M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le secrétaire d’État, je suis en partie satisfaite de votre réponse, dans la mesure où le Gouvernement reconnaît l’urgence et la gravité de la situation des hôpitaux, de leur personnel et des malades du Pas-de-Calais.
J’espère que les promesses que vous venez d’annoncer seront suivies d’effet, même si elles ne m’apparaissent pas totalement satisfaisantes. En tout cas, j’invite Mme la ministre des solidarités et de la santé à se rendre chez nous : ainsi, elle se rendra compte de la situation, elle prendra la mesure de la réalité du terrain et des difficultés que nous rencontrons, nous, élus locaux, mais aussi les personnels et les malades du Pas-de-Calais !
nécessaire traçabilité du glyphosate présent dans les produits importés
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 141, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Henri Cabanel. Ma question s’adressait à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture, mais je vous remercie par avance d’y répondre, monsieur le secrétaire d’État.
Ma question porte sur la nécessité pour le législateur, les agriculteurs et les citoyens de pouvoir connaître la dangerosité du glyphosate et, surtout, d’assurer la traçabilité de ce produit.
En effet, face à des études scientifiques contradictoires, il faut appliquer le principe de précaution, comme le Président de la République s’y est engagé. La mise en œuvre de ce principe réduit néanmoins la compétitivité de notre agriculture et n’atteint pas le but visé, à savoir la protection de la santé des consommateurs, si des produits importés contenant du glyphosate restent disponibles. Dans ce cas, les consommateurs français, de même que nos agriculteurs, qui se verraient interdire l’usage du glyphosate sans solution équivalente, seraient floués. Les décideurs publics ne seraient plus crédibles.
Or, si aucun produit de substitution n’est trouvé et si un cadre pour la traçabilité des produits n’est pas mis en place, nous risquons d’aboutir à cette situation dans trois ans, car le Président de la République s’est engagé à interdire le glyphosate en France, alors qu’il restera autorisé ailleurs.
Afin que la protection des consommateurs soit effective et que les agriculteurs ne soient pas les victimes d’un effet d’annonce, je souhaite connaître très précisément, monsieur le secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour assurer la traçabilité du glyphosate dans les produits importés. Selon quelles dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires entendez-vous les prendre, avec quels moyens de contrôle et selon quel calendrier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Cabanel, le ministre de l’agriculture étant retenu, il m’a chargé d’apporter plusieurs éléments de réponse à votre question.
Le glyphosate est un herbicide très utilisé, en France comme dans le reste du monde.
Comme vous l’indiquez, les divergences quant au caractère cancérogène du glyphosate entre les conclusions des agences d’évaluation européennes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, et l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, d’une part, et celles du Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, d’autre part, ont montré les limites de ces évaluations.
Par ailleurs, l’utilisation massive du glyphosate a des conséquences sur le plan environnemental : on constate la présence de cette substance dans les cours d’eau et dans ses produits de décomposition.
C’est dans ce contexte que le gouvernement français s’est opposé à l’approbation longue proposée par la Commission européenne. Le Gouvernement a souhaité que la durée de réapprobation soit strictement limitée à celle qu’exigent la recherche, l’identification et la diffusion de pratiques alternatives.
À cette fin, il a été demandé à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, de produire un rapport sur les usages du glyphosate et sur ses alternatives. Le rapport remis par l’INRA le 1er décembre 2017 montre que des solutions de substitution existent pour certains usages du glyphosate, mais qu’un important travail de recherche et de diffusion d’alternatives est nécessaire pour d’autres usages.
La feuille de route de sortie progressive des produits phytopharmaceutiques sera finalisée avant la fin du mois de mars 2018. Toutes les parties prenantes seront associées à cette concertation nourrie.
Cette feuille de route intégrera le nécessaire déploiement de ces alternatives, la recherche de solutions pour les autres usages, l’accompagnement des agriculteurs pour le changement des pratiques agricoles, ainsi que le contrôle de la traçabilité que vous avez évoqué.
En outre, les dispositions applicables doivent permettre, non seulement d’assurer la qualité sanitaire des produits importés, mais aussi de prévenir toute distorsion de concurrence entre nos producteurs. Les efforts déployés pour le changement des pratiques agricoles doivent être récompensés et valorisés par une meilleure structuration de l’aval et une plus grande information des consommateurs.
