Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny.
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Candidatures à des organismes extraparlementaires
déplacement du centre de recherche et développement de galderma
Question n° 117 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
prêts de la caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales
Question n° 124 de Mme Viviane Artigalas. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Viviane Artigalas.
situation de certaines collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe
Question n° 142 de M. André Reichardt. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. André Reichardt.
risques liés à la dématérialisation au sein de l’institut national de la propriété industrielle
Question n° 128 de M. Xavier Iacovelli. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Xavier Iacovelli.
communes sans dotation globale de fonctionnement frappées de prélèvements supplémentaires
Question n° 147 de M. Jean-Marc Todeschini. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Jean-Marc Todeschini.
manque de moyens de l’hôpital albert-chenevier de créteil
Question n° 148 de Mme Laurence Cohen. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Laurence Cohen.
situation sanitaire dans le pas-de-calais
Question n° 130 de Mme Sabine Van Heghe. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Sabine Van Heghe.
nécessaire traçabilité du glyphosate présent dans les produits importés
Question n° 141 de M. Henri Cabanel. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Henri Cabanel.
Question n° 145 de Mme Marie-Thérèse Bruguière. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; Mme Marie-Thérèse Bruguière.
lutte contre l’illettrisme dans l’aisne
Question n° 027 de M. Antoine Lefèvre. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; M. Antoine Lefèvre.
situation du milieu associatif face à la diminution du nombre de contrats aidés
Question n° 127 de M. Bernard Bonne. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; M. Bernard Bonne.
fonds de soutien au développement des activités périscolaires
Question n° 143 de M. Bernard Fournier. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; M. Bernard Fournier.
reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en france
Question n° 109 de M. Jean-Marie Bockel. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Jean-Marie Bockel.
projet de loi fondamentale « israël état-nation du peuple juif »
Question n° 126 de M. Gilbert Roger. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Gilbert Roger.
Question n° 146 de M. Fabien Gay. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Fabien Gay.
accès à la formation professionnelle des pâtres
Question n° 140 de M. Alain Duran. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Fabien Gay.
sécurisation du financement du monde associatif
Question n° 144 de M. Jean-Luc Fichet. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Luc Fichet.
contradictions de la réglementation environnementale
Question n° 136 de M. Cédric Perrin. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Cédric Perrin.
report modal et ligne lyon-turin
Question n° 132 de M. Jean-Pierre Vial. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Pierre Vial.
délais de réservation du train de nuit entre paris et briançon
Question n° 131 de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
dysfonctionnement des lignes aériennes « d’aménagement du territoire »
Question n° 134 de Mme Josiane Costes. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Josiane Costes.
valorisation des territoires ruraux
Question n° 135 de M. Guillaume Chevrollier. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Guillaume Chevrollier.
Question n° 110 de M. Richard Yung. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Richard Yung.
services publics de santé dans la nièvre et les territoires ruraux
Question n° 125 de M. Patrice Joly. – Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées ; M. Patrice Joly.
Question n° 129 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées ; Mme Jocelyne Guidez.
conséquences de la crise migratoire dans le calvados
Question n° 102 de M. Pascal Allizard. – Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées ; M. Pascal Allizard.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
6. Modifications de l’ordre du jour
7. Situation et avenir de la SNCF – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains
M. Frédéric Marchand ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Guillaume Gontard ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Dominique Vérien ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Michel Houllegatte ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Alain Fouché ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Josiane Costes ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Daniel Laurent ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Arnaud de Belenet ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Cécile Cukierman ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Michèle Vullien ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Claude Bérit-Débat ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Pierre Corbisez ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Fabienne Keller ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Claude Luche ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Philippe Madrelle ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Cyril Pellevat ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Olivier Jacquin ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean Sol ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Pierre Vial ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Gérard Cornu ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jérôme Bascher ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
8. Candidatures à des commissions
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
9. Questions d’actualité au Gouvernement
accords de rupture conventionnelle collective
M. Frédéric Marchand ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.
M. Raymond Vall ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires ; M. Raymond Vall.
M. Fabien Gay ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Fabien Gay.
compensation de la suppression de la taxe d’habitation
M. Jean-Pierre Sueur ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances ; M. Jean-Pierre Sueur.
“French tech” et commerce extérieur
M. Emmanuel Capus ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
M. Michel Savin ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
Mme Nassimah Dindar ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Nassimah Dindar.
situation du transport ferroviaire
M. Bernard Cazeau ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Sabine Van Heghe ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
situation du lycée joseph-gallieni à toulouse
Mme Brigitte Micouleau ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
plateforme « parcoursup » (II)
M. Stéphane Piednoir ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Stéphane Piednoir.
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
10. État du service public dans les transports en région Île-de-France – Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste
11. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
12. État du service public dans les transports en région Île-de-France – Suite d’un débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
M. Fabien Gay ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Laurent Lafon ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Sophie Taillé-Polian ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Colette Mélot ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Olivier Léonhardt ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Roger Karoutchi ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Roger Karoutchi.
M. Arnaud de Belenet ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Pierre Ouzoulias ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Laurent Lafon ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Gilbert Roger ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Olivier Léonhardt ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Philippe Pemezec ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Arnaud de Belenet ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Rémi Féraud ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Arnaud Bazin ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Vincent Éblé ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Philippe Dominati ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Pierre Cuypers ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nicole Duranton ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
13. Ordre du jour
Nomination de membres d’organismes extraparlementaires
Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Yves Daudigny.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je vous souhaite une excellente année 2018 !
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du 20 décembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’anciens sénateurs
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Guy Besse, qui fut sénateur de l’Indre de 1982 à 1989, et Georges Othily, qui fut sénateur de la Guyane de 1989 à 2008.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant les ordonnances environnementales nos 2016-1058 et 2016-1060 du 3 août 2016, qui s’est réunie le mercredi 20 décembre 2017, est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
déplacement du centre de recherche et développement de galderma
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 117, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les conséquences sur l’emploi de la décision du groupe industriel Nestlé de déménager son centre de recherche et de développement de Galderma, situé à Sophia Antipolis, dans les Alpes-Maritimes.
Après trente-six ans de présence dans ce département, le plus grand centre de recherche du groupe devrait disparaître en septembre prochain. Au total, 550 emplois sont menacés.
Si une centaine d’opportunités professionnelles sont proposées en Suisse à travers un plan de mobilité internationale, nombre de salariés risquent de perdre leur emploi en France. Certains ne pourront évidemment pas accepter la mobilité en Suisse, en raison de leur implantation locale dans les Alpes-Maritimes, où leurs conjoints travaillent et où leurs enfants sont scolarisés.
Le plan actuellement négocié entre la direction et le comité d’entreprise n’apporte pas de réponse satisfaisante, qu’il s’agisse des indemnités, de la formation pour d’éventuelles reconversions ou de la prise en compte de l’ensemble des situations individuelles. Je pense en particulier aux salariés en situation de handicap et aux salariés dits « seniors », qui présentent malheureusement les taux d’embauche les plus faibles.
Si Nestlé a annoncé être prêt à céder la propriété intellectuelle pour faciliter la création de start-up sur le site, ce changement de statut peut se réduire à un mirage : il n’offre pas les mêmes garanties professionnelles qu’une entreprise internationale, surtout pour des scientifiques.
Enfin, la recherche d’un repreneur se révèle plus que nébuleuse. Seule l’arrivée d’une entreprise équivalente, proposant des missions consacrées au même secteur et porteuse d’une dimension sociale forte, limitera les pertes d’emplois.
Monsieur le secrétaire d’État, la décision de Nestlé date de septembre dernier ; je me suis rendue sur le site pour rencontrer les salariés en novembre ; j’ai aussitôt interrogé, à la veille de l’examen du budget, le ministre de l’économie et des finances, qui a exprimé toute l’attention de l’État aux salariés de Galderma. Mais, à ce jour, ces derniers n’ont toujours aucune visibilité au sujet d’éventuels repreneurs.
Pourtant, depuis la loi dite « Florange » de 2014, les entreprises qui cessent leur activité ont des obligations de recherche de repreneur, d’information et de dialogue social. L’État a donc une responsabilité de suivi.
Où en est-on, concrètement, dans la recherche d’un repreneur ? L’État a-t-il des propositions ?
Monsieur le secrétaire d’État, les représentants des salariés ont été reçus à Bercy et au ministère du travail en novembre dernier. La difficulté de trouver un interlocuteur chez Nestlé a alors été soulevée. Où en sont les négociations du Gouvernement avec cette entreprise ? Quelles actions concrètes a-t-on pu engager ?
Je terminerai en saluant les salariés de Galderma, représentants du comité d’entreprise, présents ce matin dans nos tribunes. Ils sont venus spécialement pour écouter votre réponse. Ainsi, ils manifestent leur motivation et leur espoir : que l’État puisse faire respecter le droit et qu’il leur apporte un appui bienveillant, à eux qui, depuis plusieurs semaines, mènent un combat courageux.
M. le président. Pour la sérénité des débats, j’invite les uns et les autres à respecter leur temps de parole.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de présenter, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes vœux pour la nouvelle année, à vous-mêmes et à l’ensemble de vos collègues. Je salue également les représentants des salariés présents en tribune.
Madame Estrosi Sassone, la société Galderma, située à Biot, à Sophia Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, œuvre dans le domaine de la recherche et développement. Depuis 2016, elle est propriété à 100 % du groupe Nestlé.
Le projet de réorganisation mondial lié à l’abandon des produits de type « crème » s’accompagne à terme du désengagement du groupe de son site de Sophia Antipolis, avec les conséquences et les inquiétudes que vous avez décrites.
Ainsi, Galderma a ouvert un dossier de plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE. Dans un premier temps, un plan de départs volontaires porte sur 400 postes, l’entreprise proposant seulement 100 postes de reclassement au niveau de son siège, en Suisse. La première consultation du comité d’entreprise a eu lieu le 2 octobre dernier.
À la suite de cette annonce, les représentants du groupe Nestlé ont été reçus à de multiples reprises par le Gouvernement et par les services compétents de l’État, en particulier par les services de Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
C’est ainsi que M. Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, a reçu la direction de Nestlé France la semaine dernière. À cette occasion, il a répété une fois encore combien le Gouvernement est attaché à la recherche d’un repreneur pour l’ensemble du site et au respect des dispositions de la loi Florange. Ce projet devra aboutir au repositionnement d’activités de pointe, qui sauront tirer parti des compétences de haut niveau dont disposent les salariés du site.
M. Floris poursuit ses discussions avec le groupe Nestlé. Il se rendra dans votre département le 7 février prochain pour faire le point sur les projets de reprise du site avec la direction et les représentants du personnel, que nous lui avons demandé de rencontrer. Si vous le souhaitez, il se tiendra aussi à votre disposition pour s’entretenir avec vous des projets à l’étude et de l’état des discussions.
Par ailleurs, je tiens à le souligner, les salariés du site et leurs représentants font preuve d’un grand sens des responsabilités. Un dialogue social constructif a pu s’engager avec la signature d’un accord de méthode. Cette démarche doit se poursuivre pour donner toutes leurs chances au site et à ses salariés et, ainsi, répondre à l’implication de ceux-ci.
Je puis vous assurer que l’État restera extrêmement attentif à la mise en œuvre de cette réorganisation, à la recherche d’activités nouvelles et aux mesures d’accompagnement qui seront proposées aux salariés. L’ensemble de ces démarches devront être à la hauteur des capacités d’un groupe comme Nestlé.
Nous appelons de nos vœux la prise en compte, dans le cadre des propositions que Nestlé fera, de chacune des spécificités et des spécialités du site et des salariés qui l’ont fait vivre jusqu’à aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je serai brève, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de l’annonce de la visite du délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, que j’accueille avec beaucoup d’espoir et de détermination. Je serai évidemment présente le 7 février prochain, comme les salariés et les représentants au comité d’entreprise.
J’attire également votre attention sur la question du crédit d’impôt recherche, le CIR, qui devrait aujourd’hui être encadré. Galderma a perçu plus de 68 millions d’euros au titre de ce crédit d’impôt depuis plusieurs années. Or cette entreprise n’a, d’une certaine manière, de comptes à rendre à personne quant aux nombreux avantages qui lui ont ainsi été consentis. Elle n’a même pas pris la peine de proposer, en amont, un véritable plan permettant aux salariés d’anticiper une éventuelle fermeture du site ! Il y a là un réel problème d’ordre général.
Sans doute le manque d’attractivité, aujourd’hui avéré, dont souffre notre pays, explique-t-il plus largement que des sites de cette nature n’arrivent pas à se maintenir sur notre territoire, même quand ils dépendent d’un groupe qui dégage des chiffres d’affaires très élevés en France, en Europe et dans le monde.
Le Gouvernement doit se pencher sérieusement sur l’ensemble de ces problèmes et, plus généralement, sur la situation de la science et des scientifiques en France ; ces problématiques doivent être beaucoup mieux traitées, car notre pays, et le territoire des Alpes-Maritimes en particulier, ont grand besoin de leurs emplois hautement qualifiés !
prêts de la caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 124, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’importance des investissements exigés de la part des collectivités territoriales pour réhabiliter, mettre aux normes ou créer des équipements structurants et des services aux publics au sein des territoires, notamment en milieu rural, afin d’assurer un véritable maillage territorial et de soutenir l’économie locale.
Ces collectivités territoriales, touchées par la baisse des dotations de l’État, sont confrontées au problème de l’importance de l’autofinancement pour faire aboutir leurs projets.
À la demande de l’État, la Caisse des dépôts et consignations a mis en place des dispositifs de soutien avantageux pour les collectivités territoriales ayant des besoins d’investissement en matière d’équipements publics. Je vous en donnerai trois exemples.
Tout d’abord, des prêts à long terme sont accordés au taux du livret A majoré de 1 %. Ma commune d’Arrens-Marsous, dans les Hautes-Pyrénées, a pu bénéficier de ce dispositif pour réaliser de façon urgente et nécessaire la réhabilitation d’une station d’épuration.
Ensuite, des prêts à taux zéro sont proposés. Le conseil départemental des Hautes-Pyrénées a pu en bénéficier pour acquérir et rénover un bâtiment public destiné à héberger une partie de ses services. Ce projet a permis au département de réaliser des économies de fonctionnement et d’énergie, de répondre aux mises aux normes d’accessibilité et d’offrir de meilleures conditions de travail à ses agents.
Enfin, en 2015, le préfinancement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, a assuré le lissage des trésoreries.
Ces dispositifs sont beaucoup plus intéressants que ceux des banques. Ces dernières proposent des prêts de plus courte durée à des taux bien supérieurs, quand elles ne refusent pas tout simplement de prêter aux collectivités…
Or certains de ces prêts de la Caisse des dépôts et consignations, précieux pour les collectivités territoriales, semblent aujourd’hui menacés. Le sont-ils réellement ? Si tel est le cas, seront-ils remplacés par de nouveaux accompagnements financiers tout aussi avantageux ?
J’insiste encore, monsieur le secrétaire d’État, sur l’importance de ces dispositifs pour les collectivités, soucieuses de maintenir leurs investissements et, partant, l’attractivité de leur territoire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame Artigalas, le ministère de l’économie et des finances n’a aucunement l’intention de supprimer les prêts du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales.
Au contraire, M. le ministre de l’économie et des finances a récemment confirmé au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations la prolongation jusqu’en 2020 de l’enveloppe de 20 milliards d’euros en faveur du secteur public local.
Une rationalisation des dispositifs publics de financement du secteur public local paraît toutefois nécessaire. En effet, la Cour des comptes a récemment appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité de rationaliser les dispositifs publics locaux de financement, dans un contexte de taux extrêmement favorables pour les collectivités territoriales et de concurrence entre plusieurs dispositifs, parmi lesquels le fonds d’épargne, mais aussi la Société de financement local, la SFIL, dont la Caisse des dépôts et consignations est l’un des actionnaires, et la Banque européenne d’investissement, la BEI.
Dans ces conditions, l’enveloppe de financement sur fonds d’épargne destinée aux collectivités territoriales a vocation à constituer un mécanisme de précaution face à une éventuelle recrudescence de la défaillance du marché du financement du secteur public local.
Je rappelle que, dans ce contexte, l’offre de la SFIL, une offre de marché aujourd’hui très compétitive, est appelée à être le dispositif public pivot de l’offre de prêt.
Pour ces raisons, l’enveloppe est tarifée au taux du livret A assorti d’une marge de 130 points de base et recentrée sur les prêts de long terme, soit vingt-cinq ans et plus, pour lesquels la ressource du fonds d’épargne, qui n’intervient qu’à taux variable, contrairement aux autres dispositifs publics et aux banques commerciales, paraît compétitive dans la durée.
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du Grand plan d’investissement, le ministre a souhaité ouvrir, pour cinq ans, une enveloppe de 2 milliards d’euros à taux préférentiel, destinée au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments publics, conformément aux recommandations du rapport établi par M. Pisani-Ferry à la demande de M. le Premier ministre.
Cette enveloppe, qui remplace l’actuelle enveloppe de prêts « croissance verte », sera tarifée au taux du livret A majoré de 75 points de base et pourra financer des projets d’une maturité minimale de vingt ans.
Madame la sénatrice, vous le constatez : avec le maintien des fonds de soutien, l’offre compétitive dont j’ai parlé et cette enveloppe à taux préférentiel, les dispositifs de soutien de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales sont maintenus. Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de les voir supprimer.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait tout à fait.
Je tiens simplement à souligner que, face aux difficultés financières qu’ont connues à un moment donné certaines collectivités territoriales, le prêt à taux zéro était le dispositif le plus intéressant pour elles ; il leur a permis de réaliser des équipements structurants, en particulier dans les départements ruraux où – vous n’êtes pas sans le savoir – certaines collectivités territoriales ont du mal, compte tenu de l’évolution des dotations, à boucler leur budget. (M. Xavier Iacovelli le confirme.)
Je souhaiterais vous entendre insister sur ce fait : les prêts à taux zéro restent les outils les plus intéressants pour les collectivités !
situation de certaines collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 142, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. André Reichardt. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur les difficultés auxquelles se heurtent certaines collectivités territoriales ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia.
À titre d’exemple, une commune de mon département a contracté auprès de Dexia, en 2007 – l’année est naturellement importante –, un emprunt de 2 millions d’euros à rembourser sur vingt ans au taux fixe de 4,72 %. Ce dernier est très loin des taux pratiqués à l’heure actuelle, mais il était tout à fait conforme aux conditions pratiquées à l’époque : l’emprunt en question ne pouvait donc pas être considéré comme toxique.
Depuis lors, vous vous en doutez, les communes ayant souscrit à l’époque un tel prêt à taux fixe consacrent tous les ans plusieurs dizaines de milliers d’euros, pris sur leur budget de fonctionnement, au paiement des intérêts de ce prêt. Dans le contexte de financement contraint des collectivités territoriales que vous connaissez bien, la solution pour ces communes a été la suivante : chercher à renégocier leur prêt, afin d’obtenir un taux plus proche des prix actuels.
Or, contrairement aux banques ordinaires, la Société de financement local, la SFIL, qui a repris la gestion des prêts aux collectivités territoriales à la suite de la déconfiture de Dexia, s’en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée véritablement léonine.
Ainsi, pour la commune dont j’ai parlé, la SFIL exige plusieurs centaines de milliers d’euros, correspondant pratiquement à tous les intérêts restant à payer jusqu’à l’échéance du prêt. Cette situation est totalement inacceptable.
Ces communes, déjà mises en difficulté par l’importance de leurs frais financiers, subissent de ce fait une double peine. Au bout du compte, c’est le contribuable qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %.
Comme vous le savez, les particuliers bénéficient quant à eux d’une limitation légale de l’indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû.
Les collectivités territoriales concernées éprouvent un fort sentiment d’iniquité, voire d’injustice, car les collectivités qui, à l’époque, avaient souscrit un emprunt toxique ont bénéficié, elles, de mesures particulières.
Monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de ces éléments, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer les mesures que pourrait prendre le Gouvernement pour permettre à ces collectivités territoriales de sortir d’une situation particulièrement néfaste à leur fonctionnement comme à leur capacité d’investissement future.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Reichardt, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la gestion de la dette par les collectivités territoriales, selon que l’emprunt est considéré comme à risque ou qu’il a été contracté à taux fixe.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts structurés dits « à risque », l’État a mis en place en 2014 un fonds de soutien. Ce dispositif a permis d’accompagner plus de 578 de ces collectivités territoriales, qui souhaitaient sortir de leur emprunt à risque. Je rappelle que l’État a rehaussé de 1,5 à 3 milliards d’euros le montant de ce fonds.
Ce sont 5,6 milliards d’euros d’encours d’emprunts à risque qui ont été refinancés dans ce cadre ou qui, au minimum, ont fait l’objet d’une transaction civile entre l’emprunteur et la banque prêteuse. Ce résultat dépasse de loin l’objectif de 4 milliards d’euros initialement assigné au fonds.
Les annuités sont aujourd’hui versées aux collectivités territoriales sans difficulté, et elles sont garanties jusqu’en 2028 ; nous nous en félicitons.
Au-delà de ces résultats probants, le débat public relatif aux emprunts dits « à risque » semble aujourd’hui plus apaisé. Nous ne le nions pas, certaines collectivités territoriales qui ont refusé l’aide ou qui héritent, du fait par exemple d’une fusion, de prêts toxiques, restent dans une situation délicate. Mais ces difficultés sont considérées comme résiduelles, quelque importantes qu’elles puissent être localement.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des prêts à taux fixe, comme celle à laquelle vous faites référence, la situation est sensiblement différente. Il est important de souligner que les emprunts à taux fixe ne sont pas répertoriés comme à risque. Il est également nécessaire de rappeler que les dispositions applicables aux prêts aux particuliers qui plafonnent le montant des indemnités exigibles ne sont pas applicables aux collectivités territoriales en l’état actuel du droit. Vous l’avez vous-même souligné.
Compte tenu du niveau actuel des taux d’intérêt, les établissements de crédit sont aujourd’hui exposés à des pertes actuarielles potentiellement importantes, ce qui explique le niveau élevé des indemnités de remboursement anticipé qu’ils demandent souvent aux collectivités.
Cette problématique n’est pas propre à la Société de financement local, que vous avez mentionnée à propos de la commune prise en exemple : il s’agit d’une pratique commune à l’ensemble des établissements de crédit.
Bien entendu, le Gouvernement demeure attentif à la santé financière des collectivités territoriales et à la gestion de leur dette. Il appelle de ses vœux des solutions négociées chaque fois qu’elles sont possibles.
Toutefois, l’État n’a pas forcément vocation à s’immiscer dans les relations contractuelles entre un établissement de crédit et un emprunteur. La renégociation éventuelle des contrats en cours demeure, en principe, du ressort des parties prenantes que sont l’établissement de crédit et la collectivité territoriale concernée, dans le respect de leurs intérêts mutuels.
Nous appelons donc au dialogue entre les collectivités territoriales emprunteuses et les banques prêteuses ; mais, en l’état actuel des choses, l’État ne peut pas s’immiscer dans leurs relations contractuelles.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d’État, que votre réponse ne peut pas me satisfaire.
Je salue les mesures prises par le gouvernement de l’époque pour trouver une solution au problème des emprunts toxiques, mais, pour ce qui est des collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à taux fixe, sur lesquelles je vous ai interrogé, votre réponse ne résout rien.
Ces collectivités territoriales, qui se sont très bien comportées, souhaitent simplement ne pas être, si je puis dire, les dindons de la farce.
Le gouvernement d’alors a mis en place le dispositif que vous avez rappelé au bénéfice des collectivités territoriales qui avaient souscrit des emprunts toxiques : pourquoi l’État n’intervient-il pas, au moins sous la forme de recommandations, pour que la SFIL accepte de discuter d’une renégociation des taux particulièrement élevés de l’époque ?
Vous affirmez que cette problématique n’est pas propre à la SFIL. C’est pourtant bien le cas ! Dans le département dont je suis l’élu, toutes les autres collectivités locales qui ont souhaité renégocier des prêts avec la Caisse d’épargne, le Crédit mutuel ou d’autres établissements bancaires que je ne citerai pas ont obtenu satisfaction, à des conditions tout à fait intéressantes. Pourquoi donc la SFIL ne le fait-elle pas ?
Les communes concernées ont le sentiment que, en refusant de renégocier les taux, la SFIL leur fait payer le coût des mesures mises en œuvre pour remédier aux effets des emprunts toxiques. Ce n’est franchement pas acceptable.
Vous nous appelez au dialogue. Chiche ! Mais encore faut-il que le dialogue soit possible ! Je le répète, la SFIL refuse systématiquement d’évoquer une renégociation.
Nous ne demandons pas un emprunt à taux zéro, mais au moins une réévaluation. Entre 4,70 % et les taux actuels, qui sont en moyenne de 0,70 %, il y a vraiment un grand écart… (Mme Isabelle Raimond-Pavero acquiesce.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez certes pas de pouvoir véritable d’influer sur la SFIL, mais nous vous demandons de faciliter le dialogue.
risques liés à la dématérialisation au sein de l’institut national de la propriété industrielle
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, auteur de la question n° 128, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le 16 octobre dernier, la direction générale de l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, oblige les déposants de marques, dessins et modèles et d’inscriptions aux registres de propriété industrielle à effectuer leurs formalités uniquement par voie électronique via le site internet de l’institut.
De nombreux usagers seront pénalisés dans leurs démarches par le dépôt électronique rendu obligatoire. En effet, 10 % des marques nationales sont encore déposées sous forme papier, ce qui représente plus de 9 000 dépôts par an.
Tous les dépôts effectués sous forme papier sont désormais renvoyés aux déposants, sans enregistrement, ce qui constitue une violation du traité international sur le droit des marques signé le 27 octobre 1994 et ratifié par la France, ainsi que des dispositions de l’article L. 112-2 et suivants et de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration.
L’INPI devient ainsi le seul office à l’échelle européenne, voire sur le plan international, à rejeter les formalités sur support papier. Or l’article 63 du règlement délégué 2017-1430 de la Commission du 18 mai 2017 complétant le règlement n° 207-2009 du Conseil sur la marque communautaire et abrogeant les règlements n° 2868-95 et n° 216-96 autorise de tels dépôts.
Le Défenseur des droits, dans son rapport du 30 mars 2016 sur l’accès aux droits, rappelle clairement les risques de fracture numérique à l’égard des services publics pratiquant la « tout-numérisation ».
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer si le Gouvernement a l’intention d’agir pour que la continuité du service public de cet établissement soit assurée par la réception, l’enregistrement et le traitement des dépôts sous forme papier de marques, dessins et modèles et d’inscriptions aux registres de la propriété industrielle ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Iacovelli, dans le cadre du programme Action publique 2022, l’accès dématérialisé à tous les services publics est une priorité. L’objectif est de simplifier et de faciliter l’accès de nos concitoyens aux services publics en leur offrant un service plus rapide et plus efficace.
L’Institut national de la propriété industrielle s’inscrit dans cette dynamique commune à tous les services publics.
Grâce aux téléservices mis en place, le dépôt en ligne et la suppression des formalités au format papier sont effectifs pour les indications géographiques et les demandes d’extension des marques à l’international depuis 2015, pour les oppositions de marques depuis 2016 et pour les marques, les dessins et modèles et les inscriptions modificatives depuis octobre 2017.
La dématérialisation complète de ces procédures présente de nombreux avantages. Ainsi, l’utilisation du support électronique rend plus fluide le traitement des dossiers, ce qui bénéficie en retour au déposant, lequel peut obtenir une réponse plus rapide à sa demande. Les téléservices renforcent la qualité des échanges entre l’INPI et les déposants, en permettant notamment à ceux-ci d’avoir accès en temps réel à l’état d’avancement de leurs demandes. Enfin, le dépôt électronique élimine le risque d’erreur de saisie des données et sécurise ainsi la procédure de traitement des dossiers.
Des mesures d’accompagnement ont été prises pour faciliter l’appropriation des téléservices par les utilisateurs. Ainsi, l’institut propose à tous les déposants une assistance téléphonique personnalisée par des spécialistes pour les aider dans leur prise en main. Les équipes des délégations régionales de l’INPI, implantées dans chacune des treize régions métropolitaines, sont également disponibles pour proposer leurs services et fournir tous les renseignements utiles.
L’INPI reçoit annuellement plus de 90 000 demandes de marques françaises, dont 94 % étaient déjà déposées sous un format électronique avant le mois d’octobre dernier ; trois mois après la décision de dématérialisation complète de la procédure, l’INPI reçoit moins d’un dossier par jour par voie papier sur les 400 marques déposées quotidiennement, soit 0,25 %, ce qui permet d’apporter aux usagers dans cette situation une réponse personnalisée.
Comme vous pouvez le constater, la dématérialisation des procédures n’a donc en rien affecté la continuité du service public.
Il convient évidemment d’encourager cette démarche de dématérialisation et de progrès, tout en prévoyant les mesures d’accompagnement appropriées des agents comme des usagers, afin d’assurer dans les meilleures conditions le passage au format numérique et de répondre aux 0,25 % de demandes encore présentées sous format papier, que je viens d’évoquer.
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, car elle nous permet de faire un état des lieux sur la démarche du Gouvernement en matière de modernisation des services publics, en particulier de dématérialisation des procédures.
Soyez assuré que nous veillerons scrupuleusement à ce que l’intégralité des dépôts de marques puissent être effectués par l’ensemble des usagers, mais avec l’objectif d’une dématérialisation complète à terme, accompagnée de services de prise en main et d’assistance aux usagers.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me satisfait en grande partie. Néanmoins, nous devons rester attentifs à tous ceux qui ne peuvent pas encore effectuer de dépôt sous forme dématérialisée.
On peut certes aller vers le « tout-dématérialisé », mais un accompagnement reste indispensable. A minima, l’INPI devrait accepter d’enregistrer les dépôts au format papier dans un premier temps, quitte à les rejeter par la suite pour qu’ils soient dématérialisés. C’est la moindre des choses quand on touche à des marques françaises.
communes sans dotation globale de fonctionnement frappées de prélèvements supplémentaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 147, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation de certaines collectivités locales, notamment les communes. J’illustrerai mon propos par un exemple pris en Moselle.
Tout à l’heure, on a évoqué la loi Florange, du nom d’une commune de Moselle connue pour ses déboires sidérurgiques ; pour ma part, je citerai la ville de Gandrange.
Depuis plusieurs années, Gandrange est confrontée à une baisse très importante de sa dotation globale de fonctionnement, ou DGF, ainsi qu’à la chute de ses recettes fiscales locales du fait de la déconstruction de l’usine Mittal.
En 2013, cette commune percevait 458 986 euros au titre de la DGF ; elle ne recevait plus que 217 382 euros en 2014, 133 077 euros en 2015 et 44 651 euros en 2016. Enfin, en 2017, Gandrange s’est vu notifier une DGF réduite à zéro.
Les difficultés ne s’arrêtent pas là : par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, l’État réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Gandrange, qui ne recevait plus rien en 2017, se retrouve ainsi avec une DGF négative !
Dans le même temps, la déconstruction de l’usine Mittal, engagée en 2016, a amputé de moitié le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette dernière est passée de 528 536 euros à 287 413 euros.
Si rien n’est fait, la commune de Gandrange – et bien d’autres communes vivent la même situation ! – se trouvera très vite dans l’impasse et dans l’incapacité de dégager des ressources pour conduire ses investissements. Pis, elle ne sera plus en mesure d’assumer ses dépenses de fonctionnement, lesquelles sont liées à des investissements passés, engagés à l’époque où la sidérurgie était florissante.
Monsieur le secrétaire d’État, vous conviendrez avec moi qu’il y a là un problème. Les élus locaux ont tout simplement l’impression que l’État leur fait les poches.
Bien sûr, je le répète, Gandrange est un exemple parmi d’autres ; mais les élus concernés ont le sentiment que l’État procède à ces ponctions pour assurer son propre fonctionnement, et qu’il les laisse seuls face aux réalités quotidiennes difficiles dont ils ont à connaître dans l’exercice de leurs fonctions.
Envisagez-vous de procéder à une étude approfondie de ces différentes situations, afin d’en évaluer la portée et les conséquences ? Plus encore, comptez-vous engager une réflexion afin d’annuler ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui doivent faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu’elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d’entreprises et, par contrecoup, des diminutions de recettes via la fiscalité sur le foncier bâti ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Todeschini, comme vous l’avez rappelé, les collectivités territoriales ont été associées à l’effort de redressement des finances publiques.
Compte tenu du poids des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales dans les recettes de celles-ci, soit 22,5 % de leur montant total en 2015, des mesures ont été prises dès 2008 pour encadrer l’évolution des dotations. En 2010, ces dotations ont été gelées. Puis, à compter de 2014, l’État a décidé de baisser le montant de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités territoriales. A contrario, l’année 2018 marquera le retour à la stabilité de l’enveloppe globale de dotations versées par l’État aux collectivités territoriales.
Depuis 2014, une contribution au redressement des finances publiques, ou CRFP, a ainsi été répartie entre les différentes catégories de collectivités, et ce proportionnellement à la part respective de leurs recettes dans les recettes totales des collectivités territoriales.
Pour les communes, qui ont contribué à hauteur de 4,2 milliards d’euros entre 2014 et 2017, la répartition de l’effort s’est faite au prorata des recettes réelles de fonctionnement, conformément aux propositions du comité des finances locales. Grâce à cette disposition, chaque commune contribue de manière strictement proportionnelle aux ressources dont elle dispose.
C’est simplement en cas d’insuffisance de la dotation forfaitaire que les communes ont contribué au redressement des finances publiques via un prélèvement sur recettes fiscales. Cette situation concernait 439 communes au total en 2017. Le prélèvement sur la fiscalité ne pouvait donc concerner que des communes pour lesquelles la dotation forfaitaire représente une part faible des ressources.
C’est le cas de la commune de Gandrange que vous avez citée en exemple, pour laquelle la dotation forfaitaire représentait seulement 5 % des recettes en 2014.
Sur le fond, le choix d’un vecteur complémentaire d’imputation de la CRFP a été fait par le législateur dans le souci de garantir l’égalité entre les collectivités. En effet, il aurait été inéquitable que les collectivités territoriales disposant, au titre de leur budget, de ressources fiscales proportionnellement plus élevées que la DGF soient exemptées d’une partie de leur CRFP du seul fait de l’extinction de leur dotation forfaitaire.
C’est également la raison pour laquelle le législateur a fait le choix, à travers l’article 159 de la loi de finances initiale pour 2018, de reconduire à compter de 2018 les prélèvements opérés sur la fiscalité des communes au titre de la CRFP, comme cela était prévu depuis 2014.
Là encore, annuler ces prélèvements après 2017 aurait conduit les communes ayant payé une partie de la contribution sur leurs recettes fiscales à bénéficier d’un avantage sous la forme d’une sorte de « remise à zéro » des compteurs, alors que la contribution a été intégrée dans la base de calcul de la DGF pour l’immense majorité des communes.
J’en viens au second point de votre question.
Les indicateurs financiers utilisés dans le calcul des concours financiers et des fonds de péréquation prennent bien en compte le rétrécissement des bases fiscales lié à d’éventuelles restructurations d’entreprises. Ainsi, dans la mesure où elle se traduit par une perte de bases de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, la fermeture d’une usine entraînera les années suivantes, et toutes choses égales par ailleurs, une diminution du potentiel fiscal de la commune. Cette dégradation des indicateurs financiers d’une collectivité serait susceptible de la rendre éligible soit aux dotations spécifiques soit aux fonds de péréquation.
Enfin, vous nous invitez à étudier en détail les conséquences du prélèvement sur la fiscalité pour les communes à qui l’on demande un montant de CRFP plus élevé que celui de leur dotation forfaitaire.
Une telle analyse a été réalisée par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel l’a reprise dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Je le répète, nous considérons qu’il serait injuste de remettre les compteurs à zéro en annulant les prélèvements sur la fiscalité de collectivités…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … dont on ne mésestime pas les difficultés économiques, mais qui ont des recettes fiscales plus élevées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé l’existence de procédures que je n’ignore pas. Mais ces éléments ne répondent pas à la situation que connaît actuellement la ville de Gandrange : cette dernière a subi une baisse brutale de ses différentes ressources, et ce au cours de la même année.
Je rappelle que, en 2007, la France a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée le 15 octobre 1985 par le Conseil de l’Europe.
Ne pensez-vous pas que la décision d’amputer les ressources propres des collectivités locales, afin d’abonder le budget de l’État et de diminuer son déficit, obère la capacité de ces collectivités à présenter un budget en équilibre, obligation à laquelle celles-ci sont soumises, contrairement à l’État ? N’y a-t-il pas là une incohérence manifeste entre, d’une part, notre législation et, de l’autre, le droit européen applicable, notamment l’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale, en vertu duquel « les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences » ?
Pour conclure, je voudrais parler de ces élus locaux qui ont connu le désastre des restructurations : aujourd’hui, ils ont le sentiment d’être abandonnés. Ils estiment que l’État n’assure pas l’équité entre tous les territoires. Je pense notamment aux élus d’un département comme la Moselle, qui a connu le départ de plus de 5 000 militaires et qui a toujours subi les décisions prises à Paris, quels que soient les gouvernements. Heureusement que le Luxembourg se situe à proximité de ce territoire ! Sur le terrain, les élus locaux se sentent réellement floués.
manque de moyens de l’hôpital albert-chenevier de créteil
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, l’hôpital Albert-Chenevier, situé à Créteil, dans le Val-de-Marne, appartient au groupement hospitalier, ou GHU, Henri-Mondor de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Cet hôpital est composé de neuf pôles, dont le pôle psychiatrique et d’addictologie, qui regroupe à la fois le service de psychiatrie sectorisée, des centres experts innovants qui travaillent sur la schizophrénie, les troubles bipolaires ou encore le syndrome d’Asperger, un centre de remédiation cognitive et sociale et un service d’addictologie.
D’une capacité de cent lits, le pôle psychiatrique a enregistré 41 000 journées d’hospitalisation en 2017 et se trouve aujourd’hui au bord de l’explosion : unités suroccupées, manque de lits, sous-effectif du personnel, épuisement, turn-over, etc.
Du fait de la suroccupation, certains patients se retrouvent à deux par chambre, sans pour autant que l’équipement suive, avec ne serait-ce qu’une armoire pour ranger leurs effets personnels.
Il s’agit, hélas ! d’une situation que connaissent, sinon tous les établissements psychiatriques, du moins un grand nombre d’entre eux, du fait de la réduction subie par les budgets au fil du temps. Je pense notamment à l’hôpital psychiatrique de Rennes ou au centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, dont on connaît les mobilisations.
L’équipe de direction de l’hôpital Albert-Chenevier a tiré la sonnette d’alarme quant à la dégradation des conditions de travail des soignants et de la prise en charge des patients, lesquels demandent peut-être encore plus que d’autres de l’attention, de la bienveillance, du temps d’écoute et un cadre serein.
Cette situation dramatique et indigne s’explique en partie par la tarification à l’activité, ou T2A, qui est inadaptée au fonctionnement de nos hôpitaux, ainsi qu’à la réforme de l’organisation du temps de travail mise en place par le directeur de l’AP-HP.
Sans vouloir opposer les disciplines les unes aux autres, j’observe que ces difficultés s’expliquent aussi par le fait que la psychiatrie française, après avoir longtemps été très novatrice dans son approche, est aujourd’hui le parent pauvre de notre système de santé. Tous les professionnels que je rencontre, que ce soit en pédopsychiatrie ou en psychiatrie, appellent au secours.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je me fais ici le relais des demandes des professionnels de l’hôpital Albert-Chenevier : nous voudrions savoir si Mme la ministre des solidarités et de la santé, dont je déplore d’ailleurs l’absence, compte intervenir pour débloquer des postes d’aides-soignants et d’infirmiers, ainsi qu’une unité d’hospitalisation supplémentaire avec, là aussi, les équipes nécessaires.
Plus généralement, quels moyens votre gouvernement entend-il consacrer à la psychiatrie, discipline mise à mal depuis des années ? Quelle politique entend-il mener dans ce domaine au cours du quinquennat pour redonner à la psychiatrie française toutes ses lettres de noblesse ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame Cohen, permettez-moi tout d’abord d’excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui est retenue ce matin et qui m’a demandé de répondre, en son nom, à la question que vous posez.
Au sein des hôpitaux universitaires Henri-Mondor, l’hôpital Chenevier héberge trois secteurs de psychiatrie : Maisons-Alfort, Créteil et Bonneuil-Boissy-Saint-Léger. Ces secteurs interagissent avec trois groupements hospitaliers de territoire : le GHT 94 Nord, le GHT 94 Est et le GHT 94 Ouest.
Les hôpitaux universitaires Henri-Mondor sont membres associés des deux premiers de ces groupements. Le pôle de psychiatrie a développé, au-delà de l’offre de soins sectorielle, une offre intersectorielle significative qui dépasse son champ traditionnel.
Premièrement, on y trouve un service d’accueil des urgences psychiatriques, qui recense 3 300 passages par an et dessert la quasi-totalité des urgences psychiatriques du Val-de-Marne. Un tiers des passages concerne les secteurs de l’hôpital Chenevier, deux tiers d’entre eux concernent le Val-de-Marne.
Deuxièmement, le pôle développe une psychiatrie de liaison sur l’ensemble de l’hôpital Henri-Mondor.
Troisièmement, le pôle de psychiatrie propose une offre de soins hospitalo-universitaire qui bénéficie d’un financement particulier avec des centres experts pour patients atteints de troubles bipolaires, du syndrome d’Asperger ou de schizophrénie, ainsi qu’un centre de réhabilitation cognitive et sociale.
Quatrièmement et enfin, le pôle mène un ambitieux projet d’institut hospitalo-universitaire soutenu par l’AP-HP.
L’offre d’hospitalisation sectorielle dispose aujourd’hui de quatre-vingt-dix lits situés sur le site de l’hôpital Chenevier et de quinze lits implantés à proximité du service d’accueil des urgences de l’hôpital Henri-Mondor, dont la mission est de prendre en charge les soins intriqués, somatiques et psychiatriques, ainsi que les primo-suicidants. Ce nombre de lits est structurellement faible et le taux, assez bas dès l’origine, est pénalisé par l’accroissement de la population desservie.
Le taux d’occupation est de 95 % ; la durée moyenne de séjour est bonne, mais s’allonge ; le taux des hospitalisations sous contrainte a été multiplié par deux en cinq ans, et le taux de réhospitalisation est de près de 22 %.
La réponse à cette tension dont l’hospitalisation complète fait l’objet se trouve en partie dans le déploiement de structures extra-hospitalières. Le pôle de psychiatrie dispose de trois centres médico-psychologiques, ou CMP, installés à Créteil et à Boissy-Saint-Léger, et d’un dispositif de soins partagés destiné à faciliter le lien avec les médecins généralistes et les spécialistes de ville.
Madame la sénatrice, pour répondre plus précisément à vos interrogations, un dispositif de rappel des primo-suicidants dit « VigilanS » doit être mis en œuvre en 2018 en lien avec le GHT 94 Nord.
En outre, une équipe mobile de soins intensifs permettant d’aller au domicile des patients récemment sortis de l’hôpital ou en phase subaiguë de leur pathologie doit être mise en place.
Les moyens humains notifiés au pôle de psychiatrie ont été substantiellement accrus en 2016 pour faire face à ces missions. Nous souhaitons qu’ils soient maintenus.
Cependant, on note une réelle difficulté dans les recrutements d’infirmiers. Cette situation est née d’un contexte général de recrutements en tension. Le problème est encore plus aigu en santé mentale du fait de la suppression de la filière spécialisée il y a déjà une dizaine d’années.
Mme la ministre des solidarités et de la santé prépare actuellement un plan de santé mentale. Des concertations avec les professionnels ont été engagées à la fin de l’année dernière. Nous espérons que ce plan permettra, dès cette année, d’apporter un certain nombre de réponses et fournira des moyens nouveaux pour répondre aux difficultés que connaissent les hôpitaux que vous avez évoqués et, plus largement, à la situation de la psychiatrie française.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez apporté un certain nombre de réponses et je vous en remercie. Cela étant, vous avez surtout dressé l’état des lieux d’une situation que je connais déjà bien, puisque j’habite le Val-de-Marne !
Je suis très heureuse d’apprendre que Mme la ministre des solidarités et de la santé est en train de préparer un plan de santé mentale : il serait bon que les parlementaires soient associés à ce travail…
Mais je m’étonne : alors que l’on vient de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, texte d’austérité qui va asphyxier encore davantage le système de santé publique d’une manière générale, et les hôpitaux en particulier, la psychiatrie est littéralement laissée pour compte. En définitive, votre intervention ne répond absolument pas au cri d’alarme lancé par les professionnels en pédopsychiatrie et en psychiatrie.
Je parle d’un cri d’alarme, parce que ce secteur est délaissé depuis de nombreuses années et qu’il continue de l’être !
Vous avez parlé des centres médico-psychologiques : quels moyens comptez-vous donner à ces centres ? Là aussi, on observe des regroupements ; là aussi, les professionnels sont en souffrance, qu’il s’agisse des psychologues, des orthophonistes ou de l’ensemble des personnels paramédicaux : on déplore un manque de moyens.
De fait, en regroupant les CMP, on distend les liens de proximité. Je le répète, votre réponse ne correspond absolument pas à la réalité du terrain ou aux besoins en matière de psychiatrie.
Je souhaite également attirer votre attention sur le fait que le manque de moyens a de plus en plus pour effet de faire réapparaître des pratiques de contention et d’isolement, pratiques pourtant dénoncées par Mme la contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cette situation doit nous alerter !
Enfin, je souhaite vous alerter sur la situation de l’hôpital Henri-Mondor, GHU dont le service de chirurgie hépatique est attaqué. J’aimerais bien que la ministre des solidarités et de la santé se penche sur cette question pour que ce centre ne ferme pas : celui-ci répond aux besoins de la population du Val-de-Marne et bien au-delà.
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous pouvez le constater, vos réponses ne me satisfont pas !
situation sanitaire dans le pas-de-calais
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteur de la question n° 130, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Sabine Van Heghe. Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation sanitaire très préoccupante que connaît le département du Pas-de-Calais.
Ainsi, sur le plan de la démographie médicale, on note une diminution du nombre de médecins généralistes libéraux et une augmentation significative de leur moyenne d’âge, ce qui entraînera inéluctablement un important mouvement de départs à la retraite dans les prochaines années.
À titre d’illustration, les agglomérations de Lens-Liévin et de Béthune-Bruay apparaissent moins dotées en médecins généralistes et spécialistes que d’autres agglomérations de même importance.
À terme, il existe clairement un risque de désertification médicale. Le taux d’équipement de santé du territoire à l’échelle du pôle métropolitain de l’Artois, par exemple, montre un sous-équipement en centres de médecine préventive et en établissements de court et moyen séjours.
La situation des hôpitaux dans le Pas-de-Calais est très préoccupante : les services des urgences sont saturés et les personnels sont à bout de forces.
Au-delà de ces difficultés conjoncturelles, c’est la situation du centre hospitalier de Lens à l’horizon 2020 qui inquiète les personnels, du fait de la diminution annoncée du nombre de lits.
