Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Je conclus, madame la présidente. De toute façon, je reprendrai la parole tout à l’heure pour aller un peu plus loin.
En tous les cas, il est clair que l’on n’a pas prévu les moyens budgétaires suffisants pour accueillir dignement les personnes placées en centre de rétention.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un lieu habilité à recevoir des familles par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. » ;
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Actuellement, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’a pas la compétence de s’opposer à ce que des familles soient placées dans des centres de rétention inadaptés, quand bien même il constaterait des défauts majeurs dans l’accueil d’enfants. Il a simplement le pouvoir d’informer le Gouvernement de ces défauts.
Dans le cas spécifique des centres de rétention administrative, compte tenu du faible nombre de places, une application stricte de la présente proposition de loi pourrait entraîner une surpopulation qui rendrait difficile la protection des mineurs et des familles au sein de ces centres.
Afin de leur assurer une meilleure protection, il est donc proposé de permettre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’habiliter a priori les centres de rétention administrative et les locaux de rétention administrative aptes à recevoir des mineurs, dans ce cas bien précis uniquement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement qui, je souhaite le rappeler, a pour objet de donner au Contrôleur général des lieux de privation de liberté le pouvoir de déterminer les centres de rétention administrative habilités à recevoir des familles.
La liste de ces centres de rétention administrative est actuellement fixée par le pouvoir réglementaire. Ces centres doivent disposer de lieux d’hébergement séparés, de chambres spécialement équipées et de matériels de puériculture adaptés. Il en existe aujourd’hui onze, dont la liste a été actualisée en 2016.
Comme vous le savez, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose déjà des moyens de contrôler les centres habilités à recevoir des familles : il possède de larges pouvoirs de contrôle et de conseil, et publie régulièrement des rapports, des avis et des recommandations.
Dans ces conditions, lui donner un nouveau pouvoir de détermination des centres de rétention susceptibles de recevoir des familles me paraît aller au-delà des missions qui sont les siennes. Ce pouvoir doit rester à l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je voudrais simplement apporter une petite précision.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, les conditions de vie ne sont pas inhumaines dans ces centres de rétention administrative. (M. David Assouline fait la moue.)
Mme Éliane Assassi. Dans certains centres, si !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je rappelle que le coût de fonctionnement de ces centres représente 30 millions d’euros et que nous consacrons 8 millions d’euros à la prise en charge des problèmes de santé des personnes placées dans ces centres.
Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’avant dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de placement en rétention est mentionnée dans une décision notifiée. » ;
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Le placement en rétention repose aujourd’hui sur de nombreuses bases légales, aux délais variables.
Dans sa version actuelle, le premier paragraphe de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit explicitement que les personnes placées en rétention en vue d’un transfert vers un État membre responsable de leur demande d’asile le sont pour une durée de quarante-huit heures.
Dans son rapport, M. Buffet a montré que les demandeurs d’asile y sont en réalité placés pour des durées bien plus longues, du fait de l’accumulation de décisions de rétention administrative prises contre eux.
De notre point de vue, et conformément à notre attachement aux règles de l’État de droit et aux principes fondamentaux de notre droit pénal sur plusieurs aspects proches du droit de la rétention des étrangers, il nous paraît essentiel que les personnes visées par des mesures de placement en rétention puissent être informées a priori de la durée maximale de cette rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à ce que la durée de placement en rétention soit « mentionnée dans une décision notifiée ». Ainsi, après la première décision de placement s’ajouterait désormais une seconde décision fixant la durée de cette rétention.
Cette disposition paraît extrêmement compliquée à mettre en œuvre d’un point de vue pratique.
D’abord, elle est contraire au régime actuel de la rétention, la loi fixant une durée maximale qui peut elle-même être écourtée par la saisine du juge ou par le juge des libertés lui-même.
Ensuite, il est très compliqué, pour ne pas dire impraticable, de déterminer à l’avance la durée de maintien en rétention d’un individu, compte tenu des investigations nécessaires pour établir sa situation.
Enfin, cette mesure ajoute une complexité procédurale et – ne nous le cachons pas ! – des difficultés supplémentaires créant autant de moyens de recours.