Des contrôles très réguliers des services de l’État, notamment de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, seront menés pour s’assurer que les dispositions sont bien mises en œuvre et pour veiller au contrôle, à l’évaluation et à la publicité de la traçabilité que vous appelez de vos vœux, afin d’éviter ces distorsions.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle m’inspire quelques doutes.
Notre rôle en tant que parlementaires est bien sûr de garantir la santé des consommateurs. Or, dans ce que vous venez d’évoquer, rien ne me permet de penser que, lors de ses achats, le consommateur français bénéficiera d’une transparence totale.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai déjà cité, à l’intention du ministre de l’agriculture, l’exemple du citoyen français qui va chercher sa baguette de pain à la boulangerie : comment pourra-t-il être certain que le blé qui a permis de fabriquer sa baguette est un blé français ?
Vous le savez, beaucoup de pays exportent du blé : c’est le cas du Canada, qui exporte aujourd’hui 15 millions de tonnes de blé et avec lequel les échanges vont s’accroître dans le cadre du CETA. Je vois mal comment nous assurerons une transparence totale des achats pour le consommateur. Là est pourtant l’enjeu qui m’importe le plus.
Notre rôle de parlementaire consiste évidemment à garantir la sécurité sanitaire. Or, comme vous l’avez rappelé, l’OMS a classé le glyphosate parmi les cancérogènes probables. En tant que législateur, on nous demandera donc certainement dans trois ans d’interdire ce produit. Pourquoi pas, après tout ? Je suis d’accord sur le principe. Toutefois, la même Organisation mondiale de la santé classe certains produits, comme le tabac, dans la catégorie 1, c’est-à-dire celle des agents cancérogènes : dès lors, pourquoi ne pas demander au législateur d’interdire également le tabac ?
M. Pierre Louault. Tout à fait !
M. Henri Cabanel. Je ne comprends pas du tout cette logique. Ce qui m’inquiète, sans doute comme vous, c’est la sécurité du consommateur. Il faudra effectivement mettre en place une traçabilité cohérente assortie, à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles, d’un arsenal comprenant à la fois des amendes et même des sanctions pénales, pour dissuader ceux qui pourraient chercher à contourner la réglementation française.
réforme de l’apprentissage
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 145, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, alors que les contours de la future réforme de l’apprentissage ont été annoncés dès septembre 2017, ma question prendra plutôt la forme d’un appel à la raison.
L’orientation doit s’entendre tout au long de la vie. Chaque individu est appelé à effectuer plusieurs choix au cours de son parcours scolaire et professionnel. Or, entre le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation, il y a comme qui dirait un trou dans la raquette…
À partir de trente ans, point de reconversion possible ; certes, les formations existent, mais les recruteurs restent bloqués par l’existence des charges afférentes.
Pour plus d’efficacité, il faudrait selon moi créer un statut unique de l’apprentissage en France. Aujourd’hui, il existe des centaines d’accords de branche ; le coût horaire n’est jamais le même, la prise en charge non plus. Cette situation explique aussi la désaffection des chefs d’entreprise pour l’alternance.
Il faudrait également exonérer de toutes les charges patronales et fixer les salaires uniquement en fonction de l’âge. Actuellement, les salaires sont fixés à la fois en fonction de l’âge et de la branche.
Auparavant, le salaire des apprentis était calculé sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC ; désormais, il l’est en fonction des conventions de chaque branche, ce qui a considérablement augmenté le coût pour les entreprises.
Développer l’apprentissage nécessite un engagement collectif de l’État, des régions, des partenaires sociaux et des autres acteurs concernés, dans un contexte où la taxe d’apprentissage, qui finance d’autres formations initiales, professionnelles et technologiques, a été davantage fléchée vers l’apprentissage et non vers une formation continue pour tous et à tout âge.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Bruguière, je répondrai à la place de Mme la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui ne peut être présente ce matin et qui vous prie de bien vouloir l’en excuser.
Vous attirez notre attention sur un problème bien réel, qui fait partie des sujets traités dans le cadre de la concertation actuelle.