La disparition du service de pneumologie de cet hôpital est une nouvelle illustration de la crise sanitaire qui affecte le Pas-de-Calais. L’inquiétude est très forte chez les patients concernés par cette fermeture, d’autant qu’ils se retrouvent parfois sans suivi, sans prise en charge, alors même que, dans le département, le nombre d’affections pulmonaires est bien supérieur à la moyenne nationale.
En outre, les menaces pesant sur le service de cardiologie de l’hôpital de Béthune amplifient l’impression ressentie par la population d’être sacrifiée sur l’autel des économies budgétaires dans le domaine de la santé.
Les situations économiques et sociales difficiles ont des conséquences sur les indicateurs sanitaires : plus on est fragile économiquement, moins on se soigne ! Dans le département du Pas-de-Calais, l’espérance de vie est de deux à trois ans plus basse qu’ailleurs.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement a l’intention de renoncer à sa logique purement financière dans le domaine de la santé. Quelles mesures concrètes entend-il mettre en œuvre pour répondre à l’urgence sanitaire affectant le département du Pas-de-Calais ?
Dans un souci d’optimisation, une mutualisation pourrait être envisagée, qui s’appuierait sur le futur centre hospitalier de Lens, dit « hôpital numérique pilote ». Ainsi, un regroupement multipolaire Lens-Béthune-Arras-Douai permettrait d’élargir cette excellence, de voir revenir nos médecins et d’assurer le service qu’attendent nos concitoyens !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame Van Heghe, comme à votre collègue, je vous demande de bien vouloir excuser Mme Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, qui est retenue ce matin et qui m’a chargé de vous répondre.
Comme vous le soulignez, le département du Pas-de-Calais présente une densité de professionnels de santé plutôt inférieure à la moyenne nationale.
Le développement de l’attractivité constitue donc l’un des principaux enjeux de ce territoire pour les cinq prochaines années. Il s’agit pour nous d’accompagner les professionnels de santé tout au long de leur parcours et de les attirer dans les territoires et les disciplines les plus en tension.
Quatre priorités ont été identifiées dans le Pas-de-Calais : tout d’abord, accompagner l’installation des professionnels de premier recours et soutenir les dynamiques de regroupements pluriprofessionnels et de télémédecine, afin de lutter contre l’accentuation des inégalités infra-territoriales – à ce titre, une attention particulière est portée aux zones rurales du Montreuillois, du Ternois, du sud-Arrageois et du sud-Audomarois ; ensuite, diminuer le recours aux services d’urgence en développant les maisons médicales de garde et en communiquant sur la bonne utilisation du système de soins ; en outre, conforter l’offre de formation paramédicale et médicale de proximité ; enfin, améliorer l’attractivité du Pas-de-Calais pour les psychiatres et les pédopsychiatres.
Comme vous le savez, le centre hospitalier de Lens fait l’objet d’un projet autour de la reconstruction du « Nouvel hôpital de Lens – Pôle hospitalier de la Gohelle ». L’établissement actuel continuera à fonctionner sans aucune incidence.
Pour le projet dont je parle, le financement national accordé est de 102 millions d’euros, dont 70 millions d’euros en capital, pour un montant global de 280 millions d’euros.
Au titre des objectifs en matière de chirurgie ambulatoire, une réduction du capacitaire de l’établissement est effectivement prévue. Parallèlement, le capacitaire de l’ambulatoire augmentera de 50 %, pour passer de 90 à 136 lits.
Lors du conseil de surveillance du 17 octobre 2017, la fermeture du service de pneumologie, qui regroupe 15 lits, a été annoncée à compter du 1er novembre 2017. À cette date, il ne restait que deux pneumologues dans l’établissement.
Dans un premier temps, et pour remédier à l’urgence, des décisions ont été prises afin d’assurer la continuité des soins au centre hospitalier de Lens avec une astreinte de pneumologie vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
En parallèle, et pour apporter une réponse à long terme, l’agence régionale de santé, l’ARS, accompagne les pneumologues de Lens et de Béthune pour mettre en place une organisation territoriale de la pneumologie. Un travail comparable est également en cours pour la cardiologie.
Dans la perspective de la constitution de ces deux équipes médicales de territoire, l’ARS a décidé d’allouer un financement exceptionnel de 500 000 euros.
J’ajoute que l’amélioration de l’attractivité de ce territoire pour les professionnels passe par une dynamique partenariale plus forte entre les acteurs au sein des GHT, sans exclure la poursuite des coopérations préexistantes avec les autres partenaires. Les travaux conduits pour l’élaboration des projets médicaux partagés des GHT dans le territoire du Pas-de-Calais témoignent d’ailleurs d’une volonté de travail en commun qui répond à cette exigence et que le Gouvernement souhaite accompagner.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le secrétaire d’État, je suis en partie satisfaite de votre réponse, dans la mesure où le Gouvernement reconnaît l’urgence et la gravité de la situation des hôpitaux, de leur personnel et des malades du Pas-de-Calais.
J’espère que les promesses que vous venez d’annoncer seront suivies d’effet, même si elles ne m’apparaissent pas totalement satisfaisantes. En tout cas, j’invite Mme la ministre des solidarités et de la santé à se rendre chez nous : ainsi, elle se rendra compte de la situation, elle prendra la mesure de la réalité du terrain et des difficultés que nous rencontrons, nous, élus locaux, mais aussi les personnels et les malades du Pas-de-Calais !
nécessaire traçabilité du glyphosate présent dans les produits importés
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 141, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Henri Cabanel. Ma question s’adressait à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture, mais je vous remercie par avance d’y répondre, monsieur le secrétaire d’État.
Ma question porte sur la nécessité pour le législateur, les agriculteurs et les citoyens de pouvoir connaître la dangerosité du glyphosate et, surtout, d’assurer la traçabilité de ce produit.
En effet, face à des études scientifiques contradictoires, il faut appliquer le principe de précaution, comme le Président de la République s’y est engagé. La mise en œuvre de ce principe réduit néanmoins la compétitivité de notre agriculture et n’atteint pas le but visé, à savoir la protection de la santé des consommateurs, si des produits importés contenant du glyphosate restent disponibles. Dans ce cas, les consommateurs français, de même que nos agriculteurs, qui se verraient interdire l’usage du glyphosate sans solution équivalente, seraient floués. Les décideurs publics ne seraient plus crédibles.
Or, si aucun produit de substitution n’est trouvé et si un cadre pour la traçabilité des produits n’est pas mis en place, nous risquons d’aboutir à cette situation dans trois ans, car le Président de la République s’est engagé à interdire le glyphosate en France, alors qu’il restera autorisé ailleurs.
Afin que la protection des consommateurs soit effective et que les agriculteurs ne soient pas les victimes d’un effet d’annonce, je souhaite connaître très précisément, monsieur le secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour assurer la traçabilité du glyphosate dans les produits importés. Selon quelles dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires entendez-vous les prendre, avec quels moyens de contrôle et selon quel calendrier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Cabanel, le ministre de l’agriculture étant retenu, il m’a chargé d’apporter plusieurs éléments de réponse à votre question.
Le glyphosate est un herbicide très utilisé, en France comme dans le reste du monde.
Comme vous l’indiquez, les divergences quant au caractère cancérogène du glyphosate entre les conclusions des agences d’évaluation européennes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, et l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, d’une part, et celles du Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, d’autre part, ont montré les limites de ces évaluations.
Par ailleurs, l’utilisation massive du glyphosate a des conséquences sur le plan environnemental : on constate la présence de cette substance dans les cours d’eau et dans ses produits de décomposition.
C’est dans ce contexte que le gouvernement français s’est opposé à l’approbation longue proposée par la Commission européenne. Le Gouvernement a souhaité que la durée de réapprobation soit strictement limitée à celle qu’exigent la recherche, l’identification et la diffusion de pratiques alternatives.
À cette fin, il a été demandé à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, de produire un rapport sur les usages du glyphosate et sur ses alternatives. Le rapport remis par l’INRA le 1er décembre 2017 montre que des solutions de substitution existent pour certains usages du glyphosate, mais qu’un important travail de recherche et de diffusion d’alternatives est nécessaire pour d’autres usages.
La feuille de route de sortie progressive des produits phytopharmaceutiques sera finalisée avant la fin du mois de mars 2018. Toutes les parties prenantes seront associées à cette concertation nourrie.
Cette feuille de route intégrera le nécessaire déploiement de ces alternatives, la recherche de solutions pour les autres usages, l’accompagnement des agriculteurs pour le changement des pratiques agricoles, ainsi que le contrôle de la traçabilité que vous avez évoqué.
En outre, les dispositions applicables doivent permettre, non seulement d’assurer la qualité sanitaire des produits importés, mais aussi de prévenir toute distorsion de concurrence entre nos producteurs. Les efforts déployés pour le changement des pratiques agricoles doivent être récompensés et valorisés par une meilleure structuration de l’aval et une plus grande information des consommateurs.
Des contrôles très réguliers des services de l’État, notamment de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, seront menés pour s’assurer que les dispositions sont bien mises en œuvre et pour veiller au contrôle, à l’évaluation et à la publicité de la traçabilité que vous appelez de vos vœux, afin d’éviter ces distorsions.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle m’inspire quelques doutes.
Notre rôle en tant que parlementaires est bien sûr de garantir la santé des consommateurs. Or, dans ce que vous venez d’évoquer, rien ne me permet de penser que, lors de ses achats, le consommateur français bénéficiera d’une transparence totale.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai déjà cité, à l’intention du ministre de l’agriculture, l’exemple du citoyen français qui va chercher sa baguette de pain à la boulangerie : comment pourra-t-il être certain que le blé qui a permis de fabriquer sa baguette est un blé français ?
Vous le savez, beaucoup de pays exportent du blé : c’est le cas du Canada, qui exporte aujourd’hui 15 millions de tonnes de blé et avec lequel les échanges vont s’accroître dans le cadre du CETA. Je vois mal comment nous assurerons une transparence totale des achats pour le consommateur. Là est pourtant l’enjeu qui m’importe le plus.
Notre rôle de parlementaire consiste évidemment à garantir la sécurité sanitaire. Or, comme vous l’avez rappelé, l’OMS a classé le glyphosate parmi les cancérogènes probables. En tant que législateur, on nous demandera donc certainement dans trois ans d’interdire ce produit. Pourquoi pas, après tout ? Je suis d’accord sur le principe. Toutefois, la même Organisation mondiale de la santé classe certains produits, comme le tabac, dans la catégorie 1, c’est-à-dire celle des agents cancérogènes : dès lors, pourquoi ne pas demander au législateur d’interdire également le tabac ?
M. Pierre Louault. Tout à fait !
M. Henri Cabanel. Je ne comprends pas du tout cette logique. Ce qui m’inquiète, sans doute comme vous, c’est la sécurité du consommateur. Il faudra effectivement mettre en place une traçabilité cohérente assortie, à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles, d’un arsenal comprenant à la fois des amendes et même des sanctions pénales, pour dissuader ceux qui pourraient chercher à contourner la réglementation française.
réforme de l’apprentissage
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 145, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, alors que les contours de la future réforme de l’apprentissage ont été annoncés dès septembre 2017, ma question prendra plutôt la forme d’un appel à la raison.
L’orientation doit s’entendre tout au long de la vie. Chaque individu est appelé à effectuer plusieurs choix au cours de son parcours scolaire et professionnel. Or, entre le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation, il y a comme qui dirait un trou dans la raquette…
À partir de trente ans, point de reconversion possible ; certes, les formations existent, mais les recruteurs restent bloqués par l’existence des charges afférentes.
Pour plus d’efficacité, il faudrait selon moi créer un statut unique de l’apprentissage en France. Aujourd’hui, il existe des centaines d’accords de branche ; le coût horaire n’est jamais le même, la prise en charge non plus. Cette situation explique aussi la désaffection des chefs d’entreprise pour l’alternance.
Il faudrait également exonérer de toutes les charges patronales et fixer les salaires uniquement en fonction de l’âge. Actuellement, les salaires sont fixés à la fois en fonction de l’âge et de la branche.
Auparavant, le salaire des apprentis était calculé sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC ; désormais, il l’est en fonction des conventions de chaque branche, ce qui a considérablement augmenté le coût pour les entreprises.
Développer l’apprentissage nécessite un engagement collectif de l’État, des régions, des partenaires sociaux et des autres acteurs concernés, dans un contexte où la taxe d’apprentissage, qui finance d’autres formations initiales, professionnelles et technologiques, a été davantage fléchée vers l’apprentissage et non vers une formation continue pour tous et à tout âge.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Bruguière, je répondrai à la place de Mme la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui ne peut être présente ce matin et qui vous prie de bien vouloir l’en excuser.
Vous attirez notre attention sur un problème bien réel, qui fait partie des sujets traités dans le cadre de la concertation actuelle.
Vous le savez, les deux contrats de travail en alternance que sont le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation ne répondent pas aux mêmes besoins et ne visent pas les mêmes buts. En effet, le contrat d’apprentissage répond aux besoins de formation initiale et a pour but l’obtention d’un diplôme ou d’un titre, alors que le contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue, participe à l’insertion ou à la réinsertion dans l’emploi.
Nous constatons aussi des différences notables dans la mise en œuvre de ces deux contrats. Ainsi, la durée du contrat de professionnalisation est stable et s’établit aujourd’hui à 13,7 mois, alors que le contrat d’apprentissage est de 20 mois.
Les secteurs d’activité sollicitant ces deux contrats diffèrent eux aussi sensiblement. Les secteurs de la banque, des établissements financiers et d’assurances, le commerce, les bureaux d’études et prestations de services aux entreprises et le secteur sanitaire et social font plus appel, en part relative, aux contrats de professionnalisation.
Il convient néanmoins de noter que le plafond d’âge d’éligibilité à ces contrats a été fortement relevé, et ce dans les deux catégories. Ils permettent donc la prise en charge de nombreuses personnes.
En effet, au-delà de l’expérimentation d’entrée en apprentissage jusqu’à trente ans lancée le 1er janvier 2017, il existe des dérogations légales permettant des reconversions plus tardives dans certains domaines. Ainsi, il est possible de signer des contrats d’apprentissage indépendamment de la limite supérieure d’âge pour les personnes dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, pour les personnes souhaitant créer ou reprendre une entreprise, si le projet est subordonné à l’obtention d’un diplôme, ou encore pour les personnes bénéficiant d’un statut de sportif de haut niveau.
De plus, la possibilité d’entrée en contrat de professionnalisation au-delà de vingt-six ans concerne tous les demandeurs d’emploi, sans limite d’âge.
La rémunération de l’apprenti constitue elle aussi un sujet. L’un des enjeux est de la simplifier, au bénéfice tant de l’apprenti que de l’employeur, même si, à ce jour, fort peu de conventions collectives prévoient des grilles particulières. Seuls les apprentis de plus de vingt et un ans sont actuellement soumis à une base de calcul d’un éventuel salaire de base conventionnel.
Comme vous l’avez suggéré, la concertation sur l’avenir de l’apprentissage, lancée le 10 novembre 2017 par la ministre du travail, le Premier ministre et moi-même, doit conduire à des propositions pour refonder notre système d’apprentissage sur les attentes et les besoins des jeunes, des familles et des entreprises.
Pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l’emploi du Conseil économique social et environnemental, le CESE, cette concertation associe l’ensemble des acteurs concernés. Bien entendu, elle a vocation à prendre en compte les préoccupations que vous venez d’exprimer. Elle doit préparer les évolutions nécessaires pour assurer le développement de l’apprentissage, qui se traduiront dans un projet de loi que le Gouvernement présentera au printemps 2018.
La rémunération de l’apprenti, les modalités de gestion du contrat d’apprentissage et une meilleure complémentarité des deux contrats en alternance sont abordées dans le cadre de la concertation, afin que l’alternance puisse bénéficier à tous dans des conditions optimales.
Nous sommes tous persuadés que l’alternance et l’apprentissage font partie des solutions importantes pour lutter contre le chômage.
M. le président. Pour la seconde fois de la matinée, j’appelle chacune et chacun au respect du temps qui lui est imparti, afin que nous puissions terminer cette séance de questions orales à l’heure convenue. Je vous remercie de votre compréhension.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Sauf erreur de ma part, la concertation devrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois. Je forme le vœu que le diagnostic sur les questions relatives à l’apprentissage et à la formation fasse l’objet d’une large information en direction de tous les publics.
lutte contre l’illettrisme dans l’aisne
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 27, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, il s’agit là, de ma part, d’une question récurrente.
En 2010, puis en 2015, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le dossier de l’illettrisme dans le département de l’Aisne, dont je suis l’élu. Nous sommes en 2018, et il nous faut revenir sur ce sujet sensible pour essayer d’avoir, à tout le moins, une écoute compréhensive, à défaut d’avoir obtenu des réponses rassurantes depuis toutes ces années ! Mais il paraît que nous sommes entrés dans une nouvelle ère…
Je vous cite, monsieur le ministre : « La première inégalité est celle du langage et du vocabulaire. » Or les chiffres de l’illettrisme en région Hauts-de-France, et plus précisément dans le département de l’Aisne, sont catastrophiques et vont croissant d’année en année.
Dans ce département, le taux de jeunes en difficulté de lecture a crû, passant de 8,3 % en 2009 à 16 % en 2014, avant d’atteindre 16,73 % en 2015 et 17,7 % aujourd’hui : ce taux doit être comparé à la moyenne nationale, qui s’élève à 10,8 %. Ces chiffres émanent des tests menés auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans lors de la journée défense et citoyenneté. Ils sont inacceptables dans une société où l’instruction est obligatoire.
Il apparaît, constat identique depuis plusieurs années, que, plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l’éducation est faible.
Pour l’académie d’Amiens, on avait annoncé « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017 », comprenant notamment « des actions de formation d’envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l’intention des jeunes ».
Le décalage dont souffre la Picardie, et plus particulièrement l’Aisne, par rapport à la situation nationale ne s’est pas estompé en l’espace de quinze ans.
Plus largement, il en est de même pour le niveau des diplômes. En 2013, lors du dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 37 % de la population des Hauts-de-France ne possédait pas de diplôme, et 39 % de ses habitants étaient titulaires du seul baccalauréat.
En septembre 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, a rendu publique une étude passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives, rapport au titre troublant : Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l’OCDE ?
Dernière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui seront de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d’assumer dignement l’entretien d’une famille.
N’est-il pas temps de nous inspirer de nos voisins du nord de l’Europe, de l’Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d’illettrisme plafonnent à environ 3,5 % de la population ? Leurs méthodes sont connues : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, pédagogie tenant compte des différents niveaux dans la même classe, etc.
Monsieur le ministre, je sais qu’après l’élection présidentielle de mai 2017 vous avez aussitôt décidé de dédoubler les classes primaires dans les zones défavorisées, et nous vous en louons.
J’ai bien entendu votre réponse lors de l’examen du budget 2018, pour ce qui concerne la détection et la prévention des élèves atteints de troubles « dys » par une médecine scolaire revalorisée et opérationnelle. Je vous remercie d’ailleurs de nous indiquer l’état de mise en œuvre de cette volonté.
Par ailleurs, il était temps de faire un effort vers les bibliothèques dans ces régions où les difficultés de lecture sont grandes. Le projet de loi de finances pour 2018 nous en donné l’occasion, au Sénat,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Antoine Lefèvre. … où une rallonge de 8 millions d’euros a été annoncée.
Je rappelle un dernier chiffre : plus de 15 % de ces élèves sont en décrochage scolaire.
Ce constat alarmant demande des décisions drastiques et des moyens adéquats. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous en donner la teneur.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Lefèvre, je sais à quel point le problème que vous soulevez et le diagnostic que vous dressez sont réels. Je suis totalement mobilisé pour y répondre.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres que vous avez cités : ils sont en effet alarmants. L’académie d’Amiens en général, et en particulier le département dont vous êtes l’élu, sont spécialement touchés par le phénomène de l’illettrisme. Nous devons donc placer ce sujet au cœur de nos priorités.
Comme vous le savez, cette question des savoirs fondamentaux, « lire, écrire, compter et respecter autrui », que chaque enfant doit acquérir à l’école primaire, vaut pour toute la France, particulièrement pour les territoires que l’on peut considérer comme étant en retard à ce titre.
La première des réponses, mais ce n’est pas la seule, est – vous l’avez rappelé – le dédoublement des classes de cours préparatoire en REP+.
Dans le département de l’Aisne, dès la rentrée 2017, ces nouvelles dispositions en éducation prioritaire ont représenté le dédoublement de 50 classes de CP en REP+, avec des effectifs moyens de 12 élèves par classe. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 supplémentaires en REP+, ainsi que 100 classes de CP en REP, seront concernées.
Ces chiffres montrent l’importance de l’effort engagé : plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’élèves en bénéficieront. Ainsi, on pourra traiter à la racine les problèmes rencontrés.
En parallèle, plusieurs mobilisations sont prévues, dont certaines étaient mentionnées dans votre question.
L’école maternelle va faire l’objet d’une réflexion et de transformations, afin qu’elle soit, plus encore qu’aujourd’hui, l’école de l’épanouissement et de l’apprentissage du langage. Vous le savez, au mois de mars prochain auront lieu des assises de la maternelle, qui seront présidées par Boris Cyrulnik. (M. Antoine Lefèvre acquiesce.) Ces dernières vont nous permettre de prendre, dès la rentrée prochaine, un certain nombre de mesures en faveur de l’école maternelle.
En outre, les évaluations prévues seront des outils au service des progrès des élèves : celle de début de CP permettra notamment de déployer des stratégies personnalisées et adaptées pour chaque élève de CP.
Un ensemble d’outils pédagogiques consacrés à l’apprentissage de la lecture sera bientôt mis à la disposition des enseignants ; un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles sera organisé.
Une action interministérielle, menée notamment avec ma collègue ministre de la culture, sera également mise en œuvre en faveur du livre et de la lecture. Les bibliothèques des écoles, auxquelles vous avez fait référence, doivent bel et bien être renforcées, en partenariat avec les communes concernées.
Vous le savez, l’académie d’Amiens est particulièrement mobilisée sur ces questions. Je m’y suis déjà rendu à plusieurs reprises depuis ma prise de fonctions, avec une priorité clairement affichée, à savoir l’acquisition des savoirs fondamentaux et la prise en charge de la maîtrise de la langue. Cela s’est traduit par l’instauration de modules de formation continue des enseignants. J’ai d’ailleurs tenu à assurer moi-même l’introduction d’un de ces modules.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons également mis en place le réseau des observatoires locaux de la lecture, ou ROLL, mené par Alain Bentolila, qui regroupe 590 enseignants et dont les premiers résultats sont extrêmement encourageants.
Je citerai enfin l’expérimentation de la Machine à Lire.
Le temps me manque pour vous exposer toutes les actions entreprises en la matière, mais je puis vous assurer de toute mon attention en faveur du département de l’Aisne et de l’académie d’Amiens.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je suis heureux que cette question, posée l’an dernier, vous ait permis de présenter ces différents dispositifs.
Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales, où l’enjeu existe également. (M. le ministre le concède.)
Enfin, il importe d’œuvrer à l’attractivité de certaines académies et à la mobilité entre ces dernières. Je relève que, à Amiens, à peine 10 % des enseignants sont agrégés.
situation du milieu associatif face à la diminution du nombre de contrats aidés
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 127, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Bernard Bonne. Monsieur le ministre, la décision du Gouvernement de supprimer un nombre très significatif de contrats aidés, près de 40 % par rapport à l’année 2016, suscite de vives inquiétudes dans de nombreuses associations, particulièrement dans le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Certes, une rallonge de 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires a été accordée avant la fin de 2017, mais elle concerne essentiellement le secteur non marchand, tel que l’accompagnement des élèves handicapés, l’urgence sanitaire et sociale, l’outre-mer et les communes rurales en difficulté. Une telle décision n’est pas de nature à rassurer les responsables des centres sociaux, des maisons de quartiers, ou encore des maisons des jeunes et de la culture, les MJC.
Les autres décisions prises durant l’été créent, elles aussi, de grandes incertitudes dans le mouvement associatif : la diminution des dotations aux collectivités territoriales, la suppression de la taxe d’habitation, qui ne permettra plus aux communes de développer une fiscalité propre sur leur territoire, enfin la suppression de la réserve parlementaire, dont 70 % des fonds venaient soutenir des projets associatifs dans les territoires, toutes ces mesures frappent en premier lieu, et directement, les structures associatives.
Ainsi, dans le département de la Loire, plusieurs structures ont dû réduire leur équipe d’animation. Lors des dernières vacances de la Toussaint et de Noël, ces mesures se sont traduites par une réduction du nombre d’enfants accueillis en centres de loisirs et de jeunes en accueil journalier. Cette situation pose de véritables problèmes de garde pour les parents, particulièrement dans les familles les plus modestes.
Or, le secteur associatif, c’est 1,3 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui structurent en profondeur notre pays ; ce secteur représente 85 milliards d’euros de budget, soit 3,5 % de notre PIB.
On le constate, les associations sont une richesse pour la Nation. Il ne s’agit donc pas d’opposer emploi aidé et emploi qualifié et de ne retenir que le caractère économique pour juger de l’efficacité de ce dispositif. Le tissu associatif est en effet indispensable dans les quartiers pour maintenir le lien social, favoriser le vivre-ensemble et le dialogue civil.
Aussi, alors que, pour la première fois depuis 1957, un ministère de plein exercice ne fait plus référence à la jeunesse et à la vie associative, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte la spécificité du secteur de l’accueil de notre jeunesse.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Bonne, la décision prise par le Gouvernement en matière de contrats aidés était difficile ; mais elle ne pouvait être différente pour un gouvernement qui veut changer les mauvaises habitudes consistant à construire des budgets non sincères en début d’année, qu’il faut revoir à mi-parcours et qui, de surcroît, ne permettent pas de conduire des politiques que vous et vos collègues parlementaires votez.
Cette décision a parfois été mal vécue par les associations, qui ont pu y voir un problème pour la mise en œuvre de leur action. Le Gouvernement en est tout à fait conscient. C’est pourquoi nous avons revu le volume des contrats aidés à la hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en dépit du contexte de contrainte budgétaire.
En loi de finances initiale, 280 000 contrats aidés avaient été programmés pour l’année, mais les deux tiers de cette enveloppe annuelle ont été consommés dès le premier semestre. Il faut sans cesse le rappeler, face à un certain nombre de discours discordants.
Le Gouvernement a accordé une rallonge dans le contexte de maîtrise du déficit. Il a ainsi souhaité porter cette enveloppe à 320 000 contrats aidés sur l’année, soit 40 000 emplois de plus que ce qui avait été prévu.
Par ailleurs, de manière opérationnelle, cet effort a conduit le Gouvernement à cibler quatre secteurs prioritaires pour la fin d’année 2017 : l’éducation nationale et plus particulièrement l’accompagnement des élèves en situation de handicap ; l’outre-mer ; l’urgence sanitaire et l’urgence sociale, c’est-à-dire le secours alimentaire et l’hébergement social.
Pour le secteur associatif, les contrats aidés ont donc été concentrés sur l’urgence sanitaire et sur l’urgence sociale, notamment parce qu’en période hivernale l’aide alimentaire, l’accompagnement social ou l’hébergement, en particulier médicalisé, des jeunes enfants, des personnes dépendantes, sans abri ou atteintes d’un handicap sont évidemment des sujets essentiels.
À l’heure actuelle, on comptabilise près de 96 000 contrats aidés conclus, au titre de 2017, par les associations. Ce chiffre n’est pas stabilisé, les employeurs devant transmettre leurs dossiers en fin d’année.
Une politique de l’emploi efficace doit s’appuyer sur le renforcement des politiques de formation et d’accompagnement ciblé, lesquelles permettent des taux de retour à l’emploi durable plus significatifs pour les bénéficiaires.
Ma collègue ministre du travail, Muriel Pénicaud, a confié une mission à M. Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, visant à mobiliser les acteurs de l’insertion autour de nouvelles solutions, au service du parcours de chacun et en particulier de ceux qui sont aujourd’hui les plus largement exclus de l’accès au marché du travail. Les propositions vont lui être remises sous peu. C’est donc une politique efficace de lutte contre le chômage qui est engagée.
En parallèle, le Premier ministre m’a demandé de préparer une nouvelle stratégie pour le quinquennat en faveur de la vie associative. Cette stratégie doit être en harmonie avec le plan pour l’économie sociale et solidaire. Après une réunion de lancement en décembre dernier, avec notamment les acteurs associatifs, les premières réunions de travail se tiennent aujourd’hui même.
Monsieur le sénateur, vous pouvez le constater, votre question et ma réponse sont d’une parfaite actualité.
Une priorité très claire a été fixée : donner un nouveau souffle au mouvement associatif, non avec des instruments anciens, mais avec des outils nouveaux, ce qui passe aussi par des dotations nouvelles.
Vous avez évoqué la réserve parlementaire. Je vous rappelle que 25 millions d’euros ont été votés en fin d’année pour venir en aide aux associations.
Une stratégie est donc élaborée en faveur des associations. Elle se caractérisera par son efficacité au service des plus fragiles.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne.
M. Bernard Bonne. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais les associations demandent surtout l’ouverture d’une négociation sur l’emploi associatif. Leur préoccupation est de pouvoir rémunérer correctement leurs salariés.
Plus généralement, la mise en œuvre d’une étude d’impact contradictoire sur l’évolution des financements publics aux associations, sur les actions qu’elles mènent et sur les conditions d’emploi de leurs salariés permettrait de renouer le lien entre l’État, les collectivités territoriales et les associations.
J’ai vécu de telles situations dans le département dont je suis l’élu, en tant que président du conseil départemental, et il me paraît très important que ces structures associatives soient averties assez longtemps à l’avance des réductions ou des modifications susceptibles de se produire. En effet, les décisions prises en cours d’année les mettent particulièrement en difficulté. Tel a été le cas au mois de septembre dernier, lorsque les associations ont appris qu’elles allaient connaître une importante diminution de leur personnel.
fonds de soutien au développement des activités périscolaires
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 143, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention, et celle du Gouvernement, sur les questions que se posent de nombreux maires au sujet du fonds de soutien au développement des activités périscolaires pour les prochaines rentrées scolaires.
Malgré les nombreuses hésitations et plusieurs changements de cap ces dernières années en matière d’organisation du temps scolaire, la semaine de quatre jours et demi reste la règle.
Dans nos territoires, les élus sont confrontés à de nombreuses difficultés, principalement financières, pour maintenir la semaine de quatre jours et demi. Bien entendu, cette situation a des répercussions sur la pertinence, mais aussi sur la qualité des activités périscolaires qui sont proposées aux élèves.
Ainsi, le régime dérogatoire avec l’organisation de la semaine scolaire sur quatre jours dans les écoles maternelles et élémentaires publiques est bien souvent sollicité auprès des directions académiques. Si l’organisation du temps scolaire répond à des objectifs pédagogiques pour permettre aux enfants de mieux apprendre à l’école, les élus doivent pouvoir délibérer en amont pour faire des choix en adéquation avec leur budget communal.
C’est pourquoi le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est indispensable. Des communes continuent à mettre en œuvre la réforme. À cette fin, elles ont organisé des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial.
Les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, voire quasi inexistantes aujourd’hui. Il est donc indispensable d’avoir des certitudes et d’obtenir les informations nécessaires de la part du Gouvernement afin de préparer le budget communal.
Dans notre département de la Loire, les communes ont jusqu’au 10 février 2018 pour se prononcer sur l’organisation du temps scolaire. En conséquence, les élus ont besoin de connaître les modalités pratiques et les montants des aides prévues dans le cadre de ce fonds de soutien spécifique.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous saurais gré de répondre le plus précisément possible à ces questions très importantes pour nos communes.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Bernard Fournier, vous m’interrogez quant aux suites d’une mesure très importante de la dernière rentrée scolaire : l’assouplissement de la réforme des rythmes scolaires. L’objectif est simple, il s’agit de donner de la souplesse aux acteurs de terrain dans l’organisation de la semaine scolaire.
Une grande partie des difficultés que vous mentionnez préexistaient à cette réforme, précisément parce que de nombreuses communes, notamment les plus petites, étaient en difficulté face à des rythmes qui, à leurs yeux, leur étaient imposés.
Là où les communautés éducatives et les communes sont satisfaites de l’organisation qu’elles avaient, elles ont pu continuer à fonctionner selon les mêmes modalités. Le fonds a été perpétué pour elles. Là où a émergé un consensus local en faveur d’une autre organisation, une dérogation aux cadres existants a été possible.
Nous sommes convaincus que les rythmes scolaires doivent pouvoir être aménagés et adaptés à la réalité de chaque territoire. C’est, j’en suis persuadé, une aspiration que tous les élus et toutes les communautés éducatives ont en partage, et vous savez, en tant que sénateur, à quel point les réalités locales sont diverses.
Le but n’est donc pas de changer ce qui fonctionne, mais simplement de porter remède à ce qui ne fonctionne pas. De ce point de vue, nous n’avons pas cherché à bouleverser les dispositifs existants. Nous voulons au contraire améliorer la situation, sur le plan tant scolaire que périscolaire.
À l’issue des différentes périodes de concertation qui se sont succédé, des consensus locaux ont émergé pour la prochaine rentrée. Nous voyons progressivement certaines communes passer à quatre jours et d’autres rester à quatre jours et demi.
Les intentions du Gouvernement en matière d’organisation du temps scolaire sont donc très claires. Les modalités pratiques et financières de préparation de la prochaine rentrée sont stabilisées et transparentes. En effet, il est très important que les parties prenantes à l’échelon local disposent de cette visibilité pour préparer sereinement la rentrée.
Les communes qui conserveront une organisation du temps scolaire sur neuf demi-journées par semaine, ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées, continueront à percevoir les aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
La pérennité de ce fonds est bel et bien confirmée. En effet, l’article 87 de la loi de finances rectificative pour 2017 a modifié l’article 67 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République en apportant une précision sur l’éligibilité au fonds de soutien « dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées ».
Sur le plan budgétaire, le Gouvernement tient ses engagements.
Les acomptes ont été versés aux communes éligibles il y a quelques semaines et les crédits nécessaires ont été prévus en loi de finances pour 2018. Les montants, tels que définis par l’arrêté du 17 août 2015 fixant les taux des aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, soit 50 euros pour le taux du montant forfaitaire et 40 euros pour le taux de la majoration forfaitaire, sont maintenus.
Nous n’oublions pas le besoin de simplifier chaque fois que possible les procédures de gestion, comme l’ont demandé les communes.
Une mesure d’allégement a été mise en place pour la gestion 2017-2018 à la suite de la modification du décret du 17 août 2015. Ainsi, les acomptes de la campagne 2017-2018 ont été versés, sans demande préalable, aux communes ayant communiqué leurs coordonnées bancaires à l’Agence de services et de paiement, l’ASP.
De plus, je travaille actuellement avec la Caisse nationale d’allocations familiales pour apporter un appui supplémentaire aux communes à la rentrée prochaine. Ce dispositif s’ajoutera aux mesures déjà annoncées.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Enfin, nous préparons un plan Mercredi, qui permettra à chaque commune de France qui le souhaite de conclure un accord avec l’État en vue de mieux préparer les activités périscolaires du mercredi, pour l’après-midi seulement ou pour la journée entière.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous m’avez apportées et je prends note de la souplesse dont fait preuve le Gouvernement, conformément, d’ailleurs, à ce qu’il avait annoncé.
J’ai relevé avec beaucoup d’intérêt que le fonds évoqué est pérennisé et que ses crédits sont inscrits au budget. Je ne manquerai pas de transmettre toutes ces informations aux communes de mon département.
reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en france
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 109, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention ainsi que celle de Mme la ministre de l’enseignement supérieur sur la reconnaissance des titres et diplômes universitaires des réfugiés irakiens en France.
Le drame vécu par les réfugiés ne peut naturellement nous laisser indifférents. Il nous appartient de nous mobiliser pour rechercher les meilleures conditions d’accueil.
Tous les réfugiés irakiens ne présentent pas un faible niveau de qualification. À leur arrivée, ils ont même souvent un solide bagage éducatif et académique dans le supérieur. C’est le cas notamment dans le domaine de la santé publique : certains exerçaient dans leur pays les professions de chirurgien, de médecin ou encore de biologiste.
En effet, avant les différentes guerres qui l’ont frappé, l’Irak disposait d’un des systèmes éducatifs les plus performants du Moyen-Orient. Le taux de scolarisation y était excellent, l’école y était gratuite et obligatoire et la scolarisation des filles y atteignait un bon niveau. L’enseignement secondaire y offrait aussi des formations de qualité, particulièrement dans les établissements d’enseignement scientifique et technologique. Le pays comptait plus d’une vingtaine d’universités publiques ainsi que des facultés privées.
Malheureusement, une fois en France, les réfugiés irakiens rencontrent des difficultés à faire valoir leurs diplômes et leurs expériences acquises. Actuellement, il est important de noter qu’il n’existe pas de principe juridique d’équivalence entre les titres et les diplômes obtenus en Irak et les diplômes français. Seule une attestation de reconnaissance d’un certain niveau d’études atteint par comparaison au système français peut être obtenue.
Par ailleurs, selon que le diplôme porte sur l’exercice d’une profession réglementée ou non réglementée, la procédure n’est pas la même. Par exemple, les détenteurs d’un diplôme de docteur en médecine, en chirurgie dentaire, en pharmacie, ou d’un diplôme de sage-femme, obtenu en Irak, ne peuvent exercer sur le territoire français qu’après avoir eu l’autorisation de l’ordre ou du conseil national compétent, ce qui est d’ailleurs logique.
Ces procédures de reconnaissance et de comparabilité sont parfois longues, compliquées et difficilement accessibles aux bénéficiaires d’une protection internationale.
Ces réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles – au demeurant, nous avons souvent besoin d’eux – en se mettant au service du pays qui les accueille, d’être acceptés dans leur nouvel environnement et d’améliorer leur qualité de vie. Aussi, je souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de faire évoluer notre système et de faciliter la reconnaissance des titres et diplômes universitaires irakiens de qualité. Cet enjeu vaut d’ailleurs pour d’autres États que je n’ai pas cités.
Le Gouvernement envisage-t-il d’instaurer une convention bilatérale avec ce pays, qui dispose aujourd’hui d’institutions gouvernementales démocratiques, bref, d’un État, même si tout reste compliqué en Irak ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Bockel, vous posez une question particulièrement importante, et le Gouvernement est très sensible à la question de l’accueil des réfugiés.
Vous l’avez souligné, plusieurs dispositifs sont mis en œuvre pour répondre à l’urgence de la situation, notamment pour la reconnaissance des diplômes et des talents.
Le Programme national d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil, ou PAUSE, créé en janvier 2017, a pour mission de favoriser l’accueil des scientifiques en situation d’urgence pour permettre leur intégration et assurer la continuité de leurs travaux.
Ce programme, dans lequel se sont investis de nombreux établissements d’enseignement supérieur, réunit aussi de grandes institutions de la recherche telles que le Centre national de la recherche scientifique – le CNRS –, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – l’INSERM –, l’Institut national de la recherche agronomique, – l’INRA –, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique – l’INRIA –, ainsi que le ministère de l’intérieur et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
À ce jour, une centaine de scientifiques ont pu bénéficier de ce dispositif. Pour lui permettre d’atteindre une plus grande ampleur, tous les outils disponibles doivent être mobilisés.
Ainsi, en matière de reconnaissance des diplômes, nous disposons des attestations de comparabilité émises par le centre ENIC-NARIC France abrité par le Centre international d’études pédagogiques, le CIEP. Conformément à la convention de Lisbonne, l’évaluation des diplômes peut être assurée sur la base d’une grille de dix critères, laquelle permet d’établir une comparabilité.
Lorsqu’un diplôme étranger ne peut être comparé à un niveau de diplôme en France, le centre ENIC-NARIC France établit, sous réserve des résultats de l’analyse du dossier, une attestation de reconnaissance d’études ou de formation à l’étranger.
Nous avons veillé à ce que le coût de ces deux procédures reste relativement modeste, afin qu’il ne constitue pas une entrave.
Les professions réglementées font effectivement l’objet d’une procédure spécifique. Pour ce qui concerne le secteur médical, celle-ci est définie par le ministère des solidarités et de la santé ainsi que par les ordres professionnels, afin de concilier la valorisation des compétences acquises avec les standards nationaux. Dans ce cadre, après un test de connaissances, la pratique fait l’objet d’une observation renforcée pendant trois ans, avant que le bénéficiaire puisse voler de ses propres ailes.
Je déduis de votre question qu’il est sûrement nécessaire de mieux faire connaître ces dispositifs, y compris aux publics concernés : il n’est pas certain que toutes et tous puissent faire valoir leurs droits en toute connaissance de cause. Il nous appartient de porter tous ces éléments à leur connaissance, afin que leur nouveau départ en France se fasse sous les meilleurs auspices.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d’État, merci de cette réponse concrète, qui ouvre sur des perspectives d’amélioration.
Pour tout vous dire, j’ai posé cette question à la suite de contacts que j’ai eus, chez moi, à Mulhouse, avec des associations de chrétiens d’Irak. Évidemment, elle ne se limite pas à ce cas spécifique : je l’ai posée de manière générale. Mais, à mon sens, il s’agit là d’un bon exemple de personnes qui se savent durablement déracinées. Même si Daesh a reculé, même si l’Irak est en train de se restructurer, les intéressés savent qu’il serait encore très dangereux de rentrer chez eux, compte tenu des persécutions auxquelles ils s’exposeraient.
Cela ne signifie pas que ces réfugiés ne pourront jamais rentrer en Irak. On peut espérer qu’ils contribueront un jour au développement de leur pays. Mais, aujourd’hui, on voit bien qu’ils sont installés durablement chez nous. Or ils ont souvent un haut niveau culturel, de grandes connaissances et la volonté de s’intégrer en France.
Votre réponse va dans le bon sens, car ces personnes représentent une élite qui peut nous apporter beaucoup. Naturellement, ces pistes ne vont pas à l’encontre de ce que nous devons faire en direction de l’ensemble des réfugiés présents sur notre sol.
projet de loi fondamentale « israël état-nation du peuple juif »
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 126, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Gilbert Roger. J’attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi fondamentale qui vise à définir l’État d’Israël comme le « foyer national du peuple juif ».
Ce texte devrait être examiné prochainement en séance plénière, en première lecture, par la Knesset. Fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il dispose qu’Israël est « l’État-nation du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l’hébreu comme seule langue officielle. Il précise également que le droit à l’autodétermination est réservé au seul peuple juif.
La langue arabe, parlée par au moins 20 % d’Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait ainsi son statut et ne serait plus une des langues officielles de l’État.
Enfin, une disposition de ce texte définit et légalise une ségrégation ethnique en autorisant un groupe d’une même religion à vivre en communauté, séparé des autres. Cette mesure permet l’établissement de communautés exclusivement juives.
Non seulement ce projet de loi risque d’aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d’Israël, mais il va à l’encontre des principes démocratiques et institutionnalise des discriminations raciales.
Aussi, je vous demande de bien vouloir m’indiquer la position du gouvernement français sur ce texte et sur les conséquences internationales qui découleraient de son adoption.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Gilbert Roger, comme vous l’avez indiqué, un projet de loi sur le caractère juif de l’État d’Israël est actuellement examiné par le législateur israélien.
Il s’agit d’un projet de loi fondamentale en ce sens que ce texte aurait valeur constitutionnelle en cas d’adoption. Il rappelle un certain nombre d’éléments, que vous avez mentionnés. Il introduit notamment la reconnaissance d’Israël comme « foyer national du peuple juif » et accorde à ce dernier l’exclusivité du droit à l’autodétermination dans l’État.
Vous comprendrez qu’il n’appartient pas à la France de se prononcer sur les discussions de parlementaires étrangers. De même, il nous serait sans doute difficile d’accepter le regard d’autres États sur nos propres débats.
Le parlement israélien débat de cette question avec intensité. D’ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Ainsi, je crois comprendre que des progrès sont en train d’être accomplis pour que le statut de la langue arabe ne soit pas remis en cause.
Pour autant, il est vrai que ce texte suscite des préoccupations de notre part.
Notre première préoccupation tient au risque de discrimination à l’encontre des citoyens arabes. À cet égard, je rappelle le profond attachement de la France au principe de non-discrimination, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, à l’instar, d’ailleurs, d’Israël, et conformément au droit international, lequel a vocation à s’appliquer à tous.
Notre seconde préoccupation porte sur la conformité de ce projet à la solution à deux États. En effet, la résolution de cette situation passe par la mise en place des deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie.
Vous connaissez, en outre, la position constante de la France au sujet de Jérusalem. Au mois de décembre dernier, le chef de l’État a dit les choses très clairement. La France est naturellement l’amie du peuple palestinien, comme elle est l’amie du peuple israélien, et ce lien d’amitié nous permet aussi de dire les choses très franchement.
Ainsi, en accueillant le Premier ministre israélien, le Président de la République a pu évoquer un certain nombre de points relatifs, en particulier, à la colonisation. La France ne porte pas ses convictions dans un mouchoir, mais, bien au contraire, sur un étendard !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Pour conclure, il importe également de prendre garde au moment. Aujourd’hui, le climat est tendu. Mieux vaut y regarder à deux fois avant de risquer de le tendre un peu plus.
Voilà ce que peut dire le gouvernement français à ce stade.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d’État, merci de votre réponse. Le Sénat, notamment à travers ses deux groupes d’amitié France-Israël et France-Palestine, est extrêmement attentif à cette situation.
Nous avons récemment reçu, à leur demande, des parlementaires de la Knesset, membres de ce que j’appellerais la partie arabe de cette assemblée, alors qu’ils faisaient une tournée européenne. Ils ont également été reçus, me semble-t-il, par l’un des directeurs de votre ministère.
Ces parlementaires nous ont fait part de leurs préoccupations, notamment quant au statut de la langue arabe, car cette réforme risque d’entraîner de grandes complications pour un certain nombre de citoyens israéliens de langue arabe. Ils ont exprimé la même inquiétude auprès des instances de l’Union européenne.
Nous devons donc rester dans notre rôle – vous l’avez rappelé avec raison – et, en même temps, nous montrer extrêmement positifs, afin que de telles lois ne puissent pas remettre en cause les relations internationales et les règles internationales que les pays se donnent.
intervention de la france auprès des autorités israéliennes pour obtenir la libération d’un jeune avocat franco-palestinien
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 146, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Fabien Gay. Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’avoue, j’aurais préféré ne pas avoir à vous poser cette question en cette rentrée parlementaire, mais notre compatriote Salah Hamouri est aujourd’hui enfermé dans les geôles israéliennes. Il y est prisonnier depuis maintenant 147 jours.
Après avoir connu l’emprisonnement pendant sept longues années, il fait face, une nouvelle fois, à une décision arbitraire.
Salah Hamouri a été arrêté chez lui au petit matin le 23 août dernier et placé en détention administrative pour six mois sur ordre du ministère de la défense israélien.
Or la détention administrative ne permet ni à Salah Hamouri ni à ses avocats d’avoir accès à son dossier, pas plus que de connaître les raisons ou les preuves supposées qui ont conduit à son incarcération.
Vous le savez, la détention administrative est contraire au droit international. Elle a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver des opposants politiques, des résistants pacifiques et, plus largement, de nombreuses citoyennes et de nombreux citoyens de la protection légale à laquelle ils ont droit.
Emprisonné sans pouvoir se défendre ni savoir ce qu’on lui reproche : telle est la situation de notre compatriote depuis 147 jours !
