M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le régime d’asile européen commun repose sur un principe cardinal : un seul État est compétent pour l’examen d’une demande d’asile.

Huit critères hiérarchisés permettent de déterminer l’État responsable de l’examen de la demande. Dans la pratique, c’est à partir des prises d’empreintes digitales des demandeurs, enregistrées dans la base de données EURODAC, que fonctionne principalement le régime Dublin.

Pour l’année 2016, ce sont près de 26 000 procédures Dublin qui ont été engagées sur le territoire français, soit cinq fois plus qu’en 2014.

Aujourd’hui nous constatons que le régime Dublin n’est pas efficace. Tout d’abord, au niveau européen, l’application du règlement Dublin rencontre de grandes difficultés en pesant lourdement sur un tout petit nombre d’États – la Grèce, l’Italie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie –, dont certains, pour ne pas être déclarés responsables de la demande d’asile, développent des stratégies d’évitement. Ainsi, seuls 23 % des franchissements irréguliers d’une frontière extérieure de l’Union européenne font l’objet d’un prélèvement d’empreintes digitales.

À l’échelon national, le droit actuel français ne permet pas le placement en rétention des étrangers sous procédure Dublin avant l’obtention d’une autorisation de transfert, conformément à la volonté initiale du législateur, comme l’a rappelé le Conseil d’État, saisi pour avis par la cour administrative d’appel de Douai.

Après une décision de transfert, et pour préparer celui-ci, la préfecture peut placer l’étranger sous assignation à résidence ou en rétention. L’article 28 du règlement Dublin III précise les conditions requises pour décider d’une rétention après l’obtention de l’autorisation de transfert : un risque non négligeable de fuite, caractérisé après un examen individuel de la situation et respectant le principe de proportionnalité, étant entendu que d’autres mesures, comme l’assignation à résidence, peuvent être préférées.

Mais un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de mars 2017 a considéré que le placement en rétention d’un étranger « dubliné » ne pouvait être mis en œuvre par un État que si celui-ci avait défini, par des dispositions de portée générale, les critères établissant le risque non négligeable de fuite.

La Cour de cassation a suivi le même raisonnement et jugé que les critères figurant dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour autoriser la rétention de droit commun n’étaient pas suffisants, faute de définition explicite du risque non négligeable de fuite.

Aujourd’hui, nos préfectures se trouvent privées de moyens. En effet, elles n’ont plus la possibilité de placer en rétention une personne, même si elle a fait l’objet d’une autorisation de transfert.

Cette proposition de loi ne vise pas à résoudre l’ensemble de la problématique migratoire. Il ne s’agit pas non plus de débattre de la régulation des flux migratoires. Enfin, ce texte n’a pas pour objet de revoir les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers sur notre sol.

Non, cette proposition de loi vient tirer les conséquences des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation et apporter une réponse en sécurisant juridiquement la possibilité de placement en rétention après la décision de transfert, et en autorisant dans certains cas le placement en rétention avant l’obtention d’une autorisation de transfert.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi, dont les dispositions sont à la fois pertinentes et justifiées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nécessité fait loi. Plus que jamais, cet aphorisme latin, fondement de notre construction juridique, est illustré aujourd’hui dans la proposition de loi que nous discutons.

Depuis septembre dernier, cela a été rappelé précédemment, l’autorité administrative ne peut plus placer en rétention un demandeur d’asile dit « dubliné » lorsque son transfert vers le pays de premier enregistrement est demandé.

Le cadre juridique d’intervention est donc réduit, et notre vote d’aujourd’hui est d’autant plus important.

Si cette proposition de loi ne résout aucun problème lié à la politique migratoire de notre pays, notamment la situation d’afflux massif de demandeurs d’asile et de demandes de titres de séjour auquel nous sommes confrontés, elle permet de traiter le sort des migrants sous statut Dublin.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, que je souhaite une fois de plus remercier de son expertise précise de la situation, le règlement Dublin III est une pierre angulaire de la politique européenne d’asile et un gage de respect du cadre de l’espace de libre circulation.

Cela a été dit à de nombreuses reprises, nous sommes aujourd’hui confrontés à la nécessité de faire évoluer au niveau européen notre système d’asile. Pour sauvegarder le principe de l’asile des réfugiés politiques, il est indispensable que nous ayons le courage d’assumer un système d’éloignement effectif des ressortissants étrangers dont les démarches pour intégrer notre nation ont échoué et qui n’ont donc plus le droit de se maintenir en France.

Mes chers collègues, une politique ferme en matière d’immigration n’est viable que si elle est fondée sur des piliers solides, sans ambiguïté dans leur mise en œuvre. Si nous voulons vraiment sauvegarder le système d’asile, ce à quoi, au sein du groupe Les Républicains, nous sommes profondément attachés, il faut parallèlement avoir un système d’instruction efficace des dossiers de demande, puis un système de renvoi réel, afin de ne pas laisser persister l’espoir suivi de désillusion.

Nous restons à cet égard dans l’attente attentive, monsieur le ministre d’État, du projet de loi sur l’asile et l’immigration que vous nous annoncez. Il est en effet nécessaire de changer rapidement de paradigme en la matière.

Ainsi, en matière d’immigration régulière, les circulaires Valls de 2012, qui ont permis d’augmenter les régularisations de près de 32 % en quatre ans, sont toujours en application.

Par ailleurs, la politique d’intégration elle-même est en souffrance, ne permettant pas de donner les clés nécessaires aux étrangers souhaitant vivre dans notre pays : le contrat d’intégration républicaine, par exemple, mis en place en 2016, est en panne du fait de la baisse du nombre d’heures de formation linguistique.

Quant à la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, dont vous nous dites faire une priorité, le budget pour 2018 lui donne à notre sens peu de chances d’être effectivement mise en œuvre. Nous notons une baisse de 7 % des crédits dédiés à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, lesquels permettront d’effectuer seulement 14 500 éloignements forcés en 2018, alors que 15 161 exactement ont été exécutés en 2014 et 15 485 en 2015.

La Cour des comptes l’a relevé sévèrement : l’exécution des mesures d’éloignement est trop faible. Ainsi, en 2016, moins de 18 % des mesures d’éloignement prononcées ont été réellement exécutées, c’est-à-dire que 75 500 personnes se sont maintenues sur le territoire sans en avoir le droit, dont 53 600 déboutés du droit d’asile.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les moyens humains sont insuffisants pour assurer les éloignements nécessaires et les centres de rétention administrative sont sous-budgétisés pour assumer la rétention des personnes dont l’avenir n’est pas en France.

Malgré cette réalité chiffrée préoccupante, la proposition de loi que nous allons adopter établit la possibilité de rétention dès avant la décision de transfert d’un demandeur d’asile sous procédure Dublin, contrairement au droit commun actuel de la rétention administrative qui impose une décision de transfert.

Nous sommes satisfaits que le refus de donner ses empreintes ou leur altération volontaire soient un critère supplémentaire permettant de caractériser le risque de fuite et donc la mise en rétention.

Nous nous satisfaisons également que tout élément dissimulé dans la narration du parcours migratoire soit pris en compte dans la décision de possible mise en rétention.

Enfin, sans revenir sur l’historique de la disposition, et pour prévenir tout risque de fuite, il est en effet impératif de redéfinir le régime de l’assignation à résidence des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, bien au-delà de la question des demandeurs asile « dublinés », dont la France connaît aujourd’hui plus que jamais la réalité, ce sujet est préoccupant pour nos concitoyens et pour tout responsable politique.

Émigrer de son pays, quelles qu’en soient les raisons, est naturellement toujours une souffrance pour celui qui est contraint de partir. Mais la France, pays d’accueil, doit aussi savoir définir des règles dans le cadre européen pour le système Dublin. Ce dernier repose sur une idée simple : une personne étrangère à l’Union européenne qui demande l’asile dans un État de l’Union n’a pas vocation à le demander ensuite dans un autre pays de l’Union.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains votera bien entendu la proposition de loi en discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le règlement Dublin III est une pierre angulaire de la politique européenne d’asile. Il repose sur le principe qu’un seul État européen est responsable de la demande d’asile d’une personne ressortissante d’un État tiers.

Il s’agit d’éviter à la fois que le demandeur d’asile ne sollicite successivement plusieurs pays européens, mais aussi qu’il ne soit renvoyé d’un pays à l’autre sans que sa demande soit jamais examinée. L’État responsable est celui qui a permis l’entrée ou le séjour du demandeur sur le territoire européen.

Adopté le 26 juin 2013, le règlement Dublin III s’applique aux vingt-huit pays de l’Union européenne ainsi qu’à l’Islande, à la Norvège, au Liechtenstein et à la Suisse, ces quatre pays faisant partie de l’espace Schengen.

Sa mise en œuvre par les États se fait en deux étapes. Tout d’abord, la détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile : en effet, l’État d’accueil, après étude du parcours migratoire du demandeur, peut estimer que la responsabilité de l’examen de cette demande relève d’un autre État européen. Il sollicite alors cet État, lui demandant de prendre en charge le demandeur. Ensuite, en cas d’accord de l’État sollicité, l’État requérant peut prendre une décision de transfert du demandeur vers cet État.

Depuis l’adoption de ce règlement, la France s’efforce d’assurer efficacement ces transferts. Or deux décisions de justice récentes, l’une de la Cour de justice de l’Union européenne, l’autre de la Cour de cassation, ont privé l’autorité administrative de la possibilité de recourir au placement en rétention.

Dans un arrêt du 7 mars 2017, la première cour a estimé que le paragraphe 2 de l’article 28 du règlement Dublin autorisant le placement en rétention n’était pas applicable à défaut d’adoption de mesures d’application par les États membres. En effet, cet article précise que le placement en rétention est possible « lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite » de l’intéressé, tandis que l’article 2 définit ce risque comme « l’existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite » du demandeur.

En s’appuyant sur cet arrêt, la Cour de cassation a estimé que, « en l’absence de disposition contraignante de portée générale fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur », le placement en rétention était illégal. Les préfectures se trouvent donc démunies pour assurer l’effectivité des transferts.

Mes chers collègues, cette proposition de loi tire les conséquences des arrêts précédemment cités. Elle permet de fixer un cadre clair assurant une mise en œuvre plus efficace de la procédure Dublin.

Elle a été enrichie par la commission des lois du Sénat d’ajouts pertinents permettant de lutter plus efficacement contre les refus de prise d’empreintes digitales, de faciliter l’organisation matérielle des visites domiciliaires, d’accélérer les procédures par la réduction de quinze à sept jours du délai de saisine du juge administratif contre une décision de transfert en l’absence d’assignation à résidence ou de placement en rétention, et de sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire.

Il s’agit donc d’un texte équilibré. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, permettant une bonne application du régime d’asile européen.

Je rappelle que la discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi permettant une bonne application du régime d’asile européen

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi permettant une bonne application du régime d'asile européen
Article 1er bis

Article 1er

Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Au début du premier alinéa de l’article L. 551-1, est insérée la mention : « I. – » ;

1° Après le même premier alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Toutefois, dans le cas prévu au 1° bis du I de l’article L. 561-2, l’étranger ne peut être placé en rétention que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si les dispositions du même article L. 561-2 ne peuvent être effectivement appliquées. Le risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi dans les cas suivants :

« a) Si l’étranger s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert ;

« b) Si l’étranger a été débouté de sa demande d’asile dans l’État membre responsable ;

« c) Si l’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert ;

« d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

« d bis) (nouveau) Si l’étranger refuse de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou s’il altère volontairement ces dernières pour empêcher leur enregistrement ;

« e) Si l’étranger, aux fins de se maintenir sur le territoire français, a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;

« f) Si l’étranger a dissimulé des éléments de son identité, de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile, la circonstance tirée de ce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ;

« f bis) Si l’étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil prévues au chapitre IV du titre IV du livre VII ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ;

« g) Si l’étranger qui a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 744-7 ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ou si l’étranger qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans qu’il ne justifie d’un motif légitime ;

« h) Si l’étranger ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou de l’exécution de la décision de transfert sans qu’il ne justifie d’un motif légitime ;

« i) Si l’étranger s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ;

« j) Si l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert. » ;

1° bis AA (nouveau) Au début du deuxième alinéa du même article L. 551-1 sont ajoutés la mention : « III. – » et les mots « En toute hypothèse » ;

1° bis A Le début du troisième alinéa dudit article L. 551-1 est ainsi rédigé : « Les I et II du présent article ne sont pas applicables à l’étranger… (le reste sans changement) » ;

1° bis BA (nouveau) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du même article L. 551-1, après les références : « 1° à 3° », sont insérés les mots : « du présent III » ;

1° bis BB (nouveau) À l’article L. 552-3 et au premier alinéa de l’article L. 552-7, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « au I de l’article » ;

1° bis B L’article L. 553-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité et, le cas échéant, des besoins particuliers des demandeurs d’asile ou des étrangers faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou d’une décision de transfert notifiée conformément à l’article L. 742-3. » ;

1° bis C L’article L. 554-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l’article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile et, le cas échéant, à l’exécution d’une décision de transfert. Lorsqu’un État requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l’étranger, il est immédiatement mis fin à la rétention de ce dernier, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet État dans les plus brefs délais ou si un autre État peut être requis. En cas d’accord d’un État requis, la décision de transfert est notifiée à l’étranger dans les plus brefs délais. » ;

1° bis La première phrase du premier alinéa de l’article L. 556-1 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’un étranger placé en rétention en application de l’article L. 551-1 présente une demande d’asile, l’autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de cette demande conformément à l’article L. 742-1 et, le cas échéant, à l’exécution d’office du transfert dans les conditions prévues à l’article L. 742-5. Si la France est l’État membre responsable de l’examen de cette demande et si l’autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l’étranger pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de celle-ci, dans l’attente de son départ. » ;

2° Le I de l’article L. 561-2 est ainsi modifié :

aa) À la fin du 1°, les mots : « ou fait l’objet d’une décision de transfert en application de l’article L. 742-3 » sont supprimés ;

a) Après le même 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Fait l’objet d’une décision de transfert en application de l’article L. 742-3 ou d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; »

a bis) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’article L. 551-1 est applicable lorsqu’un étranger assigné à résidence en application du présent article :

« 1° Ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 ;

« 2° Présente un risque non négligeable de fuite, tel que défini aux a à j du II de l’article L. 551-1, dans le cas d’un étranger faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou d’une décision de transfert notifiée conformément à l’article L. 742-3. » ;

3° (nouveau) À la première phrase du troisième alinéa du II du même article L. 561-2, le mot : « quatre-vingt-seize » est remplacé par les mots : « cent quarante-quatre ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.

Mme Sylvie Robert. Avant d’entrer plus avant dans l’examen des articles de la proposition de loi, je souhaiterais dire quelques mots sur les centres de rétention administrative, les CRA.

Mes collègues du groupe socialiste et républicain le rediront en défendant leurs amendements, nous sommes fermement opposés à cette proposition de loi, à ses principes mêmes et à ses fondements, parce qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles. Au-delà, la mise en œuvre des dispositions prévues pourrait avoir des conséquences extrêmement délicates.

Aujourd’hui, nous le savons, la situation des centres de rétention administrative est particulièrement difficile : ils sont surchargés, il n’y a plus de place. Pour avoir passé plusieurs heures dans le CRA de mon département il y a quelques semaines, j’ai pu mesurer l’afflux très important de personnes depuis l’attaque de Marseille en octobre dernier. Cela met en difficulté les équipes gestionnaires. Le juge des libertés et de la détention libère les personnes au bout de quarante-huit heures, ce qui conduit à des mouvements de va-et-vient. Au-delà de la saturation des places, cet état de fait crée des problèmes de gestion extrêmement délicats.

Aussi, je veux attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues sur la situation actuelle dans les centres de rétention administrative, laquelle pourrait être aggravée par les conséquences liées à la mise en application des dispositions de cette proposition de loi. En effet, se pose aujourd’hui un problème de sous-dotation en effectifs et en moyens, ce qui peut vraiment porter atteinte à la dignité des personnes accueillies.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Kanner, Sueur, Jacquin et Boutant, Mmes Blondin, Cartron et de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Fichet, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 26 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.

M. Jean-Yves Leconte. L’article 1er constitue la disposition essentielle de ce texte, mais je ne reprendrai pas, à ce stade, les arguments développés lors de la discussion générale. Le groupe du RDSE a fait un travail précis et détaillé sur cet article et formulé des remarques techniques dont nous discuterons plus précisément ultérieurement, faisant ressortir les différentes difficultés que pose ce texte ; le débat les mettra en évidence.

Il ne sert à rien de répondre aujourd’hui au règlement Dublin qui, de toute façon, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, ne fonctionne pas : il est absolument en rupture avec l’État de droit en matière d’enfermement des personnes. Pour la première fois, des personnes seront enfermées parce qu’elles sont demandeurs d’asile, sous prétexte qu’elles sont susceptibles d’être visées par le règlement Dublin. Cela n’est ni correct en termes de droit ni conforme à notre ambition de promouvoir une politique d’asile européenne, ambition qui doit conduire notre pays à être exemplaire en la matière. Il convient de ne pas inverser les choses en faisant peser la responsabilité de l’ensemble de la politique d’asile européenne sur nos autres partenaires et non pas sur nous.