M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. La loi est très claire : la rupture conventionnelle collective n’est pas un licenciement économique. Il faut l’accord du personnel et de plus de 50 % des syndicats. On n’y recourt pas par plaisir, mais peut-être par envie de faire autre chose.
Des critères du compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P, qui étaient totalement inapplicables pour les petites entreprises, ont été supprimés. Je pense notamment à la manutention de charges, aux postures pénibles, qui étaient impossibles à quantifier. J’estime que c’est une bonne chose.
Le compte professionnel de prévention conserve les mêmes prérogatives que le C3P : des formations, des départs anticipés à la retraite… Cependant, les critères conservés sont gérables.
Je voterai donc contre les amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 109.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 93 |
Contre | 251 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 112 est présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 169 rectifié bis est présenté par MM. Requier, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Vall et A. Marc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
tout moyen
par le mot :
écrit
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 112.
M. Jean-Louis Tourenne. Je place beaucoup d’espoirs dans cet amendement. Enfin un qui a des chances d’être adopté ! (Sourires.)
Il vise, s’agissant toujours du télétravail, à remplacer l’expression « tout moyen » par le mot « écrit », « tout moyen » laissant entendre que l’accord pourrait être arraché et ne pas recevoir de signature confirmant la volonté du salarié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement est défendu.
Si nous n’avons pas souvent été d’accord avec Jean-Louis Tourenne depuis le début des débats, nous nous rejoignons avec ces amendements.
J’ajoute simplement que la trace écrite peut être un simple e-mail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Dans les entreprises dépourvues d’accord collectif ou de charte sur le télétravail, l’obligation de formaliser l’accord implique, selon la commission, une trace écrite, que celle-ci soit manuscrite ou informatique.
L’amendement nous paraît donc satisfait.
Les services du ministère du travail considèrent que l’expression « tout moyen » renvoie à un accord écrit. Je pense que la ministre confirmera cette analyse.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je confirme que l’expression « par tout moyen » dans le code du travail implique « par tout moyen opposable. Il faut donc une preuve concrète, et par conséquent quelque chose d’écrit.
On ne peut réécrire « par tout moyen » partout dans le code… Monsieur le sénateur, je propose de mettre à votre disposition cette analyse juridique qui démontre que l’exigence d’un accord écrit est sous-entendue. Je vous demande de faire confiance à cette analyse juridique que vous n’avez pas encore mais qui, je puis vous l’assurer, existe
Votre amendement étant satisfait, je vous suggère de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Tourenne, l’amendement n° 112 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, monsieur le président. Je préfère en effet l’expression « par écrit » à l’expression « par tout moyen ».
M. le président. Monsieur Requier, qu’en est-il de l’amendement n° 169 rectifié bis ?
M. Jean-Claude Requier. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 et 169 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié bis, présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Vall et A. Marc, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
en télétravail
insérer les mots :
, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223–1 du code de l’environnement,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement s’inspire d’une disposition de la proposition de loi visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution que notre groupe a récemment déposée.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, un décès sur neuf dans le monde est lié à la pollution de l’air. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, évalue l’impact de cette pollution à 48 000 décès prématurés par an.
Face à l’ampleur de ce danger sanitaire, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures qui se sont malheureusement révélées insuffisantes et ont suscité de nombreuses critiques.
Nous pensons qu’il existe une solution alternative aux problèmes de pollution : le télétravail.
Aussi, nous souhaitions créer un droit du salarié au télétravail – réservé à certains postes – lorsque des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population ont été prises par le préfet.
Sur proposition du rapporteur, nous avons rectifié notre amendement afin que les conditions de mise en place du télétravail en cas de pollution soient précisées dans l’accord collectif ou dans la charte élaborée par l’employeur.
Nous avons entendu les craintes émises par la commission sur la mise en place d’un droit au télétravail opposable à l’employeur.
Je tiens toutefois à rappeler que si, lors des pics de pollution, la mise en place de la circulation alternée ou différenciée est relativement respectée par les automobilistes, nous le savons pertinemment, il existe – nous sommes en France, vieille terre gauloise… (Sourires.) – certains « fautifs » qui n’ont pas la possibilité de prendre les transports en commun ni les moyens d’acheter un véhicule propre.