Depuis cet été, la France n’est pas restée inactive.
Le Quai d’Orsay a dénoncé « l’utilisation abusive et systématique de la détention administrative ». La France a « espéré » sa libération avant de la « demander » en décembre dernier.
Nous savons aussi que le Président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué la question lors de la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Paris, le 10 décembre dernier, comme il l’a écrit à de nombreuses associations.
Pourtant, depuis lors, la situation de notre compatriote ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Le 31 décembre dernier, par mesure de rétorsion, l’administration pénitentiaire a déplacé notre compatriote de la prison du Neguev à celle de Megiddo, à la suite de l’interview qu’il a accordée à un grand quotidien national.
Cette situation est inacceptable, et la France ne peut l’accepter.
Chaque jour supplémentaire que Salah Hamouri passe en prison est un jour de moins passé avec sa femme, son fils et sa famille, qui ont déjà trop souffert.
Chaque jour supplémentaire est une offense faite à la France et aux droits de l’homme les plus élémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple et directe : quels gestes nouveaux notre diplomatie va-t-elle accomplir pour obtenir enfin la libération immédiate de notre jeune compatriote ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Fabien Gay, je suis bien d’accord avec vous : nous aurions également souhaité que la situation soit résolue à l’heure où vous posez cette question.
Notre compatriote Salah Hamouri a été arrêté par les autorités israéliennes le 23 août 2017 et placé en détention administrative pour une durée de six mois. Nous suivons cette situation avec la plus grande attention. Ce n’est pas une clause de style : j’ai eu à en connaître personnellement à plusieurs reprises.
Naturellement, Salah Hamouri bénéficie, comme l’ensemble des Français emprisonnés à travers le monde, de la protection consulaire, conformément à la convention de Vienne. Il a pu recevoir à ce titre plusieurs visites de nos autorités consulaires depuis le début de sa détention. La dernière en date, effectuée par notre consul à Haïfa, remonte au 8 janvier dernier, soit il y a quelques jours.
Il est vrai que le régime de détention administrative est d’une nature particulière. Il ne permet pas à Salah Hamouri d’avoir accès aux charges retenues contre lui ; nous ne les connaissons pas non plus. J’ai eu l’occasion de m’en ouvrir à l’ambassadrice d’Israël en France pour lui redire tout notre attachement à la résolution de cette situation.
La position de la France à ce sujet est claire, et je la rappelle : nous condamnons l’utilisation abusive de la détention administrative, qui porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Tel est le message que nous ne cessons de passer. Dans ces conditions, nous continuons à demander le plein respect des droits de notre compatriote et à espérer sa libération rapide. Dans l’immédiat, et de manière urgente, nous réitérons notre souhait que sa famille puisse lui rendre visite.
Nos échanges à ce sujet avec les autorités israéliennes sont très réguliers, ils ont lieu dans le cadre des liens qui, de longue date, unissent la France à Israël, et nous attendons toujours des réponses aux questions que nous avons posées. Pour le moment, nous n’avons rien entendu.
Vous m’offrez l’occasion de le redire aujourd’hui officiellement : il n’est jamais trop tard pour agir, et nous demandons vraiment, en ce début d’année, que la situation évolue dans un sens favorable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui, sauf erreur de ma part, contient un petit lapsus : le Quai d’Orsay « n’espère » pas, mais « demande » cette libération. Il me semble toutefois que nous sommes d’accord sur le fond.
Vous savez qu’un certain nombre de citoyens et de citoyennes sont mobilisés dans beaucoup de comités locaux et nationaux. Plus de mille élus, de tous bords politiques, ont exigé ensemble cette libération.
Nous espérons qu’elle aura lieu au plus vite. Nous espérons que de nouvelles procédures seront mises en œuvre au plus tard le 23 février prochain, date à laquelle la détention administrative doit prendre fin.
Vous savez toutefois que celle-ci peut être prolongée indéfiniment. Certains prisonniers politiques palestiniens sont ainsi en détention administrative depuis huit ans ! Il importe donc ne pas attendre la date du 23 février pour prendre des initiatives : vous l’avez souligné vous-même.
Enfin, je tiens à rappeler que Salah Hamouri n’est pas le seul dans cette situation. Citons, par exemple, le cas de la jeune Palestinienne Ahed Tamimi, qui émeut les démocrates et les progressistes partout dans le monde et en faveur de laquelle la mobilisation citoyenne grandit. Je pense, plus largement, aux 7 000 prisonniers politiques retenus à travers le monde.
Lors de la précédente mandature, le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a demandé au Gouvernement de reconnaître enfin l’État palestinien, avec Jérusalem-Est comme capitale. Vous œuvrez comme nous pour une paix juste et durable en Palestine. Il faut maintenant assurer cette reconnaissance. Ces remarques font d’ailleurs écho à la question que vient de poser M. Roger.
Dans les semaines et les mois à venir, il faut que ce débat se tienne à nouveau dans cet hémicycle et que le Gouvernement reconnaisse enfin l’État palestinien dans ses frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.
accès à la formation professionnelle des pâtres
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 140, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Alain Duran. Ma question s’adressait à Mme le ministre du travail, dans la mesure où elle porte sur l’accès à la formation professionnelle continue des pâtres. Mais, en la matière, l’enjeu est également la transition écologique et solidaire, madame la secrétaire d’État, puisque les bergers saisonniers sont des acteurs majeurs du pastoralisme, activité vitale pour la sauvegarde de la biodiversité dans nos montagnes.
Les pâtres exercent un métier qui, lorsqu’ils sont salariés, repose sur des contrats de travail saisonnier, dont les durées sont celles des estives, lesquelles varient de trois à six mois. Durant ces périodes, pendant lesquelles ils sont sous contrat de travail, ils ne peuvent bien sûr pas s’absenter, en raison de la nature même de leur métier.
Ils souhaitent accéder à la formation professionnelle continue, mais ils en sont exclus, alors même que leurs employeurs cotisent à un organisme paritaire collecteur agréé : le Fonds national d’assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles, le FAFSEA.
Cette exclusion s’explique par le fait que les droits associés aux contrats de travail pour ces travailleurs saisonniers, parmi lesquels celui de l’accès à la formation, ne sont reconduits que lorsque ces contrats sont renouvelés, à chaque nouveau début de saison.
De fait, durant les périodes d’intersaison, alors que les travailleurs seraient généralement disponibles, ils ne peuvent activer ces droits associés, car ils ne sont précisément plus sous contrat.
Pour pallier cette difficulté, le FAFSEA a bien proposé aux employeurs de salarier leurs pâtres quelques jours avant la montée en estive afin de leur permettre de se former avant leur prise de poste.
Cette solution ne peut, hélas ! être envisagée au regard de la réalité des contraintes propres du métier. Vous le comprenez, le démarrage de la saison est fortement lié aux conditions météorologiques. Dès lors, les dates des contrats de travail ne peuvent être arrêtées longtemps à l’avance.
Je souhaite vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur les mesures qu’entend prendre le Gouvernement pour permettre aux pâtres de bénéficier de l’accès à la formation. Il s’agit là d’un droit légitime, qui ne pourra que renforcer l’attractivité de ce métier.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Alain Duran, je vous réponds à la place de Mme la ministre du travail, qui ne peut malheureusement pas être présente ce matin.
Vous avez souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés d’accès à la formation professionnelle continue des pâtres, qui, en raison des particularités de leur métier, ne peuvent être disponibles pour suivre une formation pendant la durée de leur contrat de travail saisonnier.
Vous nous faites part du fait que, durant les périodes d’intersaison, les pâtres n’étant plus sous contrat de travail, ils ne peuvent bénéficier d’aucun programme de formation, alors même que leurs employeurs s’acquittent de la contribution à la formation professionnelle continue auprès du FAFSEA.
La solution proposée par le FAFSEA semble résulter de l’application de l’article L. 6321-13 du code du travail, lequel prévoit un dispositif de formation particulier destiné aux salariés occupant un emploi saisonnier et ne pouvant se libérer pour une action de formation au cours de leur contrat.
Cet article permet, sous certaines conditions, à l’employeur d’un salarié saisonnier qui s’est engagé à reconduire son contrat pour la saison suivante, de conclure un contrat de travail à durée déterminée pendant la période d’intersaison.
Ce contrat a pour objet de permettre au salarié de participer à une action de formation prévue au plan de formation de l’entreprise, et sa durée est égale à celle qui est prévue pour l’action de formation. Celle-ci est alors prise en charge par l’organisme paritaire collecteur agréé, ou OPCA, compétent.
Nous prenons toutefois acte du fait que cette solution pratique proposée à l’heure actuelle par le FAFSEA ne permet pas de répondre aux enjeux de la formation professionnelle des pâtres : je vous remercie d’avoir attiré l’attention de Mme la ministre du travail sur ce point. Ses services se rapprocheront de ceux du FAFSEA pour étudier les pistes d’amélioration susceptibles d’être suivies.
Par ailleurs, il convient de vous préciser que, lors des périodes d’intersaison, le pâtre, qui revêt le statut de demandeur d’emploi, a aussi la possibilité d’accéder à l’ensemble des dispositifs de formation dédiés aux salariés privés d’emploi, financés notamment par Pôle emploi et par les régions.
Enfin, dans le cadre de la future réforme de la formation professionnelle, une attention particulière sera portée sur les difficultés soulevées par la formation professionnelle continue des travailleurs saisonniers.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Merci, madame la secrétaire d’État, de toutes ces pistes, que nous allons examiner avec la plus grande attention.
Vous l’avez compris, à travers cette question, qui porte sur les formations destinées aux pâtres, je souhaite surtout contribuer à assurer l’attractivité d’un métier très particulier et bien difficile. En effet, le métier de pâtre s’inscrit complètement dans l’avenir du pastoralisme, auquel je suis très attaché, dans toutes les montagnes de France et d’ailleurs.
Cette activité est vitale pour préserver la biodiversité de nos montagnes : je me permets d’insister sur ce point, puisque vous êtes présente ce matin au Sénat. Vous connaissez toutes les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui en la matière, face à l’ensemble des prédateurs : mais je ne vais pas vous poser une nouvelle question ! (Sourires.)
En tout cas, je vous remercie de votre réponse et de toutes ces pistes de réflexion que vous nous indiquez, concernant les articles qui régissent aujourd’hui ces questions.
sécurisation du financement du monde associatif
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 144, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la secrétaire d’État, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a structuré ce secteur et a contribué à sécuriser le financement du monde associatif.
Malheureusement, certaines décisions récentes ont conduit à affaiblir les réseaux associatifs locaux. La plupart des associations subissent à la fois la baisse importante de leurs financements et la réduction du nombre des emplois aidés. Elles sont victimes de la contraction des finances publiques locales et nationales et subissent la baisse de l’aide à l’emploi. Pour certaines d’entre elles, cela signifie purement et simplement la fin de leur activité.
En Bretagne, l’économie sociale et solidaire représente 14,3 % de l’emploi salarié ; dans le département dont je suis l’élu, le Finistère, ce chiffre atteint même 16 %.
Madame la secrétaire d’État, les associations dans nos territoires fonctionnent souvent avec des bénévoles très volontaires, qui payent parfois même de leur poche, et des salariés souvent engagés. Leur importance est considérable sur un territoire comme le nôtre. Elles jouent un rôle de lien social fort, même lorsqu’elles sont directement concurrencées par le secteur marchand lucratif.
La réduction des contrats aidés met en péril, par exemple, l’activité de l’association « Projets, échanges et développement » de Plougasnou, petite commune littorale du Finistère, en raison de la non-reconduction à son poste de la secrétaire comptable.
L’activité de l’association de développement des circuits courts alimentaires par la distribution de paniers bio et la mise en relation des producteurs et des consommateurs de Brest est compromise par la mise en danger de trois des quatre salariés de cette structure.
Je partage avec vous l’idée selon laquelle l’économie sociale et solidaire doit pouvoir changer d’échelle et passer un cap de développement. Les derniers signaux envoyés aux acteurs ne me semblent pourtant pas de nature à rassurer le monde associatif et le monde de l’économie sociale et solidaire.
Avec le Haut-Commissaire à l’économie sociale et solidaire, vous avez lancé quelques pistes en matière de développement. À ce jour, le monde associatif n’en demeure pas moins en attente d’un accompagnement fort de la puissance publique, non seulement en termes de moyens économiques, mais également en matière de sécurisation financière, ainsi, me semble-t-il, que de stabilisation de la politique économique en faveur des associations dont l’activité pourrait être compromise par la mise en concurrence de la commande publique ou par l’insécurité liée aux variations de subventions.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont vos intentions en matière de sécurisation de l’activité associative de notre pays ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Jean-Luc Fichet, vous avez interrogé M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant malheureusement être présent ce matin, il m’a chargée de vous répondre.
Bien entendu, la diminution du nombre d’emplois aidés et la suppression de la réserve parlementaire auront des conséquences pour les associations. Toutefois, l’État agit sur plusieurs fronts pour les aider à fortifier leur assise économique et pour les rendre moins sujettes aux variations conjoncturelles, comme tel a pu être le cas ces dernières années avec les emplois aidés.
Tout d’abord, le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ou CITS, sera maintenu en 2018. Il représente un gain annuel de 500 millions d’euros pour les associations, qui en sont les principales bénéficiaires.
En 2019, à l’instar du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à destination des entreprises, le CITS sera relevé de deux points et converti en réduction pérenne de cotisations patronales afin d’encourager l’emploi et de consolider structurellement le modèle économique de toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Si l’on ajoute à cela l’effet du dispositif « zéro charge patronale pour le SMIC », lequel entrera en vigueur le 1er janvier 2019, c’est 1,4 milliard d’euros de marges de manœuvre annuelles qui seront libérés au bénéfice des entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Ensuite, le fléchage, en 2018, de 25 millions d’euros supplémentaires vers le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, dont les moyens seront ainsi quasiment quadruplés, vient conforter le soutien à la vie associative. L’augmentation de cette ligne budgétaire est une demande récurrente des représentants associatifs depuis de nombreuses années.
Nous travaillons actuellement à faire évoluer ce fonds vers un renforcement des dispositifs d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement des associations de terrain, mais aussi de formation, voire d’expérimentation de dispositifs innovants ou d’installation de dispositifs éprouvés. Ce travail se fera bien entendu en concertation avec les réseaux associatifs, qu’ils soient nationaux, régionaux ou de proximité.
Sur ce point, nous travaillons actuellement avec les opérateurs du dispositif local d’accompagnement, le DLA, afin qu’ils développent dans les plus brefs délais une offre de services spécifique en direction des associations ayant disposé ou disposant d’emplois aidés au titre de la période 2017-2018.
De manière plus globale, le plan de développement de l’économie sociale et solidaire, que le Gouvernement souhaite impulser à partir de cette année, aura un impact direct sur les associations, lesquelles représentent plus de 80 % des entreprises du secteur.
Enfin, puisque la vie associative ne peut se résumer aux politiques de l’économie sociale et solidaire, le Gouvernement a lancé le 13 décembre dernier une concertation très large, incluant l’ensemble des forces associatives nationales ainsi que les différents services de l’État et les associations représentant les collectivités territoriales.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’objet de cette concertation est précisément d’écouter spécifiquement les problématiques associatives pour les prendre en compte dans un plan de développement associatif, qui sera distinct, mais complémentaire, du plan de développement de l’économie sociale et solidaire.
M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de toutes ces précisions. Permettez-moi cependant de souligner que la question de la vie de nos associations se pose brutalement à la suite de la décision de réduire le nombre de contrats aidés dans le budget pour 2018.
Les différentes dispositions qui sont prises contribueront certainement à développer l’économie sociale et solidaire, je n’en doute pas, mais elles s’étalent dans le temps et ne sont pas aujourd’hui des éléments qui rassurent. Peut-être s’agit-il d’un simple problème de communication ou d’information…
À l’occasion de cette période de vœux, tous les militants associatifs de mon territoire m’ont fait part de leurs inquiétudes et de leur souhait d’une plus grande visibilité. C’est le maintien de leur activité dans les semaines et les mois à venir qui est en jeu. C’est pourquoi je souhaite que, très rapidement, des messages leur soient adressés pour les rassurer sur leur financement et les moyens qui seront mis à leur disposition pour pallier ce « double effet Kiss Cool », à savoir la réduction des aides locales et nationales et la baisse des emplois aidés.
Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour vos réponses, que je ne manquerai pas de relayer auprès des associations qui m’ont interrogé.
contradictions de la réglementation environnementale
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 136, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, je souhaite vous alerter sur les difficultés engendrées par la classification des cours d’eau et, plus généralement, sur les dérives liées à l’inflation des normes.
La loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016 a fixé trois critères cumulatifs pour définir de manière claire un cours d’eau : ce doit être un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. Or les directions départementales des territoires et l’Agence française pour la biodiversité surinterprètent ces critères en se référant à des éléments complémentaires élaborés par l’administration de votre ministère. Des écoulements se retrouvent alors injustement qualifiés en cours d’eau et, encore plus grave, en cas de doute, cette qualification est même devenue automatique !
Les règles applicables à un cours d’eau étant bien plus contraignantes et coûteuses, les conséquences sont graves pour les collectivités territoriales, et les contentieux les plus ubuesques se multiplient. À titre d’exemple, dans mon département du Territoire de Belfort, le maire de la commune de Lebetain a été condamné récemment à une amende de 500 euros avec sursis pour avoir procédé au nettoyage du lavoir communal. Que lui reproche-t-on ? Eh bien, d’avoir réalisé des travaux d’entretien imposés par la loi sans détenir le récépissé de déclaration de la DDT ! Seulement, pour obtenir ce récépissé, ce maire aurait dû débourser 27 000 euros pour constituer le dossier environnemental obligatoire.
Dans le contexte actuel de baisse des concours financiers de l’État, cette commune de 450 habitants, dont le budget annuel de fonctionnement est de 235 000 euros, n’est évidemment pas en mesure de s’acquitter d’une telle somme. Notez d’ailleurs que ce montant lui est réclamé pour chaque entretien de l’édifice ! Cette opération de curage est pourtant indispensable pour prévenir les inondations. Ce maire a donc été condamné alors qu’il agissait dans le respect de son obligation générale de prévention des accidents naturels.
C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de quelle manière vous entendez éclaircir juridiquement la classification des cours d’eau, qui pose beaucoup de problèmes dans le milieu rural. Quelles mesures sont-elles prises par le Gouvernement pour réduire les coûts obligatoires à la charge des collectivités en matière environnementale ? Enfin, comment orienter un maire de bonne foi, tiraillé entre les différentes obligations qui sont les siennes et qui, comme en l’espèce, s’opposent ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Cédric Perrin, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, M. le ministre d’État m’a chargée de vous répondre.
Vous avez appelé mon attention sur la réglementation relative à l’entretien des cours d’eau et son articulation avec les responsabilités des élus. Votre question me permet, tout d’abord, de rappeler que les cours d’eau sont des écosystèmes fragiles qu’il faut impérativement préserver au travers d’un entretien adapté, permettant l’écoulement naturel des eaux. Cela est primordial pour éviter l’aggravation des inondations, à l’amont comme à l’aval.
Afin de lever les incompréhensions qui subsistent sur le terrain, l’instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l’identification des cours d’eau et à leur entretien a permis la diffusion de guides déclinés localement, à l’attention des propriétaires riverains de cours d’eau, sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour préserver les milieux aquatiques. Cet entretien, qui est une obligation, consiste en l’enlèvement des embâcles, débris et atterrissements et l’élagage ou recépage de la végétation des rives. Il n’est soumis à aucune procédure préalable. Les fossés sont, quant à eux, des ouvrages artificiels dont le maintien en bon état de fonctionnement n’est pas non plus soumis à une procédure préalable.
Les interventions sur les cours d’eau, qui vont au-delà de cet entretien, peuvent avoir des impacts importants sur les écosystèmes et sur les autres riverains. Elles sont donc soumises à une procédure préalable pour en vérifier le bien-fondé et les potentiels inconvénients. Les agents de la police de l’environnement, dont ceux de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, sont chargés de veiller à la bonne application de la réglementation. Leurs actes sont soumis au contrôle du juge.
Dans l’exemple que vous citez, la réalisation de travaux sans titre a abouti à une condamnation pénale du maire par le tribunal de police de Belfort. Selon les informations portées à ma connaissance, les services de l’AFB ont alerté à plusieurs reprises l’élu sur les conséquences de l’opération et sur la nécessité de déposer une déclaration au titre de la loi sur l’eau, à un coût bien moindre que celui indiqué.
Enfin, depuis le 1er janvier 2018, la compétence dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, la GEMAPI, est une compétence obligatoire des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à fiscalité propre. Issue d’un travail de concertation dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a permis d’adapter les modalités de mise en œuvre de la réforme et d’en faciliter l’appropriation par les élus locaux. Les dispositions du code de l’environnement et celles du code général des collectivités territoriales ne présentent donc pas de contradictions.
Sachez que le Gouvernement œuvre pour que les collectivités locales disposent des outils adaptés pour prendre en compte les enjeux de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations à la bonne échelle et selon l’organisation la plus adaptée.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions.
Que l’écosystème soit fragile, personne n’en doute. Je pense que chacun, dans cet hémicycle, a conscience de la nécessité de le préserver. Reste que vous n’avez pas vraiment répondu à ma question, ou alors nous ne vivons pas tout à fait dans la même France. Le milieu rural souffre de ces difficultés ! C’est pourquoi, je le répète, il est nécessaire de faire extrêmement attention à la surinterprétation par l’administration des critères de définition des cours d’eau. Dès lors qu’une petite rigole est classée en cours d’eau, la réglementation que vous avez énoncée s’applique. Or les problèmes engendrés par cette classification sont majeurs pour de nombreux agriculteurs et pour un certain nombre de collectivités, qui se voient imposer des obligations et interdire des travaux.
Dans leur immense majorité, les élus locaux sont soucieux de l’intérêt général et du respect de la bonne application des règles. Il n’en demeure pas moins que, dans l’exemple ubuesque que je vous ai cité, si le maire n’avait pas fait nettoyer le lavoir du village, il aurait risqué l’inondation. Or s’il avait subi une inondation, il aurait été condamné pour ne pas avoir réalisé ces travaux de nettoyage !
Il me semble important que l’administration fasse preuve de discernement et de pragmatisme dans son interprétation des normes. Je vous appelle à y réfléchir, parce que cette classification des cours d’eau pose de vraies difficultés dans le milieu rural. En outre, le chiffre que j’ai indiqué pour le dépôt d’un dossier en préfecture visant à demander l’autorisation de réaliser les travaux de nettoyage est exact. Le maire et moi-même disposons d’un devis !
report modal et ligne lyon-turin
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 132, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d’État, les élus savoyards ont été particulièrement sensibles à l’intérêt porté par trois ministres – le ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre chargée des transports et la ministre des solidarités et de la santé – à la situation de la vallée de l’Arve en septembre dernier et aux annonces faites à cette occasion en prévision de la feuille de route de mars 2018. La pollution de l’air est en effet devenue la troisième cause de mortalité dans notre pays. Cette situation ne peut évidemment que nous préoccuper.
Ces annonces ont eu lieu le lendemain même du jour où le Président de la République confirmait les engagements de l’État vis-à-vis du Lyon-Turin lors du sommet franco-italien de Lyon. Le Lyon-Turin se trouve ainsi au cœur des enjeux énergétiques et environnementaux grâce à l’ambition du report du transport de marchandises de la route vers le rail.
L’ambition du département de Savoie a toujours été d’enlever le trafic ferroviaire de marchandises qui longe le lac du Bourget, premier lac naturel de France, et traverse les agglomérations d’Aix-les-Bains et de Chambéry. Or, dans le même temps, le volume de marchandises transportées par la route de la France vers l’Italie a progressé de 1 % par an entre 2006 et 2016.
Alors qu’entre la France et l’Italie le volume de marchandises transportées par le rail n’arrive pas à progresser faute d’infrastructures et de services adaptés, dans le même temps le volume de marchandises transportées par le rail entre la Suisse et l’Italie a progressé de 5 % par an. Ainsi, en 2016, le trafic de marchandises entre la France et l’Italie a été de 40 millions de tonnes, soit identique à celui entre la Suisse et l’Italie.
En revanche, malgré la hausse du trafic, la Suisse est passée pour la première année en dessous de un million de poids lourds, alors que, avec presque trois millions de poids lourds, le trafic routier continue de progresser en France. Or l’AFA, l’autoroute ferroviaire alpine, qui devait traduire l’ambition du report modal de la France, soit le transfert de un million de poids lourds, ne permet d’atteindre aujourd’hui qu’un peu moins de 3 % de cet objectif, qui ne bénéficie d’aucune véritable impulsion politique.
L’appel d’offres en cours concernant la plateforme dite de « l’est lyonnais » a été décidé en 2009 et n’est toujours pas attribué. Ainsi, la société MSSA, située dans la vallée de la Tarentaise, qui a un besoin impératif pour ses matières dangereuses de 500 unités de transport par an, ne peut bénéficier de la part de l’AFA que d’une capacité de 400 unités.
À l’heure où le Gouvernement souhaite afficher des ambitions fortes et s’engager dans une dynamique volontariste, encore convient-il que des mesures concrètes et urgentes soient prises à l’instar des politiques du transport de marchandises chez nos voisins européens.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous indiquer quels engagements le Gouvernement compte prendre pour être à la hauteur de ce défi, qui est autant un défi économique qu’écologique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Jean-Pierre Vial, Nicolas Hulot s’est rendu fin septembre en Savoie avec Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, et Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Ils ont pu constater combien les problématiques de transport routier, de report modal et de qualité de l’air sont essentielles dans l’arc alpin.
La mise en service du tunnel ferroviaire Lyon-Turin a pour objectif de limiter la congestion et les nuisances sonores et atmosphériques liées au trafic routier de poids lourds, d’améliorer le cadre de vie des riverains, en particulier dans la vallée de la Maurienne, et de lutter contre le changement climatique. À titre d’exemple, l’ouverture du tunnel permettra d’économiser en moyenne trois millions de tonnes de CO2. Le sommet franco-italien du 27 septembre dernier a d’ailleurs confirmé l’engagement des deux États en faveur de la réalisation de cette nouvelle infrastructure, qui est centrale pour la stratégie de report modal dans la traversée des Alpes.
Le report modal repose également sur une politique volontaire pour valoriser l’autoroute ferroviaire alpine, qui permet dès maintenant d’offrir une alternative au transport routier de marchandises. Le trafic de l’autoroute ferroviaire alpine est en progression de plus de 25 % pour l’année 2017 et pourrait dépasser ainsi les 35 000 poids lourds transportés.
Après la France en 2010, l’Italie a ratifié, le 22 novembre 2017, l’accord du Luxembourg, signé en 2009, permettant la mise en concession de ce service. Le 1er août dernier, un avis de concession a été publié au Journal officiel de l’Union européenne. La procédure binationale devrait donc aboutir à une mise en concession courant 2019.
Dans ce contexte, le protocole conclu en 2014 avec la collectivité d’Aiton permet effectivement de garantir la mise à disposition du terminal français nécessaire à la continuité du service de ferroutage indispensable au développement de la société que vous avez citée.
Je tiens à vous assurer de la mobilisation de la totalité des services du ministère de la transition écologique et solidaire pour assurer la continuité du service actuel et son développement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Bien évidemment, les mots seront pesés en fonction de la réalité du terrain.
Pour ne pas tenir des propos vains, je reprendrai simplement le chiffre que vous avez indiqué : le trafic a été en hausse de 25 % lors de l’année écoulée. Je n’avais pas connaissance de ce chiffre, mais on m’avait indiqué que l’année 2017 avait été une très bonne année.
J’ai bien retenu que l’ambition du Gouvernement était au moins de un million de poids lourds, c’est-à-dire le tiers de ce qui passe actuellement. Je l’ai dit précédemment : nous sommes actuellement à un peu moins de 3 % ; avec l’augmentation que vous nous avez indiquée, nous serons à un peu plus de 3 %…
Je souhaite très sincèrement que l’enthousiasme et l’engagement de M. le ministre Hulot, dont je ne conteste absolument pas la volonté, puissent se traduire dans les faits. La société que j’ai citée comme exemple sera une bonne illustration de la capacité que l’on a ou non de faire monter en puissance cette infrastructure, dont, je le rappelle, l’Europe avait décidé, lors du sommet d’Essen en 1993, qu’elle était prioritaire.
délais de réservation du train de nuit entre paris et briançon
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 131, adressée à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Ma question porte sur les difficultés à réserver une place dans le train Intercités Paris-Briançon.
Comme vous le savez, ce train a été classé en 2015 parmi les trains d’équilibre du territoire, puisqu’il n’existe pas d’offre ferroviaire alternative entre l’Île-de-France et le département des Hautes-Alpes. Or force est de constater que les difficultés de réservation pour le Paris-Briançon sont récurrentes, alors que ce mode de transport correspond à un réel besoin et répond aux attentes, notamment des touristes franciliens.
Pour les dernières vacances de fin d’année, la réservation a été ouverte deux semaines avant les premiers départs. À ce jour, il est impossible de réserver un billet pour les vacances de printemps, qui débuteront le 14 avril, puisque ce train n’apparaît même pas sur le site de la SNCF. Si l’on voulait dissuader les voyageurs d’utiliser le Paris-Briançon, on ne s’y prendrait pas autrement !
Je tiens à préciser que, en période de vacances, ce produit est majoritairement utilisé par les familles, qui peuvent ainsi accéder aux stations de sports d’hiver de Serre-Chevalier ou de Vars-Risoul, par exemple, sans rupture de charge avant la gare d’arrivée, ce qui n’est pas négligeable, notamment pour les personnes voyageant avec de jeunes enfants.
Madame la secrétaire d’État, face aux difficultés récurrentes de réservation et en l’absence de dispositions efficaces de la part de SNCF Mobilités, je vous serais reconnaissante de bien vouloir m’indiquer quelles dispositions ont été prises pour que la SNCF honore son contrat avec l’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame Morhet-Richaud, vous m’interrogez sur les problèmes de réservation qui ont touché la ligne de nuit Paris-Briançon et vous m’alertez sur leurs conséquences sur l’économie touristique.
L’ouverture tardive des ventes a résulté d’une difficulté technique à tracer des sillons exploitables pour les trains de nuit et compatibles avec les différentes plages de travaux opérés par SNCF Réseau.
Afin de régulariser au plus vite les difficultés rencontrées pour les périodes des fêtes de fin d’année 2017 et la haute saison hivernale 2018, la ministre chargée des transports a demandé à SNCF Réseau et SNCF Intercités de trouver des solutions permettant de garantir la circulation d’un maximum de trains durant ces périodes primordiales pour les Hautes-Alpes. Ce travail a porté ses fruits, puisque, à de très rares exceptions, tous les trains ont été ouverts jusqu’au 16 mars.
Par ailleurs, malgré l’ouverture tardive de la vente des billets, cette offre de transport a été plébiscitée par les vacanciers, et les trains ont affiché complet pour les vacances de Noël. C’est également le cas pour les week-ends de départ des vacances d’hiver des académies franciliennes, les vendredi 16 et samedi 17 février, et le vendredi 23 février. Cela prouve l’importance de ce service pour l’économie touristique des Hautes-Alpes et du Briançonnais en particulier.
Enfin, afin de pallier l’arrêt de la pointe neige, dispositif qui était extrêmement coûteux ramené au voyageur, la ministre chargée des transports a demandé que la composition des trains soit renforcée pour les week-ends des vacances de février pour offrir des places supplémentaires nécessaires à la bonne desserte de ce territoire.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État, qui ne me satisfait toutefois que partiellement.
Les réservations sont effectivement ouvertes pour les vacances de février, mais elles ne le sont pas pour les vacances d’avril. Le département des Hautes-Alpes est déjà pénalisé par une voie ferrée unique et par une autoroute qui n’a jamais été terminée. Je regrette que la destination Hautes-Alpes ne bénéficie pas d’une desserte ferroviaire qui, à défaut d’être performante, soit au moins opérationnelle comme c’est le cas pour d’autres territoires de montagne.
dysfonctionnement des lignes aériennes « d’aménagement du territoire »
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, auteur de la question n° 134, adressée à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Josiane Costes. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les dysfonctionnements des lignes aériennes dites d’aménagement du territoire, gérées par la compagnie Hop !, filiale d’Air France.
Plusieurs villes de province, notamment Aurillac, Brive, Castres, Agen, sont desservies au niveau aérien par ces lignes dans le cadre d’obligations de service public, les OSP, bénéficiant du concours financier de l’État, qui s’ajoute aux subventions apportées par les collectivités locales. Ces concours financiers publics représentent jusqu’à deux tiers du coût du fonctionnement de ces lignes, le prix payé par les passagers n’étant pas, pour autant, très abordable.
Malgré ces efforts financiers considérables, il s’avère que le fonctionnement quotidien de ces lignes, considérées comme concédées à la compagnie Hop !, filiale d’Air France, est de plus en plus problématique – c’est un euphémisme ! En effet, le service se dégrade considérablement, avec des retards extrêmement fréquents et des annulations de vols, pour des raisons dites techniques. La situation a clairement empiré depuis le mois de septembre, avec souvent plusieurs annulations de vols chaque semaine. Cela est d’autant plus problématique que, sur ces lignes, il n’y a déjà aucun vol les samedis, dimanches matin et jours fériés. Une telle dégradation du service public est inacceptable et ne fait qu’aggraver la fracture dont pâtissent des territoires déjà très excentrés, mettant en danger leur vie économique.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation devenue intolérable et contraindre la compagnie Hop !, filiale d’Air France, à assurer enfin un service public digne de ce nom ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame Costes, je vous réponds au nom de la ministre chargée des transports, qui n’a malheureusement pas pu être présente aujourd’hui.
La desserte aérienne des territoires, notamment des plus enclavés, est un enjeu majeur de la politique française des transports. La ministre chargée des transports suit d’ailleurs avec beaucoup d’attention la situation actuelle des liaisons opérées par la compagnie Hop ! Cette dernière, issue de la fusion de trois compagnies régionales du groupe Air France, a récemment été confrontée à un déficit du nombre de pilotes, lié à une évolution des carrières de ces derniers au sein du groupe, et à une succession de pannes techniques sur ses appareils de type ATR 42. De septembre à décembre 2017, certaines lignes ont ainsi connu un nombre d’annulations exceptionnel, allant jusqu’à diminuer de 10 % le nombre de vols réalisés par rapport à la même période en 2016.
Sur l’ensemble de l’année 2017, près de 6 % des vols reliant Paris à Aurillac, Brive, Castres et Agen ont été annulés pour des causes directement imputables à la compagnie, alors que la tolérance en termes d’obligations de service public ne s’élève qu’à 3 %.
La qualité de service et la ponctualité des vols réalisés par la compagnie se sont en outre trouvées affectées par d’autres facteurs, tels que les travaux engagés à l’aéroport de Paris-Orly, nécessaires à la mise en conformité de la plateforme aux règles européennes de sécurité aérienne.
Les retards et les annulations que connaissent les vols du réseau opéré par Hop ! ne sont pour autant acceptables ni pour les passagers ni pour les territoires concernés. Il n’est pas admissible qu’ils puissent remettre en cause l’amélioration de l’équilibre économique et l’augmentation de trafic globalement observées en 2017 sur ces liaisons d’aménagement du territoire.
La Direction générale de l’aviation civile est mobilisée pour accompagner les territoires à faire valoir auprès de la compagnie le préjudice économique subi, en la pénalisant financièrement dans les conditions prévues par les conventions signées. Mais il est avant tout primordial que Hop ! retrouve au plus vite des conditions opérationnelles plus robustes.
La compagnie a assuré la ministre chargée des transports de sa volonté de rester un acteur majeur du désenclavement et de l’aménagement des territoires et lui a confirmé avoir mis en place un plan d’actions spécifique de maintenance préventive afin de limiter les indisponibilités techniques de ses appareils. Hop ! accélère également les recrutements et les formations de pilotes pour faire face aux nombreux départs et respecter ses engagements dans le cadre des délégations de service public en vigueur.
Le ministère chargé des transports continuera de porter une attention particulière à ce sujet et demandera un compte rendu régulier à Hop ! des actions menées et de leur impact concret sur le fonctionnement quotidien des lignes concernées, tant que la desserte aérienne n’aura pas retrouvé un niveau de qualité de service conforme aux attentes légitimes des territoires.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie. Vous l’avez bien compris, ces dysfonctionnements portent un préjudice très grave à nos territoires déjà très enclavés, qui connaissent des difficultés tant pour le transport par voie ferrée que routier. Il n’est pas supportable de mettre sept heures, huit heures ou dix heures pour rejoindre Paris depuis Aurillac en avion en transitant par Toulouse ou ailleurs. Cette situation n’est plus acceptable.
valorisation des territoires ruraux
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 135, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Guillaume Chevrollier. Ma question porte sur l’avenir des communes rurales.
Le plan Action cœur de ville, doté de 5 milliards d’euros sur cinq ans, que le Gouvernement a récemment présenté à Rodez, a pour ambition d’encourager la revitalisation des centres-bourgs des villes moyennes. Ces mesures vont dans le bon sens tant il y a à faire dans ce domaine ; elles semblent cependant donner la priorité aux villes moyennes et exclure les communes les plus rurales de notre territoire.
En effet, seules les communes ayant un « rayonnement régional » ou toutes celles jouant un rôle de « centralité pour leur bassin de vie » seront éligibles au financement. Ainsi, dans les faits, les villes de moins de 8 000 habitants auront peu de chances d’y avoir accès. C’est fort regrettable, par exemple pour mon département, la Mayenne, où 44 % des 255 communes comptent moins de 500 habitants et où seules cinq communes ont plus de 8 000 habitants. Peut-être considérez-vous que cette strate a déjà bénéficié de l’appel à manifestation d’intérêt « centres-bourgs » en 2014 ? Je vous informe que, à l’époque, aucun dossier présenté par mon département n’avait été retenu.
La situation devient donc préoccupante pour ces communes rurales : désengagement de l’État, baisse des dotations et des ressources financières, dépossession progressive des compétences – eau et assainissement, urbanisme, carte d’identité –, fermeture des commerces de proximité, tels que les cafés, les supérettes, les salons de coiffure, les bureaux de poste…
Quelle est votre vision de la commune rurale de demain ? Les maires ruraux sont nombreux à exprimer leurs interrogations et leurs inquiétudes à l’occasion des cérémonies de vœux. Ayez-en bien conscience !
Les élus locaux et les habitants sont attachés à l’entité communale traditionnelle, parce que celle-ci crée du lien social et favorise la proximité. Les élus se battent pour préserver leur territoire et le faire vivre. En Mayenne, de nombreuses initiatives innovantes ont été prises. Ainsi, à Fontaine-Daniel, dans le nord du département, un collectif a permis la création d’une épicerie coopérative de proximité ou encore la chambre de commerce et d’industrie de la Mayenne a pris l’initiative de proposer, avec le projet CARRÉ, un concept modulable de commerce rural très original.
Madame la secrétaire d’État, que fait l’État pour soutenir les élus ruraux et favoriser l’attractivité des communes rurales ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Chevrollier, je répondrai à la place du ministre de la cohésion des territoires, qui n’a pu être présent ce matin.
La valorisation des territoires ruraux, qui, je le rappelle, représentent 35 % de la population sur 70 % du territoire, est bien entendu essentielle et primordiale à nos yeux. C’est pourquoi le Gouvernement confirme et conforte le soutien aux projets d’investissement dans les communes et les intercommunalités rurales. Il promeut également toute forme de coopération locale entre différents territoires, en vue d’instaurer une plus grande cohésion au sein des bassins économiques et de vie.
Le nouvel outil de développement local qu’est le contrat de ruralité, créé en 2016, a rencontré un franc succès. Ainsi, plus de 450 contrats ont été signés en 2016 et en 2017 dans tous les départements et, à terme, près de 500 contrats seront signés. Un tiers des départements ont leur territoire rural, hors des EPCI urbains, intégralement couvert par des contrats.
En 2017, des crédits de l’État à hauteur de 425 millions d’euros environ, dont 145 millions d’euros au titre de la DSIL, ont été programmés pour soutenir plus de 5 000 actions.
Ces contrats de ruralité ont pour objet d’encourager les projets des communes rurales au sein des EPCI et des PETR. Cette première génération de contrats sera mise en œuvre jusqu’en 2020, avec un engagement de cofinancement de la DETR et de la DSIL dans le budget quinquennal de l’État.
En 2018, afin de soutenir les capacités d’investissement, la DETR est maintenue à hauteur de plus de 1 milliard d’euros, soit le montant financier le plus élevé de l’histoire de cette dotation, en augmentation de 50 millions d’euros par rapport à 2017.
La DSIL se chiffre, quant à elle, à 615 millions d’euros, ce qui permet d’assurer notamment le cofinancement de projets prêts à démarrer en 2018 et inscrits dans les plans d’action des contrats de ruralité.
De plus, avec l’engagement, cette année, du plan Action cœur de ville, annoncé les 14 et 15 décembre dernier, des communes centres d’un bassin de vie à dominante rurale exerçant une fonction de « ville moyenne » seront accompagnées et soutenues financièrement dans leur projet de requalification de leur centre-ville, au bénéfice de l’attractivité et des habitants du territoire.
Par ailleurs, si, dans un objectif de maîtrise des finances publiques, l’État contractualisera avec les 340 plus grandes collectivités afin que la hausse de leurs dépenses de fonctionnement n’excède pas les 1,2 % par an, il en découle que 99 % des collectivités ne seront pas concernées par cette contractualisation, parmi lesquelles figurent toutes les communes rurales.
Poursuivre les efforts majeurs engagés ces dernières années en faveur des ruralités dans tous les domaines reste également une priorité. En particulier, la couverture numérique des territoires par les réseaux fixes et mobiles est une priorité du Gouvernement. Vous connaissez les annonces récentes en la matière.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je rappelle les ambitions du Président de la République, qui, en juillet dernier, a annoncé son souhait d’accélérer les programmes en cours, en fixant pour objectif l’accès à du bon haut débit pour tous les Français dès 2020.
Le Gouvernement souhaite aussi travailler, en coconstruction avec les élus, à trouver de nouvelles orientations en faveur des territoires ruraux : des démarches s’engageront dès ce mois de janvier.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. J’entends bien les propos du Gouvernement : la ruralité est essentielle. C’est bien dans les discours, mais encore faut-il honorer les contrats de ruralité. Sachez que le Sénat sera vigilant à la mise en application effective d’un certain volet de ces contrats.
Il n’en demeure pas moins que nos territoires ruraux ont connu une diminution de la dotation relative au FISAC, qui était utile pour relancer le commerce, ainsi que la suppression de la réserve parlementaire.
Dans le contexte actuel, les élus des petites communes ne se sentent toujours pas soutenus par les pouvoirs publics. Ils subissent notamment des contraintes normatives, en particulier réglementaires. Certes, ces mesures peuvent favoriser les grands ensembles organisés avec les services administratifs. Mais pensez aux communes plus petites ! J’ai évoqué précédemment les communes de moins de 500 habitants, au sein desquelles les bénévoles présents sur le terrain attendent des contrats, un soutien, mais aussi des actes forts, en vue de les aider à assumer pleinement leurs missions au service de leurs concitoyens. Croyez-le bien, certains d’entre eux sont assez moroses. Ils attendent un engagement fort du Gouvernement. Aussi, j’espère que ma question permettra de vous sensibiliser à cette situation.
décret relatif au contrôle des conditions permettant de bénéficier de la protection universelle maladie
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 110, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Richard Yung. Ma question porte sur les conditions d’accès à la protection universelle maladie, dite PUMa, en particulier pour les Français de l’étranger qui viennent s’installer en France.
Aux termes du décret du 24 février 2017, « les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé […] doivent produire un justificatif démontrant […] qu’elles relèvent de l’une ou l’autre des catégories suivantes », parmi lesquelles les « membres de la famille […] qui rejoignent ou accompagnent pour s’installer en France un assuré y séjournant dans les conditions prévues » par le décret, d’autres membres de la famille ou une personne pacsée.
Il semble que la plupart des caisses d’assurance maladie méconnaissent les effets de ce décret et indiquent aux conjoints des assurés sociaux, à leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un PACS que, à défaut d’être eux-mêmes assurés, ils sont soumis au critère de résidence et, donc, au délai de carence de trois mois pour pouvoir être affiliés à la sécurité sociale. Il s’agit d’un préjudice pour ces personnes.
Aussi pouvez-vous nous confirmer que ces personnes peuvent bien bénéficier de la prise en charge des frais de santé sans délai de carence ? Dès lors, serait-il possible d’envisager de rappeler, par circulaire, aux caisses d’assurance maladie le contenu de ce décret ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Yung, vous avez appelé l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur des difficultés d’application du décret du 24 février 2017 relatif au contrôle des conditions permettant de bénéficier de la protection universelle maladie, dite PUMa. Vous signalez des situations dans lesquelles des personnes arrivées en France pour rejoindre leur conjoint, déjà assuré social, se voient opposer un délai de carence de trois mois pour pouvoir bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé.
La protection universelle maladie, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2016, garantit à toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière un droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie.
Pour l’ouverture du droit à la prise en charge de ces frais, le critère de stabilité est réputé satisfait lorsque la personne présente un justificatif démontrant qu’elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Pour autant, et comme vous l’indiquez, je vous confirme que ce délai de trois mois ne s’applique pas aux conjoints, concubins et partenaires de pacte civil de solidarité qui rejoignent ou accompagnent, pour s’installer en France, un assuré y séjournant lui-même de façon stable et régulière. Ces personnes bénéficient donc de la prise en charge de leurs frais de santé sans délai de carence, à la condition qu’elles soient en situation régulière au regard de la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers et du droit d’asile.
À la suite de votre alerte, les services du ministère des solidarités et de la santé se sont rapprochés de ceux de la Caisse nationale de l’assurance maladie pour lui demander que cette dernière effectue un rappel à la règle dans les plus brefs délais aux caisses de son réseau pour garantir la bonne application de cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État de cette réponse positive. Je me félicite que les services du ministère des solidarités et de la santé se soient rapprochés de ceux de la Caisse nationale de l’assurance maladie pour évoquer l’interprétation du décret. Cela sera de nature à faciliter la vie des personnes qui viennent sur le territoire français.
services publics de santé dans la nièvre et les territoires ruraux
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 125, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Patrice Joly. Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la délocalisation envisagée du centre de régulation des appels du SAMU 58 à Dijon. En effet, l’agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté évoque, à l’occasion de l’élaboration de son projet régional de santé, la fermeture du centre 15 du SAMU 58 pour le transférer au centre hospitalier universitaire de Dijon. Cette annonce inquiète énormément la population, qui craint que cette décision n’ait un impact direct sur la prise en charge des patients nivernais.
Je tiens à rappeler que la Nièvre est un département rural, touché par une désertification médicale galopante, alors même que sa population est particulièrement fragile en raison de son vieillissement.
Comme vous le savez, le centre 15 gère plusieurs missions : les urgences vitales, mais aussi les missions de conseil aux patients. Les conseils représentent d’ailleurs une part importante de l’activité, surtout pour les personnes isolées.
Du fait d’un plus grand nombre d’appels sur la plateforme régionale, qui, je vous le rappelle, devrait gérer huit départements, il y a de grands risques d’abandons d’appels sans pouvoir identifier les appelants ou encore un repli systématique des patients vers les structures d’urgence des hôpitaux déjà surchargées. Cette décision aurait également un impact sur les liens de proximité tissés au fil des années avec certains personnels médicaux, notamment dans le Morvan et le Nivernais central.
Au-delà de la situation propre aux médecins, ce transfert poserait la question du devenir des assistants de régulation, qui sont les premiers interlocuteurs des appelants.
Plus généralement, la question de la présence médicale dans nos départements ruraux devient de plus en plus cruciale. De très nombreuses communes, dans la France entière, sont confrontées à un déficit dramatique de médecins et de spécialistes, tant libéraux qu’hospitaliers.
Dans les cinq ans à venir, la Nièvre sera le département le plus touché par le départ à la retraite de généralistes. S’agissant des spécialistes, le département souffre également d’un manque criant de personnels dans certaines spécialités telles que la néonatologie, la pédopsychiatrie ou encore la psychomotricité. Or le droit d’être soigné constitue le premier des services que la collectivité doit rendre à ses concitoyens. L’égalité des soins constitue l’une des déclinaisons du principe d’égalité, qui est l’un des piliers de notre devise républicaine.
Dans ce contexte, il est inimaginable d’envisager la disparition d’un service médical dans ce département. Une telle décision apparaîtrait comme un désengagement supplémentaire de l’État. Aussi quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à la situation de l’urgence médicale dans le département de la Nièvre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur Patrice Joly, vous interpellez Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le problème de l’accès aux soins. Cette question est, vous le savez, l’une des priorités de Mme Buzyn, qui a annoncé, le 13 octobre dernier, aux côtés du Premier ministre, un plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.
Dans le cadre des plans régionaux de santé, nous souhaitons améliorer l’accès aux soins de différentes façons.
Votre question porte plus particulièrement sur le département de la Nièvre, notamment sur le transfert du centre 15 de la Nièvre, qui est en effet prévu dans le futur plan régional de santé. J’insiste sur le fait qu’il s’agit juste de la régulation des appels, le personnel et le matériel restant sur place, dans la Nièvre.
La région a une solide expérience. Cette organisation est d’ores et déjà en place en Franche-Comté où le centre 15 du CHU de Dijon assure avec efficacité la régulation des appels du 15 des quatre départements franc-comtois : le Doubs, le Jura, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort. Cette régulation téléphonique au travers d’une plateforme unique nous permet de redéployer sur le terrain les urgentistes, ressource particulièrement rare dans la Nièvre, dans les services des urgences du territoire, donc auprès des malades.
Aussi, je tiens à vous rassurer, sur l’ensemble des sites, il restera un SMUR H 24, un service mobile d’urgence et de réanimation fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Se pose uniquement la question de l’organisation en nuit profonde, de vingt-deux heures à neuf heures du matin, des services d’urgence, avec une fermeture éventuelle sur un créneau à déterminer selon la réalité de l’activité de chaque site.
Le ministère des solidarités et de la santé soutient la demande du préfet concernant le besoin d’un hélicoptère civil. Vos inquiétudes sont parfaitement légitimes. Actuellement, l’ARS travaille à améliorer globalement la desserte en transports sanitaires héliportés de toute la région.
Nous souhaitons intensifier le recours aux moyens héliportés actuellement disponibles sur le territoire régional, et ce afin de libérer du temps pour les équipes médicales au sol. Cela passera par la définition d’une doctrine régionale d’emploi des moyens héliportés et une gestion mutualisée des appareils disponibles pour que ce soit bien, à chaque instant, l’appareil le mieux placé qui intervienne indépendamment de son site de rattachement.
Monsieur le sénateur, j’espère avoir pu lever certaines de vos inquiétudes ; Mme la ministre des solidarités et de la santé pourra vous rassurer sur l’ensemble des points évoqués lors de sa visite dans votre département au début du mois de février pour les états généraux de la santé.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Permettez-moi de vous proposer une solution alternative qui consiste à centraliser le centre de régulation des appels de Dijon à Nevers. Cette solution techniquement possible permettrait de renforcer l’attractivité du centre hospitalier de Nevers et constituerait de ce fait un élément de réponse à la difficulté de recruter des médecins. Aujourd’hui, il manque plus de cinquante médecins dans les effectifs de l’hôpital.
Par ailleurs, permettez-moi d’insister encore sur les grandes difficultés dans lesquelles se trouvent les Nivernais pour accéder à certains services indispensables.
Prenons l’exemple des femmes enceintes. Au mois de décembre dernier, la population a vu la fermeture précipitée de la maternité de Cosne-sur-Loire après celle des maternités de Decize et de Clamecy. Aujourd’hui, sur un département de plus de 7 000 kilomètres carrés, nous n’avons qu’une maternité. Nous sommes loin des objectifs de garantir à la population un accès, en moins de trente minutes, à une structure d’urgence.
Le projet de suppression des urgences de nuit au centre hospitalier de Clamecy dans la période horaire dite de nuit profonde, que vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, est une menace supplémentaire à la permanence des soins. Cette suppression créera en outre un transfert de charges insupportable vers les services d’incendie et de secours déjà très fortement sollicités. Les pompiers constituent souvent le dernier recours sur nos territoires.
Il paraît donc essentiel, au regard de notre démographie médicale déficitaire, de mettre rapidement en place une étude identifiant les risques de n’avoir personne sur certaines zones géographiques.
Enfin, il faut tenir compte de la spécificité des territoires ruraux auxquels appartient le département de la Nièvre pour définir d’autres critères que ceux qui sont habituellement exigés par l’agence régionale de santé en vue de maintenir des activités de soins. Nous avons plus que jamais besoin d’un service de santé organisé autour des hôpitaux de proximité.
service national universel
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteur de la question n° 129, adressée à Mme la ministre des armées.
Mme Jocelyne Guidez. « Jeunesse. L’âge du possible », écrivait Ambrose Bierce.
Si cette étape de la vie est marquée du sceau de l’insouciance, elle n’en demeure pas moins importante, tant par les expériences, les découvertes que par les décisions qui en résultent. Toutefois, la situation de certains jeunes de notre pays demeure aujourd’hui préoccupante : chômage encore trop élevé, précarisation liée à un faible pouvoir d’achat, perte de repères. Il devient urgent de mettre en œuvre une politique publique résolument ambitieuse pour cette génération.
Aussi, parallèlement aux réformes économiques et sociales envisagées, le service national universel constituerait un tremplin d’émancipation et de solidarité, ce creuset de la cohésion nationale. En outre, les armées permettraient de recréer ce lien de confiance entre la République et la Nation. Elles ont ainsi un rôle majeur. Or, madame la secrétaire d’État, le parcours citoyen, tel qu’il a été dernièrement présenté par les députés, ne demeure pas satisfaisant sur la forme, et le fond et ne serait pas à la hauteur des enjeux.
Par ailleurs, la question de la durée est au cœur des débats. Un mois, initialement envisagé par le Président de la République, puis, désormais, une semaine par an paraissent insuffisants. En effet, cette durée ne permettrait pas de sensibiliser correctement les intéressés aux règles civiques et républicaines, de les accompagner avec efficacité dans leurs projets et de les préparer convenablement au monde de la défense nationale. C’est pourquoi il serait préférable d’envisager une période de six mois, tout en tenant compte des problématiques liées au calendrier universitaire, à la signature de contrats de travail ou d’alternance.
Surtout, faire dans la demi-mesure coûterait cher pour peu de résultats. Si nous voulons donner à ces jeunes les moyens de réussir, alors allons jusqu’au bout, avec un budget adéquat. Certes, les contraintes budgétaires sont réelles, mais il s’agit avant tout d’un effort pour la Nation, un choix d’avenir.
Enfin, je tiens à le souligner, il existe des dispositifs qui fonctionnent très bien dans notre pays. Je pense aux centres du service militaire volontaire, en particulier celui de Brétigny-sur-Orge, qui opèrent un travail remarquable au niveau de l’insertion professionnelle et offrent ainsi une seconde chance à ces filles et ces garçons. Il pourrait donc être intéressant, une fois les objectifs déterminés, de s’orienter vers ce type de mesure, où l’association du militaire et du civil fonctionne parfaitement, où la mixité est rendue possible au travers, notamment, d’échanges avec des élèves issus de grandes écoles. Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d’État, les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame Guidez, le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation concernant l’avenir de nos jeunes et le lien entre la jeunesse et la Nation.
Comme vous l’indiquez dans votre question, le Président de la République s’est engagé à renforcer le lien entre l’armée et la jeunesse et, plus largement, à développer le sentiment d’appartenance à la Nation de notre jeunesse par la création d’un service national universel, qui sera marqué du sceau de l’engagement. Aussi, le Premier ministre a nommé en septembre dernier une mission interministérielle composée des inspections générales des ministères concernés pour dresser un état des lieux des nombreux dispositifs existants – ils sont très nombreux –, les évaluer et formuler des propositions. Le rapport a été remis au début du mois de novembre.
D’autres travaux menés parallèlement par les députés et les sénateurs vont permettre d’enrichir la réflexion du Gouvernement.
À ce stade, certains présupposés paraissent incontournables : le dispositif aura vocation à contribuer à la résilience de la Nation et à permettre un brassage social de la jeunesse ; il revêtira un caractère interministériel au regard des nombreuses contributions dont il bénéficiera ; il permettra de développer l’esprit de défense, de valoriser les métiers des armées et d’en renforcer l’attractivité ; il s’agira d’un dispositif en adéquation avec les objectifs et les moyens de l’État ; l’engagement des jeunes au profit de la société sera valorisé.
Vous l’aurez compris, il s’agit d’un projet de société d’envergure – on compte, je le rappelle, 800 000 jeunes par tranche d’âge –, qui nécessite du temps et une concertation avec tous les acteurs directement intéressés.
Même si nous n’en sommes qu’au début du processus d’élaboration du service national universel, la durée de six mois que vous évoquez, je vous le dis, n’est pas envisagée à l’heure actuelle.
Enfin, comme vous, le Gouvernement est mobilisé pour l’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi le dispositif du service militaire volontaire sera préservé dans son format actuel et inscrit dans la loi de programmation militaire, qui sera bientôt examinée par la représentation nationale.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je serai très attentive à la suite de ce projet, qui m’intéresse beaucoup. Je vous fais entièrement confiance : je sais que nous avancerons dans le bon sens.
conséquences de la crise migratoire dans le calvados
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, auteur de la question n° 102, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais faire état devant vous des conséquences de la crise migratoire dans le Calvados.
Ainsi, je rappelle que le démantèlement des campements près de Calais et le renfort des effectifs pour sécuriser les accès au tunnel sous la Manche n’ont pas pour autant fait disparaître les migrants, les conduisant à se déplacer.
Dans le Calvados, des communes littorales comme Ouistreham, petite ville portuaire, voient arriver de plus en plus de clandestins candidats au départ pour l’Angleterre – uniquement à cette fin ! –, surtout depuis le démantèlement de la « jungle » calaisienne et le rétablissement des contrôles aux frontières. Il s’agit de jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan ou d’Érythrée, désireux de s’embarquer par tout moyen sur les navires de la liaison maritime entre Ouistreham et Portsmouth assurée par la compagnie Brittany Ferries.
Des groupes d’individus, démunis, sont régulièrement signalés, errant en ville ou cachés sur des chantiers, dans des jardins ou sous des haies. Ils survivent dans des conditions précaires, en particulier durant la période hivernale. Ce flux de migrants, en augmentation croissante ces derniers mois, crée tensions et inquiétudes auprès de la population. La situation n’est satisfaisante sur le plan ni humanitaire ni sécuritaire. Quant à l’économie locale, elle se détériore par la baisse des ventes dans les commerces de la ville. De plus, des ventes de commerces et de biens immobiliers ainsi que des réservations d’hébergements touristiques sont annulées.
À Ouistreham, beaucoup ont en mémoire la détresse des habitants de Calais face au marasme de leur ville et craignent une crise migratoire qui s’installe dans la durée.
Il est impératif de mettre un terme à cet odieux trafic d’êtres humains sur notre territoire et de ne pas laisser se créer de nouveaux points de fixation.
Madame la secrétaire d’État, quels sont les résultats concrets obtenus à l’encontre des réseaux de traite des êtres humains opérant dans ou vers le Calvados ? Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour lutter plus efficacement contre les organisations criminelles et aider les collectivités territoriales débordées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur Allizard, les routes et les modes opératoires utilisés par les migrants souhaitant se rendre illégalement au Royaume-Uni, souvent guidés par des réseaux de passeurs sans scrupule, vous l’avez dit, varient. En conséquence, les autorités françaises adaptent leurs réponses afin de lutter contre les filières d’immigration irrégulière, de prévenir les franchissements illicites de la frontière et de garantir l’ordre public sur l’ensemble du territoire national.
Afin de contrecarrer l’activité des réseaux de passeurs, un travail impliquant l’ensemble des services de police et de gendarmerie est mené avec l’institution judiciaire. Dans l’ensemble de la zone de défense « ouest », quinze filières ont ainsi été démantelées de janvier à septembre 2017, soit une progression de plus de 36 % par rapport à la même période en 2016.
La pression migratoire constatée dans le Calvados, et plus particulièrement au port de Ouistreham, s’est en effet accrue au cours des dernières semaines. L’action des forces de sécurité intérieure a été orientée en conséquence : trente-huit militaires du groupement de gendarmerie du Calvados interviennent quotidiennement pour empêcher les tentatives d’intrusion dans l’emprise du port et contrôler la régularité du droit au séjour des personnes interpellées, avec le renfort de seize réservistes opérationnels, de seize gendarmes mobiles et le soutien d’un demi-escadron de gendarmes mobiles qui sera maintenu tant que cela sera nécessaire. Les militaires de l’opération Sentinelle interviennent également en soutien.
Enfin, il importe de dissuader les tentatives de franchissement illégal de la frontière franco-britannique par une sécurisation accrue des emprises portuaires. À cette fin, le Gouvernement a sollicité et obtenu du gouvernement britannique une contribution financière au renforcement des infrastructures de plusieurs ports de la Manche. Dans ce cadre, 2,44 millions d’euros sont alloués à la sécurisation du port de Ouistreham, notamment pour l’acquisition de systèmes de détection, la création d’un hangar d’inspection filtrage ainsi que l’installation de clôtures, de portails et de systèmes de vidéosurveillance. Ces travaux de sécurisation seront engagés au cours des prochaines semaines.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Toutefois, je souhaite rappeler que les collectivités territoriales se retrouvent à devoir gérer matériellement une situation anormale, qu’il s’agisse notamment du ramassage des détritus, du nettoyage ou de l’accroissement des patrouilles de police municipale. Rien que pour une petite ville comme Ouistreham, le coût supplémentaire s’élevait à 100 000 euros pour 2017, à un moment où les dotations de l’État aux collectivités diminuent.
Par ailleurs, et vous l’avez souligné, les stratégies des réseaux de passeurs sont de plus en plus élaborées, ce qui rend les opérations de police d’autant plus compliquées. Ce qui nous inquiète également, c’est que des trafics s’organisent désormais sur nos aires d’autoroutes la nuit, mettant en péril la sécurité tant, certes, des migrants que des usagers ; c’est un fait avéré.
Des migrants ont déjà été condamnés en correctionnelle à Caen pour des violences sur les forces de l’ordre. La situation déborde d’ailleurs largement sur Caen et sa proche périphérie, où se créent des points de regroupement de migrants dans lesquels les trafics et la misère prospèrent. Nous souhaiterions que l’État en prenne toute la mesure. La seule augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, que je salue par ailleurs – elle était nécessaire –, ne pourra pas tout résoudre.
Au-delà de la France, c’est bien, je le crois, l’Union européenne qui est face à une crise migratoire qu’elle a laissé s’amplifier. Une plus grande fermeté et un meilleur respect des règles d’entrée et de séjour dans l’Union européenne, ainsi probablement qu’une plus grande coopération pour le développement avec les pays d’origine seraient nécessaires. Peut-être faudrait-il également que le Royaume-Uni s’implique davantage – vous avez évoqué les 2,44 millions d’euros, information que nous partageons – dans la résolution de la crise migratoire et dans la prise en charge des migrants.
Je souhaite que le sommet franco-britannique prévu jeudi traite également de ce sujet. Je crois que nous n’échapperons pas à une réflexion sur la remise en cause ou, en tout cas, sur la renégociation des accords du Touquet.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Modifications de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, mercredi 31 janvier, en raison de la tenue de la conférence des présidents à dix-neuf heures et en accord avec le groupe Les Républicains, les commissions concernées et le Gouvernement, l’examen de la suite éventuelle de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, puis l’examen de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public commenceraient à vingt et une heures trente.
Par ailleurs, il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes jeudi 8 février, à dix heures trente.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Enfin, le groupe Union Centriste a demandé de limiter à quarante-cinq minutes la durée de la discussion générale sur la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap examinée au sein de son espace réservé du mercredi 31 janvier 2018.
Acte est donné de cette demande.
7
Situation et avenir de la SNCF
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « La situation de la SNCF et son avenir ».
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe Les Républicains, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe auteur de la demande.
M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre chargée des transports, mes chers collègues, si notre groupe a demandé l’organisation de ce débat, c’est en raison des très nombreux incidents et dysfonctionnements qui ont eu lieu au cours de l’année 2017. Nous n’allons cependant pas refaire la SNCF en dix minutes…
Madame la ministre, si je vous dis : « La situation de la SNCF est dramatique. Il faut faire des réformes. Il faut envisager, par exemple, une réorganisation de l’entreprise. Il faut envisager de modifier le système des régimes spéciaux. Il faut envisager une réforme du statut. Il faut envisager une réforme du rythme même des rotations. » Vous allez conclure que la droite veut déclarer la guerre à la SNCF. Manque de chance, ce sont les déclarations du Président de la République lorsqu’il envisageait, en parallèle, de reprendre à la charge de l’État une partie de la dette de la SNCF…
Vous avez reçu les responsables de la SNCF. Après chaque réunion, fort intéressante, on a entendu : « Nous allons faire une expertise ! Il va y avoir un diagnostic des gares, des lignes ! La SNCF s’engage à mieux informer, à faire en sorte que ça se passe mieux avec les usagers ! » La réalité est malheureusement catastrophique. C’est vrai pour l’Île-de-France, qui représente 60 % des déplacements, mais ça l’est aussi pour l’ensemble du pays.
Tous les Français, quel que soit leur attachement à la SNCF ou aux « valeurs cheminots », constatent des retards, des annulations, une insécurité dans les trains ou une très mauvaise utilisation de lignes. Tous sont amenés à se demander ce que devient l’entreprise publique ferroviaire.
Les documents de la SNCF contiennent évidemment des éléments positifs : on nous annonce 5 milliards d’euros d’investissement en 2018, des efforts en matière d’information, de nouvelles technologies, de numérisation… Mais quelle est la réalité ? Les usagers sont lassés ! Madame la ministre, ce qui s’est passé à plusieurs reprises, que ce soit à la gare Montparnasse, à la gare Saint-Lazare, à Rennes, à Marseille ou à Nice est absolument inadmissible pour un service public. Il ne suffit plus d’annoncer qu’on va prendre des mesures ou faire un diagnostic : on attend un plan d’urgence ferroviaire ! On attend que vous mettiez en œuvre la véritable révolution des transports promise par le candidat Macron, mais dont il parle beaucoup moins aujourd’hui, à savoir la réorganisation du système. Avec mon collègue Philippe Dominati, nous avions par exemple proposé de fusionner les entreprises franciliennes de transports pour créer une entreprise unifiée de transports en Île-de-France. Il s’agit non pas de remettre en cause le service public, mais de le réorganiser.
En disant aujourd’hui, et encore demain, qu’en tout état de cause, nous ne voulons pas prendre de mesures de réorganisation de l’ensemble de l’entreprise publique ferroviaire, nous n’avons aucune chance de voir la situation s’améliorer. Comprenez-nous bien : nous ne mettons en cause ni les agents ni les dirigeants de la SNCF. C’est l’État, dirigé par des gouvernements de gauche comme de droite – de ce point de vue, nous sommes tranquilles ; il y en a pour tout le monde ! –, qui s’est désengagé : soit il a très souvent laissé l’entreprise seule face aux investissements, soit il lui a imposé une politique en faveur des lignes à grande vitesse en n’assurant plus en réalité l’entretien des lignes du quotidien ou des lignes classiques. Résultat des courses, nous avons, certes, beaucoup plus de lignes à grande vitesse qu’il y a dix ans ou vingt ans, mais le réseau du quotidien est complètement usé. Le matériel et le réseau ferroviaire sont en grande partie dépassés. C’est la cause des accidents, des incidents, des retards et des dysfonctionnements.
On peut donc comprendre que l’actuelle direction de la SNCF nous dise : « Soutenez-nous, aidez-nous, mais ne nous mettez pas en cause ! » Mais il y a tout de même un problème ; en fait, il y en a même plusieurs. J’évoquerai simplement deux ou trois sujets, en espérant obtenir des réponses.
D’abord, voilà cinq ans, lorsque je m’exprimais dans cet hémicycle sur le même thème, le ministre des transports de l’époque me répondait : « Rassurez-vous, monsieur Karoutchi. Certes, j’ai bien compris que vous vous interrogiez sur l’ouverture à la concurrence, et c’est vrai que c’est un problème compliqué. Mais nous allons aider l’entreprise, et vous allez voir ce que vous allez voir : dans cinq ou six ans, l’entreprise SNCF sera prête à l’ouverture à la concurrence ! » Cinq ans après, le ministre n’est plus le même ; moi, je suis à peine différent…
M. Bruno Sido. Tu as un peu vieilli quand même !
M. Roger Karoutchi. Je vous en prie… (Sourires.)
L’entreprise SNCF, elle, n’a pas changé : elle n’est toujours pas prête, pour diverses raisons.
Certains sont opposés à l’ouverture à la concurrence et souhaitent trouver d’autres systèmes, afin que l’ouverture prévue en 2020 ne se fasse pas. D’autres constatent ce qu’est la réglementation européenne. Sommes-nous prêts pour l’ouverture à la concurrence dans deux ans ? J’ai vu que Xavier Bertrand faisait le pari de l’ouverture à la concurrence dès 2018 pour la région Hauts-de-France ; nous verrons bien s’il y parviendra. Je le répète, l’entreprise SNCF est-elle prête pour l’ouverture à la concurrence qui arrive ? Est-ce qu’un plan a été mis en place entre le Gouvernement et la SNCF ?
Autre sujet : la dette de la SNCF doit être aux alentours de 55 milliards d’euros. Il lui est donc difficile d’investir dans ces conditions. L’État répond qu’il va demander aux régions de participer aux financements. D’ailleurs, j’ai vu que les responsables de la SNCF indiquent dans leurs documents pour 2018 avoir mis en place quarante nouveaux trains en Île-de-France. Ils sont bien gentils, mais je m’empresse de préciser que c’est la région qui les a payés. Rendons à César ce qui est à César !
Aujourd’hui, la SNCF n’a ni moyens ni marges de financement. Elle se vante d’un surcroît de fréquentation – et c’est tant mieux ! –, mais, sur le réseau non-LGV, son offre n’est plus une offre digne de ce nom. Le matériel est usé, les réseaux sont usés et les usagers sont aussi usés que le matériel !
Par conséquent, madame la ministre, il faut peut-être un plan d’urgence sur l’ensemble des lignes ; nous l’avons demandé pour l’Île-de-France, mais il faut sans doute le demander pour toute la France. C’est bien sympathique de nous dire qu’il va y avoir des diagnostics… Honnêtement, je ne pensais pas qu’il y aurait besoin d’une rencontre entre le président de la SNCF et la ministre chargée des transports pour nous annoncer qu’il allait y avoir un diagnostic des gares. On aurait pu imaginer que l’entreprise le fasse d’elle-même sans avoir besoin d’une rencontre au sommet.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Ouverture à la concurrence, dette insupportable, refus de changement de statut… Madame la ministre, que comptez-vous faire de l’entreprise ferroviaire ? Que proposons-nous aux Français, aux agents et à la direction de la SNCF ? Personne ne remet en cause les traditions de cette entreprise publique. Tous les Français sont très attachés à leur entreprise ferroviaire. Mais il ne faut pas la laisser mourir sous la dette, les dysfonctionnements et le ras-le-bol des usagers ! S’il ne se passe rien, si l’on continue comme avant, avec une réunion au sommet chaque année pour dire que l’on va prendre des mesures, ça finira mal ! La SNCF devra affronter une concurrence effrayante de la part des sociétés allemandes, britanniques, italiennes ou espagnoles, et le crédit public ne marchera tout simplement plus !
Madame la ministre, les Français tiennent beaucoup à la SNCF surtout si elle fonctionne, si les trains sont à l’heure, s’ils sont modernes et si l’entreprise leur fait envie. Comment allez-vous leur redonner envie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, puisqu’il s’agit de ma première intervention dans cet hémicycle en ce début d’année, permettez-moi de vous présenter tous mes vœux pour 2018.
Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, je vous ai écouté attentivement. Je partage certaines de vos interrogations et de vos préoccupations, mais pas nécessairement tous vos propos.
Personne dans cet hémicycle ne nie les dysfonctionnements qui ont eu lieu ces derniers mois. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les événements survenus à la gare Montparnasse l’été dernier ou à Bercy à Noël, sans oublier le terrible drame survenu à Millas en fin d’année dernière. Vous le savez, les enquêtes sont en cours, il ne m’appartient donc pas de m’exprimer sur ce sujet aujourd’hui.
Vous le savez également, et vous l’avez rappelé, j’ai reçu les dirigeants du groupe SNCF, qui m’ont présenté leur nouveau plan de management des travaux qui vont intervenir sur le réseau, travaux qui sont une des causes de dysfonctionnement ; ils vont également engager un audit des grandes gares du pays. Cette décision a peut-être été prise un peu tardivement ; néanmoins, elle constitue un progrès, car ces grandes gares sont des points particulièrement sensibles. La moindre panne peut avoir des répercussions sur des dizaines de milliers de voyageurs.
Reste que, dans l’histoire ferroviaire des trente dernières années, qu’on se le dise clairement, ce n’est pas la SNCF seule qui a fait ces choix : l’État a sa part de responsabilité, avec un sous-entretien et un sous-investissement dans les réseaux existants, en lien avec une politique du tout-TGV qui a bénéficié de nombreux soutiens. Nous en débattrons au Sénat dans le cadre de la loi de programmation des infrastructures. C’est pourquoi le Gouvernement a clairement annoncé, comme l’a souligné le Président de la République le 1er juillet dernier, que notre priorité irait à l’entretien et à la modernisation des réseaux. C’est un choix courageux qui ne va pas de soi et qui ne fait pas que des heureux sur l’ensemble des territoires.
Dans cette logique d’une priorité accordée à l’entretien et à la régénération des réseaux, 5,2 milliards d’euros seront engagés en 2018. Mais investir plus de 5 milliards d’euros dans le réseau – ce qui est une bonne nouvelle, puisque cela signifie investir pour des infrastructures rénovées et plus efficaces, investir dans l’avenir et dans l’outil de production de la SNCF – engendrera, vous l’imaginez, des désagréments temporaires, car il faudra bien réaliser les travaux. Personne ne peut affirmer aujourd’hui que le réseau ne connaîtra pas de nouvelles pannes ou de nouvelles perturbations, ni garantir que nous serons capables de rattraper en quelques mois des décennies de sous-investissements. C’est pourquoi j’ai également demandé aux opérateurs d’être particulièrement vigilants quant à l’information des voyageurs, a fortiori lorsque la situation est perturbée. Je partage ici vos préoccupations : il n’est pas acceptable que les Français ne puissent pas bénéficier d’une information claire, simple et efficace sur les possibilités de déplacements qui s’offrent à eux.
Cependant, on ne peut pas évoquer uniquement les trains qui n’arrivent pas à l’heure ; je souhaite ici, devant vous, saluer le formidable investissement des agents de la SNCF et leur volonté quotidienne d’offrir aux Français les meilleures conditions de transport.
Alors que la SNCF célèbre ses quatre-vingts ans d’existence en 2018, le trafic a atteint en 2017 des records, qui sont la preuve de l’attachement des Français au transport ferroviaire.
En 2017, la fréquentation a progressé de 10 % dans les TGV, de 8 % dans les Intercités – je rappelle que l’État investira 3,7 milliards d’euros dans de nouveaux matériels –, de 4,6 % dans les TER et de 3,2 % en région parisienne. Cette croissance du trafic est également la preuve que la santé économique du pays s’améliore, car, quand la croissance est là, elle engendre plus de trafic, ce qui est un bon signe. Je ne parle pas uniquement du TGV ; je sais l’importance que vous accordez également aux autres lignes, aux trains qui desservent l’ensemble des territoires.
Concernant les TGV, je veux être claire : il ne s’agira pas d’aller vers moins de TGV, car je souhaite que le TGV soit populaire et accessible à tous.
Nous avons fait un choix collectif depuis toujours d’avoir des TGV qui vont partout, au-delà du réseau à grande vitesse. Je ne remets pas en cause cette décision : les Français y sont très attachés. Mais il faut avoir conscience que ce choix collectif a un coût et qu’on ne peut pas demander tout à la fois que les TGV aillent partout, que le prix des billets soit moins élevé et que la SNCF paie très cher pour faire circuler ses trains sur le réseau des lignes à grande vitesse.
Aussi, mon devoir en tant que ministre chargée des transports n’est pas uniquement de faire en sorte que tout aille mieux en 2018. C’est aussi de prévoir l’avenir pour projeter la France et son modèle ferroviaire dans le XXIe siècle ; je veux rappeler ma détermination sur ce point.
L’État se dotera dès cette année d’une stratégie claire pour le ferroviaire. C’est le sens des missions confiées à Jean-Cyril Spinetta pour une réflexion d’ensemble sur le modèle ferroviaire. C’est également le sens des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron – Conseil auquel le Sénat a été pleinement associé par les sénateurs Maurey, Cornu et Dagbert.
Au vu de ces deux rapports qui seront rendus à la fin du mois, le Gouvernement proposera une stratégie ambitieuse. Au printemps, nous aurons à débattre du modèle ferroviaire et d’une programmation soutenable. Car nous devons collectivement redéfinir ce que notre pays attend de ses trains, remettre le modèle économique en état de marche – 3 milliards d’euros de dette par an, ce n’est pas soutenable – et réussir l’ouverture à la concurrence prévue par les textes européens et demandée par les régions, c’est-à-dire plus de voyageurs dans les trains, une plus grande satisfaction des clients, un meilleur rapport qualité-prix et des cheminots rassurés sur leur avenir.
Ma méthode est simple. Elle repose sur la concertation avec l’ensemble des acteurs. J’en veux pour preuve le succès des Assises nationales de la mobilité.
Préparer les mobilités des prochaines décennies, c’est-à-dire la mobilité pour tous et dans tous les territoires, est un véritable projet d’aménagement du territoire. Nous travaillerons donc avec tous les élus, ainsi qu’avec les régions et les agglomérations. Selon les choix qui seront faits, des investissements seront bien sûr réalisés. Mais il faut que nous tirions le meilleur parti de chaque solution. Le TER doit aussi être un transport de masse, avec davantage de voyageurs dans les trains. Je pense que le ferroviaire doit jouer un rôle plus important dans nos agglomérations.
Je tiens à le redire devant vous, une politique de mobilité ne se résume pas à une politique d’infrastructure. C’est tout l’esprit des Assises de la mobilité. Je pense à notre formidable capacité à innover, et je souhaite que nous puissions inventer de nouvelles réponses aux besoins de déplacements, qu’il s’agisse de véhicules autonomes, de covoiturage ou encore de l’ouverture des données.
Concernant la SNCF et son avenir, je le dis très sereinement, j’ai confiance dans le modèle ferroviaire français, dans sa capacité à évoluer et à se moderniser. J’ai confiance dans le regard que portent les Français sur leur opérateur historique et dans les agents qui y travaillent au quotidien. Nous aurons l’occasion au printemps de discuter ensemble dans un esprit constructif et de définir conjointement les grandes orientations du modèle ferroviaire de demain, pour les territoires que vous représentez et pour la Nation tout entière.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant m’efforcer de répondre du mieux possible à vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
Débat interactif
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.
J’appelle votre attention sur le fait que, à seize heures quarante-cinq, se tiendront les questions d’actualité au Gouvernement. J’encourage donc chacun à respecter strictement son temps de parole.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Je poserai donc une question à grande vitesse…
Les péages acquittés par les opérateurs et les autorités organisatrices de transport auprès de SNCF Réseau représentent environ 5,6 milliards d’euros par an.
À la demande de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, SNCF Réseau s’était engagée en 2015 à remettre à plat l’ensemble du système de sa tarification à l’horizon de 2018. Le système actuel de redevances date de 2008 et le niveau des péages aujourd’hui constaté, vous l’avez souligné, est le fruit d’évolutions successives qui ont obéi à des logiques budgétaires et peu prévisibles. En conséquence, les tarifs sont peu justifiés et manquent de lisibilité pour les opérateurs.
Cette refonte tarifaire est obligatoire pour mettre en conformité les barèmes des péages avec les règles européennes qui imposent une tarification « au coût direct », c’est-à-dire au prix permettant de couvrir le coût lié à la circulation d’un train, ce qui n’est pas le cas de la redevance de circulation facturée aujourd’hui aux TER et aux trains de fret. Pour couvrir, au-delà du « coût direct », tout ou partie des coûts fixes du réseau, les majorations tarifaires doivent être justifiées.
Le déséquilibre persistant de la situation financière de SNCF Réseau est bien évidemment une réalité qu’il importe d’intégrer. Pour autant, ce déséquilibre ne saurait détourner le gestionnaire de l’infrastructure d’un objectif indispensable de la réforme ferroviaire : rétablir de bons signaux économiques incitant à optimiser l’utilisation du réseau et à rationaliser les choix d’investissement.
Ce sont plus de 5 milliards d’euros qui seront engagés cette année dans le cadre des 1 700 chantiers programmés sur le réseau pour l’année 2018. SNCF Réseau est ainsi dans son rôle, mais doit aussi composer avec une dette abyssale de plus de 45 milliards d’euros.
Voilà autant de freins incompressibles pour imaginer que la situation évolue favorablement ; il est donc essentiel que l’État puisse être à la manœuvre pour imaginer des solutions permettant de sortir de cette spirale infernale.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les pistes aujourd’hui imaginées pour sortir de cette impasse financière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’aurai l’occasion de revenir dans la suite du débat sur la structure des péages.
La capacité à maîtriser l’évolution de la dette de la SNCF, en réduisant les déficits annuels de SNCF Réseau et en revenant à l’équilibre, est un sujet majeur de préoccupation pour le Gouvernement. Au demeurant, l’Europe nous interroge également. Ce point se trouve au cœur du contrat entre l’État et SNCF Réseau, qui prévoit une stabilisation de la dette à l’horizon de 2026 à un niveau de 63 milliards d’euros, soit largement au-dessus des 50 milliards d’euros que nous atteindrons cette année.
Les efforts prévus dans le cadre du contrat sont également complétés par le dispositif dit de la « règle d’or », qui interdit à SNCF Réseau d’investir dans de nouvelles infrastructures tant que le ratio entre la dette et la marge opérationnelle n’est pas inférieur à 18. SNCF Réseau ne pourra pas, chacun doit bien l’avoir en tête dans les discussions que nous aurons sur les nouvelles infrastructures, participer financièrement aux investissements de développement.
Par ailleurs, si la trajectoire du contrat constitue aujourd’hui une référence, les réflexions sur l’assainissement financier de ce secteur doivent se poursuivre. En particulier, les hypothèses très dynamiques de péage retenues posent question au regard de leur soutenabilité par les entreprises ferroviaires. La mission confiée à Jean-Cyril Spinetta vise à porter un regard d’ensemble sur le modèle économique du ferroviaire et à interroger les hypothèses sous-jacentes à ce contrat. Dans ce cadre, la question du traitement de la dette historique de SNCF Réseau sera nécessairement posée.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. La privatisation du rail imposée par Bruxelles et présentée par beaucoup comme l’ultime solution n’est pas souhaitable si l’on veut conserver un véritable service public pour tous. Le ferroviaire est un élément tellement indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique qu’il est aberrant que la puissance publique se dessaisisse de ses prérogatives stratégiques sur le rail.
On oublie de rappeler que les pays qui sont souvent cités en exemple de la libéralisation – la Suède, l’Allemagne – subventionnent par ailleurs très largement leur réseau ferré et ont mis en place une véritable politique de développement du rail – voyageur ou fret – sur leur territoire.
J’ai déjà eu l’occasion de saluer les choix du Gouvernement de suspendre certains grands projets de lignes à grande vitesse pour réorienter une partie des financements vers le réseau secondaire, comme vous l’avez rappelé, ce réseau régional de proximité si essentiel qui fait au quotidien la vitalité de nos territoires. C’est le cas, notamment, de l’étoile ferroviaire de Veynes, seule liaison ferrée entre le nord et le sud du massif alpin. Mais, comme de nombreuses autres à travers le pays, cette ligne, faute de financements suffisants, se dégrade lentement et perd des usagers à mesure qu’elle perd en qualité, s’enfermant dans un cercle vicieux.
Les régions, qui ont fourni un effort considérable pour préserver le ferroviaire régional, subissent aujourd’hui des baisses de dotations, ce dont pâtit grandement le réseau. SNCF Réseau, propriétaire des lignes et bénéficiaire des péages ferroviaires, ne finance plus les travaux de rénovation qu’à hauteur de 15 % de leur montant. L’argent collecté par les péages n’est plus totalement réinjecté sur l’entretien des lignes. Les régions se retrouvent dans la situation d’un locataire dans l’obligation de prendre à sa charge les travaux de rénovation de son appartement en lieu et place du propriétaire défaillant.
Une nouvelle organisation est à envisager pour ces lignes locales. Si la « régionalisation » est une piste, notamment en ce qui concerne l’exploitation, elle ne doit pas se traduire par un désengagement complet de l’État. Madame la ministre, comment comptez-vous donner davantage de moyens aux régions pour exercer ces éventuelles nouvelles missions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la ligne que vous mentionnez est en effet une des illustrations des défauts d’entretien et d’investissement qu’a connus notre réseau, je le redis, au cours des dernières décennies. C’est ce qui justifie la priorité accordée à l’entretien et à la modernisation du réseau. J’ai eu l’occasion de le souligner : 5 300 kilomètres de lignes font aujourd’hui l’objet de ralentissements.
Plus de 5 milliards d’euros seront dépensés pour l’entretien et la modernisation au cours de l’année 2018. Je pourrais également mentionner les 34 milliards d’euros prévus dans le cadre du contrat entre l’État et SNCF Réseau sur les dix ans à venir, qui seront investis sur le cœur du réseau. Les incidents qui ont été évoqués montrent à quel point ce réseau a besoin d’être modernisé.
Malheureusement, ces investissements ne portent pas sur les lignes « secondaires », qui ont vocation à être prises en compte dans le cadre des contrats de plan État-régions à hauteur de 1,5 milliard d’euros dans le contrat de plan 2015-2020. Il apparaît aujourd’hui clairement que cette somme ne sera pas suffisante. Il faudrait débloquer environ 5 milliards d’euros pour pouvoir assurer la pérennité de l’ensemble de ces lignes secondaires. Gérer à la fois la remise à niveau du cœur du réseau et faire face à des besoins aussi importants pour assurer la pérennité de l’ensemble du réseau est un défi.
Tout cela renvoie à des discussions qui auront lieu entre l’État et les régions, c’est-à-dire les autorités organisatrices, sur les meilleures modalités pour faire face à cette situation et pour répondre aux besoins de nos concitoyens, avec un objectif clair : maintenir une accessibilité dans ces territoires, quel qu’en soit le mode.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Dominique Vérien. Depuis 2009, l’ARAFER doit formuler des avis sur les conditions d’accès aux infrastructures ferroviaires : des avis juridiquement contraignants sur les tarifs et des avis consultatifs sur les conditions techniques et contractuelles.
Or, par le décret du 7 septembre 2017, le Gouvernement est venu au secours de SNCF Réseau, qui faisait face à un avis défavorable de l’ARAFER en matière de tarifs. Ce décret supprime le caractère « juridiquement contraignant » de l’avis de l’ARAFER sur SNCF Réseau et permet à celle-ci d’augmenter ses prix au détriment des opérateurs et, par conséquent, des usagers et des régions. Le Gouvernement a ainsi assoupli le contrôle de l’ARAFER, et ce contre l’avis, entre autres instances, du CNEN, représentant les collectivités territoriales, en particulier les régions.
Le 8 janvier dernier, vous avez souligné, madame la ministre, la nécessité de conduire un audit au sein de SNCF Réseau… Ce qui se comprend bien, parce qu’avoir supprimé le caractère contraignant des avis de l’ARAFER sur SNCF Réseau pose clairement un problème pour s’assurer que l’entreprise respecte bien ses engagements contractuels à l’égard de l’État. Comment en sortir ? On ne voit pas bien en quoi un énième audit réglera la question.
Madame la ministre, envisagez-vous de revenir sur le décret du 7 septembre 2017 ou, à défaut, de confier à l’ARAFER les moyens de s’assurer que SNCF Réseau respectera bien ses engagements contractuels ?
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, l’ARAFER a effectivement prononcé un avis défavorable sur le projet de tarification pour 2018 soumis par SNCF Réseau en soulevant des questions de fond sur la structuration des péages, sur la nature des coûts à répercuter et sur la prise en compte du marché, comme le permet la réglementation européenne. Il n’est pas apparu possible, en l’espace des quelques semaines dont disposait le Gouvernement, de revoir en profondeur les principes de tarification applicables pour l’année 2018. C’est dans ce contexte qu’un décret a permis d’assurer une simple indexation de la tarification qui existait en 2017.
Pour 2019, le projet de tarification a été adopté par le conseil d’administration de SNCF Réseau le 30 novembre dernier. Il est actuellement soumis à l’avis conforme de l’ARAFER, qui rendra ses conclusions début février.
L’ARAFER, comme je l’ai souligné, a souhaité un meilleur reflet des coûts. C’est ce qui est intégré dans le projet de tarification pour 2019, lequel, sans entrer dans des détails trop techniques, comprendra une redevance de circulation tenant compte du poids des trains, la prise en considération de l’évolution du modèle de coût pour les coûts directement imputables et une redevance de marché visant à rendre compte de la possibilité offerte de tarifer au-delà du coût marginal si le marché s’y prête.
Cette nouvelle tarification suppose une adaptation du cadre réglementaire. C’est pourquoi un décret revoyant la structure de la tarification, en lien avec les demandes de l’ARAFER, a été préparé par le Gouvernement. Il sera très prochainement soumis à l’avis de l’ARAFER pour disposer d’un cadre répondant aux enjeux économiques de SNCF Réseau et respectant à la fois les principes fixés par la loi et par les décrets, ainsi que les exigences de l’ARAFER.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Michel Houllegatte. L’ouverture prochaine à la concurrence, conformément aux règles européennes, n’est pas sans susciter de vives inquiétudes chez les salariés du groupe SNCF. Certains pointent le risque lié à un manque d’anticipation et dénoncent l’absence de cadrage précis des conditions de cette ouverture.
Deux thématiques sont principalement mises en avant.
La première est relative aux périmètres concernés par cette ouverture. Ils doivent en effet être strictement définis et leurs impacts évalués sur le plan économique, social et fonctionnel, et ce préalablement au lancement de chaque appel d’offres. Il semble également, afin de ne pas déstabiliser le système, qu’une progressivité dans l’ouverture de ces appels d’offres serait nécessaire.
La seconde thématique concerne bien évidemment les personnels, qui souhaitent, en cas de transfert, une garantie sociale assurant aux agents de la SNCF le maintien du statut et des droits qui y sont associés. Ils souhaitent également la mise en place d’une garantie de l’emploi pendant la durée du marché. De même, la création d’un droit au transfert avec option du salarié, permettant ainsi aux agents de choisir leur avenir, est souvent évoquée. Ce dernier point me semble d’ailleurs fondamental, témoignant ainsi de l’attachement de bon nombre de cheminots au groupe public ferroviaire en dépit des mobilités géographiques qu’il imposera pour ceux qui choisiraient de rester au sein du groupe.
Ma question est donc la suivante : quelles sont les modalités, quelles démarches ont été ou seront engagées pour anticiper cette ouverture à la concurrence, notamment sur les aspects sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, l’ouverture à la concurrence, si elle n’est pas une surprise, est néanmoins une transformation profonde que nous devons préparer et discuter avec l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des autorités organisatrices régionales ou, bien sûr, des cheminots. C’est le sens de la mission qui a été confiée à Jean-Cyril Spinetta.
Il s’agit de prendre le temps de réfléchir, dans une approche globale, au modèle d’ouverture à la concurrence, en regardant en face l’ensemble des difficultés que peut rencontrer notre modèle ferroviaire. La mission confiée à Jean-Cyril Spinetta vise à étudier la place que la Nation veut donner au train dans le cadre de la politique de mobilité – le monde a changé, il existe désormais des offres aériennes low cost et des cars Macron. A contrario, nos métropoles se sont beaucoup développées ; or, bien souvent, le réseau ferré n’a pas accompagné leur développement. Quelle place devons-nous et pouvons-nous donner au train, y compris en ce qui concerne le fret ? Quel modèle économique soutenable pouvons-nous proposer à notre groupe public ferroviaire ?
Il faudra certainement envisager une forte implication de la Nation dans la mise à niveau de notre modèle économique, avec une ouverture à la concurrence qu’il importera, en effet, d’organiser sans attendre le dernier moment, contrairement à ce que l’on a pu faire par le passé. Cette ouverture doit se faire progressivement, en rassurant les agents sur leur avenir. Tel est l’objectif de la mission de Jean-Cyril Spinetta. Je vous invite, monsieur le sénateur, à attendre encore quelques jours pour connaître les conclusions de cette mission, dont nous aurons certainement à débattre dans cette enceinte.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Un petit rappel historique me paraît important.
L’année 2017 a été marquée par une série d’incidents dans plusieurs grandes gares. Des améliorations sont nécessaires. La SNCF en est consciente. Pour ce faire, elle a déjà pris des mesures, notamment avec le programme ROBIN.
Les critiques formulées en France, il faut le savoir, ont des conséquences sur l’exploitation du groupe à l’international. Or, la SNCF, ce ne sont pas que des retards. Ce sont 14 220 trains sur le réseau par jour, avec un taux moyen de ponctualité de 88 % pour le Transilien, de 89 % pour les TGV et de 91 % pour les TER. Ce sont également 30 000 kilomètres de lignes exploitées, dont 2 600 en grande vitesse. La SNCF est aussi responsable du transport quotidien de cinq millions de voyageurs, le tout en assumant le nouveau risque terroriste.
J’ai siégé pendant plusieurs années au conseil d’administration de RFF, qui a poursuivi les dossiers déjà engagés par la SNCF. J’ai pu me rendre compte du rôle de l’État dans la définition des stratégies du groupe et des considérations parfois étrangères à l’intérêt général. Si, aujourd’hui, il y a des pannes et des retards, c’est en partie la faute de l’État et des politiques de tous horizons, qui ont préféré investir dans les LGV plutôt que dans la rénovation du réseau.