Pour mémoire, je voudrais également rappeler ce qui se passe aujourd’hui lorsqu’une personne est placée en rétention. Après quarante-huit heures de rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il doit ensuite statuer dans un délai de vingt-quatre heures. Le juge est de nouveau saisi au trentième jour de rétention, qu’il peut prolonger pour une nouvelle période de quinze jours au maximum.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement pour les raisons développées précédemment : ce texte prévoit déjà que la durée de rétention doit être la moins longue possible.
Il ne me semble pas judicieux de vouloir indiquer à l’avance la durée du placement en rétention : en effet, il s’agit en réalité tout simplement du temps nécessaire pour que les démarches engagées en vue de l’éloignement de l’étranger aboutissent.
Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Notre débat doit contribuer à apporter des éclaircissements sur cette question de la durée de rétention, ne serait-ce qu’à la marge, puisque les temps de parole sont contraints. Il doit nous faire réagir à ces situations issues du réel.
À ma connaissance, la durée moyenne de rétention de l’ensemble des personnes placées dans les centres que j’ai visités – il s’agit d’une masse importante d’individus, puisqu’il y avait cent quarante « retenus » dans les centres lors de mes visites, et que ce chiffre peut même être plus élevé – est comprise entre douze et dix-sept jours.
Or la durée maximale de rétention est aujourd’hui de quarante-cinq jours. Et on prévoit de l’allonger à quatre-vingt-dix jours ! Pourquoi, je n’en sais rien. Toutefois, je peux imaginer que, si cette durée se veut effective, c’est-à-dire que l’on a fixé cette durée à ce niveau dans un but précis, c’est que l’on s’attend à devoir maintenir des demandeurs d’asile plus longtemps dans les centres, et ce parce que les démarches nécessiteront plus de quarante-cinq jours. Et pourtant, la durée moyenne de rétention est aujourd’hui de seize jours…
Les spécialistes nous disent que, pour la grande majorité des personnes placées en rétention, on sait au bout de six jours si elles vont pouvoir être redirigées vers un autre pays ou si, de toute façon, cela ne sera pas possible, le reste du placement en rétention étant alors formel. L’individu peut rester dix, douze ou trente jours en centre de rétention ; de toute façon, les démarches n’avanceront pas, parce que le consulat de l’État en question n’aura pas donné l’autorisation demandée. Tout cela paraît assez incohérent.
Monsieur le ministre d’État, pourriez-vous m’apporter davantage d’informations que vous ne l’avez fait tout à l’heure sur la santé des personnes placées en centre de rétention administrative ? Je n’ai jamais dit qu’il n’existait pas de moyens consacrés à la santé, j’ai simplement dit que certaines personnes n’avaient rien à faire dans un centre compte tenu de leur état de santé et que la promiscuité n’était pas de nature à favoriser des conditions d’accueil humaines dans ces centres !
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un mineur non accompagné ne peut faire l’objet d’un placement en rétention. » ;
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Dans la continuité de ce que je viens de dire à propos des mineurs accompagnés, le texte devrait explicitement prévoir que des mineurs ne peuvent pas être placés seuls dans des centres de rétention administrative, compte tenu de leur vulnérabilité.
Il s’agit d’une exigence spécifique découlant du paragraphe 13 du règlement Dublin III, qui a fait l’objet d’un accord entre tous les États membres en 2013 : « Conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989 et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu’ils appliquent le présent règlement. Lorsqu’ils apprécient l’intérêt supérieur de l’enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du bien-être et du développement social du mineur, de considérations tenant à la sûreté et à la sécurité et de l’avis du mineur en fonction de son âge et de sa maturité, y compris de son passé. Il convient, en outre, de fixer des garanties de procédure spécifiques pour les mineurs non accompagnés, en raison de leur vulnérabilité particulière ».
Où figurent ces garanties spécifiques dans le texte sur lequel nous sommes en train de débattre ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement. Je vous demanderai même de bien vouloir le retirer, ma chère collègue, parce qu’il est satisfait par le droit positif.
En effet, nous ne plaçons aucun mineur en rétention aujourd’hui. Les choses sont claires : un étranger mineur ne peut faire l’objet ni d’une obligation de quitter le territoire français ni d’une mesure d’expulsion. Dès lors, un mineur non accompagné ne peut, par principe, être placé seul en rétention. Je le répète, le droit positif – je ne parle pas du texte dont nous discutons –, et plus précisément le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, interdit le placement d’un mineur seul en rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis. Une telle disposition figure déjà dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Mme Josiane Costes. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 23, première phrase
Supprimer les mots :
à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile et, le cas échéant,
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise, dans le même esprit que l’amendement n° 5, à ne permettre le placement en rétention qu’après que la détermination de l’État responsable a abouti.