Il faut chercher la réponse ailleurs que dans la répression. Dans ces conditions, la mise en place du télétravail prend tout son sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme l’a souligné M. Requier, cet amendement a été rectifié conformément au souhait de la commission. Le dispositif proposé va moins loin que la version initiale qui créait, au profit du salarié, un droit au télétravail opposable à l’employeur en cas de pic de pollution. Cependant, il permettra d’éviter de désorganiser les entreprises en cas de demandes nombreuses et soudaines des salariés.
La nouvelle version prévoit que la question du passage des salariés au télétravail en cas d’épisode de pollution soit abordée dans l’accord collectif ou dans la charte.
Je reconnais que rien, dans l’ordonnance, n’interdit aujourd’hui le télétravail en cas de pollution, mais il me semble intéressant de créer un lien dans la loi entre télétravail et pollution, en raison des enjeux de santé publique liés à la pollution de l’air.
Pour ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est clair qu’on ne peut créer un droit opposable en cas de pollution.
En effet, les conditions d’équipement, de responsabilité, de fonctionnement, prévues dans la charte ou dans l’accord, ne sont pas réunies pour un salarié qui n’est pas habituellement en télétravail. Et on ne peut les réunir dans l’urgence, en cas de pic de pollution. Il me semble que la rectification demandée par la commission allait dans ce sens.
Les enquêtes montrent que les motifs du recours au télétravail peuvent être très variés : le temps passé dans les transports est la première motivation des demandes de passage au télétravail, pour des raisons d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ; mais il peut aussi s’agir d’un besoin de concentration, propre à certains métiers – il est parfois plus intéressant pour les deux parties, salarié et employeur, de passer un ou deux jours chez soi plutôt que sur son lieu de travail.
Dans tous les cas de figure, le télétravail ne concerne qu’une partie de l’activité du salarié, car il convient aussi de conserver le lien social dans l’entreprise.
Il peut aussi s’agir d’une demande sociale. Je pense aux aidants, qui doivent pouvoir adapter leurs horaires en fonction des contraintes liées à de jeunes enfants, à des personnes âgées ou à des personnes handicapées.
Enfin, le télétravail se développe également en zone rurale.
Ma seule réserve – ce n’est pas une réserve de fond – tient à ce qu’en créant un précédent nous risquons de voir se multiplier les demandes pour tel ou tel cas de figure…
Toutefois, dans la mesure où la pollution est un sujet rarement pris en compte par le monde du travail et eu égard au fait que ce droit n’est pas opposable, le Gouvernement, sous les réserves que j’ai évoquées, émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 113, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les modalités de prise en charge par l’employeur de tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à rétablir l’obligation pour l’employeur de prendre en charge les coûts découlant du télétravail.
Il s’agit d’intégrer cette obligation, prévue par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail, dans les ordonnances.
Que les coûts liés à l’exercice du télétravail soient pris en charge par l’employeur me paraît être la moindre des choses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission pense que la prise en charge des frais occasionnés par le télétravail doit rester facultative, être traitée au cas par cas et ne pas redevenir obligatoire. Je rappelle que les alinéas 7 à 11 fixent la liste des sujets impératifs dans l’accord ou dans la charte instituant le télétravail.
L’ancienne obligation était probablement justifiée à une époque où nos concitoyens étaient peu équipés en matériel informatique. La situation a changé : presque tous les salariés disposent aujourd’hui d’un matériel informatique et d’un accès quasi illimité à internet. J’ajoute que les salariés en télétravail apportent parfois un ordinateur portable à leur domicile.
Au final, rien, dans l’ordonnance, n’interdit à l’accord collectif ou à la charte de prévoir au cas par cas la participation financière de l’employeur si le télétravailleur doit faire face à des coûts particuliers.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous avons un but commun : développer le télétravail. C’est la raison pour laquelle nous avons inscrit dans les ordonnances le droit opposable au télétravail. Il s’agit d’une première en Europe.
Selon un sondage, 83 % des salariés – ou 70 % selon un autre sondage – sont favorables à une généralisation du télétravail. Cela ne veut pas dire qu’ils souhaitent y recourir pour l’intégralité de leur temps de travail, mais au moins de manière régulière ou ponctuelle, à temps partiel.
L’obligation de prise en charge, par l’employeur, des coûts découlant directement du télétravail a été supprimée pour deux raisons : tout d’abord, comme on a pu le constater au cours des premières négociations, il est très difficile de distinguer, dans un abonnement internet préexistant, la quote-part correspondant au télétravail.
Ensuite, comme le rappelle régulièrement le juge, l’employeur doit prendre en charge les frais professionnels nécessaires à l’exécution du travail. Il s’agit d’une obligation générale.
Concrètement, plutôt qu’une partie de l’abonnement internet de son salarié, l’employeur lui achètera, par exemple, un siège ergonomique ou tout autre élément de son environnement de travail.
Par défaut, l’entreprise doit donc pourvoir à tous les frais professionnels nécessaires à l’exécution du travail. En supprimant le spécifique, on permet aux négociations d’être plus porteuses.
Le dialogue social va permettre d’aboutir à de meilleurs accords, sachant qu’existe toujours le filet de sécurité de l’obligation générale de l’employeur. Dès lors qu’il y a télétravail, il y a travail et le télétravail est donc concerné.
Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Tourenne, l’amendement n° 113 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, MM. Gremillet, Bonne et Daubresse, Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, M. Lefèvre, Mme Imbert, M. Longuet, Mme Micouleau, MM. Raison, Perrin, Paccaud et Dallier, Mmes Eustache-Brinio et Lassarade, MM. Savary, Laménie, Mandelli, Rapin, B. Fournier et Mouiller et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute contestation doit être formée à peine d’irrecevabilité avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus de l’employeur.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement porte sur le refus motivé de l’employeur d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié occupant un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif.
Il est précisé que toute contestation de ce refus doit être formée dans un délai de deux mois sous peine d’irrecevabilité.
Il convient ainsi de sécuriser toute possibilité de contestation par un délai de contentieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission ne pense pas nécessaire d’enserrer dans des délais spécifiques le refus de l’employeur en matière de télétravail.
Restons-en à la règle de droit commun posée à l’article L. 1471–1 du code du travail qui prévoit un délai de deux ans pour attaquer devant le juge une décision de l’employeur.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
Nous voulons privilégier le dialogue social et faire en sorte que les conditions soient définies en commun.
Par ailleurs, les motifs du recours au télétravail peuvent évoluer dans le temps : il peut s’agir d’une situation personnelle ponctuelle, d’une tâche spécifique à un moment donné… Le salarié peut ne pas vouloir contester cette décision dans les deux mois jusqu’à ce que sa situation change quelques mois plus tard.
L’encadrement du délai de recours contentieux ne me semble pas nécessaire. Nous sommes sur un sujet très différent du licenciement. Il s’agit ici de l’accord des parties sur une manière de travailler. C’est le dialogue social, et non la limitation dans le temps du délai de recours, qui permettra de régler la question.
M. le président. Madame Gruny, l’amendement n° 15 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 168 rectifié, présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Vall et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article L. 1222-11, après le mot : « épidémie », sont insérés les mots : « , d’épisode de pollution lorsque des mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution ont été prises en application de l’article L. 223–1 du code de l’environnement » ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement s’inscrit, comme l’amendement n° 167 rectifié bis, dans notre volonté de favoriser le recours au télétravail en cas de pic de pollution.
Actuellement, l’article L. 1222–11 du code du travail dispose que l’employeur, en cas de circonstances exceptionnelles, peut imposer le recours au télétravail, alors « considéré comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »
Sont notamment considérés comme circonstances exceptionnelles les menaces d’épidémies ou les cas de force majeure. Notre amendement vise à préciser que les épisodes de pollution peuvent également constituer des circonstances exceptionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme l’a souligné Mme Laborde, cet amendement s’inscrit dans le prolongement de l’amendement n° 167 rectifié bis, qui avait recueilli un avis favorable. En l’occurrence, tel ne sera pas le cas. La commission estime en effet que cette précision relève du pouvoir réglementaire, comme l’avait d’ailleurs reconnu Mme El Khomri lors de l’examen de la loi Travail.
En outre, même dans le silence de la loi et du décret, la commission considère que les pics de pollution peuvent déjà être assimilés à des circonstances exceptionnelles au sens de l’article L. 1222–11 du code du travail. Mme la ministre pourra peut-être nous confirmer cette analyse.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est très difficile d’imposer le télétravail et on ne peut le faire en urgence. Or un pic de pollution est, par définition, un cas d’urgence.
La mise en place du télétravail demande tout un aménagement – conditions de travail, flux d’information… Il ne s’agit pas d’un travail isolé, chez soi, mais bien d’un travail connecté, qui suppose une connexion informatique sécurisée.
C’est à la charte ou à l’accord de définir ces modalités. Nous venons de prévoir, à travers l’amendement n° 167 rectifié bis, que certaines personnes pourraient passer en télétravail en cas de pic de pollution.
Dès lors, si les choses ont été anticipées, le télétravail sera opérationnel. Si elles ne l’ont pas été, ça ne pourra pas fonctionner. Vouloir imposer le télétravail sans préparation est un peu théorique ; vouloir l’encourager, à l’instar de l’amendement n° 167 rectifié bis qui vise à mieux prévenir ce cas de figure, me semble plus pertinent.
Pour ces raisons, le Gouvernement suggère à ses auteurs de retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je vais retirer cet amendement, mais je tiens à préciser que la circulation alternée ou différée est parfois pire pour les entreprises. Il me semble important de le signaler et d’anticiper les difficultés.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 168 rectifié est retiré.
Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 114, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 1223-8 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’article L. 1223–8 du code du travail élargit le champ d’application du contrat de chantier, facteur de plus de précarité qu’un contrat à durée déterminée puisque son terme n’est pas connu et qu’il ne donne pas lieu au versement d’une indemnité de précarité.
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 32 à 49
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…° La sous-section 2 de la section 4 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie est abrogée ;
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’employeur n’est pas tenu de reclasser les salariés dans les autres établissements. Surtout, ils sont privés de droits essentiels – je pense notamment au contrat de sécurisation professionnelle qui permet un accompagnement renforcé dans la recherche d’emploi et qui garantit au salarié de percevoir 75 % de son salaire brut pendant un an.
Les mesures d’accompagnement et de reclassement externes ne seront plus garanties, mais négociées entreprise par entreprise. Si nous faisons preuve d’un moment de lucidité, la probabilité est faible de voir un accord d’entreprise instaurer, par exemple, un congé de reclassement maintenant le contrat de travail entre quatre et douze mois pour permettre au salarié concerné de se former.
Le volontariat des salariés qui accepteront de bénéficier des conditions imposées par la direction n’est qu’une illusion quand on connaît les pressions exercées sur eux pour quitter l’entreprise.
Je n’y reviendrai pas, mais il faut bien comprendre comment ont évolué les entreprises dont nous parlons ici. En raison de la financiarisation de l’économie, la pression sur les salariés que j’évoque s’est accompagnée d’une pression actionnariale sur les dirigeants eux-mêmes. Et je ne vous parle pas des sous-traitants.
Quand l’économie se financiarise trop, le dialogue social passe au second plan par rapport aux pressions et aux impulsions de l’actionnariat.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 32 à 34
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…° La section 3 du chapitre III du titre II du livre II de la première partie est abrogée ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 30 de l’ordonnance relative à la sécurisation des relations de travail prévoit d’étendre le recours aux CDI de chantier à d’autres secteurs que le bâtiment, selon des modalités fixées par accord de branche étendu.
Tout d’abord, je tiens à préciser que parler de « CDI de chantier » est une contradiction en soi : dans la mesure où la durée du contrat est assise sur la réalisation d’un chantier, il ne peut s’agir d’un contrat à durée indéterminée.
Avec le CDI de chantier, l’employeur n’a plus besoin d’invoquer un motif de licenciement, puisque la fin du projet ou du chantier suffit à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle place le salarié dans une situation de précarité permanente, sans possibilité de contester la rupture du contrat de travail.
Vous nous répondrez, une fois de plus, que les branches négocieront les modalités de recours à cette disposition et qu’il existera donc des garanties.
Or c’est la philosophie globale de ce dispositif que nous contestons. Pour nous, il s’agit d’un nouveau contrat de travail précaire. La Fédération française du bâtiment, la FFB, première organisation patronale du secteur, ne dispose pas de chiffres sur le recours au CDI de chantier dans le BTP. Elle estime que ce contrat concerne surtout les projets « très gros ou très longs », comme la construction de lignes à grande vitesse.
Les dirigeants de sociétés de services en ingénierie informatique, ou SSII, se frottent les mains à l’idée de bénéficier de ce contrat ultra-souple, dans un domaine où ces entreprises dépêchent leurs informaticiens chez les clients pour des missions plus ou moins longues.
Aujourd’hui, l’écrasante majorité des salariés du secteur restent embauchés en CDI classique, rémunérés et protégés entre chaque mission, une période dénommée « intercontrat ».
Les employeurs rêvent de recourir au CDI de chantier pour ne payer les salariés que le temps facturé au client, à des tarifs plus bas que ceux des informaticiens free-lance qui servent aujourd’hui de main-d’œuvre d’appoint.
Le CDI de chantier, c’est en réalité la fin du CDI pour toutes et pour tous, raison pour laquelle nous demandons son abrogation.