Je citerai un exemple parmi d’autres, à savoir le projet de LGV Poitiers-Limoges. Initié par Jacques Chirac, le projet a été relancé par François Hollande en 2016 après que le Conseil d’État eut pourtant jugé illégale la déclaration d’utilité publique. En plus de dix ans, le coût des études de ce projet à l’arrêt s’élève à près de 200 millions d’euros pour une voie !
Aujourd’hui, l’âge moyen du réseau français est de trente-trois ans, ce qui justifie de nombreux ralentissements. Aussi, je me réjouis, madame la ministre, de vos annonces.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, il est en effet urgent de réorienter les investissements sur l’entretien et sur la modernisation du réseau. Il est également important de sortir le groupe public ferroviaire des injonctions contradictoires dans lesquelles il a trop longtemps dû agir.
On ne peut pas non plus ignorer les difficultés que rencontrent les voyageurs, notamment dans les transports au quotidien.
M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela appelle une priorisation et un ciblage des investissements très importants qui seront consentis par l’État et le groupe public dans les prochaines années pour remettre à niveau notre réseau. C’est bien le sens du diagnostic qui a été lancé par SNCF Réseau pour anticiper les points de fragilité dans les grandes gares, qu’elles soient parisiennes ou en région, et les traiter afin d’éviter de perturber le transport de dizaines de milliers de voyageurs.
Mais je pense aussi qu’il est important de pouvoir évaluer la qualité du service offert par la SNCF au-delà des réactions d’agacement que chacun peut avoir – comme je le disais précédemment, dans leur écrasante majorité, les trains arrivent à l’heure, fort heureusement ! C’est dans cette perspective que la SNCF mettra en place dans les prochains jours un indicateur de gravité des incidents, à l’instar de ce qui existe dans d’autres domaines, comme la météorologie ou le nucléaire. Il importe que la SNCF manifeste la plus grande transparence sur la performance de son service. C’est la raison pour laquelle elle publiera désormais, à J+1, des indications relatives à la régularité des trains sur chacun des sous-réseaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Josiane Costes. Madame la ministre, j’ai lu avec attention le compte rendu de votre entretien avec Guillaume Pepy, PDG de SNCF Mobilités, et Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, à la suite des dysfonctionnements qu’ont connus les grandes gares parisiennes ces derniers temps.
Vous avez annoncé que 5,2 milliards d’euros seront consacrés dès 2018 à l’entretien et à la régénération du réseau, lequel a souffert d’un sous-investissement dramatique depuis plusieurs décennies en raison des sommes très importantes mobilisées par la construction des lignes à grande vitesse, mais nous aimerions connaître le fléchage de ces financements.
Vous le savez, l’état de nombreuses lignes d’irrigation du territoire est lui aussi globalement mauvais. Or ces lignes sont absolument indispensables au désenclavement de nos départements ruraux.
Je prendrai l’exemple de mon département, le Cantal, l’un des plus enclavés de France.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
Mme Josiane Costes. La ligne Aurillac-Clermont risque de connaître une réduction de vitesse à 60 kilomètres par heure sur certaines portions du trajet si des travaux ne sont pas réalisés rapidement. La ligne Aurillac-Brive, qui ouvre le Cantal vers l’ouest, pourrait, quant à elle, connaître une suspension d’exploitation en 2021 si les 20 millions d’euros nécessaires ne sont pas débloqués.
Nos temps de trajet pour rejoindre Paris se sont rallongés – cinq heures trente en 1990 contre plus de six heures actuellement – et nous ne disposons d’aucun train direct, ce qui représente une vraie régression. La gare de Saint-Flour est en sursis. Vous le voyez, la situation du Cantal est absolument dramatique.
Ma question est donc simple : la régénération de ces petites lignes, essentielles à la vie de notre ruralité, est-elle bien budgétée dans les 5,2 milliards d’euros prévus ? La réalisation des travaux est urgente, indispensable pour que nous puissions sortir de chez nous et y revenir, et surtout pour donner corps à l’égalité des citoyens devant le service public et favoriser le développement de nos territoires déjà bien fragilisés. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je mesure parfaitement la difficulté que peuvent rencontrer des territoires tels que le département du Cantal ou la ville d’Aurillac. En effet, il faut plus d’une heure et demie pour rejoindre l’autoroute en toute sécurité et les lignes ferroviaires ont souvent vieilli. Quant aux liaisons aériennes d’aménagement du territoire, si elles sont soutenues par l’État, elles ne fonctionnent pas toujours au mieux.
De telles situations sont au cœur des priorités que le Gouvernement inscrira dans la future loi de programmation des infrastructures. J’ai déjà évoqué le projet de plan de désenclavement visant à l’achèvement de la mise à deux fois deux voies de nos réseaux – ou en tout cas leur mise à niveau, le passage systématique à deux fois deux voies n’étant pas nécessairement la réponse adéquate –, qui est reporté de contrat de plan en contrat de plan.
Nous prêterons bien sûr une attention particulière aux territoires enclavés, a fortiori ceux de zones de montagne comme le Cantal, pour lesquels la desserte ferroviaire a une importance particulière.
Je rappelle que 65 millions d’euros ont été investis au cours des dix dernières années sur la ligne Aurillac-Clermont. Par ailleurs, je me suis assurée que les crédits seront bien engagés en 2018 pour garantir la pérennité de cette ligne. Cela ne règle pas la question plus globale, que j’ai déjà évoquée, des investissements considérables nécessaires pour remettre en état la partie la plus fréquentée de notre réseau ferré national et pour assurer la pérennité de l’ensemble des lignes. S’agissant spécifiquement de la desserte d’Aurillac, je peux vous assurer que le nécessaire sera fait en 2018.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Laurent. Nous débattons aujourd’hui d’un sujet on ne peut plus prégnant au vu de l’actualité des derniers mois.
Les dysfonctionnements à répétition survenus récemment ont eu le mérite de mettre en lumière des situations que nous déplorons dans nos territoires. Nous n’avons eu de cesse, ces dernières années, d’alerter sur le fait que les infrastructures sont à bout de souffle. Certes, la SNCF n’est pas seule responsable de la situation. L’État n’a pas non plus été à la hauteur des enjeux et doit assumer sa part de responsabilité.
Le manque de moyens n’explique pas tout ; la désorganisation de la SNCF, la perte de compétences et de savoir-faire ont des conséquences directes sur la qualité des services.
Dans un contexte de mutations majeures de nos territoires, les transports et la mobilité doivent être une priorité de l’action publique, afin de répondre aux attentes de la population et des acteurs économiques.
La fracture territoriale en termes de mobilité est, dans nos territoires ruraux, une réalité qui ne peut perdurer. Il ne s’agit pas d’opposer le monde rural au monde urbain, mais il n’en demeure pas moins que les métropoles ont capté l’essentiel de la croissance, tandis que des territoires se dévitalisent, malgré les efforts des élus.
Le 9 décembre 2017, nous avons été contraints de bloquer les trains sur l’axe Saintes-Bordeaux. En effet, l’absence de travaux de maintenance a engendré des limitations de vitesse, induisant un allongement des temps de parcours pour les usagers et une qualité de service moindre.
Le 8 janvier dernier au soir, j’obtenais enfin un rendez-vous avec votre cabinet, madame la ministre. Je vous en remercie, mais j’attends toujours une réponse, que vous allez peut-être m’apporter aujourd’hui. Je déplore qu’il faille faire entendre fortement « nos voix sur les voies » pour être écoutés !
Cette baisse de performance aura des incidences sur tous les trains circulant sur l’axe Bordeaux-Saintes-Nantes, et ce, j’imagine, pendant plusieurs années.
Ce qui nous inquiète, c’est le désengagement de SNCF Réseau des lignes n’appartenant pas au réseau structurant. Le gestionnaire d’infrastructures ne pourra contribuer au financement de leur renouvellement qu’à hauteur des économies de maintenance liées à ces opérations, avec une implication de l’ensemble des parties prenantes dans le cadre des contrats de plan État-région.
Compte tenu des sommes en jeu et de la situation financière de la SNCF, nous restons circonspects et attendons des réponses et des propositions concrètes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la difficulté que vous soulignez montre, une fois de plus, la très grande fragilité de notre réseau ferré national, qui, je le redis, a souffert de décennies de sous-investissement.
Dans ce contexte, un rattrapage est indispensable, d’où l’investissement de 34 milliards d’euros sur les dix prochaines années dans le cadre du contrat entre l’État et SNCF Réseau. Ce contrat cible les investissements sur le réseau le plus fréquenté, le traitement des lignes au-delà de ce cœur de réseau devant être pris en compte dans le cadre des contrats de plan.
Je l’ai rappelé, ce sont 1,5 milliard d’euros qui seront investis dans les lignes ferroviaires du réseau secondaire sur la période 2015-2020. Il est clair que, avec cette enveloppe, on ne peut répondre à la totalité des besoins. En effet, l’ordre de grandeur des financements qu’il faudrait dégager pour assurer la pérennité de l’ensemble de ces lignes est de l’ordre de 5 milliards d’euros.
Je connais la situation dans la région Nouvelle-Aquitaine. Vous savez, monsieur le sénateur, qu’une réflexion a été engagée à l’échelon de la région, en lien avec le préfet, pour définir des priorités d’investissement en vue d’apporter, au cas par cas, la meilleure réponse et de ne pas laisser les territoires sans solution de transport.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République en Marche.
M. Arnaud de Belenet. Je voudrais saluer à mon tour l’outil formidable qu’est la SNCF et rappeler que, chaque jour, malgré des exigences toujours croissantes en termes de niveau de service et d’information, malgré la baisse des effectifs – il reste certes aujourd’hui encore 148 000 agents, mais des plans de restructuration sont encore prévus –, 15 000 trains circulent normalement et plus de 5 millions de voyageurs arrivent à destination.
Je salue les réponses que vous venez d’apporter, madame la ministre, concernant le choix stratégique qui a été opéré de mettre un terme à trente ans de priorité exclusive donnée aux lignes à grande vitesse. Cela permet d’envisager de nouveau une politique d’investissement dans les transports du quotidien et une remise à niveau de notre réseau.
Néanmoins, au-delà de cette option stratégique qui a prévalu pendant une trentaine d’années, une autre problématique tient à l’organisation même de la SNCF. Les trois structures existant aujourd’hui ne partagent pas nécessairement une même vision stratégique, n’ont pas de relations hiérarchiques et ne se financent pas entre elles. De ce fait, la SNCF ne pourrait sans doute pas accomplir ses missions sans l’engagement et la foi d’un certain nombre de ses agents.
À l’approche de l’ouverture à la concurrence, cette dimension organisationnelle ne constitue-t-elle pas un véritable enjeu si l’on veut conserver la qualité de service de la SNCF en refusant le modèle anglais, qui conduit à la hausse des tarifs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, l’organisation issue de la réforme de 2014 repose effectivement sur trois entités : un EPIC gestionnaire de l’infrastructure, un EPIC regroupant l’ensemble des services de mobilité et un EPIC de tête chargé d’assurer la cohérence du réseau.
Je voudrais souligner que l’architecture générale découle des règles européennes, lesquelles prévoient une séparation entre le gestionnaire de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires. Par le passé, cela avait conduit à une organisation RFF-SNCF dissociant la gestion opérationnelle de l’infrastructure de la propriété du réseau, confiée à SNCF Réseau. On peut sans doute estimer, a posteriori, qu’elle n’a ni simplifié la modernisation du réseau ni conduit à placer au premier plan des préoccupations la modernisation de l’infrastructure ferroviaire.
L’organisation issue de la réforme de 2014 est conforme au cadre fixé par les directives européennes. Des questions ont été soulevées, notamment sur la place des gares dans cette organisation. Cela fait partie des sujets examinés dans le cadre de la mission globale confiée à Jean-Cyril Spinetta. Des propositions avaient été faites, y compris par les parlementaires, quant aux évolutions possibles dans ce domaine. Nous pourrons revenir sur ces sujets lorsque nous débattrons des conclusions du rapport que nous remettra très prochainement Jean-Cyril Spinetta.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Ce débat sur la situation de la SNCF proposé par le groupe Les Républicains a pour objectif de nous faire croire que tout marcherait beaucoup mieux si l’entreprise publique était privatisée et si le service de transport était totalement ouvert à la concurrence. (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi protestent.)
Nous ne croyons pas à ces sornettes libérales. Il n’est plus à démontrer que toutes les expériences menées en ce sens ont conduit à une réduction du service rendu aux usagers, à une hausse des tarifs et à des problèmes de sécurité.
Nous ne voulons pas de ce modèle pour notre pays. Il est vrai que la SNCF, dont on fête les quatre-vingts ans cette année, est confrontée à des difficultés majeures, mais celles-ci sont liées aux injonctions du Gouvernement d’abaisser les coûts et d’accroître toujours la rentabilité, ce qui entraîne la suppression de certaines dessertes et l’abandon de certaines activités, comme les trains de nuit. Elles sont liées au désengagement des pouvoirs publics de ce service d’intérêt général, puisque la France ne finance aujourd’hui qu’à hauteur de 32 % ses infrastructures ferroviaires, quand nos voisins Allemands et Suédois financent les leurs respectivement à concurrence de 50 % et de 90 %.
Ce sont 2 000 suppressions d’emplois qui sont annoncées pour demain. Le très mauvais état des infrastructures, la gestion à flux tendu, la maintenance en souffrance engendrent trop de dysfonctionnements, sans parler de la privatisation des filiales.
Si la SNCF se comporte désormais comme un opérateur privé, en mettant en œuvre des idées coûteuses et parfois inutiles, par exemple renommer le TGV « InOui », c’est que le Gouvernement souhaite casser toute notion de service public pour faire place à de nouveaux entrants, en dépit des exigences d’aménagement du territoire et de transition écologique. Aujourd’hui, la reprise annoncée des lignes capillaires par les régions porte une grave atteinte à l’unité du réseau ferroviaire et fait craindre leur abandon en certains endroits, faute de moyens et de volonté.
Je vous le demande solennellement, madame la ministre : comptez-vous engager concrètement le redressement de l’entreprise publique par des financements nouveaux pour le rail, en faisant des transports une vraie priorité nationale pour l’avenir ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je ne veux pas laisser penser que la nation ne consacrerait pas des sommes importantes au soutien au transport ferroviaire. Je rappelle que 11 milliards d’euros de concours publics sont affectés annuellement au secteur ferroviaire, les recettes perçues s’élevant à 10 milliards d’euros, soit un ratio tout à fait comparable à ceux que l’on peut observer chez nos voisins européens.
Je voudrais aussi souligner l’importance de l’engagement dans la durée que constitue le contrat entre l’État et SNCF Réseau. Ce contrat tend à donner une vision pluriannuelle du niveau des investissements qui doivent être réalisés sur notre réseau. À la suite de la réflexion conduite par Jean-Cyril Spinetta, des ajustements pourront être apportés, notamment sur la soutenabilité des trajectoires de péage. Il faudra également vérifier que les 3 milliards d’euros qu’il est prévu de consacrer à l’entretien et à la régénération des réseaux répondent bien aux besoins pour ramener rapidement notre réseau ferroviaire aux standards attendus au XXIe siècle. En tout cas, je ne voudrais pas laisser croire qu’il n’y aurait pas de soutien public au développement du transport ferroviaire.
L’ensemble du modèle économique mérite certainement d’être remis sur pied, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. La difficulté tient au fait qu’aujourd’hui le secteur s’endette à hauteur de 3 milliards d’euros par an et que la dette de SNCF Réseau atteindra 50 milliards d’euros en 2018. Il faudra donc agir pour retrouver une trajectoire soutenable.
Je voudrais vraiment insister sur le fait qu’aujourd’hui le secteur ferroviaire bénéficie de soutiens financiers à la mesure de son importance dans notre politique des transports.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Michèle Vullien. Madame la ministre, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous n’êtes pas restée inactive, et je tiens à saluer votre engagement.
Au quatrième trimestre de 2017, vous avez organisé les Assises de la mobilité et lancé de grands chantiers de réflexion sur les principales infrastructures. Vous avez également occupé le devant de la scène médiatique à la suite des différents incidents qu’a connus la SNCF ces derniers mois.
Je sais que le travail de réflexion est en cours au sein de votre ministère et que le présent débat vient sans aucun doute un peu tôt. Néanmoins, l’ensemble des acteurs de la mobilité ont d’ores et déjà besoin de voir se dégager une ligne directrice.
Tout se joue sur le rôle qui sera assigné demain à la SNCF. L’alternative est la suivante : soit la SNCF continue d’être un acteur de la mobilité parmi d’autres, principalement concentré sur la grande vitesse ; soit, au contraire, on lui assigne un objectif prioritaire d’aménagement et de désenclavement pour en faire la colonne vertébrale de la mobilité sur l’ensemble du territoire national.
Là réside la question clef, parce que, dans la première hypothèse, tous les autres acteurs de la mobilité – le bus, le métro, le tramway, les modes actifs, le covoiturage, l’autopartage, et j’en oublie – devront continuer d’imaginer tant bien que mal, comme c’est le cas aujourd’hui, des solutions de compensation. En revanche, si la priorité est donnée à la SNCF, leur rôle sera de compléter un maillage ferroviaire développé et performant, sur lequel ils n’auront plus qu’à se greffer.
Ma question est donc très simple : la SNCF constituera-t-elle demain l’axe central de l’intermodalité en France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir souligné que, à côté des travaux engagés par Philippe Duron et Jean-Cyril Spinetta, nous avons conduit pendant les trois mois d’automne, au travers des Assises nationales de la mobilité, une vaste consultation sur les besoins de mobilité et les solutions qui pourraient être apportées, en y associant les territoires, les élus et les entreprises, petites ou grandes.
Les constats établis à l’occasion de ces assises nous interpellent : un Français sur quatre a refusé un emploi ou une formation faute de solution pour s’y rendre, 80 % du territoire, représentant 30 % des Français, n’est pas aujourd’hui couvert par une autorité organisatrice de transports, chacun étant alors livré à lui-même.
Comme vous l’avez indiqué, assurer la mobilité pour tous dans tous les territoires nécessitera de combiner toute la palette des nouvelles mobilités qu’offre la révolution numérique à des modes plus structurants, comme le chemin de fer, qui joue un rôle irremplaçable en matière de transport de voyageurs, notamment en périphérie des agglomérations.
Tel est le défi que nous devons relever. La future loi d’orientation des mobilités devra permettre de définir et de structurer des réponses de mobilité pour tous les Français, dans tous les territoires, autour des modes les plus puissants, comme le transport ferroviaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, j’apprécie votre volontarisme et le fait que vous affirmiez la nécessité de faire des transports quotidiens et de la réfection des lignes une priorité.
Toutefois, débattre de l’avenir de la SNCF, c’est en quelque sorte vouloir résoudre une équation complexe, dont l’une des principales inconnues, pour les parlementaires que nous sommes, est la contribution financière de l’État à la réduction de la dette de SNCF Réseau et au financement des projets ferroviaires régionaux.
En Dordogne, plusieurs décisions sont attendues avec impatience tant par les citoyens et les usagers que par les élus locaux, qui sont très fortement sollicités. C’est notamment le cas s’agissant de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, qui illustre parfaitement à mes yeux cette problématique.
Je vous ai interrogée à plusieurs reprises sur ce dossier, sans obtenir de réponse de votre part. C’est pourquoi je réitère ma question.
Vous qui connaissez parfaitement le dossier, madame la ministre, pouvez-vous nous dire si le plan de financement est bouclé, comme le prétendent certains ? Quelle sera la participation de l’État ?
J’ose espérer que votre réponse sera aussi claire que celle que vous avez apportée à ma collègue sénatrice du Cantal, car je considère que la Dordogne est un département rural aussi enclavé que ce dernier et confronté à des problématiques similaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, nous avons déjà en effet eu à plusieurs reprises l’occasion de parler de la ligne Bergerac-Libourne, qui fait partie des nombreuses lignes régionales de Nouvelle-Aquitaine accusant un retard important en termes d’entretien.
Cela mérite d’être redit : alors que nous avons inauguré quatre lignes à grande vitesse au cours des dix-huit derniers mois, 5 300 kilomètres de notre réseau souffrent aujourd’hui de ralentissements. Pour assurer la pérennité de l’ensemble des lignes dites « secondaires », les besoins de financement sont de l’ordre de 5 milliards d’euros sur les dix prochaines années.
Vous le savez, un travail est engagé au sein de la région Nouvelle-Aquitaine, en lien avec l’État, pour définir les priorités d’investissement dans ce contexte. Je ne doute pas qu’il devrait conclure au caractère prioritaire de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, compte tenu de sa fréquentation et de sa compétitivité par rapport aux alternatives routières.
Une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés tient à la réévaluation du coût des travaux qui a été faite par SNCF Réseau postérieurement à la conclusion du contrat de plan État-région. Afin de pouvoir disposer de tous les éléments, j’ai demandé à SNCF Réseau d’avancer à la fin de l’année 2017 les études visant à permettre de déterminer précisément le montant nécessaire. Les conclusions de ces études nous seront remises très prochainement. Sur ces bases, nous pourrons dégager les financements appropriés dans le cadre du contrat de plan État-région avec la région Nouvelle-Aquitaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous souhaite pour 2018 santé, bonheur et trains à l’heure ! (Rires.)
Ma question portera sur le transport régional et les enjeux afférents pour les collectivités locales.
Les débats des derniers mois au sein de la commission de l’aménagement du territoire ont mis au jour les inquiétudes des sénateurs quant à la place du transport régional dans le contrat de performance de la SNCF.
Si lors de son audition, en avril dernier, M. Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, semblait se féliciter que 500 millions d’euros soient affectés aux lignes régionales, alors qu’il faudrait entre 2,5 milliards et 3 milliards d’euros, il a également déclaré qu’il entendait augmenter ce budget pour atteindre le milliard d’euros au terme du contrat de performance.
Plusieurs questions se posent.
Ce contrat est signé pour dix ans, et il serait souhaitable de connaître le rythme annuel de progression du budget dédié au transport régional.
En outre, nombreux sont les sénateurs qui se sont interrogés sur la sincérité des ambitions de ce contrat reposant sur des engagements financiers de l’État et des régions, lesquels ne sont à ce jour aucunement garantis.
On peut d’autant plus être inquiet que le président de l’association Régions de France avait regretté que l’avis des régions sur le contrat n’ait pas du tout été pris en compte, alors qu’elles cofinancent largement les investissements ferroviaires locaux. Et je ne parle pas du rapport très sévère de l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, rendu le 29 mars 2017 et faisant état « d’hypothèses économiques fragiles et peu crédibles »… Il est donc nécessaire que l’État clarifie ses intentions sur le financement du transport ferroviaire régional et sur les moyens qu’il affectera aux contrats de plan État-régions.
Les régions sont, on peut le comprendre, extrêmement prudentes, et je ne voudrais pas revivre dans ma région, en matière de transport, la situation que nous connaissons aujourd’hui s’agissant du financement de la réhabilitation du logement minier : faute d’engagement de l’État, le président du conseil régional a différé, à juste titre, la mobilisation des crédits régionaux.
Je rappelle aussi les enjeux, pour le département du Pas-de-Calais, en particulier pour le bassin minier, liés au Réseau express Grand Lille, qui doit relier Lille à Hénin-Beaumont, et aux investissements financiers des collectivités. Aujourd’hui, les retours sur investissements urbains ne sont pas garantis.
L’État doit donc préciser ses ambitions et ses intentions en ce qui concerne le réseau des lignes régionales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, un contrat ambitieux a été signé entre l’État et SNCF Réseau pour donner de la visibilité, notamment, sur la trajectoire de régénération pour les dix prochaines années.
Ce contrat vise à flécher prioritairement les investissements de régénération sur le cœur du réseau et prévoit à ce titre 34 milliards d’euros pour les dix prochaines années.
En ce qui concerne le réseau régional, que l’on pourrait qualifier de secondaire, il ne faudrait pas renouer avec les injonctions contradictoires au groupe ferroviaire. C’est à l’État et aux régions d’assurer le financement de la régénération et de la modernisation de ce réseau, et non à SNCF Réseau dans le cadre de son contrat de plan, via les 3 milliards d’euros que cet EPIC consacre prioritairement au cœur du réseau.
C’est dans le cadre des contrats de plan État-région – je rappelle qu’un engagement de 1,5 milliard d’euros est prévu au titre du contrat de plan 2015-2020 – que des priorités doivent être définies, région par région, quant aux lignes pouvant faire l’objet d’une régénération et d’une modernisation.
Dans cet esprit, alors que l’État a annoncé une pause dans les grands projets d’infrastructures, je rappellerai que les contrats de plan, quant à eux, n’ont pas fait l’objet d’une telle pause, dans la mesure où ils concernent les transports de la vie quotidienne et des infrastructures dont la mise à niveau est très fortement attendue par nos concitoyens. Ces contrats se poursuivent, sans qu’ils puissent malheureusement permettre de régler l’ensemble des difficultés que peuvent rencontrer aujourd’hui les lignes secondaires.
Des discussions doivent donc être engagées avec chacune des régions, comme cela a déjà été fait avec la Nouvelle-Aquitaine, afin de trouver la bonne manière de traiter les problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Fabienne Keller. En ce début d’année, je voudrais à mon tour exprimer tout notre soutien aux cheminots, tant aux personnels de la SNCF qui exploitent les lignes qu’à ceux qui sont mobilisés sur les chantiers.
Ces chantiers, pour partie à l’origine des difficultés rencontrées en 2017, se déroulent dans des conditions très contraintes. Ils sont nécessaires pour remettre progressivement à niveau le réseau.
Si vos arguments budgétaires sont lourds et réels, madame la ministre, je voudrais néanmoins attirer votre attention sur la nécessaire ambition que nous devons avoir pour le réseau ferroviaire de notre pays.
Depuis plusieurs semaines, la presse donne à entendre qu’il est envisagé de supprimer certaines dessertes TGV. J’ai bien conscience que des économies sont nécessaires, mais il faut rappeler que des territoires ont contribué à financer ces lignes. Si des villes comme Sélestat, Colmar, Épinal ou Charleville-Mézières n’étaient plus desservies, l’engagement moral pris au début de la construction du TGV Est ne serait pas tenu.
Je voudrais aussi aborder la question du maillage territorial par les trains régionaux, qui se construit en lien avec les conseils régionaux et permet de relier les territoires entre eux. Je prendrai l’exemple de la liaison entre Strasbourg et Saint-Dié-des-Vosges, qui permet de désenclaver une vallée. Deux allers et retours quotidiens seulement sont assurés. Cette ligne pourrait bénéficier de rabattements afin d’irriguer plus largement les territoires, mais encore faut-il que le niveau d’exploitation soit satisfaisant.
Quels efforts en matière d’investissements et d’exploitation envisagez-vous, madame la ministre, pour désenclaver les territoires ruraux, auxquels nous sommes très attachés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je veux vous rassurer, madame la sénatrice : il n’est pas question de remettre en cause le choix, fait dès l’origine, de desservir par le TGV les grandes métropoles, souvent reliées par les lignes à grande vitesse, mais aussi 230 villes afin d’assurer une irrigation importante des territoires.
Nous devons cependant tous avoir conscience que ce choix a un coût. Au moment où nous réfléchissons au modèle économique du ferroviaire, il nous faut avoir en tête que l’on ne peut demander une desserte fine des territoires par le TGV à des tarifs accessibles à tous tout en attendant de la SNCF qu’elle paie des péages très élevés afin que l’on puisse régler les problèmes de SNCF Réseau. On ne peut pas exiger tout et son contraire de la SNCF.
Le modèle de desserte fine des territoires défini collectivement dès le lancement du TGV n’est pas remis en cause, notamment parce que les lignes à grande vitesse ont bien souvent bénéficié, comme vous l’avez souligné, de financements des collectivités locales en contrepartie d’engagements de desserte.
Voilà ce que je puis vous répondre en ce qui concerne les TGV. J’aurai peut-être l’occasion de développer ultérieurement mon propos sur la desserte fine des territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Claude Luche. Madame la ministre, il n’y aura bientôt plus aucune liaison directe par le train entre Paris et l’Aveyron : telle est la douloureuse perspective que laissent entrevoir les orientations de la SNCF pour le département de l’Aveyron en ce début d’année 2018. Le train de nuit qui relie Paris à Rodez en plus de huit heures est sur le point d’être supprimé. Au-delà de cette liaison indispensable à l’attractivité du territoire, il s’agit aussi du maintien des lignes régionales, notamment de la ligne Béziers-Neussargues, des gares, des fréquences de desserte et de l’entretien du réseau.
Nous constatons avec incompréhension l’accroissement des difficultés d’année en année. Pourtant, le train aurait pu être un formidable outil de développement et d’aménagement du territoire, ainsi que l’alternative à la voiture, que l’on nous supplie de moins utiliser.
Le train s’éloigne progressivement de nos réflexes en matière de transport. Sachez, madame la ministre, que les citoyens des territoires ruraux contribuent eux aussi, par leurs impôts, au financement du déficit de la SNCF. À ce jour, il me paraît naturel que ces territoires ne soient pas laissés à l’écart de quelque itinéraire que ce soit. Aussi exigeons-nous la mise en jeu d’une solidarité nationale. Nous vous demandons d’imposer cette vision, particulièrement en ce qui concerne les territoires situés à plus de deux heures de route de la gare TGV la plus proche.
Madame la ministre, il est impératif que la SNCF ne nous oublie pas et ne nous raye pas de la carte. Il faut bien évidemment résoudre les problèmes qui surviennent à la gare Montparnasse, mais les usagers de nos gares de Rodez, de Millau, de Séverac-le-Château sont également en attente de solutions et d’une politique nationale ferroviaire ambitieuse. Quelles perspectives pouvez-vous nous donner afin de rétablir la place du transport ferroviaire dans nos territoires ruraux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je veux vous rassurer, monsieur le sénateur : il n’est nullement question de supprimer le train de nuit entre Paris et Rodez. Malheureusement – ou heureusement, c’est selon ! –, la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse doit faire l’objet de travaux cette année, ce qui se traduira par un allongement des temps de parcours et par la nécessité pour les trains d’emprunter un autre itinéraire. Je suis bien consciente du désagrément causé aux voyageurs, mais chacun comprendra la nécessité de moderniser cette ligne très structurante pour le désenclavement de ces territoires. Il faut donc trouver des plages de temps pour faire ces travaux. Je ne sais pas si l’on pourrait envisager une fermeture temporaire sur une période plus longue ; il faudrait peut-être en rediscuter avec SNCF Réseau, mais, en l’état actuel des choses, la modernisation de la ligne suppose des interruptions pour travaux du trafic de nuit.
Vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur mon engagement en faveur du maintien des trois trains de nuit desservant Briançon, l’Aveyron et les Pyrénées qui ont été maintenus sous la responsabilité de l’État.
De façon plus générale, je voudrais réaffirmer l’engagement de l’État concernant les trains d’équilibre du territoire, qu’ils aient été transférés aux régions ou qu’ils continuent à relever de la responsabilité de l’État. Je rappelle que, pour ce qui concerne les trains transférés aux régions, des investissements très importants, à hauteur de 3,7 milliards d’euros, vont être réalisés pour moderniser le matériel roulant.
Nous maintiendrons donc, je le répète, les trains de nuit qui desservent votre département.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Philippe Madrelle. L’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir vient d’interpeller les pouvoirs publics sur la dégradation de la qualité de service des trains du quotidien et sur les conditions, apparemment très inégales dans le pays, d’indemnisation des usagers victimes de retards ou d’annulations de trains. Elle rejoint ainsi une préoccupation souvent exprimée par les usagers du rail auprès des parlementaires, sans que ceux-ci puissent leur apporter de réponses très claires.
Le caractère spectaculaire des pannes géantes survenues à la gare Montparnasse les 29 juillet et 3 décembre 2017 nous a quelque peu distraits des difficultés quotidiennes qu’éprouvent des millions d’usagers pour aller et venir entre leur domicile et leur lieu de travail.
Ces services de transport que l’on peut qualifier « de première nécessité » occupent le vingt-et-unième rang européen en matière de ponctualité et, pour diverses raisons, dont l’indispensable rénovation du réseau, connaissent une tendance préoccupante à la dégradation de la qualité de service.
Pour le premier semestre de 2017, l’UFC-Que choisir fait état de 11 % de TER annulés, de 15 % d’usagers exposés à des retards aux heures de pointe, et relève que seule une ligne sur les treize que compte le Transilien en région parisienne remplit ses objectifs contractuels de ponctualité. Elle impute 59 % des retards constatés à la gestion des circulations par SNCF Mobilités, indépendamment de tout incident imputable à l’infrastructure ou aux travaux !
Alors que la SNCF a mis en place un système d’indemnisation des retards et annulations de trains souvent considéré comme excessivement procédurier ou décourageant, on apprend que deux tiers des régions n’ont pas mis en place un tel dispositif d’indemnisation au bénéfice des usagers des TER. Ainsi, l’usager du TGV serait indemnisé, mais une majorité des usagers du train, pour lesquels celui-ci est absolument vital, ne le serait pas ?
Je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir faire toute la lumière sur cette curiosité nationale qui voudrait que les droits des clients des trains commerciaux de la SNCF soient mieux assurés que ceux des usagers des trains de service public ! Les usagers des TER, grands oubliés du dédommagement, sont en droit d’attendre la prise d’engagements fermes en termes d’indemnisation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, le Gouvernement donne la priorité, je le redis, aux transports de la vie quotidienne, et donc à l’entretien et à la régénération des réseaux. Je puis vous assurer que les graves incidents dont les médias se font largement l’écho ne nous font pas oublier la nécessité d’améliorer les transports du quotidien pour nos concitoyens.
Pour ce qui concerne les indicateurs, il me semble important de se référer au rapport de l’Autorité de la qualité de service dans les transports, l’AQST, qui, s’il met en exergue des difficultés, ne brosse pas un tableau aussi noir que celui que vous avez évoqué. À cet égard, je m’associe à ceux d’entre vous qui ont exprimé leur soutien aux cheminots, qui font au mieux pour assurer au quotidien le meilleur service à nos concitoyens.
En matière d’indemnisation, il peut en effet paraître paradoxal que les voyageurs des TGV et les usagers des TER et du Transilien ne soient pas traités sur un pied d’égalité. C’est une question de responsabilité : la SNCF a mis en place une indemnisation plus généreuse que ce qu’imposent les règles européennes pour les trains qui relèvent de sa responsabilité ; il appartient aux autorités organisatrices, dans le transport ferroviaire comme dans le transport urbain, de définir des régimes de pénalités applicables à leurs opérateurs et des régimes d’indemnisation applicables à leurs voyageurs.
La négociation des prochains contrats par les autorités organisatrices sera peut-être l’occasion de préciser ces points, mais il n’appartient pas à la SNCF de prévoir des indemnisations s’agissant de trains qu’elle exploite pour le compte des autorités organisatrices de transport.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains.
M. Cyril Pellevat. Le réseau ferroviaire de notre pays s’étend sur près de 30 000 kilomètres, ce qui en fait le deuxième réseau ferroviaire d’Europe. Il a également été reconnu comme étant le sixième meilleur réseau ferroviaire du monde. Malgré cela, nous constatons régulièrement de nombreux défauts.
Je ne reviendrai pas sur les diverses perturbations que de nombreux Français ont subies au cours du mois de décembre, et qui ne font malheureusement qu’aggraver leur mauvaise opinion des services de la SNCF. J’aimerais, en revanche, revenir sur la question de la sécurité, notamment sur celle de la sécurisation des passages à niveau.
Mon département, la Haute-Savoie, a connu en 2008, à Allinges, un drame similaire à celui de Millas. Il reste beaucoup à faire en ce domaine. Notre président de région s’est dit prêt à cofinancer la sécurisation des passages à niveau. Il serait en effet opportun d’ouvrir aux régions qui le souhaitent la possibilité de participer à ce financement. Y êtes-vous favorable, madame la ministre ?
Je profite de ce court temps de parole pour vous interroger sur votre engagement à l’égard su projet franco-suisse du RER Sud-Léman.
La ligne ferroviaire d’Évian-les-Bains à Saint-Gingolph est le dernier maillon de la boucle ferroviaire du lac Léman. Vous connaissez notre combat pour le désenclavement du territoire du Chablais : ce projet de réouverture aux voyageurs – j’insiste sur ce point – de la ligne Sud-Léman permettra de désenclaver l’est du Chablais.
SNCF Réseau a donné son feu vert, les collectivités françaises ainsi que les cantons suisses de Vaud, du Valais et de Genève sont également favorables au projet, et la région vient de reconfirmer son engagement.
Considérant l’importance de ce projet pour notre territoire, la réaffirmation des soutiens côté français est un bon signal envoyé à nos voisins Suisses, à l’heure où ils fixent leurs priorités en matière de financement du ferroviaire à l’horizon 2035 : le RER Sud-Léman pourrait bénéficier de fonds de la Confédération helvétique.
En tant que président du comité de pilotage du projet du RER Sud-Léman, je me permets de vous demander, madame la ministre, d’affirmer le soutien du Gouvernement français.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je crains de ne pas avoir le temps de répondre à l’ensemble de vos questions, monsieur le sénateur, mais je vous adresserai un complément de réponse par écrit.
Concernant les passages à niveau, je soulignerai que, chaque jour, 16 millions de véhicules les franchissent et que l’on enregistre 450 000 fermetures de barrière. Je ne voudrais pas que nos concitoyens pensent qu’il faut avoir peur des 15 000 passages à niveau que compte notre pays. Les personnes tuées en traversant les passages à niveau, encore trop nombreuses, représentent 1 % des victimes de la route.
L’État est fortement engagé depuis des années –Dominique Bussereau, lorsqu’il était ministre des transports, s’était lui aussi fortement investi sur cette question – dans un programme de sécurisation nationale qui ne saurait naturellement viser à supprimer l’ensemble des passages à niveau, mais tend à renforcer la signalisation et à traiter les cas pouvant être considérés comme sensibles.
L’État maintiendra cet engagement et des financements sont programmés dans le cadre de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Il est également prévu que l’État se substitue progressivement à SNCF Réseau pour financer ces travaux. Je réunirai, le 15 février prochain, le comité ministériel sur la sécurité ferroviaire et sur la sécurité aux passages à niveau pour réaffirmer l’engagement de l’État.
Au-delà de la question des travaux, il nous faudra réfléchir – nous avons commencé à le faire avec le délégué interministériel à la sécurité routière – à la façon de mieux faire connaître les règles de sécurité routière aux passages à niveau. En effet, 90 % des accidents sont liés à un non-respect de la réglementation routière.
Nous resterons très mobilisés sur le sujet, qu’il s’agisse de la suppression des passages à niveau les plus sensibles, de la promotion de dispositifs innovants permettant d’accroître la sécurité ou du lancement probable d’une campagne de sensibilisation des automobilistes aux règles de sécurité routière concernant les passages à niveau.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Olivier Jacquin. À l’automne, le Président de la République a annoncé son souhait de réformer drastiquement le régime spécial de retraite des cheminots, en contrepartie d’un allégement partiel ou total de la dette de la SNCF. Il faut bien en convenir, il s’agit là d’un irréalisable tour de passe-passe financier !
Cette mesure est totalement impossible à mettre en œuvre, sauf à ne pas tenir compte de la limite de 3 % de déficit imposée par Bruxelles ou à inscrire cette créance comme un engagement hors bilan de l’État. Si elle pouvait l’être, cela permettrait de financer de nouvelles infrastructures, comme nous le souhaiterions, et surtout de viabiliser un groupe dont l’actif net est virtuellement inexistant en raison d’une dette colossale.
Ma question sera simple, madame la ministre : cette proposition disruptive de notre président-manager repose-t-elle sur une réorientation de ce fleuron du service public de transport pour en faire une entreprise d’agrégation de mobilités, ou bien n’est-ce qu’un moyen d’embellir à peu de frais la corbeille de la mariée en vue d’une vente à la découpe de la SNCF qui ne dit pas son nom, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des lignes TER et TGV d’ici à décembre 2019 et à janvier 2021 ?
Madame la ministre, j’ai apprécié l’exercice des Assises de la mobilité, auxquelles j’ai pris part. Je vous ai entendu, lors de la conclusion de ces assises, annoncer des orientations stratégiques dès le mois de février. Je vous demande aujourd’hui de nous en dire un peu plus. J’apprécie votre constance, votre patience, votre connaissance du dossier, votre compétence. Merci de nous donner davantage d’informations !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Personne ne peut se satisfaire d’un endettement qui augmente de 3 milliards d’euros par an, d’un modèle économique du TGV fragilisé, d’un réseau confronté aux difficultés que nous venons d’évoquer, d’un fret ferroviaire dont les trafics ont diminué d’un tiers en quinze ans. La situation du ferroviaire appelait donc une réflexion globale.
C’est tout le sens de la mission qui a été confiée à Jean-Cyril Spinetta : il s’agit non pas de traiter successivement les questions des dessertes TGV, de l’achat de matériels roulants, des enjeux de tarification, mais bien d’avoir une approche globale afin de s’assurer que l’État se dote d’une stratégie ferroviaire soutenable et répondant bien aux besoins de nos concitoyens.
L’ensemble de ces sujets complexes fait l’objet de la mission de M. Spinetta. Je vous invite à patienter quelques jours encore dans l’attente de la remise de son rapport, qui traitera à la fois de la place du ferroviaire dans le pays, de son modèle économique et des conditions d’une ouverture réussie à la concurrence. Il s’agit d’aborder ce sujet avec sérénité, dans la concertation, pour que l’ouverture à la concurrence se fasse au bénéfice des régions et des voyageurs, tout en rassurant les cheminots sur leur avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean Sol. Le jeudi 14 décembre 2017, à Millas, la collision entre un car scolaire et un train sur un passage à niveau faisait six morts et plusieurs blessés graves. Je ne peux m’empêcher de penser, en cet instant, aux familles meurtries par ce drame et au maire de Saint-Féliu-d’Avall, Robert Taillant, dont l’exemplarité face à cette tragédie est à souligner.
Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan.
Le 4 juillet dernier, le Premier ministre évoquait l’avenir des transports français devant l’Assemblée nationale et invitait à une réflexion collective sur leur avenir, en mettant l’accent sur les enjeux liés au désenclavement des territoires.
Si je suis, comme vous et de nombreux élus, conscient de l’impérieuse nécessité de pouvoir bénéficier d’un nouveau dispositif de programmation des investissements pour les transports de demain, je considère que celui-ci doit se bâtir sur la base du respect de l’égalité de nos concitoyens face à la mobilité et de la correction des inégalités entre territoires.
Force est de constater que Perpignan fait encore partie, malheureusement, des villes situées à plus de cinq heures de la capitale.
Force est de constater que les lignes à grande vitesse traversent la France des régions, mais s’arrêtent aux portes de Montpellier, alors que l’Espagne a inauguré une LGV Madrid-Barcelone-Figueras.
Force est de constater le manque d’investissements de l’État au bénéfice des transports ferroviaires dans notre département et notre région.
Pourtant, les arguments en faveur du projet sont nombreux, qu’il s’agisse de l’environnement – progression du fret et report modal –, de l’attractivité de notre département, de la transformation urbaine de nos villes, du tourisme, de l’économie et de la compétitivité de nos territoires. En termes sociétaux, la multiplication des camions sur les routes est devenue l’un des premiers facteurs d’insécurité routière et de pollution atmosphérique.
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Jean Sol. Comment nier, en ce XXIe siècle, la nécessité de finaliser enfin ce projet, attendu depuis plus de trente ans par des usagers aujourd’hui excédés et prêts à se mobiliser au côté des élus que nous sommes ?
Madame la ministre, le temps est venu d’établir une plus grande justice territoriale et une solidarité nationale avec la France d’en bas, celle des oubliés, pour ne pas dire des abandonnés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, c’est bien tout l’enjeu des travaux menés actuellement dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures que de proposer des axes prioritaires, en matière d’investissements, prenant en compte la priorité donnée à l’entretien et à la modernisation des réseaux, ainsi qu’au désenclavement des territoires.
Je m’engage à ce que les trop nombreux territoires qui attendent depuis trop longtemps la mise à niveau de leurs routes nationales – on évoquait Aurillac tout à l’heure, on pourrait aussi parler du centre-Bretagne ou de Prades – voient enfin se réaliser les investissements promis depuis des années.
Je pourrais également évoquer la nécessité de désaturer les nœuds ferroviaires, qui sont largement à l’origine des difficultés que peuvent rencontrer les voyageurs sur le réseau ferré national. Je n’oublie pas non plus les attentes suscitées, dans les régions Occitanie, Normandie et Bretagne, par les 36 milliards d’euros promis par le passé pour la construction de lignes nouvelles.
L’exercice de vérité en cours, qui débouchera sur un vote du Parlement, doit permettre d’en finir avec ces promesses non financées, de prendre des engagements réels assortis de financements, l’objectif étant aussi de restaurer la confiance au sein des territoires, auxquels on a beaucoup promis, chacun étant persuadé que sa ligne à grande vitesse était sur le dessus de la pile…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Vial. Je voudrais aborder la question du transport ferroviaire de marchandises.
Le défi est à la mesure de la situation préoccupante de l’économie de notre pays, c’est-à-dire gigantesque. La part du rail étant seulement de 10 % des volumes – elle atteignait encore 15 % en 2002 –, le fret est assuré principalement par la route. Le volume transporté est en faible augmentation, et il se partage à égalité entre le pavillon français et le pavillon étranger. De surcroît, le transport de marchandises sur route et sur rail est passé, entre 2005 et 2015, d’un peu plus de 350 milliards à 315 milliards de tonnes-kilomètres, soit une baisse de 11 % en dix ans, alors qu’il augmentait partout ailleurs en Europe.
Bien que la France constitue la proue de l’Europe sur l’Atlantique, le port du Havre ne figure pas dans les cinquante premiers ports mondiaux, et plus de 50 % des marchandises arrivant en France transitent par des ports étrangers. Or, en matière de transport de marchandises, les enjeux maritimes, fluviaux et ferroviaires se rejoignent.
Pendant ce temps, après avoir repris et modernisé les ports du Pirée, en Grèce, la Chine ambitionne de contrôler le réseau ferroviaire de ce pays pour mieux irriguer le cœur de l’Europe, et, avant même la montée en puissance de l’ambitieux projet de la route de la soie, elle assure déjà une liaison régulière avec l’Allemagne.
L’Allemagne affichant un excédent commercial de 240 milliards d’euros et la France un déficit commercial de 60 milliards d’euros, ne doit-on pas rapprocher la baisse du fret de l’effondrement de l’industrie dans notre pays sur la même période ? À ceux qui considèrent que la décroissance du transport de marchandises en France est la conséquence de la décroissance industrielle, on peut légitimement opposer qu’elle en est peut-être plutôt l’une des causes, au vu du développement du fret ferroviaire chez nos voisins européens. À cet égard, même le cas de la Grande-Bretagne, souvent brocardé, mérite d’être analysé.
Au moment où le Premier ministre limite la vitesse à 80 kilomètres par heure sur la route, il n’est pas forcément besoin d’infrastructures à grande vitesse : il suffit que le fret circule à 40 kilomètres par heure pour qu’il traverse la France en vingt-quatre heures. Toutefois, encore faut-il pouvoir accéder aux infrastructures. Quand on sait que, en la matière, il faut réserver les sillons deux ans à l’avance, sans garantie sur le délai d’acheminement, on peut s’interroger…
Si la responsabilité de la SNCF dans ce quasi-sinistre du transport ferroviaire de marchandises ne saurait être dégagée, celle de l’État est entière, en raison de l’abandon constant, depuis plus de vingt ans, d’un secteur qui relève d’abord de sa volonté politique, c’est-à-dire du Gouvernement et de lui seul. Cette responsabilité apparaît d’autant plus grande quand on sait l’ambition affichée par l’Europe en la matière dès le sommet d’Essen de 1993.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Vial. J’interrogeais ce matin même le ministre de l’écologie sur le projet d’autoroute ferroviaire alpine, le rail ne permettant aujourd’hui d’atteindre qu’à hauteur de 3 % l’objectif annoncé en matière de report modal.
Madame la ministre, quelle est la volonté du Gouvernement en matière de transport ferroviaire de marchandises ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, on ne peut en effet pas se satisfaire de la situation actuelle en matière de fret ferroviaire.
M. Charles Revet. Eh non !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Celui-ci a diminué d’un tiers en quinze ans, alors même que des files de poids lourds traversent notre pays. Ce sujet sera naturellement pris en compte dans les réflexions que nous sommes en train de mener.
À l’évidence, la question des infrastructures est importante. Vous évoquiez la situation de nos ports : en vue du développement de ceux-ci, la mise en œuvre d’une desserte fluviale ou ferroviaire de qualité constitue un élément majeur. Les volumes de conteneurs à transporter ne sont pas du tout absorbables par la route. Il s’agit donc d’un enjeu crucial pour la compétitivité de nos ports, qu’il s’agisse du Havre ou de Marseille. Pour ce qui concerne Le Havre, je souligne que l’on a enfin lancé les travaux de la ligne Serqueux-Gisors, qui doit permettre d’offrir un itinéraire de qualité pour le fret.
Néanmoins, le fret ferroviaire n’a pas, dans notre pays, la place qui devrait être la sienne. Les réflexions menées par SNCF Réseau sur la réorganisation par axes de la planification des sillons me semblent constituer un élément important. Cela permettra de disposer de sillons traversant le pays. Les chargeurs ont besoin d’avoir la garantie que les trains arrivent à bon port dans les délais prévus.
Par ailleurs, pour accroître rapidement les volumes transportés par le rail, je crois beaucoup aux autoroutes ferroviaires. La consultation sur l’autoroute ferroviaire alpine est en cours, et l’on vient de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour l’autoroute ferroviaire atlantique.
Je pense que le ferroviaire doit reprendre toute sa place dans le transport de marchandises ; cela passera par des choix en matière d’infrastructures dont le Conseil d’orientation des infrastructures est en train de débattre, ainsi que par la mise en place d’une offre de sillons de qualité à destination des chargeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains.
M. Gérard Cornu. Les incidents et bugs informatiques à répétition du mois de décembre ne font que confirmer l’impression terrible d’une très grande difficulté de maîtrise technique par notre entreprise publique.
Au-delà, c’est la situation globale du groupe qui me paraît préoccupante. La dette, qui atteint désormais plus de 50 milliards d’euros selon le rapport de l’Agence des participations de l’État, avec une projection à 60 milliards d’euros à l’horizon de 2025, plombe le système. Sur ce point crucial, la question d’une reprise de cette dette par l’État, à l’instar de ce qui s’est fait en Allemagne, est clairement posée : je voudrais connaître votre sentiment à cet égard, madame la ministre.
Par ailleurs, des investissements dans le réseau ferroviaire sont indispensables, car celui-ci est largement vieillissant. J’approuve l’opération vérité que vous avez enclenchée, ainsi que votre vision politique, consistant à faire porter les efforts sur les déplacements du quotidien, de proximité.
Au-delà de la mobilisation des moyens financiers nécessaires pour maintenir notre patrimoine ferroviaire et le moderniser, nous devons définir une nouvelle vision de l’avenir de notre entreprise publique et du transport ferroviaire, qui doit, j’en suis convaincu, passer par un assainissement financier de SNCF Réseau et par l’ouverture à la concurrence pour stimuler SNCF Mobilités, afin d’améliorer sa compétitivité et de rendre un meilleur service aux usagers.
J’aimerais, madame la ministre, connaître votre position sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je vous rejoins tout à fait pour affirmer que préparer l’avenir du transport ferroviaire en France suppose d’aborder simultanément tous les sujets : l’état de l’infrastructure – c’est notamment l’objet des travaux réalisés dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures, auquel vous participez –, le modèle économique, y compris la fixation d’un niveau de péage supportable pour les TGV, qui doivent rester accessibles à tous, la préparation de l’ouverture à la concurrence telle qu’elle est prévue par les textes européens et demandée par les régions.
C’est sur l’ensemble de ces sujets, y compris la restauration d’un modèle économique soutenable pour le transport ferroviaire, que travaille actuellement Jean-Cyril Spinetta, avec pour objectif l’établissement d’une stratégie claire et globale. Nous aurons à en débattre au cours des prochains mois, sur le fondement du rapport de M. Spinetta et des conclusions du Conseil d’orientation des infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains.
M. Jérôme Bascher. Une partie du réseau est complètement saturée, en particulier au nord de la région parisienne. La réalisation du projet de maillage du réseau Roissy-Picardie permettrait de mettre en place, d’une part, un service TGV entre la Picardie et Roissy, et, d’autre part, des trains du quotidien à partir de Compiègne, de Creil ou d’Amiens.
Ce projet vise aussi à proposer aux voyageurs de l’Oise et de la Somme un nouvel accès à l’Île-de-France, dans un contexte où l’augmentation de la fréquence des dessertes vers la gare du Nord n’est plus possible aux heures de pointe ; j’ai quinze ans d’expérience quotidienne de ce trajet… Le service est aujourd’hui, hélas, déplorable, et les usagers en ont assez ; ils ne sont d’ailleurs plus des usagers, mais des galériens modernes, car ils « rament » et paient de surcroît pour cela !
Ce projet tend également à faciliter les déplacements quotidiens vers le hub de transports et d’emplois que constitue l’aéroport de Roissy pour notre région. Il vise enfin à développer l’intermodalité à Roissy - Charles-de-Gaulle, surtout dans l’hypothèse de la réalisation du canal Seine-Nord.
Ce projet de 340 millions d’euros, inscrit dans les contrats de plan État-régions francilien et des Hauts-de-France, consiste en la réalisation d’un barreau de 7 kilomètres entre la ligne Creil-Paris-Nord et l’aéroport de Roissy, ainsi qu’en l’aménagement de gares à Roissy, à Survilliers, à Chantilly et à Amiens.
Compte tenu des enjeux, le conseil départemental de l’Oise, sous la présidence de notre collègue Édouard Courtial et en lien avec le président Xavier Bertrand, a pris l’initiative de réunir les financements de toutes les collectivités locales concernées.
Ma question est simple, madame la ministre : quand comptez-vous donner une suite favorable à ce projet, qui ne saurait avancer à un train de sénateur ? (Sourires sur quelques travées.)
Mme Éliane Assassi. On se serait passé de cette remarque…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous l’avez bien souligné, il s’agit finalement plus d’un projet d’infrastructure de la vie quotidienne que d’un projet de ligne à grande vitesse. L’objectif est notamment de relier les bassins d’habitat aux bassins d’emplois, en particulier celui de l’aéroport de Roissy, qui est, au demeurant, assez mal connecté à l’ensemble des territoires avoisinants – un élu de l’Aisne pourrait tenir, me semble-t-il, le même discours que vous à cet égard.
Ce projet est examiné par le Conseil d’orientation des infrastructures dans toutes ses dimensions – ligne à grande vitesse et transports de la vie quotidienne. D’ici au 31 janvier prochain, le rapport de Philippe Duron nous aura été remis. Il nous permettra d’envisager la place que ce projet pourra prendre dans notre programmation des investissements pour les prochaines années.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation de la SNCF et son avenir.
8
Candidatures à des commissions
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs commissions permanentes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons déjà eu d’autres occasions d’échanger des vœux, mais je profite de cette première séance de questions d’actualité au Gouvernement de l’année pour souhaiter que 2018 soit une bonne année pour notre pays, pour le Sénat et pour chacune et chacun d’entre vous.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun à être attentif à son temps de parole, ainsi qu’au respect des uns et des autres.
accords de rupture conventionnelle collective
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République en Marche.
M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
L’accord de rupture conventionnelle collective, le RCC, a été adopté l’an dernier dans le cadre des ordonnances réformant le droit du travail. Il s’agit d’un nouvel outil de gestion des compétences et des parcours professionnels à la main des partenaires sociaux et dont se sont saisies dans le Nord deux entreprises, PSA et Pimkie, la presse s’en étant largement fait l’écho ces derniers jours.
Trois conditions sont nécessaires à la conclusion d’un tel accord.
En premier lieu, les ordonnances imposent aux entreprises intéressées de signer un accord avec des syndicats représentant plus de 50 % des salariés. Dans le cas de l’entreprise Pimkie, une majorité de syndicats ayant rejeté l’accord relatif à la RCC, celui-ci n’a pas pu être appliqué : cela montre bien le réel pouvoir dont disposent les syndicats en matière de mise en œuvre de cet outil.
L’accord doit notamment fixer le nombre de départs envisagés, le montant de l’indemnité proposée, les critères pour départager les volontaires ou encore les mesures de reclassement visant à aider les anciens salariés à retrouver un emploi.
En deuxième lieu, l’accord doit être homologué par l’administration, qui contrôle ensuite son application. Elle s’assurera notamment qu’il ne s’agit pas de préretraites déguisées et que l’accord prévoit des mesures d’accompagnement et de reclassement.
En troisième lieu, les salariés doivent être volontaires pour bénéficier des mesures négociées par les partenaires sociaux.
L’accord de RCC permet aux salariés de bénéficier, en plus des indemnités de chômage, de toutes les mesures ayant été négociées, par exemple des indemnités spécifiques ou des mesures de reclassement et d’accompagnement. De surcroît, ces indemnités relèvent d’un régime social et fiscal favorable, comme dans le cas des plans de départs volontaires.
Il apparaît donc qu’il s’agit d’un outil permettant de ménager le climat social dans l’entreprise, car plus consensuel et plus sûr sur le plan juridique qu’un plan de sauvegarde de l’emploi. Devant les interrogations légitimes des salariés concernés et eu égard à l’usage abusif pouvant être fait de cet outil, pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, qu’il ne s’agit nullement, dans le cas de Pimkie, de PSA ou, demain, d’autres entreprises, de procéder à des « licenciements déguisés sans protection pour les salariés », comme cela a pu être dit ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je vous remercie doublement, tout d’abord de me faire l’honneur de me poser la première question d’actualité de l’année, ensuite de me donner l’occasion de réexpliquer le dispositif introduit via la loi sur le renforcement du dialogue social et les ordonnances.
La rupture conventionnelle collective s’inspire de la rupture conventionnelle individuelle, qui a été créée il y a quelques années. Elle vise à éviter, quand une entreprise a besoin de se réorganiser, de se restructurer, le traumatisme d’un licenciement lorsque tout le monde est d’accord. Cela signifie qu’il faut que l’employeur et les organisations syndicales s’accordent sur les conditions et, surtout, que l’ensemble des salariés soient strictement volontaires.
Ce dispositif innovant permettra donc de traiter, à défaut de tous les cas, un certain type de restructurations que la jurisprudence constatait, mais qui n’avait pas de cadre juridique. Il s’agit d’éviter le choc terrible du licenciement collectif contraint et de favoriser, par le jeu de trois verrous, de trois sécurités, une négociation beaucoup plus positive pour tout le monde.
Ces trois verrous, vous l’avez rappelé, sont les suivants : l’accord majoritaire des syndicats, le strict volontariat de l’ensemble des salariés, l’homologation de l’accord par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, qui en vérifie la conformité aux textes.
Ainsi, dans tous les cas, une telle démarche ne peut être que positive au regard de la mise en œuvre d’une procédure plus difficile ou plus traumatisante pour les salariés.
Il est intéressant de constater l’émergence, depuis quelques semaines, de projets d’accord de RCC. Quand les syndicats et les salariés sont volontaires, comme chez PSA, où la procédure se conjugue d’ailleurs à une démarche très constructive de recrutement, cela fonctionne ; quand les syndicats ou les salariés ne sont pas d’accord, cela ne passe pas. Cela prouve que le dispositif que nous avons élaboré ensemble est assez robuste. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
couverture numérique
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvoir accéder aux réseaux de téléphonie mobile est une attente majeure de nos concitoyens, en particulier de ceux qui vivent en zone rurale et entendent bien des promesses depuis longtemps. Il s’agit d’un enjeu primordial en matière d’aménagement des territoires, et le Président de la République s’est engagé à généraliser une couverture mobile de qualité avant 2020.
Aux côtés de M. Jacques Mézard, vous avez annoncé, dimanche soir, avoir abouti à un accord avec les opérateurs de télécommunication, accord qui prévoit un investissement de plus de 3 milliards d’euros supplémentaires au titre de cet engagement. Il s’agit d’une mesure de justice indispensable à la cohésion de notre pays et surtout à l’égalité des territoires.
Toutefois, je vous rappelle que de telles promesses ont déjà été faites, sans que les résultats soient à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de nous préciser ce que cet accord apporte réellement de nouveau et en quoi il pourra permettre d’aboutir, à la différence des initiatives précédentes. En outre, quelles simplifications administratives allez-vous mettre en œuvre ?
Enfin, il me paraît important que vous nous indiquiez comment vous vous êtes assuré que cet accord était, du point de vue de l’État, un bon accord et quel sera le rôle des élus locaux, qui sont aujourd’hui découragés, parce qu’ils n’ont aucune prise sur les décisions des opérateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison, monsieur le sénateur : la fracture numérique, la fracture de la téléphonie mobile constitue aujourd’hui l’une des principales inégalités dans notre pays. Il n’est pas acceptable que certains villages soient encore des zones dites « blanches », où il n’est pas possible de bénéficier de services de téléphonie mobile de bonne qualité ou même d’accéder, purement et simplement, à une couverture mobile.
Effectivement, Jacques Mézard, Mounir Mahjoubi, Bruno Le Maire et moi-même avons conclu ces derniers jours un accord historique avec les quatre opérateurs.
Premièrement, les opérateurs se sont engagés à investir 3 milliards d’euros dans les zones les moins densément peuplées, pour remédier à la situation de ces villages où il n’est pas possible d’accéder à la téléphonie mobile. Pour vous donner un ordre d’idée, au cours des trois ans à venir, c’est l’équivalent des infrastructures mises en place ces quinze dernières années qui sera installé dans ces territoires. En outre, les élus locaux auront un rôle particulier à jouer, puisque l’accord prévoit qu’une grande partie de ces sites seront directement identifiés par eux.
Deuxièmement, la 4G sera déployée dans plus de 10 000 communes qui n’ont aujourd’hui accès qu’à la 2G ou à la 3G. Ce point est d’autant plus important que c’est la 4G qui permet d’accéder à internet sur un téléphone.
Troisièmement, la couverture des axes routiers sera renforcée.
Pourquoi cela fonctionnerait-il cette fois-ci, demandez-vous, alors que l’on nous avait déjà à plusieurs reprises promis la même chose par le passé ? Cela fonctionnera parce que l’on a changé de paradigme : il s’agit d’un accord contraignant. Un opérateur de téléphonie mobile a besoin de fréquences, d’autorisations, de licences délivrées par l’État. L’octroi ou le renouvellement des fréquences sera strictement conditionné au respect des engagements pris en matière d’investissements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Nous prenons acte de vos engagements et nous saurons, si nécessaire, vous les rappeler.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Les lycéennes et les lycéens peuvent accéder, depuis hier, au portail « Parcoursup », qui remplace le dispositif « Admission post-bac », ou APB. Ils pourront prochainement mettre en ligne leurs dossiers, qui seront examinés par les universités en fonction d’attendus que celles-ci élaborent en ce moment.
Au travers de ces attendus, en dehors de tout cadre légal, plusieurs universités demandent aux candidats et candidates des lettres de motivation, des justificatifs de stage ou encore des diplômes comme le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, le BAFA. Elles ont parfaitement compris le sens de votre projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants et mettent en place une sélection drastique que vous n’assumez pas politiquement.
Tout se passe donc comme si les dispositions de votre projet de loi étaient appliquées avant même d’avoir été discutées par la Haute Assemblée, qui en débattra les 7 et 8 février prochains. Nous vous demandons solennellement, monsieur le Premier ministre, de respecter les prérogatives constitutionnelles du Sénat et de surseoir sans délai à l’application d’un texte qui n’a pas été examiné par le Sénat, et encore moins adopté par lui. Le Sénat doit être respecté !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Fabien Gay. Dans le cas contraire, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se réserve la possibilité de déférer devant les juridictions administratives les actes des universités qui seraient contraires aux dispositions du code de l’éducation tel qu’il s’applique aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur la mise en place de cette nouvelle plateforme, « Parcoursup », qui remplace le précédent dispositif, que chacun connaît sous le nom d’APB. Vous en profitez pour évoquer une sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur qui ne dirait pas son nom.
Cette sélection, elle existe aujourd’hui, monsieur le sénateur, et elle existait déjà hier. Bon nombre des lycéens qui accèdent à l’enseignement supérieur s’inscrivent dans des filières sélectives, comme les IUT ou les classes préparatoires.
Quant aux filières dites « non sélectives », il y existe en fait aussi une sélection, par l’échec : 60 % de ceux qui s’inscrivent en première année n’obtiennent pas le diplôme de licence en quatre ans, c’est-à-dire en comptant une année de redoublement.
Cette sélection par l’échec vient bien souvent sanctionner un défaut en matière d’orientation. Comme vous le savez, dans ces filières non sélectives, il a été choisi il y a quelques années, pour faire face à l’afflux de candidatures, de recourir au tirage au sort, solution que je trouve injuste et même assez scandaleuse.
Je ne suis d’ailleurs pas le seul à penser ainsi : vous vous souvenez certainement, monsieur le sénateur, de l’émotion exprimée par les Français, l’année dernière, lorsqu’ils se sont rendu compte que le nombre d’étudiants devant subir ce système de tirage au sort était incroyablement élevé et allait encore s’accroître au fil des années.
Nous avons décidé de rompre avec ce système en créant un dispositif qui informe mieux les lycéens sur les compétences qu’il faut maîtriser pour avoir une chance raisonnable de réussir dans telle ou telle filière. Cela ne signifie pas que quelqu’un d’autre qu’eux fera le choix final : il s’agit simplement de mettre les lycéens en mesure de savoir très exactement quels sont les attendus, c’est-à-dire la base nécessaire, pour réussir dans la filière envisagée. S’ils ne les possèdent pas, mais veulent néanmoins s’inscrire dans cette filière, l’établissement d’enseignement supérieur devra proposer un parcours particulier afin de les mettre dans les meilleures conditions pour réussir.
Il s’agit donc, monsieur le sénateur, d’apporter plus d’information, une meilleure orientation et plus d’accompagnement. Vous le savez, la plateforme est ouverte depuis hier, pour que chacun puisse commencer à la consulter ; les inscriptions ne seront possibles qu’à partir de lundi prochain.
Nous avons mis en place un système dans lequel deux professeurs principaux peuvent accompagner les lycéens de classe de terminale, parce que nous pensons qu’une bonne orientation passe par plus d’accompagnement, notamment humain.
Les lycéens auront jusqu’au 13 mars pour formuler dix vœux en matière d’accès à l’enseignement supérieur. Les résultats seront connus en mai. Personne ne sera laissé au bord du chemin : les dispositions nécessaires ont été prises pour que ce mécanisme d’information et d’orientation permette de traiter l’ensemble des demandes.
Nous allons donc passer d’un tirage au sort mécanique à une orientation mieux assumée. Je pense sincèrement que c’est un progrès, monsieur le sénateur. Le Sénat aura l’occasion d’en discuter au début du mois de février prochain. Le débat sera complet. Tout sera mis sur la table. Nous disposerons même alors de retours sur les premiers stades de fonctionnement de la plateforme. Je serai heureux d’avoir ce beau débat avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants –République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, nous regrettons que vous n’ayez pas répondu sur la méthode. Le texte est mis en application alors que nous ne l’avons pas examiné. Sur le fond, nous avons toujours refusé tant la sélection que le tirage au sort, institué par un décret illégal du précédent gouvernement.
Il faut 1 milliard d’euros d’investissements pour répondre aux besoins des 400 000 nouveaux bacheliers qui, chaque année, entrent à l’université. C’est une question de volonté politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
compensation de la suppression de la taxe d’habitation
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le Premier ministre, la taxe d’habitation est un sujet qui inquiète et préoccupe de nombreux élus, notamment les maires.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Il a été annoncé qu’elle serait totalement supprimée, pour tous les contribuables. Comment sera compensée la perte de quelque 19 milliards d’euros de recettes qu’engendrera cette suppression ?
À cet égard, M. le Président de la République a annoncé la constitution d’un groupe de travail sur la réforme de la fiscalité locale, animé notamment par Alain Richard et Dominique Bur. De son côté, Mme Jacqueline Gourault, qui, en tant qu’ancienne sénatrice, connaît bien ces sujets, a déclaré sur La Chaîne parlementaire que serait nécessairement mis en place un nouvel impôt, plus juste, ce qui paraît finalement assez logique.
Mme Catherine Troendlé. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Cependant, le ministre de l’économie et des finances, M. Le Maire, a immédiatement démenti, affirmant qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt.
Dès lors, nous nous interrogeons : cela signifie-t-il que vous allez augmenter l’un des impôts existants ?
M. Philippe Dallier. Excellente question !
M. Jean-Pierre Sueur. Si oui, lequel ? Sinon, comment comptez-vous trouver 19 milliards d’euros ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, ne surinterprétez pas les propos de Mme la ministre Jacqueline Gourault. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas gentil !
M. Bruno Le Maire, ministre. Relisez-les attentivement : vous verrez qu’ils n’entrent pas en contradiction avec ceux qui ont été tenus par le Premier ministre ou par moi-même. Je le répète : il n’y aura pas de création d’un nouvel impôt pendant le quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations ironiques sur la plupart des autres travées.)
La taxe d’habitation, avez-vous dit, est un sujet de préoccupation pour les communes. Pour ma part, je crois que c’est surtout un sujet de préoccupation pour les contribuables, qui seront soulagés de la voir totalement supprimer d’ici à la fin du quinquennat.
Nous sommes en train de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables français, ceux dont le revenu est inférieur à 2 500 euros par mois. Cette mesure est parfaitement financée. (Exclamations sur de nombreuses travées autres que celles du groupe La République En Marche.) La trajectoire budgétaire est respectée. Nous avons même réussi à obtenir une amélioration du déficit budgétaire de 6 milliards d’euros en 2017, preuve que les comptes publics de la France sont bien tenus sous le gouvernement d’Édouard Philippe ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Il nous reste à trouver non pas 19 milliards d’euros, mais 8,5 milliards d’euros pour financer la suppression totale de la taxe d’habitation. Trois pistes sont sur la table pour dégager ces recettes supplémentaires.
La première – je ne suis pas surpris que vous oubliiez de la mentionner – consiste à réduire davantage la dépense publique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Bonimenteur !
M. Bruno Le Maire, ministre. Une deuxième piste, évoquée par le Président de la République, est d’affecter une part d’un impôt national aux collectivités locales.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il serait temps de s’y mettre !
M. Bruno Le Maire, ministre. La troisième piste consiste à refondre les taxes locales et la fiscalité locale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Elle sera étudiée par le groupe de travail animé par MM. Bur et Richard. Attendez de connaître ses conclusions avant de vous prononcer !
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Le Maire, ministre. En tout état de cause, ces 8,5 milliards d’euros seront compensés, comme ont été financées toutes les mesures que nous avons prises jusqu’à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Philippe Dallier. Mme Gourault avait raison !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous savez très bien que vous ne nous avez pas convaincus. (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Vous avez d’abord affirmé que l’on pouvait faire des économies supplémentaires. Certes !
Vous avez ensuite déclaré que l’on pouvait tirer parti d’un impôt national, mais celui-ci est tout de même payé par les contribuables…
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, vous avez évoqué la piste d’une refonte des impôts locaux. Or, si l’on veut dégager davantage d’argent, il faudra bien augmenter l’un des impôts ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans tous les cas, il faudra bien trouver quelque part ces 19 milliards d’euros !
M. le président. Il faut conclure, sachant que nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait, monsieur le président.
Par ailleurs, quid de l’autonomie fiscale garantie pour les communes ?
M. le président. Concluez, s’il vous plaît !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est fini, monsieur le président ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains.)
“french tech” et commerce extérieur
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Emmanuel Capus. La cinquante-deuxième édition du Consumer Electronics Show, le CES, s’est tenue à Las Vegas la semaine dernière. C’est un événement de renommée mondiale en matière de nouvelles technologies, et je salue le fait que la France y ait été particulièrement bien représentée, par plus de 320 start-up, soit la deuxième délégation après celle des États-Unis. Les territoires français étaient également fort bien représentés, avec un nombre très important de présidents de région ou de métropole et de maires. La ville d’Angers a notamment capitalisé sur l’élan suscité par l’organisation du World Electronics Forum en octobre dernier.
Oui, monsieur le ministre, la France et ses territoires ont des atouts incroyables pour faire rayonner la « French Tech » dans le monde. Nous demeurons une grande nation d’innovation et de créativité !
Cependant, les chiffres du commerce extérieur publiés la semaine dernière par les services des douanes font état d’un déficit abyssal de 60 milliards d’euros sur douze mois, ce qui amène à nuancer ces succès.
Oui, nous innovons. Oui, nous sommes créatifs. Oui, notre écosystème de start-up est dense et performant, mais il peine à mettre en œuvre une véritable stratégie de reconquête de parts de marchés à l’étranger. Notre compétitivité au sein même de l’Union européenne ne cesse de s’éroder. À titre de comparaison, l’Allemagne affiche, elle, un excédent commercial de 227 milliards d’euros entre janvier et novembre 2017. Nos PME innovantes exportent peu, n’ont souvent pas la taille critique pour s’attaquer aux marchés étrangers et ont du mal à trouver les financements nécessaires à leur croissance.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelle est votre stratégie pour faire en sorte que la « French Tech » soit davantage qu’une opération de communication à l’étranger et devienne une réalité industrielle qui place la France aux premiers rangs mondiaux de l’économie de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous avez raison de vanter les succès de la « French Tech », qui a encore montré au salon de Las Vegas sa compétence, son savoir-faire dans les domaines de l’environnement, de la santé, des transports autonomes, de la domotique. Je crois que nous tenons là le fer de lance de nos savoir-faire et de la haute technologie française.
De manière plus large, personne ne peut se résigner à voir se creuser, depuis le début des années 2000, le déficit commercial extérieur de la France. Ce dernier est le reflet de la perte de compétitivité de notre économie.
Certes, nous innovons, monsieur le sénateur, mais en réalité pas assez. Nous n’investissons pas suffisamment dans l’innovation. Les aides sont encore trop complexes, trop disparates. Nous pouvons faire beaucoup mieux pour améliorer la compétitivité de l’économie française, en particulier en réduisant le coût du travail. C’est le sens des politiques menées actuellement par le Premier ministre : dispositif « zéro charges » au niveau du SMIC, transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en allégement direct de charges d’ici à 2019… Ces mesures permettent d’améliorer la compétitivité-coût de notre économie.
L’amélioration de la qualité de nos produits, de ce que l’on appelle la compétitivité hors coûts, passe quant à elle par plus d’innovation, plus de recherche, plus d’investissements. Toute la politique fiscale que nous avons mise en œuvre au travers de la baisse de l’impôt sur les sociétés, de la suppression de l’impôt sur la fortune ou de l’instauration du prélèvement forfaitaire unique vise à permettre à nos entreprises d’investir et d’innover.
Le Fonds pour l’innovation de rupture, que nous allons mettre en place dès ce mois-ci avec 10 milliards d’euros de dotation, aura pour objet de financer l’innovation de rupture, laquelle nous permettra de continuer à être une nation conquérante sur les marchés extérieurs.
Personne ici, aucun citoyen, aucun chef d’entreprise, aucun salarié ne peut se résigner à ce que la France enregistre un déficit commercial de plus de 60 milliards d’euros, quand l’Allemagne engrange plus de 230 milliards d’euros d’excédent. Nous gagnerons aussi cette bataille du commerce extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Il est difficile d’intervenir après notre collègue Jean-Pierre Sueur, ma question portant sur le même sujet que la sienne ! La réponse qui lui a été apportée par M. le ministre nous laisse dans le flou.
De nombreux maires sont inquiets et nous interpellent à propos des déclarations divergentes des membres du Gouvernement sur la réforme de la taxe d’habitation.
Cette réforme ne consiste pas en une simple suppression ; il s’agit d’un dégrèvement, l’État se substituant donc au contribuable local. Cependant, l’histoire budgétaire nous rappelle que toute compensation reste fragile. Nous ne savons toujours pas comment l’État va la financer. Son montant s’élèvera pourtant à 20 milliards d’euros à l’horizon 2020.
De nombreux élus craignent – à raison, l’histoire ayant laissé des traces – que ce dégrèvement ne remette en cause l’autonomie financière des communes, qui est pourtant un principe constitutionnel. L’État manquant lui-même de ressources, il est étrange qu’il se permette de priver des leurs les collectivités, étranglées financièrement depuis plusieurs années.
Le Conseil constitutionnel a validé la loi de finances, mais il a émis de sérieuses réserves concernant ce dégrèvement, qui portera dans un futur très proche des atteintes graves au principe constitutionnel de libre administration des collectivités.
La réponse apportée par M. le ministre de l’économie et des finances étend le flou qui entoure ce dossier. Un autre membre du Gouvernement a déclaré à juste titre, voilà quelques jours, qu’« il faut parler de réforme fiscale et d’impôt plus juste », qu’« il y aura bien évidemment besoin de ressources nouvelles pour les collectivités locales » et que cela « doit s’emboîter avec la fin de la taxe d’habitation ».
M. le ministre a souligné que les discussions avaient d’ores et déjà débuté. Avec quelle instance représentant les collectivités territoriales le Gouvernement discute-t-il ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Michel Savin. Au nom de la clarté, je vous prie de nous indiquer quel est l’état de vos réflexions sur l’évolution de la fiscalité. Y aura-t-il, oui ou non, un nouvel impôt local ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, il n’y a pas de flou dans ce que nous faisons. La meilleure preuve en est que vous et vos amis avez déféré au Conseil constitutionnel un certain nombre de dispositions du projet de loi de finances pour 2018 et que l’intégralité de ces dispositions ont été validées ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Personne ne peut se satisfaire de la complexité de la fiscalité locale actuelle. Si vous vous satisfaites de la taxe d’habitation, allez l’expliquer aux contribuables, à nos concitoyens ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ma part, j’estime que la taxe d’habitation est injuste, incompréhensible et inéquitable et qu’il était temps de la supprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
C’est l’honneur de cette majorité que d’avoir le courage de réformer en profondeur la fiscalité locale. C’est l’honneur de cette majorité que de répondre aux attentes de nos concitoyens. C’est l’honneur de cette majorité que de rendre en moyenne 200 euros de pouvoir d’achat en 2018 à 80 % des contribuables, les plus modestes, par la suppression de la taxe d’habitation.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Vous la supprimez à 100 % !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le redis, les solutions sont sur la table. Participez à la concertation sur la refonte de la fiscalité locale menée par MM. Bur et Richard ! Présentez-leur vos propositions, si vous en avez ! MM. Bur et Richard travaillent en toute transparence. Toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui veulent leur soumettre leurs propositions et leurs idées sont les bienvenus. Il n’y a qu’une seule proposition que nous n’accepterons jamais : créer de nouveaux impôts pendant la durée du quinquennat ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Je vous invite à examiner les propositions qui peuvent être faites en matière d’affectation aux collectivités territoriales d’une part de fiscalité nationale. Le Président de la République a ouvert cette voie : saisissez la main qui vous est tendue !
Faites-nous des propositions en matière d’économies budgétaires pour financer ces 8,5 milliards d’euros. Chaque fois que nous réduisons les dépenses publiques, vous êtes les premiers à crier au loup ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Nous vous tendons la main pour réformer la fiscalité locale : saisissez-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
pêche électrique
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nassimah Dindar. Ce midi, le Parlement européen s’est prononcé contre la généralisation de la pêche électrique.
M. Alain Joyandet. Il a bien fait !
Mme Nassimah Dindar. Nous saluons cette décision frappée au coin du bon sens. C’est une avancée considérable.
Toutefois, des inquiétudes fortes demeurent, car il ne s’agit que d’une étape du long processus législatif européen. Pour que cette avancée acquière force de loi, elle doit être validée par le Conseil européen.
La pêche électrique consiste à envoyer un courant électrique dans des électrodes placées sur les filets, afin de paralyser les poissons et ainsi de les capturer plus facilement. Ce procédé redoutable et cruel était déjà interdit depuis 1998, mais les Pays-Bas, notamment, profitaient d’une dérogation accordée à titre exceptionnel pour une quinzaine de navires.
Nos pêcheurs français, qui refusaient d’y avoir recours, en subissaient les conséquences en termes de ressource, la mer du Nord devenant bel et bien un cimetière marin.
Alors même que nos pêcheurs modernisent depuis plusieurs années leur flotte et leurs techniques, afin d’offrir aux consommateurs des produits de qualité issus d’une pêche responsable et durable, leurs efforts sont compromis par un contexte juridique et politique européen évoluant sans cesse.
Monsieur le ministre d’État, le Gouvernement est-il disposé à prendre l’engagement de soutenir la même position au sein du Conseil européen ? Le Gouvernement s’engage-t-il à faire preuve de la même vigilance dans les eaux de l’océan Indien, pour que ces méthodes ravageuses ne s’y implantent pas ? De fait, il y a bel et bien un déplacement des flottes vers les mers de l’hémisphère sud, encore poissonneuses.
La nouvelle stratégie pour les régions ultrapériphériques ouvre la porte à certaines modifications. Nous comptons donc sur la vigilance du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, en matière de folie, le pire n’est jamais certain. De mon point de vue, la pêche électrique est une folie absolue.
M. Christian Cambon et Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Je vous prie d’excuser le ministre de l’agriculture, qui rencontre en ce moment l’ensemble des acteurs de la filière laitière.
Après le conseil des ministres, en mai dernier, la majorité du Parlement européen s’est en effet prononcée à son tour aujourd’hui pour une interdiction totale de cette pratique. La France salue ce vote, qui est une très bonne nouvelle. Je salue aussi les associations, dont l’association Bloom, qui nous ont alertés sur cette pratique qui me semble d’un autre âge.
Comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, une phase de négociation s’ouvre entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Elle va durer plusieurs mois. La France demeurera impliquée, comme elle l’a toujours été depuis le début. Elle dénonce la pratique de la pêche au chalut électrique, qui a des incidences non seulement sur l’environnement marin, mais aussi sur la ressource halieutique, et qui est doublement dangereuse, parce qu’elle impacte les écosystèmes et parce qu’elle affecte les stocks de poissons sans aucun discernement.
Cette technique, qui consiste à utiliser simultanément un filet et une décharge électrique, fait l’objet, en France, d’une très forte opposition au sein des milieux économiques. Elle pénalise en outre nos propres pêcheurs, qui consentent beaucoup d’efforts, et les place dans une situation qui n’est pas acceptable en termes de concurrence.
Je veux donc vous rassurer, madame la sénatrice : lors de la phase de négociation qui s’ouvre, la France continuera évidemment de s’opposer à cette pratique et prônera le maintien de son interdiction totale en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour la réplique.
Mme Nassimah Dindar. Monsieur le ministre d’État, je regrette que vous ne m’ayez pas répondu à propos des mers de l’hémisphère sud, où doivent prévaloir les mêmes règles que dans l’hémisphère nord.
situation du transport ferroviaire
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche.
M. Bernard Cazeau. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des transports.
L’année 2017 a de nouveau révélé la vétusté du parc ferroviaire français, alors que le train est le premier moyen de transport collectif à distance. Nos concitoyens ont en effet été victimes des avaries techniques que subissent les lignes TGV partout en France, notamment sur le réseau au départ de la gare Montparnasse.
Le lundi 8 janvier dernier, vous avez, madame la ministre, rencontré les présidents des groupes SNCF Mobilités et SNCF Réseau, MM. Guillaume Pepy et Patrick Jeantet, pour dresser un bilan et établir des perspectives d’avenir. À l’issue de cette réunion de travail, vous avez obtenu la mise en place de plans d’action concrets en matière de modernisation des réseaux, de sécurité et d’information des voyageurs.
Parallèlement, vous avez annoncé que la modernisation du réseau existant des TER serait la grande priorité du Gouvernement pour les années à venir. Cette option trouvera sa concrétisation dans le projet de loi d’orientation qui sera présenté en avril prochain.
Une importance toute particulière devra être accordée à la mobilité infrarégionale. Je ne rappellerai pas l’exemple, bien connu de vous, de la ligne Bordeaux-Bergerac-Sarlat, où l’on circule, pour l’instant, à 40 kilomètres à l’heure…
Mme Nathalie Goulet. Il y a aussi le Paris-Granville !
M. Bernard Cazeau. Ma question est la suivante : au-delà des réflexions menées en 2017, dont les conclusions seront connues prochainement, et du projet de loi sur les mobilités qui sera examiné en avril 2018, quelles mesures concrètes permettront à court terme d’assurer aux usagers la fiabilité des horaires, la sécurité du transport et une information sûre et rapide lors d’événements exceptionnels ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la section Libourne-Bergerac, que vous venez d’évoquer, fait partie des nombreuses lignes régionales qui souffrent d’un défaut d’entretien et d’investissement depuis des années. Vous le savez, alors qu’au cours des dix-huit derniers mois nous avons inauguré quatre lignes à grande vitesse, ce sont plus de 5 300 kilomètres de réseau qui font l’objet de ralentissements du fait de ce sous-entretien et de ce sous-investissement.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a donné la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux. Je ne me risquerai pas à vous dire que nous allons remédier en quelques mois à des décennies de sous-entretien et de sous-investissement, mais, en 2018, ce sont 5,2 milliards d’euros qui vont être consacrés par SNCF Réseau à cette priorité. Par ailleurs, il est prévu d’allouer 1,5 milliard d’euros aux lignes secondaires dans le cadre des contrats de plan État-régions.
Pour autant, ces ressources ne permettront pas de traiter l’ensemble des lignes qui connaissent aujourd’hui des difficultés. C’est pourquoi un travail spécifique est engagé au sein de la région Nouvelle-Aquitaine. Un travail identique devra sans doute être conduit dans d’autres régions pour définir des priorités.
Monsieur le sénateur, je ne doute pas que la ligne que vous avez mentionnée, notamment la section Libourne-Bergerac, sera retenue parmi les lignes prioritaires, compte tenu de son trafic et de sa compétitivité par rapport aux alternatives routières. Il nous faudra aussi optimiser le programme de travaux, aujourd’hui évalué à 90 millions d’euros. C’est le sens des études engagées depuis la fin de l’année 2017 pour cibler au mieux les travaux sur cette ligne.
En tout état de cause, vous pouvez compter sur ma détermination à trouver des solutions pour ces petites lignes ferroviaires en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
immigration et droit d'asile
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sabine Van Heghe. Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et concerne la visite du Président de la République à Calais ce jour.
Cette visite présidentielle intervient dans un contexte très particulier, au moment où vingt-sept associations ont décidé de déférer devant le Conseil d'État la circulaire dite « Collomb », censée faciliter le recensement des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence.
Cette circulaire remet en cause le principe légal de l’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement d’urgence. C’est l’honneur de la France que de mettre à l’abri, au nom des droits universels, toute personne qui en a besoin, quelle que soit sa situation administrative.
Les principales associations locales d’aide aux migrants ont annoncé qu’elles boycotteraient la rencontre avec le Président de la République prévue ce mardi, lui reprochant un manque d’écoute et de dialogue.
Derrière cette opération de communication du Président de la République, derrière cette volonté gouvernementale de lutter contre l’immigration économique et de rendre plus efficaces les expulsions des déboutés du droit d’asile, il y a des femmes et des hommes en souffrance, en quelque sorte pris en otage du fait d’enjeux politiques qui les dépassent.
Sur ce dossier du droit d’asile, il faut, de la part du Gouvernement, beaucoup moins de démagogie et beaucoup plus de pédagogie. La France est un grand pays qui doit faire face à ses responsabilités, mais elle ne saurait évidemment y parvenir seule.
L’erreur initiale a été d’avoir laissé s’installer à Calais de 7 000 à 8 000 personnes dans des conditions d’hygiène, de sécurité et d’abandon épouvantables. Le dispositif qui avait été mis en place, sous le précédent quinquennat, dans le centre d’accueil Jules-Ferry, était à la fois professionnel et surveillé et n’avait donné lieu à aucun accident.
Aujourd’hui, il n’est plus question de réinstaller quoi que ce soit à cet endroit, mais d’aménager un lieu dédié, où des migrants puissent être secourus et accueillis dans des conditions dignes d’un grand pays moderne. C’est une exigence républicaine.
Il est tout aussi indispensable d’obtenir des autorités britanniques qu’elles prennent désormais leur part du problème.
À Calais, la population attend du Gouvernement des réponses quant à ses propres difficultés d’emploi, de logement et de sécurité.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sabine Van Heghe. Quelles mesures proposez-vous pour répondre à ces difficultés ?
Je terminerai en rappelant que certains de nos parents ou de nos grands-parents ont été des réfugiés et que nous ne sommes pas à l’abri de le devenir nous-mêmes demain. Agissons maintenant et redonnons une vie, une dignité…
M. le président. Concluez s’il vous plaît !
Mme Sabine Van Heghe. … à nos frères et sœurs citoyens de la même Terre, du même monde que nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame Van Heghe, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, se trouve naturellement aux côtés du Président de la République à Calais. Cette visite a pour but de rencontrer tous ceux qui travaillent sur le thème de la politique migratoire : élus, associations et forces de sécurité.
Je vous rappelle également que, la semaine dernière, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont reçu l’ensemble des associations – toutes étaient présentes – pour discuter du projet de loi qui sera prochainement soumis au Parlement. Le dialogue existe, le lien avec les associations est bel et bien là. Il me semblait important de le souligner très précisément.
Deux mots très forts peuvent définir notre politique en matière d’asile : humanité d’abord, efficacité ensuite.
Madame la sénatrice, nous le savons, c’est l’honneur de la France que d’accueillir celles et ceux qui fuient les théâtres de guerre, celles et ceux qui, dans leur pays, sont victimes de persécutions pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses. L’accueil inconditionnel des migrants est respecté dans notre pays.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Efficacité, ensuite, car on ne saurait garantir le droit d’asile sans maîtriser les flux migratoires ni reconduire à la frontière ceux qui ne peuvent rester sur le sol français.
Je le rappelle, les demandes d’asile – plus de 100 000 en 2017 – ont augmenté et près de 85 000 personnes ont fait l’objet d’une non-admission à nos frontières.
Je tiens à dire ici la confiance que je place, ainsi que le ministre d’État, dans tous les personnels de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, des préfectures et des services de police, qui, tous les jours, sont sur le terrain pour accueillir les migrants et les aider à s’insérer dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
situation du lycée joseph-gallieni à toulouse
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour le groupe Les Républicains.
Mme Brigitte Micouleau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. En réalité, il s’agit moins d’une question que d’un appel au secours, celui des enseignants du lycée Joseph-Gallieni de Toulouse, qui accueille 1 000 élèves, du CAP au bac professionnel et technologique.
Mardi dernier, les enseignants de cet établissement étaient en grève pour dénoncer une situation inouïe, qui dure depuis des années et qui ne cesse d’empirer : quelque 150 élèves « très difficiles », parfois délinquants, font régner la terreur dans ce lycée. Ils y ont pris le pouvoir : agressions verbales, menaces, coups, jets de pierres et de canettes à l’encontre du personnel de l’établissement ; humiliations des élèves les plus faibles ; exclusions des filles de certains espaces de convivialité ; vols ; généralisation des bagarres, toujours plus violentes ; déclenchements d’incendies… Tout cela, bien sûr, sur fond de trafic de drogue.
Les surveillants de l’établissement sont aujourd’hui dépassés, épuisés. Les professeurs confient venir travailler la peur au ventre – on les comprend !
Ce lycée professionnel, entièrement reconstruit en 2008, en raison du drame survenu à l’usine AZF, est quasiment neuf. C’est bien la démonstration que le cadre de vie ne suffit pas.
La situation de ce lycée n’est malheureusement pas unique en France. L’accueil d’élèves particulièrement difficiles conduit à remettre en cause les chances de réussite de tous ceux qui, dans ces établissements, souhaitent travailler.
Ministre le ministre, ne croyez-vous pas qu’il est temps de prendre à bras-le-corps ce dossier et de se poser la question de la création d’établissements d’accueil adaptés à ces situations ? Ne croyez-vous pas qu’il convient de repenser en profondeur l’organisation des parcours scolaires des élèves les plus difficiles, afin de faire en sorte qu’élèves et professeurs ne vivent plus l’enfer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame Micouleau, vous avez utilisé les mots « appel au secours » pour relayer la voix des enseignants de ce lycée.
Aujourd’hui, 70 des 135 enseignants du lycée Joseph-Gallieni se sont mis en retrait, parce qu’ils vivent la situation totalement inacceptable que vous venez de décrire.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Cet établissement, reconstruit après le drame de 2001, a normalement une capacité d’accueil de 1 400 places. Ses effectifs sont aujourd’hui largement inférieurs, car les tensions qui existent ont amené les services du ministère de l’éducation nationale à faire des choix.
L’année dernière, déjà, il a fallu déployer sur le site même du lycée l’équipe mobile académique de sécurité. Des cellules d’écoute ont également été mises en place pour les personnels. Autant de situations que nous avons connues ces dernières semaines et qui se sont renouvelées le jour de la rentrée, le 8 janvier dernier.
Les faits que vous avez rappelés et ceux que j’évoque à mon tour sont totalement anormaux. Un établissement scolaire doit être un lieu de paix, un lieu de calme, un lieu de partage, un lieu d’éducation.
Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies. C'est la raison pour laquelle l’inspection d’académie et le rectorat ont reçu, dès la semaine dernière, l’équipe de direction pour envisager, avec les autorités des collectivités locales, les moyens d’aménagement nécessaires pour cet établissement.
L’inspecteur d’académie et les services du rectorat recevront ce soir l’ensemble des représentants des enseignants pour trouver une solution pérenne, qui permette de ramener le calme nécessaire à l’apprentissage des enseignements.
Il s’agit d’un quartier difficile, comme il en existe ailleurs dans notre pays. Nous voulons investir massivement dans l’éducation, parce qu’il s’agit de la clef de l’émancipation et de la sécurité de chacune et de chacun.
Le ministre de l’éducation nationale est bien évidemment très attentif à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
plateforme « parcoursup » (II)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Comme M. Gay, je voudrais revenir sur le lancement de la plateforme d’inscription dans l’enseignement supérieur, dite « Parcoursup », présentée lundi à grand renfort de relais médiatiques, d’échanges et même d’un déjeuner avec des lycéens.
Certes, l’ancienne procédure admission post-bac a connu des dysfonctionnements importants et tout le monde s’accorde ici sur l’absolue nécessité d’éviter le recours au tirage au sort pour les admissions dans les filières dites « sous tension ».