Vous le savez, les deux contrats de travail en alternance que sont le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation ne répondent pas aux mêmes besoins et ne visent pas les mêmes buts. En effet, le contrat d’apprentissage répond aux besoins de formation initiale et a pour but l’obtention d’un diplôme ou d’un titre, alors que le contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue, participe à l’insertion ou à la réinsertion dans l’emploi.
Nous constatons aussi des différences notables dans la mise en œuvre de ces deux contrats. Ainsi, la durée du contrat de professionnalisation est stable et s’établit aujourd’hui à 13,7 mois, alors que le contrat d’apprentissage est de 20 mois.
Les secteurs d’activité sollicitant ces deux contrats diffèrent eux aussi sensiblement. Les secteurs de la banque, des établissements financiers et d’assurances, le commerce, les bureaux d’études et prestations de services aux entreprises et le secteur sanitaire et social font plus appel, en part relative, aux contrats de professionnalisation.
Il convient néanmoins de noter que le plafond d’âge d’éligibilité à ces contrats a été fortement relevé, et ce dans les deux catégories. Ils permettent donc la prise en charge de nombreuses personnes.
En effet, au-delà de l’expérimentation d’entrée en apprentissage jusqu’à trente ans lancée le 1er janvier 2017, il existe des dérogations légales permettant des reconversions plus tardives dans certains domaines. Ainsi, il est possible de signer des contrats d’apprentissage indépendamment de la limite supérieure d’âge pour les personnes dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, pour les personnes souhaitant créer ou reprendre une entreprise, si le projet est subordonné à l’obtention d’un diplôme, ou encore pour les personnes bénéficiant d’un statut de sportif de haut niveau.
De plus, la possibilité d’entrée en contrat de professionnalisation au-delà de vingt-six ans concerne tous les demandeurs d’emploi, sans limite d’âge.
La rémunération de l’apprenti constitue elle aussi un sujet. L’un des enjeux est de la simplifier, au bénéfice tant de l’apprenti que de l’employeur, même si, à ce jour, fort peu de conventions collectives prévoient des grilles particulières. Seuls les apprentis de plus de vingt et un ans sont actuellement soumis à une base de calcul d’un éventuel salaire de base conventionnel.
Comme vous l’avez suggéré, la concertation sur l’avenir de l’apprentissage, lancée le 10 novembre 2017 par la ministre du travail, le Premier ministre et moi-même, doit conduire à des propositions pour refonder notre système d’apprentissage sur les attentes et les besoins des jeunes, des familles et des entreprises.
Pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l’emploi du Conseil économique social et environnemental, le CESE, cette concertation associe l’ensemble des acteurs concernés. Bien entendu, elle a vocation à prendre en compte les préoccupations que vous venez d’exprimer. Elle doit préparer les évolutions nécessaires pour assurer le développement de l’apprentissage, qui se traduiront dans un projet de loi que le Gouvernement présentera au printemps 2018.
La rémunération de l’apprenti, les modalités de gestion du contrat d’apprentissage et une meilleure complémentarité des deux contrats en alternance sont abordées dans le cadre de la concertation, afin que l’alternance puisse bénéficier à tous dans des conditions optimales.
Nous sommes tous persuadés que l’alternance et l’apprentissage font partie des solutions importantes pour lutter contre le chômage.
M. le président. Pour la seconde fois de la matinée, j’appelle chacune et chacun au respect du temps qui lui est imparti, afin que nous puissions terminer cette séance de questions orales à l’heure convenue. Je vous remercie de votre compréhension.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Sauf erreur de ma part, la concertation devrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois. Je forme le vœu que le diagnostic sur les questions relatives à l’apprentissage et à la formation fasse l’objet d’une large information en direction de tous les publics.
lutte contre l’illettrisme dans l’aisne
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 27, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, il s’agit là, de ma part, d’une question récurrente.
En 2010, puis en 2015, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le dossier de l’illettrisme dans le département de l’Aisne, dont je suis l’élu. Nous sommes en 2018, et il nous faut revenir sur ce sujet sensible pour essayer d’avoir, à tout le moins, une écoute compréhensive, à défaut d’avoir obtenu des réponses rassurantes depuis toutes ces années ! Mais il paraît que nous sommes entrés dans une nouvelle ère…
Je vous cite, monsieur le ministre : « La première inégalité est celle du langage et du vocabulaire. » Or les chiffres de l’illettrisme en région Hauts-de-France, et plus précisément dans le département de l’Aisne, sont catastrophiques et vont croissant d’année en année.
Dans ce département, le taux de jeunes en difficulté de lecture a crû, passant de 8,3 % en 2009 à 16 % en 2014, avant d’atteindre 16,73 % en 2015 et 17,7 % aujourd’hui : ce taux doit être comparé à la moyenne nationale, qui s’élève à 10,8 %. Ces chiffres émanent des tests menés auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans lors de la journée défense et citoyenneté. Ils sont inacceptables dans une société où l’instruction est obligatoire.
Il apparaît, constat identique depuis plusieurs années, que, plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l’éducation est faible.
Pour l’académie d’Amiens, on avait annoncé « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017 », comprenant notamment « des actions de formation d’envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l’intention des jeunes ».
Le décalage dont souffre la Picardie, et plus particulièrement l’Aisne, par rapport à la situation nationale ne s’est pas estompé en l’espace de quinze ans.
Plus largement, il en est de même pour le niveau des diplômes. En 2013, lors du dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 37 % de la population des Hauts-de-France ne possédait pas de diplôme, et 39 % de ses habitants étaient titulaires du seul baccalauréat.
En septembre 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, a rendu publique une étude passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives, rapport au titre troublant : Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l’OCDE ?
Dernière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui seront de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d’assumer dignement l’entretien d’une famille.
N’est-il pas temps de nous inspirer de nos voisins du nord de l’Europe, de l’Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d’illettrisme plafonnent à environ 3,5 % de la population ? Leurs méthodes sont connues : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, pédagogie tenant compte des différents niveaux dans la même classe, etc.
Monsieur le ministre, je sais qu’après l’élection présidentielle de mai 2017 vous avez aussitôt décidé de dédoubler les classes primaires dans les zones défavorisées, et nous vous en louons.
J’ai bien entendu votre réponse lors de l’examen du budget 2018, pour ce qui concerne la détection et la prévention des élèves atteints de troubles « dys » par une médecine scolaire revalorisée et opérationnelle. Je vous remercie d’ailleurs de nous indiquer l’état de mise en œuvre de cette volonté.
Par ailleurs, il était temps de faire un effort vers les bibliothèques dans ces régions où les difficultés de lecture sont grandes. Le projet de loi de finances pour 2018 nous en donné l’occasion, au Sénat,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Antoine Lefèvre. … où une rallonge de 8 millions d’euros a été annoncée.
Je rappelle un dernier chiffre : plus de 15 % de ces élèves sont en décrochage scolaire.
Ce constat alarmant demande des décisions drastiques et des moyens adéquats. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous en donner la teneur.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Lefèvre, je sais à quel point le problème que vous soulevez et le diagnostic que vous dressez sont réels. Je suis totalement mobilisé pour y répondre.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres que vous avez cités : ils sont en effet alarmants. L’académie d’Amiens en général, et en particulier le département dont vous êtes l’élu, sont spécialement touchés par le phénomène de l’illettrisme. Nous devons donc placer ce sujet au cœur de nos priorités.
Comme vous le savez, cette question des savoirs fondamentaux, « lire, écrire, compter et respecter autrui », que chaque enfant doit acquérir à l’école primaire, vaut pour toute la France, particulièrement pour les territoires que l’on peut considérer comme étant en retard à ce titre.
La première des réponses, mais ce n’est pas la seule, est – vous l’avez rappelé – le dédoublement des classes de cours préparatoire en REP+.
Dans le département de l’Aisne, dès la rentrée 2017, ces nouvelles dispositions en éducation prioritaire ont représenté le dédoublement de 50 classes de CP en REP+, avec des effectifs moyens de 12 élèves par classe. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 supplémentaires en REP+, ainsi que 100 classes de CP en REP, seront concernées.
Ces chiffres montrent l’importance de l’effort engagé : plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’élèves en bénéficieront. Ainsi, on pourra traiter à la racine les problèmes rencontrés.
En parallèle, plusieurs mobilisations sont prévues, dont certaines étaient mentionnées dans votre question.
L’école maternelle va faire l’objet d’une réflexion et de transformations, afin qu’elle soit, plus encore qu’aujourd’hui, l’école de l’épanouissement et de l’apprentissage du langage. Vous le savez, au mois de mars prochain auront lieu des assises de la maternelle, qui seront présidées par Boris Cyrulnik. (M. Antoine Lefèvre acquiesce.) Ces dernières vont nous permettre de prendre, dès la rentrée prochaine, un certain nombre de mesures en faveur de l’école maternelle.
En outre, les évaluations prévues seront des outils au service des progrès des élèves : celle de début de CP permettra notamment de déployer des stratégies personnalisées et adaptées pour chaque élève de CP.
Un ensemble d’outils pédagogiques consacrés à l’apprentissage de la lecture sera bientôt mis à la disposition des enseignants ; un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles sera organisé.
Une action interministérielle, menée notamment avec ma collègue ministre de la culture, sera également mise en œuvre en faveur du livre et de la lecture. Les bibliothèques des écoles, auxquelles vous avez fait référence, doivent bel et bien être renforcées, en partenariat avec les communes concernées.
Vous le savez, l’académie d’Amiens est particulièrement mobilisée sur ces questions. Je m’y suis déjà rendu à plusieurs reprises depuis ma prise de fonctions, avec une priorité clairement affichée, à savoir l’acquisition des savoirs fondamentaux et la prise en charge de la maîtrise de la langue. Cela s’est traduit par l’instauration de modules de formation continue des enseignants. J’ai d’ailleurs tenu à assurer moi-même l’introduction d’un de ces modules.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons également mis en place le réseau des observatoires locaux de la lecture, ou ROLL, mené par Alain Bentolila, qui regroupe 590 enseignants et dont les premiers résultats sont extrêmement encourageants.
Je citerai enfin l’expérimentation de la Machine à Lire.
Le temps me manque pour vous exposer toutes les actions entreprises en la matière, mais je puis vous assurer de toute mon attention en faveur du département de l’Aisne et de l’académie d’Amiens.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je suis heureux que cette question, posée l’an dernier, vous ait permis de présenter ces différents dispositifs.
Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales, où l’enjeu existe également. (M. le ministre le concède.)
Enfin, il importe d’œuvrer à l’attractivité de certaines académies et à la mobilité entre ces dernières. Je relève que, à Amiens, à peine 10 % des enseignants sont agrégés.
situation du milieu associatif face à la diminution du nombre de contrats aidés
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 127, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Bernard Bonne. Monsieur le ministre, la décision du Gouvernement de supprimer un nombre très significatif de contrats aidés, près de 40 % par rapport à l’année 2016, suscite de vives inquiétudes dans de nombreuses associations, particulièrement dans le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Certes, une rallonge de 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires a été accordée avant la fin de 2017, mais elle concerne essentiellement le secteur non marchand, tel que l’accompagnement des élèves handicapés, l’urgence sanitaire et sociale, l’outre-mer et les communes rurales en difficulté. Une telle décision n’est pas de nature à rassurer les responsables des centres sociaux, des maisons de quartiers, ou encore des maisons des jeunes et de la culture, les MJC.
Les autres décisions prises durant l’été créent, elles aussi, de grandes incertitudes dans le mouvement associatif : la diminution des dotations aux collectivités territoriales, la suppression de la taxe d’habitation, qui ne permettra plus aux communes de développer une fiscalité propre sur leur territoire, enfin la suppression de la réserve parlementaire, dont 70 % des fonds venaient soutenir des projets associatifs dans les territoires, toutes ces mesures frappent en premier lieu, et directement, les structures associatives.
Ainsi, dans le département de la Loire, plusieurs structures ont dû réduire leur équipe d’animation. Lors des dernières vacances de la Toussaint et de Noël, ces mesures se sont traduites par une réduction du nombre d’enfants accueillis en centres de loisirs et de jeunes en accueil journalier. Cette situation pose de véritables problèmes de garde pour les parents, particulièrement dans les familles les plus modestes.
Or, le secteur associatif, c’est 1,3 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui structurent en profondeur notre pays ; ce secteur représente 85 milliards d’euros de budget, soit 3,5 % de notre PIB.
On le constate, les associations sont une richesse pour la Nation. Il ne s’agit donc pas d’opposer emploi aidé et emploi qualifié et de ne retenir que le caractère économique pour juger de l’efficacité de ce dispositif. Le tissu associatif est en effet indispensable dans les quartiers pour maintenir le lien social, favoriser le vivre-ensemble et le dialogue civil.
Aussi, alors que, pour la première fois depuis 1957, un ministère de plein exercice ne fait plus référence à la jeunesse et à la vie associative, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte la spécificité du secteur de l’accueil de notre jeunesse.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Bonne, la décision prise par le Gouvernement en matière de contrats aidés était difficile ; mais elle ne pouvait être différente pour un gouvernement qui veut changer les mauvaises habitudes consistant à construire des budgets non sincères en début d’année, qu’il faut revoir à mi-parcours et qui, de surcroît, ne permettent pas de conduire des politiques que vous et vos collègues parlementaires votez.
Cette décision a parfois été mal vécue par les associations, qui ont pu y voir un problème pour la mise en œuvre de leur action. Le Gouvernement en est tout à fait conscient. C’est pourquoi nous avons revu le volume des contrats aidés à la hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en dépit du contexte de contrainte budgétaire.
En loi de finances initiale, 280 000 contrats aidés avaient été programmés pour l’année, mais les deux tiers de cette enveloppe annuelle ont été consommés dès le premier semestre. Il faut sans cesse le rappeler, face à un certain nombre de discours discordants.
Le Gouvernement a accordé une rallonge dans le contexte de maîtrise du déficit. Il a ainsi souhaité porter cette enveloppe à 320 000 contrats aidés sur l’année, soit 40 000 emplois de plus que ce qui avait été prévu.
Par ailleurs, de manière opérationnelle, cet effort a conduit le Gouvernement à cibler quatre secteurs prioritaires pour la fin d’année 2017 : l’éducation nationale et plus particulièrement l’accompagnement des élèves en situation de handicap ; l’outre-mer ; l’urgence sanitaire et l’urgence sociale, c’est-à-dire le secours alimentaire et l’hébergement social.
Pour le secteur associatif, les contrats aidés ont donc été concentrés sur l’urgence sanitaire et sur l’urgence sociale, notamment parce qu’en période hivernale l’aide alimentaire, l’accompagnement social ou l’hébergement, en particulier médicalisé, des jeunes enfants, des personnes dépendantes, sans abri ou atteintes d’un handicap sont évidemment des sujets essentiels.
À l’heure actuelle, on comptabilise près de 96 000 contrats aidés conclus, au titre de 2017, par les associations. Ce chiffre n’est pas stabilisé, les employeurs devant transmettre leurs dossiers en fin d’année.
Une politique de l’emploi efficace doit s’appuyer sur le renforcement des politiques de formation et d’accompagnement ciblé, lesquelles permettent des taux de retour à l’emploi durable plus significatifs pour les bénéficiaires.
Ma collègue ministre du travail, Muriel Pénicaud, a confié une mission à M. Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, visant à mobiliser les acteurs de l’insertion autour de nouvelles solutions, au service du parcours de chacun et en particulier de ceux qui sont aujourd’hui les plus largement exclus de l’accès au marché du travail. Les propositions vont lui être remises sous peu. C’est donc une politique efficace de lutte contre le chômage qui est engagée.
En parallèle, le Premier ministre m’a demandé de préparer une nouvelle stratégie pour le quinquennat en faveur de la vie associative. Cette stratégie doit être en harmonie avec le plan pour l’économie sociale et solidaire. Après une réunion de lancement en décembre dernier, avec notamment les acteurs associatifs, les premières réunions de travail se tiennent aujourd’hui même.
Monsieur le sénateur, vous pouvez le constater, votre question et ma réponse sont d’une parfaite actualité.
Une priorité très claire a été fixée : donner un nouveau souffle au mouvement associatif, non avec des instruments anciens, mais avec des outils nouveaux, ce qui passe aussi par des dotations nouvelles.
Vous avez évoqué la réserve parlementaire. Je vous rappelle que 25 millions d’euros ont été votés en fin d’année pour venir en aide aux associations.
Une stratégie est donc élaborée en faveur des associations. Elle se caractérisera par son efficacité au service des plus fragiles.