Le paragraphe 20 du règlement Dublin III et son article 28 précisent expressément que « le placement en rétention des demandeurs devrait respecter le principe sous-jacent selon lequel nul ne devrait être placé en rétention pour le seul motif qu’il demande une protection internationale ».
Or les critères finalement retenus dans la proposition de loi pour établir le « risque non négligeable de fuite » sont si vastes qu’ils pourraient concerner un très grand nombre de personnes.
Comme l’a démontré M. Buffet dans son rapport en citant la Commission européenne, les failles du règlement Dublin sont en premier lieu imputables aux stratégies non coopératives des États membres, lesquels ne procèdent pas au relevé d’empreintes digitales ou distillent des indications et des informations incomplètes à ces personnes.
Le phénomène de fuite des demandeurs d’asile concernés par une procédure de transfert, par ailleurs très peu documenté, ne représente qu’un aspect marginal des difficultés que rencontrent nos services pour faire appliquer le règlement Dublin III.
De ce point de vue, la solution proposée par les auteurs de la proposition de loi n’aura que peu d’impact sur la mise en œuvre globale des procédures de transfert. Il est clair que les États membres peu enclins à honorer leur responsabilité vis-à-vis d’un demandeur d’asile auront la tentation de retarder leur réponse à la France, ce qui aura pour conséquence d’étendre la durée du placement en rétention.
C’est pourquoi il est proposé de maintenir le placement en rétention dans son état actuel, afin de ne pas allonger un peu plus encore les délais d’encadrement des personnes concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement, par cohérence avec les explications données lors de l’examen de l’amendement n° 5.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis étonnée de constater dans un hémicycle quasi vide la facilité avec laquelle nombre d’entre nous acquiescent placidement à ce texte indigne.
Je tiens à rappeler que je m’étais rendue à la veille des élections régionales au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes, alors rempli de réfugiés syriens. À l’époque, certains de ces réfugiés tentaient encore de rejoindre Calais. Leur placement en centre de rétention n’avait donc d’autre but que de vider Calais.
Il s’agissait en réalité d’une stratégie politique et Mme Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avait d’ailleurs rendu un rapport sur le sujet.
Monsieur le ministre d’État, votre prédécesseur, M. Cazeneuve, avait nié cette réalité ici même lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, si ma mémoire est bonne. Cela m’avait valu à l’époque d’être insultée en public !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.
M. David Assouline. Je suis tenace, monsieur le ministre d’État. Je suis parlementaire et j’ai la chance de pouvoir poser directement mes questions aux ministres.
On peut me dire que l’on ne souhaite pas me répondre, mais il est inconcevable que l’on ne me réponde pas du tout ! Ma question n’est pas anodine tout de même ! Je vous ai interrogé sur certains faits que j’ai pu observer : des « dublinés » passent par les centres de rétention, alors même que cette situation est aujourd’hui illégale et que nous sommes en train de discuter d’une loi qui ne l’autorisera que pour l’avenir.
Je constate une pratique illégale en tant que parlementaire. Soit on me répond que je n’ai rien vu, rien constaté et que je mens, soit on justifie l’existence de ces pratiques par des circonstances particulières, mais il faut en tout cas me répondre ! C’est très important !
Quand la loi sera promulguée, elle s’appliquera. Ce sera la loi de la République. En attendant, le problème que je soulève est tout de même très grave. Il est d’ailleurs de notoriété publique et confirmé par d’autres que moi. J’ai simplement tenu à le constater de mes propres yeux.
Je vous repose donc la question que je vous ai posée tout à l’heure, monsieur le ministre d’État, avec toute la déférence que je vous dois mais, en même temps, avec tout le respect que j’exige en retour.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
L’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Tout demandeur reçoit, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. » ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au moment de sa présentation auprès de l’autorité administrative en vue de l’enregistrement d’une première demande d’asile en France, l’étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite défini aux a à j du II de l’article L. 551-1 du présent code. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Kanner, Sueur, Jacquin et Boutant, Mmes Blondin, Cartron et de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Fichet, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 27 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Outre notre désaccord par rapport à l’esprit de ce texte, nous proposons de supprimer l’article 1er bis, parce que nous considérons que la pseudo-garantie qu’offre cet article est complètement inopérante.
Cet article laisse en effet entendre que l’étranger, lorsqu’il vient en préfecture pour enregistrer une première demande d’asile en France, doit être considéré comme présentant un risque de fuite.
La garantie que cet article semble offrir, introduite par l’Assemblée nationale, est complètement factice. En effet, cette garantie n’est offerte à l’étranger qu’au moment où il se présente en préfecture. Quelques heures après, celle-ci n’en est plus une. Le demandeur d’asile aura fait la démarche de se présenter devant l’autorité administrative, parce qu’il souhaite enregistrer sa demande d’asile en France. Et on va le considérer comme étant en fuite et lui faire courir le risque d’être placé en rétention ? Ce n’est pas acceptable ! Certains pensent que cette garantie représente une avancée. De notre côté, nous proposons de la supprimer, dans la mesure où elle est totalement factice !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 27.
Mme Esther Benbassa. Par un effet de manche dont la nouvelle majorité semble avoir une grande maîtrise, l’article 1er bis, introduit sur l’initiative des députés du groupe La République En Marche, se voudrait rassurant quant aux conditions de placement en rétention des étrangers faisant l’objet d’une procédure Dublin.
Ainsi, le placement en rétention d’un étranger se rendant à la préfecture pour y déposer une première demande d’asile, au motif que le traitement de la demande relèverait d’un autre État européen en application du règlement Dublin III, serait interdit.
Dans le même sens, il est prévu que tout demandeur reçoive « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, une information sur ses droits et obligations » en application du règlement Dublin III.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dupes : ces garanties factices qui, pour certaines, figurent déjà dans un règlement d’application directe ne changent pas une seconde le caractère scandaleux de ce texte ! La rétention de demandeurs d’asile placés en procédure Dublin, dès lors qu’ils ne font encore l’objet d’aucune mesure d’éloignement, est et reste inacceptable !
Il y a quelques jours, à Rome, le président Macron jugeait, en réponse aux nombreuses critiques sur la politique migratoire du Gouvernement émanant tant d’intellectuels que d’associations, qu’il fallait « se garder des faux bons sentiments ». Eh bien, il ne s’agit nullement de sentiments ici : il s’agit de droits, de conventions internationales ratifiées par la France, de la convention européenne des droits de l’homme et de la Constitution !
Mais, après tout, on a bien le droit aussi d’avoir des sentiments quand on voit l’état dans lequel sont ces personnes lorsque nous visitons des centres de rétention. Sentiment et raison vont ensemble, lorsqu’il s’agit de ne pas laisser faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements. Pour être honnête, je dois même admettre une certaine incompréhension à l’égard de la logique suivie par leurs auteurs.
En effet, ces amendements visent à supprimer deux garanties supplémentaires, introduites par l’Assemblée nationale, garanties qui existent déjà par ailleurs dans le règlement Dublin III.
Par ailleurs, je ne veux pas être taquin avec notre collègue Jean-Yves Leconte, avec qui j’entretiens du reste de bonnes relations,…
Mme Esther Benbassa. Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour vous montrer « taquin » !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. … mais je voudrais lui rappeler que le groupe socialiste de l’Assemblée nationale s’était déclaré très satisfait de ces deux garanties.
Mme Esther Benbassa. Il s’agit d’un sujet grave, monsieur le rapporteur !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’entends bien, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il s’agit effectivement de garanties demandées par des députés.
Afin d’agir à la fois avec efficacité et humanité, nous avons décidé d’accepter ces deux dispositions.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 27.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Tout demandeur reçoit au moment de l’enregistrement de sa demande les informations sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. Elles lui sont communiquées en français et traduites dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend. » ;
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à préciser et à simplifier les dispositions introduites à l’Assemblée nationale, tout en maintenant le principe d’une communication des documents administratifs en français.
Il s’agit de permettre aux personnes demandant l’asile en France de se familiariser aussi souvent que possible avec la langue de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je vous demanderai, madame Costes, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
En effet, l’article 4 du règlement Dublin III règle déjà la question du droit à l’information des demandeurs d’asile, puisqu’il prévoit que les informations « sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet » par la Commission européenne.
Ces dispositions sont d’application directe et s’imposent à l’ensemble des États. Votre inquiétude me semble donc infondée, ma chère collègue.