Toutefois, les injonctions formulées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et par la Cour des comptes, ne faisaient nullement mention d’une refonte complète de la plateforme, ni de la suppression de l’algorithme de tri. Un tel outil est complexe. Sa mise en place suppose de prendre le temps suffisant pour répondre aux attentes de tous les acteurs éducatifs.
Or force est de constater que le nouveau dispositif suscite aujourd’hui l’inquiétude non seulement des présidents d’université, qui n’ont pas le temps de mettre en place les parcours pédagogiques personnalisés, mais aussi des lycéens, qui ne disposent pas des informations nécessaires à leur réflexion. Cette réforme se déroule donc dans une grande précipitation.
Dans le cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, vous aviez proposé, pour la construction de cette nouvelle plateforme, une méthode fondée sur le débat parlementaire. Or la plateforme est lancée avant même l’examen du texte au Sénat.
Aucun débat de fond ne peut réellement s’instaurer. C’est un déni de démocratie assez scandaleux, qui en dit long sur votre considération du Parlement. Pourquoi nous faire voter une loi que vous avez en réalité déjà mise en application ? Comment justifiez-vous que toute modification significative du texte par le Sénat soit systématiquement rejetée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, votre interpellation, comme celle qui a été adressée au Premier ministre au début de cette séance de questions au Gouvernement, ressemble à un reproche, celui de ne pas maintenir le statu quo. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Pas du tout !
M. Marc-Philippe Daubresse. Cela n’a rien à voir !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Il est évident que si nous avions attendu, comme nous y invitent les auteurs de ces deux questions, le Gouvernement n’aurait pas été en mesure de tenir son engagement de faire en sorte que les difficultés rencontrées lors de la dernière rentrée ne se reproduisent pas.
Mme Éliane Assassi. Respectez au moins le Parlement !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Je vous rappelle que, voilà quelques mois, dans cet hémicycle, vous avez justement interpellé le Gouvernement sur les mauvaises conditions dans lesquelles s’était déroulée la rentrée universitaire.
Comme vous l’avez souligné, le système admission post-bac et le recours au tirage au sort, qui aboutit à exclure d’une filière des enfants passionnés par une profession, est injuste. Et comme l’a rappelé le Premier ministre, il s’agit d’un système sélectif par l’échec que nous refusons.
Nous aurions évidemment pu attendre et lancer des concertations. Nous aurions pu nous retrouver tous ensemble et réfléchir à la meilleure façon de faire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous aurions aussi pu oublier, monsieur le président Retailleau, que les règles constitutionnelles prévoient d’adopter le budget avant le 31 décembre.
Dès lors, nous aurions pu attendre et donner rendez-vous aux étudiants non pas à la rentrée prochaine, avec un système plus juste, plus efficace, déterminant pour leur avenir, mais à l’année suivante.
Je pense qu’il était urgent d’agir. Je ne doute pas que nous puissions nous retrouver, ensemble, pour débattre de ce texte, l’améliorer et faire en sorte qu’il entre en vigueur dans les meilleures conditions, pour mettre un terme à un système injuste qui condamne des jeunes, au nom du libre choix, à aller vers l’échec. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le secrétaire d’État, il faut arrêter de brandir la menace du statu quo pour balayer toute critique. Pour des questions de calendrier, vous négligez la représentation nationale, ce que je déplore.
Le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale vont rejeter toutes les propositions de modification du Sénat. Il s’agit véritablement d’une occasion ratée de dialogue constructif avec la représentation nationale, contrairement d'ailleurs à ce que vous aviez promis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 23 janvier prochain, à seize heures quarante-cinq, et seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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État du service public dans les transports en région Île-de-France
Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’état du service public dans les transports en région Île-de-France, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l'occurrence le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les Franciliennes et les Franciliens qui empruntent les transports en commun ne supportent plus la galère qu’elles ou ils vivent au quotidien : retards, annulations, incidents divers, inconfort générant stress et fatigue... Cette exaspération légitime nourrit un sentiment de déclassement et d’abandon que nous ne pouvons ignorer.
Quant aux personnels de la RATP et de la SNCF, dont il faut saluer l’engagement professionnel, ils sont en souffrance face à la dégradation de leurs conditions de travail.
Si la question du service public des transports et de sa dégradation se pose sur l’ensemble du territoire national, comme nous l’avons vu lors du débat précédent, les caractéristiques de la région capitale en font une question spécifique sur cet espace qui concentre 5 millions de voyageuses et de voyageurs par jour.
Parler transports, c’est aborder la question de l’aménagement. Le droit à la mobilité ne peut se penser en dehors du droit au logement accessible ni des problématiques d’accès à l’emploi et aux services publics. Tenir ces quatre exigences, c’est permettre un aménagement équilibré et une meilleure qualité de vie pour les Franciliennes et les Franciliens.
Or nous avons hérité, depuis des décennies, d’un déséquilibre entre l’est et l’ouest régional. Pour faire vite, les bureaux sont à l’ouest et les logements à l’est, ce qui entraîne des mouvements de transports trop importants. Le développement urbain a également créé de nouveaux besoins de mobilité encore sans réponse aujourd’hui. Un rééquilibrage entre bureau et logement et une réelle réflexion sur l’étalement urbain constituent donc un premier élément de réponse aux problèmes de transport.
Toutefois, si l’enjeu des transports collectifs est un enjeu majeur, c’est aussi parce qu’il touche à des défis environnementaux et sanitaires.
Trop de camions et de voitures saturent le réseau. Je rappelle que nous déplorons 6 000 morts par an en Île-de-France du fait de la pollution – sans compter les coûts induits estimés, à l’échelle de la France, à 101 milliards d’euros par an.
Il est donc urgent d’inverser la tendance en engageant un report modal de la route vers le rail et vers le fluvial, pour les voyageurs comme pour les marchandises.
À l’ère de la COP23, comment minorer le fait que ces modes émettent moins de gaz à effet de serre ? Pourtant, aujourd’hui, en Île-de-France, seuls 3 % des marchandises transitent par le rail. Ainsi, comment justifier que, dans mon département du Val-de-Marne, un seul train par jour desserve le marché d’intérêt national de Rungis ?
Respecter les engagements liés à l’accord de Paris pris dans le cadre de la COP21 doit donc nous conduire à adopter des politiques qui favorisent le rail face à la route, le collectif face à l’individuel.
Grande question de santé publique, l’accessibilité des transports en commun constitue également un enjeu social. Trop de nos concitoyennes et de nos concitoyens subissent en effet une discrimination à l’embauche selon l’endroit où elles et ils résident. Et ces mauvaises conditions de transport, comme la saturation des réseaux routiers, sont un frein évident à la compétitivité des entreprises, qui ont intérêt à disposer de bonnes conditions de mobilité pour leurs salariés comme pour leur clientèle.
Depuis plus de dix ans, les politiques publiques en matière de transport tiennent en un mot : le désengagement de l’État. On peut même se demander si ces conditions n’ont pas été créées pour aboutir à cette situation dégradée, afin de justifier des politiques de libéralisation et de privatisation.
Comment laisser entendre que l’ouverture à la concurrence pourrait être la solution aux dysfonctionnements actuels, puisque tout recul de la puissance publique entraînera un recul de l’égalité et des droits ? En effet, la mise en concurrence ne peut qu’aboutir au délaissement de la partie du territoire jugée la moins rentable – je pense notamment à la grande couronne.
À la concurrence, nous préférons la complémentarité entre les différents modes de transports – le ferroviaire, le bus, les vélos –, afin d’offrir une offre cohérente et maillée sur l’ensemble du territoire, ce qui implique, mais j’y reviendrai, un renforcement de la maîtrise publique de ce secteur.
L’ouverture à la concurrence, c’est également le dumping social, économique et environnemental et des prises de risque pour la sécurité des usagers et des personnels. Nous pensons donc qu’il faut en finir avec cette logique libérale en transformant et en améliorant le service public des transports collectifs.
Cela suppose notamment d’abandonner les projets qui ne répondent pas aux besoins des Franciliennes et des Franciliens. Je pense ici au projet privé CDG Express, qui ne vise qu’à satisfaire les usagers d’affaires qui pourront dépenser 24 euros pour aller de l’aéroport à Paris.
Ce projet, qui bénéficie d’un fort soutien public – faut-il rappeler que l’État vient d’accorder un prêt de 1,7 milliard d’euros au groupement constructeur ? –, conduit à un service à deux vitesses : d’un côté, des transports de qualité pour celles et ceux qui peuvent payer, de l’autre, un service au rabais et non financé.
Ce projet est un serpent de mer, jusqu’à présent repoussé par la mobilisation des populations, des personnels et d’un certain nombre d’élus, dont ceux de notre groupe.
Cette même mobilisation a aussi permis de modifier le projet initial du Grand Paris Express. Alors qu’il devait s’agit d’un supermétro desservant les seuls pôles de compétitivité, les habitants regardant passer les trains, l’intervention citoyenne a permis de revoir le nombre de gares à la hausse pour véritablement mettre ce projet au service des populations.
Aussi, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous apportiez des informations sur de possibles retards de calendrier nous laissant craindre l’abandon de certaines lignes.
Sachez que nous serons intransigeants sur la pleine réalisation de cette infrastructure utile au désengorgement du réseau, qui doit être réalisée non seulement dans les délais prévus, mais encore dans son ensemble. Il en va de même du prolongement de la ligne 14.
Je ne pense pas qu’un seul sénateur ici présent soit satisfait des conditions de transports dans la région Île-de-France. Je ne crois pas davantage que notre groupe soit le seul à remarquer un déséquilibre entre l’est et l’ouest, avec une concentration d’entreprises autour de La Défense.
Si le constat est largement partagé, la question qui nous est posée, mes chers collègues, est celle des actions que nous sommes prêts à engager pour remédier à cette situation. Or les choix politiques faits depuis des dizaines d’années ne permettent pas de développer un réseau de transports publics digne du XXIe siècle.
Vouloir réaliser des économies sur le dos des investissements en matériel et en personnel a conduit 5 millions voyageurs à vivre des galères quotidiennes. Par exemple, comment l’annonce de 2 000 nouvelles suppressions de postes à la SNCF va-t-elle permettre d’humaniser les gares ou de mieux entretenir le matériel ?
Pour répondre à l’exigence d’un service de qualité à un tarif accessible à toutes et tous, participant à la nécessaire transition écologique, il faut, au contraire, améliorer et renforcer le service public des transports.
Pour ce faire, il convient de s’engager dès à présent dans des travaux visant à rénover et faire évoluer le réseau francilien existant. Nous avons besoin d’investissements massifs pour mener à bien les chantiers programmés, mais aussi pour assurer une maintenance de qualité ou renouveler le matériel roulant, même si nombre d’efforts ont été faits de ce point de vue sous la précédente mandature régionale.
Ainsi, il est urgent d’investir massivement sur l’ensemble des lignes du RER, véritable point noir du réseau régional, et de poursuivre le développement et le maillage des réseaux de bus. Il est urgent que les opérateurs publics que sont la SNCF et la RATP développent une politique d’embauche, afin d’améliorer les services aux voyageurs.
Concernant le fret, les triages et les infrastructures doivent retrouver une pleine activité, et les emprises foncières être préservées.
Pour tous ces investissements, notre sensibilité politique formule, aux niveaux local et national, d’autres pistes de financement nourries par le dialogue avec les syndicalistes, les usagers et les élus. On ne peut pas nous reprocher notre inconstance en la matière, c’est le moins que l’on puisse dire.
Nous estimons, comme beaucoup d’autres, que les mesures adoptées jusqu’à maintenant sont injustes et inefficaces. Cessons de demander aux usagers de payer toujours plus !
Au conseil régional d’Île-de-France, notre groupe a porté l’exigence d’un pass Navigo à tarif unique. Nous l’avons obtenu grâce à la mobilisation que nous avons contribué à impulser. Je l’ai vécue en tant que conseillère régionale et administratrice du STIF, aujourd'hui Île-de-France Mobilités.
Nous avons également contribué à la prise en compte, au travers de la tarification sociale, des difficultés des plus fragiles : les jeunes, les privés d’emploi et les retraités.
Néanmoins, aujourd’hui, la nouvelle majorité de droite remet en cause tous ces acquis, n’ayant de cesse, notamment, d’augmenter le prix du pass Navigo. Pourtant, les départements du Val-de-Marne et de Paris viennent d’adopter des mesures de tarification spéciale et de gratuité en faveur des retraités. Il s’agit donc bien d’une volonté politique !
Notre groupe estime que les entreprises, qui bénéficient en priorité du bon maillage territorial des transports en commun, doivent participer davantage au développement de l’offre de transport. Trop de cadeaux fiscaux ont été faits sans contreparties réelles.
Nous formulons plusieurs propositions : augmenter le versement transport à Paris et dans la partie la mieux desservie du département des Hauts-de-Seine (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ;…
M. Philippe Pemezec. Cela nous manquait !
Mme Laurence Cohen. … entreprendre une réforme de la taxe pour création de bureaux et instaurer un moratoire s’agissant de la construction de bureaux à la Défense et dans l’ouest de Paris ; créer une taxe sur les parkings des centres commerciaux ; mettre en œuvre une écotaxe permettant de prendre en compte les coûts externes de la route ; enfin, ramener la TVA à 5,5 %, afin de dégager des marges de manœuvre pour les autorités organisatrices.
M. Philippe Dallier. Il faut juste trouver l’argent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Pour l’Île-de-France, ces financements nouveaux rapporteraient 500 millions d’euros, soit 5 milliards d’euros à l’échelle nationale. Vous vous contentez de vous gausser, chers collègues de la majorité sénatoriale. Faites donc des propositions susceptibles de régler le problème ! (Mme Éliane Assassi applaudit.)
J’insiste sur ce point, rien ne se fera sans une véritable démocratisation. Il faut donner la parole à ceux qui ont une expertise importante en la matière. Je pense non seulement aux usagers, mais aussi au personnel.
Madame la ministre, les usagers, les associations, les comités de ligne et les syndicats attendent, avec nous, des réponses extrêmement précises aux propositions que nous formulons et qui sont largement partagées.
En réalité, l’apport de notre groupe devrait être pour votre gouvernement un point d’appui lui permettant de prendre les mesures d’urgence qui s’imposent, à la fois pour mettre un coup d’arrêt aux galères vécues par les Franciliennes et les Franciliens dans les transports en commun et pour redonner au fret ferroviaire la place qui doit être la sienne dans l’intérêt de toutes et tous. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je vous ai écoutée attentivement. Si je partage certaines de vos interrogations, je ne vous rejoins pas sur tout ce que vous avez dit.
Vous le savez, je suis également, de par mes précédentes fonctions, sensible aux enjeux des transports publics en Île-de-France et, plus largement, à l’offre de mobilités dans cette région.
Je ne reviendrai pas sur les sujets que nous avons pu aborder lors de notre premier débat et qui concernaient aussi l’Île-de-France. Cependant, je le constate tout autant que vous, tout ne fonctionne pas au mieux.
Nous connaissons tous la spécificité du contexte francilien et la saturation réelle des réseaux, structurés historiquement en radiale entre Paris et ses territoires limitrophes. Bien sûr, je ne m’en satisfais pas, et l’État, même s’il n’est pas autorité organisatrice des transports en Île-de-France, s’engage fortement dans la région capitale. En effet, le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux, notamment de l’urgence de la rénovation de l’existant et de l’amélioration des conditions de transport au quotidien.
L’État est également pleinement engagé pour accompagner des projets de dimension internationale à moyen terme – je pense aux jeux Olympiques de 2024 ou encore à l’organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 –, destinés à soutenir le développement et l’attractivité de la région capitale.
Je tiens à le rappeler, en Île-de-France comme sur l’ensemble du territoire français, l’État a quatre priorités.
Premièrement, il faut améliorer les conditions de transport des voyageurs, en permettant aux autorités organisatrices d’assurer le développement d’une offre de mobilités de qualité.
Deuxièmement, il est nécessaire de lutter contre la pollution de l’air et d’aider les collectivités à mettre en œuvre la transition énergétique, conformément à l’action que je mène avec Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire.
Troisièmement, il convient de favoriser une politique des transports qui protège les Franciliens, en leur permettant de vivre leur quotidien dans les meilleures conditions possible. Je pense à la sécurité des personnes, bien entendu, mais aussi aux tracas du quotidien liés à la suppression ou au retard d’un train que l’on doit prendre pour se rendre au travail ou aller chercher ses enfants à l’école. Une telle politique des transports protège également les agents qui assurent le service des transports en Île-de-France, à savoir les cheminots de la SNCF et les agents de la RATP.
Quatrièmement, nous devons répondre à l’enjeu national, particulièrement central en Île-de-France, de cohésion sociale et d’accessibilité à tous. Vous le savez tout autant que moi, une meilleure cohésion territoriale est fondamentale non seulement pour le vivre ensemble, mais également pour le développement économique et l’attractivité d’un territoire.
Oui, tous les jours, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État s’engage aux côtés des collectivités franciliennes pour l’amélioration des transports du quotidien, qu’il s’agisse du RER, du métro, du tramway ou du bus à haut niveau de service.
Ainsi, dans le cadre du contrat de plan État-région en cours, l’État consacrera 1,4 million d’euros à améliorer les mobilités en Île-de-France. À cela s’ajoutent les contributions de la Société du Grand Paris au plan de mobilisation pour les transports, lesquelles s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros pour la période.
Pour l’année 2018, des projets prioritaires, tels que le prolongement de la ligne 11, le tram-train Massy-Évry ou encore le T9 bénéficieront de crédits de l’État.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que la RATP et la SNCF déploieront 1,6 milliard d’euros pour la régénération de leur réseau en 2018. Je l’ai dit tout à l’heure, le trafic augmente sur les réseaux de l’Île-de-France. C’est une bonne nouvelle, qui révèle l’attractivité des transports en commun. Toutefois, nous devons accompagner une telle évolution.
Pour ce faire, l’État, en lien avec les élus, au travers de la Société du Grand Paris, réalise le Grand Paris Express. La réalisation du métro du Grand Paris est désormais pleinement engagée. Vous le savez, la fin des études et l’entrée en phase opérationnelle – je pense en particulier à la ligne 15 Sud – ont conduit à préciser la réalité des coûts et des délais. Je le dis très clairement, le calendrier présenté jusqu’à présent était, pour partie, trop ambitieux.
Dans ce contexte, et sans remettre en cause le projet, le Gouvernement a lancé une réflexion, confiée au préfet d’Île-de-France, sur le rythme de réalisation du projet et ses modalités de financement. Les décisions en la matière seront annoncées dans les prochains jours. Toutefois, soyez rassurés, l’intégralité du schéma d’ensemble du Grand Paris Express sera maintenue.
Enfin, comme je l’ai évoqué lors de notre précédent débat, l’État n’intervient pas uniquement en matière de financement des infrastructures. Il demande aussi à ses opérateurs de porter une attention particulière à la qualité de service, en particulier à l’information des voyageurs, le cas échéant lors de situations perturbées.
Avec la présidente d’Île-de-France Mobilités, nous avons réuni vendredi dernier les présidents de la SNCF, de la RATP et de la Société du Grand Paris, afin de leur demander de mieux se coordonner et de mieux informer sur les opérations de travaux de rénovation ou d’interconnexion en cours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez avec moi : bien qu’il ne soit pas autorité organisatrice des transports, l’État s’engage pour l’Île-de-France et son service public de transport.
Mme Laurence Cohen. C’est normal, non ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Oui, mais il fallait le dire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Enfin, au-delà des grands projets et de la rénovation des réseaux, mon devoir en tant que ministre est aussi de permettre aux autorités organisatrices, au premier rang desquelles figure Île-de-France Mobilités, et aux collectivités comme la Ville de Paris, la région Île-de-France ou la métropole du Grand Paris de se projeter dans les mobilités du XXIe siècle. Je l’ai dit tout à l’heure, tel est l’objet de loi d’orientation des mobilités qui sera présentée au printemps.
C’est pourquoi, en complément de ce que l’on appelle le mass transit, la loi d’orientation des mobilités doit permettre d’offrir un cadre réglementaire incitant à aller vers plus d’innovations dans les mobilités – je pense notamment aux mobilités partagées et aux mobilités propres –, afin de les adapter aux enjeux de demain. Car en Île-de-France comme partout en France, la mobilité des biens et des personnes est un enjeu majeur, à la fois économique, social et environnemental. Nous devons nous assurer que nous apportons des solutions de mobilité durables à tous les citoyens, dans tous les territoires.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat pakistanais, conduite par le général Abdul Qayyum, qui effectue une mission en vue de développer nos coopérations bilatérales, en particulier dans les domaines de la défense et de l’économie. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre chargée des transports, se lèvent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Pascal Allizard, président du groupe d’amitié France-Pakistan.
Cette visite s’inscrit dans le prolongement d’un échange interparlementaire particulièrement dense et dynamique, avec la visite récente au Pakistan de délégations des groupes d’amitié de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La richesse de cette relation interparlementaire nous rappelle que les vertus du bicamérisme vont bien au-delà de la seule fonction législative.
Lors de son séjour, la délégation s’entretiendra en particulier avec notre collègue Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et effectuera plusieurs visites à caractère économique.
Nous souhaitons à nos collègues pakistanais un fructueux séjour, en formant le vœu que cette session de travail interparlementaire contribue à l’approfondissement de nos coopérations et à l’éclosion, autour de valeurs partagées, d’opportunités réciproques.
Nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, applaudissent longuement.)
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État du service public dans les transports en région Île-de-France
Suite d'un débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme la présidente. Nous reprenons le débat sur l’état du service public dans les transports en région Île-de-France, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Débat interactif
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d'y répondre pour une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les transports devraient être des facilitateurs du quotidien, ils sont aujourd’hui une véritable plaie dans la vie de millions de Franciliens ; du fait du manque d’investissements affectant de nombreuses lignes de notre réseau, ils sont source de difficultés réelles pour leur santé, leur emploi ou leur vie familiale.
Ainsi, pas une seule semaine ne passe sans qu’un usager du RER B ne soit en retard, le matin, à son travail ou à ses cours, ou bien, le soir, pour récupérer ses enfants à la crèche. Il serait d’ailleurs intéressant de se pencher sur l’impact de ces retards : stress, perte d’emploi ou fatigue chronique.
Pourtant, les transports collectifs sont une réponse économique, sociale et environnementale viable.
Personne n’a intérêt à ce que des dizaines de milliers de Franciliens s’en détournent pour prendre des transports individuels, notamment la voiture, même partagée. Nos autoroutes et périphériques sont déjà saturés, et les embouteillages provoquent nuisances et pollutions. Chaque année, la pollution tue 2 500 personnes à Paris, soit soixante fois plus que le nombre de morts par accident de la route dans la capitale, comme nous l’indique le rapport Santé Publique France publié en juin 2016.
À la question relative aux investissements pour l’amélioration des transports du quotidien, soulevée par ma collègue Laurence Cohen et à laquelle vous n’avez pas apporté de réponse, madame la ministre, on nous oppose souvent le problème des moyens.
Toutefois, dans ces conditions, comment comprendre le coût, estimé entre 1,4 milliard d’euros et 2,2 milliards d’euros, du Charles-de-Gaulle Express, pour 17 000 passagers par jour, qui reliera directement la gare de l’Est à l’aéroport Charles-de-Gaulle, sans s’arrêter en Seine-Saint-Denis ? Les usagers du RER B attendent avec impatience, depuis des décennies, le doublement du tunnel du Châtelet ou le rehaussement des ponts de la partie sud, qui permettrait de fluidifier le trafic grâce à des rames à double étage.
Ma question sera simple, franche et directe, madame la ministre : pour améliorer le réseau de transports, allez-vous enfin réorienter les investissements de l’État vers les trajets du quotidien ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je n’ai pas dû me faire bien comprendre au cours du débat précédent ou lors des différentes interventions que j’ai eu l’occasion de formuler devant votre assemblée : la priorité du Gouvernement, ce sont les transports du quotidien, avec l’entretien ou la régénération des réseaux. Le Président de la République a fait un choix courageux, le 1er juillet dernier, en annonçant une pause s’agissant des grands projets d’infrastructures.
Peut-être n’avons-nous pas été suffisamment entendus. Je le dis et le redis, la priorité du Gouvernement, c’est l’entretien et la modernisation des réseaux. Le travail est en cours dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures, pour préparer, de la façon la plus démocratique possible, une trajectoire d’investissement. Le Parlement votera en effet la programmation des investissements pour les prochaines années.
Vous semblez penser que je n’ai pas répondu à l’engagement de l’État en Île-de-France. Je me permets donc de rappeler les chiffres : 1,4 milliard d’euros ont été attribués dans le cadre du contrat de plan État-région 2015-2020, auxquels s’ajoutent 2,5 milliards d’euros apportés par la Société du Grand Paris sur la période 2017-2020. Tout cela permettra un programme d’investissements de 7,5 milliards d’euros sur la période du contrat de plan, auxquels s’ajoute 1,6 milliard d’euros pour la régénération engagée par la SNCF et la RATP. Je le rappelle, quelque 30 % des investissements de la SNCF concernent le réseau Transilien, qui représente 10 % du réseau global.
Je ne parle pas du projet du Grand Paris Express, dont nous pourrons prochainement annoncer le coût « recalé ». Je peux vous l’assurer, des efforts importants sont consentis par l’État et ses établissements en Île-de-France.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. Madame la ministre, ma question porte sur le Grand Paris Express, que vous avez évoqué dans votre intervention liminaire.
Depuis quelques mois, les inquiétudes grandissent concernant ce grand projet structurant, dont notre région, chacun le sait ici, a absolument besoin afin de rééquilibrer les retards que nous avons pris et dont les Franciliens souffrent au quotidien.
J’évoquerai tout d’abord la question des délais de réalisation. Nous le savons, la réalisation d’un certain nombre de lignes a pris du retard, alors que, pour d’autres, les travaux ne sont toujours pas engagés. Les inquiétudes sont grandes s’agissant du respect du calendrier, qu’il s’agisse de celui des jeux Olympiques, pour les lignes qui desserviront les sites olympiques ou, de manière plus large, de celui des usagers. Tel est le cas des lignes 17 et 18, pour lesquelles un certain nombre de craintes, qui n’ont pas encore reçu de réponses, se sont fait entendre.
Un autre sujet d’inquiétude, partagé, j’en suis sûr, par le Gouvernement, est la question du coût. Je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir ouvert le débat aujourd'hui. Ils ne savaient sans doute pas que la Cour des comptes publierait le même jour un rapport assez inquiétant sur la dérive financière du Grand Paris Express...
En effet, le chiffre avancé est désormais de 38,5 milliards d’euros, alors que l’estimation de départ, certes sous-évaluée, était de 25 milliards d’euros. Nous sommes donc passés de 25 milliards à 28 milliards, puis à 32 milliards et, enfin, à 38,5 milliards d’euros. Bien évidemment, une telle évolution des coûts soulève la question du chiffrage final de l’opération que nous pouvons raisonnablement retenir. Nous souhaiterions connaître votre position à ce sujet, madame la ministre.
Je termine en soulignant que, dans le cadre de cette inquiétude grandissante, une parole forte du Gouvernement serait de nature à rassurer les élus locaux sur la volonté de l’État de poursuivre dans sa globalité ce projet indispensable pour la région d’Île-de-France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer s’agissant de l’importance, pour le Gouvernement, du projet du Grand Paris Express. Je l’ai dit, le développement des réseaux en Île-de-France s’est fait de façon radiale, en omettant un large territoire situé aux abords de Paris, lequel ne bénéficie pas des transports nécessaires pour soutenir son développement.
Ce projet, crucial pour la région parisienne, sera mené à son terme. Il n’est pas question de modifier le schéma global du réseau du Grand Paris.
Comme vous l’avez souligné, des délais très ambitieux avaient été annoncés. Je ne pense pas que l’on puisse dire qu’ils sont réalistes. En effet, la construction de 200 kilomètres de métro automatique, majoritairement souterrain, dans le sol très compliqué du bassin parisien, se révèle particulièrement complexe. Tous les experts sont d’accord pour le reconnaître, l’opération est techniquement très difficile à réaliser.
S’agissant des coûts, vous avez mentionné le chiffre avancé par la Cour des comptes. Je n’ai pas les éléments d’analyse pour vous répondre sur ce point. Toutefois, vous avez raison, les coûts sont sensiblement plus importants que ceux qui avaient été envisagés.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est déterminé à mener à bien ce projet dans son ensemble, conscient de son enjeu majeur pour le développement du territoire et sa cohésion. Très prochainement, il présentera, sur des bases réalistes, un calendrier recalé, avec la volonté de tenir les délais et d’arrêter la dérive des coûts.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de nous donner. La question de notre collègue Laurent Lafon était certainement dans la tête de tous les sénateurs ici présents. Cela dit, les éléments de calendrier sont également inquiétants. Il s’agit non seulement de conserver la cohérence du schéma, mais aussi de ne pas trop retarder ce projet, tellement indispensable à la vie quotidienne des Franciliennes et des Franciliens.
Pour ma part, je veux vous interroger sur les chiffres récents communiqués par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, qui nous ont alarmés. Ils soulèvent la question de la sécurité des femmes dans les transports, singulièrement en Île-de-France.
Au moins 267 000 personnes ont été victimes d’atteintes sexuelles dans les transports en commun de 2014 à 2015. Malheureusement, ces chiffres n’auront certainement pas diminué depuis lors ! Qui plus est, c’est une fourchette basse.
Sans surprise, les femmes représentent l’écrasante majorité des victimes d’agressions. Les deux tiers des victimes d’injures et d’insultes sont des femmes, tout comme la majorité des victimes de violences sexuelles. Ainsi, six femmes sur dix craignent une agression ou un vol dans les transports franciliens, contre trois hommes sur dix.
Si l’anonymat des transports en commun favorise les comportements des agresseurs, c’est surtout une certaine forme de tolérance sociale, certes en voie d’affaiblissement, mais qu’il convient de combattre avec intensité, qui les légitime.
Ces dernières années, les pouvoirs publics l’ont compris, et l’on note une prise de conscience. Je pense à la mise en place d’une communication pérenne, concernant notamment les systèmes d’alerte d’urgence et a posteriori, qui ont été adaptés, à la lutte contre le déficit de connaissance des caractéristiques des actes, ainsi qu’à la formation des forces de police pour lutter contre ces atteintes à la sécurité. À cet égard, je salue l’action quotidienne de la BLAST, la Brigade de lutte contre les atteintes à la sécurité des transports.
Toutefois, ces avancées doivent être amplifiées, la situation demeurant très difficile pour nombre de Franciliennes. Nous avons besoin que l’État accompagne fortement les politiques de la région, dont les moyens sont malheureusement en baisse ces dernières années, en Île-de-France, mais également sur l’ensemble du territoire national.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, assurer la sécurité des voyageurs dans les transports est bien sûr le premier engagement que nous devons tenir, en Île-de-France comme partout ailleurs. Je pense non seulement à la sécurité ferroviaire et routière, mais aussi à celle des femmes face aux agressions.
Sur ces questions, je ne puis apporter une solution fonctionnant à 100 %, mais je peux au moins vous rassurer sur les moyens qui sont engagés. Vous le savez, le réseau de l’Île-de-France est le seul à bénéficier de la BLAST, à savoir une unité de police dédiée. Celle-ci travaille en étroite collaboration avec les services de sécurité des opérateurs, la SUGE, la surveillance générale de la sécurité ferroviaire, et le GPSR, le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux. Avec ces deux entités, nous avons environ 2 500 agents sur le territoire de l’Île-de-France.
Je pense également à la présence, au quotidien, des opérateurs dans les réseaux. Ainsi les forces de sécurité sont-elles secondées par une présence humaine et par la vidéoprotection, que le Gouvernement souhaite continuer à développer, en accompagnement des autorités organisatrices. Les réseaux franciliens sont d’ores et déjà équipés de nombreuses caméras.
L’enjeu est également d’accompagner les opérateurs pour qu’ils puissent développer des solutions de vidéo intelligentes, afin de mieux exploiter les images de ces caméras, au profit de la sécurité des voyageurs.
Nous avons enfin des systèmes d’alerte. Vous le savez, la RATP et la SNCF partagent un numéro commun, le 3117 ou le 31117, qui permet d’alerter en cas d’incivilité ou de problème plus grave dans les transports.
La question spécifique des femmes constitue un enjeu majeur, de nombreuses femmes ayant été victimes d’agressions dans les transports. Selon moi, il nous faudra également innover en la matière, et je lancerai un appel à idées innovantes, pour trouver de nouvelles solutions permettant une plus grande solidarité et réactivité des voyageurs quand des femmes sont confrontées à des difficultés dans les transports.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, ce matin, comme chaque semaine, j’ai pris le train en gare de Melun, en Seine-et-Marne, jusqu’à la gare de Lyon, pour venir au Sénat. Vingt-sept minutes pour un trajet direct, un mode de déplacement idéal lorsque l’on sait que le même trajet en voiture prend dans le meilleur des cas une heure, et je ne vous parle pas du pire, sachant que la moyenne quotidienne tourne autour d’une heure et demie !
Malheureusement, en Île-de-France, et plus particulièrement en Seine-et-Marne, le premier de ses départements par la taille, mais également par la croissance démographique, les déplacements relèvent de l’exploit tant les perturbations en tous genres font des transports collectifs un mode de déplacement peu fiable.
La multiplication des problèmes survenus à la fin de l’année 2017 révèle trente années de sous-investissements dans les infrastructures de la SNCF, avec pour conséquence une situation qui ne pourra que se dégrader si, comme l’a réclamé Valérie Pécresse, présidente de la région, un plan ORSEC pour les transports franciliens n’est pas déclenché.
En Seine-et-Marne, la voiture demeure le premier mode de déplacement. Comment demander aux Seine-et-Marnais de moins utiliser leur véhicule et, dans le même temps, les priver de transports en commun de qualité ?
La ligne P est le symbole de l’abandon de la Seine-et-Marne. Cette ligne encore non électrifiée cumule les problèmes depuis de nombreuses années : insécurité, manque de personnel, matériel vieillissant et progression du nombre d’usagers. Pour compléter une réalité inacceptable, l’État refuse de financer les interconnexions et décide de retarder la création de la ligne 17 du Grand Paris Express, vitale pour 420 000 habitants !
Madame la ministre, en ce début d’année, les Seine-et-Marnais aimeraient beaucoup recevoir de votre part un signe fort. Alors que les Assises de la mobilité viennent de s’achever et que vous élaborez une nouvelle stratégie pour une nouvelle politique de mobilité, pouvez-vous nous indiquer quelles seront vos priorités pour le territoire seine-et-marnais et nous rassurer quant à la réalisation pour 2024 de la gare du Mesnil-Amelot ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, les difficultés que vous évoquez nous renvoient au premier débat de cet après-midi. Je suis la première à affirmer que nos réseaux ont souffert de sous-investissement et de sous-entretien pendant des décennies.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous serons ainsi conduits à réorienter fortement nos priorités en faveur des transports du quotidien, de l’entretien et de la modernisation des réseaux. Nous serons aussi amenés à faire des choix qui, je puis vous l’assurer, ne sont pas simples : c’est une démarche courageuse de la part du Gouvernement.
Le premier enjeu, c’est de mettre à niveau les réseaux. Je ne rappelle pas les chiffres sur l’engagement de l’État en la matière. J’ai bien noté votre attente sur le Grand Paris Express et, je le répète, le schéma n’est pas remis en cause : nous allons nous engager sur un calendrier ambitieux et réaliste, en tenant compte des difficultés de réalisation de ce type de chantier.
J’ajoute, même si je l’ai déjà mentionné en répondant à Mme Cohen lors de mon propos liminaire, qu’il faut être attentif au fait que les travaux peuvent eux-mêmes entraîner des difficultés.
C’est pourquoi, lorsque nous fixerons le niveau d’ambition des travaux que nous réalisons sur le réseau francilien, nous devrons veiller – c’est tout le sens des échanges que j’ai pu avoir avec Mme Pécresse et les opérateurs – à ce que les travaux, qui sont une très bonne nouvelle, ne soient pas d’abord générateurs de mauvaises nouvelles et d’incidents.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué les retards ou la qualité de service sur le RER B. Pour ma part, je tiens à rendre hommage aux agents qui assurent le meilleur service public possible sur cette ligne. Reste que les travaux d’interconnexion avec les lignes du Grand Paris ont provoqué de nombreuses perturbations.
Par ailleurs – nous pourrons y revenir –, un département comme la Seine-et-Marne a besoin non seulement d’infrastructures lourdes, mais aussi de nouvelles solutions de mobilité, de covoiturage, d’autopartage, de transport à la demande. Je sais que la présidente d’Île-de-France Mobilités est très investie sur ces sujets.
Le projet de loi d’orientation des mobilités aura aussi pour enjeu d’apporter des solutions pour tous ces territoires, notamment leur permettre un rabattement facile et confortable sur les modes lourds.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après la Seine-et-Marne, parlons de l’Essonne, dont les habitants considèrent que les transports en commun sont répartis de manière scandaleuse entre Paris et les départements de la grande couronne.
La grande couronne représente 4,5 millions d’habitants sur 12 millions de Franciliens. C’est bien plus que la somme totale des habitants de Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Lille et Rennes. Alors que les dix plus grandes villes de France comptent moins de 4,5 millions d’habitants, elles bénéficient quasiment toutes – fort heureusement, du reste – de réseaux denses de métro, trams, sites propres et bus.
Le super-métro automatique Grand Paris Express continuera à engloutir pendant encore de nombreuses années les investissements de notre région – mes propos ne plairont pas forcément à tous mes collègues de la région parisienne. Initialement estimé à 26 milliards d’euros, ce projet a été réévalué à environ 35 milliards d’euros voilà quelques semaines, mais nous savons tous qu’il dépassera les 40 milliards d’euros.
Pour autant, nous ne pouvons pas imaginer qu’aucune réalisation concrète n’ait lieu dans les dix ans. Il semble par ailleurs que des menaces pèsent sur la réalisation de certaines lignes desservant la grande couronne, notamment la ligne 18 qui traverse l’Essonne.
Nous concevons les transports de demain comme il y a trente ans, alors que des projets plus adaptés aux bassins de vie, plus efficaces et moins coûteux, mais aussi plus rapides à créer – c’est très important – permettraient d’apporter des réponses à l’urgence des usagers au quotidien.
À titre d’exemple, dans le département de l’Essonne, des projets de téléphériques urbains entre les lignes C et D du RER ou à Paris-Saclay apporteraient des réponses efficaces aux déplacements en grande couronne dans l’attente de la très lente rénovation des RER, qui ne sera évidemment achevée que dans quinze ans.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Olivier Léonhardt. Je conclus, madame la présidente.
Il existe un grand nombre de projets de ce type en grande banlieue – bus, sites propres, tramways –, qui permettraient de répondre à l’urgence des transports du quotidien, que le Président de la République a déclarés prioritaires.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à une remise à plat des grands projets d’investissements de transports dans notre région, seul moyen de réaliser plus de projets, plus rapidement, dans tous les territoires franciliens et avec des coûts moins importants ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, les dernières questions posées ont largement dépassé les deux minutes prévues. Je vous invite par conséquent à mieux respecter les temps de parole, pour ne pas allonger fortement nos débats.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je ne puis qu’être d’accord : il est nécessaire d’offrir des réponses à tous les territoires. Par nature, celles-ci ne peuvent être les mêmes selon que l’on est dans un territoire très dense, comme le cœur de l’agglomération parisienne, ou que l’on habite dans des villes moyennes ou dans des bourgs de la Seine-et-Marne, de l’Essonne ou des Yvelines.
L’enjeu – c’est vraiment le cœur du projet de loi d’orientation des mobilités – est donc bien de permettre aux autorités organisatrices de disposer de toute la palette des solutions, notamment de tirer parti de la révolution digitale, des nouvelles mobilités qu’elle rend possibles, de la fluidité qu’elle permet, dans des trajets qui associeront plusieurs réponses adaptées aux territoires, y compris le rabattement sur des lignes plus capacitaires.
Il s’agit bien de proposer dans tous les territoires des solutions de remplacement à « l’autosolisme », comme on dit, en particulier dans des départements comme l’Essonne. Avec la présidente d’Île-de-France Mobilités, j’ai eu l’occasion d’inaugurer une voie dédiée sur autoroute. Celle-ci est consacrée pour l’instant au transport par cars, mais elle pourra sans doute être ouverte aussi au covoiturage. Voilà une réponse rapide et efficace.
En Île-de-France, il faut particulièrement miser sur des infrastructures lourdes, car les besoins de transports très capacitaires sont les plus importants. Toutefois, il nous faut savoir aussi apporter des solutions rapides et efficaces pour l’ensemble de nos territoires et de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout cela est sympathique, mais, en réalité, c’est du bricolage ! (Sourires.) Le Président de la République dit vouloir réorganiser l’Île-de-France, réorganiser la métropole, faire la révolution, supprimer des départements, que sais-je encore, mais, en matière de transports, il nous faut rester identiques à nous-mêmes et faire avec l’existant.
Ce n’est pas possible. Ce n’est plus possible ! Philippe Dominati et moi-même avons déposé une excellente proposition de loi visant la création d’une entreprise unifiée et publique de transport public en Île-de-France. Comment continuer à avoir la SNCF Île-de-France, la RATP, la Société du Grand Paris, le STIF au-dessus, que sais-je encore, et la mairie de Paris qui demande à avoir un rôle d’autorité organisatrice de second rang ? Ce n’est pas sérieux ! Si vous voulez réformer et réorganiser les transports publics en Île-de-France, il faut faire la révolution de l’organisation.
Par ailleurs, madame la ministre, je me souviens avoir siégé je ne sais combien de temps au STIF et, bien avant, au syndicat des transports parisiens, où, il y a dix ou quinze ans, je reprochais à la SNCF de ne même pas conserver en Île-de-France le financement de l’amortissement du matériel. Tout allait aux TGV : rien n’était fait en Île-de-France. Oui, il faut un plan ORSEC ! Valérie Pécresse a raison, même deux milliards d’euros ne suffiraient pas.
Pendant quinze ans, en Île-de-France, rien n’a été fait – aucun investissement. La RATP était tournée vers l’international, s’occupant de vendre son métro à Rio ou au Caire, la SNCF faisait du TGV, et tant pis pour les Franciliens : ce public captif n’avait qu’à se débrouiller.
Madame la ministre, je ne doute pas de votre bonne volonté. Je vous dis seulement : ou bien on fait un plan ORSEC, on met réellement le paquet sur les transports du quotidien en Île-de-France et on réorganise le système, ou bien cela ne marchera pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Léonhardt applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je ne peux pas laisser dire que la RATP s’est désintéressée de son réseau pour s’occuper du métro de Rio. Je tiens à rendre hommage à cette entreprise que je connais bien : elle a, avec détermination et constance, entretenu son réseau. Elle a sans doute aussi eu la chance de ne pas avoir à mener, en même temps que l’entretien et la régénération de ses infrastructures, des projets de TGV.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
Mme Élisabeth Borne, ministre. De ce fait, notre réseau a été bien entretenu.
La SNCF consacre quant à elle 800 millions d’euros à la régénération du réseau.
M. Roger Karoutchi. Non !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Certes, cela peut ne pas paraître assez, mais c’est trois fois plus que ce qui se faisait par le passé.
M. Roger Karoutchi. Oui, mais ce n’est pas assez !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Gardons à l’esprit – tel était le sens de l’échange que j’ai eu avec Valérie Pécresse, la présidente de SNCF Réseau, la RATP et la SGP – que le rythme des investissements doit être soutenable pour les transports de la vie quotidienne. En effet, ou les travaux sont menés en interrompant les réseaux – c’est le cas pour les RER C et A –, ou ils sont réalisés de nuit, en interrompant aussi les circulations, mais il faut que, chaque matin, les trains repartent dans de bonnes conditions.
Monsieur le sénateur, je vous assure que la préoccupation du Gouvernement comme de la présidente d’Île-de-France Mobilités, c’est de remettre en état ce réseau au plus tôt. Il faut toutefois aussi des trajectoires soutenables.
En Île-de-France, grâce à Île-de-France Mobilités, nous avons la chance d’avoir une organisation qui combine l’ensemble des modes de transport, ce qui n’est pas le cas en province. Il s’agit là d’un outil spécifique et remarquable.
Je ne suis pas sûre qu’un big-bang de l’organisation en Île-de-France serait propice à une amélioration rapide des transports en Île-de-France.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, je ne critique pas les gens de la RATP et de la SNCF. J’ai personnellement inauguré, avec le président de la région Jean-Paul Huchon, une station à Montrouge. Il a fallu quatorze ans pour créer une station entre la porte d’Orléans et Montrouge. C’est bien qu’il y a un problème !
Pendant très longtemps, la tutelle de l’État ne s’est pas exercée sur l’Île-de-France. Je suis d’accord, les travaux sont difficiles à mener d’un coup, mais s’ils avaient été réalisés pendant dix ou vingt ans, on aurait eu moins d’incidents.
Si vous n’agissez que progressivement, vous aurez des réseaux de plus en plus usés, des incidents et des accidents et on sera tous dans l’embarras ! Alors, pardonnez-moi, mais il faut faire la révolution ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. C’est un scoop !
M. Roger Karoutchi. Non, pas la vôtre ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis du plan d’investissement dans les transports du quotidien, même si l’on ne rattrapera évidemment pas en quelques années des décennies de sous-investissement.
Je comprends la règle de la priorisation sur l’entretien et la modernisation des réseaux pour les transports du quotidien, mais peut-être que toute bonne règle a son exception... Le département de la Seine-et-Marne est singulier, ce qui d'ailleurs n’enlève rien aux autres départements : c’est le plus vaste, celui qui a commencé son développement le plus tardivement dans la région, celui qui a la plus forte croissance démographique, ainsi qu’une croissance économique exceptionnelle.
La Seine-et-Marne produit un nombre de logements considérable. Elle participe de manière singulière à la création de valeurs et d’emplois dans la région. Or elle a toujours été la parente pauvre, avec une valse à quatre temps qu’un certain nombre de personnes connaissent ici.
Aujourd’hui, elle manque de tout : infrastructures routières, interconnexions, développements et initiatives de transports nouveaux, notamment sur le réseau routier avec du matériel roulant sur les autoroutes. Bien sûr, ce n’est pas lié à la politique du Gouvernement. Elle a le plus gros bouchon d’Europe sur l’A4. Les lignes P et R dysfonctionnent, tout comme la ligne A du RER. Elle détient sans doute le record francilien du temps de trajet domicile-travail.
Certes, on peut agir sur nos territoires pour rapprocher le travail du domicile, mais on sait que cela prend du temps. Delouvrier et de Gaulle ont engagé voilà quarante ans le développement de l’Est francilien et de la région en général. Au-delà du plan d’investissement et de rénovation, nous avons besoin d’un nouveau Delouvrier pour préparer les investissements en infrastructures et en transports en commun.
Madame la ministre, accepteriez-vous d’être le nouveau Delouvrier pour l’Est francilien ? (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Dites oui ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’ignore si c’est compatible avec mes fonctions…
Plus sérieusement, je pense que la grande couronne doit avoir sa part des améliorations des transports. C’est le cas, par les schémas directeurs des RER, dans les programmes de régénération développés par SNCF Réseau. Il faut trouver toutes les solutions nouvelles et rapides pour que les investissements importants qui sont plutôt réalisés dans la zone agglomérée profitent aussi à l’ensemble des habitants d’Île-de-France.
M. Vincent Éblé. Tout à fait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis convaincue que c’est bien le projet des élus d’Île-de-France de faire que ce nouveau réseau – 200 kilomètres, avec 68 gares, dont 44 en interconnexion – bénéficie non pas simplement aux habitants des territoires qu’ils desservent, mais bien à l’ensemble de la région. Cela suppose aussi de développer des solutions efficaces de rabattement sur les modes lourds et, bien sûr, de continuer à améliorer les modes lourds existants.
J’ignore si ce projet est à la hauteur de Paul Delouvrier, mais nous pouvons rapidement avancer dans ce sens. L’État mettra à la disposition des autorités organisatrices et utilisera sur ses propres infrastructures toutes les innovations possibles, notamment pour développer le contrôle sanction automatisé, dédier des voies pour fluidifier la gestion du trafic et apporter des solutions rapides aux difficultés que vous mentionnez.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis usager de la ligne B, comme beaucoup d’entre vous ici, et je me rends régulièrement à Nanterre venant de Bourg-la-Reine.
À ce titre, j’ai l’immense plaisir d’emprunter les deux lignes les plus saturées d’Europe. C’est une souffrance, c’est quelque chose qui rend malade, au sens propre. Par ailleurs, n’est-il pas absurde de devoir passer par Paris quand on habite le sud des Hauts-de-Seine et que l’on veut se rendre dans le nord du département ?
Madame la ministre, j’ai bien compris que la ligne 15, qui devait desservir Nanterre en 2025 et qui m’aurait permis d’éviter ce parcours absurde, ne serait pas livrée à temps. Je ne connaîtrai pas cette ligne avant ma retraite dans vingt ans. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Il restait une petite fenêtre d’espoir, vous venez de la refermer. Sur ce point au moins, votre discours était clair et précis. J’en informerai mes concitoyens dans le sud des Hauts-de-Seine : ils seront sans doute ravis d’apprendre cette très bonne nouvelle.
Nos migrations journalières, qui deviennent insupportables, sont imposées, comme ma collègue l’a souligné, par le fait que, dans cette région, le travail est concentré à l’Ouest et le logement à l’Est. Cela fait vingt ans que ce déséquilibre s’accroît.
Madame la ministre, par une décision du Gouvernement, en autorisant l’extension du quartier d’affaires de la Défense sur un tiers de la commune de Nanterre, vous venez de l’accentuer encore. Vous contribuez ainsi au déséquilibre majeur de notre région capitale. (M. Vincent Éblé applaudit.)
Je tiens à vous dire ici, de façon très solennelle, qu’aux problèmes sociaux et aux problèmes d’organisation de la localisation du travail et de nos activités, il n’y a pas nécessairement des solutions techniques. Vous devez avoir une approche sociale des problèmes de transport. Dans ces conditions, quels moyens allez-vous consacrer, par des mesures d’ordre législatif et réglementaire, pour éviter ces déséquilibres structurels entre l’activité à l’ouest et l’habitat à l’est ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, votre question nous éloigne un peu des sujets de transport (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), même si je suis bien d’accord avec vous : les deux sont liés.
Le schéma directeur d’Île-de-France a précisément vocation à planifier le développement de la région sur les prochaines années en articulation avec le développement des infrastructures ; il s’agit d’un outil à la disposition des collectivités locales.
M. Pierre Ouzoulias. Vous ne l’avez pas respecté !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur, je suppose que les décisions du Gouvernement sont conformes avec ce schéma directeur qui s’impose à tous les documents d’urbanisme. Par conséquent, les projets de développement dont vous parlez sont bien ceux qui sont prévus dans le schéma directeur d’Île-de-France, qui vise à coordonner le développement de la région avec celui-ci de ses infrastructures.
C’est d’ailleurs précurseur. En effet, c’est ce que les autres régions font avec moins de force au travers des SRADDET, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Le schéma directeur d’Île-de-France a bien pour objet de répondre à ces enjeux.
Je tiens à répondre à votre déception concernant la ligne 15, qui ne sera pas achevée sur l’ensemble du territoire en 2024. Sur ces sujets, nous devons nous parler avec réalisme. Oui, les 36 milliards d’euros de lignes nouvelles à grande vitesse qui ont été promis ne seront pas réalisés dans les cinq prochaines années. Oui, les 200 kilomètres de l’ensemble du Grand Paris Express ne seront pas réalisés dans les cinq prochaines années.
M. Roger Karoutchi. Évidemment ! Il faut dire les choses, vous avez raison !
Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est restaurer la crédibilité de la parole de l’État, qui en a besoin, que de dire que l’on ne réalise pas 200 kilomètres de lignes de métro en claquant des doigts, alors que le sous-sol est l’un des plus compliqués qui existent au monde, et qu’on ne fait pas 36 milliards d’euros de lignes à grande vitesse sans en avoir les ressources.
Nous traitons ces sujets avec beaucoup de détermination, d’engagement, de volonté d’améliorer les transports de nos concitoyens, mais aussi en faisant preuve de réalisme et de sincérité.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur l’état du réseau SNCF en région Île-de-France.
Les Franciliens, peut-être plus que tous les autres habitants en France, ont souffert de la politique menée pendant des années et visant à donner la priorité au financement des lignes à grande vitesse. Selon le rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation, en vingt-cinq ans, sur les 78 milliards d’euros qui ont été investis, 38 % l’ont été sur le réseau LGV, 49 % sur les lignes de province et seulement 13 % dans le réseau francilien. Si l’on met en regard ces chiffres avec ceux de la fréquentation, on mesure davantage l’ampleur des difficultés.
Le réseau TGV est utilisé par 110 millions de voyageurs, alors que 850 millions de trajets sont comptabilisés sur le réseau SNCF francilien, soit huit fois plus. Ces chiffres permettent de mieux comprendre la saturation du réseau SNCF en Île-de-France. La chambre régionale des comptes établissait que 40 % des voies et 30 % des aiguillages ont plus de trente ans, alors qu’un aiguillage ou une voie doivent être normalement régénérés au bout de vingt-cinq ans.
Madame la ministre, dans votre discours, vous avez souligné l’effort d’investissement actuellement consenti, avec 800 millions d’euros consacrés à la régénération du réseau. C’est vrai, mais, pour les Franciliens, cela ne se voit malheureusement pas dans leur quotidien.
Ma question est simple dans sa formulation, peut-être moins dans la réponse, mais elle n’est pas piège. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer à quel horizon temporel les Franciliens connaîtront une amélioration de leurs conditions de transport sur le réseau SNCF ? (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je ne sais pas vous dire avec précision à quelle échéance les centaines de millions ou les milliards d’euros que l’on est en train d’investir dans le réseau seront visibles par les voyageurs, que ce soit ceux qui empruntent des TER connaissant des ralentissements à quarante kilomètres par heure dans certaines régions ou ceux qui utilisent un réseau pâtissant de sous-investissements.
Je puis en revanche affirmer que SNCF Réseau élaborera avec détermination les programmes les plus efficaces pour permettre les résultats les plus rapides.
Comme cela été remarqué tout à l’heure, on ne règle peut-être pas les problèmes en demandant des diagnostics sur les gares en Île-de-France, mais, dans un contexte où les retards se chiffrent en dizaines de milliards d’euros, on doit attendre de SNCF Réseau qu’elle parvienne à cibler les investissements là où ils ont la meilleure rentabilité du point de vue du voyageur. C’est la raison pour laquelle les grandes gares, qui peuvent arrêter l’ensemble des circulations sur un réseau, constituent des enjeux prioritaires.
Je ne promets pas que, dans dix-huit mois, le problème sera réglé. Nous allons continuer à travailler avec SNCF Réseau, sous le regard du Conseil d’orientation des infrastructures et de la mission de Jean-Cyril Spinetta. SNCF Réseau travaille avec beaucoup de détermination pour élaborer une stratégie d’investissement permettant des résultats visibles pour les voyageurs dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Gilbert Roger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’engagement pris par l’État en 2010 et dont beaucoup de mes collègues ont parlé de créer le Grand Paris Express est le résultat d’un accord historique entre l’État et les collectivités territoriales ; il est très attendu par nos concitoyens et par nous-mêmes.
Comme beaucoup, j’emprunte tous les jours les lignes B et E. Financé par des ressources exclusivement apportées par les contribuables franciliens depuis 2010 – il faut rappeler que cela ne pèse pas sur le budget national –, ce projet desservira les territoires de petite et grande couronnes. Je pense en particulier aux lignes 15 et 16, qui complètent en Seine-Saint-Denis une offre de transport particulièrement défaillante.
Je m’inquiète de l’avenir de la ligne 15 Est, qui doit relier Champigny-centre à Saint-Denis-Pleyel, en passant par Bondy et Bobigny-préfecture. En effet, il est à craindre que la question du coût du Grand Paris Express, avec l’échéance des jeux Olympiques, donne lieu à un réarbitrage de certaines lignes, voire à une réalisation uniquement sur les sites desservis pour les jeux Olympiques. Au-delà de cette échéance, on peut penser qu’il y aura un décalage au-delà de 2024, vous l’avez souligné.
Aussi, madame la ministre, je souhaite avoir de votre part l’assurance que le projet du Grand Paris Express sera réalisé. Il en est de même pour la ligne 16, dont le Président de la République a parlé lorsqu’il est venu à Clichy-sous-Bois.
D’un point de vue local, si je me réjouis de l’ouverture d’une nouvelle branche du tramway T4 en 2019, je suis très inquiet. En effet, cela aura pour conséquence 19 000 déplacements pendulaires supplémentaires par jour à la gare de Bondy.
Je m’inquiète de savoir quelles mesures seront prises pour absorber cette arrivée massive de nouveaux usagers, dont je suis au demeurant content. Est-il prévu d’augmenter la fréquence de passage du RER E dans cette gare pour les prendre en charge ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande à nouveau de veiller au respect de votre temps de parole.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je confirme de nouveau l’engagement du Gouvernement de mener à son terme le réseau du Grand Paris Express.
Si le schéma de développement de la région parisienne, comme on disait à l’époque de Paul Delouvrier, dont nous parlions précédemment, a permis le développement des villes nouvelles, appuyé sur celui des RER, il a clairement fait l’impasse sur le développement de toute cette zone agglomérée.
Tel est bien l’enjeu d’aujourd’hui : réaliser une infrastructure qui permette le développement de ces secteurs oubliés dans les schémas précédents. C’est le sens non seulement du réseau du Grand Paris Express, mais aussi de tous les prolongements de lignes de métro et de toutes les connexions prévues avec la nouvelle infrastructure.
Je le répète donc : le schéma d’ensemble n’est pas remis en cause. Le Gouvernement est bien conscient des attentes fortes en matière de transport en Île-de-France, mais nous voulons sortir des calendriers irréalistes et des promesses non financées, pour proposer des trajectoires soutenables et crédibles.
C’est dans cet esprit que des annonces seront prochainement faites par le Gouvernement sur le calendrier du Grand Paris Express – sans remise en cause, encore une fois, du schéma d’ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Je reprends la parole dans ce débat, car mes collègues ont considéré que le seul sénateur d’Île-de-France de notre groupe pouvait poser deux questions.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Olivier Léonhardt. Comme je l’ai fait observer à l’occasion de ma première question, si rien n’est fait, les inégalités en matière de transport entre Paris et la grande couronne continueront évidemment à progresser dans les prochaines années. Des gens vont continuer à subir les retards et suppressions de train, à perdre leur emploi et à voir leur vie familiale se dégrader.
Malheureusement, s’ajoute désormais au déséquilibre en matière d’investissements dans notre région une politique égoïste qui vise à exclure les voitures de Paris, sans augmenter simultanément et très sensiblement la qualité ou la quantité de l’offre de transports en commun pour les habitants de grande banlieue contraints de rejoindre la capitale pour des raisons professionnelles.
C’est assez paradoxal alors que les recensements réalisés par l’INSEE entre 2010 et 2015 font apparaître une baisse de la population dans Paris et une hausse sensible de la population dans les départements de grande couronne, en particulier dans l’Essonne et en Seine-et-Marne…
Est-il nécessaire de préciser que personne ne souhaite voir augmenter la pollution dans notre région ? Aussi, pourquoi certains feraient-ils semblant de croire que la pollution s’arrêterait aux limites du périphérique ? Certains pensent-ils que les embouteillages et la pollution sont plus dangereux pour les habitants de Paris que pour ceux de la banlieue ?
Le meilleur moyen d’éviter les embouteillages et la pollution, c’est d’investir massivement pour l’amélioration des transports en grande couronne. Il est inacceptable que les recettes issues de la taxe du Grand Paris, payée par tous les contribuables de la région, bénéficient quasi exclusivement à la zone dense. On peut aussi s’interroger sur les recettes issues des vignettes récemment mises en place pour accéder à la capitale.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à un rééquilibrage significatif des investissements au niveau régional pour permettre la création, l’entretien, la modernisation et la transformation des réseaux de transports en grande couronne ?
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je pense que l’on ne peut pas opposer la grande couronne et la zone agglomérée ; on doit viser à réaliser les investissements qui permettront aux réseaux desservant aujourd’hui la grande couronne – essentiellement celui de SNCF Réseau – de fonctionner mieux et de façon plus fiable.
On doit aussi s’assurer que les investissements, notamment ceux du Grand Paris Express, bénéficient à l’ensemble des territoires, et pas uniquement à ceux qui sont traversés par l’infrastructure.
Je suis convaincue que tel est bien l’objectif d’Île-de-France Mobilités : organiser la mobilité autour de ces infrastructures pour qu’elles bénéficient à l’ensemble des territoires d’Île-de-France.
M. Vincent Éblé. Pas du tout !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je sais qu’Île-de-France Mobilités et les présidents des conseils départementaux ont beaucoup d’idées sur les solutions de mobilité qui peuvent être mises en œuvre dans ces territoires : transport à la demande, covoiturage, entre autres.
On doit aussi pouvoir améliorer sensiblement les conditions de déplacement en provenance de la grande couronne, comme on doit chercher à le faire ailleurs. De fait, les Assises nationales de la mobilité ont montré que les problèmes de congestion, qui étaient l’apanage de la région d’Île-de-France, sont en train de se développer dans toutes nos grandes métropoles.
Il faut donc s’efforcer d’apporter des réponses rapides, les plus rapides que l’on puisse imaginer consistant à soutenir massivement le covoiturage et les voies dédiées – des réponses ne supposant pas d’investissements lourds. Si l’on met deux personnes par voiture au lieu d’une – ou de 1,1, comme on le constate aujourd’hui –, on aura deux fois moins de voitures ; si l’on arrive à en mettre trois, ce sera encore mieux…
La loi d’orientation des mobilités aura aussi pour ambition de permettre de telles réponses rapides, qui améliorent les mobilités de nos concitoyens sans passer par des projets d’infrastructure lourds.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Pemezec. Madame la présidente, mes chers collègues, je salue le courage de Mme la ministre, qui dit les choses comme elles se présentent. En effet, il nous semblait difficile que tous ces investissements soient réalisés en aussi peu de temps.
Je ne reprendrai pas la question de Laurent Lafon. Ma préoccupation concerne la ligne 18, et c’est à ce sujet que je souhaite, madame la ministre, vous interroger, ou plutôt vous interpeller.
En 2024 se tiendront les jeux Olympiques, et Saint-Quentin-en-Yvelines est concernée par un certain nombre de manifestations sportives qui se dérouleront dans ce cadre. L’année suivante aura lieu l’Exposition universelle, qui concernera le plateau de Saclay, un pôle d’excellence dans le domaine de la recherche et du développement au niveau mondial.
J’espère donc que, dans l’ordre des priorités que vous allez devoir établir, vous penserez à ces deux événements majeurs et que vous en tiendrez compte pour votre programmation.
Nous avons attendu quarante-cinq ans la radiale entre Châtillon et Vélizy : nous aimerions bien ne pas attendre aussi longtemps pour cette ligne 18, qui est fondamentale !
Nous réclamons tous, et chacun pleure après sa ligne… C’est la preuve qu’un vrai problème de transport et de déplacements se pose dans l’ensemble de l’Île-de-France. Je ne sais si les petites mesures qui sont prises sont à la hauteur du défi, ni si une révolution est nécessaire, mais il faut en tout cas une action forte et des investissements importants !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur Pemezec, je vous confirme que le Gouvernement est bien conscient des besoins qui existent en Île-de-France.
Au risque de m’écarter un peu du sujet de ce débat, je répète que ces besoins existent aussi dans les métropoles de province. On peut trouver que le fonctionnement des RER n’est pas à la hauteur de ce qu’on pourrait souhaiter en Île-de-France, mais, en province, il n’y a pas de RER du tout : le réseau ferré national n’a pas été adapté pour tenir compte de l’émergence de nos métropoles.
J’ai bien entendu les enjeux que vous avez soulignés, monsieur le sénateur, en particulier le respect des engagements liés aux jeux Olympiques. Je réitère l’engagement du Gouvernement à réaliser l’ensemble du schéma du Grand Paris Express.
J’ajoute simplement que, par analogie avec les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui en Île-de-France, on constate que nos métropoles connaissent aussi des situations très difficiles – ce fut pour moi l’une des surprises des Assises nationales de la mobilité. Malheureusement, il n’y a plus seulement en région parisienne qu’il faut parfois faire une heure de trajet pour se rendre à son travail.
Votre assemblée aura à se prononcer sur le projet de loi de programmation des infrastructures. Dans ce cadre, nous devrons déterminer un calendrier pour les 36 milliards d’euros de projets de ligne à grande vitesse, mais aussi à réfléchir à la place que nous donnons à la désaturation des réseaux ferroviaires dans les agglomérations, en Île-de-France, mais aussi en province, où le retard est également considérable.
Sans attendre, il faut réfléchir à des solutions qui permettent d’apporter des améliorations visibles pour nos concitoyens ; on ne peut pas se contenter de dire qu’il y en a pour dix ou quinze ans. S’il s’agit de créer un RER dans une grande ville de province qui n’en a pas, vous imaginez le délai… Il va bien falloir qu’on trouve des solutions pour améliorer rapidement la mobilité de nos concitoyens, partout en France !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans opposer entre eux quelques territoires que ce soit, je tiens à souligner, en complément de ma précédente intervention, que le rattrapage du manque d’investissement ne compensera pas, en Seine-et-Marne, la dynamique économique et démographique, elle-même liée principalement aux opérations d’intérêt national qui se poursuivent – c’est bien là la volonté de l’État.
Les habitants de Seine-et-Marne paient la taxe sur le Grand Paris, comme tous les contributeurs franciliens, mais la ligne 17 effleure à peine ce territoire…
Mon propos n’est pas d’alimenter la liste de courses, ni la litanie de problèmes que les uns et les autres présentent. Simplement, le niveau d’incompréhension a atteint un point qui appelle des réponses opérationnelles et immédiates.
Je rejoins donc totalement Mme la ministre, dont j’apprécie la transparence et la sincérité, dans son souhait de voir se développer des outils efficaces et rapides. Nous en avons tous certains à l’esprit : des bus sur la ligne 4, le covoiturage, des parkings de rabattement… Au passage, si l’on supprimait le péage de Coutevroult, on disposerait très rapidement d’un espace, mais je ne suis pas certain que cela plairait au gestionnaire de la concession autoroutière… Il y a donc des problèmes particuliers à étudier.
Pour ne pas être trop insistant, je finirai, madame la ministre, par une question sur les touristes qui empruntent nos réseaux : partagez-vous notre constat s’agissant des efforts à faire dans nos transports pour les accueillir, assurer leur sécurité et les orienter par la signalétique ? Ce n’est pas seulement l’élu de la première destination touristique européenne qui exprime cette préoccupation, en pensant notamment aux touristes asiatiques, souvent perdus dans nos réseaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’ai bien noté votre souci d’équilibre et de bonne affectation des ressources de la Société du Grand Paris. Nous nous efforcerons également d’en tenir compte.
Si nous sommes forcément préoccupés d’abord par la mobilité de nos concitoyens, vous avez raison de souligner que l’accueil des touristes, avec les grandes destinations qui se trouvent en Île-de-France, est aussi un enjeu important. Les opérateurs y travaillent, notamment en fournissant des applications multilingues. Les offices de tourisme s’efforcent aussi de proposer des titres de transport.
Reste que, comme vous l’avez souligné, l’enjeu majeur pour rassurer les touristes, comme d’ailleurs les voyageurs du quotidien, est la sécurité. D’où la préoccupation que j’ai évoquée d’une présence de la Brigade des réseaux franciliens, du renforcement des services de sécurité internes des opérateurs SCNF et RATP, de la présence humaine de ces opérateurs et de tous les outils modernes qu’on peut développer, notamment en matière de vidéoprotection.
Pour ce qui est de la grande destination touristique que vous avez à l’esprit, monsieur le sénateur, le gestionnaire de ce parc d’attractions sait aussi faire une utilisation intelligente de la vidéo, pour tirer le meilleur parti d’un réseau de vidéosurveillance étendu.
Il faudra continuer à travailler dans ce domaine, et le Gouvernement accompagnera les autorités organisatrices, en particulier Île-de-France Mobilités, pour aller dans ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne le coût des transports pour les usagers en Île-de-France et l’accord conclu en 2016 par l’État et la présidente de la région, Valérie Pécresse.
Le pass Navigo à tarif unique a été instauré en 2015, sur l’initiative de Jean-Paul Huchon, à un prix de 70 euros, identique pour l’ensemble des Franciliens.
En 2016, Valérie Pécresse, bien qu’elle ait promis pendant la campagne de ne pas augmenter le prix du pass Navigo, a engagé un bras de fer avec le Gouvernement, menaçant d’augmenter le prix à 80 euros ou 85 euros, sauf si l’État s’engageait sur un financement de l’ordre de 300 millions d’euros.
Elle a alors conclu avec le Premier ministre un accord sur le financement du STIF, prévoyant notamment une augmentation de la taxe régionale sur les carburants, une hausse de la contribution pour les entreprises de la petite couronne de plus de onze salariés et une hausse du versement transport.
Un an plus tard, le compte administratif de la région a pourtant révélé 300 millions d’euros non consommés dans le budget régional. Parallèlement, le prix du pass Navigo est passé de 70 euros à, bientôt, 77,45 euros, soit une hausse de plus de 10 % en trois ans…
Avec le recul, madame la ministre, diriez-vous que les sommes que la présidente de région a exigées de l’État n’étaient finalement pas justifiées, ce que pour ma part je pense ? Dans l’affirmative, quelles conséquences le Gouvernement en tire-t-il dans son dialogue avec la région aujourd’hui ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je me garderai bien de me prononcer sur les comptes d’Île-de-France Mobilités, que je n’ai pas eu l’occasion d’examiner personnellement.
M. Vincent Éblé. Il faut le faire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Du reste, cela n’entre pas dans mes attributions.
Mme Cohen a avancé l’hypothèse de faire payer les entreprises. Il est important que chacun ait à l’esprit que, aujourd’hui, les entreprises financent plus de 50 % des transports en Île-de-France, les voyageurs en payant moins de 30 %. En Île-de-France comme ailleurs, on assiste à une baisse de la part payée par les voyageurs sur longue période ; grosso modo, elle a diminué de dix points en dix ans.
Mme Laurence Cohen. C’est une bonne chose !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cela pose la question de la soutenabilité du modèle, dans un contexte où personne n’imagine que les ressources des collectivités territoriales sont infinies – ou, pour le dire autrement, où chacun connaît les tensions qui existent sur les ressources publiques.
Au moment où nous parlons de ces nouvelles lignes que chacun appelle de ses vœux, il faut donc se poser aussi la question de la façon dont on financera leur fonctionnement. Je ne doute pas que la présidente d’Île-de-France Mobilités se pose cette question du coût de fonctionnement des prochaines lignes.
J’ai dit précédemment que j’étais pour un TGV accessible à tous. Je suis évidemment pour des transports publics abordables et accessibles à tous.
Mme Laurence Cohen. Et de qualité !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne suis pas sûre que cela soit incompatible avec des tarifications solidaires, comme il s’en développe dans un certain nombre de métropoles en province, qui permettent de faire contribuer l’usager au financement des transports.
En tout cas, le modèle de financement, c’est clairement les entreprises, les collectivités territoriales et les voyageurs. Si l’on veut des politiques ambitieuses, il faudra aussi réfléchir à la façon dont chacun peut contribuer au développement des transports publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains.
M. Arnaud Bazin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de parler du RER A, je voudrais marquer ma surprise d’entendre, au sujet de la réalisation du métro du Grand Paris, que, aujourd’hui, les délais sont techniquement impossibles à tenir.
Voilà quelques mois encore, je siégeais au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, et le discours tenu consistait à chiffrer le coût du respect des délais. Ainsi, pour réaliser la ligne 17 dans le délai prévu, soit en 2024, il fallait 200 millions d’euros supplémentaires pour deux tunneliers. Ce n’est pas une petite somme, j’en conviens, mais ce n’est pas un problème technique ; c’est une affaire financière. Il faudra donc que nous ayons des éclaircissements sur ce qu’on fait les uns et les autres pour arriver à de telles conclusions.
Le RER A est arrivé à Cergy-Préfecture dix ans après la construction de la préfecture et de l’ESSEC. C’est dire si, pour ce qui est d’attendre, nous savons dans le Val-d’Oise ce dont nous parlons…
Aujourd’hui, cette artère, qui assure 1,3 million de voyages par jour – vous avez bien entendu, mes chers collègues ! – est toujours aussi essentielle pour le développement de Cergy-Pontoise, en matière économique, mais aussi d’enseignement supérieur, avec de nombreux projets, notamment un campus international.
Hélas, le RER A est toujours un élément disqualifiant de la vie quotidienne des habitants.
Malgré les investissements de la région dans de nouvelles rames, malgré un schéma directeur de travaux de requalification, la nouvelle grille horaire mise en œuvre en décembre dernier acte une baisse du nombre de trains, tout au moins au regard de l’offre théorique précédente.
Aujourd’hui, à l’heure de pointe du matin, il est fréquent à Cergy-Préfecture de monter dans un train dont toutes les places assises sont occupées, alors qu’il y a encore sept arrêts avant La Défense. C’était encore le cas ce matin à neuf heures trente.
Les personnels, qui avaient dû avoir vent de notre débat de cet après-midi, ont voulu m’alimenter, puisque nous avons été gratifiés en outre d’un arrêt de dix minutes, de dix heures sept à dix heures dix-sept, dans un train bondé, en gare de Nanterre-Préfecture, gare de relève entre les conducteurs SNCF et RATP, sans un mot d’explication dans les haut-parleurs du train – je ne parle même pas d’excuses…
Si les inévitables aléas liés aux colis suspects ne peuvent être évités, ni négligés, les retards dus à des pannes techniques du réseau restent encore fréquents, quand on n’assiste pas à un arrêt total de la desserte pour cause de travaux mal dirigés pour EOLE.
Par ailleurs, depuis toujours, la branche de Cergy, avec près de 50 000 voyageurs par jour, subit une iniquité insupportable quand elle se compare à la branche de Poissy – autant de RER par jour pour les 9 000 voyageurs de Poissy que pour les 50 000 de Cergy – et à celle de Saint-Germain-en-Laye – deux fois plus de RER pour à peine plus de voyageurs que sur la branche de Cergy.
Madame la ministre, ma question porte donc sur l’état d’avancement des travaux sur le RER A : quand la SNCF et la RATP auront-elles enfin rattrapé trois décennies de sous-investissement ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Arnaud Bazin. Je souhaite également savoir si le tabou de la répartition de l’offre de RER entre Cergy, Poissy et Saint-Germain-en-Laye sera un jour levé.
Mme la présidente. Mes chers collègues, même si nous nous approchons du terme de ce débat, je vous demande vraiment de veiller à respecter les temps de parole.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous avez souligné à juste titre l’importance du trafic assuré par le RER A, la ligne la plus chargée d’Europe.
J’ai évoqué la situation de certaines métropoles, dans lesquelles on est loin d’être passé à un mode d’exploitation de type RER. Sur le RER A, il y a un train toutes les deux minutes ou deux minutes trente sur le tronçon central. C’est dire s’il s’agit d’un outil de déplacement extrêmement puissant, mais dont on doit pouvoir assurer la robustesse.
Tel est l’objectif des programmes de rénovation des voies et du ballast – un travail qui n’avait pas été fait depuis la création du RER – et de l’ensemble des travaux menés par la SNCF et la RATP sur cette infrastructure.
Vous avez rappelé – je ne l’avais peut-être pas assez souligné en réponse à la question sur l’horizon auquel les voyageurs verront des améliorations – que, si les améliorations de l’infrastructure et le rattrapage de décennies de sous-investissement prennent du temps, les voyageurs peuvent heureusement voir les matériels financés par Île-de-France Mobilités, qui changent tout de même la vie, même si l’objectif est évidemment qu’ils roulent sur des infrastructures robustes et fiables.
Je ne suis pas en mesure de me prononcer, vous l’imaginez, sur la répartition des dessertes entre Poissy et Cergy et entre cette branche et celle de Saint-Germain-en-Laye. La construction d’EOLE est en cours, et ce chantier énorme a entraîné des désagréments importants sur le RER A, comme vous l’avez souligné. Je pense que l’enjeu de la desserte de la partie ouest de la région d’Île-de-France pourra être réexaminé après la mise en service d’EOLE, qui desservira aussi ce territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Éblé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est utile. Bon nombre d’orateurs ont souligné que le choix du tout-TGV, en absorbant les capacités d’investissement, a fait prendre un retard considérable dans la modernisation du réseau des transports franciliens, qui véhicule pourtant plus de passagers quotidiens que l’ensemble de nos lignes nationales.
Avec le Grand Paris Express, une dynamique a été enclenchée en Île-de-France pour relier un certain nombre de territoires périphériques sans passer par Paris.
Résultat d’un accord historique entre l’État et les collectivités territoriales, le Grand Paris Express, entièrement financé par des ressources exclusivement apportées par les contribuables franciliens, porte une ambition de développement sans équivalent. Cet engagement doit être tenu !
Ses atouts ? Desservir les territoires de petite et, en partie, de grande couronne – je pense aux lignes 16, 17, 18 et au Barreau de Gonesse, portes d’entrée dans la métropole qui complètent une offre de transports défaillante dans des territoires souvent socialement défavorisés. Ouvrir à l’urbanisation partielle et à l’aménagement des réserves foncières : triangle de Gonesse, plateau de Saclay, environnement de Roissy - Charles-de-Gaulle. Favoriser le développement économique en reliant les clusters et en confortant de véritables pôles de compétitivité, tout en améliorant l’accessibilité des emplois.
Si nous voulons que ce nouveau réseau soit pleinement efficace et tout simplement utile, la mise en connexion avec les lignes déjà existantes est fondamentale.
Nous ne pouvons pas, madame la ministre, dépenser des milliards pour réaliser un manège forain en double boucle, que les usagers des transports urbains d’Île-de-France, singulièrement les centaines de milliers venant quotidiennement de grande couronne – dont je suis –, ne pourraient pas emprunter, faute d’interconnexion avec les lignes radiales. Ils seraient en effet condamnés à se rendre toujours jusqu’à Paris intra-muros, même lorsque leur destination finale est en banlieue…
Je pense particulièrement aux gares d’interconnexion, par exemple, pour la Seine-et-Marne, celles de Vert-de-Maisons et Bry-Villiers-Champigny avec la future ligne 15. Pour la première, il n’y a pas de financement. Pour la seconde, il n'y a ni solution technique ni financement !
Leur défaut de financement, et donc de réalisation, serait très préjudiciable aux habitants de la grande couronne, qui seraient exclus de fait de ces nouvelles modalités de transports, alors qu’ils en sont financeurs, jusqu’à La Ferté-Alais, Château-Landon, Houdan ou Magny-en-Vexin. Cela n’est pas acceptable !
Madame la ministre, le précédent gouvernement avait pris de sérieux engagements pour que les deux gares d’interconnexion que j’ai citées soient réalisées en même temps que les travaux du Grand Paris Express. Pouvez-vous nous indiquer vos intentions sur ce point ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous soulignez à juste titre que la capacité à interconnecter le nouveau réseau avec le réseau existant est une dimension fondamentale du projet. C’est ainsi que les nouvelles lignes pourront bénéficier au plus grand nombre de territoires en Île-de-France.
S’agissant en particulier des projets que vous avez mentionnés, l’interconnexion avec le RER D est bien prévue à Vert-de-Maisons.
La question qui se pose est celle de savoir comment on pourrait réaliser l’interconnexion avec la ligne R, qui, aujourd’hui, suppose un investissement supérieur à 250 millions d’euros. Quant à l’interconnexion Bry-Villiers-Champigny, la configuration qui a été retenue aujourd’hui entraîne des coûts très élevés. Comme vous le savez, il y a des débats entre l’État et la région sur le mode de financement de cette dernière interconnexion.
En tout cas, pour ne pas retarder et mettre en péril la réalisation de ces gares d’interconnexion, les études ont été engagées, ce qui permettra à l’État de poursuivre la discussion avec les collectivités sur les modalités de financement.
Monsieur le sénateur, sachez que je partage complètement votre avis : l’enjeu est bien de réaliser un réseau interconnecté. Je voudrais rappeler à cet égard que sur les soixante-huit gares du Grand Paris, quarante-quatre sont en interconnexion avec le réseau existant. On peut donc se rassurer, nous n’aurons pas un métro qui tourne en boucle sur lui-même sans être interconnecté avec le réseau en place. Il faut faire le maximum dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dominati. Je voudrais d’abord remercier le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour car, à quelques minutes de son terme, il montre l’état du service public en Île-de-France. Je n’ai en effet entendu aucun orateur, quelques que soient les travées sur lesquelles il siège, exprimer de la satisfaction. Tel est donc l’état du service public dans les transports en Île-de-France. C’est une réalité !
Malgré tout le talent de Mme Cohen et même si je ne partage pas du tout ses idées, je me permets de vous rappeler, madame la ministre, que celle-ci vous a posé une question à laquelle vous n’avez pas répondu : pourquoi mener cette politique libérale ? Vous auriez dû lui répondre qu’il n’existe aucun endroit en Europe ou en France où l’État intervient d’une manière aussi pesante dans le domaine des transports collectifs et où il existe aussi peu de liberté qu’à Paris et dans sa région !
La région Île-de-France est une exception française : en effet, quand on dit que l’État finance le système avec l’argent des contribuables, on parle en réalité non pas de l’ensemble des contribuables – à l’exception peut-être du projet Charles-de-Gaulle Express pour lequel on demande enfin la mise en place d’une taxe sur les billets d’avion pour tous les usagers de l’aéroport –, mais des contribuables franciliens, des entreprises franciliennes et des milieux économiques de la région.
Le système actuel résulte de la « politique du salami » menée depuis des années. En réalité, madame la ministre, ce n’est pas vous qui êtes en cause. L’un de mes collègues a salué votre courage. Il a raison, puisque vous tenez le même discours que celui que les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, nous assènent depuis des décennies : lorsqu’une société publique n’a plus d’argent, on en crée une deuxième, puis une troisième, comme Réseau ferré de France – RFF –, puis une quatrième, telle la Société du Grand Paris. Bientôt, on créera la société du Charles-de-Gaulle Express, et ainsi de suite.
On n’écoute pas les besoins des usagers et des élus : en fait, il faut décentraliser et libéraliser la politique en matière de transports, et engager un certain nombre de projets. Le gouvernement français a été le seul à demander une dérogation à Bruxelles. On pourrait déjà faire en sorte que le réseau de surface de la RATP soit immédiatement privatisé et que les lignes soient mises en concurrence. Après tout, à un moment donné, le Président de la République alors ministre de l’économie s’est intéressé aux bus sur un plan national. Pourquoi garder un tel monopole aussi longtemps ? Tel est le sens de ma question.
Enfin, s’agissant du pass Navigo, c’est à cause de la connivence entre Mme Hidalgo et M. Huchon que les Parisiens payent aujourd’hui beaucoup trop cher le service rendu dans les transports collectifs du centre de l’agglomération. (Mme Céline Boulay-Espéronnier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, tout d’abord, je voudrais rappeler que les transports en Île-de-France sont totalement décentralisés. La responsabilité des transports est en effet confiée depuis maintenant de nombreuses années au Syndicat des transports d’Île-de-France, désormais appelé Île-de-France Mobilités, organisme dans lequel l’État n’a plus sa place.
Vous avez résumé notre débat à une insatisfaction générale dirigée contre les transports en Île-de-France. Je comprends tout à fait que nos concitoyens, qui font tous les jours de longs déplacements, comme c’est le cas en Île-de-France et, malheureusement, de plus en plus dans les autres agglomérations, puissent attendre une meilleure qualité de service.
M. Philippe Dominati. Il n’y a pas que les usagers !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cependant, par respect pour les salariés de la RATP, de la SNCF et des autres entreprises de transport, je ne peux pas non plus laisser dire que le service serait à ce point dégradé. Je rappelle que si notre réseau de transport est certes très centré sur Paris, nous disposons tout de même de la densité de transport la plus élevée au monde. On ne peut jamais se satisfaire des difficultés, on doit toujours se montrer exigeant et rester totalement conscient de ce que vivent les voyageurs, mais on ne peut quand même pas ne pas se rendre compte que nous avons aussi un très beau réseau de transport au cœur de l’agglomération parisienne.
Le défi auquel nous sommes confrontés consiste à faire en sorte que ce réseau de transport, que nous allons nous efforcer de faire fonctionner au mieux, profite également aux habitants plus éloignés du cœur de l’agglomération.
Je voudrais enfin rappeler que ce sont 12 millions de voyageurs qui empruntent tous les jours ce réseau – il y a peu d’équivalents dans le monde. Cela peut aussi expliquer les difficultés effectivement rencontrées dans les transports, mais également la détermination du Gouvernement à investir toujours plus dans l’entretien et la régénération des réseaux de transport de la vie quotidienne.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains.
M. Vincent Éblé. Encore un Seine-et-Marnais ! (Sourires.)
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, au risque de répéter moi-même certains propos et de vous faire répéter des choses déjà dites, je voudrais rappeler – car le sujet est tout de même très important – que les Franciliens consacrent chaque jour près de quatre-vingt-douze minutes en moyenne à leurs déplacements. Les trajets de banlieue à banlieue concernent à eux seuls près des trois quarts de ces flux.
Je voudrais tout d’abord préciser que la ligne 17 du Grand Paris Express, c’est tout de même 5 000 voyages prévus par jour et 1 100 emplois qui devraient être créés dans un rayon de 1 kilomètre autour de la gare terminus du Mesnil-Amelot, qui se situe au cœur de la Seine-et-Marne. Cette ligne est donc vitale pour près de 420 000 habitants !
Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises la nécessité que ce dernier tronçon soit réalisé avant 2030, dans la continuité de la tranche Le Bourget RER – Charles-de-Gaulle terminal 2, ou que l’ensemble des infrastructures soient finalisées dès 2025. La ligne 17 sera la garantie d’une certaine cohérence dans le réseau du Grand Paris Express.
Madame la ministre, je vous rappelle avec insistance que la réalisation de ce réseau est envisagée pour l’accueil des jeux Olympiques en 2024. Or la Cour des comptes fait part aujourd’hui de sérieuses interrogations sur la capacité à respecter les échéances olympiques. Il me semble donc inenvisageable de sacrifier cette ligne au profit du projet CDG Express dont le but unique est de relier l’aéroport de Roissy à Paris. Ce projet reviendrait à abandonner la France des mobilités quotidiennes au profit des mobilités internationales.
Madame la ministre, quel est l’état d’avancement des promesses du Président de la République et où en est-on de l’engagement de l’État ?
Ensuite, je souhaite évoquer les interconnexions : celles-ci doivent non seulement permettre l’accès au Grand Paris Express à l’ensemble des Seine-et-Marnais via les RER et Transilien, mais aussi faciliter l’accès des Franciliens à la Seine-et-Marne. Je pense notamment à l’interconnexion au Vert-de-Maisons qui a été évoquée il y a quelques instants par Vincent Éblé. Le métro du Grand Paris Express sans ces interconnexions amplifierait les écarts de croissance, de développement économique et urbain entre petite et grande couronne. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !
Madame la ministre, vous savez enfin que les défaillances répétées sur le réseau méritent des réponses de votre part quant à l’entretien et la modernisation du réseau.
J’attends vos réponses…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Cuypers. … sur ces sujets qui tiennent à cœur aux Franciliens et, en particulier, aux Seine-et-Marnais.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous redire que le Gouvernement accorde la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux.
Je souhaite rappeler qu’avec 800 millions d’euros investis dans le réseau ferré national en Île-de-France, nous allons tripler le montant consacré à la modernisation du réseau par rapport à ce qui se faisait il y a une dizaine d’années. Je veux aussi rappeler que le schéma d’ensemble du Grand Paris n’est pas remis en cause et que l’on doit travailler sur un phasage réaliste.
Je souhaite enfin redire la volonté du Gouvernement de s’engager sur des calendriers crédibles, tout comme sa volonté d’arrêter de promettre des infrastructures sur l’ensemble du territoire national alors que personne ne sait comment elles seront financées.
S’agissant du CDG Express, il ne faut vraiment pas opposer la réalisation de ce projet au réseau du Grand Paris et à l’amélioration des transports du quotidien.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pourtant pas la même chose !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je le répète : le CDG Express se fait sans concours publics, sous la forme d’une concession – je peux vous l’expliquer si vous le souhaitez, madame Cohen – qui sera financée par les billets et une taxe sur les passagers aériens.
Mme Laurence Cohen. Et le prêt de 1,7 milliard d’euros, alors ?
Mme Éliane Assassi. Oui, ça, on le sait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Une autre solution aurait consisté à payer des frais financiers élevés aux banquiers, à qui l’opération aurait profité. Je m’étonne que, sur ces travées (Mme la ministre regarde les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), l’on prône ce type de financement. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas du tout ce que nous prônons ! Nous voulons la suppression du CDG Express !
M. Philippe Dominati. Allez voir gare de l’Est !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement a pensé qu’il était plus raisonnable de faire un prêt du Trésor. Je le répète : il s’agit d’un prêt. Il sera donc remboursé.
M. Pascal Savoldelli. Et les millions d’usagers du RER B ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce prêt du Trésor permet d’éviter de devoir donner toutes sortes de garanties et de payer des intérêts plus élevés aux banquiers.
Le projet du CDG Express n’est absolument pas en concurrence avec les projets…
Mme Éliane Assassi et Mme Laurence Cohen. Si !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce projet qui ne bénéficie d’aucune subvention mais d’un prêt du Trésor public n’est en concurrence avec aucun des investissements dont nous avons parlé jusqu’à présent. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pascal Savoldelli. Et l’entretien du RER B ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nicole Duranton. Madame la ministre, pour clore ce débat, rendons-nous en Normandie !
Au Moyen Âge, la voie romaine Beauvais–Chartres desservait déjà la ville de Gisors dans l’Eure. Aujourd’hui, la voie romaine a disparu, les Capétiens et les Plantagenêts ne se mènent plus une guerre acharnée et Gisors est devenue une ville de près de 12 000 habitants.
La question des transports reste un élément essentiel et central pour son développement. Gérée par Île-de-France Mobilités, la ligne J du réseau francilien dessert plusieurs villes de l’Eure, notamment Gisors et Vernon. La ligne J est en crise.
Pour préparer mon intervention, j’ai échangé avec Alexandre Rassaërt, maire de Gisors, afin de faire un point précis sur la situation de cette ligne. Il me disait que les voyageurs venaient régulièrement à sa rencontre pour égrener leurs tracas. Et la liste est longue ! Il m’a dressé un tableau calamiteux de la situation : trains régulièrement en retard, rames mal ou peu entretenues, toilettes condamnées, horaires aléatoires. Bref, il s’agit d’un cocktail bien connu et, malheureusement, il n’est pas spécifique à la ville de Gisors.
Les nouveaux horaires mis en place depuis le mois de décembre dernier, censés améliorer la ponctualité et la fréquence des trains, n’arrangent rien à la situation et ne font que l’empirer.
La ligne J voit passer chaque jour près de 110 000 voyageurs, dont 1 300 Gisorsiens qui, pour beaucoup, ont fait le choix de s’installer en Normandie pour une raison simple : la proximité de Paris, leur lieu de travail. Imaginez la difficulté que cela engendre pour ces usagers à qui l’on avait promis un réseau de transport de qualité, gage de développement, qui permettrait d’attirer particuliers et entreprises dans cette belle région qu’est le Vexin normand.
Pire, il semble que les élus des villes et communes hors de l’Île-de-France soient purement et simplement méprisés par les services chargés de gérer le réseau de transports. Le manque de considération à leur égard ne fait que renforcer un sentiment d’abandon de la province bien présent chez nos élus : celui du sacrifice des gares normandes sur l’autel des intérêts franciliens ! (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Madame la ministre, ma question est simple : comment comptez-vous améliorer la desserte des villes hors de l’Île-de-France par le réseau de transports francilien ? Pouvez-vous nous garantir que le Gouvernement se battra contre la suppression des gares provinciales et rappellera le nécessaire besoin de concertation avec les élus locaux de nos territoires ruraux ? (Mme Céline Boulay-Espéronnier et M. Philippe Dominati applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je ne sais pas si je pourrais vous répondre précisément à propos de la ligne J.
Je pense néanmoins que vous pointez un sujet important, à savoir la situation des communes limitrophes de l’Île-de-France, qui peuvent subir à la fois des barrières tarifaires et les décisions qui doivent nécessairement être prises au sujet des trajets - trains directs, trains semi-directs, nombre d’arrêts – et qui peuvent être vécues de façon très pénalisante ou, en tout cas, très difficile par les habitants.
Nous sommes confrontés à des enjeux qui relèvent véritablement des autorités organisatrices de transport, comme Île-de-France Mobilités, en lien avec les régions qui peuvent aussi être en charge des TER dans leur périmètre. Ce que je peux vous assurer, madame la sénatrice, c’est que nous mettrons notamment les expertises de la Commission nationale du débat public ou les méthodes de concertation au service des autorités organisatrices pour s’assurer que les choix qui sont faits permettent bien d’atteindre un équilibre entre différentes populations dont les besoins ne sont pas forcément spontanément alignés.
Pour ce qui est de la méthode, le Gouvernement relaiera auprès des autorités organisatrices de transport la nécessité d’une concertation avec les habitants, qu’ils résident en Île-de-France ou en dehors de la région.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l’état du service public dans les transports en région Île-de-France.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 17 janvier 2018 :
À quatorze heures trente :
Nomination des vingt et un membres de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure.
Désignation des trente-sept membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
Débat sur les conclusions du rapport d’information Une crise en quête de fin – Quand l’histoire bégaie.
À seize heures trente : débat sur la prise en charge des mineurs isolés.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
nomination de membres d’organismes extraparlementaires
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :
- M. Bruno Sido est membre titulaire de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
- M. Gilbert Bouchet est membre titulaire et M. Jean-Marie Bockel membre suppléant du conseil d’administration de l’Agence française de développement ;
- M. Richard Yung est membre titulaire du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
nomination de membres de commissions
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des finances. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jérôme Bascher est membre de la commission des finances.
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Yves Bouloux est membre de la commission des affaires économiques.
Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Dominique Vérien est membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
La réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe politique a présenté une candidature pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Évelyne Perrot est membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD