, ce qui, malgré l’attribution de 5,8 millions d’euros de crédits, qu’il convient de saluer avec gratitude, demeure une dilution des moyens.
L’élaboration de ce nouveau contrat de développement sera notre chantier de l’année 2018. Il serait souhaitable qu’il soit complété par un contrat entre l’État et les circonscriptions, permettant à celles-ci d’assurer leur mission de présence et de proximité auprès de la population.
Les sommes allouées en matière d’investissements au titre des contrats de village ont été en diminution ces dernières années et les moyens, malgré les 500 000 euros prévus pour 2018, sont insuffisants.
Pour ce qui concerne les chantiers de développement, une fois rappelé que, à Wallis-et-Futuna, nous ne bénéficions ni de RSA ni d’indemnisation chômage, chacun comprendra leur importance croissante, et il serait profitable à tous que le budget de ce dispositif soit accru.
Le service militaire adapté doit également être encouragé. En 2017, trop peu de jeunes du territoire ont pu en bénéficier.
Je profite de cette occasion pour vous interpeller, madame la ministre, sur l’aide au fret, qui profite encore très peu à notre territoire. Peut-on envisager une adaptation du dispositif pour qu’il contribue au développement de Wallis-et-Futuna ? Peut-on avoir des précisions sur la mesure ajoutée dans la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer concernant le transport des déchets ?
Développement : voilà le maître mot, celui qui conditionne notre avenir, celui de nos enfants. Le développement passera aussi par une meilleure desserte aérienne pour désenclaver le territoire. Où en est l’appel d’offres international, madame la ministre ?
Enfin, le développement passe par la mise en place de deux missions que nous attendons et espérons : l’une de l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, qui semble bloquée faute de financement des billets d’avion – espérons que ce détail puisse être réglé ! –, et l’autre visant à analyser les ressources halieutiques de nos eaux territoriales, démarche nécessaire au développement du territoire et à la conclusion de tout accord de pêche. Pensez-vous, madame la ministre, pouvoir financer prochainement cette mission ?
Je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, si tous les Français, y compris les Ultramarins, sont appelés à consentir des efforts pour que le budget de la Nation puisse être à la hauteur de nos engagements européens, le Gouvernement a fait le choix de préserver la mission « Outre-mer ». Le soutien à l’emploi et à la jeunesse, l’accompagnement des entreprises, le développement des territoires sont autant de priorités qui sont ici réaffirmées.
Je vous remercie pour l’ensemble de vos observations, pertinentes et légitimes, et je vous redis que le projet de budget que nous présentons aujourd’hui est très positif, eu égard aux mesures de redressement des finances publiques mises en œuvre avec détermination par le Gouvernement.
Ainsi, dans le contexte d’une réduction de 7 milliards d’euros des dépenses, les crédits de la mission « Outre-mer » sont en hausse de 4 %, soit 85 millions d’euros en crédits de paiement.
Madame Dindar, monsieur Artano, je vous remercie de saluer notre effort de sincérité. Je le dis clairement, cette hausse, contrairement à ce que j’ai pu entendre, n’est pas virtuelle, elle est concrète. Dans la loi de finances initiale pour 2017, le ministère s’était vu rattacher des crédits dont il n’avait pas l’usage et qui ont été intégralement rétrocédés au ministère de l’éducation nationale au début de l’année 2017. Ces crédits n’avaient donc pas vocation à rester dans le périmètre de la mission. Ils seront d’ailleurs intégralement reconduits en 2018 dans le budget de l’éducation nationale. Les crédits qui relèvent de responsabilité progressent donc de 85 millions d’euros, soit une augmentation de 4 %.
Cette hausse de crédits consolide pour les années à venir les fondamentaux de l’action du ministère des outre-mer. Il était très important pour moi de pouvoir donner ce premier signal en ce début de quinquennat.
Non, monsieur le sénateur Lurel, ce projet de budget est tout sauf emblématique d’une résignation ! Ce n’est pas non plus un budget d’attente, messieurs Patient et Magras, mais le début d’une nouvelle impulsion. En effet, ce budget, loin de stagner, est en augmentation.
J’ai entendu les inquiétudes exprimées ces dernières semaines dans la presse, à l’Assemblée nationale, dans les territoires à l’occasion de mes déplacements, et ici même voilà quelques instants. Je tiens à vous rassurer et à vous apporter toutes les réponses nécessaires à la bonne compréhension de l’action de l’État. Il faut dire ce que l’on fait. C’est pourquoi je souhaite m’engager résolument dans un discours de vérité, de dignité et de transparence avec les outre-mer, sans entrer dans des jeux de posture politique. Je veux dire avec force et fierté tout ce que nous faisons, mais aussi convenir très honnêtement de ce qui nous restera à faire.
Il convient de se féliciter de ce qui fonctionne, mais aussi de constater ce qui ne marche pas, ce qui mérite d’être revu. Il importe d’assumer tout ce qui relève de notre responsabilité, mais aussi de cesser d’agir ou de décider lorsque l’État n’a pas vocation à intervenir localement. Les collectivités, notamment outre-mer, disposent de compétences essentielles, et de plus en plus larges, en matière de formation professionnelle, d’insertion, de gestion des services publics fondamentaux, de transports ; il ne faut pas l’oublier.
Il nous appartient donc d’accompagner les collectivités dans l’exercice de leurs compétences. J’ai pris des initiatives en ce sens dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, en proposant notamment qu’une plateforme d’appui en ingénierie soit développée au profit des collectivités et des élus locaux.
Nous devons renouer une relation de confiance réciproque avec les élus et les populations ultramarines, qui attendent beaucoup, et avec raison, de l’ensemble des décideurs publics.
J’ai déjà annoncé que, avant la fin de l’année, un site internet sera à la disposition du public, afin de permettre à tous de constater les mesures prises et celles qui ont été engagées, par exemple, dans le cadre du plan d’urgence pour la Guyane. Cette initiative, je la conçois comme une première étape vers une plus grande sincérité de notre part.
Ce site a vocation à mettre en lumière l’ensemble des dépenses en faveur de tous les territoires ultramarins. Nous vous devons cette transparence dans tous les domaines : budget, suivi de l’application de la loi de programmation relative à l’égalité réelle des outre-mer, engagements pris en faveur de Saint-Martin.
Nous mettrons en œuvre la loi de programmation relative à l’égalité réelle des outre-mer. J’ai demandé à mes services de se mobiliser en ce sens. Les choses avancent, peut-être pas assez vite, mais le projet de loi de finances contient déjà un grand nombre des dispositions prévues dans cette loi. Près de 20 % des décrets d’application ont été pris, et plusieurs le seront avant la fin de l’année. Je comprends votre impatience, mais rappelons-nous que cette loi a été adoptée voilà seulement neuf mois.
Madame Malet, le ministère des outre-mer n’est pas seul pour mener à bien cette belle mission qu’est le développement des territoires et la satisfaction des besoins essentiels des populations. Les politiques en faveur des seniors, qui relèvent du ministère des solidarités et de la santé, y contribuent.
L’action des autres ministères en faveur des outre-mer se renforce, et les chiffres contenus dans les documents de politique transversale, les DPT, le confirment. Ces documents, qui recensent les crédits de quatre-vingt-sept programmes différents, font état d’une augmentation de 336 millions d’euros entre 2017 et 2018, soit de 2,2 %. Si les DPT ne couvrent pas l’intégralité des dépenses publiques, loin de là, ils fournissent néanmoins une bonne vision de l’effort strictement budgétaire des différents périmètres ministériels, qui s’établit à 17 milliards d’euros pour 2018. Je vous remercie, monsieur le sénateur Théophile, de l’avoir rappelé.
J’ai souhaité que cet effort soit inscrit dans la durée. La programmation des crédits pour l’outre-mer prévoit une augmentation d’environ 5 % entre 2017 et 2020, et de 10 % à l’horizon de 2022. En d’autres temps, on promettait une augmentation de 12 %, mais la hausse n’était en réalité que de 5 %… Je sais, monsieur le sénateur Longeot, que vous veillerez, ainsi que vos collègues, à ce que cette programmation soit respectée, et que vous soutiendrez tous cette augmentation à venir. Le Président de la République s’est engagé en ce sens avec cette parole forte : il n’y aura pas de promesses non tenues. Trop souvent, les outre-mer ont été déçus de voir les promesses rester lettre morte, faute de financement.
Le Président de la République a aussi clairement indiqué que le prochain projet de loi de finances aurait vocation à traduire financièrement les conséquences des assises. S’y ajoutent les plans et les contrats de convergence prévus dans la loi EROM, dont la signature doit intervenir l’année prochaine. Les conclusions des assises nourriront bien entendu les réflexions et les discussions, mais ne s’y substitueront pas.
La convergence est parfois une notion complexe à cerner, vous le savez. Je n’en remets pas en cause la portée, mais je veux que nous ayons des échanges francs sur son contenu, afin de ne pas être dans l’injonction, de ne pas empêcher les territoires de définir des aspirations et des stratégies distinctes, adaptées à chacun d’entre eux.
Pour l’heure, le budget pour 2018 nous permet de construire une politique cohérente et volontariste. J’ai défini trois priorités.
La première est le développement des territoires. Les engagements des contrats de plan et de développement entre l’État et les collectivités s’élèveront à 152 millions d’euros, en augmentation de 12 % par rapport à l’année passée. Il s’agit ici de routes, de ponts, de réseaux d’eau potable ou de filières de gestion des déchets. Il est en effet vrai, monsieur Patient, que les outre-mer, notamment votre territoire, ont des retards structurels importants qu’il nous faut rattraper. C’est l’objet des contrats de convergence qui seront mis en place.
Pas plus qu’au cours des précédentes mandatures, le Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, dont les crédits sont maintenus à 40 millions d’euros, n’a vocation à résumer l’effort de l’État en matière d’investissements publics. Au-delà des différents outils de la mission « Outre-mer », le Président de la République s’est engagé à ce que les outre-mer bénéficient de 1 milliard d’euros au titre du Grand plan d’investissement. Il vous sera rendu compte régulièrement de l’utilisation de ces crédits.
La deuxième priorité, à laquelle, vous le savez, je suis attachée, c’est la jeunesse.
Je rappelle que les effectifs du service militaire adapté sont en augmentation : 127 emplois supplémentaires seront créés au cours du quinquennat, dont 20 dès l’an prochain. Le Premier ministre s’est engagé cette semaine à développer les capacités d’accueil du SMA en Nouvelle-Calédonie.
Les crédits du FEBECS seront doublés. L’annonce en a été faite, malheureusement après la parution des documents budgétaires. Je vous rassure, monsieur Longeot, le nombre de trajets financés passera bien de 4 000 à 8 000.
S’agissant de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, ou LADOM, vous avez été nombreux à exprimer vos préoccupations. Je vous confirme que l’ensemble des besoins présents et à venir seront financés. Vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur Théophile. La loi EROM a élargi les dispositifs de continuité territoriale. Ces mesures entreront progressivement en vigueur, et nous serons au rendez-vous de ces enjeux essentiels pour les jeunes de nos territoires.
Enfin, la troisième priorité, c’est l’emploi. Plus de la moitié de ce projet de budget est consacrée au remboursement d’exonérations de charges pour les entreprises. Ces dispositifs, couplés avec le maintien, en 2018, du CICE, majoré à 9 % en outre-mer, sont essentiels à la compétitivité des entreprises et à la préservation de l’emploi.
Au-delà de la préservation de ces dispositifs, et parce que les échéances et le contexte nous obligent à penser l’avenir, je veux évoquer plusieurs projets que je promeus, parmi lesquels la réforme des aides aux entreprises.
L’économie est au cœur des Assises des outre-mer. Sans développement économique, il ne peut y avoir ni perspectives d’avenir ni cohésion sociale. Je l’ai dit, on ne peut pas penser l’économie aujourd’hui comme on la pensait hier. Nos sociétés ont changé, et il faut préparer les outre-mer à affronter l’avenir. Clarifier, rendre lisibles les dispositifs, protéger et soutenir les entreprises outre-mer, mais aussi soutenir l’innovation et la recherche pour construire l’économie de demain : voilà mon ambition. Il ne s’agit ni de coups de rabot, ni de rafistolage. L’immobilisme n’est pas dans l’ADN de ce gouvernement, et surtout pas dans le mien. La méthode du Gouvernement, c’est la justice, la sincérité, l’audace. Je veux des outils modernes, ciblés, efficaces,…
M. Jean-François Husson. On verra…
Mme Annick Girardin, ministre. … et je souhaite qu’ils soient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019.
Compte tenu de l’importance de ces sujets, prendre le temps de la réflexion n’était pas superflu. Cette réflexion, monsieur Artano, mesdames, messieurs les sénateurs, je la conduirai avec vous dès les premières semaines de 2018. Nous ferons ce travail ensemble, ce sera une coconstruction.
Autre projet, autre ambition : repenser globalement la priorité que constitue la politique du logement outre-mer.
Oui, mesdames les sénatrices Dindar, Conconne et Malet, j’ai entendu les critiques et inquiétudes que suscite le projet de budget pour 2018. La capacité d’engagement de la ligne budgétaire unique a été réduite de 20 millions d’euros dans deux domaines ciblés : l’aide à la rénovation pour les propriétaires occupants et l’aide à l’accession sociale. Je ne vais pas esquiver le sujet. Ce n’est pas la première fois que ces dispositifs sont rationalisés. Ce fut le cas en 2015 ; pour autant, il n’y a eu dans les territoires aucun affaiblissement de la dynamique.
Je souhaite que, partout où cela est possible, les outre-mer bénéficient, comme l’ensemble des territoires de la République, des dispositifs de droit commun. Quand ils existent, il faut les utiliser. Ce sera l’une de mes priorités en 2018.
J’ai fait le choix, que j’assume, de promouvoir la construction neuve : 400 logements supplémentaires par an seront construits à compter de l’année prochaine, et les crédits de paiement seront en augmentation de 28 millions d’euros pour cette ligne.
J’ai aussi fait le choix de mettre l’accent sur la réhabilitation des logements insalubres. Le projet de loi de finances pour 2018 lui donne une portée concrète : pas un euro d’économies ne sera fait sur cette ligne et le fonds Barnier pour la démolition de l’habitat informel dans les départements d’outre-mer sera maintenu, tout comme les dispositifs fiscaux avantageux pour les propriétaires occupants.
Mais vous avez raison, madame Dindar, monsieur Magras, il faut pouvoir aller encore plus loin. Il est exact que notre capacité à construire ne relève pas seulement du champ budgétaire. Foncier, normes, agréments, programmation adaptée : j’ai pris tous ces chantiers à bras-le-corps dans le cadre de la stratégie nationale pour le logement.
Une troisième ambition est de faire des outre-mer des précurseurs dans la mise en œuvre des dix-sept objectifs de développement durable, en particulier celui de l’adaptation aux effets du changement climatique. La France s’est engagée en 2015 sur ces objectifs, parmi lesquels figurent la santé, l’éducation, l’égalité entre les femmes et les hommes. Tous les sujets de développement concernant les territoires d’outre-mer se retrouvent parmi les dix-sept objectifs de développement durable.
Vous avez raison, madame Assassi, les terribles événements climatiques qui ont affecté les Antilles, notamment Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en septembre dernier, nous ont cruellement rappelé combien il était urgent d’agir.
Le budget du ministère des outre-mer a largement contribué au financement des mesures d’urgence, notamment via le fonds de secours. Il sera abondé en conséquence, à hauteur de 33 millions d’euros en autorisations d’engagement au travers de la loi de finances rectificative de la fin de cette année.
J’ai par ailleurs annoncé, à la faveur de cette discussion budgétaire, la création d’un fonds pour la réhabilitation des logements privés, axé sur la prise en compte des risques sismiques et cycloniques et doté de 5 millions d’euros dès 2018.
L’actualité ne nous permet plus d’attendre, je l’ai dit et répété. Ayant participé à la préparation de la COP21, je souhaite que les territoires d’outre-mer soient des exemples, notamment en matière d’adaptation au changement climatique.
Il faut désormais lancer cette dynamique. Les collectivités du Pacifique bénéficient d’un mécanisme de prêt à taux zéro pour accompagner leurs projets environnementaux. Mon souhait est double, monsieur le sénateur Longeot : cibler plus encore qu’actuellement nos crédits sur l’adaptation au changement climatique – en effet, nous parlons tous d’atténuation, mais rarement d’adaptation – et étendre ces avantages à l’ensemble des territoires d’outre-mer.
Je veux y travailler non pas seule, mais en concertation avec mes collègues du Gouvernement et les représentants des territoires. Soyons clairs, les enjeux sont tels que ce n’est pas le seul budget du ministère de l’outre-mer qui permettra de répondre à l’ensemble de ces défis. Nous ne pourrons le faire qu’en instaurant un fonds interministériel et inter-agences.
Je tenterai maintenant de répondre à quelques questions et interpellations particulières.
Oui, madame Conconne, la réforme des aides aux entreprises est nécessaire, et le secteur du tourisme doit être largement soutenu parce qu’il est fortement pourvoyeur d’emplois et de développement dans les territoires d’outre-mer. Le temps des assises est nécessaire pour coconstruire la réponse. Le Président de la République l’a dit, nous ne verrouillerons pas les assises par des considérations budgétaires.
Messieurs les sénateurs Mohamed Soilihi et Patient, il existe bien une possibilité d’évolution institutionnelle. Le Président de la République a dit qu’il était ouvert à de telles évolutions en Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie bien sûr. Nous aborderons ces chantiers sans tabou et avec vous, si cela est nécessaire. La réponse institutionnelle n’interviendra que si elle est pertinente et souhaitée, si elle fait l’objet d’un consensus sur le plan local. La Guyane organise actuellement des états généraux. Nous suivons de près ces débats.
Vous m’avez interrogée sur la santé. Depuis la crise de 2017, ce sont 85 millions d’euros qui ont été consacrés au secteur de la santé, notamment aux hôpitaux. Le CHU de Mayotte a bénéficié de 170 millions d’euros. Concernant la Guadeloupe, nous avons dû apporter une réponse rapide à la suite de l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre voilà quelques jours. Demain, 550 millions d’euros seront consacrés à la modernisation des établissements hospitaliers. Il faut aller plus loin. Dans ce contexte, la ministre de la santé a souhaité que la réflexion nationale qui a été engagée prenne également en compte les territoires d’outre-mer, notamment au travers des questions de la mortalité infantile, du diabète, de l’éducation à la santé.
Le plan pour le développement des équipements sportifs en outre-mer n’est pas supprimé, madame Conconne. Notre déplacement chez vous, en Martinique, chez M. Lurel, en Guadeloupe, et à Saint-Martin a été l’occasion pour la ministre des sports de rappeler que l’enveloppe de 10 millions d’euros pour 2018 était bien maintenue. Pour ce qui concerne les crédits du ministère des outre-mer, le complément a toujours été apporté via le FEI. Ce sera le cas lorsque ce sera nécessaire.
Monsieur Bignon, je connais votre attachement aux outre-mer, notamment pour vous avoir accueilli à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les assises devront être source d’espérance. Je veux faire émerger l’outre-mer des solutions ! Il y a certes des défis à relever et des difficultés à résoudre dans les territoires d’outre-mer, mais des solutions y ont aussi été trouvées. Il nous faut les partager au sein des outre-mer, mais aussi plus largement.
Élus, acteurs locaux, socioprofessionnels sont tous bienvenus pour participer à cette coconstruction dans le cadre des Assises des outre-mer. Je souhaite que vous y veniez nombreux. N’attendez pas d’invitation : dans tous les territoires, les débats ont lieu, l’information est diffusée.
Monsieur Artano, vous m’avez interrogée sur la visibilité des territoires d’outre-mer, en évoquant France Ô et le projet de Cité des outre-mer. Il n’est question ni pour moi ni pour la ministre de la culture de supprimer France Ô. Il est extrêmement important que, dans les territoires d’outre-mer, les chaînes premières puissent rayonner sur l’ensemble de leur bassin maritime, mais aussi être des forces de production dans les pays voisins. Elles doivent produire des émissions qui soient visibles non pas seulement sur France Ô, mais aussi sur l’ensemble des chaînes de France Télévisions. Nous devons mener ce combat en commun. La métropole doit en effet « voir » davantage les outre-mer. Il faut que l’ensemble de la France découvre nos territoires et leur richesse.
La Cité des outre-mer contribuera aussi à leur visibilité. Lorsque j’ai pris mes fonctions, le ministère des outre-mer avait déjà prévu une enveloppe pour la rénovation d’un bâtiment destiné à accueillir la Cité des outre-mer. Comment mener à bien un projet culturel sans le ministère de la culture, sans la région d’Île-de-France ? Il est certes soutenu par la mairie de Paris, mais j’ai souhaité que nous y travaillions davantage ensemble. La région d’Île-de-France a déjà signifié sa volonté de revenir à la table de discussion.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Je tiens à ce projet, mais il devra être plus collégial. Les acteurs locaux m’ont confié, discrètement, qu’ils n’y avaient jamais été associés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir pu vous rassurer sur un certain nombre de points. Certains d’entre vous m’ont interrogée sur le changement de rhétorique : il est là, marqué par la sincérité, la justice et l’audace. Le changement dérange toujours, mais je l’assume.
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus de trois minutes, madame la ministre !
Mme Annick Girardin, ministre. Pour conclure (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.), le projet de loi de finances pour 2018 fournit des outils essentiels. Nous devons rendre à l’outre-mer sa lisibilité et sa visibilité. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
2 103 170 349 |
2 066 674 758 |
Emploi outre-mer |
1 306 566 781 |
1 333 267 756 |
Dont titre 2 |
154 170 286 |
154 170 286 |
Conditions de vie outre-mer |
796 603 568 |
733 407 002 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-314 rectifié quater, présenté par MM. Théophile, Mohamed Soilihi, Hassani et Karam, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Compte tenu de la baisse affichée des crédits de LADOM, que l’on a rappelée, et des objectifs de performance qui lui sont assignés, nous proposons un virement de crédits de 5 millions d’euros, du programme 138 au programme 123, afin de répondre aux nouvelles obligations de cette agence. Cela permettra de tenir compte de la nécessaire obligation de déplacement des jeunes, dans le cadre de leur formation, et de la continuité territoriale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Si je souscris à l’objectif des auteurs de cet amendement, tendant à renforcer l’aide à la continuité territoriale, qui connaît une diminution dans le présent projet de loi de finances, il me semble peu opportun de réduire les crédits du programme 138, puisque celui-ci finance les exonérations de cotisations sociales et l’aide au fret des entreprises.
Une baisse de ces dépenses, qui correspondent à une prévision d’exécution, puisque les exonérations sont de droit, serait irréaliste et ferait perdre sa sincérité au projet de budget.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le sénateur, je l’ai dit tout à l’heure, votre préoccupation est parfaitement légitime, et j’y suis sensible. La mobilité et la formation sont des enjeux majeurs pour nos territoires.
Néanmoins, je l’indiquais lors de mon intervention, les besoins de l’agence sont intégralement couverts par le projet de budget pour 2018, et l’activité de LADOM ne connaîtra aucun recul l’année prochaine.
D’ailleurs, tous les indicateurs connaissent une énorme progression en 2017, et nous maintenons le niveau élevé de notre participation à LADOM de l’an dernier. Nous serons présents pour abonder au fur et à mesure, si nécessaire, les crédits, afin de répondre aux besoins.
Monsieur le sénateur, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Si je comprends bien, il est demandé à notre collègue Dominique Théophile de retirer cet amendement.
Je profite tout de même de l’occasion pour indiquer que, au-delà des crédits affectés en plus ou en moins à LADOM, c’est l’image même de cette agence qu’il faut réhabiliter. C’est un très bon outil ; je sais de quoi je parle, j’ai longtemps présidé un exécutif local et je travaillais avec cette structure.
Aujourd’hui, LADOM n’a plus les moyens de sa politique, il faut le reconnaître. Elle n’est plus attractive, alors que nos jeunes ont besoin d’une structure qui les protège, surtout lorsqu’ils se déplacent. Ne l’oubliez pas, il s’agit souvent de jeunes déracinés, déstructurés, qui viennent, pour deux, trois, quatre ou six mois en France hexagonale. Bien souvent, lorsqu’ils arrivent, ils ne trouvent même pas de lieu où se loger. Je connais des jeunes ayant eu recours à LADOM qui sont restés dans la rue pendant des jours.
Je fais donc ce plaidoyer pour défendre cette structure. On ne peut pas, d’un côté, réduire ses crédits, et, de l’autre, dire que l’on veut faire de l’insertion professionnelle. Vous savez, mes chers collègues, combien le chômage touche nos outre-mer, particulièrement la Guyane, où presque 50 % des jeunes sont en difficulté ou au chômage.
Je plaide donc pour LADOM, afin que l’on ne baisse pas ses crédits, pour des raisons budgétaires que je peux bien comprendre. Vous avez indiqué, madame la ministre, que vous alliez prendre en considération cette structure. J’attends maintenant qu’on le fasse de façon très concrète, car je suis comme saint Thomas…
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. L’existence de cet amendement et des suivants prouve bien l’insuffisance du budget. Ces amendements ont été présentés par le parti de la majorité gouvernementale, qui soutient le budget et qui votera en sa faveur tout à l’heure !
En plus des contrats aidés, près de 9 millions d’euros sont pris sur le budget de LADOM. Derrière cela, il y a une philosophie gênante ; on nous dit que les avions low cost sont arrivés et que l’on peut, par conséquent, diminuer le budget et peut-être revoir l’exécution budgétaire à la baisse. Or le Président de la République a proposé 200 000 billets ; on est donc très loin du compte !
Je conclus, madame la présidente, en soulignant ceci : le Président de la République, dont nous conservons toutes les lettres et tous les engagements, a indiqué à l’hebdomadaire Actu en Nouvelle-Calédonie que nous participerions au Grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros, qui est désormais de 57 milliards d’euros, à hauteur de plus de 2,5 milliards d’euros. Il pense en outre pouvoir inclure dans les plans de rattrapage 1 milliard d’euros, sans compter le milliard d’euros de la Guyane. Cela fait donc 3 milliards d’euros.
Or, dans ce budget, il y a zéro euro ! On aurait pu mettre des autorisations d’engagement et faire une programmation, mais, non, on attend des résultats hypothétiques des outre-mer, alors que toute l’armature et toute l’architecture du développement à long terme sont contenues dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Oui, la rhétorique a changé : « le père Noël », « la frugalité »… Je le dis très clairement, je me sens offensé. Les outre-mer ne sont pas des assistés. Nous ne sommes pas des enfants ! Ce discours d’infantilisation n’est pas de mise !
Mme la présidente. Monsieur Théophile, l’amendement n° II-314 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Dominique Théophile. Eu égard aux explications fournies par Mme la ministre, nous retirons cet amendement, madame la présidente, mais nous serons très vigilants.
Mme la présidente. L’amendement n° II-314 rectifié quater est retiré.
M. Victorin Lurel. Je le reprends, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° II-314 rectifié quinquies, présenté par M. Victorin Lurel et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-314 rectifié quater.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-556 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché et Lagourgue, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Cet amendement vise à reprendre la proposition d’un député rapporteur pour avis, qui avait été rejetée par l’Assemblée nationale.
Il tend à favoriser la consolidation des habitations contre les risques de séismes et de vents forts, en y consacrant 5 millions d’euros, qu’il convient de transférer des crédits de l’action n° 01 du programme 138 vers l’action n° 01 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Si, là encore, l’intention est louable, il ne paraît pas réaliste de diminuer les crédits de l’action n° 01 du programme 138, lequel finance les exonérations de cotisations sociales et constitue donc une dépense contrainte.
Je précise par ailleurs que le présent projet de loi de finances étend, même si cela reste très insuffisant, certains crédits d’impôt et dispositifs de défiscalisation outre-mer aux travaux de réhabilitation contre le risque cyclonique.
Par conséquent, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut la commission des finances émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur Bignon, votre amendement, qui vise en effet à reprendre une proposition débattue à l’Assemblée nationale, tend à étendre les crédits de logement du ministère et à les flécher vers la rénovation des bâtiments et leur adaptation au changement climatique.
Cet amendement a été retiré à l’Assemblée nationale, parce que, je le disais il y a quelques minutes, j’ai pris l’engagement de consacrer à ce problème, en 2018, quelque 5 millions d’euros. Nous verrons ensuite, avec le temps et après l’évaluation de ce nouveau dispositif, comment nous pouvons l’abonder pour les années suivantes.
Je vous saurais donc gré de bien vouloir retirer votre amendement ; dans le cas contraire, j’y serais défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bignon, l’amendement n° II-556 rectifié est-il maintenu ?
M. Jérôme Bignon. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-556 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-188 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Théophile et Dennemont, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
4 200 000 |
|
4 200 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
4 200 000 |
|
4 200 000 |
TOTAL |
4 200 000 |
4 200 000 |
4 200 000 |
4 200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement tend à affecter 4,2 millions d’euros supplémentaires au programme 138 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, afin de créer une dotation pour les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, d’outre-mer. Cette dotation est destinée à compenser l’impact de la baisse de ressources fiscales de 17 % prévue à l’article 19 du projet de loi de finances pour 2018.
Plusieurs raisons justifient cette dotation. Tout d’abord, les tissus économiques des départements et régions d’outre-mer, les DROM, sont particulièrement sensibles à l’action des CCI, du fait, premièrement, d’une part importante d’entreprises unipersonnelles, qui nécessitent un accompagnement plus prononcé, et, deuxièmement, d’un dynamisme entrepreneurial plus important.
Ensuite, la perte progressive, depuis 2010, des concessions sur la gestion des grands équipements a durement affecté le budget des CCI ultramarines, faisant passer leur volume budgétaire, dans les quatre DROM, de 300 millions d’euros en 2010 à 117 millions d’euros en 2015.
Enfin, les économies sont plus difficiles à réaliser dans ces CCI, compte tenu de la taille des territoires et de l’absence d’établissements infrarégionaux qui pourraient être fusionnés.
Les chambres de commerce et d’industrie, établissements publics de l’État, sont les représentants élus du secteur économique et remplissent des missions de service public vitales à l’activité économique, comme l’accompagnement des créateurs d’entreprises, la formation professionnelle, l’accompagnement à l’internationalisation, ou encore la gestion des centres de formation des apprentis consulaires.
Par conséquent, une nouvelle baisse aussi substantielle de leurs ressources de fonctionnement aboutirait nécessairement à une dégradation sensible de la qualité du service public prodigué aux entreprises ultramarines et à des suppressions d’emplois.
Faute de pouvoir isoler les CCI d’outre-mer dans le mécanisme de plafonnement des taxes affectées prévu à l’article 19 du projet de loi de finances, il est proposé que le ministère des outre-mer compense l’impact budgétaire à due concurrence.
Cela prendrait la forme d’un transfert de 4,2 millions d’euros de l’action n° 02 du programme 123 vers l’action n° 01 du programme 138. Il est en effet possible de financer cette subvention par un phasage dans le temps différent du paiement des contrats liant l’État et les territoires, forts cette année de plus de 152 millions d’euros en autorisations d’engagement et de plus de 153 millions d’euros en crédits de paiement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. C’est la même configuration : il s’agit de transferts de crédits au détriment, cette fois, de la politique contractuelle de l’État en outre-mer.
Là encore, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission des finances émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le sénateur, je suis, comme vous, sensible à la situation des CCI, notamment celles des outre-mer, qui sont, vous l’avez rappelé, extrêmement fragiles, mais essentielles pour le service des entreprises.
Néanmoins, je le répète, le ministère des outre-mer n’a pas vocation à contribuer au financement des CCI. Ce sont des établissements publics, dont mon ministère n’assure absolument pas la tutelle.
En outre, le ministre de l’action et des comptes publics l’a redit, la contribution demandée à l’ensemble du réseau sera limitée à la seule année 2018 et un dispositif de péréquation sera mis en place pour soutenir les CCI les plus fragiles. J’espère que ce mécanisme aidera effectivement les CCI les plus fragiles, donc les CCI d’outre- mer.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; dans le cas contraire, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° II-188 rectifié est-il maintenu ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Eu égard aux explications de Mme la ministre, et dans la mesure où mon intention était d’appeler son attention sur ce problème, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-188 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-513 rectifié, présenté par MM. Poadja et Laurey, Mme Tetuanui, MM. Bonnecarrère, Cadic, Canevet et Delcros, Mme Guidez, MM. Henno, Kern et Laugier, Mme Létard et MM. Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
100 000 |
|
100 000 |
Conditions de vie outre-mer |
100 000 |
|
100 000 |
|
TOTAL |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. J’ai bien entendu, dans son intervention liminaire, l’intérêt très vif que Mme la ministre porte aux questions de jeunesse, ainsi que son souhait de voir se développer les échanges, au travers notamment de la mise en œuvre du fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS.
Ce fonds fut institué par la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, et il a été amélioré, l’année dernière, lors de l’examen de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Un certain nombre de collègues du groupe Union Centriste et moi-même nous sommes associés bien volontiers à cet amendement de Gérard Poadja, qui a pour objet que l’ensemble des populations françaises puissent bénéficier de ces échanges, à l’instar de ce qui se fait sur le territoire européen, au travers, par exemple, du programme Erasmus. Or, jusqu’à présent, il semble que les populations de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française en soient exclues ; il n’y a pas de raison qu’elles ne puissent profiter de ces mesures que l’on souhaite tous voir en mises œuvre.
D’où cet amendement, qui tend à prévoir une imputation de crédit permettant d’accompagner les projets des jeunes issus, notamment, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. En dépit de l’objet louable de l’amendement – l’extension des compétences du FEBECS à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie –, l’adoption de cette disposition est impossible, car l’intervention de ce fonds dans ces territoires serait contraire à l’article 40 de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer. Il faudrait donc modifier ce texte.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Comme le souligne la commission, l’extension du FEBECS à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française nécessiterait une modification législative, dont les délais seraient incompatibles avec votre préoccupation.
En revanche, je l’ai déjà exprimé auprès de Mme la députée Nicole Sanquer, il est important que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie soient soutenues dans l’ensemble de leurs projets éducatifs, sportifs, ou relatifs à la jeunesse, et vous avez su me convaincre, vous savez combien la jeunesse est importante pour moi. Aussi, je m’engage à ce que ces 100 000 euros soient mis au service des projets qui seront déposés auprès de mon ministère au cours de l’année 2018, même en dehors du cadre du FEBECS.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° II-513 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Au vu de la volonté nettement exprimée par Mme la ministre, que je salue et que je remercie, nous allons le retirer, en souhaitant que les populations de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française puissent enfin être accompagnées dans leurs déplacements, comme les autres terres d’outre-mer.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-513 rectifié est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 57 quater à 57 septies, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 57 septies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre-mer
Article 57 quater (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur le coût et les économies qu’induirait un soutien renforcé à l’enseignement des langues et cultures d’Outre-mer pour ceux qui en font la demande et à la mise en valeur de la diversité des patrimoines culturels et linguistiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de prime abord, les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2018 semblent en augmentation de 73 millions d’euros en autorisations d’engagement, c’est-à-dire de 3,3 %, et de 85 millions d’euros en crédits de paiement, ce dont je ne peux que me réjouir.
Néanmoins, à y regarder de plus près, on constate que le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », subit une baisse de dotation, que je qualifie d’importante au regard des situations compliquées et difficiles de nos territoires, à hauteur de 73 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit de 9 %, et de près de 53 millions d’euros en crédits de paiements, soit de 7 %.
C’est d’autant plus inquiétant que cette baisse concerne la ligne budgétaire unique, provoquant la diminution des constructions de logements sociaux dans nos territoires, à l’inverse de ce que faisaient les gouvernements précédents.
Par exemple, en 2016, le nombre de logements sociaux était fixé à 6 953, dont 2 802 logements très sociaux. D’ailleurs, l’article 3 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique prévoyait la construction de 150 000 logements dans les outre-mer au cours des dix ans suivant sa promulgation.
Or le Gouvernement ne s’est engagé que sur 5 870 logements locatifs sociaux et très sociaux, auxquels s’ajoutent 3 550 opérations de réhabilitation du parc existant, ce qui est très insuffisant. Cela aura un impact sur la vie de milliers de familles, mais également sur l’activité des PME de la construction.
Cette baisse touche aussi la continuité territoriale, à hauteur de 1,3 %, alors que le Gouvernement s’était engagé à favoriser, en 2018, les conditions d’augmentation du nombre de billets d’avion aidés.
Elle concerne également les collectivités territoriales, avec une diminution drastique de leur budget, à hauteur de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 24 millions d’euros en crédits de paiement.
Cette diminution affecte en outre le champ sanitaire et social, avec une contraction de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,1 millions d’euros en crédits de paiement, alors même que nos territoires ultramarins dans leur ensemble cumulent les difficultés, avec des risques sanitaires spécifiques importants, dans un contexte socio-économique dégradé.
Cette baisse concerne enfin l’insertion économique et la coopération régionale, à hauteur de 5 %, alors même qu’il faudrait augmenter largement ce montant, afin de permettre à nos territoires de lutter contre la concurrence des îles voisines proposant une fiscalité avantageuse couplée à une détaxe des produits de navigation.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Maurice Antiste. Je termine en ajoutant que la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, pourtant adoptée en 2016 et parue au Journal officiel du 6 décembre 2016, est toujours en attente des décrets d’application relatifs à certaines dispositions importantes, ce qui ralentit considérablement, voire annule totalement, la portée et l’ambition de ce texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 57 quater.
(L’article 57 quater est adopté.)
Article 57 quinquies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2018, un rapport sur la possibilité d’augmenter le plafond de 80 % de financement public dans le cadre de l’aide à l’amélioration de l’habitat en cas de présence d’amiante. – (Adopté.)
Article 57 sexies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport dont l’objet est de déterminer les possibilités d’extension et de renforcement des mesures prévues par le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité en faveur des filières de diversification agricole. – (Adopté.)
Article 57 septies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport dont l’objet est d’approfondir les possibilités d’étendre les mesures prévues par le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité au secteur de la pêche. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 57 septies
Mme la présidente. L’amendement n° II-557 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Fouché, Lagourgue et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 57 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport sur les possibilités de renforcement des dispositifs budgétaires et fiscaux déployés pour soutenir le développement du secteur touristique dans les outre-mer, étudiant notamment le recours à une variation du taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. J’ai déduit des explications et des engagements de Mme la ministre, lors de ses interventions au cours de la discussion, que l’objet de cet amendement pourrait figurer parmi les travaux et les préoccupations des Assises des outre-mer, qui me paraissent plus adaptées qu’un rapport à échéance de 2019.
Par conséquent, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-557 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je veux simplement dire aux membres de la commission des finances, encore nombreux dans l’hémicycle, que nous tiendrons, dès la suspension de la séance, une réunion pour examiner les amendements de la deuxième partie. Il y en a 350 à l’ordre du jour…
Mme la présidente. Vous avez donc de l’occupation pour la soirée… (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas de dîner !
M. Jean-François Rapin. Que fait le syndicat des sénateurs ? (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Recherche et enseignement supérieur
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et articles 57 octies et 57 nonies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’enseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, près de 60 % des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont consacrés à l’enseignement supérieur.
Au préalable, je souligne que les crédits de la mission inscrits dans le budget triennal pour les années 2018 à 2020 progressent moins rapidement que l’ensemble des dépenses du budget général. Je m’interroge sur cette absence de priorité, sachant que le niveau élevé et croissant des charges à payer de cette mission, depuis 2010, me conduit déjà à douter de la soutenabilité budgétaire de la mission…
Les crédits du bloc « enseignement supérieur » se caractérisent par une certaine rigidité. En effet, près de 80 % de cette dépense sont constitués des subventions versées aux opérateurs pour charges de service public. Je centrerai donc mon propos sur plusieurs éléments saillants, sur lesquels je souhaite, madame la ministre, appeler votre attention.
Le premier point porte sur le plan Étudiants, présenté le 30 octobre dernier. Ce plan traduit une certaine ambition, dont nous vous félicitons ; un montant d’un milliard d’euros devrait ainsi accompagner sa mise en œuvre durant le quinquennat.
Toutefois, seulement 1,5 % de ce montant est prévu pour 2018 ; cela me paraît trop faible pour concrétiser, dès la rentrée prochaine, l’application des nouvelles orientations. En outre, cette faiblesse contraste avec la rapidité ayant présidé à sa définition. Sans doute, madame la ministre, pourrez-vous nous préciser comment le Gouvernement entend réussir la rentrée 2018-2019.
Au-delà de l’accompagnement financier, seule la mise en place d’une professionnalisation de l’orientation, avec un module de plusieurs semaines, permettra de couronner cette réforme de succès.
Le deuxième point porte sur la situation budgétaire de certaines universités, qui se servent des attributions d’emplois comme variable d’ajustement pour équilibrer leurs budgets. Plus que jamais, il me paraît urgent que des mesures de rattrapage soient engagées pour les universités sous-dotées.
Au reste, cette question se pose dans un contexte particulier.
D’abord, les universités sont très inquiètes quant à la remise en cause des fonds de la taxe d’apprentissage et de leur accès à cette taxe.
Ensuite, une nouvelle expérimentation de dévolution immobilière sera conduite l’an prochain. Or aucune dotation initiale n’est prévue. Je soutiens la reprise de la dévolution immobilière, gage de l’autonomie des universités, mais il importe de ne pas précipiter le mouvement sans s’assurer que les universités concernées sont effectivement en mesure d’entretenir leur parc.
S’agissant des ressources des universités, je considère que les frais d’inscription pourraient être sensiblement relevés, en particulier pour les étudiants étrangers. Il est éclairant de constater que les droits de scolarité ne représentent qu’une part marginale des ressources des universités – moins de 3 %. Un relèvement de ces droits permettrait d’améliorer qualitativement l’accueil des étudiants, donc notre attractivité pour faire venir les meilleurs étudiants du monde entier.
Le troisième point porte sur les établissements d’enseignement supérieur privé. Je reviendrai sur leur situation financière fragilisée lors de la présentation de l’amendement adopté par la commission des finances.
Je souhaiterais toutefois, madame la ministre, que vous nous précisiez comment le Gouvernement compte assurer l’accompagnement de ces établissements. En effet, le Gouvernement s’était engagé à clarifier leur situation à travers la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, ou EESPIG.
Or, compte tenu des entrées et sorties dans cette qualification qui sont prévues en 2018 et des soutiens budgétaires que les établissements se sont vu garantir, il sera difficile de respecter la parole de l’État. En effet, il est prévu que cinq établissements ne soient pas qualifiés EESPIG et sortent « en sifflet » sur le plan de leurs financements, quand huit à dix autres établissements, auxquels on a garanti qu’ils seraient pris en compte, entreront dans le dispositif. En l’état, les crédits budgétaires conduiront donc à une impasse.
Le quatrième point porte sur les crédits destinés à la vie universitaire, le programme 231. Ces crédits paraissent stables par rapport à 2017. Je relève cependant que cette stabilité repose, en réalité, sur la diminution des crédits finançant l’aide à la recherche du premier emploi.
Derrière cette stabilité en trompe-l’œil, les crédits du programme 231 se caractérisent par un fort dynamisme, porté principalement par les facteurs de hausse continue de l’enveloppe dévolue aux bourses.
Dans un contexte budgétaire contraint, il importe plus que jamais de s’interroger sur le dynamisme des dépenses. À cet égard, une réflexion sur le contrôle des bourses et de l’assiduité des étudiants devrait être conduite. Je me permets, madame la ministre, de vous signaler les recommandations que j’ai formulées à l’occasion d’un rapport d’information en 2016 sur ce sujet. Elles restent d’actualité et offrent des solutions afin de concilier l’utilité de ce soutien à la poursuite des études et le nécessaire contrôle qui doit les régir.
Avant de laisser mon collègue vous livrer son analyse des crédits consacrés à la recherche, je soulignerai le rôle de la recherche universitaire. Près de 4 milliards d’euros lui sont destinés. L’enjeu crucial pour améliorer l’efficacité de cette recherche est d’agir sur le transfert de ses résultats, afin de mieux valoriser les efforts en la matière.
C’est tout le sens du travail que j’ai conduit cette année sur les sociétés d’accélération du transfert de technologies, les SATT. J’espère, madame la ministre, que cette étude inspirera votre action, afin de renforcer l’efficacité de l’action des SATT et de parvenir à une meilleure valorisation de la recherche universitaire.
Avant de conclure, madame la ministre, je veux souligner l’enjeu crucial de la réforme que vous souhaitez engager pour mieux réussir l’orientation et la répartition des étudiants à leur entrée à l’université. Il y va de l’avenir de nos jeunes, à qui l’on doit arrêter de mentir en les laissant s’entasser dans des filières sans avenir. Il y va aussi d’une meilleure utilisation de l’argent public, donc d’une amélioration des performances de notre enseignement supérieur.
Soyez assurée, madame la ministre, que vous nous trouverez à vos côtés pour conduire cette réforme, qui, je le crois, est sûrement l’un des enjeux majeurs de notre société. En conclusion, la commission des finances a adopté les crédits de votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits de la mission consacrés à la recherche.
Permettez-moi, pour commencer, d’exprimer un certain scepticisme – rassurez-vous, cela ne va pas durer –, celui que m’inspire la présentation de ce budget, son manque de souplesse et son manque de vision interministérielle. En fait, on se rend compte, à la lecture de ce budget, que celui-ci se prête peu à l’amendement et que les données qui nous sont fournies ne peuvent aisément être utilisées par le Parlement.
J’en viens, madame la ministre, à l’analyse des crédits proprement dite.
La somme des budgets des programmes « Recherche » atteindra 11,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement, ou AE, et en crédits de paiement, ou CP, en 2018, ce qui représente une hausse de 394,4 millions d’euros en AE et, surtout, de 512,3 millions d’euros en CP par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2017. Ces hausses de crédits sont significatives, en dépit d’un contexte que nous savons tous très difficile et contraint.
De fait, il était temps que la recherche soit considérée comme un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation, car elle constitue la dépense d’avenir par excellence.
Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193, « Recherche spatiale », s’établira en 2018 à 8 345,9 millions d’euros en AE et 8 391,8 millions d’euros en CP, soit une forte hausse, de 4,4 % en AE et de 6 % en CP, par rapport à 2017. Il s’agit là d’un effort considérable. Les crédits de ces programmes seront donc abondés de façon significative pour la deuxième année d’affilée.
En ce qui concerne les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère – notamment le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, CEA et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM –, je me félicite que la compensation de la hausse de la CSG pour les chercheurs, point sur lequel m’ont alerté tous les directeurs des organismes que nous avons auditionnés, ait fait l’objet d’un abondement en seconde délibération à l’Assemblée nationale.
Un autre élément m’a interpellé lors des auditions que j’ai menées : l’importance du recours aux contrats à durée déterminée dans ces organismes de recherche, qui risque, à court terme, de nous poser un problème social assez important. Nous devons y être attentifs. Il paraît difficile de demander aujourd’hui à nos chercheurs de très haut niveau, voire d’excellence, de se consacrer pleinement à leur métier, qui est aussi leur passion, dans des conditions que l’on peut considérer comme précaires.
Le troisième fait saillant dans les programmes du ministère de la recherche est l’effort budgétaire très important qui sera consenti en 2018 en faveur des très grandes infrastructures de recherche et des organisations internationales relatives à la recherche.
Je pense notamment à la hausse des financements destinés à l’Agence spatiale européenne, qui porte le très important projet Ariane 6, à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, au réacteur thermonucléaire expérimental international et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. Madame la ministre, le Gouvernement s’est incontestablement attaché, cette année, à améliorer la sincérité du budget de la recherche sur ce point.
En revanche, les autres programmes de la mission, qui ne dépendent pas du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, verront, pour la plupart, leurs moyens stagner, voire diminuer en 2018.
On note deux exceptions à cette tendance morose : le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui verra ses crédits augmenter de 2 %, afin notamment de répondre aux besoins des filières agricoles en cadres de haut niveau, et le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », qui bénéficiera de la budgétisation des crédits de recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile qui figuraient, jusqu’en 2016, par les deux premiers programmes d’investissement d’avenir, pour un montant de 135 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Le fait que l’État apporte de nouveau une aide précieuse à un secteur décisif pour l’avenir de notre industrie, après le « trou d’air » de 2017 – si vous me permettez ce jeu de mots –, constitue une excellente nouvelle.
J’ajoute que l’aggravation du déficit du commerce extérieur est de moins en moins marquée. Cette détérioration est en grande partie due aux importations de matériel aéronautique. Il est très paradoxal d’entendre que nous devons être encore plus performants quand nous avons la fierté de voir la qualité de nos programmes d’investissement saluée par Airbus et même par l’aviation militaire.
J’en viens à présent au sujet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et du financement de la recherche par projets.
Dans son rapport de juillet dernier, mon prédécesseur Michel Berson avait montré que la baisse drastique des crédits de l’ANR survenue au début du quinquennat précédent avait eu des conséquences catastrophiques, avec un taux de succès atteignant difficilement 11 % en 2015.
Le précédent gouvernement avait fait un effort. On constate, cette année, un effort chiffré qui ne peut qu’aller dans le sens du renforcement de l’ANR. C’est une bonne chose.
Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le nouveau Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Je ne le pense pas. Globalement, on devrait pouvoir financer jusqu’à 25 % de ses projets. C’est peut-être un maximum, mais c’est un objectif digne d’une agence comme l’ANR.
En ce qui concerne les financements européens, les premiers chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche au niveau européen s’amplifie.
Si l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que notre pays, la France est désormais rattrapée par les Pays-Bas et par l’Espagne. Notre pays gagnerait donc à s’enrichir des expériences étrangères.
En l’an 2000, il avait été décidé que l’effort de recherche de chaque État membre de l’Union européenne devrait atteindre 3 % du PIB en 2020. À ce jour, ce taux s’élève, dans notre pays, à 2,15 %.
Voilà, madame la ministre, ce que je pouvais vous dire en sept minutes, sachant que j’ai dû élaguer une grande partie de mon propos. Comme l’a déjà indiqué Philippe Adnot, la commission a émis un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le Gouvernement pour l’effort qu’il consent en faveur de la recherche dans ce budget. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre commission s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits de la mission.
Il conviendra cependant de maintenir la hausse des crédits de l’Agence nationale de la recherche dans les futurs budgets du quinquennat, notamment en vue d’augmenter le préciput pris en charge par l’agence.
Madame la ministre, la préparation de mon rapport m’a notamment amené à m’interroger sur les points suivants : au vu des avancées de SpaceX, Ariane 6 sera-t-elle suffisamment compétitive pour garantir à l’Europe un accès indépendant à l’espace ?
Mme Sophie Primas. Espérons-le !
M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis. Le Figaro évoquait justement ce sujet dans son édition de ce matin.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’enseignement supérieur. Vous avez de saines lectures ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis. A-t-on pris conscience qu’il est crucial que nos entreprises se saisissent des opportunités économiques de Galileo et de Copernicus ?
Quel est l’avenir des pôles de compétitivité, alors que le Fonds unique interministériel baisse régulièrement et qu’un état consolidé des financements publics des pôles n’est pas disponible ? Ne devrait-on pas rechercher une plus grande cohérence des structures d’avenir en vue de valoriser la recherche et d’accroître la recherche partenariale ?
J’ai également souhaité, madame la ministre, porter mon attention sur l’une des structures créées dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, à savoir France Brevets. Il s’agit d’une société par actions simplifiées, dotée d’un capital de 100 millions d’euros, réparti à parité entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
Active depuis 2011, France Brevets est la seule structure publique dédiée à l’investissement dans les brevets en Europe. Elle acquiert des droits sur des brevets en vue de les regrouper en grappes, puis de les licencier, avec pour objectifs de protéger l’innovation française à l’échelon international et de permettre aux entreprises françaises souhaitant utiliser une technologie brevetée de le faire à conditions tarifaires raisonnables.
Six ans après sa création, France Brevets doit toujours faire ses preuves. Si son activité est utile, elle s’est surtout développée au gré des opportunités et a donné lieu à des réalisations relativement limitées au regard des objectifs initiaux, alors que ses résultats financiers apparaissent nuancés.
La société s’est récemment dotée d’un nouveau plan d’affaires, qui procède à des ajustements bienvenus. Mais, à terme, il faudra procéder à une évaluation indépendante et exhaustive, afin de s’assurer de la valeur ajoutée effective de France Brevets, qui, à ce stade, ne me paraît pas encore totalement démontrée. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit de contraintes budgétaires fortes, le projet de loi de finances pour 2018 témoigne de l’importance qu’attache le Gouvernement à la recherche et à l’innovation, que ce soit à travers l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de la recherche ou via l’arrêt d’une pratique qui consistait à sous-estimer systématiquement les contributions de la France aux organisations internationales de recherche. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
Néanmoins, au-delà du budget de la recherche et de l’innovation, il me semble indispensable, surtout en début de quinquennat, de poser la question suivante : quelle recherche veut-on ? Et pour quelle France ? En effet, si notre pays veut rester compétitif, il devra investir massivement dans la recherche et l’enseignement supérieur pour faire de l’innovation le moteur de la croissance économique.
Comme l’a dit précédemment mon collègue Jean-François Rapin, avec une dépense de recherche et développement de la France représentant 2,24 % du PIB, notre pays n’a jamais atteint l’objectif de la stratégie de Lisbonne de 2000, qui fixait ce taux à 3 % du PIB. Les moyens pour y parvenir sont connus : investir davantage dans la recherche publique, mais également encourager le développement de la recherche privée. Soyons honnêtes : jusqu’à présent, aucun gouvernement, toutes majorités confondues, n’y est parvenu.
Au cours de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’y est engagé. Nous observerons donc avec attention l’action de l’actuel Gouvernement et ses résultats dans ce domaine. D’ores et déjà, une piste devrait être privilégiée : le renforcement des Instituts Carnot, qui assurent avec efficacité le lien entre recherche et innovation et incitent les entreprises, notamment les PME, à investir dans la recherche.
Une autre action doit être menée en parallèle : la définition de priorités claires en matière de recherche. C’est ce qui explique le succès de l’Espagne et du Royaume-Uni dans le cadre des appels à projets européens ou encore le rayonnement de la recherche du Royaume-Uni et des Pays-Bas au niveau international, alors même que ces pays investissent proportionnellement moins d’argent dans la recherche que notre propre pays.
C’est un chantier délicat, mais indispensable, auquel le Gouvernement semble vouloir s’attaquer. Nous verrons si, au-delà du constat partagé, les politiques mises en œuvre seront utiles pour notre pays.
Les opérateurs de recherche ont également besoin d’une meilleure visibilité financière à moyen terme pour mener une recherche de qualité. Tel devrait être le rôle des contrats d’objectif et de performance signés entre les organismes de recherche et l’État, avec la mise en place d’une véritable contractualisation des objectifs et des moyens entre l’opérateur de recherche et son ministère de tutelle.
Enfin, l’État doit financer les actions qu’il lance. À cet égard, je rappelle que l’INSERM a été chargé par l’ancien gouvernement de plusieurs projets, tels que le lancement du consortium REACTing pour coordonner la recherche en cas d’émergence infectieuse, le pilotage du plan France Médecine Génomique 2025 ou encore la mise en place d’une cohorte dans le cadre du plan de lutte contre la maladie de Lyme – pour ne citer que ces trois exemples.
Ces programmes ont été annoncés à grand renfort de communication, mais leur financement n’a pas été assuré et a dû être pris en charge par l’INSERM à travers le redéploiement de ses propres ressources. Cela a été valable pour d’autres organismes de recherche, comme le CNRS. Les arbitrages pour 2018 n’ont pas encore été rendus, mais il serait très regrettable que l’État ne respecte pas ses engagements.
La semaine dernière, le Sénat a bien voulu adopter mon amendement visant à la remise d’un rapport sur les modalités de financement des plans de santé publique. Nous attendrons ces conclusions avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’enseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je dois reconnaître, madame la ministre, que la « première mouture » de ce budget, celle qui a été examinée par le Conseil des ministres du 27 septembre dernier, m’avait déçu.
Elle m’avait d’abord déçu parce que les seules mesures pour lesquelles vous prévoyiez des moyens nouveaux étaient issues du quinquennat de François Hollande : le parcours « professionnels, carrières et rémunérations » – le PPCR –, les 1 000 créations de postes, la revalorisation du point d’indice… Le premier budget de Mme Vidal n’aurait-il été que le dernier budget de Mme Vallaud-Belkacem ? Vous connaissant, je ne pouvais le croire.
Vous m’avez rassuré sur vos intentions lorsque vous avez décidé de financer, cette année, pour la première fois, le glissement vieillesse-technicité, qui incombe à l’État, dans le budget de masse salariale des établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies – les RCE –, et je vous en félicite. J’espère que vous poursuivrez dans cette voie lors des prochains budgets.
Je demeurais néanmoins inquiet, car rien n’était prévu, à ce moment, pour financer l’augmentation des effectifs dans l’enseignement supérieur, ni le scandale de l’échec en licence, alors que, chaque année, nous accueillons 30 000 étudiants supplémentaires dans notre enseignement supérieur, orientés par défaut vers l’université, où seulement un étudiant sur trois termine sa licence en trois ans, ce qui est une honte pour notre pays et sa jeunesse. Mais, du fait de votre parcours professionnel, vous le savez tout autant que moi, madame la ministre.
Je reconnais que vous avez véritablement corrigé votre copie et votre feuille de route, en proposant à l’Assemblée nationale de voter les financements, pour 2018, du plan Étudiants que vous avez présenté avec le Premier ministre le 30 octobre dernier. Les crédits de cette mission ont donc été abondés de 15 millions d’euros supplémentaires. C’est peu, mais ces crédits seront complétés par des financements sur projets issus des 450 millions d’euros annoncés dans le cadre du Grand plan d’investissement prévu sur la durée du quinquennat.
Vous le savez, je soutiens l’ambition de votre réforme, tout particulièrement votre volonté d’améliorer la réussite étudiante en premier cycle, sujet qui me préoccupe depuis plusieurs années et sur lequel j’ai plusieurs fois eu l’occasion d’interpeller vos prédécesseurs.
Cependant, je serai très vigilant sur les modalités que vous nous proposerez dans le cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, que le Sénat examinera au début de l’année prochaine.
Nous n’avons pas le droit à l’erreur, madame la ministre : si, dans un an, le nouveau dispositif continue de dysfonctionner, nous ne pourrons plus dire : « C’est la faute d’APB »… Et la récente réforme de l’entrée en master a montré combien les fausses bonnes idées – je pense à ce fameux « droit à la poursuite d’études », que nous n’avions pas véritablement plébiscité au Sénat – pouvaient faire naître des complexités et des dysfonctionnements.
Gagnés successivement par la déception, l’espérance et l’inquiétude, soucieux de soutenir votre action quand elle est intéressante pour nos étudiants, mais vigilants en ce qui concerne l’efficacité des mesures proposées, les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour le programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement durable et de la mobilité durable ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits du programme 190, consacré à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables.
Ces crédits soutiennent les actions de sept opérateurs, compétents dans des secteurs très différents. Les travaux de recherche menés par ces établissements sont essentiels pour répondre aux défis environnementaux de la France et pour réussir notre transition écologique. Ils permettent d’éclairer les décideurs publics lors de l’élaboration de politiques nouvelles, dans des domaines caractérisés par une évolution permanente des connaissances et des techniques.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une légère hausse du total des crédits de ce programme, avec 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement et 1,76 milliard d’euros en autorisations d’engagement.
Nous avons relevé que les dotations prévues pour les sept opérateurs sont globalement préservées. À cette stabilité d’ensemble s’ajoute un effort spécifique en faveur de la recherche aéronautique, qui vise à prendre la suite de ressources précédemment apportées dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.
Si notre commission s’est majoritairement félicitée de la stabilité des crédits en 2018, plusieurs de ses membres ont appelé de leurs vœux, au-delà d’une préservation de l’existant, une revalorisation plus significative de ces derniers, déterminants pour aborder le futur de notre énergie et de nos mobilités.
Notre commission a relevé et approuve deux orientations qui guident de plus en plus les activités des organismes soutenus par le programme.
Premièrement, nous avons salué les efforts de coopération et de mutualisation entrepris par les différents établissements, efforts qui contribuent à un enrichissement mutuel de leurs travaux, mais aussi à une optimisation des dépenses publiques. Par ces processus de réorganisation, ces organismes s’attachent à établir des priorités dans leurs activités de recherche, ce qui est une démarche très positive, qu’il faut renforcer à l’avenir.
Deuxièmement, nous nous sommes félicités des nombreux partenariats établis par ces opérateurs avec la société civile. Ce souci d’ouverture vise à mieux identifier les attentes sociétales, à y répondre plus efficacement, donc, in fine, à améliorer la pertinence et la légitimité de la recherche publique. Une telle approche permet également de développer la coopération entre ces établissements et le secteur industriel, donnant ainsi des perspectives d’application plus directe aux travaux de recherche.
Pour conclure, madame la ministre, notre commission considère qu’un engagement financier de l’État à un niveau élevé est indispensable pour maintenir à un degré d’excellence les capacités publiques de recherche dans le domaine du développement durable.
Au vu de la stabilité des crédits pour 2018, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je remplace Colette Mélot, qui ne pouvait malheureusement être parmi nous ce soir.
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont en augmentation de 1,3 % par rapport à 2017. Ce n’est pas la première fois que ces crédits sont augmentés : ils l’avaient déjà été lors des PLF pour 2013 et pour 2017.
Préserver les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce n’est pas seulement un arbitrage financier, madame la ministre. C’est un pari en faveur de l’avenir et de l’innovation.
Les 718 millions d’euros de crédits supplémentaires de la mission inscrits au PLF pour 2018 sont ainsi massivement dirigés vers les programmes de la recherche. Avec un budget global de 15 milliards d’euros, la recherche fait, certes, partie des « petits » postes de dépenses de l’État, mais ses moyens restent sous-dimensionnés par rapport aux potentialités de ce secteur et, surtout, vous en conviendrez, par rapport aux enjeux considérables qu’il représente pour l’avenir.
Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’augmentation rapide du nombre d’étudiants fragilise l’équilibre financier de la mission, qui stagne à 13,4 milliards d’euros pour les formations et à 2,7 milliards d’euros pour la vie étudiante. Le système craque et risque d’exploser !
Si nous saluons l’effort public supplémentaire en faveur de cette mission, force est de reconnaître que ses crédits sont insuffisants. Le comité pour la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur estimait ainsi qu’un effort d’un milliard d’euros supplémentaires était nécessaire jusqu’en 2020, pour tenir compte des évolutions démographiques.
À la fin du mois d’octobre 2017, le Premier ministre a présenté des pistes pour adapter l’enseignement supérieur français à ces nouveaux défis.
Pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires, le plan Étudiants va dans le bon sens. La suppression du tirage au sort est une décision salutaire, qui met fin à une situation absurde et injuste. Des mesures énergiques doivent être prises en complément pour accompagner la population étudiante, qui connaît une véritable paupérisation depuis plusieurs années. Votre gouvernement n’est pas en cause, madame la ministre, mais il faut des solutions rapides pour améliorer le logement, le pouvoir d’achat ou encore la santé des étudiants.
Le Gouvernement nous promet d’y consacrer un milliard d’euros sur cinq ans, dont 450 millions d’euros au titre du Grand plan d’investissement et 500 millions d’euros dans les budgets successifs du ministère d’ici à 2022. C’est un geste courageux pour nous sortir de l’impasse dans laquelle nous étions placés depuis de nombreuses années.
Il faudra aussi, comme l’a souligné Colette Mélot au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, que l’enseignement supérieur se marie davantage avec la formation professionnelle pour que les universités travaillent sérieusement sur la question des débouchés professionnels.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, la Cour des comptes nous interpelle sur la sous-budgétisation de notre contribution aux organismes scientifiques internationaux et aux grandes infrastructures de recherche.
Le Gouvernement s’était engagé à augmenter cette contribution de 150 millions d’euros ; c’est chose faite avec ce projet de loi. La hausse de 132 millions d’euros des crédits alloués à l’Agence spatiale européenne et celle de 25,2 millions d’euros de notre contribution à l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques, EUMETSAT, s’inscrivent dans la même démarche : la recherche est un projet collectif au service d’une société plus performante.
Ce coup de pouce financier est un bon signe, mais les opérateurs de recherche français et étrangers ne peuvent plus se suffit des seules subventions publiques. Il faut, et je crois que cette position fera consensus dans cet hémicycle, améliorer notre visibilité à moyen terme et établir un contrat de confiance sur plusieurs années avec les acteurs de la recherche.
Le temps de la recherche scientifique n’est pas toujours celui de l’équilibre budgétaire. Vous avez, madame la ministre, évoqué l’importance d’une visibilité à cinq ans. Nous vous suivons bien entendu dans cette démarche.
Si l’État doit être un stratège en matière de politique de la recherche, notre groupe en conclut, d’une part, que l’effort financier doit être renforcé pour enfin atteindre l’objectif de la stratégie de Lisbonne, à savoir affecter au budget de la recherche 3 % du produit intérieur brut, comme le Président de la République s’y est engagé durant la campagne présidentielle, et, d’autre part, que les pouvoirs publics doivent accompagner davantage les opérateurs de recherche dans les candidatures aux appels à projets nationaux et internationaux, notamment en termes de complémentarité des aides.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de cette mission.
Les inquiétudes que j’ai exprimées sont compatibles avec un budget de transition. Nous serons vigilants, notamment dans le cadre de la préparation du prochain projet de loi de finances, pour que la confiance que nous vous accordons soit suivie d’effets. Nous espérons également que les annonces du Premier ministre compléteront les dispositions de ce texte.
Rassurés, nous pourrons être actifs et acteurs des politiques que vous entendez mettre en place au service de la recherche et de nos étudiants de l’enseignement supérieur.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la démocratisation de l’accès à la connaissance constitue un enjeu fondamental pour permettre à tous nos concitoyens de s’adapter aux évolutions de la société ou, tout simplement, de s’épanouir.
La mission « Recherche et enseignement supérieur » doit donc traduire en permanence la place centrale de ces deux politiques publiques pour notre pays.
Les crédits de la mission, qui s’élèvent environ à 28 milliards d’euros pour l’année 2018 –s’y ajoutent des crédits prévus par le troisième programme d’investissements d’avenir –, ne sont pas affectés par les efforts budgétaires visant à réduire les dépenses publiques. Pour autant, ils ne répondent pas aux difficultés rencontrées sur le terrain.
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’urgence est manifeste, comme pourraient en témoigner nos collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication qui, chaque année, mettent en garde le Gouvernement sur la nécessité d’anticiper l’arrivée massive de nouveaux étudiants.
La France ne s’est pourtant pas donné les moyens suffisants pour relever le défi démographique consistant à accueillir plus de 2,5 millions d’étudiants sur les bancs de l’université. En effet, ces dernières années ont été marquées par la situation financière catastrophique des universités, qui n’ont reçu aucune aide pour se sortir de cette impasse. Cerise sur le gâteau, elles ont même dû subir des prélèvements sur leurs fonds de roulement !
Nous demandons donc aux universités à la fois d’accueillir des étudiants de plus en plus nombreux, de combler les lacunes qu’ils ont accumulées tout le long de leur scolarité et de les préparer à leur vie professionnelle, le tout dans un contexte de contraintes financières fortes, sans leur donner les moyens qui auraient dû accompagner le passage l’autonomie. Dix ans après l’adoption de la loi Pécresse, le problème n’est pas résolu.
L’affaire du tirage au sort à l’entrée des filières dites « sous tension » est symptomatique de l’absence de prise en considération des difficultés vécues au sein des universités.
À la dégradation de leurs conditions de travail, s’est ajoutée la gestion d’un nombre croissant d’étudiants, alors que les capacités d’accueil n’ont pas été renforcées. Je tiens à le préciser, car les filières sous tension ne sont pas uniquement la résultante du déficit d’orientation des élèves – plus de 169 licences ont été confrontées à ces difficultés.
Madame la ministre, nous nous réjouissons de la fin de ce tirage au sort qui entrait en complète contradiction avec les principes les plus fondamentaux de notre pays et qui décourageait des vocations dès les premiers pas de nos jeunes dans l’enseignement supérieur.
Le plan Étudiants, que vous avez annoncé le 30 octobre dernier, substitue à la sélection arbitraire l’ouverture de nouvelles places dans les filières en tension tout au long du quinquennat. Nous veillerons à ce que cette décision se traduise dans les faits.
Un autre défi concerne le taux d’échec en licence, que seuls 27 % des étudiants obtiennent en trois ans. À cet égard, les dispositifs d’accompagnement pédagogique et de parcours de formation personnalisés prévus par le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants sont bienvenus. Encore faudra-t-il disposer des moyens suffisants.
Au cours du quinquennat, un milliard d’euros devraient être consacrés à la réforme du premier cycle. Nous sommes toutefois loin de ce qui était attendu par les universités : à ce rythme, nous n’atteindrons pas l’objectif fixé par la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur de consacrer plus de 2 % du PIB à cette politique.
Les crédits de la recherche augmentent dans des proportions plus positives pour l’année à venir, avec environ 15 milliards d’euros. Toutefois, la trajectoire devant nous permettre d’affecter 3 % du PIB français au budget de la recherche, conformément au souhait du Président de la République, est incertaine.
La contrainte budgétaire qui continue de peser sur les opérateurs de recherche avec la progression du glissement vieillesse technicité, ou GVT, demeure inquiétante. Les crédits accordés dans le domaine de l’énergie, du développement et de la mobilité durable sont en deçà des besoins.
Les crédits de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, sont en hausse de 32,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 133,9 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui permettra d’améliorer le taux de sélectivité des projets de recherche.
Sans entrer dans le débat sur la pertinence des appels à projets, il est indispensable d’encourager nos chercheurs, qui s’investissent bien souvent sans disposer d’aucune visibilité sur les financements qu’ils pourront obtenir.
Enfin, le crédit d’impôt recherche, qui représente une dépense fiscale de 5,8 milliards d’euros, mériterait d’être mieux évalué. Si nous comprenons qu’il a pour objectif d’inciter les entreprises à investir dans la recherche, cette générosité doit s’appuyer sur d’autres leviers, à commencer par une meilleure coopération entre recherche publique et recherche privée.
Pour conclure, je saluerai bien évidemment les efforts du Gouvernement pour parvenir à la présentation d’un budget sincère.
Toutefois, bien plus que d’une « sanctuarisation » des crédits de la mission, c’est de volontarisme que nous avons besoin. De ce dernier découlent le progrès et la réussite des autres politiques, notamment l’emploi, l’économie, l’énergie, la santé ou l’innovation.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera très majoritairement les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget que vous proposez pour l’enseignement supérieur et la recherche, madame la ministre, répond à une véritable attente et à des objectifs affirmés : la réussite de chaque étudiant dans le supérieur, le développement de l’autonomie des universités et le soutien à la vie étudiante.
C’est aussi un choix de transformation et de responsabilité face à la réalité démographique qui n’a pas été appréhendée dans le passé. Je rappelle que 90 000 bacheliers se sont retrouvés, cet été, sans affectation dans un établissement du supérieur.
Ce budget s’élève pour 2018 à un peu plus de 16 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 205,6 millions d’euros par rapport à 2017. Nous le savons tous, les investissements dans la recherche, c’est-à-dire en capital humain, ont un effet direct sur la croissance et l’économie françaises.
Le projet de loi de finances pour 2018 assume pleinement un renforcement du soutien à la recherche, dont il garantit l’excellence, et à l’innovation.
Ainsi, en 2018, les moyens de l’Agence nationale de la recherche augmenteront de 134 millions d’euros et la contribution de la France en faveur de la recherche spatiale, principalement pour le développement du programme Ariane 6, augmentera, elle, de 132 millions d’euros. J’y vois une volonté forte de la France pour l’avenir et pour le rayonnement scientifique de notre pays dans le monde.
S’agissant de l’enseignement supérieur, la mission que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans une stratégie plus large. Je pense au projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, présenté voilà deux semaines. Prises ensemble, ces mesures répondent aux défis de l’université : accompagner et favoriser la réussite de chaque étudiant en tenant compte de ses compétences et de ses désirs.
Le système actuel est à bout de souffle. Nous ne pouvions plus accepter un taux d’échec aussi important en licence. Nous n’avions plus le droit de fermer pudiquement les yeux sur la précarité de plus en plus forte des étudiants. Nous ne pouvions plus tolérer cette mascarade du tirage au sort.
La réforme transformera notre modèle d’orientation, d’accueil et d’accompagnement pour rendre les affectations des bacheliers plus justes et plus efficaces. Ainsi, les crédits demandés pour l’enseignement supérieur augmentent, en 2018, de plus de 200 millions d’euros, conformément à l’engagement de la majorité en faveur de la jeunesse et de l’accès aux études pour tous.
Cette hausse permettra de fluidifier les parcours, d’enrichir et de mieux cibler les filières universitaires de premier cycle, particulièrement celles qui sont en tension. Elle financera notamment l’extension en année pleine des 1 000 créations d’emplois de la rentrée qui répond au défi de l’augmentation de la démographie étudiante.
Par ailleurs, la hausse de 59 millions d’euros de l’enveloppe consacrée à l’immobilier permettra de financer les projets de réhabilitation des établissements, dans le cadre de contrats de plan État-régions, et la poursuite de l’opération Campus, qui vise à soutenir le niveau de vie des étudiants en leur rendant 100 millions d’euros de pouvoir d’achat dès 2018.
Les aides aux étudiants bénéficieront à près de 15 000 étudiants boursiers supplémentaires en 2018. En effet, les droits d’inscription à l’université et le prix du ticket universitaire ont été gelés à la rentrée 2017, afin de maintenir le pouvoir d’achat des étudiants et de leur permettre d’étudier dans de meilleures conditions.
Face à un sujet aussi crucial pour l’avenir de notre jeunesse et de notre pays, nous nous devons d’adopter une approche pragmatique et raisonnée. Certes, malgré les progrès significatifs réalisés par ce budget, beaucoup reste à faire. Il faudra toujours mettre en adéquation les budgets avec les besoins en postes, l’évolution des filières avec les résultats économiques, et mettre la recherche et l’innovation au service du développement de la Nation.
Parce que la recherche et l’enseignement supérieur ne sont pas une île, ils doivent s’adapter aux réalités du terrain et à l’évolution de la société et du monde, voire les devancer. Tel est notre objectif.
C’est la raison pour laquelle je salue l’attitude constructive de la commission des finances,…
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. « Constructive », c’est le mot ! (Sourires.)
M. Martin Lévrier. … qui est parvenue à dégager un consensus lors de l’évaluation de cette mission. J’ai la conviction que nous saurons, ce soir, poursuivre dans ce même esprit, qui fait partie de l’ADN de notre institution.
Pour conclure, madame la ministre, je tiens à saluer votre vision pour l’enseignement supérieur et la recherche. Une vision qui permettra à chacun, quelle que soit son origine sociale, d’exprimer ses talents. Elle redonnera à la jeunesse la confiance nécessaire dans la recherche et l’enseignement supérieur.
Pour ces raisons, le groupe La République En Marche votera les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » intervient vers la fin du débat budgétaire. Nous allons donc apprécier votre intervention à l’aune de celles de vos collègues qui vous ont précédée à cette tribune.
Le novice que je suis en cette matière est surpris de découvrir les capacités miraculeuses de cet hémicycle. En effet, alors que M. Darmanin, votre grand argentier, a déclaré que, pour la première fois depuis des années, son gouvernement avait eu le courage « d’inverser la courbe de la dépense publique », la plupart de vos collègues nous ont expliqué que leur budget avait été épargné… Entre le vote des recettes et la discussion des dépenses, environ 7 milliards d’euros d’économies ont disparu. Cet hémicycle a donc la faculté de transformer les « moins » en « plus » ! (Sourires.)
Dans cette logique, madame la ministre, vous allez donc nous expliquer que votre budget est un budget de transformation dont les missions essentielles ont été sanctuarisées. Je vous rassure : votre budget, comme la plupart de ceux qu’ont défendus vos collègues, recevra une large approbation de cette assemblée. Seul notre groupe votera contre ! (Nouveaux sourires.)
En effet, nous pensons que votre projet de budget se situe dans la lignée de ceux des précédents gouvernements et qu’il consacre l’abandon par la France de la stratégie européenne, dite « de Lisbonne », dont l’objectif était de promouvoir une économie de la connaissance.
Alors que nombre de nos partenaires européens ont augmenté, parfois dans des proportions importantes, la part des dépenses publiques destinées à l’enseignement supérieur et à la recherche, la place de la France reste médiocre. Elle a même reculé dans certains domaines.
Ainsi, la part des dépenses des établissements d’enseignement supérieur dans le PIB est inférieure à la moyenne de l’OCDE. Plus grave encore, la dépense annuelle par étudiant est en baisse continue depuis 2009.
Loin de vos déclarations et de l’annonce d’un plan massif en faveur de l’université, la dure réalité des chiffres de votre budget fait apparaître une baisse, en euros constants, des dotations des établissements universitaires.
Plus grave encore, aucune création de postes n’est prévue. Non seulement les universités ne seront pas davantage aidées pour faire face à l’afflux de 35 000 étudiants supplémentaires, mais encore aucun moyen supplémentaire ne leur est octroyé pour mettre en œuvre les dispositifs imposés par la réforme de l’accès à l’université dont nous aurons à débattre prochainement.
Pour bien apprécier l’extrême gravité de la situation, j’aimerais rappeler que des experts de tous bords estiment qu’il faudrait entre 700 millions d’euros et 1 milliard d’euros supplémentaires pour permettre à l’enseignement supérieur de maintenir ses capacités d’accueil.
La situation de la recherche, dont le budget baisse également en euros constants, n’est pas meilleure. Vous avez fait le choix contestable de favoriser des structures dont l’efficience n’est pas avérée, comme l’ANR ou les communautés d’universités et établissements, les COMUE – celles-ci feront l’objet de l’un de mes amendements –, aux dépens d’opérateurs historiques qui auront à subir, comme tous les ans depuis trop longtemps, de nouvelles réductions de moyens et de postes.
Cet acharnement confine à l’absurdité quand il s’agit de l’Institut de recherche pour le développement, dont le budget baisse de plus de 1,5 %, alors qu’il joue un rôle essentiel dans l’action de la France à l’étranger, c’est-à-dire l’un des objectifs prioritaires du Gouvernement.
Par ailleurs, je suis très inquiet de la situation très dégradée de l’emploi public dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les suppressions de postes de chercheurs, l’absence de recrutement nouveau, la baisse des postes ouverts au concours du CAPES et la dégradation des conditions financières et matérielles des agents dissuadent de plus en plus les étudiants de se tourner vers toutes ses professions.
Cette crise continue des vocations se traduit par une baisse du nombre des titulaires d’un doctorat, ce qui est très inquiétant pour l’avenir de notre recherche.
Une autre politique est possible, pas en Utopie, mais dans l’Europe d’aujourd’hui !
Depuis des années, un dogme bien ancré dans les esprits impose de considérer la dépense publique comme un mal qu’il faudrait combattre. Il y aurait, comme pour le cholestérol, une « bonne dépense », qui serait privée, et une « mauvaise dépense », qui serait publique. Cette dernière, comme le mauvais cholestérol, conduirait à la sclérose – je vous rappelle certains propos sur la graisse du mammouth… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Partant de ce principe, il suffirait donc de transférer de l’argent public des opérateurs de l’État vers la recherche privée pour dynamiser tout le système. L’examen des évolutions de notre recherche depuis dix ans montre, sans conteste, que cette stratégie a échoué. Nous avons affaibli notre recherche publique sans favoriser la recherche privée, bien au contraire.
Notre voisin, la Belgique, a mis en œuvre une stratégie inverse avec une éclatante réussite, puisqu’elle est devant nous dans le classement des pays affectant la plus grande part de leur PIB aux dépenses totales de recherche et développement.
Autrement dit, l’investissement massif dans la recherche publique a eu un effet d’entraînement très efficace sur la recherche privée.
Cet effet de levier a été observé non seulement en Belgique, mais aussi dans tous les pays où des politiques similaires ont été engagées. Alors, madame la ministre, abandonnez vos dogmes, soyez pragmatique et investissez largement dans la recherche publique. Ce sera bénéfique non seulement à notre économie, mais aussi à notre jeunesse, qui a tant besoin que la science et la connaissance redeviennent un projet de vie.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Vous aviez pourtant bien commencé ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Cécile Cukierman. Et il a très bien fini !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m’étendrai pas longuement sur les grandes masses budgétaires de la présente mission. Elles ont déjà été très bien présentées par nos rapporteurs, dont je salue l’excellent travail.
Ne serait-ce qu’en raison de son ampleur budgétaire, la mission « Recherche et enseignement supérieur » n’est pas anodine : avec 26,7 milliards d’euros de crédits de paiement, elle constitue le troisième poste budgétaire de la Nation après l’enseignement scolaire et la défense. Et encore faut-il, pour comprendre l’ampleur de l’effort réalisé, prendre également en compte les 6,5 milliards de dépenses fiscales rattachées au crédit d’impôt recherche et les crédits du plan d’investissement d’avenir. Il faut le dire, parce que c’est encourageant : la France investit dans son avenir.
L’évolution globale de ces crédits est aussi encourageante, puisqu’ils sont sanctuarisés depuis quelques années et qu’ils progresseront, en 2018, de 2,7 %.
Comme l’ont souligné nos rapporteurs, la hausse concerne prioritairement le financement de la recherche. Au sein de ce programme, nous nous réjouissons que les crédits d’intervention de l’ANR continuent leur progression. De même, nous saluons la prise en compte des critiques faites par la Cour des comptes quant à la sous-budgétisation chronique de la contribution de la France aux organismes internationaux scientifiques et de recherche.
S’agissant du programme « Enseignement supérieur », nous aurons l’occasion de débattre du plan Étudiants dans quelques semaines, au Sénat. Un des enjeux de ce plan est de répondre au défi que représente l’afflux de 21 % d’étudiants supplémentaires entre 2014 et 2025.
Pour y faire face, le Gouvernement a annoncé le déblocage d’un milliard d’euros sur cinq ans, dont 450 millions d’euros au titre du Grand plan d’investissement et 500 millions d’euros dans les budgets successifs de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, la MIRES, d’ici à 2022. À court terme, ce financement semble donc assuré. Nous serons extrêmement vigilants, pour que cette annonce se concrétise bien dans le temps par des inscriptions budgétaires correspondantes.
Enfin, à l’instar du rapporteur, nous saluons la compensation intégrale du GVT en 2018 dans les budgets des établissements.
Ces points de satisfaction n’occultent pas les aspects plus problématiques du présent budget. La situation financière de l’enseignement supérieur privé, en hausse cette année, n’en demeure pas moins préoccupante, l’engagement de l’État ayant baissé de 17 % au cours du précédent quinquennat.
De même, on ne peut que s’inquiéter du fait que rien ne soit prévu dans le présent budget pour compenser aux établissements les effets induits de la hausse de la CSG.
Nous déplorons également l’absence de dotation d’accompagnement des prochaines dévolutions de patrimoines aux universités candidates à cette expérimentation.
En matière de recherche, nous pourrions aussi regretter, comme l’ont déjà souligné plusieurs de nos collègues, qu’aucun gouvernement ne soit parvenu, en dix-sept ans, à atteindre l’objectif de Lisbonne fixant cette dépense à 3 % du PIB.
Toutefois, l’exercice budgétaire est, à nos yeux, un peu trop propice au développement d’une approche exclusivement quantitative des problèmes. Si vous me le permettez, j’aimerais tenter une approche un peu plus qualitative des enjeux de la présente mission.
Où en est l’université ? Pour répondre à cette question, deux indicateurs méritent de retenir notre attention : d’une part, la France est en queue de peloton dans l’OCDE en termes de dépenses d’enseignement supérieur rapportées au nombre d’étudiants ; d’autre part, nos établissements ne brillent pas particulièrement dans le classement de Shanghai.
Nous le savons, pour que l’enseignement supérieur français demeure compétitif à l’échelle mondiale, il doit se réformer. Le système, si français, des grandes écoles est une bizarrerie dont le corollaire est malheureusement la relégation des universités à un rang subalterne. Il nous faut réussir le rapprochement des grandes écoles et des universités. Nous y engageons-nous vraiment ?
Tant que nous n’oserons pas affirmer que la faculté peut être sélective, ce ne sera pas le cas. Tant que nous n’aurons pas remplacé le baccalauréat par une transition plus harmonieuse entre enseignement secondaire et enseignement supérieur, ce ne sera pas le cas. Tant que nous n’aurons pas enclenché une dynamique pour enfin rapprocher la formation supérieure initiale de l’entreprise, ce ne sera pas le cas. Enfin, tant que nous n’aurons pas pensé l’orientation au lycée bien avant l’année de terminale, ce ne sera pas le cas.
C’est difficile, nous en sommes bien conscients. Aussi ne parvenons-nous pas suffisamment à faire des choix. La loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat était assez emblématique de cette difficulté : d’un côté, elle affirmait le principe de la sélection à l’entrée du master, mais, de l’autre, elle garantissait un droit à la poursuite d’études qui, malheureusement, vient en pratique alimenter les statistiques de l’échec universitaire.
Dans le présent budget, rien n’indique que le Gouvernement soit résolu à profondément moderniser l’enseignement supérieur français. Le gel des droits d’inscription à l’université, pour la troisième année consécutive, est plutôt un indice du contraire.
Nos collègues du groupe Les Républicains préconisent leur revalorisation, en contrepartie de la mise en place d’un système de bourses sur critères sociaux. (M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, acquiesce.) Je ne sais si c’est la bonne solution, mais cette proposition a le mérite d’ouvrir la réflexion.
Les mêmes remarques peuvent être faites en matière de recherche. Nous le savons, la recherche d’aujourd’hui fait le monde de demain. Or le monde demain sera bouleversé par les biotechnologies et l’intelligence artificielle. Nous pouvons aussi espérer qu’il soit durable. L’enjeu est de taille, car si nous ne réussissons pas ces révolutions, demain, nous n’existerons tout simplement plus.
Ces trois axes constituent-ils effectivement les priorités définies par l’État qui se voudrait stratège en matière de recherche ? Rien, dans ce budget, ne permet de l’affirmer.
Au contraire, faute de déterminer et de hiérarchiser des objectifs précis, notre recherche risque de se diluer dans le saupoudrage. Comme pour l’enseignement supérieur, des choix clairs et courageux doivent être faits.
Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour saluer la confiance retrouvée dans la recherche et l’enseignement supérieur.
La civilisation industrielle a fait place à la civilisation de l’innovation et du savoir. L’État doit saisir cette réalité. Dans cette nouvelle civilisation, la richesse ne vient plus des matières premières ou des sources d’énergie. Elle vient plus que jamais de l’homme, de sa créativité. « Il n’est de richesses que d’hommes » : c’est bien tout le sens des enjeux de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la jeunesse n’est qu’un mot », disait Bourdieu. Nous nous accorderons tous en tout cas à dire qu’elle est une chance.
D’abord, parce qu’elle est extrêmement diverse : ses origines multiples, qu’elles soient sociales, culturelles ou géographiques, sont autant d’ouvertures au monde, de projets en devenir foisonnants, de lendemains prometteurs qui ne ressembleront pas aux constructions d’hier.
Ensuite, elle reste, dans son ensemble, profondément volontariste et lucide. Malgré certains discours ambiants, où ne jaillissent que nostalgie et angoisses quant à l’avenir, elle résiste, elle s’adapte et plonge dans le présent ainsi que dans le futur, cette « parcelle plus sensible de l’instant », comme l’écrivait Paul Valéry.
Si 78 % des jeunes sont aujourd’hui optimistes quant à leur devenir, ils sont en revanche majoritairement pessimistes sur les sujets qui touchent le monde. Ils ont conscience des problèmes actuels. D’ailleurs, nombre d’entre eux y font face ; ils acceptent le monde tel qu’il est et sont prêts à l’affronter.
S’il y a tant d’initiatives de la part de notre jeunesse, que ce soit dans les domaines de l’entreprise, des arts, du sport, de l’environnement ou de l’engagement, c’est grâce à ce réalisme et à cet optimisme de la volonté, qui nourrissent ce désir de transformer le monde, de l’améliorer, de mieux vivre tout simplement. Albert Camus écrivait que « chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde ». Si une partie de la jeunesse est en capacité de le faire, une autre n’a même pas la possibilité de s’y projeter.
Au fond, ce n’est pas une affaire d’ancien ou de nouveau monde. C’est plutôt une affaire de sens. Quel sens donner au monde ? Quel sens donner à ses propres engagements ? Je crois que les jeunes générations ont une conscience particulièrement aigüe et se posent constamment ces questions. Probablement est-ce cette quête permanente de sens qui les conduit à imaginer, concevoir et entreprendre tant d’initiatives, sans être tétanisés d’emblée par le risque d’échec.
C’est pourquoi nous avons une responsabilité collective envers la jeunesse, et je dirai même envers toute la jeunesse : celle de lui offrir les meilleures conditions pour apprendre, comprendre et réaliser ses projets. En un peu moins de quarante ans, la France a réussi son pari d’amener nombre d’élèves d’une même classe d’âge au baccalauréat, le taux de réussite passant de 64 % en 1980 à presque 90 % en 2017.
Naturellement, cette massification de l’enseignement secondaire, ajoutée au baby-boom des années 2000, se reporte sur l’enseignement supérieur, si bien que l’un des plus grands défis auquel est aujourd’hui confrontée la Nation est sa capacité à accueillir, à former convenablement tous les jeunes qui désirent légitimement poursuivre leurs études et à les insérer dans la société.
Il faut le rappeler, le droit d’accès à l’enseignement supérieur demeure un principe cardinal, qui est à réaffirmer. Or la situation présente n’est pas satisfaisante. Outre les chiffres qui ont été rappelés par mes collègues et qui témoignent de l’essoufflement de notre modèle, il faut ajouter la pratique injuste du tirage au sort et certaines conditions d’accueil inacceptables, par manque de places. Ce constat nous fait comprendre qu’il n’est plus possible de poursuivre dans cette voie.
Madame la ministre, vous avez présenté la réforme que vous souhaitez mettre en œuvre afin de favoriser la réussite étudiante. Je ne m’y appesantirai pas, dans la mesure où nous débattrons prochainement, c’est-à-dire au début de l’année prochaine, de ce projet de loi dans l’hémicycle.
En revanche, j’attire votre attention sur un constat partagé par nombre d’acteurs universitaires, et en particulier le président de la Conférence des présidents d’université, selon lequel « le projet de loi de finances pour 2018 ne peut être, en l’état, considéré à la hauteur des enjeux par les universités. »
Certes, le Gouvernement effectue un effort en augmentant les crédits affectés à l’enseignement supérieur d’environ 1,5 %, soit 190 millions environ, complétés, à l’Assemblée nationale, par l’ouverture de crédits, à hauteur de 15,5 millions d’euros, en faveur des formations supérieures et de la recherche universitaire. Néanmoins, cette hausse est malheureusement en deçà des 250 millions d’euros qui seraient nécessaires en vue d’accueillir décemment de 30 000 à 40 000 nouveaux étudiants.
Plus substantielle à moyen terme, la démographie étudiante, particulièrement dynamique cette dernière décennie, avec 300 000 étudiants supplémentaires depuis 2007, restera très vigoureuse, puisque les projections font état d’une augmentation de 300 000 élèves d’ici à 2025.
Autrement dit, il se révèle primordial que les moyens alloués à l’université continuent de croître intensément pendant cette période. Je doute que le milliard d’euros annoncé pour financer votre réforme, sur l’ensemble du quinquennat, soit suffisant… Si tel n’est pas le cas, la responsabilité collective que j’évoquais en introduction, et qui a pour finalité de créer un environnement propice au succès de nos étudiants, commandera de trouver des financements supplémentaires. Quoi qu’il en soit, la réforme et l’accroissement des effectifs ne doivent pas peser sur le budget de fonctionnement des universités, déjà notoirement mis à mal.
Par ailleurs, notre jeunesse est attachée à la promesse méritocratique. Les bourses sur critères sociaux ont connu une hausse continue lors du précédent quinquennat et sont encore en progression cette année. Veillons donc à ne pas en diminuer le nombre dans les années qui viennent.
Pour autant, les inégalités sont toujours patentes. En effet, si le taux d’élèves boursiers atteint 40 % en première année dans certaines universités, il n’est plus que de 10 % à 12 % en master. Cette statistique n’est pas si surprenante : elle n’est que la continuité de l’étude PISA, qui conclut que notre système éducatif, sans être déficient, est le plus inégalitaire parmi ceux de l’OCDE. Une politique éducative de rééquilibrage, qui part du primaire jusqu’au supérieur, est donc impérieuse.
En corollaire, le plan pour la vie étudiante que vous avez décliné, madame la ministre, a le mérite de s’attaquer à certaines barrières susceptibles d’empêcher les étudiants de suivre le cursus voulu : le logement, la santé, la complexité à concilier études et emploi rémunéré, enfin la mobilité, facteur vraisemblablement le plus discriminant et le plus violent.
Quant à la recherche, elle constitue bien sûr les promesses de demain. Depuis les travaux de l’économiste Paul Romer, l’importance de la recherche pour la croissance, le développement et le rayonnement d’un pays est démontrée. À l’heure où l’économie et la société sont de plus en plus régies par la connaissance, ainsi que par l’exploitation de données, la recherche a un rôle encore plus fondamental.
D’ailleurs, la stratégie Europe 2020 incite chaque État de l’Union européenne à consacrer 3 % de son PIB à la recherche. En France, l’investissement intérieur se situe encore aux alentours de 2,3 %, mais félicitons-nous que le budget pour 2018 de la recherche croisse d’environ 3,5 %.
Certaines baisses nous interpellent. Ainsi, la recherche culturelle et la culture scientifique accusent une baisse de 6,2 % de leurs crédits. Parmi les objectifs de ce programme figure en particulier la promotion auprès du public de la culture scientifique, technique et industrielle, la CSTI, singulièrement par l’intermédiaire d’Universcience, dont le budget diminue dans le cadre de ce projet de loi de finances.
La CSTI n’échappe plus aux remises en cause postmodernes et aux campagnes de désinformation. Par exemple, il est intéressant de citer les polémiques incessantes autour du réchauffement climatique ou de l’efficacité des vaccins. Ainsi la stratégie nationale de CSTI, portée avec volontarisme par notre ancienne collègue Dominique Gillot, a-t-elle pour objet d’améliorer l’accessibilité et la diffusion de cette culture. Elle cible la population française dans son ensemble, mais se focalise principalement sur un public prioritaire, les jeunes de 3 ans à 20 ans.
Parmi les thématiques transversales retenues, je citerai notamment l’égalité entre les femmes et les hommes. Selon moi, si la CSTI est un enjeu scientifique essentiel, elle est aussi devenue un enjeu éducatif et sociétal.
L’accès aux savoirs et leur diffusion passent par les bibliothèques universitaires. Mes chers collègues, vous connaissez mon attachement aux bibliothèques, quelles qu’elles soient. Lors de nos échanges en commission, vous avez expliqué, madame la ministre, les raisons de l’effritement du plan Bibliothèques ouvertes +. Parallèlement, vous avez soutenu l’idée de faciliter l’emploi des étudiants dans les bibliothèques universitaires. Sur ce sujet, peut-être pourrait-il y avoir des dispositions législatives au sein du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants ?
Enfin, je suis convaincue que l’avenir de la recherche est éminemment européen. Les États qui investissent le plus dans la recherche et le développement font émerger des champions pointus à l’extrême dans leur domaine de compétences. La coopération européenne existe déjà, avec le laboratoire européen pour la physique des particules, le laboratoire européen de biologie moléculaire ou encore l’agence spatiale européenne, qui en est peut-être l’illustration la plus aboutie.
Pour autant, il serait probant d’aller plus avant dans cette coopération. Tout d’abord, la mutualisation des ressources humaines et financières accélère le processus de recherche. Ensuite, avec l’avènement de l’intelligence artificielle, qui irrigue tous les secteurs d’activité, il pourrait s’avérer pertinent de coordonner les efforts de recherche à l’échelle européenne, afin d’éviter que des pays n’investissent massivement dans les mêmes directions et n’aboutissent aux mêmes découvertes. Piloter les spécialisations aurait la vertu de faire émerger des champions européens par domaine d’activité.
Madame la ministre, vous avez conforté, voire fait progresser, deux budgets essentiels qui représentent l’avenir de la Nation. Si nous soutenons votre ambition pour l’enseignement supérieur, nous restons néanmoins perplexes quant à l’adéquation des moyens avec cette ambition. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que de nombreuses missions, dans le cadre de ce projet de budget pour 2018, sont mises à contribution pour participer à l’effort de diminution de la dépense publique, le groupe Les Républicains se félicite que les crédits consacrés à la recherche soient globalement en hausse de 4,6 %, comme l’ont rappelé les rapporteurs.
Cet effort était indispensable, car la recherche a clairement été la mal-aimée du précédent gouvernement, dans lequel l’enseignement supérieur et la recherche ne disposait même plus d’un ministère à part entière !
Pour autant, suffira-t-il à faire revenir nos nombreux chercheurs installés à l’étranger et à retenir ceux qui envisagent de partir vers des pays où l’instabilité en matière de financements et, surtout, l’énergie qu’ils doivent consacrer pour les décrocher est moindre ? Je le souhaite, mais nos chercheurs auront besoin de plusieurs années pour être enfin rassurés sur la place que la France entend réellement leur donner.
Je ne citerai que le cas emblématique d’Emmanuelle Charpentier. Formée en France, elle a découvert avec l’Américaine Jennifer Doudna le système CRISPR-Cas9, utilisé maintenant dans les laboratoires du monde entier, qui révolutionne l’ingénierie du génome humain, animal et végétal. Après la Suède et les États-Unis, c’est à l’Institut Max Planck qu’elle travaille, n’ayant pas pensé un seul instant revenir en France.
Tous ces pays ont sans doute la chance de ne pas bénéficier du filtre de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette agence vise normalement à promouvoir la recherche scientifique. C’est notre principal opérateur du financement sur appels à projets et pour les programmes d’investissements d’avenir, les PIA. Nous saluons les 134 millions d’euros attribués pour 2018, qui lui permettent seulement de retrouver son niveau de crédits de 2011.
Autant que la faiblesse des crédits qui lui étaient affectés, c’est la procédure de sélection des appels à projets – moins de 12 % d’entre eux étaient retenus – qui a fini de décourager les équipes de chercheurs et provoqué des démissions, et même une fronde des prix Nobel.
Le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Daniel Dubois, semble désormais avoir des certitudes concernant la révision du processus de sélection des projets par l’ANR. Il faut l’espérer ! Pour ma part, depuis des années, je n’entends que des chercheurs qui n’y croient plus et ne peux que constater les échecs de certains.
Ainsi en est-il des projets de recherche sur la dépollution des sols antillais contaminés par la chlordécone, un dossier que je suis depuis longtemps. Pour mes collègues, je précise que cette molécule, utilisée jusque dans les années soixante-dix comme pesticide dans les bananeraies des Antilles, continuera à polluer les sols pendant 250 ans à 700 ans. Elle semble avoir des incidences sur les cancers de la prostate.
Il a fallu fermer toutes les piscicultures, mais aussi interdire la pêche dans certaines baies. Pour des îles, c’est une catastrophe, d’autant que, jusqu’à présent, aucune solution n’a été trouvée et que les quelques équipes de chercheurs ayant soumis un projet n’ont pas été encouragées par l’ANR, alors que le plan Chlordécone était prioritaire pour le Gouvernement.
J’évoquerai maintenant la recherche spatiale. La France est non seulement le premier contributeur, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni, de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, mais aussi, sans chauvinisme aucun, son principal moteur.
Dans la mesure où les rapporteurs l’ont évoquée, je ne reviendrai pas sur l’augmentation de 10,6 % des crédits du programme ni sur la légère baisse de ceux qui sont alloués au CNES, le Centre national d’études spatiales, au profit de l’ESA. La double présidence, assumée par Jean-Yves Le Gall, est de nature à rassurer tous ceux qui, comme moi, soutiennent la recherche et l’industrie spatiale française, cette dernière ne pouvant se développer que dans le cadre européen.
Depuis la conférence de Naples, en 2012, l’industrie spatiale européenne a su se structurer, avec un maître d’œuvre principal pour les lanceurs, Airbus Group, et trois maîtres d’œuvre concurrents pour les satellites, Airbus, Thales et l’allemand OHB.
Le programme des lanceurs spatiaux et le centre spatial guyanais, confortés dans ce budget, doivent permettre d’assurer à l’Europe son indispensable autonomie d’accès à l’espace. J’espère que les 133 millions d’euros prévus en 2018 pour les systèmes spatiaux de télécommunications et Galileo seront suffisants.
Comme notre rapporteur Daniel Dubois, je trouve que l’ESA a été bien longue à faire la promotion du GPS européen, qui est beaucoup plus précis que les systèmes américains et russes et qui, surtout, nous assurera une autonomie. Les signaux ne dépendant pas de puissances étrangères, ils ne pourront être interrompus par ces dernières.
Si, par le passé, je me suis interrogée sur l’opportunité de continuer à financer la station spatiale internationale, la belle opération de promotion de l’espace menée à l’occasion de la mission de Thomas Pesquet me fait dire qu’elle vaut bien 240 millions d’euros.
Je profite de ce chapitre, madame la ministre, pour vous faire part d’une recommandation que j’émets depuis plus de six ans dans le cadre de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur doit réintégrer le terme « espace » dans son intitulé.
Mme Sophie Primas. Ah oui !
Mme Catherine Procaccia. Mon dernier point portera sur la recherche industrielle. Mes propos seront à la fois plus critiques et plus interrogatifs, car, en ce domaine, l’érosion du soutien que l’on constate depuis plusieurs années n’est pas freinée dans ce projet de loi de finances.
Ainsi en trois ans, le financement des activités de recherche des SRC, les structures de recherche sous contrat, géré par Bpifrance, est tombé de 50 % à moins de 9 %, alors que l’aide publique à leurs homologues européens se situe entre 50 % et 100 %. C’est le développement technologique en faveur de l’industrie qui est fortement pénalisé, donc l’avenir de notre compétitivité. Je ne comprends pas les raisons d’une telle pénalisation, madame la ministre, et vous remercie de bien vouloir m’éclairer sur ce point.
Sous réserve des éléments de réponses que vous apporterez aux rapporteurs et à mes interrogations, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la lecture des différents rapports et interventions relatifs aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il ressort un sentiment assez général, partagé par la plupart des groupes politiques de notre assemblée, de bienveillance globale.
Il me semble en effet que nous sommes nombreux sur ces travées à considérer que ce budget a été construit sur des bases de sincérité, avec la volonté de répondre aux importants enjeux liés à cette mission.
En hausse de 2,7 % sur les autorisations d’engagement, ce premier budget du quinquennat vise d’abord à digérer les dernières mesures salariales prises l’an dernier, il est vrai en pleine période électorale. Il envoie aussi un signal positif aux élèves et étudiants de notre pays, au moment même où vous présentez un plan Étudiants, sur lequel je reviendrai.
Toutefois, cette bienveillance s’accompagne d’une vigilance. Je veux tout d’abord souligner l’augmentation constante des effectifs dans l’enseignement supérieur. Avec les pics démographiques des années 2000 et 2001, et de façon encore plus accentuée entre 2005 et 2014, il s’agit surtout de prendre en compte l’évolution positive du nombre de bacheliers et du taux de poursuite dans l’enseignement supérieur. Pour ne donner qu’un chiffre, la projection du ministère fait apparaître 361 000 inscriptions supplémentaires à la rentrée 2025, comparativement à 2015.
Comme il est indiqué dans le rapport pour avis de Jacques Grosperrin, c’est le signe d’un dynamisme évident et aussi la promesse d’une réussite pour notre pays. Chacun le sait ici, gouverner, c’est prévoir. Il est donc légitime de s’interroger sur les moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour répondre à cette augmentation.
Par ailleurs, chacun le sait également, la répartition des étudiants par filière est très inégale. Elle ne répond pas toujours à des besoins réels en termes de débouchés et conduit à des tensions récurrentes.
Nous touchons là au délicat sujet de l’orientation, à propos duquel je valide pleinement à la fois les diagnostics et les préconisations de l’excellent rapport réalisé l’an dernier par Guy-Dominique Kennel.
Madame la ministre, je partage les objectifs d’accompagnement et de meilleure orientation des élèves, notamment pour pallier le taux d’échec important en licence, constaté de manière si régulière depuis plusieurs décennies. Le processus d’orientation s’inscrit dans un temps long. Il doit évidemment tenir compte des aspirations de chaque élève, mais nécessite aussi une analyse de ses aptitudes à suivre tel ou tel cursus.
Dès lors, permettez-moi de douter de l’efficacité de certaines mesures du plan Étudiants, prises dans la précipitation, notamment la désignation d’un second professeur principal dans chaque classe de terminale, dans un délai très contraint, alors même que, pour cette mission chronophage et peu valorisée, on peine à trouver suffisamment de volontaires.
Pas plus tard qu’hier, lors d’une réunion de la commission de la culture, Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du SNPDEN, le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, nous apprenait que seuls 15 % des proviseurs de lycées avaient recruté, à ce jour, ce second professeur principal.
Quand allons-nous cesser de faire faire aux professeurs tout et n’importe quoi, sans formation préalable ? Pourquoi oublier délibérément dans ce dispositif les conseillers d’orientation-psychologues ? Cela traduit-il la volonté de faire disparaître cette profession ? Voilà beaucoup d’interrogations auxquelles le plan Étudiants ne répond pas.
Une orientation réfléchie doit aussi se traduire par une affectation cohérente. Quoi qu’on en dise, la procédure APB, admission post-bac, a rendu dans ce domaine les services attendus lors de sa mise en place. Elle est victime aujourd’hui d’effectifs devenus trop importants. Il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain. À titre personnel, je ne suis pas de ceux qui pensent que l’ancien monde n’a que de mauvais côtés !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Stéphane Piednoir. Une chose est sûre : personne ne pouvait accepter que perdure le tirage au sort effectué cet été encore pour attribuer des places dans quelques filières sous tension. Comment expliquer en effet à un bachelier ayant obtenu une mention « très bien » que sa candidature n’a pas été retenue, au bénéfice d’un camarade moins méritant ?
Sur la forme, madame la ministre, vous aurez sans doute contenté un certain nombre d’internautes en leur laissant choisir le nom – ParcourSup – de la prochaine procédure d’admission dans le supérieur. Au-delà de cet exercice participatif et, disons-le, quelque peu accessoire, le nouveau système proposé, pour ce que l’on en sait, c’est-à-dire pas grand-chose, inquiète les différentes parties concernées, alors que le calendrier s’annonce des plus serrés.
Il inquiète les élèves de terminale, qui n’ont que très peu d’informations sur les modalités de formulation des vœux, sur les conséquences de l’absence de classement de ces vœux et, in fine, sur la décision des établissements d’accueil.
Il inquiète également les professeurs et proviseurs de lycées, qui auront la lourde tâche, dans quelques semaines, d’expliquer le fonctionnement de la nouvelle plateforme aux élèves et à leurs parents.
Il inquiète enfin les établissements de l’enseignement supérieur, qui peinent parfois à recruter suffisamment d’étudiants. Je pense ici aux classes préparatoires, que je connais bien, puisque, il y a encore deux mois, j’enseignais au sein de l’une d’elles.
En remplaçant l’algorithme de tri d’APB par un algorithme de temps, certaines de ces classes, parmi les moins prestigieuses, devront attendre fébrilement les réponses positives des futurs bacheliers, sans aucune visibilité sur leurs effectifs à la rentrée. J’y vois une menace sur le maintien de cette spécificité française, qui conditionne les parcours d’excellence que nombre de pays nous envient.
Sur le fond, la procédure ne sera pleinement efficiente que si les places offertes dans l’enseignement supérieur correspondent à un réel besoin pour notre pays. On peut évidemment concevoir que le souhait de chaque candidat soit une composante essentielle, mais le rôle des gouvernants est d’avoir une vision globale et de fixer le cap.
Il faut donc en finir avec le sacro-saint droit à l’université pour tous. Bien sûr, il y a des parcours scolaires atypiques ; bien sûr, il faut laisser la place au droit à l’erreur d’aiguillage. Mais cessons de nier l’évidence des inscriptions fantaisistes au sein de nos universités ! Vous avez fait un pas en suggérant – que dis-je, en susurrant ! – que des attendus pourraient être exigibles à l’entrée à l’université. La sémantique a été soignée pour éviter même le terme de prérequis…
Pour ma part, je considère que la sélection n’est pas une vilenie, que cela constitue même un service à rendre à tous ceux qui subissent deux ou trois années d’échec. Tout cela a un coût important, de 10 000 euros par étudiant, que vous n’ignorez évidemment pas. En ces temps de recherche d’efficience budgétaire, il est de votre responsabilité de mener cette réflexion jusqu’au bout.
Une autre mesure régulièrement repoussée, parfois pour de bonnes raisons, souvent par dogmatisme, consisterait à revaloriser les droits d’inscription. Là aussi, j’ai noté sur ce sujet récurrent une certaine convergence au sein de la commission des finances. Il y va de la compétitivité de nos universités, qui peinent aujourd’hui à rivaliser sur le plan mondial. L’autonomie ne suffit pas, il faut permettre aux universités d’avoir les moyens de leurs ambitions.
Une telle hausse des droits d’inscription devrait, bien sûr, s’accompagner d’une augmentation compensatrice des bourses sur critères sociaux pour les familles modestes. Elle ne devra pas être un prétexte, pour l’État, à se désengager. Peut-être pourriez-vous, madame la ministre, clarifier la position du Gouvernement sur ce point ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé une réforme du baccalauréat. Je forme le vœu que celle-ci soit ambitieuse, pour redonner de la valeur à ce premier diplôme de l’enseignement supérieur. L’un de mes collègues du lycée où j’enseignais avait ce bon mot pour décrire la situation actuelle de cette évaluation : « Il ne faut jamais sous-estimer la capacité du bac à se faire avoir ». Au-delà de la boutade, cette formule traduit le mal-être profond de certains professeurs.
En diluant les enseignements, en multipliant les options obligatoires ou facultatives, on a donné la possibilité d’obtenir le baccalauréat sans valider ses connaissances dans les matières fondamentales. Pis, aucun contrôle d’assiduité ne vient réellement faire obstacle à certains élèves, qui, en dépit d’absences injustifiées répétées, peuvent se présenter aux épreuves et obtenir ce sésame pour l’enseignement supérieur.
Un enseignement de qualité ne peut être dispensé que par des professeurs motivés et convaincus de l’utilité de leurs cours. J’espère que ce modeste témoignage pourra trouver un écho dans la réflexion qui sera menée pour réformer cette institution. Puissions-nous éviter, cette fois, un nivellement par le bas !
Madame la ministre, réformer l’enseignement supérieur pour permettre une meilleure orientation et une meilleure réussite des étudiants est une belle ambition, que nous partageons. Un grand chantier a débuté avec le plan Étudiants, pour lequel vous avez augmenté les crédits de la MIRES, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, que nous votons aujourd’hui.
Pour l’exercice budgétaire à venir et les suivants, nous serons vigilants et veillerons à ce que leur utilisation réponde de manière effective aux enjeux majeurs auxquels nous devons répondre, dans l’intérêt de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques semaines, au cours de mon audition devant la commission de la culture, j’ai eu l’occasion de présenter l’état d’esprit dans lequel j’ai travaillé pour l’élaboration de ce budget.
La première de mes priorités a été de rétablir la sincérité de la programmation budgétaire. Comme nombre de nos concitoyens, j’ai pris toute la mesure des questions soulevées par la loi de finances pour 2017 lors de la publication du rapport de la Cour des comptes. C’était malheureusement trop tard pour reconnaître au Sénat le mérite d’avoir mis en évidence la sincérité parfois discutable de ce texte, mais assez tôt pour prolonger cette réflexion sur nos finances publiques et en tirer toutes les leçons.
Le budget de la MIRES qui vous est proposé pour 2018 est le produit de ce travail, lequel nous a conduits à apporter des réponses à ces deux questions : comment rétablir la sincérité des crédits inscrits dans le budget ? Comment traduire sur le plan budgétaire la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche ?
Vous le savez, le soutien à nos établissements d’enseignement supérieur et à nos laboratoires fait partie des priorités cardinales du Gouvernement, qui a placé au cœur de son action la construction de notre avenir commun. C’est pourquoi ce projet de budget prévoit une forte hausse des crédits relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Ces crédits progressent de plus de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en s’établissant à 24,5 milliards d’euros. La MIRES, dans son ensemble, disposera de 27,7 milliards d’euros, hors intérêts de la dette. C’est donc le troisième poste budgétaire de notre nation.
C’est un effort considérable qui est ainsi fait au service de la préparation de notre avenir, de celui de notre jeunesse au travers de notre enseignement supérieur, mais aussi de celui du pays tout entier, qui se nourrit des progrès de la recherche et de leur diffusion rapide, par l’enseignement et l’innovation.
C’est également un budget stratégique, qui finance l’effort de la Nation en matière spatiale et contribue ainsi au rayonnement international de notre pays.
Nos concitoyens sont sensibles à cet effort et aux défis posés par la recherche scientifique. L’aventure scientifique continue de susciter leur intérêt, que ce soit dans le domaine spatial ou, plus récemment, dans les domaines de l’informatique ou de l’intelligence artificielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai tout d’abord nos priorités budgétaires en matière de recherche. Elles sont simples. Nos universités et nos organismes ont besoin de visibilité pour déployer leur stratégie et entrer dans la compétition internationale.
Nous devons permettre à nos laboratoires de se projeter dans un temps long et dans un monde de plus en plus concurrentiel. C’est pourquoi nous avons choisi d’augmenter de plus de 500 millions d’euros les crédits consacrés à la recherche, ce qui, dans la période de tension budgétaire dont vous n’ignorez rien, est considérable – je sais, au regard de vos déclarations, à quel point vous y êtes sensibles.
Par ailleurs, nous voulons redonner de l’oxygène à nos chercheurs, qui souffrent depuis des années de financements insuffisants et des querelles doctrinaires opposant les partisans de la recherche sur projets et les défenseurs du financement récurrent. À ce débat, j’ai souhaité apporter une réponse claire : nous avons besoin des deux !
Une recherche financée intégralement sur projets serait perpétuellement fragile et soumise à tous les aléas de la conjoncture économique et scientifique ; des laboratoires financés sur des seuls crédits de base ne pourraient permettre l’émergence des idées neuves. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’amendement de M. Ouzoulias.
Sans préempter cette discussion, ma volonté, ainsi que celle du Gouvernement, est de financer ce qui fonctionne, donc de réaffirmer le soutien à la recherche dans son ensemble, 140 millions d’euros supplémentaires étant alloués à l’ANR.
Le budget de l’ANR sera ainsi porté à 750 millions d’euros. Et, afin d’améliorer le taux de sélection des appels à projets, sa capacité d’engagements sera portée à 706 millions d’euros, afin d’amorcer le retour vers un taux de sélectivité qui ne sera plus totalement contre-productif.
Par ailleurs, les instituts Carnot verront leurs crédits augmenter de 5 millions d’euros ; ils ont fait la preuve de leur efficacité pour établir des partenariats performants, équilibrés et fluides avec le monde économique. J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises : c’est un modèle de financement de la recherche intéressant, qui mériterait d’être diffusé.
Toutefois, cela ne signifie pas que nous délaissons les crédits de base. Bien au contraire, nous avons pris une décision inédite dans la période récente : nous avons choisi de dégager quelque 25 millions d’euros en direction des laboratoires, afin d’augmenter les crédits de base. En effet, chacun connaît la réalité, dans les universités comme dans les organismes : les financements récurrents avaient tellement baissé que nos unités de recherche n’avaient plus les moyens de conduire un projet scientifique propre au long cours.
Ces 25 millions d’euros constituent une première respiration, qui, là aussi, devra être amplifiée, mais qui représente une rupture avec ce qui était devenu une forme de dogme : la réduction permanente des crédits de base au profit de la recherche sur projets.
En parallèle, nous travaillons à réduire les fragilités financières structurelles du secteur, en rétablissant au bon niveau les financements destinés aux très grandes infrastructures de recherche, qui sont l’un des fers de lance de notre science à l’échelle internationale. Là encore, trop longtemps, la programmation d’ensemble, scientifique et budgétaire, de ces projets n’a pas été suffisante, et ce sont les organismes de recherche qui étaient contraints de prendre en charge sur leurs budgets le poids issu du dérapage desdits projets.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de signaler l’effort important qui sera réalisé en 2018 pour mettre un terme à la sous-budgétisation chronique des organismes internationaux de recherche. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l’action et des comptes publics, pour prévoir une augmentation des crédits : sur le long terme, ce sont près de 314 millions d’euros supplémentaires qui serviront à donner un surcroît de sincérité aux crédits budgétaires des organismes internationaux.
Concernant l’enseignement supérieur, vous le savez, 2018 sera une année tout à fait particulière, puisque nous mettrons en œuvre la réforme de l’orientation et de la réussite à l’université, qui constitue la colonne vertébrale du plan Étudiants que j’ai présenté, avec le Premier ministre et le ministre de l’éducation nationale, le 30 octobre dernier.
Ce plan Étudiants, le Gouvernement l’a construit afin de répondre à une double urgence : d’une part, le recours au tirage au sort pour l’accès à l’enseignement supérieur, qui a concerné en 2017 plus de 66 500 étudiants ; de l’autre, la lutte contre l’échec en premier cycle, auquel nous nous sommes finalement lentement habitués – j’en veux pour preuve les documents budgétaires eux-mêmes, au sein desquels le taux de réussite en licence en trois ans figure parmi les indicateurs de performance, avec une cible, à l’horizon 2020, de 30 %…
Aujourd’hui, nous sommes à 27 % de réussite. C’est de cette situation que nous devons sortir, en accompagnant nos étudiants vers la réussite, car ce taux d’échec est la chose la plus injuste socialement qui soit.
À cet égard, j’adresse mes remerciements anticipés à M. Grosperrin, qui sera le rapporteur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et je salue Guy-Dominique Kennel et Catherine Procaccia, dont les travaux, ces dernières années, ont inspiré largement les pages de ce texte qui sera examiné par le Sénat en février prochain.
L’ambition globale du plan Étudiants dépasse le simple cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et se ressent dans la physionomie de la MIRES, la mobilité internationale sortante de niveau master. Examiner le budget de la MIRES pour 2018, c’est donc déjà aborder la question de la mise en œuvre de ce plan.
Étant attentive aux travaux conduits notamment par le Sénat, permettez-moi de vous apporter d’emblée quelques garanties, afin de répondre à ceux qui ont pu, très récemment, mettre en doute la parole du Gouvernement devant la Haute Assemblée.
Ainsi, je rappelle que le Premier ministre a annoncé il y a cinq semaines un effort supplémentaire de plus d’un milliard d’euros, par rapport à un budget en croissance de plus de 700 millions d’euros.
Cet effort supplémentaire se décompose ainsi : 450 millions d’euros, d’abord, au titre du Grand plan d’investissement, afin de financer la transformation pédagogique du premier cycle de licence et de construire de nouveaux cursus personnalisés. Un premier appel à projets sur les nouveaux cursus universitaires a déjà ses lauréats et mobilise plus de 130 millions d’euros ; le second appel à projets vient d’être lancé aujourd’hui, pour une réponse dès le mois de mars prochain, afin de mobiliser à nouveau un peu plus de 100 millions d’euros au titre des dix-huit prochains mois.
Ont été alloués sur 2018-2022, ensuite, 500 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires afin de créer des places dans les filières de premier cycle en tension et dans les formations courtes professionnalisantes, notamment en BTS et en DUT. Cet effort permettra de créer des postes, de financer des heures d’enseignement supplémentaires et de reconnaître l’engagement pédagogique des enseignants et des enseignants-chercheurs.
Cet engagement s’est traduit dès cette année par une série d’amendements visant à financer à hauteur de 20 millions d’euros au total, l’effort étant réparti sur plusieurs ministères, les mesures budgétaires qui seront prises en 2018 pour la mise en œuvre de ce plan – ces crédits concernent le dernier tiers de l’année 2018.
Enfin, 100 millions d’euros supplémentaires seront rendus aux étudiants en pouvoir d’achat grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante dès 2018.
Jusqu’alors, les étudiants devaient payer 217 euros en plus chaque année au titre de l’assurance maladie, alors même qu’ils n’avaient, dans leur grande majorité, aucun revenu. C’était une anomalie ; elle sera corrigée, et les étudiants, tous les étudiants, y compris les étudiants internationaux bien sûr, bénéficieront d’une couverture gratuite et d’une qualité de service et d’accès aux soins nettement améliorée.
Le plan Étudiants n’épuise pas, tant s’en faut, la question du financement de notre enseignement supérieur, qui appelle quelques développements, afin que vous soient présentés les objectifs du Gouvernement en la matière pour l’année à venir.
Tout d’abord, j’ai souhaité nous sortir collectivement d’une mauvaise habitude, celle de dissimuler sous des budgets en hausse apparente diverses impasses budgétaires, qui venaient ronger peu à peu les marges de manœuvre réelles.
C’était particulièrement crucial pour l’enseignement supérieur, car, depuis plusieurs années, nos universités et nos grandes écoles doivent résoudre une quadrature impossible : d’un côté, la démographie étudiante est en hausse, on le sait depuis environ dix-huit ans ; de l’autre, les charges ne cessent d’augmenter, sous l’effet notamment du glissement vieillesse technicité, qui n’a pas été financé au cours des dernières années.
La conséquence de cette quadrature a été simple : là où les lois de finances affichaient des créations de postes, la réalité, dans les universités, était celle de l’utilisation des crédits supplémentaires pour couvrir la progression permanente des charges.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Frédérique Vidal, ministre. C’est avec cette logique délétère que nous avons rompu cette année, en remettant enfin à niveau les budgets de nos universités et en finançant le GVT. En tant qu’ancienne présidente d’université, je mesure parfaitement l’ampleur de cette petite révolution.
Cet effort inédit portera les moyens de l’enseignement supérieur à plus de 13,4 milliards d’euros ; ce sont 194 millions d’euros de plus par rapport à 2017. Et si l’on s’attache aux crédits qui seront effectivement disponibles pour les établissements, ce sont même 234 millions d’euros de plus qui seront notifiés aux universités et aux grandes écoles grâce à la baisse du taux de mise en réserve.
Enfin, afin de financer les projets de réhabilitation de l’immobilier des universités dans le cadre des contrats de plan État région, ainsi que la poursuite de l’opération Campus, l’enveloppe consacrée pour 2018 à l’immobilier s’élèvera à 343 millions d’euros, soit une augmentation de presque 60 millions d’euros.
Je dirai quelques mots, maintenant, pour répondre aux différentes questions qui ont été posées au cours de cette discussion générale.
Je commencerai par la question du plan Étudiants. De façon générale, je souhaite l’articuler avec deux autres réformes qui ont commencé : la réforme du baccalauréat, portée par Jean-Michel Blanquer, qui, bien sûr, a été complètement associé à l’élaboration du plan Étudiants, et la réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage, de la formation continue et de la formation tout au long de la vie, portée par Muriel Pénicaud, réforme à laquelle, bien sûr, nous sommes associés, Jean-Michel Blanquer et moi-même.
Il faut bien le comprendre, ce que nous souhaitons, c’est à la fois repenser l’orientation dès la fin du collège ou le début du lycée et travailler à mettre en place des filières d’excellence, en utilisant notamment l’apprentissage, qui est une autre forme de pédagogie,…
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. … et d’excellence !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … et qui doit cesser d’être considéré comme une formation dévalorisante ; il n’y a qu’à considérer l’importance de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ! Sur ce sujet, monsieur Adnot, je souhaite vous rassurer : la taxe d’apprentissage continuera à financer les formations de l’enseignement supérieur.
Le deuxième point sur lequel je veux revenir a été longuement et plusieurs fois débattu : c’est le mode de financement par l’ANR, mais aussi la recherche partenariale ou encore les plans nationaux.
Je vous confirme, monsieur Ouzoulias, que l’acharnement confine parfois à l’absurdité. (Sourires.) Il ne faut pas opposer la recherche de base et la recherche sur projets. Et il était très important de redonner aussi de la respiration à la recherche sur projets, tout simplement parce qu’elle permet à de jeunes équipes et à de jeunes chercheurs de s’émanciper, de porter un projet, donc de poser les bases et la fondation d’une future unité mixte de recherche. Il est donc absolument essentiel que nous soyons en capacité de faire émerger, par la recherche sur projets, nos équipes de recherche d’excellence de demain.
Le taux de financement de l’ANR, avec une sélectivité extrêmement forte, est évidemment une question importante. Nous nous engagerons, tout au long du quinquennat, pour revenir à une sélectivité qui ne décourage pas les chercheurs de déposer des projets auprès de l’ANR. Vous avez eu raison, monsieur Rapin, monsieur Lafon, de mentionner ce problème.
Toutefois, l’ANR nous permettra aussi, au travers de financements extrabudgétaires qu’elle contrôle, de financer un certain nombre de plans. En effet, madame Darcos, vous avez raison, de nombreux plans nationaux ont été annoncés sans être financés, et, bien sûr, nous travaillons à mettre au point leur financement.
Au-delà de ce travail, nous souhaitons, en lien notamment avec les priorités de l’Europe, être en capacité de lancer des plans nationaux. Le premier, sur le climat, a été engagé et confié au CNRS ; il y en aura un sur l’intelligence artificielle, confié à l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, et un sur la problématique de l’antibiorésistance, qui sera confié à l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Bref, l’objectif est que nous soyons aussi capables de définir des stratégies nationales de recherche.
Cela nous amène à la façon dont nous comptons soutenir nos équipes de recherche dans le dépôt de leurs projets et contribuer à leurs succès aux appels à projets européens.
Nous comptons agir de deux façons différentes. Tout d’abord, je participe extrêmement activement à l’ensemble des commissions qui se déroulent à l’échelon européen. Évidemment, si l’on est absent de ces commissions, on a un peu de mal à préparer les objectifs et les priorités du programme-cadre à venir… A contrario, lorsque l’on est présent, il est plus facile de les préparer. Et nous les préparons, bien sûr, en fonction des forces de notre pays.
Notre second objectif essentiel est, au niveau de l’Europe, de simplifier les procédures et, au niveau national, d’aider nos équipes à déposer des projets. De cette façon, je ne doute pas que nous aurons de meilleurs taux de réussite.
J’ajouterai un mot, pour finir, sur le paysage de l’enseignement supérieur, sur le plan Étudiants et sur le projet de loi proprement dit. Vous avez raison, monsieur Grosperrin, nous n’avons pas le droit à l’échec ; je suis d’autant plus déterminée à réussir que j’en suis parfaitement consciente.
Plusieurs défis sont devant nous. Il s’agit tout d’abord de la convergence du premier cycle de l’enseignement supérieur : nous devons faire en sorte que les universités et les grandes écoles se rapprochent et travaillent en synergie, sans pour autant se fondre les unes dans les autres et en mettant en avant, chacune, leurs spécificités. Tel est d’ailleurs l’objet d’un article d’un projet de loi que vous aurez à examiner prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, mais qui n’est pas le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
Plus spécifiquement, s’agissant dudit plan relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, la plateforme sera présentée avant les vacances de Noël. Je souhaite rassurer tout le monde : je n’ai jamais dit que c’est l’algorithme qui avait péché. Ce que j’ai toujours dit, en revanche, c’est que le non-fonctionnement de la plateforme APB, ou admission post-bac, était imputable à un défaut de choix politique.
Reste que la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, nous oblige aujourd’hui à changer de système, et nous ne pouvons pas conserver un algorithme entièrement automatisé. C’est pourquoi nous en avons imaginé un autre, qui est en simulation, qui fonctionne, et que nous aurons le plaisir de présenter avant les vacances de Noël.
Il est de notre responsabilité à tous, nous, adultes, de rassurer les lycéens sur le fait que les choses vont bien se passer pour eux. Notre objectif ultime, c’est d’être capables de les accompagner en prenant en compte leur diversité et de cesser de les jeter au milieu de la piscine alors même qu’ils ont encore besoin d’apprendre à nager. C’est là tout l’objectif du plan Étudiants ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je tenais d’ailleurs à vous remercier tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre soutien et de l’attention que vous portez à la question de la réussite étudiante. Ce sujet dépasse les clivages idéologiques, car il y va de l’avenir et du dynamisme de notre pays. Accompagner la réussite, reconnaître les talents, quels qu’ils soient, soutenir l’optimisme de notre jeunesse, c’est selon moi la meilleure protection de la démocratie. (Applaudissements sur les mêmes travées)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Recherche et enseignement supérieur |
27 610 165 582 |
27 671 429 016 |
Formations supérieures et recherche universitaire |
13 438 270 685 |
13 435 650 856 |
Dont titre 2 |
514 624 364 |
514 624 364 |
Vie étudiante |
2 694 501 688 |
2 698 860 888 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
6 718 684 048 |
6 764 603 666 |
Recherche spatiale |
1 621 103 753 |
1 621 103 753 |
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 761 452 463 |
1 734 154 531 |
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
738 770 054 |
778 890 598 |
Dont titre 2 |
105 575 546 |
105 575 546 |
Recherche duale (civile et militaire) |
179 519 167 |
179 519 167 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
111 962 861 |
111 881 973 |
Enseignement supérieur et recherche agricoles |
345 900 863 |
346 763 584 |
Dont titre 2 |
216 953 354 |
216 953 354 |
M. le président. L’amendement n° II-183 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Grandes infrastructures de recherche
II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
300 000 000 |
|
150 000 000 |
|
Vie étudiante |
|
|
|
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
993 467 553 |
|
716 606 308 |
Grandes infrastructures de recherche |
693 467 553 |
|
566 606 308 |
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
|
|
|
Recherche culturelle et culture scientifique |
|
|
|
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
993 467 553 |
993 467 553 |
716 606 308 |
716 606 308 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Nous vivons un paradoxe ! Lorsqu’il s’agit des collectivités territoriales, nous sommes tous d’accord pour limiter, voire réduire, le « mille-feuille territorial ». Dans le domaine de la recherche, en revanche, nous assistons à un bourgeonnement baroque de structures à la fois coûteuses, bureaucratiques et inefficientes.
L’Agence nationale de la recherche est l’une de ces structures. Elle est devenue une agence à dire « non », puisque la proportion des projets qu’elle finance n’a cessé de diminuer, pour atteindre un plancher d’environ 10 % ; mais, pour cela, il lui faut de plus en plus de personnels. Ainsi, cas exceptionnel dans le budget de la recherche, elle va bénéficier de trente emplois supplémentaires.
En dix ans, écoutez bien, mes chers collègues, son budget de fonctionnement a été multiplié par dix, le nombre de ses personnels par quatre, mais les fonds qu’elle distribue seulement par un et demi ! Le nombre de chercheurs diminue, mais le nombre de personnels administratifs chargés de gérer leurs demandes, lui, augmente…
L’ANR est si efficace que le Président de la République, pour son grand projet « Rendons notre planète encore plus belle » – je le dis en français, madame la ministre, car il me semble que c’est encore la langue de la République… –, a préféré confier la sélection des propositions scientifiques de la communauté internationale aux CRS – pardon, au CNRS. (Rires.)
Mme Cécile Cukierman. C’est l’heure tardive !
M. Pierre Ouzoulias. Les CRS, c’est pour la phase d’après, quand les chercheurs descendent dans la rue… C’est pour plus tard ! (Mêmes mouvements.)
J’ai écouté avec attention votre discours, madame la ministre : vous avez dit vous-même que les grands fonds nationaux que vous alliez lancer allaient être financés par les opérateurs historiques – vous avez cité l’INRIA, le CNRS, etc. Pourquoi ne pas les confier à l’ANR, si vous avez tant confiance en cette agence ?
M. Pierre Ouzoulias. Sur le fond, je partage votre sentiment : on ne peut pas opposer la recherche financée par des crédits récurrents et la recherche sur projets. J’ai moi-même fait les deux – par ailleurs, j’ai cessé de formuler mes demandes auprès de l’ANR : j’ai découvert qu’il était beaucoup plus simple de faire ses demandes à l’ERC, le Conseil européen de la recherche ; les dossiers étaient moins gros, les réponses plus rapides et les budgets plus importants !
Il est plus sage d’abandonner une nef qui prend l’eau de toutes parts que de tenter de la renflouer en pure perte. S’il faut lancer des projets, les opérateurs historiques sont parfaitement capables de les gérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Mon cher collègue, vous avez pris la peine, de façon bien sympathique, de nous présenter votre amendement en décalant quelque peu votre exposé par rapport à votre objet écrit. En effet, ce dernier peut être résumé comme suit : comment tuer l’ANR, en silence, mais de la façon la plus sanglante possible !
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Avec les CRS ! (Sourires.)
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. La commission, vous l’aurez compris, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons reçu de la part de Mme la ministre un engagement clair, me semble-t-il, ici, à la tribune. Je rassure ma collègue Catherine Procaccia : non, je n’ai pas eu de garantie sur les objectifs de l’ANR ; j’ai cité le chiffre de 25 %, car il s’agit, à mon avis, d’un idéal.
Nous allons continuer à suivre ce dossier et, dans un an, madame la ministre – je vous souhaite d’être alors encore membre du Gouvernement, et vous le serez sûrement –, vous pourrez nous faire part des chiffres et de la réussite de votre plan. J’ai tendance à faire confiance ; je réponds donc par la négative à notre collègue.
La commission est défavorable au meurtre de l’ANR ! (Nouveaux sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Quelle soirée sanglante !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit effectivement d’un amendement ambitieux, dont les auteurs ont tout simplement pour projet de siphonner l’ensemble des crédits de l’ANR pour les redéployer vers le programme 150.
Je rappelle que l’ANR n’a pas pour vocation de porter les grands plans nationaux ; ce sont bien les organismes de recherche qui les portent. Elle a en revanche vocation à les gérer dans l’avenir, ce qui n’est pas complètement la même chose. La gestion de ces crédits par l’ANR dispense les opérateurs de l’obligation d’employer davantage de gestionnaires et moins de chercheurs. Vous le reconnaîtrez, monsieur le sénateur : cela peut aussi être utile !
La recherche financée par l’ANR est à la fois une recherche fondamentale et une recherche finalisée, qu’elle soit conduite dans la sphère publique ou en partenariat public-privé. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce type de financement autorise en outre l’émergence et l’émancipation des jeunes équipes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis. Monsieur Ouzoulias, pour avoir auditionné les représentants de l’ANR, nous savons qu’ils sont en attente, en effet, d’un nouveau président et d’une nouvelle impulsion. Ils ont connu une vraie crise de confiance, mais ils sont déjà sur la bonne voie, comme en témoigne la décision du Gouvernement d’augmenter les crédits en vue de porter à 13 % le taux de réussite sur les appels à projets génériques.
Toutefois, il faudra, à mon avis, poursuivre cette dynamique, pour atteindre au moins les 20 %, taux moyen constaté dans les autres pays européens.
Pour ces raisons, et parce que je ne souhaite pas siphonner le budget de l’ANR, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. On sait très bien, en déposant ce type d’amendements, qu’il ne s’agit pas de siphonner le programme d’une mission pour donner à un autre. C’est ainsi, certes, que les choses sont toujours présentées dans les objets de nos amendements. Toutefois, en réalité, il s’agit d’amendements d’appel. (M. Pierre Ouzoulias opine.)
Notre collègue nous a conté une petite histoire amusante. Passons sur les CRS, c’est hors sujet ; pour le reste, il a posé une vraie question : pourquoi dix fois plus de personnels pour une fois et demi plus de budget ? Toute la question est là !
Le sujet est non pas de siphonner un programme au profit d’un autre, mais de savoir, madame la ministre, quelle est votre appréciation sur l’ANR. Vous prenez vos fonctions au Gouvernement. Y a-t-il des marges de progression ? Les choses vous semblent-elles normales ? Nous aimerions vous entendre sur ces questions.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait :
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Merci, mon cher collègue, d’avoir explicité ma pensée. C’est exactement ça ! Votre expérience a parlé ; quant à moi, novice comme je suis, j’ai encore beaucoup à apprendre ! (Sourires.)
Madame la ministre, je suis chercheur, je ne vous le cache pas, et ce que les chercheurs, aujourd’hui, vivent le plus difficilement, c’est la précarité : en sciences humaines, l’âge moyen de la titularisation est aujourd’hui de 37 ans… Les chercheurs sont soumis à un régime qui les épuise. Aussi, lorsqu’ils obtiennent un statut, ils ont malheureusement dépensé l’essentiel de leur énergie à courir après les financements. Ce modèle ne fonctionne pas ! Il provoque des drames humains considérables et il est, du point de vue de la recherche, contre-productif.
Il faut donc remettre les choses à plat, comme mon collègue le disait, et réfléchir à un autre système de recherche. Celui qui a cours depuis quelques années aboutit à un échec criant, je le dis sincèrement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-184, présenté par MM. Ouzoulias, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
|
79 895 852 |
|
79 895 852 |
Vie étudiante |
79 895 852 |
|
79 895 852 |
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
|
|
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
|
|
|
Recherche culturelle et culture scientifique |
|
|
|
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
79 895 852 |
79 895 852 |
79 895 852 |
79 895 852 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je fais mien l’argumentaire de M. Raynal, pour éviter que vous ne vous effarouchiez devant ce nouvel avatar du procédé consistant à vider un budget pour en remplir un autre… Nulle malignité là-dedans, aucun mauvais esprit, pas de volonté de provocation – à minuit dix, c’est de toute façon impossible ! (Sourires.)
Les aides directes pour les étudiants, dans votre projet de budget, sont en baisse. Or, vous le savez, la situation des étudiants est catastrophique. Un quart d’entre eux bénéficient d’une bourse dont le montant maximal se situe autour de 555 euros, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté, et 50 % des étudiants sont salariés. Ce dernier chiffre doit faire réfléchir : ce n’est pas du travail choisi, vous le savez, madame la ministre.
Vous savez aussi, d’expérience, que lorsqu’un étudiant a passé le samedi et le dimanche à la caisse d’un grand supermarché, son attention, le lundi, est toute relative. Le taux élevé de salariés parmi la population étudiante pose donc aussi un problème pour la qualité de notre enseignement – c’est un point important.
Par ailleurs, je crois que vous l’avez dit, madame la ministre, les conditions matérielles d’études sont devenues extrêmement mauvaises. Nombre d’établissements fonctionnent en deçà des critères de sécurité. Et puisque l’on a parlé des bibliothèques, je vous rappelle que l’on compte en la matière, en France, une place pour douze étudiants, soit moitié moins à peu près qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne.
Sur leurs conditions d’études, les étudiants expriment de façon quotidienne leur fatigue ; ils nous parlent d’une sorte de combat pour la survie. Dans leur langue parfois très imagée, ils nous disent que la fac, aujourd’hui, est devenue une préparation journalière à Koh-Lanta, donc un exercice compliqué.
Vous l’avez vu : nous avons puisé dans les crédits dédiés aux établissements privés, qui représentent environ 18 % des étudiants. L’objectif n’est pas de les supprimer – j’ai déjà dit ici que j’étais favorable à la liberté d’enseignement, et même à la libre-pensée !
Toutefois, sur le fond, il nous a semblé important que, comme pour les établissements scolaires, l’État module ses aides à raison de la fonction sociale des établissements. De ce point de vue, il nous semblerait légitime de donner plus aux établissements qui font l’effort d’accueillir les enfants des familles les plus modestes.
M. le président. L’amendement n° II-427, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
6 000 000 |
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6 000 000 |
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Vie étudiante |
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6 000 000 |
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6 000 000 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
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Recherche spatiale |
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Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
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Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
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Recherche duale (civile et militaire) |
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Recherche culturelle et culture scientifique |
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Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
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TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
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La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-184.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Vous aurez tous compris qu’il s’agit là de deux amendements totalement antinomiques.
Nous avons fait le constat que les établissements d’enseignement supérieur privés ont connu ces dernières années une baisse considérable de leurs dotations, le montant moyen par étudiant étant passé de 1 093 euros en 2012 à 705 euros en 2016. Pour autant, le nombre d’étudiants inscrits n’a cessé d’augmenter. Il s’agit donc d’améliorer une situation qui ne peut pas durer, parce qu’elle n’est pas convenable.
Je rappelle que les établissements d’enseignement supérieur privés comptent également beaucoup d’élèves boursiers. Dans le privé, il n’y a pas que des étudiants avec beaucoup de moyens !
Voilà pourquoi nous proposons d’augmenter la dotation de l’enseignement supérieur privé de 6 millions d’euros. Nous prélèverons cette somme sur des crédits qui n’ont pas été consommés l’année dernière, notamment parce que la montée en puissance de l’aide à la recherche du premier emploi, la ARPE, n’a pas eu lieu. En tout état de cause, il faudrait souhaiter que les crédits destinés à ce dispositif ne soient jamais utilisés : mieux vaudrait motiver nos étudiants pour qu’ils entrent dans la vie active le plus rapidement possible après avoir terminé leurs études.
Bref, cet amendement vise à rétablir une situation plus convenable par rapport aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, les EESPIG. Surtout, il s’agit de vous aider, madame la ministre, à assumer la parole de l’État. En effet, il y aura plus établissements et plus d’étudiants. Si nous en restions aux crédits actuels, nous serions dans une impasse.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° II-184, que l’on pourrait qualifier de dogmatique, pour reprendre des propos antérieurs de M. Ouzoulias, la commission émet bien sûr un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur Ouzoulias, je préfère de beaucoup la défense orale de votre amendement à son objet écrit, qui l’apparentait davantage à un siphonnage de crédits, ce qui n’est pas acceptable.
Mme Cécile Cukierman. Mais c’est le principe des lois de finances !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous vouliez en effet transférer le financement des établissements d’enseignement supérieur privé vers l’aide aux étudiants.
Il n’empêche que vous avez raison de dénoncer les inégalités entre les jeunes, car elles existent. À mon sens, la plus criante d’entre elles n’est pas celle qui existe entre le public et le privé, mais plutôt celle qui oppose ceux qui font des études et ceux qui y renoncent, y compris pour des questions financières. En effet, les études protègent évidemment du chômage.
C’est pourquoi nous avons supprimé la cotisation de 217 euros dès la rentrée passée et rendu gratuite la caution locative. C’est pourquoi aussi nous construisons 60 000 logements étudiants et nous garantirons l’accès gratuit aux soins dans les centres de santé qui seront mis en place dans les campus.
Vous affirmez que 50 % des étudiants travaillent. Ces chiffres sont produits par mon ministère, je les connais donc particulièrement bien. Ils ont le don de m’énerver, parce qu’ils incluent tous les étudiants en apprentissage et tous les stagiaires, ce qui les gonfle inévitablement !
Quoi qu’il en soit, même si seulement 20 % des étudiants travaillent, c’est toujours 20 % de trop. C’est pourquoi je suis aussi très attachée à ce que l’on développe les emplois étudiants créés au sein même des universités, car ils apporteront bien plus aux étudiants.
En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-184.
Monsieur Adnot, nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, je n’oppose absolument pas les établissements publics aux établissements privés, surtout lorsqu’il s’agit d’établissements privés d’intérêt général et qui sont donc sans but lucratif.
Parmi les 57 établissements privés qui bénéficiaient d’un contrat et d’une subvention depuis 2010, quelque 44 ont obtenu le label EESPIG, ainsi que 3 groupes d’écoles. D’après les données de mon ministère, 3 dossiers sont en cours d’examen.
Depuis cette année, 9 nouveaux établissements ont obtenu la qualification, parmi lesquelles 3 écoles d’ingénieurs d’agriculture qui bénéficient d’un contrat avec le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Les autres sont principalement des écoles de management. Au total, 56 établissements bénéficient donc de la qualification d’EESPIG pour cette année.
J’évoquais à l’instant les financements versés par le ministère à ces établissements, car ils jouent un rôle important et sont conventionnés. Force est de constater que pour des raisons qui lui appartiennent, et que je ne connais pas, le gouvernement précédent a fait le choix de baisser les dotations versées aux EESPIG. D’où l’effet ciseau que vous avez identifié et qui est réel. Nous nous entendons donc sur le constat.
C’est pourquoi, dès l’année 2018, nous serons en mesure de doter ces établissements de 2 millions d’euros supplémentaires grâce à un effort en matière de gestion. Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de tout cela et de la place des EESPIG lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, qui prévoit de leur reverser une partie de la contribution vie étudiante.
Pour cette raison, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° II-427. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je me réjouis que Mme la ministre ait annoncé un nouveau système d’orientation pour les étudiants en remplacement du calamiteux système de l’admission post-bac, ou APB, qui a montré toutes ses limites. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Je souhaite surtout réagir sur les motivations qui sous-tendent l’amendement n° II-184, dont je lis l’objet : « Les établissements privés d’enseignement supérieur, à l’image de leurs confrères des premier et second degrés, constituent aujourd’hui des accélérateurs d’inégalités sociales ».
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas faux !
M. Michel Canevet. Je suis profondément scandalisé de lire des choses pareilles ! En effet, le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à la liberté scolaire et au libre choix.
Mme Cécile Cukierman. Vous êtes de droite, nous de gauche !
M. Michel Canevet. Nous sommes pour la réussite des jeunes enfants. Je prends l’exemple de la Bretagne, où près d’un élève sur deux est scolarisé dans un réseau autre que celui de l’enseignement public, avec des résultats qui sont parmi les meilleurs au niveau national ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Or nous savons tous que le contexte est préoccupant : nous observons un recul de notre classement par rapport aux autres pays. En clair, plus on a donné de moyens à l’éducation, plus les résultats se sont dégradés.
Mme Cécile Cukierman. Plus on a financé l’enseignement privé, plus on s’est effondré dans les classements mondiaux !
M. Michel Canevet. Nous ne pouvons accepter un tel amendement, d’autant que, comme l’a souligné M. le rapporteur, les crédits ont été significativement diminués ces dernières années, ce qui était particulièrement regrettable.
Il est totalement inacceptable de proposer de nouvelles réductions. S’il existe un facteur d’égalité sociale, c’est bien la possibilité pour les familles de choisir leur réseau d’enseignement et de permettre, à tous, la réussite par la scolarisation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Mon intervention s’inscrit dans le prolongement des propos de Michel Canevet. Je suis moi aussi choqué par l’amendement n° II-184. Autant vos explications passent à l’oral, monsieur Ouzoulias, autant à l’écrit c’est un peu plus compliqué…
Vous avez cité Bourdieu. Vous auriez pu également faire référence à Baudelot et à Establet, c’est-à-dire à ces personnes qui n’ont pas encore compris que l’enseignement, qu’il s’agisse du public ou du privé, permettait l’élévation des jeunes. Le vrai problème se trouve non pas dans l’enseignement supérieur, mais à l’école. Je me félicite du dédoublement des classes dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcée, ou REP+, car c’est là que naissent les difficultés.
J’aimerais que l’on sorte de l’opposition caricaturale entre le public et le privé. Vous l’avez vous-même reconnu, ce sont souvent les établissements privés qui obtiennent les meilleurs résultats au classement de Shanghai, peut-être en raison du contexte.
Quoi qu’il en soit, sortons de cette opposition public-privé. Mon groupe votera l’amendement n° II-427 défendu par M. Adnot. Il est important de soutenir l’enseignement supérieur privé, qui souhaite ni plus ni moins être mis sur un pied d’égalité avec l’enseignement public. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Le dogmatisme est de votre côté !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Sans en rajouter, j’aimerais que l’on soit vigilant lorsque l’on gage des crédits de la sorte, même si c’est la règle en loi de finances.
J’ai entendu Philippe Adnot dire que l’aide à la recherche du premier emploi n’avait pas donné satisfaction parce qu’elle n’avait pas été utilisée, voire qu’il serait préférable qu’elle ne soit pas utilisée, ce qui n’est pas faux sur le fond.
Pour autant, je rappelle qu’il s’agit de crédits destinés à la vie étudiante, particulièrement d’aides directes à destination des étudiants les plus fragiles. C’est un dispositif qui a été mis en place en 2016 pour aider l’enseignement supérieur à finalité professionnelle pour les plus modestes. Oui, ces aides n’ont pas été utilisées. Est-ce une raison pour diminuer encore davantage les crédits de l’ARPE, déjà en baisse pour 2018, puisqu’ils s’élèvent à 43 millions d’euros, contre 92 millions d’euros en 2017 ?
C’est un mauvais signe adressé à la vie étudiante, singulièrement aux étudiants les plus modestes. Bien que je sois moi aussi Bretonne, je n’entrerai pas dans les débats sur l’enseignement privé, et mon groupe votera contre les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Ces deux amendements sont totalement à l’opposé l’un de l’autre. Pour un centriste, il est donc difficile de trouver une position équilibrée ! (Sourires.)
Notre préférence va néanmoins nettement à l’amendement n° II-184 présenté par Philippe Adnot, au nom de la commission des finances. L’idée d’opposer le privé au public est d’un autre temps, et je ne me retrouve pas dans les propos de M. Ouzoulias, même si, sur bien des sujets, son argumentation est très intéressante. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une rhétorique du passé.
Face au défi d’accueillir environ 300 000 étudiants d’ici à 2025, il est évident que les établissements privés doivent également jouer un rôle. Les affaiblir, comme cela a été le cas ces dernières années, n’est pas une solution.
Voilà pourquoi nous sommes favorables à l’amendement n° II-427, même si, à titre personnel, j’aurais préféré que le gage porte sur d’autres crédits que sur ceux qui sont consacrés à la vie étudiante. Nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Rassurez-vous, il n’y aura pas de chœur breton ce soir sur l’école privée ! (Sourires.)
Néanmoins, les propos de mon excellent collègue M. Ouzoulias ne sont pas à la hauteur de son intelligence. J’ai eu l’occasion de discuter avec lui de cet amendement : comme chacun de nous, il a à cœur que tout un pays se mobilise pour la réussite de ses enfants.
Pour ma part, je salue le travail qui est effectué par Mme la ministre et je pense, mes chers collègues, que la plus grande des inégalités est celle qui est règne aujourd’hui à l’université, où on laisse croire à beaucoup de jeunes qu’ils réussiront dans leur parcours universitaire, alors qu’ils n’y ont pas été préparés. Je rappelle que deux étudiants sur trois quittent l’université avant d’avoir obtenu un diplôme et se retrouvent sur une voie d’échec.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Madame la ministre, j’exposerai brièvement les raisons pour lesquelles la commission maintiendra l’amendement n° II-427.
J’ai rappelé que le financement moyen par étudiant était passé à 705 euros dans le privé, contre près de 10 000 euros dans le public. Nous ne proposons donc pas de financer l’enseignement supérieur privé et l’enseignement supérieur public au même niveau. Par ailleurs, ce ne sont pas nécessairement les étudiants les plus modestes qui mettent le plus de temps pour trouver du travail, bien au contraire !
Madame la ministre, c’est tout simple : nous voterons cet amendement et vous trouverez les 6 millions d’euros ailleurs.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Au CNRS ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Ouzoulias. Ou sur les 6 milliards d’euros du CIR !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. En effet, je ne tiens pas absolument à ce qu’ils soient pris sur les crédits de la vie étudiante.
M. le président. L’amendement n° II-573 rectifié quinquies, présenté par Mme Préville, MM. Tissot et Durain, Mmes Taillé-Polian, Lienemann et Lepage et MM. Kerrouche, Mazuir, Madrelle et Courteau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
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Vie étudiante |
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Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
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Recherche spatiale |
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Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
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Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
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Recherche duale (civile et militaire) |
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10 000 000 |
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10 000 000 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
10 000 000 |
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10 000 000 |
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Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
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La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. La culture scientifique, technique et industrielle, ou CSTI, développe l’information sur la science et ses enjeux. En favorisant les échanges avec la communauté scientifique, en opérant un partage des savoirs et en éduquant les publics à une citoyenneté active, elle inscrit la science dans la société.
La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a clarifié les rôles entre l’État et les régions. Ces dernières se sont vues transférer la coordination et la mise en cohérence des actions de la CSTI.
Les régions ont bien un rôle central dans la nouvelle gouvernance de la CSTI : organisation du réseau des acteurs sur leur territoire, engagement des projets, soutien financier des actions portées dans ce domaine.
Pour autant, les crédits nationaux décentralisés, s’ils viennent bien abonder ces financements régionaux, ne le font qu’à hauteur de 4,7 millions d’euros. L’État conserve encore des moyens d’action non négligeables ; il doit rester un acteur incontournable pour donner le goût de la science aux nouvelles générations.
Vous pouvez penser que la réussite de la CSTI dans le cadre d’un contexte budgétaire restreint repose davantage sur la rationalisation de la gouvernance que sur une augmentation des moyens. Pour ma part, je ne le crois pas. Il est selon moi nécessaire aujourd’hui de promouvoir auprès des jeunes publics le goût de la science. Il s’agit aussi de résorber l’écart entre l’évolution des sciences et des techniques et la capacité des citoyens à la comprendre pour la maîtriser.
Or les avancées scientifiques ont été si importantes ces dernières années que nous avons tout à gagner à ce que chaque citoyen devienne plus savant, donc plus responsable et moins naïf. Comprendre pour mieux faire des choix de société, n’est-ce pas un idéal à poursuivre dans une société avancée ?
Nous en sommes à un moment crucial, particulièrement en la matière, s’agissant des choix relatifs à l’énergie, l’écologie, etc.
Cette question touche également celle des stéréotypes de genre ; il est urgent de développer cette culture afin d’encourager les jeunes filles à se diriger vers les carrières scientifiques et techniques. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Pour ces raisons il est nécessaire de donner un nouveau souffle au développement des politiques partenariales : État, collectivités, associations.
Au printemps dernier, le Conseil national de culture scientifique, technique et industrielle, présidé par Dominique Gillot, a remis la stratégie nationale de CSTI. L’ambition fixée par cette dernière nécessite un investissement supérieur aux moyens actuels consacrés à la CSTI qui ne peut pas être assuré par les régions seules. C’est pourquoi il est proposé de reprendre la proposition du Conseil national et d’augmenter les crédits d’intervention.
Bien évidemment, je ne veux pas porter atteinte au financement de la recherche duale. Je souhaite néanmoins que le Gouvernement se saisisse de ce sujet et que la Haute Assemblée puisse prendre toute sa part à la réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Quelle bonne intention que de vouloir valoriser la connaissance scientifique et de chercher à la diffuser auprès des jeunes !
Vous avez précisé à la fin de votre intervention que vous ne souhaitiez pas porter atteinte à la recherche duale. Néanmoins, il s’agit d’un élément important, qui a été défendu par de nombreux orateurs tout à l’heure à la tribune, qu’il s’agisse de la recherche spatiale ou du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. L’intention est bonne, mais j’aurais aimé que le gage soit différent.
Pour l’instant, la commission émet sur cet amendement un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je profite de cette intervention pour saluer le travail important réalisé par votre ancienne collègue Dominique Gillot, qui s’est fortement investie.
La Nation consacre déjà 250 millions d’euros spécifiquement à la CSTI : 196 millions d’euros dédiés aux musées et aux établissements publics ; 16 millions d’euros consacrés par les opérateurs de l’enseignement supérieur ; plus de 2 millions d’euros pour la fête de la science ; 3,6 millions d’euros décentralisés sur la DGD-S, la Direction générale déléguée à la science. Malheureusement, les crédits de la recherche duale sur lesquels vous voulez prendre les finances pour la CSTI ne me permettent pas d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
Comme je l’ai précisé, j’ai proposé à des députés de travailler sur ces sujets puisque la même question a été soulevée à l’Assemblée nationale. Je serai ravie que vous acceptiez de vous joindre à ces discussions.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Préville, l’amendement n° II-573 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Angèle Préville. Il s’agissait d’un amendement d’appel. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-573 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° II-558 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché et Lagourgue, n’est pas soutenu.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 57 octies et 57 nonies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Recherche et enseignement supérieur
Article 57 octies (nouveau)
I. – Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre III de la deuxième partie est complété par un article L. 2341-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2341-2. – Les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ou conjointement des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’agriculture sont compétents pour assurer l’entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l’État ainsi que la valorisation immobilière de ces biens et les opérations immobilières d’aménagement des campus, hors cession des biens mis à leur disposition par l’État.
« Ils sont compétents pour délivrer sur ces biens des titres constitutifs de droits réels à un tiers et pour en fixer les conditions financières.
« Cette délivrance est soumise à l’autorisation préalable de l’autorité administrative lorsqu’elle concerne des biens immobiliers mis à disposition par l’État et nécessaires à la continuité du service public. » ;
2° Après la vingt-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5511-2, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2341-2 |
Résultant de la loi n° … du … de finances pour 2018 |
» ; |
3° Après la dix-septième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5511-4, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2341-2 |
Résultant de la loi n° … du … de finances pour 2018 |
» ; |
4° Après la vingt-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5611-2, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2341-2 |
Résultant de la loi n° … du … de finances pour 2018 |
» ; |
5° Après la vingt-sixième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5711-1, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2341-2 |
Résultant de la loi n° … du … de finances pour 2018 |
» ; |
6° Après la seizième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 5711-2, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2341-2 |
Résultant de la loi n° … du … de finances pour 2018 |
» |
II. – Le livre VII du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième phrases de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 711-1 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent à cette fin, ainsi que pour contribuer à la gestion et à la valorisation de leur patrimoine immobilier, créer des services d’activités industrielles et commerciales, dans les conditions prévues à l’article L. 123-5, ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prendre des participations, participer à des groupements et créer des filiales. » ;
2° La dernière phrase de l’article L. 719-14 et les trois derniers alinéas de l’article L. 762-2 sont supprimés.
III. – Le II est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)
Article 57 nonies (nouveau)
L’avant-dernier alinéa de l’article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 est ainsi rédigé :
« La contribution est recouvrée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire dans les conditions prévues aux articles 192 et 193 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. » – (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd’hui, vendredi 8 décembre 2017, à neuf heures quarante, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV ;
- Missions et articles rattachés reportés ;
- Articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 8 décembre 2017, à zéro heure quarante.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire et d’une éventuelle commission mixte paritaire
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l’article 12 du règlement. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 sont :
Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Jean-François Husson, Philippe Dominati, Vincent Delahaye, Claude Raynal, Didier Rambaud ;
Suppléants : MM. Yvon Collin, Bernard Delcros, Rémi Féraud, Roger Karoutchi, Mme Christine Lavarde, MM. Sébastien Meurant, Pascal Savoldelli.
Projet de loi de finances pour 2018
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l’article 12 du règlement. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2018 sont :
Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Mme Christine Lavarde, MM. Philippe Dominati, Bernard Delcros, Claude Raynal, Julien Bargeton ;
Suppléants : MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Rémi Féraud, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Sébastien Meurant, Pascal Savoldelli.
nomination de membres d’organismes extraparlementaires
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :
- M. Jean-Pierre Corbisez est membre titulaire du comité stratégique de la Société du canal Seine-Nord Europe ;
- M. Michel Dennemont est membre titulaire et Mme Françoise Cartron membre suppléant de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ;
- M. Christophe Priou est membre titulaire de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier ;
- Mme Marta de Cidrac est membre titulaire et M. Guillaume Gontard membre suppléant de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
- M. Joël Bigot est membre titulaire du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ;
- Mme Michèle Vullien est membre titulaire du conseil d’administration du Fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports ;
- M. Jean-Claude Luche et Mme Pascale Bories sont membres titulaires du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire ;
- Mme Christine Lanfranchi est membre titulaire pour siéger du Conseil national de la mer et des littoraux.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD